, i | .j . ) [
C. S'
a
Ar f
‘ *••••• ••**•>•**
136
136
137
138
139
139
140
140
140
141
141
143
U4
166
167
168
168
169
170
233
233
n J
Paris. — Imprimerie Felix Malteste et C%
Rue des Deux-Portes-Saint-Sauveur, 22.
• %
LETTRES ICAR1E1ES.
A MON AMI EUGENE.
Adoptons, Pratiqiions, Proclamons, Propageons
le principe Chretien de la Fraternite ; tirons-en
toutes les consequences, et nous arriverons a l’or-
ganisation sociale la plus parfaite et la plus capa¬
ble de realiser completement le salut etle bonheur
de l’Humanite.
(Caret, Voyage en Icarie.)
I
Je te remercie, mon cher Eugene, de ta bonne et
longue lettre du mois demies.
Je savais bien que l’ouverture du Cours Icarien a
Cheltenham serait pour toi une bonne nouvelle. Je sa¬
vais d’avance ta satisfaction, parce que je connais ton
enthousiasme pour tout ce qui a pour but d’instruire,
d’eclairer et de moraliser les hommes; pour tout ce qui
les grandit, les eleve en connaissances, en puissance et
en dignite.
Oui, mon cher ami, le plus ardent des voeux que
formait notre illustre Maitre vient enfin d’etre realise.
Icarie possede ce Cours Icarien que son JnmJ^teur cou-
siderait comme indispensable, et qde nous desirions
tous non moins ardemment, paiee > que nous sec¬
tions , pour ainsi dire, combien nM^ en av6ns besoir
et combien d’avantages moraux let jvi&tpe ^physiqud
nous devions en retirer. Nous poi^nsT^
en effe
sans nousfaire trop d’illusion, attendr&jtebons, vTe^cel-
V
lents resultats de cette ecole mutuelle, ou chacun de
nos Freres et de nos Soeurs s’oblige a venir tour a tour
apprendre et enseigner la Morale et la Religion de la
Fraternity.
Je dis, nos Freres et nos Soeurs, car tu sais qu’en Ica-
rie la femme n’est en aucune facon consideree comme
inferieure a Fhomme, et je t’apprendrai combien elle
se montre digne de la rehabilitation dont elle y est Fob-
jet. Je te parlerai un jour du courage, de l’energie et de
la Constance que les Icariennes ont montres dans les
mauvais jours de Fhistoire d’lcarie. Tu lesverras assis¬
tant a toutes les Assemblies ^enerales, ecoutant la dis-
cussionde toutes nos institutions, de toutes nos lois, y
prenant part quelquefois, et donnant toujours leur avis
par un vote consultatif avant que les citovens soient ap-
peles au vote definitif de la loi.
Mais ]e veux avant te les montrer au Cours Icarien et
t ' *
dans nos fetes publiques, pour que tu applaudisses avec
moi aux belles et bonnes idees qu’elles y developpent,
aux grands et nobles sentiments dont elles se montrent
animees
Ce sera Feternel honneur du Fondateur dTcarie et des
* -
Icariens, d’avoir pris cette initiative de Femancipation
intellectuelle de la femme, pour Felever au rang qui lui
convient dans la Societe moderne,
Est-ce une illusion, une exageration de mon esprit?
Je ne sais, mais il me semble que c’est la un des grands
evenements de notre siecle, cependant si fertile en
grandes choses. C’est un nouveau monde conquis, la
moitie du Genre Humain qui nait a la vie sociale. Desor-
mais Fhomme ne marchera plus seul sur la route diffi¬
cile du Progres; la femme le suivra, le soutiendra,
Fencouragera par son noble exemple, et si les forces
morales venaienta lui manquerpour accomplir Fceuvre
— 5 —
• , » I • • • ,
Me regeneration, elle, compagne fidele et devouee, le
relevera en lui communiquant le feu de sa douce, mais
vive energie.
Je reviendrai a mon sujet. La femme, j’y reviendrai
souvent; car c’est d’elle que depend surtout l’avenir
d’lcarie, l’avenir de l’Humanite. C’est elle qui servira
de trait d’union, si je puis m’exprimer ainsi, entre
Tancienne et la nouvelle societe, entre la civilisation
qui s’en va et la civilisation qui vient. Mais je veux re-
pondre tout de suite a ta question sur la Religion Ica-
rienne.
; 11
f , i * ( 4 •
- Tu erois « qu’il est necessaire, pour fonder une so-
y> ciete nouvelle, de formuler une Religion qui puisse
» servir de base a la Morale, aux moeurs et aux lnsti-
» tutions nouvelles. Tu voudrais qu’on etablit un culte
» simple, ne renfermant rien de surnaturel ou de mer-
y> veilleux, rien que la raison ne puisse comprendre et
» approuver. »
Je suis d’accord avec toi sur beaucoup de points; ce-
pendant, je ne crois pas qu’il soit necessaire de formu¬
ler une Religion nouvelle, et tout a l’heure je te dirai
pourquoi.
Pour le culte, je crois, commetoi que, pour Icarie,
tout est a refaire, il nous faut sur ce point une reforme
radicale qui mette mieux en harmonie les actes paries-
quels nous rendons hommage a la Divinite et I’idee
que nous avons de sa grandeur.
Mais prenons garde de confondre la Religion avec le
Culte; cette confusion deviendrait necessairement la
source d’une foule d’erreurs : nous ne saurions nous
entendre en parlant de choses differentes.
Pour fixer notre esprit, nous devons deflnir exacte-
— k —
,ment nos idees; je vais (lone essayer de te faire com-
prendre ce que j’entends par Religion et par Culte.
Par Religion , j’entends ce sentiment general et uni-
versel qui, de tout temps et en tous lieux, a porte tous
les hommes a reconnaitre une Puissance superieure,
Auteur ou Createur du monde visible.
4
Cette Puissance superieure a recu une infinite de noms
divers, suivant le temps, le lieu et la langue des Peu-
ples. Ce 110 m a varie aussi, suivant l’idee particuliere
que s’en est faite chaque Peuple, et de Finfluence di-
recte ou indirecte qu’il lui a attribute dans le gou-
vernement de sa vie sociale ou individuelle. C’est ainsi
que dans notre langue on lui donne les noms de : Dieu>
{hre-Snpreme, Nature, Cause premiere, Createur , Pro¬
vidence, etc., etc. Tous ces mots ne sont qu’une maniere
differente d’exprimer la meme idee, et, le plus souvent,
on emploie Tun de preference a l’autre, uniquement
pour donner plus de force ou plus d’elegance au dis¬
cours.
Et remarque bien que cette idee d’une Puissance su¬
perieure a rhomme, consideree comme F Auteur et le
grand Architecte de l’Univers, a ete et est encore com¬
mune a tous les Cultes. De Y Orient a Y Occident, du
Nord au Sud , depuis les temps les plus recules jusqu’a
nos jours, partout et toujours, nous voyons cette idee
foridamentale reproduce sous des milliers de formes di-
verses. De cette manifestation unanime et constante de
FHumanite reconnaissant F existence d’un Etre-Supreme,
nous devons conclure que cette idee est inherente a
FEsprit humain; que c’est une des facultes que la Na¬
ture nous a donnee pour servir de lien necessaire, entre
elle, et nous comme aussi entre les individus de la grande
famille humaine.
Par Culte, j’entends Fensemble des actes faits par
« 5 —
1’homme en vue d’honorer, (le rendre hommage au
Createur. Ici, nous ne trouvons aucun des caracteres
que nous avons signales plus haut en precisant l’idee
religieuse. '
A la place de cette unanimite de tout le Genre Huinain,
nous trouvons une diversite infinie. Non seulement des
milliers de Peuples ou Peuplades dissemines sur la terre
ont, dans lememe temps, des milliers de cultes differents;
mais chacun de ces peuples, ou peuplades a change ou
modifie son culte plusieurs fois, et Ton peut afTirmer
que lescultes existantaujourd’hui,seront encore changes
et ameliores; parce que les cultes etant l’oeuvre des
hommes, sont comme toutes les oeuvres humaines,
susceptibles de progres et ^ameliorations.
Des definitions qui precedent, je conclus que, malgre
le nombre et la diversite des cultes, il n’y a qu’une seule
et meme religion pour tous les hommes de tous les
temps : qu’elle est independante de toutes les doctrines
ou dogmatiques particulieres, de toutes les organisations,,
en un mot qifelle est Nalurelle et Universelle. Tu com-
prends maintenant pourquoi je ne crois pas qu’il soit
utile de formuler une religion nouvelle. C'est qu’il n’y a
pas et qu’il ne peut pas y avoir deux religions, pas plus
qu’il ne peut y avoir deux verites, deux justices, etc.
Nous avons vu qu’il n’en est pas de meme du culte;
que celui-ci varie a l’infini, suivant le temps et !e lieu :
cree par 1’homme il paralt generalement etre fait en vue
de l’homme plutot qu’en vue de Dieu ; car il varie en
effet suivant les niceurs et le degre de civilisation du
peuple pour lequel il a ete etabli. Le culte correspond
encore le plus souvent aux vues de celui ou de ceux qui
l’etablissent, et les ceremonies, les pratiques religieuses
qui en forment l’ensemble ont presque toujours un
caractere social et politique (1). Aussi les grandes
reformes ou le changement du culte sont-ils toujours
pour un Peuple les precurseurs ou la consecration d’un
changement de moeurs et d’organisation politique et
sociale. ' : ‘ , ; ;
Le but du culte etant de mettre Thomme en rapport
avec l’Etre superieur qui gouverneTUnivers, il est clair
qu’il sera aussi en harmonie avec 1’idee que son fonda-
teur ou ses fondateurs se sont faite des attributs et des
qualites de la divinite, ou bien de 1’ideequ’ils ont voulu
en donner au Peuple pour lequel il aura ete organise.
(Test pourquoi nous voyons Dieu represente , tantot
comme un maitre jaloux et vindicatif, tantot comme
1’ideal de la supreme bonte et de la supreme indul¬
gence.
Ce que nous venons de dire du culte, nous explique
suffisamment son immense influence sur les destinees
des Peuples. Nous comprendrons mieux encore cette
influence, si nous considerons que la masse des homme&
(1) u Lorsqu’une religion nait et se forme dans un Etat, elle suit
ordinairement le plan du gouvernement ou elle est etablie, car les
hommes qui la recoivent et ceux qui la font recevoir n’ont guere d’autres
idees de police que celles de l’etpt dans lequel ils sont nes. Quand la
religion chretienne souffrit, il y a deux siecles, ce malheureux partage
qui la divisa en catholique et en protestante; les peuples du Nord em-
brasserent la protestante, et ceux du Midi garderent la catholique.
» C’est que les peuples du Nord out et auront toujours un esprit
d’independance et de liberte que n’ont pas les peuples du Midi, et qu’une
religion qui n'a pas de chef visible convient mieux a l’independance du
climat que celle qui en a un.
* Dans les pays memes oil la religion protestante s’etablit, les revo¬
lutions se firent sur le plan de l’etat politique. Luther ayant pour lui
de grands princes, n’aurait guere pu leur faire gouter une autorite eccle-
siastique qui n’aurait point eu de preeminence exterieure, et Calvin^
ayant pour lui des peuples qui vivaient dans des republiques, pouvait
fort bien ne pas etablir des preeminences et des dignites.
» Chacune de ces deux religions pouvait se croire la plus parfaite*
la calviniste se jugeant plus conforme a ce que Jesus-Christ avait dit*
et la lutherienne a ce que les apotres avaient fait. »
(Mont. Esp . des L. t. n. p. 423.)
o
% • ' r » t •
confond presque toujours la religion avee les ceremonies
• ' ‘ ,.
ou I’exercice des cultes, si I)ien qu’elle Unit par ne plus
les distinguer et qu’elle s'habitue a considerer comme un
f r * • *
outrage fait a Dieu meme, le manque d’egards pour une
des pratiques du culte.
A notre epoque, le developpement de l’instruction,
felevation et Telargissement des connaissances hu-
* / .
maines, en creant une sciences reelle del’Humanite, ont
fait disparaitre cette confusion dans les idees ; cepen-
dant iln’en parait.pas moins utile de s’arreter quelque-
fois sur ces questions pour en faciliter la comprehension
a ceux la memes qui ont le moins de temps a donner a
ces etudes.
^ • V ^ i V] J ^ J .... ’ » k ' *■ ~
4
Tu comprends maintenant pourquoi je te disais en
commencant que nous avons besoin pour Icarie d’une
reforme radicale du culte; c’est qu’en effet aucun de
f *
ceux qui existent ne repond exactement a l’idee que
nous avons de l’Etre supreme ou de Dieu ; ou du moins
on en tire des consequences sociales toutes differentes
de celles que nous en tfrons nous-memes.
On donne le nom de doctrine ou de principe a l’idee
^ **' 1 A
generate qu’on a de Dieu ou de l’Etre supreme et des
consequences sociales que Ton fait ressortir de cette
idee.
Yoyons done quelle est la doctrine ou le principe eta-
bli par le fondateur de 1’Ecole Icarienne, et admis par
disciples comme bases d’une nouvelle organisation ses
sociale :
> *» • •^ r * j j ,
^ * - * ' A. 1 Jl. )J -iiiv A • f • ?
' V X. * , . \
-, r T T • 9 • r *
DOCTRINE OU PRINCIPE.
« Nature. — Dieu. — Nous, Communistes leariens,
nous ne pouvons croire que l’Univers soit 1’effet du ha-
sard, et nous aimons a admettre une cause premiere f
— 8 —
souverainement intelligente et prevoyante,qu’on appelle
Createur , thre Supreme, Dieu , Nature , Providence .
» Nous croyons inutile et dangereux de s’obstiner a
decouvrir Forigine, la forme, F essence de cette cause
premiere : Inutile , parce que nous sommes convaincus
que c’est la un mystere et que Fintelligence humaine
n’a pas les sens, ou les organes, ou les facultes neces-
saires pour percer ce mystere; dangereux , parce que
Fexamen de ces questions conduit a des discussions qui
degenerent presque toujours en disputes, en divisions
et meme en haines.
» Dieu , Perfection. — Mais nous considerons Dieu
comme la superiority et la toute puissance, comme Yin-
fini et la perfection en tout.
» Dieu , Pere du Genre humain. — Nous aimons a
considerer Dieu comme Pere du Genre humain, comme
amour , bonte, justice , indulgence; nous imaginons qu’il
est le Pere le plus parfait, le plus juste, leplus tendre^
que ce meilleur des peres n’a que de l’amour pour ses
enfants; et qu’il les aime tous egalement.
» Destinee de l’Humanite ; Bonheur. — Nous ai¬
mons a admettre que Dieu, le plus parfait des peres, a
voulu le bonheur de ses enfants sur la terre. Nous
voyons qu’il a tout prodigue (Fair, la chaleur, la lumiere,
Feau, la terre, avec ses metaux, ses fruits et ses ani-
maux) pour les rendre heureux, en satisfaisant a tous
leurs besoins; nourriture, logement, vetement, de¬
fense, etc., etc. ; et nous croyons que Yinstinct f Yintel¬
ligence et la raison qu’il leur a donnes suffisent, avec ses
autres dons, pour assurer la felicite du Genre humain.
» Sociabilite ; Bonte naturelle. — L’homme est
sociable , par consequent attire vers son semblable, sym~
pathique, compatissant, affectueux, naturellement bon.
» Intelligence. —L’homme est eminemment intel-
•,* i ( i ■ r .i •; * • . \ .
ligent.
» Perfectibilite. —L’homme est evidemment per¬
fectible par /experience et par /education.
w Fraternite. — La Fraternite est pour nous le
principe essentiel, radical ou fundamental, generateur
«
de tous les autres principes, et qui les renferme neces-
sairement tous en lui seul.
» Mais cette Fraternite est elle-meme la consequence
que 1’Etre supreme ou Dieu est le Pere de tous
les hommes; d’ou il suit que tous les hommes sont ses
enfants, qui tous sont freres, et que le Genre humain
ne forme qu’une famille dont tous les membres doivent
s’aimer et se devouer reciproquement, dans leur interet
t ,
et pour le bien commun, comme nous concevons que
doivent le faire les freres les plus parfaits.
» Pour nous/les consequences de la Fraternite sont:
la Solidarity, 1’Unite, 1’Egalite, la Liberte, le perfec-
tionnement de /Education, la purification du Mariage
et de 1a, Famille....
. » Ce principe de la Fraternite est a la fois Philoso-
phique et Religieux....
» A nosyeux, c’est l’idee la plus avancee et la plus
feconde, la Morale la plus pure, la Philosophic la plus
douce, la Religion la plus sublime! »
Yoici done toute la Doctrine Icarienne se resumant
dans cette idee fondamentale de : la Nature ou Dieu ,
Createur et Pere du Genre Humain; puis, comme con¬
sequence necessaire de cette doctrine, la Fraternite des
hommes, ne formant qu’une seule et grande famille
unie dans /amour du Createur.
Cette Doctrine est semblable a celle du Christ, et
Cabet, loin de vouloir se donner comme imenteur
- 10 —
d’une Doctrine nouvelle, s’est constamment attache a
^iemontrer la similitude de sa Doctrine avec celle du
Christ, et, pour l’etablir, il les a souvent comparees 1
entre autres fois, dans son Comple-rendu sur la situation
£
de la Colonie en 1855, dans lequel il s’exprimait ainsi r
c c « f*
e y i *.*• , V • t . f t - 7 ' ' . * *
LE COMMUNISME ICARIEN, C’EST LE VRAI CHRISTIANISME.
' , * * ?
« Jesus-Christ est venu apporter une loi nouvelle , un
systeme d’organisation pour la societe, qu’il appelait le
Regne ou le Royaume de Dieu , la Cite nouvelle.
» Pour lui, Dieu etait esprit, amour . vie , Pere de
l’Humanite. Il s’appelait lui-meme tantot Fils de Dieu,
tantot Fils de VHomme, freredes autres hommes, sur-
tout des Pauvres, des Opprimes et des Malheureux. 11
repetait sans cesse que tous les hommes sont fils de
Dieu et freres.
» Il se bornait a deux principes ou deux commande-
ments generaux et principaux; le premier, aime Dieu
(qui est Y esprit, famour, la vie, la jusice, la honte, la
toute-puissance, Finfini, la perfection en tout, etc,), et
le deuxieme, aime ton prochain ou ton frere comme toi -
meme; et il ajoutait que ces deux commandements se
confondaient pour n’en faire qu’un seul, et que c’etaitla
toute la loi et les proplieles. Son grand principe social
etait done la Fraternite des Hommes et des Peuples, et
il disait : aime pour etre aime, secours pour etre se-
couru. 11 adoptait ces maximes philosophiques:
« Ne fais pas a autrui ce que tu ne voudrais pas qu’il
te fit; fais aux autres ce que tu voudrais qu’ils te
3> fissent. »
» Comme principes secondaires, il proclamait I’Asso-
ciation, FEgalite, la Liberte, FUnite, le Progres et le
Perfectionnement indefini.
- 11 -
r- * * - • % T* ^ ' ' f
d 11 combattait surtout lamisere; et, pour la sup-
i > • , m
primer, il recommandait la Communaute de biens, en
declarant que Fopulence empechait d’entrer dans le
Royaume de Dieu.
« Les Apotres, les Peres de FEglise et les premiers
Chretiens pratiquerent !a Communaute, et si, au lieu,
de faire des Communautes d’hommes seulement, on de
femmes seulement, ils avaient fait des Communautes
d’hommes et de femmes, avec le mariage et la famille;
des Communautes agricoles et industrielles, la Commu¬
naute serait etablie aujourd’hui sur toute la terre. »
Si la Doctrine de Jesus est toute dans ces deux com-
mandements :
X
* , » _ r r •
Aime Dieu par-dessus toutes choses,
Aime ton prochain comme toi-meme,
(et il ne pent y avoir de doute a cet egard, puisque c’est
Jesus lui-meme qui le dit), il est certain que la Doctrine
i i «
Icarienne Concorde avec la Doctrine Chretienne et que
les Icariens sont Chretiens en ce sens. Aussi Cabet dira-
t-il encore : « Les Icariens sont de vrais Chretiens; notre
» Communion est le vrai Christianisme, nous sommes
» les Disciples de Jesus-Christ; son Evangile est notre
» Code; sa Doctrine est notre Guide. »
Est-ce a dire que les Icariens soient exclusivement
Chretiens, et que la Doctrine Icarienne soit pour ainsi
dire le fac-simile on la copie de la Doctrine Chretienne?
Non, evidemment. Et je dirai merne que, semblableau
Christianisme dans son principe d’un Createur Pere du
Genre Humain, et dans cette affirmation que tons les
homines ne forment qu’une famille de freres et de sceurs,
la Doctrine Icarienne differe de la Doctrine Chretienne
dans presque toute son organisation actuelle.
— 12 —
Ainsi, par exemple, le travail est considere, dans
Vorganisation des cultes Chretiens, comme une punition
infligee a l’homme par Dieu, tandis que, dans la Doc¬
trine Icarienne, le travail est considere comme Pexercice
des plus nobles facultes de Phomme, celles qui lui don-
nent le premier rang dans la Creation et qui le rappro-
chent le plus de son Createur, puisqu’elles le font crea-
teur lui-meme par son industrie.
Cette difference dans Porganisation des deux Doc¬
trines est plus frappante encore dans la pratique : ainsi
4
la perfection ideale pour le Chretien, c’est la priere, et
ils se reunissent pour prier. Pour nous, Icariens, nous
ne croyons pas que le Grand Architecte veuille changer
Pordre de PUnivers pour ceder aux prieres eontradic-
toires de chacun de nous , et nous croyons que le plus
grand temoignage que nous puissions rendre de notre
veneration pour lui, c’est de nous conformer avec recon¬
naissance aux lois qu’il a etablies en vue de notre es-
pece. L’activite physique et intellectuelle dont nous
sommes doues; les hesoins que nous avons a satisfaire
pour assurer notre conservation, tout nous demontre
que le travail est une loi que la Nature nous a donnee
pour assurer notre bonheur, et, pour obeir a cette loi,
nous nous reunisson;', pour travailler en commun.
Tu comprends, mon cher ami, combien de conse¬
quences doivent decouler de ces deux points de vue,
sur Temploi de Factivite humaine, et combien doit dif-
ferer l’organisation des societes, suivant qu’elles adop-
tent Pune ou Pautre de ces idees.
Montesquieu avait bien apercu les inconvenients que
'doit produire cette idee du travail considere comme
punition; aussi propose-t-il de considerer, pour Peta-
blissement des fetes destinees a honorer Dieu, « les
A
hesoins des hommes plus que la grandeur de PEtre
r- 13 -
que Ton veut honorer. (1)» C’est cette opinion que la
societe moderne a adoptee en cessant d’observer un grand
nombre de fetes etablies par le culte. Mais ce qui nest
ici qu’une modification imposee par la necessite devient
pour nous, Icariens, une question de principe, d’ordre
et de morale, parce que nous considerons le travail
comme un bienfait et comme la marque divine de
notre superiorite dans l’echelle de la Creation.
Les differences que nous venons de remarquer entre
l’organisation tiree de la doctrine chretienne et l’orga-
nisation Icarienne, n’empechent pas que ces deux doc¬
trines aient une commune origine dans le principe
generateur d’un Etre supreme,Createur etPere du Genre
Humain. Mais nous avons vu aussi que cette doctrine
n’est pas exclusivement celle du Christianisme, qu’elle
est celle deTHumanite dans tous les temps et danstous
les lieux, et que ce qui distingue les religions qui regnent
chez les differents peuples, n’est qu’une question de
culte ou ^organisation donnee par des legislateurs plus
ou moins eclaires.
Ill
A Torigine du monde, alors que l’homme prive ^expe¬
rience et ^instruction , n’avait pour societe et pour
patrie que sa famille naturelle, il dut avoir un culte
tres simple pour honorer la divinite*, ses epanchements
vers elle devaient etre tout d’inspirations spontanees,
sans organisation , et pour ainsi dire instinctifs. Mais
(1) « Quand une religion ordonne la cessation du travail, elle doit
avoir egard aux besoins des liommes plus qu’a la grandeur de l’etre
qu’elle honore...
» Lorsqne Constantin etablit que l’on chomerait le dimanche, il fit
cette ordonnances pour les villeset non pour les peuples de la campagne.
Il sentait que dans les villes etaient les travaux utiles et dans les cam¬
panile les travaux necessaires...
» Par la meme raison , dans les pays qui se maintiennent par le
commerce, le nombre des fetes doit etre relatif a ce commerce meme.»
(Mont. Esp. des lois, t. n, p. H5.)
tjuand la famille grandit, que la tribu se forma, on
sentit le besoin d’une organisation , on rechercha un
principe, une base pour cette organisation, et celuiqui
formula son idee sur les rapports de Fhomme avecDieu
fut le premier legislateur religieux et politique.
On comprend que cette premiere organisation de la
societe a pu et a du etre modifiee a mesure que la societe
s’est agrandie , qu’elle a change d’etat ou de climat, et
a mesure aussi que 1’experience a agrandi le cercle des
connaissances humaines; le developpement de ces con-
naissances doit done amener de nouveaux changements,
parce que Ton reconnait les erreurs qui se sont glissees
dans I’oeuvre des legislateurs anterieurs, et que Ton
decouvre les nouveaux aspects sous lesquels se developpe
• *
la vie ’collective de l’Humanite.
La Doctrine Icarienne de la Connnunaute n’est pas
un principe nouveau, sorti inopinement de rimagina-
tion d’un cerveau enthousiaste. Ce n’est au contraire
que le developpement social de la doctrine religieuse de
FHumanite.
La tbeorie de ce developpement appartient plus par-
ticulierement auChristianisme qui a repandu et vulgarise
pour ainsi dire , la Doctrine de la Fraternite entre tous
les homines ; mais nous avons vu que le Christianisme
a echoue dans la pratique sociale de cette Doctrine a
cause surtout de l’erreur dans laquelle tomberent ses
fondateurs ou leurs interpretes quant au but de 1’actix ite
humaine.
Les Icariens viennent done reprendre 1’oeuvre ina-
chevee des propagateurs de la Doctrine de la Fraternite,
et e’est en ce sens que Cabet a dit, et que ses disciples
'repetent qu’ils sont de vrais chretiens; les disciples et
les continuateurs de Jesus-Christ.
Tu remarques sans dome combien il est important
dans l’application (Tune Doctrine d’enbien comprendre
toute la portee, et d’en deduire avec attention et sagesse
toutes les consequences, c’est pourquoi le Fondateur
d/Icaxie, nos freres de Cheltenham et nous tous, nous
V> . V W ' \
considerions comme indispensable le Cours Icarien, ou
chacun de nous pourra s’instruire sur les conditions
essentielles que nous devons rechercher pour remplir la
mission que nous nous sommes donnee.
Nous suivrons done ce Cours, si tu le \ eux bien ; nous,
le suivrons non seulement enlisant les sujets qui y sont
traites a Cheltenham, mais en y prenant part, nous-
memes, comme tu verras tout a l’heure , le President
de la Communaute nous le demander; et en traitant
les sujets qui nous paraissent le plus interessants.
Voici un discours du cit. Cabet, sur la Fraternite r
discours qui a etc lu a Tune des premieres seances du
Cours:
FRATERNITE.
RELATIONS FR A TE R NE L L E S.
r r *
]
f #
(( Consideree comme doctrine religieuse, ou philoso-
phique, ou morale, ou sociale, ou politique, la Frater¬
nite proclame que tous les homines et tous les Peuples
sont freres par la nature ou par adoption, et que tout le
Genre Humain ne forme quhine famille unie et guidee
par F amour; la Fraternite, disons-nous, est assurement
la doctrine la plus rationnelle, la plus pure, la plus
sublime et la plus digne d’etre appelee divine, parce
qu’elle est la plus capable de garantir la concorde et la
paix , 1’union etle honheur dansrHumanite tout entiere.
11
« C'etait dejii la doctrine de beaucoup de pbilosophes
— 16
et de plusieurs Religions de l’antiquite, qui conside-
raient le Dieu de FUnivers comme le Pere de tous les
hommes et qui proclamaient comme fondamental ce
double precepte : Ne fais pas aux autres ce que lu ne
voudrais pas quits le fissent: — Fais aux autres tout
le bien que tu voudrais en recevoir.
III
» Celui-la serait parfait qui observerait et pratiquerait
toujours ces deux preceptes et qui, avant de faire un
acte quelconque , se demanderait a lui-meme, dans sa
conscience et son coeur : Youdrais-tu qu’un autre te fit
ce mal ou ce bien ? Car personne ne voulant etre de-
pouille, exploite, opprime, personne ne depouillerait
n’exploiterait, n’opprimerait les autres; il n’y aurait
plus de calomniateur ni de calomnie, plus de spoliateur
ni de spoliation, plus d’oppresseur ni d’opprime, etc. y
etc. Au contraire, chacun serait indulgent, tolerant 7
misericordieux envers les autres, parce qu’il voudrait
que les autres fussent indulgents, tolerants, mise¬
ricordieux envers lui; chacun aiderait pour etre aide,
secourrait pour etre secouru, pardonnerait pour etre
pardonne , aimerait pour etre aime ; et Famour seui
avec la paix regnerait sur la terre ; et l’Humanite
serait aussi tranquille et heureuse qiFelle a ete troublee
et malheureuse jusqu’aujourd’hui.
IV
» Jesus a conflrme et fortifie ce double precepte en le
remplacant par celui-ci: Aime Dieu par-dessus tout et
ton prochain ou ton frere comme loi-meme. En ajoutant
que ces deux nouveaux commandements n’en font qu’un
seul, et que ce commandement de fraternite et d’amour
paternel renferme toute la loi.
« Suivant Jesus, Dieu qui est Finfini et la perfection
en tout, est le Pere de tous les hommes, en sorte que
tous sont freres, et que le Genre Humain n’est qu’une
famille. Ce Pere est le plus parfait, le plus juste, le plus
indulgent, le plus tendre, le meilleur des peres que Fon
puisse imaginer. II desire le bonheur de ses enfants plus
que leur adoration, et leur dit: Si vous maimez , prou -
vez-moi votre amour en vous aimanl les uns les autres;
aimez-vous mutuellement comme des freres , c’est le culle
envers moi qui me sera le plus agreable. »
VI
Ainsi, la Fraternite ou FAmour fraternel c’est tout le
Christianisme, tout FEvangile, et Ton peut ajouter que
c’est le resume de toutes les Philosophies, de toutes les
Morales, de toutes les Religions, de tous les Systemes
qui tendent a la perfection de FOrganisation sociale.
VII
« C’est Fame et la base de la Communaute Icarienne,
de toute son Organisation sociale et politique, de sa
Constitution, de ses Lois, de ses Usages et de ses
Moeurs.
VIII
« Le mot Fraternite doit etre ecrit partout, sur tous
les monuments, dans toutes les salles de reunion, en
tete de toutes les lois.
IX
« L’fiducation doit la graver et l’enraciner dans le
cceur de tous les enfants, comme tout doit en faciliter la
pratique dans les actes des citoyens.
X
» Mais la Fraternite ne doit pas etre un vain mot,
nne derision et un mensonge, n’existant que sur les le-
vres seulement ou sur le papier ; il faut qu’elle soit une
-verite dans le coeur et dans les actes ; il faut en adopter
et en pratiquer toutes les consequences ; il faut agir en
tout comrne ferait le meilleur et le plus parfait de tous
les freres en prenant toujours pour guide ces preceptes:
aime ton frere corame toi-meme; ne lui fais pas, etc.
faisdui, etc.,.. ' \ ,
- « Ainsi, n’injurie pas ton frere, garde-toi de l’of-
fenser, de 1’insulter, de le Idesser d’aucune maniere, de
1’humilier, de le violenter, de rnedire de lui et surtout
de le calomnier; car tu ne voudrais rien de pareil pour
toi.
• XII
i ■" ♦-'-If
» Garde-toi d’avoir de la haine, du ressentimerxt,
aucun desir de vengeance; car tu n’en voudrais aucun
envers toi.
? : XIII . . .
■f - * >
» Point de disputes, point de querelles. Et comme la
rancune est ordinalreinent une souffrance, tandis que la
reconciliation est un plaisir, fais cesser la brouille et
* v* j „
reconcilie-toi le plus tot possible, car le plus tot sera le
meilleur; que tu aies eu raison ou tort, ne crains pas
de faire le premier pas vers ton frere; car c’est celui
qui fait le premier pas qui a le plus de raison et de ge-
nerosite, le plus de merite et de satisfaction.
XIV
- » Si tu aimes ton frere comme toi-meme, tu seras
*- ^ « ’ J . I J . J ^ v> » . .1 / . • * j
toujours bienveillant envers lui, toujours tolerant et in-
dulgent, toujours pret a Faider en tout, a le secourir, a
le defendre ou a Fexcuser contre ceux qui Faccusent,
• • .* j*- %• -
en tin mot a lui rendre tous les services possibles. Tu
— 19 .—
I
travailleras merrie a reconcilier des amis devenus adver-
saires.
I XV
* / 4 .
» Si chacun se renferme dans un froid egoisme pour
ne penser qu’a soi, il y en a qui se trouveront aban¬
doning, sacrifies et malheureux; et pour Jes autres,
quoiqu’ils puissent etre dans l’abondance de tout, la vie,
sans chaleur et sans amour, sera presque sans veritable
plaisir et sans charme. — Si chacun, au contraire, est
attentif aux besoins des autres, plus qu’a ses propres
besoins; s’il prefere, pour ainsi dire, les autres a soi-
raeme, s’il les aime autant et plus que soi-meme, il en
resultera que chacun sera soigne par tous les autres, et
que les relations sociales seront bien plus agreables,
parce qu’elles seront bien plus bienveillantes et affec-
tueuses.
XYI
‘ . v, r- , ■ OL ■ ' -
» Yous qui vous appelez freres ou qui vous adoptez:
comme freres, prenez done l’habitude d’etre atten-
tionnes et prevenants les uns pour les autres, et de vous
rendre tous ces petits services de chaque instant qui
prouvent et cimentent FAmitie, et qui doivent fairel’a-
grement de la vie commune.
, XVII
» Qu’il y ait parmi vous emulation pour ceder aux.
freres la premiere place au foyer ou a la table, ou la
meilieure part dans les partages; loin d’etre mecon-
tents, tous seront satisfaits, parce que tous les sacri¬
fices seront volontaires et inspires par FAmitie, et
parce que tous seront, a leur tour, egalement bien
traites.
XYI11
y> Gardez-vous surtout de toutes les jouissances on
— 20 —
satisfactions personnelles qui peuvent incommoder Jes
autres, les troubler, les contrarier et leur faire eprouver
quelque sensation penible.
XIX
» Soyez propres, non seulement par raison et par
dignite, mais aussi par fraternite, pour ne pas blesser
vos freres.
XX
» Reflechissez en tout, soyez attentifs sur vous-m6-
mes, et alors vous ne vous abandonnerez pas a des
actes qui vous seraient peut-etre insupportables de la
part d’un autre, et qui, sans beaucoup de plaisir pour
vous, peuvent etre infiniment desagreables pour vos
freres.
XXI
» Ceux qui mettront leur plaisir et leur bonheur a se
trouver habituellement avec leurs freres seront natu-
rellement conduits a toutes les manifestations affec-
tueuses et fraternelles, a unepolitesse franche, cordiale
et digne, remplie d’egards et depressions amicales. Us
se donneront le titre de freres ou de soeurs, de citoyens
ou de citoyennes.
XXII
» Et quel plus agreable spectacle que de voir une
nombreuse societe ou une nombreuse famille dont les
inembres se temoignent constamment et de mille ma-
nieres leur amitie fraternelle; ceux-ci en se serrant ami-
calement la main, ceuxda en se donnant le bras comme
des amis et des freres!
XXIII
» Nous venons de voir les consequences de la Fra¬
ternite pour tous les hommes entre eux et pour toutes
— 21 —
les femmes entre elles ; mais ce n’est pas tout: il faut
voir ses consequences pour la masse envers les vieillards
et envers les enfants, pour les hommes envers les fem¬
mes et pour les femmes envers les hommes.
XXIV
» D’apres notre principe de Familleet de Fraternite,
d’apres ces preceptes: aime ton frere, etc .; fais aux au -
ires, etc.; ne fais pas a autrui , etc.; chacun doit avoir
pour tous les vieillards le meme respect, les memes
egards, les memes managements que pour son propre
pere ; chacun doit avoir pour les peres des autres les
memes sentiments qu’il desire voir chez les autres pour
hauteur de ses jours.... Et ce sont les femmes surtout
et les enfants qui doivent s’attacher a prodiguer aux
vieillards, et surtout aux femmes qui pourraient etre
leurs meres, tous ces soins, toutes ces attentions, toutes
ces prevenances, tous ces egards qui charment la vieil-
lesse et larendent heureuse, en donnant a toute la jeu-
nesse la douce et consolante esperance de jouir a son
tour du meme bonheur.
XXV
» Que tous les hommes respectent et protegent frater-
nellement les femmes et les soeurs des autres, comme
ils desirent que les autres respectent et protegent leur
propre' femme et leurs propres soeurs. Quand tous les
hommes se feront un devoir de donner toujours aux
femmes la preference sur eux-memes pour les agrements
de la vie, et quand les femmes seront pour eux l’objet
d’une espece de culte, ils seront bien plus heureux en
rendant les femmes plus heureuses; car le bonheur de
leurs femmes sera le plus surmoyen d’assurer leur pro¬
pre bonheur.
XXVI
» De son cote que chaque femme cespecte les maris
des autres femmes comme elle desire que les autres
respectent son mari; que toutes soient modestes sans
vanite, sans orgueil, sans ambition, mais remplies d’6-
gards pour tous les hommes comme pour des freres de¬
vours, toujours prets a les defendre.
XXVII
• #1 f «• , #
‘ ‘ • ' A 1 t * - * t f %
- • * * tj|\l . \ w ; * j
» Quant a vous, petits enfants, le premier de vos
devoirs est de respecter, d’ecouter et d’aimer vos insti-
tuteurs comme vos pere et mere, d’etre docilesaleur
voix et reconnaissants des peines qu’ils se donnent
pour vous. Votre second devoir, presque egal au pre¬
mier, c’est de ne jamais oublier, ni dans vos etudes ni
A 1 *• • - «« • j ..
dans vos jeux, que vous etes tous freres, que vous devez
vous aimer comme des freres, sans jamais faire a un
autre ce que vous ne voudriez pas qu’on vous fit; et
pour etre sur de pratiquer constamment cette regie,
avant d’agir, que chacun de vous se demande a soi-
merne : voudrais-tu qu’un autre te fit la meme chose?...
jamais de disputes, de querelles entre vous; jamais
de violence, jamais de mal d’aucune espece a vos cama-
rades, et au contraire rendez-leur tous les petits services
que vous pouvezleur rendre, faites-leur tout le bien que
vous pouvez leur faire, et surtout n’ayez aucun plaisir
que vous ne partagiez avec eux. Que les plus grands,
plus raisonnables soient les soutiens, les protecteurs et
les guides des plus jeunes et des plus faibles.
XXVIII
" 0 . '# .r r »
» Et vous jeunes fdles, respectez et aimez vos direc¬
trices ; soyez reconnaissantes envers elles, affectueuses,
dociles, obeissantes, pour prendre les bonnes habitudes
de travail, de proprete, d’ordre, de soin, d’economie,
et surtout de fraternite, qu’on veut vous donner par
amour pour vous. „ -
» Vous etes toutes soeurs, et vous devez vous aimer,
vous soutenir, vous defendre comme des soeurs, sans
cliercherjamaisavous nuire,et enpartageant ensemble
toutes vos jouissances, tous vos jeux et tous vos plaisirs.
Que les plus grandes soient comme les soeurs ainees
des plus jeunes, toujou-rs affectueuses et devouecs pou r
aider, guider, surveiller et proteger leurs soeurs cadettes.
XXX
» Vous tous , nos cliers petits enfants , vous etes
aujourd’hui l’esperance de la Communaute; et si vous
etes dociles et attentifs a remplir vos devoirs en pro-
fitant de Y education qu’on vous donne , vous serez uu
jour le soutien et le charme de cette Communaute.
XXXI
» Aimez-la bien , la Communaute, car elle est pour
vous une tend re mere dont la tendresse merite toute
votre reconnaissance et votre amour.
XXXII
» C’est une tendre mere, qui pourvoit a tous \os
besoins, qui vous entretient. qui se charge de votre
education , qui vous adopte comme ses enfants quand
vous avez le malheur de perdre votre pere ou votre mere,
*en sorte que vous iVetes jamais exposes an malheur
plus grand de rester sans famille.— Nous vous prote-
geons , nous travaillons pour vous ; nous vous aimons
tous comme si vous etiez nos petits garcons et nos petites
lilies. — Nous vous admettons a nos jeux, a nos fetes ;
et nous prendrons tous les moyens de vous rendre la
vie agreable et heureuse ; car, je le repete , nous vous
aimons tous tendrement et ne desirous que votre
bonheur.
XXXIII
» Aimez done, mes chers enfants, la Communaute
Icarienne ; aimez vos pere et mere; aimez et respectez
lous les Icariens comme vos peres, et toutes les Ica-
riennes comme vos meres. Par vos respects, vos soins,
votre amour et vos caresses , soyez le charme de nos
vieillards. Aimez-vous surtout les uns les autres ; aimez-
vous comme des freres et des soeurs ; et vous serez tous
heureux en faisant notre bonheur ; et la pratique de la
Fraternite assurera la felicite dans la Communaute
Humanitaire. »
II faut lire et relire, puis relire encore ce chef-
d’oeuvre de sentiment et d’amour fraternel. Lisez-le,
vous jeunes gens qui entrez dans la vie sans experience,
sans guide et sans ideal, et si vous suivez les conseils
que vous y puiserez vous deviendrez des hommes sages
et eclaires. Lisez-le aussi, vous peres de famille; etudiez-
le, commentez-le avec votre compagne ; qu’il vous serve
pour apprendre a lire a vos enfants, exercez leur jeune
memoire en le leur faisant apprendre par coeur, qu’en
lisant ces pages, ils puissent se dire qu’elles sont le guide
de leurs parents et vous verrez leur intelligence se deve-
lopper, leur coeur se former aux lois de la vertu et de la
justice.
C’est a vous surtout, Icariens, que ce discours
s’adresse. A vous qui adoptez et propagez la doctrine de
la Communaute fraternelle, et qui aspirez a la realiser.
A vous surtout, freres et soeurs, qui nous devancez dans
la carriere de la pratique sociale de la Fraternite. C’est
vous surtout qui devez prendre pour guide cette exhor¬
tation de notre illustre et bien aime maitre! Entrez
hardiment dans cette voie, c’est celle du triomphe pour
— 25 —
vous et du salut pour le genre humain. Mais que dis-je
entrez dans cette voie? Continuez, devrais-je dire, car
vous y etes deja.
» Oui, mon cher Eugene, la famille Icarienne de
Cheltenham est reellement dans la voie de la pratique
de la Fraternite, et le Cours Icarien contribuera plus que
toutes leurs autres institutions a les y maintenir et a les
faire avancer. II v a bien peu de temps que cette insti¬
tution fonctionne, cependant ses effets sont deja sen-
sibles. Tu en jugeras mieux du reste en lisant le discours
que notre frere Mercadier a prononce a ce sujet, lejour
de la celebration de ranniversaire de la mort du Fonda-
teur d’Icarie:
DISCOURS DU CITOYEN MERCADIER
SUR LA SITUATION DU COURS ICARIEN.
Citovennes et citoyens,
%j
» II y a environ quatre mois que le Cours Icarien ,
ardemment desire comme une condition de notre
existence et de notre prosperity, a ete realise et inaugure
solennellement. Cette circonstance, Fimportance etFin-
teret de ces sortes de reunions , ce jour qui nous rap-
pelle des souvenirs graves et attendrissants a la fois ,
tout cela me donne le droit, et m’impose peut-etre
Fobligation, de presenter quelques considerations gene-
rales sur le Cours, et particulierement de faire ressortir
le caractere qu’il doit avoir.
» Le premier point sur lequel nou
naturellement notre examen , a ra
quences du Cours, au but qu’il se
chacun le sait, c’est de nous instrui
faire mieux connaitre la maniere de W
Communaute , c’est de nous ameliorefi
\-nijj
as , por
oso. but,
' i- (It- nous
pratiquer 1
/
Ll l
— 26 —
sommes-nous plus instruits, meilleurs praticiens ,
sommes-nous devenus moins imparfaits depuis Finsti-
tution du Cours ? Avons-nous des idees plus justes.
des sentiments plus purs ? Montrons-nous le courage ,
la perseverance , la patience , le calme , necessaires ?
Avons-nous fait quelques pas dans le chemin de la
Fraternite? En un mot, les bienfaits promis par le
Cours sont-ils en train de se realiser ? Le Cours n’ayant
qu’une existence de quelques semaines, la question se
trouve prematuree; des lors la reponse sera incomplete
ou difficile, au jourcFhui, en effet, il est difficile de savoir
si le Cours Icarien nous a rendus meilleurs, ils est
difficile de determiner jusqu’a quel point il aurait pu
nous ameliorer. Nous sommes done obliges de renvoyer
la solution de cette question a un moment plus opportun.
Cependant, nous pouvons direici,et e’est toujours
une satisfaction, que rien, absolument rien, n’est venu
dissiper les belles esperances que nous avons mises
dans cette institution.
» Quant a la maniere dont le Cours lui-meme a eu
lieu, il nous sera permis de nous expliquer plus cate-
goriquement, quoique brievement et sans details. Pour
cela, j’exprimerai, non mon opinion personnelle, mais
fopinion generale, et je Texprimerai telle que je la
connais. Generalement on croit que le Cours a ete
mieux qu’on n’avait ose Fesperer, surtout dans les
premiers temps d’essai , pendant lesquels tout ce qui
est nouveau et important, est difficile. Le mieux inat-
tendu s’est manifeste sous plusieurs rapports. Il serait
long et peut-etre inutile de les faire connaitre tous au-
jourd’hui. Je me bornerai a en indiquer un seul: Y obliga¬
tion dans laquelle se trouve cliacun de nous de prendre
une part active au Cours Icarien, et de contribuer, sui-
vant ses moyens, a le rendre interessant et instructif.
— 27 —
» Telle est la regie de conduite qui constitue le
caractere principal que doivent revetir ces assemblies ,
et sur laquelle je crois devoir en consequence insister,
en faisant ressortir son importance, comment elle a
ete suivie, et comment elle pent l’etre a Favenir.
» La loi sur le Cours Icarien , qui est Fexpression
unanime de nos volontes, fait, a chacun de nous, Fobli¬
gation de venir apporter une pierre a l’edifice que
nous elevons tous ensemble. Le motif principal de
cette disposition de la loi me semble facile a *com-
prendre , dans une societe bien organisee, et reposant
sur les vrais principes de la democratic. En Icarie ,
tout doit emaner de chaque citoyen , et de tous en
general, c’est-a-dire du Peuple, et tout doit revenir a
lui; force, puissance, droit, sentiment, idees, moeurs,
lois , et surtout ce qui a rapport a son amelioration
intellectuelle, morale et materielle. Rien n’estvrai, rien
n’est juste, si ce n’est fait pour lui et par lui. II doit
etre en meme temps la source et la mer de tout ce qui
le concerne. Le pretre , Finstructeur, le moralisateur
du Peuple Icarien, c’est le Peuple Icarien lui-meme.
Ce que Ton ferait reposer sur un on plusieurs, n’aurait
la solidite ni la duree de ce qui reposerait sur tous. Un
ou plusieurs peuvent disparaitre, peuvent changer, le
Peuple , le Peuple seul, vit toujours comme Peuple , et
pense toujours selon les idees et Fopinion qu’il vent
avoir. Yeut-il s’ameliorer? Lui seul en est capable ; on
peut Raider, mais non le supplier.
» Au reste, on sent, on comprend que cette regie de
conduite est la meilleure a suivre ; ce qui s'est fait le
prouve assez ; les eleves des deux ecoles, les jeunes
gens, les citoyennes et les citoyens , ont pris une part
active a nos reunions du Cours, par des chants, par de
la musique , par des fables, par des lectures, par des
58
commentaires; plusieurs ont traite des sujets divers ou
fait des reponses a des articles de journaux; chaque
citoyenne et chaqne citoyen va' lire , a son tour , avec
ou sans commentaires, le Vrai Christianisme. D’un
autre cote cependant, des hesitations se sont manifestoes,
et, je dois le dire, les pretextes ordinaires : je nose pas ,
je ne sais pas,je ne peax pas , se sont fait entendre avec
plus ou moins de raison.
» A Favenir, il faut que chacun de nous soit convaincu
de plus en plus, de la necessity ou il est de participer
activement a notre instruction et a notre moralisation ;
il faut que tons ceux qui sont rentres dans cette voie
continuent d’y marcher avec un zele de plus en plus
grand; il faut que tous les autres dominent toute hesi¬
tation, ecartent tout pretexte, et se mettent a Fceuvre,
en tenant a la disposition de leurs co-associes leurs
capacites, leur instruction, leur experience, en un mot,
tous leurs moyens.
» Ce sujet me parait avoir une importance si capitale,
que je ne puisle laisser sans ajouter quelques reflexions
a l’appui de mon opinion.
» J’ai dit plus haut que le Cours avait ete mieux fait
qu'on ne Tavait peut-etre espere. Ge qui le ferait croire,
c’est la satisfaction avec laquelle on y vient, avec
laquelle on y assiste, avec laquelle on en sort. Cette
satisfaction , j’en ai la conviction, doit exercer une
grande influence sur la Communaute et particuliere-
ment sur Funion que nous devons maintenir dans
notre sein. Eh hien ! qui oserait nier que ce bon resultat,
que ce contentement general, que cette salutaire in¬
fluence sur la societe ne proviennent reellement de ce
que beaucoup d’entre nous ont pris serieusement, et
avec succes, une part active au Cours Icarien? Personne.
Or, la meme cause produisant le meme effet, chacun
— 29 —
de nous doit comprendre l’etendue et la gravite des
devoirs qu’il a a remplir.
» Ces heureux resultats ne se bornent pas a se pro-
duire dans les limites de la Societe; ils rayonnent an
dehors dans un cercle qui tend a s’agrandir de plus en
plus. Je ne m’etendrai pas sur ce que la presse demo-
cratique a dit de bienveillant a ce sujet (1). Une autre
fois, en traitant des rapports de la democratic avec la
Communaute et lc Cours, nous aurons roccasion de le
faire ressortir. En nous contestant de parler aujourd’hui
de nos co-religionnaires, j’exprimerai la joie qu’ils
doivent eprouver en apprenant comment nous enten-
dons pratiquer le Cours Icarien, et chaque fois qu’ils
prennent connaissance des sujets qui y sont traites.
Qu’onenjuge, par la citation suivante, de ce qu’un
Icarien nous a ecrit dernierement; il dit : « En quoi
» consisle le vrai bon hear cle la citoyenne Gruber l mere
» (2), est un chef-d’oeuvre en miniature. C’est tout un
(1) La Colonie ne recoit pas moins d’nne centaine de journaux des
deux Ameriques et d'Europe, en echange avec son journal la Revue
icarienne, et beau coup de ces journaux s’occupent de la Communaute,
discutent ses principes et son organisation. Beaucoup se montrent bien-
veillants et font des voeux pour que l’experience donne raison a nos
esperances, d’aulres se montrent hostiles: mais la Revue repond vigou-
reusement et victorieusement.
(2) EN QUOI CONSlSTE LE VRAI BONHEUR.
« Selon moi, le vrai bonheur consiste dans raccomplissement de tous
nos devoirs publics et prives. L’accomplissement de tous nos devoirs-
nous donne une conscience pure, une ame calme; c’est done deja un
bonheur que personne ne peut nous oter, car il depend de nous seul;
par exemple, celui qui metirason bonheur aetre aime, respecte de tout
ie monde, il fera tout pour l’etre; il sera bon, indulgent; il s’abstien-
dra de toutes calomnies, de toutes medisances, de toutes paroles qui
pourraient faire de la peine inutilement, et surlout il pratiquera la jus¬
tice : sa conduite sera toujours loyale, honnete, exempte de soupcons;
il pourra toujours rendre compte de ses paroles commede ses actions.
» Etreaime et estime?... Vlais, si tous nous etions animes de ce desir,
quelle emulation, quelle harmonie, quelle fraternite, quelle prosperite
il en resulterait!... Oui, etre aime et estime, c’est le vrai bonheur,
car il est au-dessus de toute atteinte; rien ne peut nous l’arracher; il
est a nous, il depend de nous; on peut l’emporter dans la tombe. 11 y a
- 30 —
» code de conduite elevee et rationnelle. Tout Icarierr
» devrait l’apprendre par coeur. Honneur a cette lea-
» rienne! » Est-il un meilleur moyen de faire de la
propagande et de contribuer au progres du systeme
social que nous cherchons a repandre et a realiser ?
» Citoyennes et citoyens, puisqu’il est question de nos
freres de tous les pays, j’ajouterai que les observations
precedentes, applicables a chacun de nous, peuvent et
doivent etre aussi appliquees a chacun d’eux. Leur
interet est le notre ; le but que nous nous proposons est
le leur; comme nous, ils veulent le salut et la prosperity
dTcarie; ils doivent, comme nous, contribuer a la
rendre aimable, forte et prospere. Ils ont la merne obli¬
gation que nous au sujet du Cours. Ils sont obliges de
faire tous leurs efforts pour en augmenter l’interet, et
pour lui faire porter tous les fruits. Les idees qu’ils
auront ainsi a nous communiquer seront d’une grande
utility pour nous et pour la cause en general; car ils
se trouvent dans un milieu different du notre, et cette
circonstance peut leur inspirer des opinions qui seront,
en quelque sorte, le complement de nos opinions. II en
resultera une lumiere plus vive. Les questions de notre
amelioration seront traitees d’une maniere plus eten-
due. Les lacunes que nous aurions pu laisser en nous
isolant seront comblees par le concours de toutes les
intelligences de la grande famille.
» Nous nous adressons done a tous nos co-religion-
beaucoup d’autres bonlienrs, mais ils ne sont qu’accessoires ou passa¬
ges.
»II y a des personnes qui reportent toutes nos actions a un sentiment
d’orgueil; au moins, cet orgueil-la a l’avantage de ne blesser personne;
il ne peut etre que salulaire ; on pourrait l’appeler noble orgueil! Faire
le bonheur de ceux qui vous entourent en faisant le sien, n’est-ce pasde
la Fraternite bien comprise?
» On pourrait en dire beaucoup sur ce chapitre , mais je m’arrete la.
> Grubert mere. »
— 31 —
naires, et nous leur disons : — Que chacun de vous
prenne une part au Cours Icarien : envoyez-nous des
sujets traites collectivement ou individuellement; ils
seront lus au cours; ils seront reproduits dans noire
journal. Les principaux seront aussi publies dans les
brochures. CTest ainsi que tous les Icariens, en atten¬
dant de venir nous rejoindre, se mettront en contact
avec nous pnr l’idee et par le sentiment, et que la grande
famille Icarienne, unie par les memes convictions, par
les memes efforts et par le meme but, formera un fais-
ceau que rien ne pourra rompre. — En tenant un pared
langage a nos freres, nous eprouvons le plaisir que fait
ressentir l’esperance d’etre entendus. Nos freres nous
comprendront. Nos freres repondront a notre attente.
Nous ne voulons, pour preuve concluante, que tout ce
qu’ils ont fait pour nous en maintes occasions, et, en
particular, quand ils ont appris l’inauguration du Cours
Icarien. Lorsque cette nouvelle leur est parvenue, il
s’est fait, parmi eux, comme une espece de reforme
salutaire. Ils ont paru dire et ils ont dit en effet : « Nous
» aussi nous avons besoin de nous reformer, de nous
» instruire, de nous moraliser. A F oeuvre done. Ayons
)> des Cours. Instruisons-nous. Moralisons-nous. Deve-
» nons de plus en plus communistes, vrais, eclaires et
j) sinceres. »
» Instruction, moralisation! tels furent les cris qui
se firent entendre aux premiers jours de l’existence du
Peuple Icarien. C’est avec les idees qu’ils eveillent
qu’lcarie est nee; c’est avec ces idees qu’elle grandira.
» Les sujets qu’on peut traiter au Cours Icarien sont
innombrables. Chacun, membre de la Colonie ou Ica¬
rien de l’exterieur, est libre de choisir celui qui lui
convient. Mais on est libre aussi d’en proposer, et, au-
jourd’hui, je vais en proposer deux.
» Preincrement, je propose la Biographie de Cabet,
— 32 —
depuis sa naissance jusqu’a sa mort, avec les princi-
pales circonstances de sa vie et les principaux evene-
ments de son temps, qui d’abord font amene de pro-
gres en progres a concevoir le systeme social que nous
essayons de pratiquer, et ensuite a realiser et a defendre
ce systeme. Ce sujet est du plus haut interet pour nous.
Je n’ai pas besoin de le demontrer. Mais il estaussi etendu
et ausi difficile qu’interessant; aussi, je ne le propose
pas pour qu'il soit pret dans une semaine, ni dans un
mois; je le fixe a deux ans, c’est-a-dire au 8 novembre
1860.
« Secondement, je propose l’histoire de la derniere
revolution de Nauvoo, de 1855-56; on s’attachera par-
ticulierement a faire connaitre les causes de nos divi¬
sions, les motifs de notre separation et les consequences,
pour la Minorite et la Majorite, ainsi qu’au point de vue
de la Democratic, de cette revolution, de ces divisions,
de cette separation. La question est au moins aussi im-
portante que la premiere, inutile egalement de le de—
montrer. Et comme elle est aussi tres etendue, et,
puisque d’ailleurs, elle exigera de fauteur beaucoup de
reflexion et de calme, je propose de la fixer au 3 fevrier
1861, c’est-a-dire a peu pres de deux ans et un quart.
« Ces deux questions nous touchent particulierement.
Etudions-les, traitons-les, soit pour notre propre ins¬
truction , soit pour ^instruction generale. Que plusieurs,
que beaucoup, que tous, si c’est possible, y travail lent.
Plus il y aura de concurrents, plus la lumiere se fera.
A Fepoque en question, il sera fait un resume de tous
les traites, resume qu’il importera de publier. Les plus
interessants manuscrits seront lus et reproduits dans le
journal, et, si un ou plusieurs le meritent, ils seront
imprimes aux frais de la Societe pour former un ou-
vrage.
» En proposant ces deux questions et la maniere de
— 33 —
les traiter, il est bien entendu que chacun reste tout a
faitlibrede les resoudre a un autre point devue, el
pour une epoque differente, plus rapprochee ou plus
eloignee. »
Tu auras une idee plus complete encore de Fesprit
qui anime nos soeurs et nos freres de Cheltenham quand
tu auras lu leSdiscours prononces a l’occasion du meme
anniversaire par divers membres de la Communaute.
Je regrette de ne pouvoir te les donner tous, mais ceu\
que tu vas lireresument tous lesautres.
P.4 R LA Cl TO YEN NE BOUAS.
A la Ale mo ire du Fondateur d'I carte.
« Citovens et Citoyennes,
%J V }
» Ce jour est, pour nous tous, un jour de souvenirs
precieux , nous ne devons jamais l’oublier.
■»
» Pour nous, arrives depuis peu, qui nous unissons
a vous aujourd’hui definitivement, nous sentons le desir
de vous temoigner toute la joie que nos cceurs ressentent
a la vue du bon accord, de la Fraternite qui regne parmi
nous. C’est ce que notre estimable Fondateur avail tom
jours desire; c’est ce que nous desirous tous.
» Si quelquefois des idees contraires venaient troubler
nos idees Icariennes, repoussons-les fraternellement et
en pensant que les idees du venerable Cabet sont les
plus sublimes, et, par ce moyen, nous ne tomberons
jamais dans de mauvaises \oies, nous nous aimerons
toujours, nous prospererons, et nous serous toujours
heureux. »
PAH LE CITOYEN DAOIONT.
« En celebrant aujourd’hui le second Anniversaire de
la mort de celni que nous regrettons tous, il n’est point
superflu, je crois, de nous rappeler les efforts qu’il lit
de son vivant pour etablir Funion et Fliarmonie.
*
- 34
» Les deux annees qui viennent de s’ecouler nous ont
donne deux ecoles d’experimentation : Nauvoo, avec
1’avoir de tous, et Cheltenham, avec seulement 1’union,
sa volonte et sa foi dans ses principes.
)) A eette union, a cette harmonic, l’esprit de Cabet
nous y convie toujours. Qu’elles soient pour nous, Ica-
riens, notre etoile de ralliement et de Concorde! Et,
s’il arrivait que la porte s’entr’ouvrit a la discorde,
qu’elle soit vite fermee par les efforts de tous, que le
rayonnement de cette sublime Fraternite qu’il a si bien
su nous inspirer, converge toujours vers notre centre;
alors viendront se grouper autour de nous des hommes
de paix, d’ordre et de production. »
PAR LES GARCONS DE L’ECOLE.
Au souvenir de notre per el
« Citoyennes et Citoyens,
» 11 n’est done plus!.... celui que nous aimions tant,
qui avait pour nous tant de sollicitude; it nous a quit-
tes pour toujours. Oh ! nous nous en souvenons encore,
le jour ou il nous fut ravi, nos larmes furent abon-
dantes; comme les votres, elles furent ameres.
» Votre douleur fut vive, profonde, continue; la
notre fut passagere : —la jeunesse est l’heure de Tou-
ili; —mais aujourd’hui les souvenirs se pressent dans
nos coeurs et dans nos tetes. Nous nous rappelons tout;
nous nous souvenons de sa vie si pure et de sa mort si
glorieuse; aujourd’hui qu’il n’est plus, nousen sentons
le prix.
» Puisse son souvenir nous tenir constamment dans
le sentier de la vertu et du devoir. Puissed-il nous rap-
peler sans cesse son devoument sublime. Puissions-nous
Fimiter, cbers parents, afin d’etre dignes et de vous et
de lui!
— 35 —
LES JELNES FILLES.
Au Citoyen Cabet!
« 0 toi, pere cheri, protecteur de l’enfance et de la
vieillesse, toi, qui nous laissas en mourant ton esprit et
ton amour, vois si nous faiblissons, si toutes nos actions
ne sont pas vivifiees par ton esprit, s’il n’est pas tou-
jours notre guide, notre soutien; comme pour toi,
les privations, les dangers ne firent qu’elever nos ames
et donnerenta nos coeurs de nouvelles forces; toujours
unis, toujours fideles, nous allons (par notre exemple),
propageant ta doctrine dans le monde, opposant au
froid egoisme rAmour et le Devoument.
» Apportons par nos voeux de douces consolations a
deux de nos soeurs qui pleurent loin de nous, l’une un
tendre pere, l’autre un epoux adore! »
LES JEUNES GENS.
A Cabet! a sa Gloire!
(» Citoyennes et Citoyens,
» Le temps fuit. A l’horloge du jour la vie marque
ses heures. La nuit succede au jour, le printemps a
Lhiver, tout passe, tout perit, tout s’en va, tout.
excepte la Gloire! L’homme est mortel : sa Gloire est
immortelle. — Un glorieux trophee ne s’aneantit pas.
— La Gloire qui chante du heros la foi et le courage,
Laudace et la vertu, celle-la, disons-aous, celle-la ne
meurt point. Elle s’en va croissant, gravite d’age en
age, et recueille , en passant sur notre terre , des lar-
mes et des voeux , des soupirs et des fleurs , puis va les
deposer sur l’humble tombe du genereux Martyr.
» 11 est des destinees, il est des etres marques pour
fournir unecarriere illustre ; leur sort est d’etre grands.
Cabet devait briller et s’immortaliser. 11 a brille , non
pas comme Teclair, mais comme l’astre du jour, prodi-
— 36
guant sa lumiere, sa chaleur bienfaisante, et ranimant
les ames fletries par la douleur.
» Aujourd’hui , il n’est plus , pourtant il vit encore...
11 vit, car la mort fait tomber sous sa faulx sa fragile
matiere; mais les actions, mais la pensee ne se mois-
sonnent pas, car l’homme laisse apres lui sa vie et son
renom , l’eclat de sa vertu, le rayon de sa Gloire ! Cabet
n’est point mort; de tels genies planent sans cesse sur
le monde : son ame est toujours parmi nous, son coeur
ne cesse de vibrer au sein de la Nature!
» L. Marchand, P. Marchand, E. Wiske, P. Gru-
bert, L. Gillet, C. Raynaud. »
PAR LA CITOYENNE GRUBERT MERE.
« Citoyens et Citoyennes ,
» Voila deux ans que nous avons perdu notre Fonda-
teur, notre Pere venere; le jour ou des hommes comme
le Citoyen Gabet cessent de vivre sont des jours ne-
fastes dans l’histoire de FHumanite. Les hommes de
genie ne sont pas tres rares, mais des hommes qui
unissent le devoument au genie, le nombre en est
petit.
» Nous qui gardons son souvenir fidelement, agissons
comme si nous devious le revoir un jour, et recevoir le
temoignage de sa satisfaction.
» Je termineen faisantdes voeux pour les Citoyennes
Gabet. »
PAR LE CITOYEN BERNIER.
A l\i nniversaire du 8 novembre!
« Cheres Soeurs et chers Freres,
» G’est avec un redoublement de plaisir que je vous
appelle ainsi, surtout en ce jour, ou nous celebrons la
Memoire de celui qui nous appelait avec tant d'amour
ses chers enfants.
» Cette fete n’est pas une de ces fetes ordinaires, qui
- 37 —
ne laissent apres elles qu’un souvenir ephemere; pour
nous, Icariens, elle a un double but, but noble et
eleve.
» C’est la le caractere distinctif des fetes Icariennes ,
non seulement par rapport a la Fraternite et a la fran-
che cordialite qui yregnent, mais surtout parce qu’elles
sont un puissant levierd’instruction etde moralisation.
» Nous imitons encore par la les premiers Chretiens,
qui, dans leurs fetes et leurs agapes , avaient non seu-
lement pour but d’honorer la memoire des confesseurs
et des Martyrs de la foi chretienne, mais aussi de pren¬
dre pour modeles et pour guides Texemple de leur corn
rage, de leur devoument et de leurs vertus. »
» Si nous, les disciples fideles du grand Reformateur,
dont le devoument et l’amour pour THumanite sont in*
contestables, si nous communions aujourd’hui a ce
banquet fraternel, c’est, et pour honorer sa memoire
en retrempant nos coeurs et nos esprits dans le souve¬
nir de tant de vertus, et pour nous rappeler que notre
devoir est de marcher hardiment sur ses traces et de
nous encourager matuellement a suivre Texemple de
celui que nous nonunions avec tant d’amour etd’orgueil,
notre Pere bien-aime.
» La fete du 8 novembre a pour but aussi, de nous
faire ressouvenir que si son corps nous manque, son
esprit est toujours parmi nous pour nous encourager,
nous soutenir et nous aider a accomplir la tache glo-
rieuse qu’il nous a leguee. »
Bien! Tres bien ! Ce sont la de belles et nobles paroles,
qui ont d’autant plus de forces que ceux qui les pro-
noncent s'efforcent de lesmettre en action, et que pour
eux la Fraternite et la Solidarite ne sont pas de vains
mots. Voici encore un acte qui le prouve; je cite sans
commentaires:
— 38 -
LOI
Determinant Vemploi des 8,351 fr. 44 cent., provenant de la
Souscription de 1856-57.
« Lorsque la Souscription de 1856-57 fut provoquee,
eut, lieu, fut close, la Societe fit la promesse de consa-
crer les dons provenant de cette souscription a faire
entierement ou a completer Fapport d’utiles Icariens.
» L’article 85 du Contrat social reitere et consacre
cette promesse. Jusqu’aujourd’hui de grandes et nom-
breuses diflicultes, que chacun connait et que nous
n’enumererons pas, nous ont mis dans Fimpossibilite
de realiser ce que nous avions ainsi promis. Le pou-
vons-nous maintenant? Sortis des doutes et des embar-
ras de notre position, nous croyons devoir repondre
affirmativement, et c’est pourquoi la Gerance propose a
FAssemblee de prendre des dispositions dans le but de
regler l’emploi de la somme fournie par les dons en
question, de laconsacrer a l’usage convenu, et de lever
les difficultes que peut soulever Y execution de cette me-
sure en votant le projet de loi suivant :
» x\rticle premier. La somme de 8,351 fr. 45 cent. y
provenant des dons de la Souscription Icarienne de
1856-57, sera employee a Tusage convenu, qui est de
de faire ou de completer rapport d’utiles Icariens.
» Art. 2. Tous les Icariens pourront jouir de cette
mesure, pourvu qu’ils remplissent toutes les autres
conditions d’admission ou que rempecbement soit leve
par 1’Assemblee generate, conformement a une autori-
sation de partir.
» Art. 3. Tous ceux qui voudront profiter de la loi
enverrontau siege de la Colonie unedemande par ecrit
contenant les noms, adresses, profession du demandant
et des membres de sa famille, en faisant connaitre l'e-
poque a laquelle ils desireront partir pour entrer dans
la Societe.
\
39 -
» Art. 4. S’il arrive que le nombre (les demandeurs
excede celui des membres dont la Societe a besoin,
l’Assemblee generale choisira, aux termes de la pro-
messe faite, parmi les plus utiles.
» Art. 5. Si le demandeur designe ne part pas ou
n’est pas admis, la totalite ou le complement du mini¬
mum d’apport n’appartiendra ni a lui ni a la Societe; la
demande sera regardee comme non avenue.
» Art. 6. S’il se retire apres son admission provisoire
ou definitive, la totalite ou le complement du minimum
d’apport lui appartiendra, conformement a farticle 46
du Contrat social, en lui garantissant dans tous les cas
une somme de 50 francs, payable quinze jours apres la
demande en retraite.
» Art. 7. La plus grande publicite sera donnee a
toutes les operations que necessitera fexecution de la
presente loi.
» Art. 8. La presente loi sera en vigueur a partir du
jour de sa promulgation, et jusqu’a l’absorption com¬
plete de la somme en question.
» Cette loi a ete adoptee a funanimite par les ci-
toyennes, les admis provisoirement, les jeunes gens et
les citoyens en Assemblee generale, dans la seance du
jeudi 25 novembre 1858. »
Ont signe :
Le President de l'Assemblee,
C. Mesnier, President d'office.
Le Secretaire ,
Loiseau.
Certifie conforme :
Le Secretaire de la Gerance ,
Vogel.
Le President de la Communaute,
B. Mercadier.
Cette nouvelle loi a une grande importance sous tous
les rapports ; car non seulement elle remplit la promesse
faite au\ souscripteurs de 1856-57, mais elle ouvre, pour
ainsi dire, a tous les vrais Icariens, les portes de la
Colonie. Ce n’est pas a dire que ces portes leur fussent
fermees auparavant. Non ; mais il faut bien reconnaitre
que pour beaucoup de nos co-religionaires, la condition
d’un apport social etait un obstacle invincible. La loi
du 25 novembre, sans faire disparaitre d’une maniere
generate cette condition de la loi sur les admissions, en
attenue tellement reflet que Ton peut dire que son
application se trouve suspendue pour tous ceux qui sont
dans l’impossibilite de la remplir, et cela constitue veri-
tablement une nouvelle phase de l’entreprise Icarienne.
Mais tu comprends que cette disposition ne change
rien au principe de l’apport qui est, et qui sera toujours,
qu’en entrant dans la Communaute: Chacun devra
apporter lout ce qu it possede . Et la societe devra d’au-
tant plus exiger rigoureusement raccomplissement de
cette condition , que c’est une question du principe:
de chacun suivani ses forces.
Cette loi a encore une importance au point de vue
de la situation materielle de la colonie. Elle temoigne
hautement de sa rapide prosperity puisque moins d’un
an apres son installation a Cheltenham elle se sent en
mesure d’admettre sans apports, tous ceux qui remplis-
sent d’ailleurs toutes les autres conditions d’instruction,
de moralite, et qui seront juges dignes de devenir
citovens d’tcarie.
BIBLIOTHEQUE ICARIENNE.
Un des premiers besoins de l’homme civilise, c’est
d’apprendre, de s’assimiler les connaissances humaines
accumulees par les siecles anterieurs, recueillies et con-
servees au moven dc rimprimerie dans de nombreux
ouvrages qui forment, pour ainsi dire, le repertoire de
l’Esprit humain. Tu comprends qu’il importe au plus
haut degre que la Colonie puisse donner a tous ses
membres, le pain de Fintelligence aussi bien que le pain
du corps, dependant, tu as pu remarquer dansle der¬
nier compte-rendu que la Bibliotheque Icarienne est
encore a creer.
Nous avons pense qu’il ne fallait pas en laisser toute
la charge a nos freres de Cheltenham, qu’il convenait
au contraire que nous participions tous aux frais de sa
creation, puisque nous participerons plus tard aux
avantages que la Communaute en tirera.
En consequence, j’ai ouvert un compte a titrededows
pour la Bibliotheque Icarienne. Remarque, mon cher
ami, que je dis avoir ouvert un compte et non une sous -
cription; car c’est a dessein que j’emploie ce terme et
dans l’espoir de mieux faire comprendre ma pensee,
qui n’est pas en effet d’ouvrir une nouvelle souscription.
Nous ne devons en avoir qu’une seule, l’Emprunt Ica-
rien, sur laquelle nous devons porter toutes nos res-
sources.
Mais, depuis la cloture de la Souscription Icarienne
de 1856-57, plusieurs personnes, ayant voulu manifes-
ter leurs sympathies pour la cause Icarienne, m’onten-
voye quelques sommes a titre de dons. N’ayant aucun
compte ouvert pour porter ces sommes, j’ai pense re-
pondre aux voeux des donateurs en creant le compte de
Bibliotheque.
Puisque tu recois tous les dimanches deux ou trois de
tes amis qui, a\ec leur famille, vont passer la soiree
avec la tienne, vous pourrez chaque dimanche, avant
de vous separer, deposer une legere offrande dans une
tirelire ou un tronc dispose a cet effet sur ta cheminee
ou sur un meuble quelconque. Mais comme tes amis et
toi, vous avez chacun vos tirelires, ou vous deposes
chaque jour les economies qui vous sont possibles afm
de concourir a rEmprunt icarien, tu prendras garde
que ces offrandes en faveur de la Bibliotheque Icarienne
ne soient jamais une charge trop lourde pour personne.
Si, par hasard, un de tes amis amenait avec lui un
des siens qu’il desirerait te faire connaitre, tu ne dois
pas souffrir qu’on le sollicite pour verser aussi une of-
frande pour la Bibliotheque ; mais si, vous voyant faire,
il demandait de lui-meme a suivre votre exemple, tu
n’y consentiras qu’apres lui avoir donne V explication de
la destination des fonds ainsi donnes.
EMPRUNT ICARIEN.
La Colonie Icarienne de Cheltenham a rempli sa
promesse, de donner une garantie aux souscripteurs de
l’emprunt Icarien de 1857.
A l’epoque ou la souscription a 1’emprunt fut ouverte,
nous pensions reunir assez promptement une somme
suffisante pour acheter a quarante ou cinquante lieues
de Saint-Louis un terrain inculte vendu par FEtat, et
que nous aurions du payer comptant. Mais plusieurs
circonstances ont fait que la Soeiete de Cheltenham a
du adopter un autre plan et acheter une propriete aux
portes de la ville de Saint-Louis, ou elle s’est etablie
provisoirement. Cette acquisition et le nouveau plan
adopte offrent de grands avantages sous tous les rapports :
Nous les avons suffisamment fait ressortir dans des
publications anterieures pour que nous n’y revenions
pas specialement ici. Nous rappellerons seulement que
la propriete de Cheltenham-Sulphur-Springs a ete
achetee vingt-cinq mille dollars, soil environ 131,000 fr.,
payable en 10 ans. II a done fallu donner au vendeur
un privilege hypothequaire pour ce qui lui est du sur
le prix de la propriety. Cette necessite a oblige l’admi-
nistration de la Societe a chercher le moyen de donner
aux souscripteurs a l’emprunt la garantie la plus sure
possible , et apres avoir pris a Saint-Louis aupres de
personnes competentes, les renseignements necessaires,
elle m’a envoye un Fideicommis par lequel je me trouve
substitue a la Societe, comme proprietaire de tout ce qui
lui appartient tant en meubles qu’en immeubles, jusqu’a
concurrence de la somme souscrite sur Femprunt Icarien.
De sorte que la Societe venant a se dissoudre, la propriete
de Cheltenham serait vendue avec tout son materiel
d’exploitation , et sur le prix de la vente on preleverait
d’abord la somme qui resterait due au proprietaire de
qui Ja Societe a achete; puis la somme due aux souscrip¬
teurs a Femprunt; le surplus serait partage entre les
membres de la Societe au prorata de leurs droits res-
pectifs.
Ai-je besoin, mon cher ami, de rappeler que la plus
value que nos constructions, et la mise en rapport du
terrain ontd onnees a la propriete, et le materiel d’exploi¬
tation qu’on y a installe, sont d’une valeur double , au
moins, de la somme souscrite sur Femprunt. Tu remar-
queras seulement que chaque annee la creance du ven¬
deur diminuant de trois mille dollars, la garantie des
souscripteurs s’augmente d’autant, independamment des
nouvelles constructions qui deviendront d’autant plus
nombreuses que le nombre des membres de la Societe
s’augmentera plus rapidement.
Tous les interesses pourront prendre connaissance de
Facte de Fideicommis, dont je viens de parler, soit a
mon bureau , rue Baillet n° 3, ou j’en ai conserve une
copie, soit cbez ]VLCrosse,notaireaParis,rue de Grenelle-
Saint-Honore,ou l’original en langue anglaise est depose
avec une traduction en francais, faite par M. Langfelte,
traducteur assermente pres le tribunal de la Seine.
Ainsi, tu peux en toute securite engager tes amis a
placer leurs economies sur la Colonie Icarienne en
prenant des obligations de l’Emprunt, car elle peut
donner autant de garantie que n’importe quelle entre-
prise industrielle, et plus qu’aucune entreprise finan-
ciere.
Je ne te parlerai pas des avantages de ce placement
garantissant un interet fixe de 5 O/o et 15 O/o dans les
benefices de la Societe, j’aurai occasion de t’en reparler
en te faisant connaitre le dividende qui aura ete fixe pour
l’annee 1858. Je tedirai alors, en memetemps,a quelle
epoque je pourrai echanger les titres provisoires liberes,
contre les titres definitifs. La Gerance doit s’occuper en
ce moment de regulariser ces titres definitifs pour me
les envoyer aussitot. En meme temps que j’echangerai
les titres, je reglerai les interets et les dividendes ecbus.
NOLVELLES DE CHELTENHAM.
Les nouvelles qui me parviennent de Cheltenham
sont, generalement, tres satisfaisantes sous tous les rap¬
ports.
Nous avons vu par le discours de notre ami Mercadier
sur la situation du Cours Icarien, que beaucoup de
membres prennent serieusement part aux travaux qu’il
necessite. Nous avons vu le discours de la citoyenne
Grubert sur le vrai bonheur, et il me semble qu’il merite
parfaitement l’eloge que notre correspondant de Londres
en a fait. :
Nous avons aussi un remarquable discours de la
— Ud —
citoyenne Claudine Grubert, fille do la precedente, sur la
cause du mal< Et ces discours nous on font esperer
d’autres, non seulement des memos personnes , mais
nous esperons aussi quo d’autres citovennes suivront
lour exemple.
Nous avons encore plusieurs bons discours , par les
citoyensCh. Raynaud, Joseph Loiseau, Leon Marchand,
tous jeunes gens de 17 a 22 ans, pleins d’ardeur et
d’enthousiasme,mais d’un enthousiasme reflechi et rai-
sonne, comine il convient a des hommes serieux. Je te
communiquerai une autre fois quelques-uns de ces
discours. Le secretaire de la Gerance, le citoven Vogel, a
pave pour sa part un large tribut d’intelligence et de
savoir pour alimenter le Cours Icarien : il nous a fait
plusieurs articles ou discours que je tacherai aussi dete
communiquer.
Nous applaudissons de grand coeur a tous ces travaux.
Nous sommes heureux surtout de voir les Icariennes v
prendre une part active, car je te repete encore ce que je
je te disais au commencement de ma lettre: c’est de la
femme principalement que depend le progres social, et
c’est des Icariennes principalement aussi, que depend
l’avenir d’Icarie. Et c’est pourquoi j’envoie avec plaisir,
un bravo d’encouragement a nos sceurs qui out pris
Linitiative et qui ont donne l’exemple du travail intel-
lectuel.
Je dirai aussi bravo et courage a nos jeunes amis, qu’ils
n’oublient pas qu’ils sont l’avant-garde d’une generation
qui doit etre puissante par le coeur et par l’esprit, et
qu’ils doiventetre les initiateurs alaSociete,, a la civili¬
sation nouvelle. Preparez-vous done, mes amis, a cette
noble mission , par l’etude et par la pratique constante
de moeurs pures.
Tu sais que nous avons eu a subir une tres longue
— as —
morte saison pendant Fete dernier, et que cette morte
saison nous a fait eprouver une perte de 1,000 a
1,500 dollars; mais a partir du mois d’octobre les tra-
vaux ont repris et ce n’est plus d’ouvrage que nos freres
ont manque, mais de bras. L’excellente reputation de
nos tailleurs,la rapidite avec laquelle notre organisation
nous permet de livrer le travail, nous font rechercher
par les negociants de Saint-Louis, aussi nos amis espe-
rent-ils recevoir quinze a vingt tailleurs a la fin de fete,
et ils ne seront pas embarrasses pour les occuper tous.
Ils esperent aussi recevoir des cultivateurs et princi-
palement des jardiniers, qui ne manqueront par d’ou-
vrage non plus , car tout le terrain disponible a ete
laboure cet hiver , et tout va etre mis en jardin pour
cultiver des legumes, des fleurs et des fruits.
Des macons seront aussi necessaires pour construire
de nouvelles maisons , en attendant qu’ils en recoivent
plusieurs qui lui annoncent leur prochaine arrivee, ils
construisent en bois. C’est de cette facon qu’ils viennent
de terminer un atelier de forgerons et charrons, de vingt
metres de long, dont la construction a ete combinee-
pour pouvoir l’agrandir au besoin. C’est une nouvelle
Industrie que la Societe va creer, et de laquelle elle
attend de bons resultats.
II lui faudra aussi quinze a vingt ouvriers de ces deux
professions. II lui faudra egalement des tonneliers et des
menuisiers, de ces dernicrs surtout.
Je t’ai deja parie de l’anniversaire de la mortduFon-
dateur d’Icarie , dont la celebration avait ete renvovee
du 8 au 14 novembre. Ce jour la plusieurs admissions
ont ete faites par l’Assemblee generale. D’abord le citoyen
Bouas et sa femme, et le citoyen Leon Marchand dont le
noviciat etait flni, ont ete admis definitivement. Puis :
les cit. Pinthon, Duhamel, Vivier et sa femme, made-
- Ill -
moiselle Remaud, tons partis de France au mois de
septembre dernier, et arrives a Cheltenham le 4 novem-
bre, sont admis provisoirement. Le cit. Thienlin, phar-
macien, membre de la Communaute, qui etait en conge
en France depuis 18 mois , est rentre dans la Societe
avec les personnes que nous venons de citer. Une lettre
particuliere que Ton vient de me communiquer annonce
encore Fadmission provisoire d’un Suedois ; tandis
qu’une autre lettre particuliere ecritc par la femme d’un
ancien membre de la Colonie de Nauwoo, annonce a son
amie a qui elle ecrit en France, qu’elle se prepare a
rentrer avec son mari. cc La Communaute, lui dit-elle,
» n’est plus ce que nous Favons vue a Nauvoo a la fin
» de 1856, elle est infiniment mieiix sous tous les rap-
» ports. Nous allons tres souvent voir nos amis a Chel-
» tenham, et chaque fois je m’en reviens a Saint-Louis
j> j’ai le coeur gros d’etre oblige de les quitter. »
Cette sympathie de quelques uns des anciens Icariens
qui avaient quitte Nauvoo avant la scission de 1856, se
manifeste d’ailleurs autrement que par des paroles ; car
ils ont avance a la Colonie pres d’un millier de dollars.
C’est la , ce me semble, un signe assez certain de la
bonne position oil se trouve la Societe.
La satisfaction que nous eprouvons de ces bonnes
nouvelles, ne nous fera pas oublier une perte doulou-
reuse que nous avons faite dans fun de nos amis les plus
devoues. Notre frere Collet, jeune homme de 25 ans, est
decede le 10 decembre, emporte en une semaine par
une fluxion de poitrine. II y avait un an a peine que
Collet etait dans la Colonie, mais ses excellentes qualites
lui avaient attire , je ne dirai pas la sympathie , mais
l’amitie de tout le monde ; aussi sa perte a-t-elle cause
des regrets unanimes, et toute la Colonie a accompagne
ses restes au cimetiere oil reposent les restes du vene-
- 48
rableFondateur d’Icarie, et quelques autres de nosfreres.
morts an champ d’honneur, pour le triomphe de la
Solidarite et de la Fraternite humaine.
Les dernieres lettres que j’ai revues sont datees du
l^r janvier 1859. La discussion sur la revision de la
Constitution etait aFordre dujour de FAssemblee gene-
rale. Je Fen parlerai probablement dans ma prochaine
lettre, en attendant je te prie de recevoir Fassurance de
mes sentiments les plus fraternels.
J. Belize.
Pails. —Imp. Felix Malteste etCie, rue Ues Deux-Portes-Saiut-Sauveur, 22.
LETTRES ICARIENNES.
%
IV
Tu es mecontent, mon cher Eugene, du trop grand
laps de temps pendant lequel je telaisse sans nouvelles
de nos coreligionnaires de Cheltenham. Je suis contrarie
moi-meme de n’avoir pas pu t’ecrire depuis quatre mois,
mais ce sont les circonstances qu’il faut en accuser et
non ma bonne volonte.
Je t’ai promis, dans ma precedente lettre, de te
rendre compte, dans celle-ci, de la discussion a la-
quelle a donne lieu, pour nos freres de Cheltenham, la
revision de leur Constitution, conformement a leur
engagement du 13 octobre 1856. Je viens tenir ma pro-
messe, autant qu’il est en moi de pouvoir le faire, parce
que les details de cette discussion me font encore defaut.
Mais comme ces details ne sont au fond que d’un in¬
ter^ tout a fait secondaire, nous pouvons passer outre
quant a present.
Pour bien comprendre les evenements dopW4air-a te
rendre compte, il est necessaire de tcj
leur origine, a la naissance del’Ecole
50
V
Tu te souviens du mouvement des idees sociales
commence, des avant 1830, par les publications de
Fourrier et de Saint-Simon. Apres la revolution de
1830 , les disciples de ce dernier attirerent surtout,
l’attention, publique par la tentative dissociation qu’ils
firent aux portes de Paris. Mais, disperses par la force,
cette tentative fut bientot oubliee et 1’attention publique
attiree par d’autres evenements, malgre lesquels, les
idees sociales qui avaient ete emises, continuaient a
preoccuper un petit nombre d’esprits eminents ; mais
ce n’est guere qu*a partir de 1839 a 1840, que le mou¬
vement se communique aux classes laborieuses et com¬
mence a prendre un developpement tres considerable,
en meme temps qu’il acquiert un caractere nouveau.
M. Cabet venait de publier son Voyage en lcarie ,
ouvrage dans lcquel il developpait toute une organisa¬
tion sociale basee sur la Communaute des biens, la Soli-
darite et la Fraternite humaine.
L’apparition de ce livre causa une grande sensation
dans le monde politique, ou me Cabet jouissait depuis
quinze ans d’une grande influence. Les travailleurs adop-
terent en general son plan de Democratie, parce qu ? il
repondait a leurs aspirations. Ils y retrouvaient toutes
leurs pensees, qu’ils cherchaient vainement a formuler
auparavant et qu’ils ne retrouvaient nulle autre part.
Desormais ils avaient leur evangile social qu’ils propa¬
ger ent avec ardeur.
Cependant, la division ne tarda pas a se glisser dans
les rangs des partisans de la Communaute, et le con-
— 51 —
cours de diverse circonstances, ne tarda pas a faire
eclater une scission , suivie d’nne latte violente que
nous verrons se continuer au sein meme de la Colonie
tcarienne.
Dans le meme temps que paraissait le Voyage cn
lcarie , la doctrine communiste commencait a etre dis-
cutee parmi les Republicains d’alors, et surtout parmi
les detenus politiques. Le livre de Buonarroti sur la
Conspiration de Baboeuf , publie en 1828, servait a
alimenter la propagande de ces idees.
Au fondles partisans de Baboeuf adopterent les idees
contenues dans le Voyage en lcarie , sur la Communaute;
mais ils repousserent avec energie la marche de propa¬
gande pacifique indiquee par cet ouvrage, et qui se
trouvait soutenue et developpee par Cabet, dans le
journal le Popnlaire , qu’il venait de fonder pour de-
fendre et propager la doctrine de la Communaute.
Cette marche leur paraissait trop lente ; ils preferaient
tenter une Revolution et faire proclamer la Commu¬
naute par un gouvernement qui l’organiserait revolu-
tionnairement.
A cette fraction dissidente, il s’enjoignit uneseconde
beaucoup plus violente que la premiere. Revolution-
naire comme elle, elle pretendait etre beaucoup plus
radicale, et plus avancee que toutes les autres.
Le Voyage en lcarie n’inspirait aux hommes de ce
parti qu’un profond dedain, Cabet n’etait a leurs yeux
qu'un conservateur, un Bourgeois rempli de prejuges.
Ils ne lui pardonnaient pas surtout de conserver dans
son plan de Communaute, le mariage et la faniille, non
plus que des idees religieuses ; pour eux, un Aristocrate
seul pouvait avoir de telles idees. Cabet etait un ennemi
secret page par le cjouvernement.
Ce parti etait peu nombreux en France, et il etait tout
a fait discredits parmi les autres communistes, mais
il n’en servit pas moins de pretextes aux attaques les
plus violentes et les plus injustes contre tous les Com¬
munistes indistinctement, qu’on s’obstina de rendre
solidaires des idees particulieres de cette petite frac¬
tion.
Le parti pris des adversaires de la Communaute
d’attribuer a tous les Communistes les idees d’atheisme
et d’abolition du manage et de la famille, avec rinten¬
tion d’etablir ces idees par la violence; l’universelle
reprobation que de telles doctrines rencontraient dans
Fopinion publique, tout faisait pressentir a M. Cabet
qu’il fallait rompre avec de tels elements et s’en distin-
guer d’une facon radicale. C’est alors, en septembre
1842, qu’il proposa a ses amis de prendre le titre
d’Icariens, pour indiquer qu’ils adoptaient la doctrine
de la Communaute telle qu’elle etait decrite dans le
Voyage en Icarie , avec le manage et la famille , admet-
tant l’idee d’un Etre supreme comme pere ou Genera-
teur du Genre Humain et tous les hommes ne formant
qu’une famille de Freres ; enfin, l’idee sociale du Chris-
tianisme. Et comme plan de conduite, une propagande
legale et pacifique, pour amener a la pratique de la
Communaute par la persuasion etlelibre consentement
*
de tous.
Cette decision prise presque a Funanimite , par les
actionnaires du Populaire , fut accueillie avec satisfac¬
tion par la grande masse des Communistes; mais elle
— 53 —
donna lieu a un redoublement de violence dans les
attaques des partisans des societes secretes pour faire
la Revolution. Des ce moment le titre de Communiste
lcarien ou simplement d’Icarien servit a nous clis-
tinguer des autres fractions Communistes, et notre
propagande pacifique ne tarda pas a nous amener de
nombreux adherents.
Des le commencement de la propagande de l’atheisme
et de l’abolition du mariage , M. Cabet avait publie
plusieurs petites brochures pour refuter ces doctrines,
et pour en demontrer le dangereux effet, notamment la
refutation de Y Ilumanitaire , et la refutation de Ycibbe
Constant mais on comprend que plus les raisons qu’il
pouvait donner, etaient solides, plus elles exasperaient
contre lui les meneurs du parti. 11s laisserent bien en
arriere , les adversaires du Communisme , pour les
injures et les calomnies : ceux-ci tout en combattant
avec violence la doctrine de la Communaute, respec-
taient en Cabet l’homme integre, aux intentions
pures et desinteressees. Mais les Communistes dont
nous parlons ne, luij epargnerent aucune injure, au-
cune insulte. Leur fureur allait si loin qu’a differentes
fois, on les entendit dire, en parlant de lui, qu 'il fal¬
lait se clebarrasser par un coup de fusil de I’avo-
cassier .
Je souligne ces mots avec intention, parce que nous
retrouverons plus tard , a Nauvoo, les memes expres¬
sions et les memes sentiments.
Cependant, malgre toutes ces difficultes, la doctrine
Icariennesepropageaitrapidement parmiles travailleurs
et dans toutes les classes de la societe, le mouvement
de sa propagande devint presque irresistible, et il Unit
par entrainer et absorber en grande partie tous les
communistes. C’est alors queM. Cabet concutle projet
de realiser la communaute en fondant une Colonie dans
le Nouveau Monde , ou une Societe pouvait s’organiser
librement sur le plan de la communaute des biens, sans
causer ni trouble ni perturbation dans l’ancienne
societe. . m*ri<8w>u
Apres avoir muri son projet dans le silence de son
cabinet, il le communiqua a ses adeptes au commence¬
ment de 1847. II proposa a tous les Icariens de s’unir
et de mettre en commun tout leur avoir pour aller fonder
Icarie en Amerique, c’est-a-dire, de former une societe
d’apres le plan de communaute donne dans son Voyage
en Icarie. La proposition fut adoptee avec des transports
d’enthousiasme par tous les Icariens, et meme par une
grande partie des autres nuances de l’ecole communiste
que cet evenement rapprochait davantage encore de
l’Ecole Icarienne. Des ce moment un immense mouve-
ment s’opera parmi les Icariens, la plupart d'entre eux
n’eurent plus qu’une pensee, qu un but: partir le plus
vite possible pour aller fonder Icarie. Chacun s’y pre¬
para en realisant son avoir. Et ce ne furent pas seule-
ment de simples ouvriers qui adopterent la proposition
d’emigrer pour aller fonder une societe nouvelle, sur les
bases de la Communaute, dans les deserts de 1’Amerique;
des hommes de toutes les classes s’associerent a cette
entreprise. Des Ingenieurs, des Medecins, des Avocats,
de riches proprietaires, ecrivaient a M. Cabet, pour lui
demander la faveur de fairc partie des premieres colonnes
de pionniers qui devaient traverser 1’AtlantiqHe.
Cependant, les objections ne manquerent pas non
plus. Les Communistes Revolutionnaires attaquerent
— 55 —
vivement ce projet d’emigration. Ils accuserent Cabet
et les Icariens de deserter la cause democratiquc, d’aban-
donner la patrie, etc. Mais M. Cabet refuta victorieu-
sement tous les arguments prescntes contre son plan
de colonisation, qui devint bientot I’objet de rattention
generate.
Dans le principe, M. Cabet avait declare qu’il faudrait
dix-huit inois a deux ans pour preparer convenablement
remigration, et que pendant ce temps, employe a
choisir un emplacement convenable pour l’etablissement
de la colonie , et a preparer tous les elements d’un
premier etablissement, on enyerrait successivement
quelques pionniers pour preparer le terrain , faire les
premieres constructions, tracer les routes, etc., etc.
Mais deux motifs le forcerent a hater, et a precipiter
meine le premier depart. D’abord, l’impatience et Fen-
trainement general pour partir le plus tot possible ; en
second lieu, l’occasion qui se presentait d’acquerir a des
conditions exceptionnellement avantageuses une eten-
due considerable de terrain, dans l’etat du Texas, ou
la Compagnie Peters lui concedait gratuitement un
million d’acres, et lui en vendait un autre million a
raison de un dollar Caere, payable en dix ans. C’etait
en somme deux millions d’acres pour cinq millions de
francs. C’etait un territoire un pen plus grand que les
departements de la Seine et de Seine-et-Oise reunis;
situe dans Tune des plus belles contrees du monde. On
obtiendrait pas aujourd’hui ce meme territoire pour
deux cents millions de francs! II vaudrait un milliard si
nous l’occupions depuis dix ans !
Ces immenses avantages, dont allaient profiter les
Icariens, etaient subordonnes a la condition imperieuse
— 56 —
(Toccuper la concession au nombre de 1,000 personnes
avant le l er juillet 1848. Cette condition, la compagnie
Peters Fexigeait, parce qu’elle etait necessaire pour
valider la concession qu’elle-meme avait obtenue du
Congres americain. De sorte qu’en donnant a la societe
Icarienne une valeur immense, elle acquerait elle-meme
une valeurplus considerable encore, puisque, en dehors
des deux millions d’acres qui nous etaient concedes, il
lui en restait trois a quatre millions. Tu comprends
pourquoi M. Cabet dut modifier son plan , precipiter
le depart de la premiere avant-garde, et augmenter le
nombre d’hommes qui devaient en faire partie. II fallait
a tout prix profiter de l’occasion unique qui se presen-
tait, d’acquerir un vaste territoire, quitte a suspen-
dre ensuitele depart des autres emigrants pour completer
Forganisation des premiers groupes : c’est sous ces
auspices eminemment favorables qu’eut lieu le depart
de la premiere avant-garde, qui s’embarqua au Havre le
3 fevrier 1848.
Yingt jours apres la revolution eclatait, Louis-Philippe
et sa dynastie etaient renverses et la Republique pro-
clamee.
Mon but n’est pas de faire, en ce moment, l’histoire
complete de Fentreprise Icarienne, je mebornerai done
a esquisser a grands traits ce qui est necessaire a Fin-
telligence des faits que j’ai a te raconter.
Nous avons vu les diverses nuances de FEcole com-
muniste revolutionnaire se fondre peu a peu dans FEcole
Icarienne, par Feffet de la propagande; la Revolution
de fevrier eut pour resultat de melanger davantage en¬
core ces deux elements naguere ennemis, mais unis
maintenant dans une commune esperance d’une reforme
sociale, comme consequence necessaire du changement
politique qui venait de s’operer en France, par suite,
les plus ardents et les plus impatients a partir quelques
semaines auparavant, renoncaient maintenant a leur
projet pour se lancer tete baissee dans le mouvement
politique de la Revolution.
11 etait impossible que M. Cabet restat spectateur
indifferent des evenements de l’epoque. L’eut-il voulu
qu’il n’en aurait pas eu la possibility. 11 se trouvait d’ail-
leurs, par le fait, a la tete d’un parti nombreux et disci¬
pline, qui pouvait exercer une grande influence sur les
destinees du pays. 11 ne l’ignorait pas, mais ce qu’il
savait aussi, c’est que cette position serait une cause
certaine d’une coalition contrelui,de tous les partis
ennemis. I! le savait si bien, que le 25 fevrier, en redigeant
sa fameuse proclamation aux Icariens , qui a fait dire
qu’il avait sauve le pays ; et pour laquelle le ministere
public, lors d’un proces fameux, lui adressait des remer-
ciements au nom de la societe, il me disait: « Nousvoila
y> lances dans les hasards d’une Revolution, vous verrez
» que ce sera pour la Democratic et pour nous, un
)> immense malheur; la Revolution est venue 10 ans
3) trop tot. »
Ces previsions ne se sont que trop vite et trop
completement realisees. Et, quant a Fentreprise Ica-
rienne ce fut sa ruine. Les departs qui devaient avoir
lieu en mars et avril, ne purent s’effectuer. La condi¬
tion necessaire du traite Peters d’occuper avant le
premier juillet, ne put etre remplie. La Revolution
faisait perdre plusieurs centaines de millions aux
Icariens et une persecution generale les ruinait encore
individuellement en les privant de travail.
- 58 —
Jamais la position (Tun homme ne fut plus embar-
rassee que celle de M. Cabet au milieu des evenements
qui suivirent la Revolution de fevrier. Se tenir en
dehors du mouvement de la Revolution etait chose
impossible, iDavait a defendre le Communisme et les
IcarienscoMfeles calomnies, chaque jour renouvelees,
dirigees contre la Doctrine et contre ses partisans.
D’un autre cote il ne pouvait se lancer dans le mou¬
vement dont il prevoyait et voyait, pour ainsi dire ,
l’inevitable et fatal denouement : il fut done oblige de
prendre une position que j’appellerai defensive, et, tout
en donnant son concours et celui de ses amis pour
faire triompher la Democratic, il songeait a relever son
oeuvre de predilection, la Colonie Icarienne. Tandis
que les partis se disputaient le pouvoir les armes a la
main, et que les uns et les autres l’accusaient de vouloir
s’en emparer violemment, il organisait de nouveaux
departs et se preparait a passer lui-meme en Amerique,
et partait en effet en decembre 1848, apres avoir
embarque plus de trois cents personnes, qui allaient se
reunir a la Nouvelle-Orleans avec les deux premieres
avant-gardes revenant du Texas.
Tous les Icariens partis de France dans le courant
de l’annee 48 , se trouvaient reunis a la Nouvelle-
Orleans vers la fin de janvier 49. La, Cabet leur pro¬
pose de dissoudre et de liquider la Societe, s’ils sont
tous d’accord pour cela, ou de continuer fentreprise
en transportant la Colonie sur un autre point. La
Majorite voulut continuer, tandis quTme forte Minorite
abandonna fentreprise, et obtint un reglement de
comptepour cesser de faire partie de la Societe. C’etait
montrer bien peu de perseverance de la part d’hommes
a qui on avait donne etqui avaient accepte lc litre de
soldats de l’Humanite!
La ville de Nauvoo, recemment abandonnee par
les Mormons, fat choisie pour lieu de premier etablis-
sement, par ceux qui allaient continuer Foeuvre
commune. Ils y arriverent en mars 1849, et orga-
niserent bientot leurs logements, leurs ateliers, etc.
Mais le cholera qui exercait ses ravages a la Nouvelle-
Orleans pendant leur sejour dans cette ville, les avait
suivis a Nauvoo, et pendant six semaines, frappa de
nombreuses victimes. Bientot encore un autre fleau,
la division, se glissa dans leurs rangs et y fit plus de
mal que la maladie.
Une premiere puis une seconde dissidence eurent
• - » . * .
lieu et reduisirent considerablement le nombre des
membres de la Societe.
Cependant grace a Finfluence morale que M. Gabet
exercait encore sur les restants, Fordre et Fharmonie
paraissaient enfin s’etablir dans la Societe. L’organisa-
tion se completant chaque jour, rendait plus palpables
les bienfaits de la Communaute.
Jusqu’alors, M. Cabet avait exerce une sorte de
dictature dont il avait ete investi lors de la formation
de la Societe; mais cedant a la necessite de la nou-
velle situation, il crut sans inconvenient pour la So¬
ciete renoncer a ses pouvoirs. En consequence, il r6di-
gea une Constitution qui fut discutee et adoptee par
la Societe. D’apres cette nouvelle Constitution, au lieu
d’un Gerant, il y en avait six; elus directement par
FAssemblee generate , ils formaient un Conseil de Ge-
rance sous la Presidence de Fun d’eux , qui prenait
le titre de President de la Communaute. Cette Consti-
— 6
tution votee au commencement de 1850, fut immedia-
tement mise en pratique , et toute T Administration
organisee d’apres le principe nouveau.
C’est alors, au commencement de 1851, queM. Cabet
pensa pouvoir s’absenter pour venir se defendre contre
une accusation d’escroquerie portee contre lui en France,
pendant son absence. La Societe consentit a son depart
en promettant de rester unie dans la pratique de la
doctrine Icarienne.
Tu te souviens de son eclatant triomphe devant la
cour d’appel de Paris, et son acquittement. Tous les
details de cette affaire sont contenus dans la brochure
qui fut publiee alors sous le titre de: Proces en escro-
querie, defense el acquittement.
Mais pendant que Cabet etait en France, et malgre
les promesses faites par toute la Societe, lors de son
depart, de ne pas s’ecarter de la pratique des principes
Icariens; malgre les assurances de la correspondance
officielle des Gerants; de nombreux abus ne tarderent
pas a s’introduire dans le sein de la Societe, et le de-
sordre moral, puis le desordre materiel, firent de si
rapides progres que, quelques-uns des Gerants, durent
eux-mernes jeler le cri d’alarme en lui ecrivant de reve-
nir sans retard, ou que tout etait perdu. Mais le me me
courrier lui apportait des lettres des autres Gerants, qui
affirmaient que tout allait bien, et que, ce qu’on pou-
vait lui ecrire dans un sens contraire etait dicte par un
sentiment de jalousie ou tout au moins par une peur
exageree. Tu comprends dans quelle perplexite ces nou-
velles contradictoires devaient jeterM. Cabet: ce qui en
ressortait de plus certain, c’est que les Gerants etaient
divises d’opinions et de vues sur un point capital, et la
— ■61
demission de Tun d’eux ne tarda pas a confirmer tout
ce que pouvait avoir de facheux cettc circonstance.
M. Cabet traverse de nouveau l’Ocean pour retablir
l’ordre dans la Societe, il y arrive en juillet 1852, apres
quinze mois d’absence. Mais, comme la premiere fois,
lors de son arrivee a la Nouvelle-Orleans, il trouva le
cholera sevissant d’une facon terrible sur la Societe,
enlevant chaque jour une ou deux personnes sur une
population de moins de trois cents ames! Pendant plus
d’un mois, la cruelle maladie repandit la consternation
etla crainte au sein de la Societe. La peur, cette autre
maladie, aussi contagieuse que la premiere, vint encore
augmenter le desordre par la retraite d’un grand nom-
bre de membres. La Societe en perdit une centaine , en
ce moment, tant par les retraites que par les deces. On
comprend que , dans cette situation , et pendant toute
la duree de la crise, la Societe n’etait guere en etat de
recevoir les reformes qui lui etaientnecessaires. M. Cabet
dut ajourner quelque temps, soit pour mieux connaitre
le mal, soit pour laisser a la Societe le temps de se re-
mettre de la crise qu’elle venait de traverser. Mais la
situation etait telle, qu’il m’ecrivait au mois de novem-
bre1852 :
« J’espere ramener la Societe dans la voie de la
» Communaute Icarienne; j’y reussirai certainement
)> s’il nous vient quelques lions Icariens par les pro-
» chains departs, mais le mal est si grand que, si j’a-
vais cent mille francs a ma disposition pour rendre
* les apporls de ceux qui ne conviennent pas, je dissou-
)> drais la Societe pour en reformer une nouvelle avec
)) ceux qui sont vraiment Icariens ».
Comme il n’avait pas les cent mille francs qui lui
62 —
paraissaient necessaires, il entreprit (le reformer la
Societe, et dans ce but, il expliqua de nouveau, dans
un grand nombre d’Assemblees generates, les principes
et la Doctrine Icarienne; en faisant ressortir la neces¬
site d’une grande Reforme morale pour mettre les moeurs
et les habitudes de chacun en harmonic avec les prin¬
cipes dont on voulait la realisation. Il insista surtout
sur la necessite de reformer l’usage du tabac et du
wiskeyqui degenerait en abus scandaleux, et dans une
brochure intitulee : Temperance , il s’exprimait ainsi :
« Aujourd'hui que l’experience et la pratique ont
» confirme et fortifie mes premieres convictions sur la
» necessite d’exclure le tabac et le wishey de notre
)> Societe modele , je crie plus fort que jamais : point de
* tabac ni de wiskey dans la Communaute!
» Beaucoup de fumeurs ont declare que, puisque
» j’etais si prononce, ils allaient cesser de fumer et ils
» ont en effet cesse de fumer pendant quelque temps;
» mais, voyant tous les jours les autres fumer, et se
» trouvant continuellement au milieu de la fumee de
y> tabac, ils ont repris leur pipe; la masse fume; et si
j> ce mouvement continuait, tousles nouveaux arrivants
» fumeraient; tout le monde fumerait et chiquerait; les
» femmes meme et les enfants fmiraient par priser,
» fumer et chiquer; et le peuple Icarien serait pour
y> toujours un peuple priseur et fumeur, chiqueur et
)> buveur.
» Est-cela le progres, la perfection sociale, une orga-
» nisation modele?
» Est-ce pour un pareil resultat que, vous et moi,
» nous avons quitte notre patrie ?
» Et prenons-y garde ! la chose est infiniment grave!
5 > Nous avons besoin d’augmenter notre nombrc ?
» puisque nous voulons former un Peuple ; nous avons
3 > besoin d’hommes qui nous apportent non seulement
y> des bras, mais des capacites de tous genres et de
)> l’argent! Eh bien, comment pourrions-nous faire une
propaganda efficace? II y a des hommes et des fem-
mes riches, sympathiques ala cause du Peuple etdu
3 ) Progres, disposes a tout sacrifier pour s’unir a des
» travailleurs temperants et economes, remplis du sen-
3 ) timent de la dignite humaine, fraternels, polis, pro-
33 pres, etc., etc.; mais comment les determiner a s’ex-
3 ) patrier, a passer les mers, a braver les fatigues et les
3 > dangers, pour venir au milieu d’un peuple sensua-
3 > listeet egoiste, fumeur et chiqueur, etc., etc. ?
3 > Pour moi, mon opinion, ma conviction est, comme
3> je l’ai deja dit en commencant, que l’usage du tabac
33 n’est pas necessaire, qu’il est inutile, dispendieux,
33 nuisible a la sante, dangereux, deraisonnable, etc.
3 > Mais, ce qui est plus grave encore, je suis convaincu
33 quhl est contraire, non seulement au travail, mais a
3> l’etude, a Finstruction, a la moralisation.... Je suis
33 convaincu qu’il developpe le sensualisme, le mate-
33 rialisme, l’egoisme, et qu’il eteint les sentiments de
3 ) devoument et de Fraternite, les idees de devoir et de
3 ) mission. Je suis convaincu que le tabac est, par ses
3 ) consequences, la destruction de notre doctrine Ica-
33 rienne, qu’il ouvre la porte a la violation de tous nos
33 principes, qu’il est eminemment et essentiellement
33 anti-Icarien, et qu’il conduirait infailliblement a la
33 ruine de notre Gommunaute.
33 Ainsi pour moi la question du tabac renferme toutes
3> les autres questions; c’est une question capitale de
— 64 —
» laquelle depend le sort de la Communaute. Dans notre
» systeme de Communaute Icarienne, tout setient,
y> tout s’enchaine, tout se complete. Toutes les condi-
y> tions indiquees sont necessaires. Avec Tabus du tabac,
)) tous les abus doivent arriver successivement. Avec la
» reforme sur le tabac, toutes les autres reformes de-
» viennent faciles. Sans cette reforme, aucune autre
» n’est possible.
II n’etait pas possible a M. Cabet d’exprimer plus
nettement etplus energiquement sa pensee sur la situa¬
tion et l’avenir de la Colonie. Cependant, malgre toutes
les explications qu’il avait donnees pour exposer a ses
coassocies les necessites des reformes qu’il proposait;
sur 130 votants , 27 voterent contre lui, et declaraient
ainsi, implicitement ? preferer leur pipe ou leur taba-
tiere, leurs habitudes et leurs vices a la Communaute.
La seule mesure a prendre a Tegard de ces 27 dissi¬
dents etait de les inviter a se retirer de la Societe, leur
presence ne pouvant que compromettre son avenir.
Mais le mal etait beaucoup plus grand qu’il ne parais-
sait, et M. Cabet n’ignorait pas que, dans le nombre de
ceux qui avaient vote en faveur de ses propositions, un
certain nombre ne les adoptaient pas sincerement, et
que, parmi eux, se trouvaient ceux qui poussaient le
plus, en dessous main , a toutes especes de desordres.
Malgre cela, Cabet ne desespera pas de remedier au mal,
mais il dut temporiser et gagner du temps. Les oppo-
sants ne manifestaient pas Tintention de se retirer, et
il n’etait pas dans le caractere de M. Cabet de provo-
quer leur exclusion, la bonte et la sensibiiite de son
grand coeur s’y opposaient absolument. D’ailleurs, il
n’ etait pas certain qu’il Teut obtenue, car la loi exigeait
65 —
une majorite (les quatre cinquiemes pour l’exclusion, et
ils etaient 27 sur 130 votants. II ne perdait pas tout
espoir de les ramener. Son esperance etait fondee : sur
le Cours lcarien , dans lequel il se proposait de deve-
lopper, tous les dimanches , devant toute la Colonie
assemblee, la Doctrine philosophique et religieuse qui
sert de base a l’organisation sociale et politique de la
Communaute des biens. D’un autre cote, Immigration
prenait en France une impulsion nouvelle, et quelques
hommes distingues, par leur instruction et leurs con-
naissances speciales, lui annoncaient leur intention
d’aller le rejoindre, pour unir leurs efforts aux siens
dans F oeuvre de regeneration qu’il avait entreprise.
Avec ces elements nouveaux et Tappui energique d'une
portion notable de la Societe, qui comprenait mieux et
etait mieux disposee a entrer danslavoie des principes
Icariens, il pensait pouvoir regenerer la Societe.
Mais les choses ne devaient pas se passer ainsi; une
sorte de mauvais genie, la corruption, regnait deja sur
la Societe, et semblait presider a ses deslinees. A peine
M. Cabet eut-il commence le Cours lcarien pour
attirer les idees vers la Doctrine lcarienne, qu’une di¬
rection contraire leur fut imprimee par quelques me-
neurs qui avaient forme entre eux une societe secrete
au sein de la Colonie. 11 leur fallait a tout prix empecher
la continuation du Cours lcarien. Pour parvenir a leur
but, leur tactique fut celle-ci : s'abstenir soigneuse-
ment d’assister eux-memes aux assemblees du Cours et
empecher le plus de monde possible d’y assister. Et
comme ils ne pouvaient donner aucune bonne raison
pour justifier leur conduite , ils se servirent de Tironie
— 66
pour miner plus surement les efforts de M. Cabet. A
ceux qui leur demandaient: « Tu ne viens done pas au
y> Cours ? Non, repondaient-ils, 'faime mieux fnmer mu
i> 'pipe qae d’aller entendre un sermon ». Ou bien :
« J’ai dejd entendu repeter cent fois ces blacjues-ld ».
S’ils y assistaient, ils prenaient une attitude gogue-
narde et eherchaient a distraire Tattention de leurs
voisins par quelque grossiere plaisanterie, etc., etc.
Enfin, au bout de trois mois, Cabet fut oblige de sus¬
pends leCours; le scandale que causait l’attitude de
E opposition, produisant plus de mal, que le cours, fait
dans de pareilles conditions, ne pouvait produire de
bien.
L’arrivee successive dans la Colonie, de quelques
esprits d’elite qui abandonnaient, dans lavieille societe,
des positions toutes faites ou un avenir brillant, pour
venir consacrer leur talent et leur fortune au triomphe
de la Communaute; pouvait changer la marche des
affaires, en changeant le cours des idees de la masse.
Les meneurs le sentirent et firent de nouveaux efforts
pour parer le danger qui les menacait.
II ne faut pas croire que ces hommes qui luttaient
contre M. Cabet et finirent par le vaincre, fussent
des hommes de genie : non, bien loin de la, e’etaient
seulement des hommes passionnes, et profondement
pervertis; parlant toujours de Democratic, de Liberte,
de Liberte surtout; voulant pardessus tout, disaient-ils,
s’affranchir de toute dependance, et s'affranchissant, en
effet, mais surtout de tout devoir, de toute convenance
et, disons-le, de toute moralite, mais restant esclaves
de toutes leurs habitudes et de toutes leurs passions.
— 67 —
Parlant bien haut, et a toute occasion de reformer les
vieilles Societes, mais incapables de se reformer eux-
memes et impuissants a le tenter.
Toute leur science consistait a exploiter les prejug6
et les mauvaises passions de leurs co-associes : contre
le Cours Icarien, ils avaient exploite les preventions
contre le Culte et le Clerge; contre les hommes de talent
qui venaient leur apporter le concours de leurs con-
naissances, ils exploiterent les mauvais instincts po-
pulaires. Ils n’eurentqu’a leur donner une qualification
pour reussir. Ils dirent, d’abord tout bas, puis tout
haut; ce sont des bourgeois qui viennent pour nous
commander. Le motreussit, et pour mieux le faire
ressortir, les chefs de la conjuration affectaient un
debraille indecent, dans leur tenue, leur habillement
et leur langage, comme pour 1’opposer a la dignite,,
a la convenance et a la politesse des bourgeois.
Un tel etat de choses ne pouvait plus etre tolere,
Cabet mesura toute la profondeur du mal, et resolut d’y
porter remede. (fetait, a ses yeux, une question d’hon-
neur et de probite envers le Peuple et les Icariens,
envers la Democratie tout entiere. C’est alors qu’il
redigea etpubliason memorable Compte-rendu de 1855,
dans lequel il brisait ouvertement avec l’opposition.
Cette conduite etait encore pour lui une question de
principe, et je te prie de bien le remarquer, car e’est
une chose capitate qui n’a pas ete assez generalement
comprise, meme par quelques bons Icariens, pour qui,
l’apparente severite de Cabet au sujet de la reforme
morale, a semble excessive et sans necessite. C’est une
erreur extremement grave et qui pourrait nous etre tres
funeste encore si nous n’y prenions garde. II faudrait
— 68 —
de longs developpements pour faire ressortir la sagesse
et la necessity de ces reformes , je ne puis y entrer
aujourd’hui. Je me bornerai seulementate faire remar-
quer, que la garantie de Fordre dans la Communaute
etant essentiellement differente de celle de Findividua-
lisme, elle doit reposer sur une base toute differente.
Dans l’individualisme, la garantie de Fordre, c’est la
force publique ; la sanction de la loi, c’est la repression ,
la prison et l’amende. Ces deux institutions, neces-
saires dans nos societes, n’existent pas, ne peuvent pas
exister dans la Communaute ; il lui faut done trouver sa
securite dans d’autres institutions. Et celles-ci ne
peuvent-etre que Fopinion publique, formee et sou-
tenue par des moeurs pures, et Fhabitude de Fappli-
cation dans tous les actes de la vie, de ces preceptes
philosophiques et religieux : atme ion prochain comme
toi-meme , ne fais pas a autrui ce que tu ne voudrais
pas quit te fit. II ne faut pas, ce me semble, un grand
effort d’esprit pour comprendre que l’ordre social de la
Communaute reposant tout entier sur la morale et
Fopinion publique qui en resultent, que tout Fedifice
social se trouve ruine, des que les moeurs et Fopinion
publique sont denaturees.
VI
La publication du Compte-rendu de 1855 fut le
signal de la lutte de l’opposition contre M. Cabet,
lutte qui dura toute une annee et se termina par la
retraite de ce dernier. Je ne veux entrer dans aucuns
details de cette guerre fratricide, tu as lu les publica-
— 69 —
tions qui en rendirent compte alors; j ’arrive tout de
suite a la retraite de M. Cabet, se retirant avec tous
• *
ceux qui acceptaient sesidees et voulaient recommencer
Icarie aveclui.
Les conditions dans lesquelles s’operait cette retraite,
les difficultes qui allaient se presenter pour recom¬
mencer, sans capital, unenouvelle colonie , l’experience
du passe, tout conseillait a M. Cabet de prendre toutes
les precautions et toutes les garanties possibles, soit
pour lui, soit pour les futurs associes entre eux. Ces
garanties, il les resuma dans un projet d’engagement
qu’il proposa a tous ceux qui voulaient le suivre. Ceux-
ci l’accepterent le 13 octobre 1856, a la veille de quitter
Nauvoo pour aller s’etablir a Saint-Louis. Voici l’enga-
gement et 1’acceptation:
ENGAGEMENT ICARIEN
Du 13 octobre 1858
PROPOSE PAR LE C1TOYEN CABET.
« Je propose les conditions suivantes:
» lo Le cit. Cabet est considere comme representant
toute la Minorite et cliacun de ses membres. Les enga¬
gements pris envers lui sont consideres comme pris
par chacun d’eux envers les autres;
» 2° Toutes les depenses faites pour la Minorite et
payees ou avancees par le cit. Cabet, avec les sommes
empruntees par lui, ou recues de Paris , ou a lui
confiees, sont a la charge de la Minorite;
» 3° La Minorite actuelle n’a d’autre apport que ce
qui lui est du par la Communaute et ce que le cit.
Cabet pourra recouvrir pour chacun de ses membres
~ 70 —
dans la liquidation de cette Communaute , recouvre-
ment pour lequel chacun de ses membres lui donne,
ou a celui qu’il en chargera, tous les pouvoirs neces-
saires.
» 4° Chaque membre de la Minorite prend l’enga-
gement de ne pas quitter la Communaute avantf le
3 fevrier 1859;
» 5° La restitution de fapport sera successivement
et continuellement amelioree, en faveur des Ieariens
aujourd’hui presents, soit en abregeant les delais d’une
partie de la restitution , de maniere que ces delais
n’excedent pas une annee, soit en augmentant gra-
duellement le montant de la somme a restituer de
maniere que la restitution puisse etre integrale le
plus tot possible, soit en faisant participer flcarien
au partage des benefices constates par des inventaires
annuels;
» 6° Quant aux Ieariens qui seront admis a favenir,
les memes regies de restitution leur seront appliquees,
soit pour f abreviation des delais, soit pour la restitu¬
tion integrale, soit pour la participation aux be¬
nefices ;
j> 7° Ma proposition du 15 decembre 1855 , est
adoptee dans ses bases essentielles , felection du
President pour quatre ans, felection d’un Vice-Presi¬
dent, la nomination par le President de tous les fonc-
tionnaires de fordre administratif, et de toutes les
Commissions, avec ou sans la confirmation de l’As-
semblee generale; le maintien de fAssemblee generale
avec des seances moins frequentes, la confection des
lois capitales avec le droit de suspension pour le
President, qui aurait aussi le droit de faire tous les
reglements qu’il jugerait necessaires;
» 8° Des modifications essentielles dans les seances
de fAssemblee generale, relativement a la composi¬
tion et aux attributions de la Majorite, a la cloture,
et avec suppression des motions d’ordre, de la perma¬
nence et des abus pratiques dans ces derniers temps.
— 71 —
» 9° Chacun s’engage a pratiquer religieusement
tous les principes Icariens, notamment la Fraternity,
toutes les conditions d’admission, les principes con-
tenus dans les brochures intitulees: Reforme de 1853,
Compte-Rendu de 1855 , revision de la Constitution,
les lois et reglements en ce qu’ils n’ont pas d’incon-
ciliable avec le present engagement;
» 10° Chacun s’engage a confier au cit. Cabet, la
redaction des journaux et des brochures , en lui
reconnaissant le droit de prendre la parole toutes les
fois qu’il le jugera convenable, tout ce qui concerne
la propagande et la correspondance, l’education et les
enfants; a assister regulierement au Cours lcarien a
supporter le principe de publicity en tout, a s’interdire
toute critique clandestine, toutecauserie inutile pendant
le travail; a travailler en se soumettant a la direction
choisie par l’atelier.
» 11° Chacun consent a la suppression du Wiskey,
saufale remplacer de la maniere la plus convenable;
et a la suppression du tabac sous toutes ses formes
pour le 3 fevrier 1857, en promettant de faire tous
ses efforts pour le supprimer le plus tot possible en se
soumettant d’ailleurs aux reglements qui seront faits
a ce sujet;
» 12° Chacun s’engage aussi a pratiquer la proprete
en tout, la temperance, le soin, l’ordre et l’economie,
1’organisation, la discipline et la solidarity ;
>13° Chacun s’engage enfin a se conformer aux
reglements qui sont ou seront faits sur la chasse ou
la peche.
Lc Fondateur d’Icaric,
Cabet.
REPONSE DES ICARIENS RESTES FIDELES ,
AU FONDATEUR D’lCARIE.
» Cher et venere citoyen,
» Nous avons In et bien examine les conditions que
Yous posez. Quelques mots Lien reflechis nous suffiront
pour vous repondre et yous exprimer notre maniere de
voir et de sentir.
» Nous Youlons recommencer ou plutot continuer la
Communaute, la veritableCommunaute, la Communaute
Icarienne.
» Nous regardons notre separation de Fancienne oppo¬
sition comme un devoir que nous accomplissons sans
repugnance, et meme avec plaisir; nous quittons ses
membres comme nous avons quitte les hommes de Fin-
dividualisme, et avec plus de raison encore.
» Nous ne nous dissimulons pas les difficultes de
toute espece d’une nouvelle emigration. Mais nous nous
sentons a la hauteur des circonstances; nous nous
croyons assez forts pour declarer que nous serous aussi
courageux et aussi perseverants que par le passe.
» Les conditions que vous faites ne sont que le resume
de nos principes et des institutions politiques que notre
position et nos derniers evenements nous font regarder
comme etant d’une rigoureuse necessity. Nous les adop¬
tons completement et sincerement; nous les adoptons
toutes en general et chacune en particular ; nous
adoptons specialement ce qui concerne les apports , la
proposition de 1855, le whiskey, le tabac et le temps
pendant lequel nous nous engageons a rester dans la
Communaute pour la defendre et la faire prosperer.
» Citoyen, vous etes toujours pour nous le Fondateur
d’lcarie ; vous n'avez jamais devie de vos principes
democratiques et Icariens; vous avez plus de merite
que jamais. Par consequent, nous nous sentons animes
a votre egard des memes sentiments que par le passe.
Si notre conduite energique vous porte a continuer
Foeuvre que vous avez fondee, la votre nous inspire une
confiance sans bornes, c’est sans difficulte que nous
nous engageons envers vous, et que nous vous conside-
rons comme le representant de toute la Minorite.
» Au nom de la solidarity de notre interet commun
et de la Fraternite, nous nous engageons aussi les uns
envers les autres.
» Nous nous engageons aussi envers les Icariens du
dehors, dont les sentiments et les idees sont conformes
aux notres; nous nous engageons enfin envers la Demo*
cratie, envers tout le Peuple, envers FHumanite entiere.
» En un mot, comme nous l’avons deja dit, nous
nous engageons a continuer la vraie Communaute.
» Ceci constitue des engagements pris sur Fhonneur,
des engagements sacres. Nous les prenons en toute
liberte. Nous les prenons sous serment: celui qui les
violera sera traitre et parjure.
» Nauvoo, le 13 octobre 1856.
» Les trois pieces ci-dessus ont ete lues dans F Assem¬
ble de la Minorite , sur l’appel nominal, elles ont ete
approuvees, adoptees et acceptees a l’unanimite moins
trois voix: Baron, Kling et Herzog qui, tout en acceptant
tous les principes et meme toutes les conditions, se
reservent le droit de s’absenter pour un temps plus ou
moins long. »
Ces deux pieces devaient former la base de Facte cons-
titutif de la nouvelle Societe; cela etait bien dans Fes*
prit de tout le monde ; la reponse explicite des membres
de la minorite de Nauvoo, qui allaient former la Societe
nouvelle , ne laisse aucun doute a cet egard, et, cet
engagement sacre , pris sur I’honneur et sous serment ,
etait parfaitement libre, cbacun pouvait ne^pas le pren*
dre. Et la preuve incontestable de cette entiere liberte,
c’est que trois membres de la minorite ne le signerent
pas, quoique restant avec elle, parce qu’ils voulaient se
reserver la possibilite de se retirer de la Societe pour un
temps plus ou moins long.
Si tous les signataires de cet engagement sonjpin-
ceres, il n’y a aucun disaccord entre eux. Desotmais,"
marchant coinme un seal hornme, animes parle meme
sentiment, unis par la meme idee, ils vont marcher
hardiment vers le but qu’ils se proposent, sans devier
de la route qu’ils se sont traeee avec tant de precision.
Nous allons voir bientot si tel etait le veritable etat des
m
esprits.
L’engagement est signe le 13 octobre 1856, le 15 un
premier convoi descend a Saint-Louis; le 22, un se¬
cond, et enfin, le 31, les derniers membres de la mi-
norite Icarienne quittent Nauvoo et viennent rejoindre
a Saint-Louis le Fondateur d’Icarie, brise et presque
aneanti par la douleur, mais non decourage. II va bra-
vement, rnalgre son age et sa fatigue , recommencer
Foeuvre ^emancipation a laquelle il a consacre son
existence. Cependant il ne se faisait pas illusion sur la
composition de cette minorite Icarienne; car il ecrivait
quelquesjours avant son depart de Nauvoo :
« Je vais recommencer la Communaute Icarienne
» avec la minorite restee ft dele a nos principes Icariens,
» je suis plein de confiance dans Favenir, nous reussi-
» rons, et si j’avais vingt ans de moins, je me flatterais
» de voir Icarie grande et puissante. Nous restons 75
» hommes, mais parmi eux il y a quelques vieillards
» pen propres an travail, d’autres qui n’ont pas toutes
» les qualites que je voudrais leur voir ; mais il y en a
» une cinquantaiue de devoues, courageux et actifs, et
» avec eux je reussirai, n’ayez done aucune inquietude
» sur notre avenir! »
Enfin, le 6 novembre, la nouvelle Societe se trouve
reunie a Saint-Louis, quand le 7, au matin, M. Cabet
est frappe d’une attaque d’apoplexie et de paralysie
partielle, qui s’etend rapidement et determine la mort
au bout de quelques heures!
Cette catastrophe inattendue, au milieu de la desor-
- 75 —
ganisation qui regnait encore par suite du deplacement
et du denuement de la Societe, jetait celle-ci dans un
peril extreme. Mais rimminence du danger fit sentir a
tous que l’union seule pouvait les sauver. Ils se resser-
rerent davantage les uns aux autres; et, s’encourageant
mutuellement, ils trouverent en eux-memes la force de
resister a ce coup, le plus terrible assurement qui pou¬
vait les atteindre. M. Mercadier, designe d’avance
par M. Cabet, pour lui succeder en cas de mort,
avait pris la direction de TAdministration comme Pre¬
sident de la Communaute. Pendant les premiers rnois
qui suivirent la mort de M. Cabet, on dut suivre les
lois anciennes; mais bientot la situation fut assez satis-
faisante pour que Y on put songer a refaire les lois etles
reglements, conformement aux principes de l’engage-
ment du 13 octobre. L’Assemblee generale vota sue-
cessivement : la loi supprimanl l’usage du tabac; la loi
sur rorganisation du travail ; le contrat social , et la loi
surles admissions et les retraites (1). L’examen de ces
lois dans le sein de la Gerance, avant leur presentation
a l’Assemblee generale, donna lieu a d’assez vives
discussions, surtout le Contrat social, dans lequel
M. Mercadier voulait faire entrer le principe de la repar¬
tition des benefices, conformement aux articles 5 et 6
de Tengagement. M. Vogel s’y opposa avec une
energie telle, qu’on dut ajourner cette mesure pour ne
pas exposer la Societe a une division qui eut infailli-
(1) Voir ces lois dans la brochure: Organisation Icarienne, qui
est sous presse pour paraitre en juillet ou aout prochain, et qui con-
tiendra la Constitution telle qu’elle a ete revisee, avec la Gerance
unique.
— 76 —
blement, alors, amene sa ruine. Cette opposition inexpli¬
cable a Fexecution d’un engagement contracte moins
cFun an auparavant, et dans des termes anssi formels
et aussi solennels que ceux contenus dans la reponse a
FEngagement propose par M. Cabet, etait d’autant
plus dangereuse qu’elle etait presentee sous le manteau
et au nom des principes Icariens. Elle pouvait seduire
et entrainer des esprits mal prepares, et presenter un
danger tres serieux. Le Contrat social fut vote sans
contenir cette disposition essentielle de FEngagement.
Restait a reviser la Constitution de M. Cabet, pour
la mettre en harmonie avec Fengagement et les nou-
velles lois. 11 n’y avait a reviser ou a modifier, dans
Fancienne Constitution, que le chapitre iv sur l’organi-
sation politique, tout le reste pouvait et devait rester
intact. Cependant M. Vogel soutint et fit prevaloir
Fidee qu’il fallait tout refaire, pour qu’il y ait plus d’ho-
moueneite et d’ensemble dans le travail. II fut, en con-
sequence, charge de preparer un projet complet de la
nouvelle Constitution. Quand ce projet fut communique
a la Gerance il occasionna de longues et serieuses dis¬
cussions : chaleureusement defendu par trois Gerants,
il fut non moins chaleureusement repousse par deux
autres qui consentirent neanmoins a ce qu’il fut im-
prime pour etre distribue a chaque membre de la
Societe. Ce projet causa une grande surprise et une
grande irritation dans la Societe, s’il rencontra quel-
ques rares partisans, Fimmense majorite ne dissimula
pas son mecontentement qui se trouvait justifie par les
nouveautes qu’il contenait aussi bien que par les omis¬
sions qu’on y remarquait.
Dans la constitution de M. Cabet, il y avait un para-
— 77 —
graphe, constatant que la Communaute Icarienne avait
pour bases le mariage et la famille, avec la possibility
du divorce , pour garautir le bonheur et la liberte des
epoux; le nouveau projet ne disaitpas un mot de cela.
II gardait le memo silence sur la Religion, quoique,
pour les Etats-Unis, ee soit une chose capitale, aussi
bien que pour la Communaute elle-meme. Mais ce qu’on
fut le plus etonne de trouver dans ce projet, c’etaient
les dispositions finales, qui portaient : que la minority
des deux cinquiemes pourrait toujours provoquer et
decider la dissolution et la liquidation de la Societe.
On ne pouvait pas se rendre compte comment celui-la
meme qui avait empeche fadoption de la repartition
des benefices, qui avait pour but de garantir chaque
individu contre Y oppression de la majorite de ses co-as-
socies, pouvait proposer de mettre la majorite a la dis¬
cretion de la minorite, pouvant a chaque instant l’obli-
ger a dissoudre et a liquider la Societe. Aussi , cette
disposition rencontra-t-elle une opposition presque
unanime au sein de la Colonie. J’avais moi-meme pro¬
teste avec quelques-uns de mes co-religionnaires, qui
avaient eu connaissance de ce malencontreux projet.
Cette reprobation generale et Tagitation qu’il avait sou-
levee dans la Societe , obligerent d’en ajourner la dis¬
cussion en Assemblee generale. On etait alors au mois
de janvier 1858, on renvoya la discussion au mois
de novembre suivant.
L’agitation causee dans la Societe par Y apparition de
ce projet, jointe aux luttes intestines dans la Gerance,
dont le secret avait transpire dans la Societe, connnen-
cerent a jeter l’inquietude; on parla de la formation
d’une nouvelle opposition qui, comme celle de Nauvoo,
— 78 —
ne voulait plus de la Communaute et voulait faire pre-
valoir une autre forme dissociation. Le projet de cons¬
titution , ou le mot Icarien n’etait meme pas insert,
n’etait pas fait pour rassurer; aussi, les nouveaux arri¬
ves, qui avaient espere de trouver 1’union parfaite dans
la Colonie, voyant que le sentiment Icarien n’etait pas
dans tous les coeurs, commencerent adouterde l’avenir,
et quelques retraites eurent lieu. Neanmoins, la Colonie
prosperait materiellement parlant, l’acquisition de la
belle propriete de Cheltenham, a des conditions emi-
nemment avantageuses etait une garantie pour le main-
tien de cette prosperity, et, sous ce rapport, les plus
belles esperances pouvaient etre legitimes.
Le jour de la reprise de la discussion arrive enfin ;
mais tous les efforts tentes depuis l’ajournement pour
ramener le calme dans les esprits n’avaient abouti a
aucun resultat reel. Quand je recus, dans les premiers
jours de janvier 1859, les proces-verbaux des premieres
seances de TAssemblee, je previs des discussions tres
vives et tres irritantes pour l’avenir. II etait impossible,
en effet, que le ton provocateur et hostile que prenait
M. Vogel pour soutenir son projet, n’amenat pas des
repliques aussi vives de la part de ceux qui le repous-
saient. Ceux-ci mirent d’autant plus d’energie dans les.
arguments qu’ils presentaient contre le projet Vogel,
qu’ils etaient convaincus que le but secret des nou-
veautes qui s’y trouvaient, aussi bien que les omission
que j’ai signalees plus haut, etait de denaturer les insti¬
tutions Icariennes, pour amener la Colonie a une trans¬
formation complete, dans son principe et dans son but.
Vogel se defendit d’abord des intentions qu’on lui
pretait , mais comme on lui opposait Fopinion de
— 79 —
M. Cabet, il ne tarda pas a se devoiler en attaquant les
opinions et le caractere meme dn Fondateur d’Icarie,
affirmant d’unair doctoral qu’il s’etait trompe et sur la
theorie et sur la pratique de la Communaute , 1*accu¬
sant, en quelque sorte, d’avoir voulu etablir le despo-
tisme et la tvrannie dans la Colonie. Renouvelant enfin,
contre la memoire de Cabet, toutes les attaques de Top-
position de Nauvoo.
Tu devines, mon cher ami, la tempete que dut sou-
lever un tel langage au sein de la Colonie. L’irritation
devint extreme de part et d’autre, car Vogel n’eta it pas
seul; une citoyenne et quelques citoyens fappuyaient
tres vivement. Pour eviter un plus grand desordre, il
fallait a tout prix mettre fin a cette discussion. Merca-
dier le comprit et proposa de revenir purement et sim-
plement a la Constitution de M. Cabet, en ajournant a
deux ans la revision et FEngagement; inais en deman¬
dant aussi que des explications fraternelles fussent don-
nees en Assemblee sur Is caractere de la discussion qui
venait d’avoir lieu. Ces deux propositions furentaccep-
tees unanimement. En meme temps, comme les elec¬
tions du 3 fevrier approchaient, Mercadier fit connaitre
son intention de ne pas accepter la candidature, ni pour
la Presidence, ni pour la Gerance, donnant ainsi un
eclatant dementi au bruit repandu secretement dans la
Colonie, que Mercadier ne soutenait le principe de la
Gerance unique que par ambition personnelle. Mais
vois encore quelle singuliere contradiction; ceux-la
memes qui criaient le plus fort contre lui tout a fheure,
vont maintenant faire le plus d’elforts pour qu’il ac-
cepte de nouveau la Presidence de la Communaute.
Mais il declare que sa resolution est irrevocable , parce
80 -
qn’il Fa prise apres avoir inurement refleclii et parce
qu’il est convaincu qu’il doit agir ainsi dans Finteret
dela Communaute. « II faut, ajoutait-il, qae la Colonie
» s’habitue a ne compter que sur elle-meme, et a ne
» considerer personne comme indispensable ».
La retraite de Mercadier de la Gerance entrainait ne-
cessairement celle de tous les autres Gerants, et c’est
peut-etre pour ce motif que quelques personnes faisaient
tant d’efforts pour le decider a revenir sur sa resolu¬
tion.
En revenant a la Constitution de M. Cabet, on avait
decide qu’il n’y aurait que quatre Gerants au lieu de
six. Les elections eurent lieu et MM. Favereau, Bira,
Mesnier pere et Uteimveler furent elus a l’unanimite;
Favereau, comme President de la Communaute.
Apres les explications demandees par Mercadier. FAs-
semblee avait decide qu’une Adresse serait envoyee aux
Ieariens.du dehors, pour leur expliquer ce qui s’etait
passe dans la Colonie et pourquoi on etait revenu a
Fancienne constitution en abandonnant momentane-
ment FEngagement. Une commission avait ete nommee
pour preparer cette Adresse; Mercadier qui en faisait
partie fut charge de la rediger. Son travail amende et
acceptefpar la commission, celle-ci le presente a
l’Assemblee generalequi Faccueille favorablement. Vogel
seul declare qu’il n’exprime pas ses idees; mais la dis¬
cussion en est renvoyee a un autre jour. Dans cet
intervalle, la Gerance recoit une lettre collective de
quelques Icariens de Paris, que ces derniers avaient
ecrite spontanement, a la reception des nouvelles faisant
connaitre les attaques dirigees contre la memoire et les
idees deM. Cabet. Yoici cette lettre, signee seulement
— 81 -
par 34 personnes, parce qu’elle avait ete redigee et si-
gnee a la hate :
Paris, le 9 fevrier 1859.
Freres et Soeurs.
« Les deux derniers courriers que nous venous de
recevoir de Cheltenham, nous apportent de facheuses
nouvelles de votre situation morale.
» Les soussignes considerent cette situation comme
tellement grave qu’ils croient devoir prendre Finitia-
tive au nom de tous les Icariens de France, pour vous
communiquer Fimpression qu’elles ont produite
sur eux.
» Nous vous disons tout de suite que nous lie
sommes point effrayes des evenements qui viennent
de troubler la Concorde parmi vous, parce que nous
avons la ferme conflance que le mal etant connu, ii
sera facile d’y porter un remede prompt et radical et
aussi parce que nous avons le desir et la volonte de
trouver ce remede, et que nous sommes convaincus
que vous n’hesiterez pas a Fappliquer.
» La solidarity d’interet qui existe aujourd’hui
entre les Icariens de Cheltenham et ceux de France
donne le droit a ces derniers et leur impose meme le
devoir d’intervenir, non pas dans les details de Forga-
nisation de la Colonie, mais dans la solution a donner
a toutes les questions de principe qui interessent
Favenir de la Communaute; nous avons ce droit,
parce que la Communaute Icarienne n’est pas le
patrimoine des Memhres de la Colonie seulement,
mais bien celui de tous les Icariens presents et a venir.
y> Notre devoir est d’intervenir, parce que nous y
sommes directement interesses, non seulement pour
nous-memes, mais encore pour nos enfants, pour qui
surtout nous voulons fonder Icarie.
» La discussion qui vient d’avoir lieu a Cheltenham
en Assemblee generale, a Foccasion de la revision
de la Constitution; la violente opposition qui s’y est
— 82 —
revelee de la part de quelques-uns d’entre vous contre
l’Unite d’Administration, recommandee par le Fonda-
teur d’Icarie et adoptee a Funanimite, il y a deux ans
a peine, par tous les Membres de la Colonie : Fetrange
declaration de Fun des orateurs qui est venu dire a
l’Assemblee qu/en descendant a Saint-Louis a la fin
de 1856 on ne savait pas si on ferait de la Commu-
naute ou de FAssociation. Tout nons indique la
necessity d’intervenir pour protester contre des ten¬
dances et des actes qui nous paraissent anti-lcariens.
Nous croyons voir en effet, qu’il y a dans le sein de
la Colonie, quelques personnes qui ne sont pas
Icariennes et qui veulent entrainer la Societe dans une
voie contraire au but pour lequel elle est formee et
en vue duquel nous avons fait et nous voulons faire
encore tous les sacrifices qui seront en notre pouvoir.
» Nous ne voulons censurer les idees de personne r
nous entendons que chacun soit libre dans sa conscience
et dans son esprit comme nous entendons Fetre nous-
memes. C’est dire que nous n’entendons pas considerer
ceux qui pensent autrement que nous comme ennemis,
ni meme comme adversaries, nous voulons toujours
les considerer comme nos freres, mais a la condition
qu’ils respecteront notre liberte comme nous voulons
respecter la leur. C’est qu’ils ne nous imposeront pas
plus leurs idees, qu’ils ne veulent que nous leur impo-
sions les notres.
)> Nous avons vu avec peine les mots de Dictature
et de Despotisme prononces a propos de l’unite de
direction proposee pour base de FOrganisation de
FAdministration et a Foccasion d’un President elu
responsable et revocable. II nous semble que c’est faire
la un deplorable abus des mots et mal comprendre
l’economie de Forganisation sociale de la Communaute,
aussi nous sommes persuades qu’il y a une certaine
confusion dans les idees de plusieurs de nos freres et
qu’ils se sont determines contre Funite de direction,
sous Finfluence de souvenirs ou de preoccupations
etrangeres a la doctrine en elle-meme, et nous esperons
83 —
qu’apres un examen plus approfondi de la question de
principe, qu’ils se rallieront a nous.
» Quant a ceux qui ont des idees et des projets
differents des notres, qui ne veulent plus appliquer ni
pratiquer la doctrine Icarienne, nous pensons qu’ils
doivent se retirer pour mettre , s’ils le veulent, leurs
propres idees en pratique et nous laisser appliquer les
notres comme nous les comprenons. Et pour qu’il n’y
ait aucune equivoque a cet egard, nous leur declarons
que nous considerons cette conduite comme etant pour
eux une question d’honneur et de probite.
» Chacun de nous souserit ou prete a la Colonie
l’argent qui lui est possible de prelever sur les besoins
de sa famille; mais nous entendons que le fruit de nos
privations soit employe a fonder la Communaute Ica¬
rienne telle que le cit. Cabet nous l’a enseignee, avec
ses bases essentielles; le mariage, la famille et la
religion de la Fraternite humaine, comme fondement
des usages et des mceurs de la societe. Employer l’argent
provenant de nos souscriptions a la fondation d’une
societe organisee dans des vues differentes de cellesque
nous avons nous-memes, ou tendant a un but different
serait un detournement, un abus de confiance dont
nous n’admettons pas qu’aucun de vous puisse avoir ia
pensee; et si nous posonsaussi nettement la question,
c’est pour qu’il ne puisse plus y avoir entre vous et nous,
ni dans le present ni dans l’avenir , aucun mal-
entendu.
» Nous avons besoin qu’il y ait unite de vue entre
vous et nous, etsur le but a atteindre, et sur les moyens
a prendre pour y arriver; pour que cette unite se fasse
nous venons done vous prierde nous dire, explicitement ,
. quel but vous vous proposez et quelle marche vous
entendez suivre pour 1’atteindre ?
» En attendant, nous declarons approuver nosfreres
qui, dans un but de conciliation, ont eu la force et le
devouement de faire abnegation de leur opinion et de
la notre, pour conserver l’ordre necessaire a nos interets
communs; mais nous declarons en meme temps que le
maintien de la division dans la direction de la societe
ne pouvant nous inspirer aucune confiance, nous ne
- 84 ~
consid^rons ce maintien qae comme provisoire, et
n’enchainant en aucune facon notre avenir.
» En terminant, nous aimons a vous renouveler
l’assurance de notre concours le plus devoue, pour
faire triompher la cause Icarienne, que nous regardons
toujours comme F expression la plus elevee de la justice
et de la verite, et aussi la confiance que nous avons
dans l’avenir d’Icarie. »
Vos soeurs et vos freres de Paris.
Void maintenant comment s’exprimait le projet
d’Adresse aux Icariens du dehors sur la situation mo¬
rale de la Societe :
». Lorsqu’on commence a s’ecarter de la bonne
voie, on s’en eloigne bientot d’une maniere grave et dan-
gereuse. Cette fois, nous n’avons pas ecbappe a cette
loi generale. Du sein de tous ces desordres, des idees de
division, jetees peut-etre au vent du liasard, ont germe,
grandi, au point que deux partis commencaient a
s’imaginer dans la Societe.
» Cet etat de choses, sans en exagerer la gravite, a eu
de facheuses consequences; sa mauvaise influences’est
fait sentir dans tout ce qui nous est arrive. Nous
allons citer seulement quelques exemples : D'abord
n’est-ce pas a lui que nous devons, en grande partie
les exces et les ecarts de la discussion de la Constitu¬
tion? Sans Fidee de parti, aurait-on parle de violation
d’engagement, de tyrannie, d’ambition? Ensuite, nous
n’ignorons pas les desordres et, pour ainsi dire, les
passions que plusieurs affaires judiciaires ontsoulevees
dans nos Assemblees, depuis notre depart de Nauvoo;
n’est-il pas certain que ces desordres et ces passions
provenaient generalement de Fesprit de parti ? Les
personnalites n’ont-elles pas souvent ete mises a la
place de Finteret general? Enfln, souvenons-nous des
departs et de leurs membres, et surtout de ceux de
septembre 1857 et septembre 1858. Dans quelles
circonstances sont-ils venus? Comment nous ont-ils
trouves? Quelles ont ete leurs desillusions? Nous pouvons
et nous devons le dire : le depart de septembre 1857
est arrive au moment ou Fon faisait une propagande
- 85 —
assez etrange au sujct de la repartition des benefices,
et, quelque temps avant la presentation du Projet de
Constitution de la Gerance, et le retour d’une lettre
anti-Icarienne, envoyee a Paris. La maniere dont on
discuta , publiquement en dehors de l’Assemblee, ces-
questions diverses, exerga une influence defavorable
sur fesprit de nos nouveaux freres, les membres de la
nouvelle Avant-Garde. Quant au depart de septembre
dernier, il est juste arrive pour jouir du spectacle de
nos discussions de la Constitution , et pour entendre
les longues explications qui les ont suivies. Ses desillu-
sions ont du etre grandes; un de ses membres a era
devoir declarer qu’il finirait ici son provisoire pour
nous voir a Poeuvre plus longtemps, mais qu’il ne
pensait pas pouvoir faire sa demancle en admission
definitive. Nous nous en tiendrons la, pensant que ces
trois sortes d’exemples demontreront suffisamment le
defavorable effet, non de cette presence mais de cette
idee de parti , resultat de la non-execution de l’Enga-
gement du 13 octobre.
cc Le bien et le mal causes par l’inexecution et l'inob-
servation de fengagement sont une double preuve du
tort que nous avons eu; ce tort, e’est d’oublier, e’est
d’ecarter l’Engagement, e’est de ne pas f avoir suivi de
point en point, de plus en plus, dans toutes ses dispo¬
sitions. Quel est le rernede ? 11 est tout simple ; il est
dereconnaitre l’Engagement, d’y revenir franchement,
de l’executer, en l’examinant, en s’en rendant compte,
en fexpliquant. Ainsi, nous proposons l’observation de
plus en plus complete de l’Engagement du 13 octobre,
e’est-a-dire le programme suivant:
« Respecter et defendre la memoire de Cabet;
» Continuer et organiser la propagande;
» Accepter et preparer de loin l’emigration ;
» Executer la loi contre le tabac ;
» Continuer le Cours Icarien, en y prenant chacun
» une part de plus en plus grande ;
» S’babituer a acquerir les qualites de la sociability ;
» Maintenir a tout prix les principes et le systeme
> Icariens, se montrer tres circonspects a leur egard;
x> Accepter et organiser la repartition des benefices;
— 86 —
» Executer farticle 79 relatif au silence dans les
» ateliers ;
» Etre ealme dans l’Assemblee ;
» Ne modifier les institutions , notre Constitution et
» nos lois, que dans un cas indispensable;
» Adopter la Gerance unique, en ecartant toute idee
» d’un pouvoir fort et exclusif, et la mettre en pra-
» tique, conformement a la revision de la Constitution.
» Tel doit etre notre programme; tel il sera. La lecon
resultant de ce qu’on l’a oublig a ete assez grande; nous
en profiterons. Le Fondateur de notre entreprise a in¬
sere dans l’Engagement son experience de huit ans;
nous avons ete de son avis; devons-nous cesser de
fetre? L’experience de plus de deux ans que nous ve-
nons de faire ne nous dit-elle pas, d’une maniere elo-
quente quels ont ete nos torts? Et d’ailleurs quel est le
veritable progres? Pour nous qui avons accepte, et qui
acceptons le Voyage en Icarie , et qui sommes ici pour
le mettre en pratique, ne devons-nous pas fair toutes
les occasions de discussions longues, irritantes, pas-
sionnees? Le progres, le veritable progres n’est-il pas
toujours dans faction ?
Le probleme de notre situation peut se poser ainsi :
« Etant donnes le Voyaqe en Icarie , le Vrai Chris -
tianisme , les Douze lellres , qui contiennent les prin-
cipes du systeme Icarien, et, d’un autre cote, l’Engage-
ment Icarien du 13 octobre 1856, qui contient Y ex¬
pression resumee de notre experience: realiser ces
principes et la Communaute au moyen de cet Engage¬
ment, jusqu’a ce qu’une experience differente vienne
modifier ce dernier. »
» Si nous suivons loyalement la solution de ce pro¬
bleme, nos discussions seront calmes, rares, fructueu-
ses; l’union ne sera pastroublee; le travail sera abon-
dant; la production sera plus grande; notre bien-etre
et notre prosperity augmenteront. Nous ne saurions
resister au plaisir de citer ici Fexemple des Suedois de
fUlinois, de cette societe qu’un de nos admis provi-
soires a visitee au mois de decembre dernier, et dont
nous avons publie certains details interessants; nous
avons vu deux choses, d’abord que cette Societe etait
— 87 —
pauvre et qu’elle est devenue assez riche, et ensuite
qu’elle aime pen les discussions et qu’elle a horreur des
faux savants. Faisons comme elle; discutons peu ; agis-
sons , travaillons ; et, comme elle, nous changerons
notre situation precaire en un etat tres satisfaisant ».
» Tels sont les faits et les considerations, qui peuvent
faire connaitre notre situation morale. En nous adres-
sant aux Icariens de tous les pays, nous les assurerons
qu’ils la voient telle qu’elle est, et aussi bien que nous.
Nous leur recommanderons de bien s’en penetrer, afm
que tout ce qu’ils diront et feront ait une portee juste.
Qu’ils s’efforcent, de leur cote, de se perfectionner,
afin de nous preter un concours plus efficace; qu’ils
etudient et comprennent, qu’ils s’appretent a mettre
en pratique les dispositions diverses de l’Engagement
du 13 octobre; qu’ils s’occupent specialement de la
double question de la propagande et de l’emigration;
que le Cours Icarien leur fournisse les moyens de s’ins-
truire et de se moraliser; que leurs bonnes qualites
exercent sur nous une influence salutaire; qu’ils se
montrent, en arrivant et pendant le provisoire, circons-
pects, independants, prudents, afin de juger par eux-
memes, et de ne pas porter un jugement premature,
et d’apres des faits qui ne constituent pas toujours la
situation normale de la Societe ».
La lettre des Icariens de Paris fut communiquee a
PAssemblee generate le meme jour que le projet
d’Adresse aux Icariens du dehors, et fut accueillie avec
une grande satisfaction par la Majorite; personne ne
fit d’observations qui pussent faire supposer qu’elle
cboquait quelques membres de la Societe. Cependant,
a quelques jours de la, quand la discussion de l’Adresse
aux Icariens vintdevant l’Assemblee, Vogel et quelques-
uns de ses amis, avaient decouvert que la lettre de
Paris disait; que les partisans de la Gerance multiple
devaient se retirer de la Colonie. On eut beau relire
cette lettre pour demontrer qu’elle disait seulement;
que ccux qui ne sonl pas Icariens doivent se retirer *
11s n’en persistent pas moins dans leur interpretation,
Pun d’eux vient dire qu’il ne faut pas s’ar re ter aux
lettres et aux adresses du dehors, qu’il faut se passer
9
— 88 —
d’eux etc., un autre s’ecria: (t nous sommes deux partis
» ici; it y a Majorite et Minorite et pour ma part je
» suis fier d’appartenir a la Minorite parce que Pavenir
» est aux Minorites, » et celui-ci est tout fier d’avoir
repete cette phrase qu’il prend pour une verite de
haute politique, sans reflecliir, et sans s’apercevoir que
ce n’est qu’une grande absurdite, quand on veut Pap-
pliquer d’unemaniere generate.
Mais ces deux declarations, venant confirmer d’autres
faits qui laissaient craindre que Papparente conciliation
obtenue par l’abandon momentane de PEngagement et
le re tour a la Constitution de 1851, ne fut pas sincere ,
de la part de ceux qui avaient lutte avec tant d’achar-
nement contre PEngagement; la Majorite pensa qu’il
etait temps de mettre un terme aux interminables
discussions. Le Presidentde la Communaute, M. Favereau
prit Pinitiative d’une resolution energique. «J’ai accepte
» laPresidence, dit-il, dans unbut de conciliation, mais
)) ce qui se passe parmi nous me fait voir que
»je me suis trompe. Le voyez-vous , dit il encore,
» montrant le portrait du Fondateur d’lcarie, e est avec
» lui, avec ses principes que je veux marcher: vous
)> entendez nos freres de France q.ui nous disent, avec
)> raison, que Cheltenham n’est pas seulement votre
» patrimoine, mais aussi le leur et celui de leur enfants
» et qu’ils n’entendent faire de sacrifices que pour les
» principes Icariens et pas pour autre chose. Eh bien I
» je vous declare que je ne sortirai pas d'ici que nous
» en ayons fini avec ceux qui pretendent nous faire
» faire autre chose. »
Cette declaration est acclamee par la Majorite, et Pun
de ses membres fait la proposition de rentrer immedia-
tement dans PEngagement du 13 octobre, et formule
sa proposition , a peu pres dans les termes et dans
resprit du dernier alinea de la reponse a PEngagement:
on passe au vote; 3 ou 4 seulement, votent contre;
mais au grand etonnement de tous, Yogel declare qu’il
vote des deux mains pour la proposition, par consequent
pour PEngagement. Personne ne croit a la sincerite de
son vote, et cette hypocrisie indigne, autant ceux qu’il
a entraines a lutter contre la Societe sous pretexte de
— 89 —
l’Engagement, que ceux qui ont defendu celui-ci. Le
lendemain dimanche, il convoquesecretement, pour se
reunir dans un bois, a 2 kilometres de Cheltenham ,
tous ceux qu’il sait hostiles a FEngagement, et la, il
leur explique son vote en leur proposant d’accepter
l’Engagement, pour mieux le miner par une opposition
systematique dans son application, dans chacun de ses
details. Mais il avait mal juge ceux a qui il s’adressait,
car deuxou trois seulement approuverent sa proposition
tandis que tous les autres la repousserent comme
indigne d’eux , et le lendemain, ils envoyaient leur
lettre de retraite a la Gerance. Vogel fut lui-meme
oblige de suivre le mouvement et envoya aussi la
sienne.
Tels sont en resume, mon cher ami, les evenements
que j’avais a te raconter. Il me reste a ajouter que le
nombre des retraites a ete de 44 personnes, 21 hommes,
14 femmes et 9 enfants, et que tous avaient quitte la
Colonie le 9 avril. Dans ce nombre la moitie ou un
tiers sont regrettes par nos amis et regrettent ou regret-
teront bientot la Communaute, et y rentreront plus ou
moins vite; parce qu’ils sontlcariens, et qu’avecquelques
defauts comme nous en avons tous, ils ontbeaucoup de
bonnes qualites.
Tout en se retirant , la plupart ont exprime des
sentiment fraternels a ceux qui continuaient a rester
a leur poste, et je suis heureux de pouvoir le constater;
nous nous sommes separes parce que nous avions des
idees differentes sur quelques points de 1’Organisation
Icarienne; mais nous pouvons continuer a nous estimer
et a nous considerer comme freres , et c’est une conso¬
lation qui enleve toute l’amertume de la separation.
Quant a ceux, en tres petit nombre, deux ou trois,
qui font exception a cette conduite raisonnable et
digne,' nous les plaignons, parce que le manque de
coeur et d’esprit dont ils ont fait preuve, est de nature
a nuire plus a leur consideration qu’a nos interets qu’ils
ont voulu compromettre.
— 90 —
VII.
La courte et rapide esquisse que je viens de faire de
Fhistoire d’Icarie, peut nous servir de fil conducteur,
si je puis m’exprimer ainsi, pour remonter a la source
du mal qui nous mine, qui nous epuise continuellement,
depuis le commencement de notre entreprise de coloni¬
sation.
La cause du mal, je devrais dire les causes car, bien
qu’une dans son expression elle est multiple dans son
principe, c’est Tesprit revolutionnaire, qui, par les cir-
constances que nous avons vues en commencant, et
surtout par suite de la Revolution de fevrier 48, et de
la reactionn qui la suivit, est veuue se melangera l’es-
prit lcarien, l’a opprime, et a constamment cherche a le
denatures
Je n’ai pas a faire ici la critique de Tesprit revolu¬
tionnaire, je veux seulement constater la difference qui
existe entre lui et {’Esprit lcarien pour expliquer leur
antagonisme naturel.
Le caractere de l’idee revolutionnaire, est surtout la
lutte, le renversement. De la, cette disposition d’esprit,
chez ceux qui sont sous 1’empire de cette idee d’etre
naturellement , portes a la critique et a 1’hostilite ,
souvent a la haine contre les institutions, si non, contre
lespersonnes. L’habitude deconfondreles liommes et les
choses, les excite a croire que le renversement des per-
sonnes peut sulfire pour operer un changement radical
dans les institutions; de la encore, cette erreur non
moins funeste, qui les porte a croire que les change-
ments operes soudainement, par une Revolution, doi-
vent amener instantanement un changement radical
dans les conditions sociales, et cela en dehors des efforts
individuels de chacun. Consequemment, ils mettent
toute leur activite, toute leur energie a changer, a modi¬
fier la societe, mais sans songer a modifier ni les habi¬
tudes, ni les moeurs des individusqui la composent.
Le caractere de l’idee Icarienne est tout l'oppose de
ce que nous venons de dire. Convaincus que l’ordre
— 91 -
social ne peut pas etre tranforme subitement, par le
simple effet (Tun changement de loi, les Icariens sont
moins impatients. Considerant les imperfections des
hommes et des institutions, comme etant la conse¬
quence de Tignorance de l’Humanite anterieure, ils
sont sans colere contre toutes ces imperfections. Le
principe de la Fraternite Humaine, qui forme la base
de la Doctrine Icarienne, porte FIcarien a des sentiments
de bienveillance et defection pour tous ses semblables.
Convaincus, d’autre part, que les institutions ne sont
que Fexpression de l’etat des mceurs de la Societe et
du degre destruction des individus qui la composent,
c’estpar le developpement de Finstruction et la reforme
des moeurs des individus, qu’il prelude a la reforme de
la Societe.
Deces contrastes entre Fidee revolutionnaire etl’idee
Icarienne sont nes Fantagonisme et la lutte, resultat ine¬
vitable de la presence de ces deux elements dans le sein
de la Colonie icarienne. Et celle-ci n’a ete, a vrai dire,
depuis sa naissance, que le theatre de la guerre des
deux idees, Revolutionnaire et Icarienne. Cette derniere
a ete vaincue a Nauvoo; mais elle vient de remporter
Favantage a Cheltenham. Et nous pouvons dire que ce
n’est que d’aujourd’hui que nous sommes maitres de
nous-memes, et que nous commencons a fonder Icarie.
Aussi, cette lutte derniere, loin de nous decourager, ne
fait qu’augmenter notre courage et raffermir nos espe-
rances. Et ces esperances, nous les partageons avec nos
Freres de Cheltenham, dont Fun d’euxtermrne la lettre
que je viens de recevoir par ces lignes :
ce J’eprouve, en ce moment, une de ces satisfactions
qu’on ressent toutes les fois qu’on a fait son devoir, que
Fon a la conscience pure, et que le succes a enfin cou-
ronne nos efforts. Ici, il ne s’agit point d’un succes or¬
dinaire et ego'iste; il s’agit du triomphe de la plus belle
des causes. Ce succes est d’autant plus consolant qiFil a
ete remporte sans violence et sans fraude; au grand
jour, et au nom d’un principe. Aucune victime n’a si¬
gnals ce succes; aucune douleur n’a ete eprouvee, au¬
cune injustice n‘aete commise. Nous sommes unis, nous
nous entendonsbien, nos assemblees sont calmes, nous
— 92 —
faisons vile nos affaires. En ce moment, la Communaute
est an charme. Je vous 1’assure, je n’ai jamais dans ma
vie eprouve de plus douces jouissances, si ce n’est en
1857, lorsqu’apres la mort de Cabet, je fas convaincu
qu’Icarie survivrait a son Fondateur. Oh! que la Com¬
munaute serait belle, si nous restions ainsi. Cette fois,
nous y sommes bien resolus , et, pourvu que les nou-
veaux arrivants partagent notre resolution et nos idees
completement, je crois fermement qu’Icarie se consoli-
dera. Jamais je n’ai eu plus de confiance ».
VIII.
Dans ma prochaine lettre, que je ne te ferai pas
beaucoup attendre, je te donnerai la liste de ceux qui
ont quitte la Colonie et celle de ceux qui y sontrestes;
il me reste trop peu de place et de temps pour le faire
aujourd’hui, je te dirai done seulement qu’apres le
depart de ceux qui se sont retires, la Colonie s’est
immediatement reorganisee. La Constitution a ete revi-
see conformement a l’Engagement du 13 octobre, et nos
amis Mercadier et Favereau ont ete elus a l’unanimite
pour 4 ans, le premier, President et le second, Vice-
President de la Communaute. Le President a choisi
pour Directeurs Generaux , les citoyens Bira pour
FAgriculture et 1’industrie ; Mesnier pere, pour le
logement, le vetement, la sante, etc., Gamier, pour les
achats, la nourriture, etc. Tout cela a ete fait en quel-
ques jours, parce que nos freres sentaient la necessite
d’en finir avec toutesles discussions, et que, d’un autre
cote v toutes ces mesures etaient preparees depuis long-
temps en vue de leur adoption par toute la Societe.
Celle-ci avait d’ailleurs besoin, apres la retraite d’un
tiers de ses membres, de redoubler d’energie et d’acit-
vite au travail pour faire face, d’un cote a tous les en¬
gagements, pris en vue d’une production beaucoup plus
considerable qu’elle n’allait etre par suite de la dimi¬
nution du personnel. Et, de l’autre, pour fournir a
ceux qui se retiraient les sommes indispensables a leurs
premiers besoins.
Toutes ces circonstances constituent pour la Societe,
- 93 —
une situation fmanciere extremement genee et meme
impossible, sans le coneours des Jcariens du dehors.
Mais nos freres ont la confiance que ce coneours ne
leur fera pas defaut. Deja, en 1856 et 57; ce sont les
dons et les prets des Icariens du dehors qui ont rendu
possible la creation de la nouvelle Societe. Aujourd’hui
la position est cent fois meilleure, car il ne s’agit pas
de creer a nouveau , mais de conserver une situation
excellente d’ailleurs. En un mot, nos freres de Chelten¬
ham peuvent sufiire, par leur travail, non seulement
a tous leurs hesoins, mais a payer une somme de 3,500
dollars environ pour les engagements anterieurs. Mais
il faudra que nous leur fournissions 3,500 a4,000 dollars
d’ici a la fin de janvier 1860, soit 18 a 20 mille francs,
dont une partie , 6 a 8,000 francs , le plus tot pos¬
sible.
Et j’ai la certitude que ce ne sera pas en vain que
nos freres auront compte sur nous. Chaque Icarien
comprendra quee’est un devoir pour lui de participer
aux charges de la Communaute, et chacun suivant ses
forces. Ne pas le faire, dans les circonstances on nous
sommes, ce serait avouer qu’on n’est pas Icariens et
qu’on n’en prend le litre que dans fespoir d’en tirer
quelques avantages. Mais je suis convaincu que tous
ceux qui, comme toi mon cher Eugene, sont animes
d’une conviction sincere et dont le cceur est eehauffe
par famour de l’humanite, redoubleront de zele et de
devouement, pour prendre leur part des charges qui
pesent en ce moment sur notre oeuvre commune.
Je t’ai deja parle, dans ma lettre de decembre 1858,
du mode de souscription a un sou par jour, propose
par un de nos coreligionnaires, qui proposait a tous
les Icariens d’adopter ce mode, pour fournir a la Colonie
les ressources necessaires a la creation de son materiel
agricole et industriel etsurtout, pour payer lapropriete
de Cheltenham; un autre de nos coreligionnaires avait,
dans le meme temps, la meme idee, quoique separe du
premier par une distance de plus de 2000 lieues, et
joignant immediatement faction a la parole, il creait
la souscription a un sou par jour de travail, qui etait
adoptee aussitot par nos autres coreligionnaires de la
- 94 —
meme ville (Rio de Joneiro, Bresil), et ilm’ecrivait au
inois d’avril dernier, en m’envoyant le trimestre de la
souseription :
« Conformement a notre engagement dans la lettre
» du 9 deeembre dernier, je vous envoie ci-joint une
» traite de 187 francs 50, produit de la cotisation de
» 50 personnes, pour le premier trimestre, a partir
)> du premier janvier 1859.
» Siles Icariens du dehors comprennent bien leurs
» interets, la presente lettre aura deja ete precedee de
» beaucoup d’autres traitant de la meme question, et
» ceux qui n’ont pas encore donne leur adhesion se
» hateront de Fenvoyer sans hesiter, au risque d’etre
» regardes comme dissidents, ou comme des hommes
» qui prennent le titre d’Icariens dans l’intention de
» jouir des bienfaits de cette Societe sans vouloir
» prendre aucune part aux peines et travaux quecout era
» la grande entreprise humanitaire. Mais je suis loin
» de penser qu’il y ait des Icariens de cette derniere
» espece, je pense au contraire, que tous sans excep-
» tion, contribueront, par le moyende la cotisation,
» a la formation de la grande oeuvre qui offre certaine-
» ment plus d’avantages materiels et moraux que toute
» autre entreprise.
» Les Icariens de tous les pays doivent done diriger
» tous leurs efforts vers le meme point, leur chemin
» est tout trace et s’ils le suivent fidelement, ils
» marcheront surement et sans aucune secousse vers
» un meilleur avenir.
» La Societe de Cheltenham a besoin de savoir si
» elle peut compter sur les Icariens du dehors; elle
» le saura par le moyen de la cotisation a un sou
» par journee de travail, ce qui est a la portes de tous;
» encore ce leger concours n’est pas un sacrifice mais
» seulement de Fargent prete que Ton pourra au besoin
» reprendre, capital et interets.
» D’apres ce qui precede, tous les Icariens du dehors
» saisiront cette occasion pour prouver qu’ils sont
» fermement decides a soutenir leurs freres et soeurs
» de Cheltenham pour agrandir rapidement Foeuvre
» commune.
— 95
» Cette entreprise etant institute dans Finteret de
» Fhumanite tout entiere , la Societe qui y travaille,
» doit successivement s’agrandir aussi, tant aFexterieur
» qu’a l’interieur, mais pour cela il faut absolument
» des moyens suffisants, c’est pourquoi les rnembres de
» Fexterieur ne doivent passe proposer de completer le
» million seulement, maisils doivent declarer la cotisa-
» tion perpetuelle comme la Societe elle-meme. Si
» les rnembres de Fexterieur sont reellement animes
» du devouement Icarien, ils iront plus loin encore,
* et ils feront une Adresse, signee ou approuvee par tous,
» qu’ils enverront a FAssemblee generate a Cheltenham
» pour qu’elle rende la cotisation obligatoire pour tout
» Icarien travailleur, que les Icariens de Paris prennent
» rinitiative et tout ira bien, cette proposition paraitra
» peut-etre un peu bardie a bien des Icariens parce
» qu’ils penseront qu’on ne devrait rien imposer de
» semblable; mais si la Majorite des rnembres de l’exte-
» rieur le demande elle-meme, cela ne sera pas un im-
» pot, mais tout simplement une loi de plus a ajouter
» aux autres concernant les rnembres de Fexterieur
» comme la loi;sur Y Admission sur l’apport, sur les
» qualites exigees pour etre admis, etc.
» D'ailleur si les Icariens veulent une Icarie, leur
» devoir reciproque est d’adopter definitivement et
» pour toujours ce moven qui contribuera largement
» a leur propre bonheur, a celui de leurs enfants et a
» celui de Fhumanite souffrante. »
Bien, tres bien, voila un bel et noble exemple a sui-
vre, donne par nos coreligionnaires du Bresil, etje
n’hesite pas a le proposer a tous. Seulement, la Sociele
Icarienne n’existant qu’a Cheltenham, celle-ci ne peut
prendre aucune mesure qui rende la souscription
obligatoire aux Icariens du dehors. L*obligation est
pour eux seulement morale. Mais elle n’en est pas moins
comprise et acceptee par tous ceux qui sont reellement
Icariens, et c’est au contraire parce qu’ils sont libres et
ne relevent que de leur conscience qu’ils se font un
devoir sacre de souscrire.
Je n’ai pas besoin de te recommander, mon cher ami,
de stimuler le zele de nos coreligionnaires avec les-
— 96 —
quels tu es en relation, ni de bien leur expliquer, que
ce n’est pasun don qu’on leur demande, mais seulement
une avance, un pret, contre lequel on leur donne des
titres de YEmprunt lcarien , qui lui seront rembourses
aux epoques determiners par la loi sur l’Emprunt.
Quant aux personnes qui ne seraient pas tout-a-fait
Icariennes et qui voudraient souscrire, soit a un sou
par jour, soit pour des sommes plus ou moins fortes,
et qui demanderaient quelles sont les garanties pour
les sommes pretees; je te rappelle que la Colonie em-
ploie les sommes provenant de FEmprunt a payer la
propriety de Cheltenham, et qu elle m’a en outre donne
un fidei-commis, ou une sorte de delegation, sur ladite
propriety, comme representant de tous les porteurs
d’obligations.
Je proflte de cette occasion pour te prier de donner
avis a tous ceux qui sont actuellement porteurs de ti-
tre provisoire des obligations de YEmprunt lcarien ,
que je viens de recevoir les titres definitifs, que je vais
m’occuper, dansle courant du moisde juin, deremplir
toutes les formalites legates pour pouvoir les echanger
en juillet, contre les titres provisoires qu’on aura a me
renvoyer. Tu feras bien, pour eviter a tous des frais de
transport, de reunir tous les titres qui sont dans ta lo¬
calise pour me les envoyer en un seul paquet affranchi.
En meme temps que je te ferai la remise des titres, je
paierai les interets echus jusqu’au 31 decembre 1858.
Chacun aura done a me faire savoir comment il fera
toucher la somme qu’il aura a recevoir ou par quelle
vole il faudra la lui envoyer.
Allons, mon cher ami, du courage, de Factiviteet de
la perseverance. Ayons foi en notre cause, ayons foi en
nous-memes. Aidons-nous et le del nous aidera!
Paris, le 28 mai 1859.
J’oubliais de te prevenir que Fadresse de la Colonie
est changee. Pour les lettres, il faut maintenant les
adresser: Post-Office Box, N° 3602, a Saint-Louis,
M° Etats-Unis d’Amerique.
PARIS. — TYPOGRA.P31E ET LITHOGRAPHIE FELIX MALTESTE ET C**,
Rue des Deux-Porles-Saint-Sauyeur 22.
LETTRES ICAKIEB.
TROISIEME LETTRE.
IX
La necessity dans laquelle je me suis trouve de
t’expliquer dans ma derniere lettre, les evenements
relatifs a la revision de notre Constitution, m’a oblige
a ajourner jusqu’a ce jour le compte-rendu presente a
la societe par sa Gerance au mois de fevrier 1859.
Ce compte-rendu emprunte une impo
particuliere aux circonstances qui Font
suivi. En effet, il peut etre considere c
les operations du mode d'Administratio
— 98 —
la Gerance multiple; c’est en quelques sorte, la cloture
de notre comptabilite ancienne.
Ces circonstances me determinent, mon cher Eugene,
a te donner dans son entier, et malgre son etendue, ce
document de notre histoire. J'ai l’assurance que, dans
quelques annees, nous le relirons avec plaisir pour
considerer le point d’ou nous serons partis, pour nous
mieux faire apprecier le chemin parcouru et le progres
accompli.
Telle estla conviction qui nous donne a tous la force
et le courage de perseverer au milieu des circonstances
difficiles qui nous entourent depuis la mort du Fon-
dateur de recole Icarienne, ces circonstances ont ete
telles, qu’elles auraient decourage des hommes sans
conviction, ou dont l’interet personnel aurait 'ete le
seul mobile. Les Icariens, en surmontant toutes les
difficultes qui se sont rencontrees pour les decourager,
ont prouve aumondequ’ils ont une puissance indepen-
dante du nombre et de la fortune, et qui peut au besoiu
en tenir lieu. Cette puissance, c’est la conviction qu’ils
sont en possession d’une idee vraie, c’est que pour
eux, laFraternite dont ils cherchent la realisation dans
Fordre social , est la loi naturelle de Thumanite, en
dehors de laquelle il ne pent y avoir ni liberte ni justice
niharmonie dans la societe. Oui! nous le disons avec
bonheur, nous devons notre salut a la foi que nous
avons en THumanite. Et cette foi nous soutiendra
— 99 —
toujours, nous y trouverons constamment la force de
surmonter les nouveaux obstacles, parce que nous
trouvons la raison de cette confiance en nous-memes,
dans notre propre conscience qui nous affirme, que
l’Humanite ne peut pas se trahir elle-meme ni vivre et
se developper en dehors de ses lois naturelles.
Qu’on ne s’etonne done pas si nous perseverons a
raccomplissement d’une oeuvre qui parait si difficile:
nos efforts, nos sacrifices et notre perseverance, se
resument dans ces mots; nous croyons enihumanile.
COMPTE-RENDU
DE LA
SITUATION DE LA COMMlNAl’Tfi
Du mois d'Aout 1858 aumois de Fevrier 1859
ACHATS ET COMMISSIONS..
( Le cit. Heggi, Gerant )
« Le voisinage de Saint-Louis nous a mis dans la
necessite de confier a un seul Gerant les achats et les
commissions : ces fonctions ont tellement du rapport
avec plusieurs autres, que nous n’avons pas besoin de
nous etendre beaucoup sur leur compte. Celui qui en
est charge doit deployer une grande activite et faire
preuve de beaucoup d’ordre, et d’une exactitude
exemplaire.
— 100 —
» 11 importe de realiser les achats, soit au comptant;
soit a credit, en gros le plus possible; cette regie, que
la Gerance a commence a mettre en pratique, devra
etre generalisee par la nouvelle Administration. II
faudra aussi examiner la question d’un magasin a
Saint-Louis , dans le but de faciliter, en meme temps
que nos transactions diverses, les achats et surtout les
commissions. II sera indispensable de faire ou de
raceommoder un ou deux wagons a cet usage. Nous
devons mentionner qu’ on a parle d’avoir un omnibus
qui ferait plusieurs fois par jour le trajet entre Chelten¬
ham et Saint-Louis.
SANTE, SECRETARIAT ET BIBLIOTHEQUE.
(Le cit. Vogel , Gerant. )
» Malgre tous nos desirs et l’urgence des choses,
nous n’avons pas encore pu fournir un local pour l’in-
firmerie; et par consequent il a fallu soigner tous les
malades a domicile. Leur nombre a ete considerabl e
pendant l’epoque de ce compte-rendu. Les livres de cet
atelier, plus specialement organise a partir du 23
octobre, constatent les noms de 97 malades, hommes,
femmes et enfants, et environ 1,500 journees de
maladie des grandes personnes.
» Presque toutes ces maladies ont ete des fievres
dont il faut attribuer la cause a l’humidite extraordi¬
naire de la saison. Les environs ont ete egalement
sujets aux fievres; c’etait une veritable epidemie;
chaque localite , cbaque famille a eu ses fievreux; on
cite une famille composee de 14 personnes, dont 12
membres etaient atteints de la flevre en meme temps.
Les habitants les plus anciens ne se rappellent pas avoir
vu un pareil etat de choses ; ce qui prouve qu’il ne faut
pas fattribuer a notre nouvelle position. Aujourd’bui
toutes ces fievres, quoique d’un caractere tres malin,
sont gueries a une ou deux exceptions pres. Nous avons
a deplorer la perte d’un enfant age d’un an et celle
d’un citoyen age de 27 ans, tous deux morts d’une
inflammation de poitrine. En ce moment nous avon&
— 101 —
deux personnes assez gravement malades , la citoyenne
Kilns et le cit. Huber.
» Le personnel de Finfirmerie est compose dn doc-
teur, qui, sans 6tre membre de la Communaute,
demeure parmi nous depuis le mois d’octobre ; du
directeur de Fatelier, membre de la G6rance, qui a ete
aussi pharmacien pendant quelque temps, d’une infir-
miere, et d’un cuisinier pour la cuisine exceptionnelle.
La premiere infirmiere, remplacee maintenant, a ete
quelque temps aide ala pharmacie, et sage-femme pour
quelques pratiques du dehors.
» A ce service regulier, il faut ajouter 109journees
passees par d’autres personnes coniine garde-malades.
Quelques petits travaux ont ete executes par les conva¬
lescents.
» Depuis le mois de juillet dernier nous avons une
belle pharmacie dans une piece bien situee de notre
grande maison. L’inventaire en fixe la valeur a environ
350 dollars. Elle a ete tenue un certain temps par le
directeur de rinfirmerie, aide par Finfirmiere; tons les
deux ont en outre rempli leurs autres fonctions. En ce
moment, le cit Widstrand en est charge. La pharmacie
a fourni a l’usage de la Communaute tons les medica¬
ments necessaires: leur quantite a ete considerable. En
estimant assez moderement, la Societe aurait ete obligee
de faire une depense d’au moins 5 dollars par se-
maine , s il avait fallu acheter les medicaments, sans
compter les difiicultes de s’en procurer de Saint-Louis
et Finconvenient et le danger d’en manquer dans des
cas extremes.
» La pharmacie a vendu aussi au public etranger
des medicaments pour 206 dollars 81 cents, dont 136
dollars 93 cents ont ete delivres a la caisse, et 71 dol¬
lars 87 cents ont servi a renouveler les provisions
epuisees. Ces recettes sont dues, en grande partie, a la
saison excessivement malsaine; cependant il est pro¬
bable que les benefices de la pharmacie seront genera-
lement plus considerables des qu’elle sera mieux
connue et que, par le temps, elle inspirera plus de
confiance.
- 102 -
» Notre bel etablissement de bains s’est trouve a,
notre arrivee a Cheltenham, avoir besoin de quelques
reparations. Les travaux indispensables a notre instal¬
lation nous ont empeches de nous en occuper avant le
mois de juillet, de maniere que les bains n’ont pu etre
prets qu’au commencement d’aout. A partir du 9 aout
jusqu’au 7 septembre, la Societe a donne a ses mem*
bres(hommes, femmes et enfants) chacun a tour de
role, douze bains par jour, ou environ un bain a chacun
par semaine. Plusieurs circonstances nous ont forces de
fermer Y etablissement a cette epoque. La saison trop
avancee, le manque de locaux et d’arrangements conve-
nables nous ont empeches d’en tirer parti en le met-
tant a la disposition des etrangers.
» Une revue de l’inventaire de la bibliotheque suffit
pour demontrer combien nous manquons de bons
ouvrages de tous genres, surtout de livres instructifs et
interessants pour tous les ages , et surtout pour l’usage
des enfants. Independamment de cela, un reglement
pour la bibliotheque nous fait defaut. Les livres donnes
en lecture rentrent souvent tres irregulierement et
quelquefois pas du tout. II faudra que ce point et
d’autres soient regies. II y a, encore, une observation
a faire aux Icariens du dehors, qui apportent ou envoient
des livres a la Communaute; c’est que, comme nous
n’avons pas de relieur et que nous ne pouvons pas faire
relier les livres qui ne le sont pas, nous nous en servons
tels qu’ils sont, ce qui les use completement en tres
peu de temps.
» Nous disons done a nos amis que, tant que nous
n’aurons pasde relieur, il fautconsiderer tous les livres
non relies, apportes dans la Communaute, comme etant
en pure perte pour eux et pour celle-ci.
» Les registres du secretariat determinent le mou-
vement du personnel de la maniere suivante :
I
» Quatre naissances , les enfants C. Mesnier, Cling r
Brierre et Loire.
i Sept admissions provisoires : les cit. Mauvais
(Theodore), Duhamel, Pinton, demoiselle Renaud
(Delphine) Vivier et femme, Widstrans.
— 103
» Trois admissions definitives : les cit. Marchand
(Leon), Bouas et sa femme.
» Rentres dans la Communaute: lacitoyennc Wiske,
dont la sortie n’a pas ete considereecomme une retraite,
le cit. Huber, qui n’est pas encore admis.
» Le cit. Coeffe, qui avait, dans le semestre dernier,
echange sa demande en conge contre une demande en
retraite, est revenu de sa seconde determination, etest
considere aujourd’hui comme etant en conge.
» Deux deces : 1’enfant Gobel etle cit. Jean-Clement
Collet.
» Cinq retraites: les cit. Hubert (Ferdinand), Des-
brosses et femme, Moreau et femme.
» Au 31 juillet dernier, la Communaute comprenait
cent quarante-cinq individus.
» Depuis, elle a perdu en personnel sept membres.
» Depuis le meme jour, elle a gagne quatorze indi¬
vidus. Ainsi la Societe comprend, au 30 janvier 1859,
cent cinquante-deux personnes; c’est-a-dire sept de
plus qu’a l’epoque du dernier compte-rendu.
» Ce personnel est ainsi compose : cinquante-sept
citoyens admis definitivement, cinq provisoirement, un
non encore admis, six jeunes gens, quarante-deux ci-
toyennes et jeunes filles, neuf eleves a Tecole des
jeunes filles ; dix a celle des garcons, huit enfants a la
salle d’asile et neuf nourrissons, dont cinq du sexe
feminin et quatre du sexe masculin.
» Cinq sont absents : en conge, la famille Sanger «t le
cit. Coeffe; pour cause de sante, la citoyenne Cledes.
)> Le cit. Thieulin est rentre avec le depart dernier.»
EDUCATION, INSTRUCTION,
DIVERTISSEMENTS, LOGEMENT, VETEMENT.
(Le cit. Brierre, Gerant.j
VJ 7 *. I •
|#|-y . J , f , • »
» Nous avons peu de chose a dire sur la situation de
nos trois ecoles. Taut que nous n’aurons pas le personnel,
le materiel et le local necessaires , nous devrons nous
104
contenter d’un etat de choses relativement satisfaisant.
Les personnes chargees des eleves, nous semblent mettre
beaucoup de zele dans l’exercice de leurs fonctions.
L’Administration a livre aux deux ecoles quelques livres
indispensables, tels que grammaires francaises , geo¬
graphies, exercices de lecture. Les eleves prennent des
lecons d’ecriture, de calcul, de recitation, de musique
et de chant. Us ont fait des progres assez sensibles sous
le rapport de FEducation en general, et surtout en ce
qui concerne la fraternite et la politesse. Les eleves ont
fait les corvees diverses dans les ecoles, a la satisfaction
des directeurs et des directrices. Au reste, la Societe a
pu, au Cours Icarien, suivre les progres successifs de
^intelligence et de la conduite des eleves. L’Assemblee
generate a adopte dernierement quelques dispositions
relatives aux ecoles.
D’apres elles, les eleves sortirontde Fecolea 16 ans;
cette disposition a ete mise en execution a l’egard d’Eu-
genie Helix. Cette decision de FAssemblee aregleaussi
les corvees faites par les eleves au dehors de Fecole. Elle
s’est occupee en outre des travaux de couture pour les
jeunes filles; sur ce point, elles montrent de Fapplication
et font des progres. Enfin , la Societe a decide , quand
elle a traite la question des bals, que les eleves pourraient
assister et prendre part a nos danses, a nos soirees, a
tous nos divertissements. Nous n’avons pas besoin de
faire ressortirFimportance de cette innovation. Jusqu’ici
nous n’avons qu’anous en louer.
» Malgre de grandes difficultes, malgre nos longues
discussions, les fetes et les divertissements ont pris une
assez grande extension , pendant le semestre dernier.
Nous avons celebre le 8 novembre et le l e r janvier ; la
celebration du 8 novembre a ete completee par la visite
que nous avons faite dans le courant de decembre a la
tombe du Fondateur d’Jcarie. Nos divertissements ont
eu lieu tous les dimanches, et se partagent entre le
theatre, le bal et les jeux divers. Le fait le plus important
a signaler, fait qui constitue une innovation capitale, c’est
que tout le monde en general a pris une part active a
nos divertissements.
» Les musiciens se sont en tend us pour former des
— 105
eleves; 1’Administration a accorde qu’une demi-heure
par jour serait prise sur le travail a cet effet. On a
demande quelques instruments a notre Agent de Paris,
ainsi que plusieurs morceaux de musique.
» Nous sommes en train de faire subir un leger agran-
dissement a notre theatre. Nous commencons a avoir
un assortment de costumes, mais il est encore incom-
plet; il nous faudrait principalement quelques perruques.
Nous avons theatre une fois par mois; on a joue Jacquart
et la Fille de iAvare , trois pieces sont en repetition pour
le 3 fevrier. On peut nous envoyer des pieces de theatre,
a mesure qu’on en trouvera de convenables pour nous.
Il nous faudrait un chef sur le violon pour la conduite
de la musique des pieces.
» Nous avons eu deja trois bals, dans lesquels on a
danse des quadrilles, des walses, des polkas, des schot-
tishs. Nous avons a constater que la danse et le maintien
en general ont ete satisfaisants, grace aux lecons donnecs
par nos meilleurs danseurs, eta L esprit public qui nous
anime. La presence de nos enfants, et d’autres conside¬
rations, doivent porter tout le monde a veiller et a con-
tribuer a cette bonne tenue, qui fera des bals un de nos
meilleurs divertissements.
» Nos soirees diverses ont eu lieu, l’ete au milieu de
notre bois, et l’hiver dans le grand atelier des tailleurs.
» Citoyennes et citoyens, enfants, tout le monde y
a contribue. Jeux , choeurs, chants, chansonnettes
comiques, declamations, musique , tout a ete mis a
contribution. 11 importe a cet egard de laisser une
certaine initiative a chacun ; mais il importe aussi que
chacun mette dans le choix des morceaux qu’il chante
ou qu’il declame beaucoup de prudence et de delicatesse,
se rappelant que nos enfants assistent a nos soirees et
que ces soirees sont des reunions de tous les membres
de la grande famille.
» Le logement est a pen pres dans la meme situation
qu’a l’epoque de notre dernier compte-rendu. Avant
l’hiver on a fait quelques reparations aux log-houses;
on a termine la maison occupee par le docteur , on a
eleve a rextremite ouest de la nouvelle forge une maison
— 106 —
qui n’est pas encore achevee. Terminer cette construc¬
tion, donner la deuxieme couche aux chambres de quatre
nouvelles maisons, mettre la derniere main a la repa¬
ration commencee a la grande log-house, et peut-etre
faire une nouvelle maison pour recevoir les nouveaux
membres qui vont nous arriver; tels sont les premiers
travaux a executer dans cette partie. II faudra aussi
examiner s’il y aura moyen de construire un nouveau
refectoire ou de le placer au deuxieme etage de la grande
maison, ou d’ameliorer celui qui existe.
» II faudra curer le puits. II sera necessaire d’exa-
miner de nouveau la distribution des eaux et de com¬
pleter les quelques travaux faits deja pour alimenter la
cuisine. L’eclairage a la bougie a ete remplace depuis
un mois environ par Feclairage a lTiuile de lard, ce
dernier moyen etantplus economique. Le chautfage ne
laisse a peu pres rien a desirer ; le charbon de terre est
de qualite assez bonne , en quantite considerable, a
quelques centaines de pas seulement de nos maisons.
II nous est vendu depuis quelque temps en moyenne
7 cents les 80 livres ; nos forgerons travail!ent pour les
charbonniers et gagnent plus que le charbon ne nous
coute. Du moins, de septembre au l e r janvier, quatre
charbonniers nous ont fourni 204boisseaux pour 171 dol.
10 cents, ce qui met, pour cette epoque le boisseau a
8 cents 1/3.
» Les ateliers de bardeaux, de charrons, de menui-
siers et de tonneliers fournissent les copeaux et le petit
bois. Le chautfage a exige cette annee environ trois
douzaines de poeles, une grande quantite de tuyaux de
tole, des caisses a charbon, cendriers, tisonniers, pelles,
balavettes, etc.
j> II faudra examiner tres serieusement la question des
chemins autour des maisons, dans le but de rendre les
communications plus faciles et agreables.
» En ce qui concerne le vetement, Y Administration a
peu ameliore; die s’est contentee de remplacer a peu
pres ce qui a ete detruit, et de repondre aux nouveaux
besoins qui se sont manifestos. On a fourni environ
2,000 vardes d’etoffes diverses, qui ont coute environ
300 dob
— 107 —
Quelques personnes ont temoigne le desir qae la
Commission de detruit soit aussi et en memo temps
une Commission de vetement ;l’Assemblee pourra etre
appelee a examiner cette question.
INDUSTRIE, AGRICULTURE, NOURRITURE.
(Le cit. Uttenw eiller , Gerant.)
*
« Les travaux executes, independamment des tra-
vaux ordinaires, pendant le semestre dernier, sont
deux cabinets d’aisance, la maison du docteur termi-
nee, la nouvelle forge commencee, les accessoires du
jardinage, tels que defriche et deboisement, assainisse-
ment, fencage, reparation a la source d’eau sulfu-
reuse, terrassement a la route principals Pendant le
semestre suivant, il s’agira , avant tout, de terminer la
nouvelle forge, et tous les travaux necessaires a la
production du jardinage, et particulierement les chassis
pour les couches. La forge et le jardinage doivent,
avec Fatelier de tailleurs, de cordonniers, de tonne-
liers, constituer principalement notre production du
dehors.
» II faudra mettre la plus grande activite aux travaux
indispensables pour la route, sans elle nous eprouve-
rons, on s’en est deja apercu, de serieux inconvenients.
» La question de l’irrigation , sous le rapport du
jardinage, meritera aussi un examen attentif; car si les
jardins ne peuvent etre arroses convenablement, leur
production sera relativement faible.
)> La marche de l’industrie se trouve ainsi naturel-
lement toute tracee. Independamment des travaux
ci-dessus designes, se presenteront les suivants : les
ecuries , les caves au-dessous des nouvelles maisons,
infirmerie, lingerie, refectoire, nouvelles maisons
pour les nouveaux departs.
» Nous croyons qu’il serait convenable que la Societe
adoptat un plan general, une marche a suivre, d’apres
lesquels elle determinerait, autant que possible, son
avenir, d’abord d’une maniere generate, et ensuite par-
- 108 -
ticulierement a chaque branche d’Administration. Nous
faisons cette observation au sujet du logement, parce
qu’il conviendrait de ne plus elever une seule maison,
sans que F emplacement de notre village soit bien
determine. La nouvelle Administration devra saisir
FAssemblee de cette question le plus vite possible.
» L’Assemblee a, dans son ordre du jour, la question
des incendies. Elle n’a pas encore vote Fensemble des
dispositions concernant !e travail.
» La Gerance future devra prendre Finitiative pour
voir s’il ne serait pas utile de placer un store et un
magasin de ferblantier a cote de la nouvelle forge.
» Notre troupeau s’est augmente d’une vache et de
quelques cochons, II faudra acheter quelques autres
vaches. On pourra s’occuper de nouveau d’un poulailler,
soit pour Finfirmerie seule , soit pour toute la Com-
munaute. La Societe a essentiellement besoin d’un
autre attelage ; il faudra done acheter le plus tot pos¬
sible un ou deux chevaux ou mulets.
» La Societe mettra-t-elle les bains a Fusage du
public exterieur ? dans le cas ou elle desirerait le faire ,
il faudra sc resigner aux preparatifs et aux depenses
indispensables.
» Si Foccasion se presente de louer quelques acres
de terre dans les environs, FAdministration ne devra
point perdre de vue que les travaux que nous avons a
executer dans notre propriety sont nombreux; elle
n’acceptera done de pareilles propositions que si elles
sont tres favorables, et qu’a la condition de pouvoir
faire sur ces terrains loues des recoltes dont la main-
d’ceuvre soit peu considerable.
» Il va se presenter une serieuse question, celle de
la Filature, qu’il importera d’examiner meme en Assem¬
ble generale, et, en attendant, avec le cit. Lefevre, pour
nous arreter au meilleur parti a prendre. Puisqu’on va
s’en occuper dans peu de temps, tout detail et toute
appreciation seraient ici superflus.
» Depuis le mois de juillet dernier, le Gerant de
I’industrie a ete charge de la nourriture , afin que cette
branche de FAdministration, si importante, fut dirigee
— 109 «.
par un Gerant toujours constamment sur les lieux. Ce
que nous avons deja dit au sujet d’un refectoire et dc
la distribution des eaux, nous permettra d’etre brefs sur
cette question. On a repare le four. On a eu a se plain-
dre quelquefois de la qualite inferieure des farines em¬
ployees. On a reconstruit completement le fourneau de
la cuisine. Un poele en fonte a ete place a la cuisine,
destine plus specialement a preparer la nourriture des
malades. Le point le plus important ii cette matiere,
e’est la composition du repas de la grande cuisine. Depuis
le dernier compte-rendu, nous avons aconstater ici une
grande amelioration; cette amelioration est telle qu’on
s’est demande si elle n’etait pas trop grande par rap¬
port a nos ressources. Les personnes qui ont cette opi¬
nion pourront demander qu’on 1’examine, etlaGerance
et l’Assemblee auront alors a s’en occuper. La question
des corvees de la cuisine est aussi tres interessante. La
Gerance avait propose un moyen de les supprimer; on
ferait peut-etre bien d’essayer de ce moyen.
PRESIDENCE, JOURNAL, CORRESPONDANCE*
IMPRIMERIE, COURS ICARIEN, FINANCES.
( Le cit. Mercadier , President. )
» La Nouvetle Revue lcarienne a depasse deux ans
et atteint le cinquantieme numero. Cette publication
est faite principalement pour Finterieur dela Commu-
naute. Notre propagande exterieure a lieu a peu pres
exclusivement par la correspondance particuliere.
Cette publication bi-mensuelle est devenue insuiFi-
sante; les sujets traites aux Cours Icariens , nos pro-
ces-verbaux, la description de nos fetes, lesadresses de
nosfreres, YHistoire aniverselle du cit. Cabet, pole—
miques, tout est en retard. II sera bon d’examiner s’il
ne serait pas necessaire de faire paraitre notre journal
plus souvent. Le nouveau directeur de rimprimerie a
propose, il y a quelque temps, de faire un journal un
peu plus petit et de le publier toutes les semaines, ce
qui permettrait de repondre a tous nos besoins de cette
— 110
nature. Nous croyons devoir inviter la nouvelle Gerance
a porter son attention sur ce point.
» La correspondance est importable et active. Le
releve de tous les dossiers de la correspondance constate
cent quatre-vingt-douze correspondants anciens et nou-
veaux, soixante-quatre correspondants actuels , dont
trente-sept importants, quatre tres importants et un
capital.
» Nous n’avons a signaler rien de remarquable au
sujet de l’imprimerie, si ce n’est que nous y avons
place un apprenti imprimeur.
» Nous avons peu de chose a dire au sujet du Cours
Icarien, apres le discours du President de la Commu-
naute, prononce le 14 novembre dernier, etpublie dans
leN° 17 de la Pievue. Nous n’avons qu’a confirmer les
paroles qu’il contient, en ce qui regarde la situation du
Cours en general, V obligation dans laquelle se trouve
chacun de nous de prendre une part active au Cours,
et en ce qui concerne la part que les lcariens du dehors
doivent y prendre eux-memes. Void les noms des per-
sonnes qui ont traite ou lu des sujets aux Cours, avec
le nombre des sujets traites ou lus, independamment
des lectures ordinaires : les cit. Cledes, un ; Colin , tin;
Dazy, un; Droussent, un; Loire , un; Loiseau , deux ;
Marchand (L.), un; Mercadier , trois; Salarnier, un;
Vogel, quatre; les citoyennes Gruber mere, un; Gruber
(Claudine), un ; les jeunes gens, Gillet (Louis), un;
Raymond (Charles) trois ; le cit. Widstrand, admis
provisoirement, un. A part cela, chacun a son tour lit
et commente le Vrcii Chistianisme . Les enfants disent
des fables-; la musique contribue a rendre le Cours
agreable. Tous les conseils que nous pourrions donner
se reduisent a ces simples paroles : nous n’avons qu’a
continuer dans la voie que nous suivons, et le Cours
Icarien realisera tous les bienfaits que nous en atten-
dons.
» La propagande a fait quelques progres depuis
notre dernier compte-rendu. Nous recevons une qua—
rantaine d’echanges , dont deux italiens, trois anglais,
onze allemands et le reste francais.
» L’emprunt a produit quelques bons resultats,
- Ill -
malgre la misere generate des ouvriers. Nos amis conti-
nuent a nous envoyer de chaleureuses adresses. Les
departs recommencent avec un nouvel elan. Un grand
nombre de nos co-religionnaires de France, de Suisse
se preparent a venir nous rejoindre.
» Les Cours lcariens ont surtout donne une forte
impulsion a la propagande. Laderniere loi surfemploi
des dons de la souscription 1856-1857, maintiendra et
et augmentera cette impulsion.
» Nous void a la question des finances, la plus im-
portante, peut-etre , de toutes ; nous ferons connaitre,
avec tous les details possibles, les recettes et les depenses
du semestre, les recettes speciales a notre industrie, les
operations de notre agent a Paris , la situation de la
souscription 1856-1857, celle de Pemprunt, celle des
lcariens creanciers de Nauvoo, l’inventaire de laColo-
nie au l er janvier 1858; nous terminerons ce sujet par
quelques idees sur la comptabilite, sur le budget et sur
le reglement a formuler, aux termes de Particle 45 du
contrat social, pour etablir les benefices danslaSociete.
» Void d’abord les operations de la Caisse, depuis le
31 juillet dernier jusqu’au 22 janvier 1859, semaine
par semaine :
Semaines.
Recettes.
Depenses.
doll.
c.
doll.
C.
Jre
103
45
359
25
2 e
475
46
121
30
3 e
41
40
274
40
4 e
149
40
152
62
5 e
75
70
58
15
6e
118
35
113
26
7 e
497
62
319
75
8 e
253
12
823
10
9 e
77
40
125
73
10e
212
90
126
00
lie
125
60
82
54
12°
180
23
137
88
l3 e
241
15
114
05
A reporter.
2.551
j
78
2,808
02
Report.
2,551
78
2,808
03
I4 e
266
51
519
33
I5 e
166
21
199
40
I6 e
427
60
123
40
17e
223
00
150
00
18 e
207
85
569
62
l9 e
453
74
161
99
20 e
628
00
242
30
21 e
466
35
725
42
22 e
253
65
119
46
23 e
167
95
526
15
24 e
81
40
311
95
25 e
105
40
68
30
26 e
300
75
108
80
Totaux. . .
6,300
19
6,634
15
RECETTES DE NOTRE INDUSTRIE.
» Elies se composent de la somme de doll. 6,300 19
diminuee des recettes suivantes :
doll.
c.
Recu en don.
2
00
Recu pour commissions a Paris.
10
00
Prete par Ducoin.
500
00
D° par Maurice.
200
00
R° par le docteur Ebener. . .
150
00
Avance par Daumont, sur apport.
200
00
Verse par le dernier depart. . . .
8
80
D° pour apport.
148
17
Recu de Paris.
1,350
00
Total, doll.
2,568
97
Ainsi: recettes generales, doll.. .
6,300
19
Recettes diverses.
2,568
97
Reste pour les recettes de notre In¬
dustrie. 3,731 22
» Les recettes s’elevent, termemoyen, a 143 50 doll.
— 113 —
par semaine, en ne tenant compte que de notre pro¬
duction. La recette moyenne d’une semaine etant, dans
le semestre precedent de 15*2, doll, la diminution est
de doll. 8 50. Cette difference est pen importante. S’il
n’y a pas eu augmentation, cela provient, independam-
ment de la situation incessante des mauvaises affaires
et de notre reorganisation , cela provient du grand
nombre de maladies que nous avons eues cette annee,
de diverses circonstances qui ont empeche la filature
de donner de bons resultats, et de la morte saison d’ete
qui a ete exceptionnellement mauvaise.
» Yoici la date, le numero et le montant des dix
traites que nous avons recues de Paris, pendant le
semestre et qui torment un total de 1,350 doll.
TRAITES DE PARIS.
Dates.
Numeros.
Sommes.
2 Aout.
35
doll. 100
6 »
36
100
10 Septembre.
37
150
13 Novembre.
38
100
23 »
39
100
30 »
40
100
3 Decembre.
41
200
16 »
42
100
24 »
43
200
21 Janvier
44
200
Total. . .
. . 1,350
» Si nous faisions pour les depenses ce que nous
venons de faire pour les recettes, nous arriverions a
une remarque tres importante; c’est que , dans le cou-
rant du semestre qui vient de s’ecouler, nous avons
paye 2,750 doll, de dettes contractees dans le semestre
precedent, etde plus environ 220 doll., pour rembour-
sement d’apports et environ 200 doll, pour autres de¬
penses imprevues; ce qui fait un total de plus de 3,000
doll. , et ce qui reduirait nos depenses de la caisse a
environ 3,500 doll., sans compter les dettes contrac¬
tees.
» II serait a desirer que Ton put savoir, d’une ma-
m —
mere precise, les depenses et les recettes de chaque
atelier; mais pour cela il ne suffit pas de connaitre les
rapports de chaque atelier avecle dehors, il faut encore
bien determiner les rapports de tousces ateliers entre
eux. Comme on le voit, c’est la question des livres
d’ateliers, des rapports et de la comptabilite. Avec ce
qui a ete deja fait, et ce que Ton a l’intention de faire,
la nouvelle Gerance pourra peut-etre obtenir des resul-
tats satisfaisants dans le courant de l’annee. Pour aujour-
d’hui nous nous contentons de faire observer que les
tailleurs ont gagne en moyenne, environ 80 doll, par
semaine pour Texterieur; que les jardiniers ont rap-
porte du marche de Saint-Louis doll. 459 60; et que les
forgerons ont paye,parleur travail exterieur, plus que
la quantite de charbon consommee jusqu’ici.
comptes de Paris de (Janvier a Novembre 1858 ).
Comptes courants. 10,743 59
Correspondances remboursees. 10 80
Souscription (sommes en retard). ... 11 75
Pour Temprunt. 11,171 50
Journaux et bibliotheque. 2,029 05
Total. 23,966 69
Depenses.
Comptes courants rembourses a divers. . 4,052 99
Correspondances ( lettres envoyees et
recues). 469 05
Commission (envois a la Colonie). . . . 475 79
Traites envoyees a la Colonie. 8,712 50
Souscription ( interets ou capital). . . . 862 00
Anciens crediteurs (pave a divers). . . . 2,209 50
Pour le traitement du cit. Beluze (llmois) 3,300 00
Emprunt, pour impression , clichage et
frais divers. 554 55
Bibliotheques et divers. 1,710 67
Pension ala veuve et a la fille du Fonda-
teur d’Icarie, pour onze mois. 2,750 00
Total. . . . 25,097 05
— 115 —
En recapitulantetenresumant les comptes ci-dessus,
et en ajoutant l'encaissedu lerjanvier 1858, on obtient
l’encaisse du 30 novembre dernier comme il suit ;
Recettes. 23,966 69
Encaisse du bureau au l e * janvier 1858. . 1,565 28
Total. . . . 25,531 97
Balance pour rencaisse du 30 nov. 1858. . 434 92
» Ainsi, la depense revient a 566 fr. 59 c. par mois,
ce qui fait en douze mois 6,799 fr. 08 e., ou doll. 1295
pour le traitement du cit. Beluze, la pension des dames
Cabet et la correspondance.
etat de la souscription (au 30 Novembre dernier).
» La souscription icarienne a produit:
En dons. 8351 44 )
En dons, sommes en retard. 11 75)
En prets.
Total. . . . 26,014 99
» Ainsi que nous l’avions promis, les dons de cette
souscription ont ete destines, par une loi en date du
25 novembre dernier, a faire l’apport d’utiles et bons
Icariens. Puissions-nous etre toujours a meme de tenir
ainsi nos promesses.
» Actuellement Tetat de la souscription est le sui-
vant:
Paye en apports recus par la Colonie . . 75 00
Dons destines a faire des apports .... 8,363 19
Du encore sur prets . . . ..5,071 11
Rembourse ou converti en obligations. . 12,515 69
Total egal. 26,024 99
» Nous nous permettrons une observation : il serait
a desirer, pour la regularite et la simplicite des comptes
8,363 19
17,651 80
— 116 —
queles fr. 5,071 dus encore aux souscripteurs fussent
convertis en obligations deFemprunt, contre lesquelles
on nous delivrerait les recus de la souscription. Cette
operation realiserait un grand avantage pour les sous¬
cripteurs ; car ils n’ignorent pas que les obligations sont
garanties, tandis que les recus ne le sont pas. II est
bien entendu qu’ils restent tout a fait libres.
etat de l’emprunt (au 30 novembre 1858.)
» L’emprunt a produit jusqiva ce jour :
En obligations de la premiere serie. . . . 33,200 00
Du pour interets jusqu’a ce jour. 2,122 50
En obligations de la deuxieme serie. . . 3,248 00
Du pour interets. 149 50
Total. . . . 38,720 00
» Pour avoir une idee exacte de cet emprunt, il
importe de le decomposer et de l’envisager de la ma-
niere suivante:
Du pour obligations ordinaires
de l’une ou de Fautre serie
Leur interet.
Du aux termes des art. 46 et
76 du contra! social, aux
Icariens , creanciers de
Nauvoo.
Pour interets environ ....
La Colonie possede en obli¬
gations remises pour ap-
ports.
Pour interets.
Totaux egaux . . .
25.028 00)
1,618 08 I 26,646 08
5,800 00)
300 00) 6,100 00
5,620 00)
354 GO) 5,974 00
38,720 08 38,720 08
)> Comme la Colonie possede fr. 5,974 de Femprunt
et que les fr. 6,100 dus a des souscripteurs creanciers
de Nauvoo ne seront payes qu’a mesure que leurs crean-
ces seront reconstitutes au moyen des benefices, il
4
- 117 —
n’est du en definitive, par nous, pour l’emprunt, que
la somme de 26,646 fr. Gependant, les souscripteurs
creanciers de Nauvoo out un avantage a prendre des
obligations de l’emprunt, puisque ces obligations sont
garanties, tandis que leurs creances primitives ne le
sont pas.
lcariens creanciers de Nauvoo.
» Certains lcariens de France avaient, avant notre
separation, depose unesomme de 35,882fr. Ces credi-
teurs bienveillants s’etani tous prononces en notre faveur,
ont demande a la Colonie de Nauvoo le remboursement
de cette somme. Mais celle-ci a constamment etformel-
lement refuse d’operer cette restitution. Nous regrettons
que les conseils des amis de Nauvoo , et particuliere-
ment ceux des membres de YAssociation Internationale>
ne les aient pas fait consentir a un accommodement,
qui nous aurait permis de regler ce differend et quelques
autres a l’amiable. De notre cote , nous avons cru , au
nom de la reconnaissance et de fhonneur, devoir
garantir le remboursement de cette somme avancee par
nos co-religionnaires. Nous l’avons garantie par fart.
25 de l’emprunt. Nous les rembourserons , ainsi que
nousl’avons dit plus haut, au moyen des benefices que
fera la Societe.
» Nous sommes etonnes que tous les creanciers
n’aient pas deja echange leurs titres contre des obliga¬
tions de l’emprunt et qui ces transformations ne s’ele-
vent pas a plus de 5,800 fr.
COMPTES DE CERTAINS MEMBRES DE LA SOCIETE.
« Les affaires du cit. Bira et de la famille Raynaud
sont liquidees completement, leur compte leur a ete
rem is.
» » a * .
» Nous croyons aussi que les comptes du cit. Rousselet
sont liquides integralement.
» La derniere affaire du cit. Cuillard est aussi ter-
►
— 118 -
minee; la Societe a recu pour lui environ fr. 700;
aussitot que sa note sera arrivee, on la lui remettra.
» L’affaire de la famille Quernori attend Fhomologa-
tion de la succession pour etre liquidee; si elle a traine
en longueur, cela depend des co-lieritiers d’Allemagne,
qui ont mis du mauvais vouloir ou de l’indifference
dans cette question , et dont Fassignation exigeait des
delais tres longs; cette affaire se terminera peut-etre en
avril.
» Le cit. Crampon a quelque argent a toucher a la
caisse d’epargne de Paris; on demande une seconde
procuration , la premiere qui a*ete faite etant insuffi-
sante.
» Les rentrees de deux petites sommes , appartenant
au cit. Bouas, ne sont pas encore effectuees ; ce citoyen
va recueillir en outre la succession de sa mere qu’il a
eu le malheur de perdre dernierement.
» On sait que les affaires du cit.Widstrand ont besoin
d’un reglement et d’une liquidation complete.
» Certains membres de la Societe, tels que les citoyens
Bauer, Loiseau, Marchand, ont diverses sommes a tou¬
cher dans Favenir, ou bien leurs parents viendront
peut-etre dans la Societe.
» Nous ne connaissons pas d’autres membres de la
Societe qui aient, ou qui paraissent avoir un jour, des
affaires hors de la Communaute, s’il en est autrement,
FAdministration doit etre prevenue.
Invent aires.
L’inventaire de la Societe doit se composer de Fin-
ventaire de la Colonie et de celui de Paris. Cette annee
nous allons proceder en les ajoutant Fun a Fautre , ce
qu’on n’a jamais fait jusqu’ici. Nous allons commencer
par Finventaire de la colonie , au l er janvier 1859 , et
nous le comparerons a celui de Fannee derniere en
faisant remarquer que les comptes principaux ne sont
pas les memes aux deux annees.
- 119 — _
lnventaire de la Culonie de Cheltenham.
Objets.
lcr janvier 1858.
l er janvier 1859.
ACTIF.
Actif.
dollars, cents.
dollars, cents.
Immenbles.
456
30
32,584
22
Machines et instruments .
Pharmacie.
250
00
4,534
94
Outils.
782
10
661
47
Ustensiles.
1.903
17
961
24
Ameublement.
563
17
836
64
Travaux commences . . .
94
00
Provisions generates . . .
595
66
1,456
58
Matieres premieres . . .
1,002
12
824
34
Animaux.
300
00
634
00
Vetements.
5,284
10
5,060
15
Livres .
• . • *3
392
59
Lover.
57
75
Divers debiteurs.
350
85
205
60
Caisse.
25
96
304
60
Obligations de FEmprunt.
' * » • 0
» v »
1,138
15
Piecus de la Souscription.
14
30
Totaux . .
r •* / * * * * »
11,571
18
49,702
82
• v * *1 P • ' / (.1 # O • • « , 1 4
1 n Ot l ' '
t • # •
Passif.
r • \ ^ ••
Du a divers.
1.871
/ *
96
32,938
08
Actif net . .
9,699
22
16,764
74
Exces du dernier inventaire sar le precedent.
Actif net en 1859 . doll. 16,764 74
» en 1858 . » 9,699 22
Excedant pour 1859 .. . » 7,065 52
» Nous faisons observer que l’estimatioix a ete faite
scrupuleusement et au-dessous de celle de l’annee der-
niere. Le compte d ’ustensiles y par exemple, porte
1,000 dollars de moins; cela vient de cette circonstance,
et en outre de ce qu’une partie des ustensiles de l’annee
derniere ont passe dans le compte Machines et instru-
— 120 —
merits , et une autre partie, la bibliotheque, au nouveau
compte Livres. Le benefice realise est du a l’heureuse
affaire de Facquisition de Cheltenham. Si ce benefice
n’est pas plus grand, c’est que nous manquons de
terrain, du materiel et, en un mot, du capital necessaire
pour rendre nos industries et notre travail productifs.
C’est Fassociation qui nous permet d’obtenir des resub
tats assez satisfaisants quoique prives de toutes les
forces indispensables. Nous repetons ici avec une pro-
fonde conviction , si nous avions tout ce qu’il faut, si
notre capital etait suffisant, que ne ferions-nous pas?
lnventaire de Paris au 30 novembre 1858.
' V • i • . .l**? 'I ' ' * - • *
Actif. . .
Bibliotheque et divers.28,520 fr. 74 cent.
Creances diverses. 3,213 21
Creances douteuses, soit 1{3 . . . 862 25
Mauvaises creances, soit 1x20. . . 2,410 00
En caisse au 30 novembre 1858. . 434 42
Mobilier. 311 »
Total de FActif .... 35,751 62
Passif.
%
Du a divers. . . .
Souscription, dons .
» prets .
Emprunt, capital. .
» interets .
. 8,363 f. 19 c. I
. 7,071 11 f
. 30,648 » »
. 1,972 » j
3,393 f. 55 c.
15,434 30
32,620 j>
Total du Passif.. 51,447 f. 85 c.
Exces du Passif sur l’Actif.
Passif. 51,447 fr. 85 cent.
Actif.. 35,751 62
Exces. 15,696 23
» Nous n’avons pas fait figurer a l’actif du bureau de
Paris la somme de 35,082 fr. due par la Societe de
Nauvoo, parce que nous ne savons si, et quand, elle sera
— 121 —
payee. De meme nous ne l’avons pas fait figurer au
passif, parce que la Societe actuelle, qui a garanti cette
somme, et qui doit la rembourser, ne doit et ne peut le
faire qu’au moyen des benefices non encore determines.
C’est pour cette raison que le passif de l’emprunt ne
s’eleve qu’a 32,620 fr. au lieu de 38.720. parce que nous
n’y faisons point figurer la somme de 6,100 fr. due pour
obligations echangees par des creances sur Nauvoo.
En resume l’inventaire de Paris, constate un passif
net de 15.696 23.
Resultat des deux inventaires reunis.
Actif net de la Colonie, doll. 16,764 74 ou fr. 88,014
Passif net du Bureau , . . . 2,079 40 15,696
^ . - — ■■■ — ■■ ■ < » ■ - - ■
Reste pour Actif net . . 13,585 34 onfr. 72,318
IDEES SUR NOTRE PASSIF.
» Notre passif est si considerable que nous croyons
devoir en faire bien ressortir le sens, tant pour la Societe
que pour la nouvelle Administration en particulier.
» Quant a Paris , les preteurs de la souscription sont
des souscripteurs tout a fait bienveillants. La somme
due pour dons de cette souscription , etant destinee,
d’apres la derniere loi, a faire des apports qui ne seront
payables que sur les benefices , n’est pas une dette a
proprement parler. A regard de femprunt, vous savez
qu’il est remboursable en dix ans, a partir du ler oc-
tobre 1863 jusquau l er octobre 1872. Les premiers
remboursements ne porteront que sur les obligations
liberees; le dernier paiement seul comprendra les obli¬
gations liberees ou non liberees.
Le Passif de la Colonie, au l e r janvier 1859, peut se
decomposer de la manieresuivante :
; Doll. cts.
Terrains occupes par le chemin de fer . . 500 »
Du au proprietaire Thomas Allen. 23,500 »
aLefevre pour achat desses machines. 2,189 d
d° pour son travail. 346 30
a Guillemet. 397 76
pour apports a rembourser. 450 08
A reporter. .
27,383 14
6
— 122 —
Report. 27,383 14
a Rozer notre ancien epicier. 77 63
pour pharrnacie. 125 »
a'Ritter de Nauvoo. 1,315 »
a Iking » .. . 104 06
pour avance d’apport. 200 »
prete par nos amis. 705 30
a notre ancien proprietaire. 500 »
a nos fournisseurs divers. 2,502 95
a divers. 25 »
Total du Passif. 32,938 08
» L’acre et un quart occupes par lechemin de fer ne
]ui ont etecedes qu’a titre de possession; en conse¬
quence, si le chemin se deplacait, ce terrain nous re-
viendrait.
)> Tout le monde salt que nous avons dix ans pour
paver la propriete ; mais tout le monde sait aussi, et
nous n’avons pas fait faute de le dire a tous ceux qui
pourraient et voudraient nous aider, que, si nous pou-
vions payer plus tot et tout de suite, nous obtiendrions
une diminution importante, et dans tous les cas , nous
nous epargnerions des interets assez considerables a
payer cliaque annee, a partir de Tannee prochaine 1860.
» Au 15 octobre prochain, il sera du au cit. Lefevre,
tant pour les machines que pour son travail, capital et
interet, la somme de doll. 3,000 environ. En admettant
que des difficultes, outre le manque de movens, ne
viennent pas s’opposer a la marcbe de la filature, il
faudra, pour mettre en train et entretenir cette indu-
strie, pour doll. 1,500 de laine et environ doll. 500 pour
les autres frais. C’est done un capital de doll. 5,000 qu’il
taut a la Colonie , independamment des journees de
travail, pour faire marcher etconserver cette industrie.
11 faudra, croyons-nous, et comme nous Y avons deja dit,
s'entendre amiablement avec le cit. Lefevre, et examiner
avec lui le meilleur parti a prendre dans cette circons-
tance.
» La somme due au cit. Guillemet est le resultat d’un
arrangement passe entre le cit. Lefevre et LAdministra¬
tion au sujet des travaux et des produits de la filature a
Saint-Louis. L’Administration s’est chargee de tous les
— 123 —
debourses, et apris toutle produitconsistanten 675 livr.
de laine dont une grande partie fileo, et une autre partie
sur les metiers. Le benefice a couvert a peu pres les
avances; quant aux 700 journees faites par la Societe,
elles n’ont rien produit.
» Les a-comptes donnes jusqu’a ce jour a M. Ritter,
•ont couvert tout au plus les interets. Nous signalons
cette dette comme etant une des premieres a acquitter.
L’Administration vient de Jui ecrire pour savoir s’il
consentirait a accepter 5 ou 600 livres de laine en a-
compte sur sa creance. Quoi qu’il en soit, nous ne devons
pas perdre de vue le service que nous a rendu ce crean-
cier en nous pretant, au milieu de 1856, de quoi
subvenir a nos besoins et particulierement a notre
nourriture, dont la Majorite nous avait prives, afin de
nous reduire par la faim. La creance Iking de Nauvoo a
la meme cause. L’Administration vient de lui ecrire
aussipour savoir s’il veut accepter de la laine en paie-
ment.
» Les avances d’apport et les pretsde nos amisDucoin,
Maurice et Daumont, nous apprennent que la Societe a
su reconquerir la confiance, apres la spoliation et la
separation de Nauvoo; mais ils nous apprennent egale-
ment que c’est seulement par bunion que cette confiance
peut se maintenir et grandir.
» Les 500 doll, portes comme dus au proprietaire de
Schumburg-House, constituent Toffre que nous lui avons
faite en quittant la maison et que nous avons maintenue
depuis.
» Les 400 doll, sont pour les lovers arrieres et 100 doll,
pour la moitie des frais occasionnes par la pose du
conduit d’eau. Ce proprietaire voudrait une somme plus
forte, et il n’a pas encore accepte nos offres. Nous
croyons qufil ne faut pas lui ofTrir une somme pluselevee,
car il nous a exploites d’une maniere scandaleuse , en
nous faisant payer doll. 1,200, une partie d’une,
tion et d’un terrain, dont le loyer lui coutait a li
» Le compte F'ournissears divers comprendy
de marchands de mercerie, de charbon ,
fer, de cuir, de farine, de viande, de plane!
visions diverses. Ces marchands sont en
— m -
bienveillants et tres Lien disposes. Meyer Krug, grocier
en gros, est solde a la fin de chaque mois. Le marcband
de planches auquel il est du le tiers de la dette , soit
doll. 839, nous prcsse un pen en ce moment, non qu’il
n’ait pas confiance en nous , mais parce qu'il a besoin
d’argent et qu’il voudrait que , si nous ne pouvons pas
lui en donner, nous lui fournissions du moins le moyen
de s’en procurer. L’Administration fera bien de ne pas
mettre le credit du meunier a une epreuve plus forte.
En general, nous pouvons et nous devons continuer a
faire des affaires avec ces divers fournisseurs, et, en
avant soin de ne pas augmenter le credit, ou de l’aug-
menter peu, nous resterons en bonnes relations avec
tous.
Effets it payer en 1859.
Detail. Totaux.
Janvier l er . Pharmacie. doll.
Fevrier l e r. Lavigne . . —
d° Genet ... —
do 7. Rozer ... —
Mars l er . Pharmacie. —
d° Guillemet. —
d° 2. Hubert . . —
Avril l er . Pharmacie. —
d° du l er an 10. Allen —
Mai l« r . Pharmacie. —
Juin ler. d° —
Aout l er . do —
Septembre l er . Blondeau —
d° Guillemet —
Octobre 15. Billet Lefevre
d° Travail d°
environ —
do Moreau. —
25 » doll. 25 »
54 30 1
32 a ) — 163 93
77 63)
25 »\
201 88 — 285 53
58 65
25
"i ~
52.>
500
» )
25
)) -
25
25
)> -
25
25
1 —
25
80 16( _
287
207 75)
2,300 » j
( — 3,053 45
700 » 1
53 45 /
Total . .
. . doll. 4,415 82
— 125 —
)> En deduisant les machines du cit. Lefevre, cela
reduirait les elTets a payer pendantFannee1859 a d. 2.000
environ. Aujourd’hui 3 fevrier, les creanciers du l er jan-
vier pour la phannacie, et du ler fevrier pour les citoyens
Lavigne et Genet sont paves. 11 ne faut pas perdre de
vue que le 2 fevrier 1860 nous devons payer environ
dol. 2,700 a Fex-proprietaire de Cheltenham. A part les
termes du paiement de notre immeuble, etune somme
d’environ dol. 140 payable au milieu de Fannee 1860
an cit. Genet, la Societe n’a pas d’autres efTetsa paye r .
On pourra etre un pen gene en mars et en avril; mais,
a part cela, la situation est satisfaisante.
» Nous allons terminer la question des finances par
trois reflexions. La premiere est relative a la compta-
bilite dont nous avons parle dans nos comptes-rendus
precedents, et dont nous avons dit un mot dans celui-ci.
Nul n’en conteste les avantages sous le rapport du
materiel, du personnel, des benefices et des pertes de
la Communaute, pour l’ordre, Feconomieet la connais-
sance de ce qui se passe jusqu’ici on n’a obtenu sous ce
rapport que des resultats incomplets. Le mode usite est-
il defectueux? Ce mode est-il seulement mal execute?
Que convient-il de faire pour ameliorer et perfectionuer
son execution? La Gerance s’est preoccupee avec solli-
citude de cette question ; elle a convenu que la meilleure
chose a faire etait d’en saisir FAssemblee pour quecelle-
ci examine le meilleur parti a prendre. Ainsi. tandis que
la nouvelle Administration fera tout son possible en cet
etat de choses. FAssemblee pourra, de son cote, se rendre
compte de cette question portee devant elle.
» En second lieu, nous dironsun mot du budget. La
Societe doit determiner elle-meme tout ce qui la con-
cerne ; la Gerance ne doit agir que d’apres la \olonte
generale ; et chacun doit pouvoir etre a ineme de prevoir
et de ccnnaitre nos affaires ; de plus il faut que Fen-
semble des depenses de la Societe soit inferieur a Fen-
semhle de sa production. Pour obtenir tons ces resultats,
il conviendrait d’etablir au commencement de chaque
annee une sorte de budget, qui comprendrait les depenses
et les recettes probables de toute Fannee, et qui serait
discute et adopte en Assemblee generale. La cliuse n’est
/
pas sans difficulte, mais elle n’est pas impossible. Et 7
comme elle a beaucoup d’avantages, il importe qu’on
s’en occupe.
» En troisieme lieu, nous croyons qu’il va falloir
dresser l’inventaire, dans Ye but de determiner les bene¬
fices de la Societe, et de reconstituer les apporis et les
creances des creanciers surNauvoo. Cet inventaire, qui
differera probablement de Finventaire ordinaire, est
present par Farticle 45 du contrat social, ainsi concu :
« Art. 45. Tousles ans, ilsera dresse d’apres un regle-
ment que FAssemblee adoptera ulterieurement, un
inventaire de l’actif et du passif de la Societe au 31 de-
cembre , lequel servira pour toute Fannee suivante. II
conviendra de donner a une Commission le soin de faire
un projet de reglement, lequel sera ensuite adopte par
FAssemblee. Cet inventaire ne devra comprendre proba¬
blement ni les apports des membres de la Societe , ni
tout leur apport en nature, e’est-a-dire tout ce que l’admis
reprend en se retirant. En consequence, la Commission
pourra s’oecuper en meme temps d’arranger les quelques
difficultes soulevees par plusieurs membres de la Societe
au sujet de leur apport, et aussi d’etablir Fapport en
nature de chaque membre de la Societe. Ce dernier
travail sera facile, puisque Fapport en nature de tous les
nouveaux admis, se trouve detaille sur leur feuille d’ad¬
mission.
> Ces apports en argent et en nature une fois bien
determines, il faudra dresser un livre des apports, qui
contiendra le compte de chaque membre de la Societe.
« Cette question terminee, nous n’avons a ajouter que
peu de chose. Les decisions de I’Assemblee ont ete peu
nombreuses pendant le semestre qui vient de s’ecouler.
Nous avons parle des principales dans le courant de ce
travail; nous n’y reviendrons pas. Mais Fune d’elles est
tres importante, ils'agit duvote de la Constitution. La
Societe, apres des debats assez longs, est revenue a la
Constitution du Fondateur d’Icarie, en y apportant deux
changements assez graves: le premier, en reduisant a
quatre le nombre des gerants ; le second, en convenant
que la gerance ne pourrait discuter ou presenter des lois
ou faire des enquetes en corps. 11 faudra done sans delai
— 127
que l’Assemblee s’occupe (le creer un comite de legisla¬
tion et une commission d'enquete et de conciliation.
Telle etait la situation de la Societe an commence¬
ment de l’annee 1859. On comprend que les retraites
qui se sont efFectueesen avril, out du modifier un taut
soit pen cet etat de choses , mais, cependant, pas d’une
maniere tres sensible. Voici d'ailleurs un nouvel etat
des efFets a payer dresse apres les retraites, au l er mai
1859.
EfFets a payer de ce jour au l er mai I860 :
MOIS.
Mai.
»
»
Jain.
»
n
Juillet.
»
r>
Aout.
Septembre.
0
B
Octobre.
Novembre.
Decembrc.
Janvier
Fevrier.
Mars.
Avril.
JOURS.
1
16
26
1
15
15
1
15
15
8
45
1
1
15
15
24
7
10
15
9
»
D
2
15
»
NOM
I)U CREANCIER.
Ebener.
Billstein.
Hirchner.
Ebener.
Guillemet.
Sossingliauss.
Hubert.
Vivier.
Sessingbauss.
Salomon
Sessingbauss,
Blondeau.
Guillemet.
Bouas.
Sessingbauss.
Fintbon.
Tliurot.
Vivier.
Moreau.
Allen.
Bouas.
TOTAL
de chaque
billet.
r* •-*
Totaux egaux...
4645
76
I
TOTAL
du mois.
79 30 >
55 » 1
D
2880 »
42 »
T)
doll. c.
196 20
380 »
263 58
150 »
556 42
177 56
2880 »
42 o
r>
4645 76
m —
Je presume que, par suite des retraites effeetuees,
Tactif a pu diminuer d’environ 2,500 doll, et que le
passif s’est eleve d’un millier de doll. D’un autre cote,
la dette a du diminuer un peu, par suite des arrange¬
ments intervenus entre !a Gerance et M. Lefevre, qui a
du reprendre ses machines, la Societe ne pouvant pas
actuellement continuer 1’exploitation de son industrie,
faute de capitaux suffisants pour le faire avec avantage.
Les nouvelles admissions qui out eu lieu depuis le mois
d’avril ont, d’un autre cote, comble une partie des vides
laisses par les retraites, de sorte qu’on peut etre assure
que l’inventaire de 1860 ne differera pas sensihlement
de celui de 1859. . _ • ..
Tousles effets echus ont ete soldesaujour d’echeance,
et le paiement des autres billets est assure jusqu’au
l er fevrier, mais il nous reste a faire face a notre
echeance du 2 fevrier, qui est l’annuite de la propriety
de Cheltenham. Les 2900 doll, a payer foment une
somme de 15,350 fr. qu’il nous faudra trouver d’ici a
cette epoque, et c’est l’affaire de tous les Icariens : que
chacun fasse de son cote ce que sa conscience iui dira
de faire, et on verra que ce n’est pas la une difficulty
hien serieuse. La souscription a un sou par jour nous
donnera deja 7500 fr. environ. Si nous sommes un mil¬
lier de souscripteurs, elle nous donneraitles 15,000 fr.
necessaires; si nous etions deux milles, ou si, a un
mille, nous souscrivions deux sous par jour. Dans tous
les cas, il faut reunir cette somme, et nous la reuni¬
rons.
Je t’ai prornis les noms de ceux de nos anciens
associes qui nous ont quittes pourrentrer dans lTndivi-
dualisme, les void:
Bouas; — Boulanger; — Bernier ; — Chavan; —
Colin; — Crampon ; — Delhuile; — Dieuaide ; —
Gillet pere ; — Gohel; — Heggi; — Helix; Maritz; —
Martin ; — Martinet ; — Pinthon ; — Tiran ; —
Utenveiler; — Yivier; — Vogel; — Widstrand ; —
Woquefen. Soit en tout 22 hommes formant, avec leur
famille un effectif de 44 personnes.
Void maintenant le personnel de la Colonie au
premier juin 1859. *
- 129
PEBSOMNEE PE 11 COMMf MUTE
au l er Juin 1859.
NOMS.
PROFESSIONS
ACTUELLES.
OBSERVATIONS.
Barrioz
jardinier.
Bauer
forgeron.
Bira.
Directeur general.
Agriculture etindustrie.
Blaise.
cordonnier.
Parle et traduit l’anglais.
Brier re
cordonnier.
Soigne la vaclierie.
Cadet
balayeur.
Chicard
tonnelier.
Cledes
ecole-garcons.
11 est charge des distribu-
tions pour les menages.
Dazy
plafonneur.
Deglise
jardinier.
S’occupe de la porcherie.
Droussent
cordonnier.
Fagris.
tailleur.
Favcreau
Vice-president.
Travaille avec les tailleurs.
Fondeslhene
jardinier.
Cornier
Directeur general.
Achat et nourriture.
Guillard
travaux divers.
Kling
tailleur.
Labbe
cbaudronnier.
Travaux divers.
Labenne
tailleur.
Laurent
cordonnier.
Loire
macon.
Loiseau
menuisier.
Fait les ecritures.
Marchand (Leon)
boulanger.
Mercadier
President.
Mesnier pere
Directeur general.
Logement, velenient, sante.
Mesnier (Charles)
travaux divers.
Conduit machine a coudre.
Nagel
tailleur.
Picard
refectoire.
•
Ponte
cordonnier.
Travaux divers.
Poste
cbarpentier.
Quernori
tailleur.
Raynaud
cordonnier.
Renaud
cuisinier.
Rousselet
apprenti tonnelier
Roy
mecanicien.
Jardinier.
Sainton
cuisinier.
Salarnier
xtailleur.
Thieulin
pliarmacien.
Aide a la cuisine.
ISO
NOMS.
PROFESSIONS
ACTDELLES.
-----—--- ■ ■ . - ■ ^
OBSERVATIONS.
1 . 1
CITOYEnNES.
Bauer
nourrice.
i
Bira
lingerie.
Blaise
infirmerie.
Briere
nourrice.
Cadet
couture.
Chicart
couture.
Deglise
coulure.
Droussent
tailleuse.
Bordeuse de bottines.
Fagris
nourrice.
Favereau
nourrice.
Gamier
tailleuse.
Grubert mere
couture.
En conge avec son mari.
Grubert fille
couture.
Th. Mauvais.
Guillard
lavoir.
Labbe
nourrice.
Elle s’est chargee du nour-
risson Kling , apres la
mort de sa mere.
Labenne
salle d’asile.
Loire
nourrice.
Lois e an
nourrice
Mercadier
tailleuse.
Mesnier mere
couture.
Mesnier fille
nourrice.
Ponte
Lavoir.
Raynaud
machine a coudre.
Roy
nourrice.
Salarnier
lavoir.
JEUNES GENS.
Gil let (Louis)
forgeron.
Grubert (Joanny)
jardinier.
Grubert (Pierre')
menuisier.
Marcliand (Paul)
ferblantier.
Raynaud (Ch .)
imprimeur.
Wiske (Edouard)
menuisier.
ADMIS PROVISOIRES.
Duhamel
charretier.
Mauvais
charretier.
Venant du Bresil.
Chanmond
cuisine.
En conge.
Hubert
tailleur.
131 —
NOMS.
Sertier (Pierre)
Lecomte (Germ.)
Joussieux (Math.)
Citoyennes:
Sertier
Defay (Claudine)
Lacour (Annette)
Lacour (Aimee)
PROFESSIONS
ACTUELLES.
OBSERVATIONS.
Jardinier.
Jardinier.
Ma^on.
couture.
couture.
repasseuse.
repasseuse.
ECOI.ES DE CARCONS.
ELEVES.
Cledis (Joseph); Cledes Jean);
Cledes (Maximilien) ; Bira ; Blaise
(Paul); Brierre (Ferdinand ; Chi-
card (Amedee); Favereau (Emile).
Sertier (Maximilien); Sertier (Ar-
mand); Sertier (Fleury).
P. S. Cledes est occupe une par-
lie de la journee a l’imprimerie.
ECOLES DE FILLES.
ELEVES.
Chicard (Heloise); Dodier (Au¬
gustine); Gluntz (Anna); Thomas-
sin (Anna); Thomassin (Claire);
P. S H. Chicard; A. Gluntz
et A. Thomassin travaillent la
demi- journee a l’atelier des
tailleurs.
SALLE D’ASILE.
Roy (Arthur); Ponte (Octave):
Loire (Emile).
Favereau '.Louise) ; Kling (Ca
roline): Mesnier (Cecile ); Mes-
nier (Ilenriette).
NOURRISSONS.
Bauer (Jules); Brierre, garcon ;
Kling, garcon ; Loire, garcon.
Fagris (Marie) ; Favereau (Co-
rilla ); Loiseau ( Jenny ) ; Mes¬
nier (Emilie); Roy (Clenience .
132 —
Le personnel s’est en outre augmente, pendant le mois
dejuin; du cit. Ricaud, cordonnier, ancien membrede
la Colonie de Nauvoo qui avait quitte celle-ci en 1853,
pour revenir en France. L’annee derniere il retournait
de France en Amerique et il rentrait dans la Colonie
dansles derniers jours dejuin. Danslememe temps, la
citoyenne Bormens , qui avait quitte la Colonie de
Nauvoo avec ses parent en 1856, agee alors de 16 ans
seulement, sollicitait et obtenait Fautorisation de rentrer
dans notre Colonie de Cheltenham. — On sait que cette
citoyenne est la soeur de la citoyenne Ponte.
La derniere lettre ducit. Mercadier, en date du8juillet
m’annoncait encore la rentree de la famille Daumont,
composee du pere et de la mere, agees tous deux de 60
ans; du fils Daumont, avec sa femme et trois enfants.
Tu te souviens que Daumont fils, quitta la Colonie de
Nauvoo en mars ou avril 1856 parce que, disait-il, les
violences de Fopposition contre le cit. Cabet, toujours
presentes a sa memoire, lui faisaient peur pour Favenir.
La meme lettre m’annonce aussi Farrivee dans la Colo¬
nie, d’un ancien Icarien de Paris, parti de France
Fannee derniere.
Enfin, le personnel va encore s’augmenter de 10 per-
sonnes, quatre hommes, quatre femmes et deux enfants,
qui se sont embarques au Havre le 21 juillet, avec la
citoyenne Mauvais qui retourne a la Colonie; beaucoup
plus tot qu’elle ne pensait le faire.
Tu sais deja que la citoyenne Mauvais est la fille ae
la citoyenne Grubert. File etait avec sa famille, dans
la Communaute, depuis 1848, lorsqu’elle a epouse, au
mois d’avril dernier Theodore Mauvais , qui, quelques
jours plus tard recevait la nouvelle de la mort de son
grand-pere et etait oblige de revenir en France pour
regler les affaires de la succession, sa jeune epouse
Favait accompagne; mais, vers le milieu du mois de
juillet elle m’ecrivait!
« Depuis que je suis partie, Fennui et le chagrin me
y> poursuivent. Je suis enfant de la Communaute, le
j vieux monde me fait peur; je ne puis y vivre plus
» longtemps. Mon mari voyantma sante s’alterer, con-
)> sent a mon depart; il restera ici jusqu’a ce que ses
)> affaires soient terminees. »
— 133 —
Je ne suis pas etonne de 1’effet produit par l’indi-
vidualisme, sur cette jeune femme, qui, cependant
avait deja 10 ans quand elle entra dans la Commu¬
naute.
A son passage a Paris, elle me disait; « cequim’a ete
le plus penible, c’est de voir la misere et la demora¬
lisation des pauvres travailleurs de mon voisinage, cela
me fendait le coeur de voir de malheureuses femmes
toutes deguenillees, sales; se servant de motsque jene
comprenais pas le plus souvent; mais que je devinais
etre des plus grossiers: J’ai beaucoup soutfert aussi,
dans l’atelier ou j’ai travaille. Jamais je ne pouvais
causer raisonnablement avec les ouvrieres qui tra-
vaillaient a cote de moi. Jamais ellesne s’occupent que
de futilites ou bien demedire 1’une del’autre ; jen’avais
aucune idee de cela, et il me serait bien impossible de
m’y habituer. »
En me racontant ainsi ses impressions devant plusieurs
autres personnes, notrejeune amie avait veritablement
Pair d’etre effrayee, et il a fallu qu’elle le fut en effet pour
se decider a retourner dans la Communaute avant son
mari. Mais cet etfet se produira de merne sur toutes les
personnes qui seront elevees dans la Communaute.
L’individualisme leur paraitra toujours de plus en plus
incomprehensible. L’antagonisme et la rivalite ; la
guerre que Von veut bien decorer du nom d’emulation
leurp araitra toujours une chose deraisonnable, absurde.
Je voulais ne publier que plus tard , la partie de la
Constitution qui a ete revisee conformement a Vengage-
ment de 1856. Mais j’ai pense faire plaisir a toi et a
tes amis, en te la communiquant des aujourd’hui, void
le texte nouveau. Tu pourras te rendre compte des
modifications qui y out ete faites en le comparant au
texte qui se trouvedans le Compte-Rendu de 1855 con-
tenant la Constitution dans son entier. L’examen
de cette piece te mettra a merae d’apprecier la valeur
des opinions de ceux de nos associes, qui ont prefere
quitter la Communaute, abandonner tous leurs enga¬
gements precedents, plutot que d'acceptcr les nouvelles
dispositions contenues dans ces deux dernieres sections
de notre Constitution.
SECTION IV. — pouvoir execgtif , g£rance.
Attributions de la Gerance.
Art. 125. Le pouvoir executif est exerce par le Pre¬
sident de la Communaute qui est seul charge de la
direction superieure, de l’administration generate et de
l’execution des lois.
Art. 126. II fait les reglements d’administration pu-
blique. j p;i
Art. 127. Chaque citoven pourra demander qu’un
reglement d’administration publique, fait par le Pre¬
sident, soit, en tout ou en partie, soumis a la ratifica¬
tion de l’Assemblee generate pour etre transforme en loi.
Art. 128- Le President pourra, dans les dix jours
d’une loi nouvelle, demander Fajournement pendant
six mois, pour une seconde discussion et un second vote.
Art. 129. L’Assemblee generale pourra repondre, a
la majorite des deux tiers , en ordonnant F execution
immediate.
Art. 130. Le President nomme tous les fonctionnaires
publics que la loi n’a pas reserves a l’election, notam-
mentles Directeurs de Colonies et les Directeurs gene-
raux.
Art. 131. La nomination des Directeurs de Colonies
et des Directeurs generaux sera soumise a la ratification
de FAssemblee, a la majorite absolue.
Art. 132. Le president peut les revoquer.
Art. 133. Les Directeurs de Colonie et les Directeurs
generaux ne pourront rester en fonctions plus d’une
annee. Ils ne pourront etre rappeles a ces memes fonc¬
tions qu’apres un intervalle d’un an.
Art. 134. Le President nomme toutes les commis¬
sions qui lui sont necessaires pour l’aider dans sa
tache.
Art. 135. il v a un Vice-President.
Art. 136. En cas d’empechement ou de mort du
President, il est remplace par le Vice-President, pen¬
dant l’intervaile de cet empechement ou pour le temps
— 135 —
qui reste a courir sur sa gestion. Dans le dernier cas,
le Vice-President prend le titre de President et l’Assem-
blee elit un Vice-President pour le reste de la gestion.
Art. 137. Des lois sont necessaires pour autoriser les
emprunts, achats ou ventes d’immeubles.
Art. 138. Des lois speciales organisent toutes les
commissions qui pourront etre necessaires.
§ II. — Elections de la Gerance.
Art. 139. Le President et le Vice-President de la
Communaute sont electifs.
Art. 140. Ils sont elus par 1’Assemblee generale.
Art. 141. Ils sont elus pour 4 ans.
Art. 142. Ils ne sont reeligibles, dans aucun cas,
qn’apres un intervalle de quatre annees.
Art. 143. Ils sont elus a la majorite absolue.
Art. 144. 11s sont elus separement par bulletin ecrit
et signe.
Art. 145. Avant 1’election , on dresse une liste de
candidature, sur laquelle on inscrira tous ceux qui se-
ront proposes comme candidats.
Art. 146. On ne pourra elire que parmi les candi¬
dats inscrits.
Art. 147. Chaque candidat propose pourra, en ex-
posant ses motifs, deinander que son nom ne soit pas
inscritsur la liste de candidature.
Art. 148. L’Assemblee etant consultee, si le dixieme
des citoyens composant l’Assemblee generale se leve
pour deinander l’inscription ou le maintien sur la liste,
le nom y sera inscrit ou maintenu.
Art. 149. Une discussion pourra s’ouvrir sur chaque
candidat.
Art. 150. Cette discussion sera libre et franche, mais
digne et fraternelle, exclusivement animee par le sen¬
timent de l’interet general et cornmun.
g III. — President.
Art. 151. Le President prend le titre de President
de la Communaute lcarienne .
— 136 —
Art. 152. II represente la Communaute dans toutes
les relations exterieures.
Art. 153. 11 agit, correspond, negocie, traite, parait
en justice, soit comine demandeur, soit cornme de-
fendeur, et signe en qualite de President de la Com-
munaute Icarienne.
Art. 154. II dirige et surveille la redaction du jour¬
nal de la Communaute et generalement toutes les pu¬
blications, soit pour le service interieur, soit pour les
besoins exterieurs de la propagande.
Art. 155. II ne peutrien publier contre les membres
de la Societe qui ne soit constate et decide par un vote
de 1’Assemblee.
§ IV. — Responsabilite.
Art. 156. Le President est responsable et comptable.
11 est tenu de presenter a T Assembler generate un rap¬
port mensuel du l er au 10 de chaque mois, resumant
les operations de la Societe pendant le mois precedent.
Dans la derniere quinzaine de juillet de chaque annee ,
il presente a FAssemblee generate un rapport d’ensem-
ble sur les operations du semestre ecoule et fait con-
naitre les travaux prepares pour le semestre commence.
Dans la derniere huitaine de janvier, au plus tard, il
communique a I’Assemblee, avec Finventaire exact de
1’actif et du passif de la Societe au 31 decembre et un
rapport semestriel, un compte-rendu sur la situation
morale de la Communaute.
Art. 157. Comme tous les autres fonctionnaires, le
President pourra etre destitue conformement a la loi.
Art. 158. Toutes les functions publiques sont eta-
blies dans l’interet de la Communaute.
Art. 159. Elies sont aussi multiplies qu’il est neces-
saire.
Art. 160. Toutes sont un devoir, une charge, un
travail quon ne peut abandonner sans un empechement
legitime.
Art. 161. Le lieu oil s'exerce la function est un ate¬
lier pour le fonctionnaire.
— 1S7 -
Art. 162. Le fonctionnaire est un mandataire.
Art. 163. II est electif, sauf le cas prevu par l’art.
130.
Art. 164. 11 est temporaire, comptable et respon-
sable.
Art. 165. 11 doit commander avec fraternite, et cha-
cun doit obeir avec egard par respect pour la loi.
Art. 166, En cas d’abus , soil du fonctionnaire en-
vers le citoyen, soit du citoyen envers le fonctionnaire,
chacun d’eux a le droit de reclamer on de se plaindre.
SECTION V. — pouvoir judiciaire.
$ I er . — Delits.
Art. 167. Dans la Communaute, les debts sont: les
actes qui nuisent a la Societe ou a quelqu’un de ses
membres ; la violation des principes, des loi^et regle-
ments; la disposition illegale d’un objet commun; le
defaut de soin et d’economie; le desordre et le trouble
apportes dans la grande famille.
Art. 168. Le mensonge et la calomnie sont des delits
inexcusables.
Art. 169. L'injure et la medisance, la critique hors
de 1’Assemblee generale sont aussi des delits.
S 2- — Peines.
Art. 170. Les peines sont: 1<> le blame dans batelier
ou dans 1’Assemblee generale, ou dans le public exte-
rieur avec plus ou moins de publicite ; 2° bexclusion de
batelier ou de l’Assemblee generate, ou de la Commu¬
naute, dans les cas qui seront determines par la loi.
$ 3. — Constatation (les delits.
Art. 171. Chaque Directeur d’atelier doit constater
dans un rapport hebdomadaire ou special les delits
commis dans batelier.
Art. 172. C’est un devoir pour chaque citoyen de
- 138 -
faire connaitre, dans Finteret de la Communaute, les
delits cominis contre elle.
Art. 173. C’est un devoir pour la Gerance de sur-
veiller les delits et de demander contre eux Fexecution
des lois.
8 4. - Jugement.
Art. 174. Les delits contre les reglements de Fatelier
sontjuges par Fatelier.
Art. 175. Les delits communs contre la Commu¬
naute sontjuges par FAssemblee generate, ou par le
jury.
$ 6. — Revision.
Art. 176. Le Peuple Icarien a essentiellement le droit
de reviser sa constitution. Mais il peut, dans son inte¬
nd, etablir des regies et des formes, pour que la Cons-
ttution ne soit pas exposee a des changements trop
frequents. La Societe Icarienne reposant sur les prin-
cipes developpes dans le cliapitre II de la Constitution,
et particulierement dans les sections 1, 2, 3, 4, 5, et 6
de ce cliapitre, et dans le cliapitre III et, particuliere¬
ment, dans les sections 1 , 11 et 14 de ce cliapitre : ces
principes ne pourront etre revises qu’a Funanimite des
membres de la Societe, et avec le consentement des
Icariens de Fexterieur.
Art. 177. La Constitution ne pourra etre revisee
(ju’apres des intervalles de4 ans, en 1863, 1867, etc.
Art. 178. La revision se fera en decembre.
Art. 179. Celui qui voudra demander la revision
totale ou partielle devra le faire par ecrit, dans Favant-
derniere semaine de novembre.
Art. 180. Tous ceux qui voudront presenter des mo¬
difications ou des changements devront le faire , par
ecrit, dans le meme temps.
Ces modifications ecrites seront a (lichees durant la
derniere semaine de novembre.
Art. 181. Dans la premiere semaine de decembre,
FAssemblee decidera d’abord , a la majorite des trois
139 —
quarts, si elle prend en consideration la demande en
revision.
Art. 182. Dans ce cas, elle fixera Touverture de la
discussion a un jour de la seconde huitaine de de-
eembre.
Art. 183. Chaque membre pourra proposer, par
ecrit, des amendements aux changements proposes.
Art. 184. L’Assemblee discutera et votera a la ma¬
jority des trois quarts la revision totale ou partielle de
la Constitution.
Adopte a Tunanimite, le 4 avril 1859, par les ci-
toyennes, les admis provisoirement, les jeunes gens
consultes, et a l’unanimite par les citoyens.
Le Secretaire , Le President ,
Marchand (Leon). G. Bauer.
Le President de la Communaute ,
B. Mercadier.
Certifie conforme :
B. MEBCADIER.
Ne te semble-t-il pas, moil cher Eugene, en lisant ces
deux sections de la constitution Icarienne, que ceux qui
ont sacrifie la communaute plutot que de les accepter,
devaient avoir d’autres motifs que ceux qu’ils alle-
guaient? Et quand je dis qu’ils ont mieux aime sacri -
fier la communaute que d’accepter la revision de la con¬
stitution dans les termes que nous venons de lire, ce
n’est pas une maniere de m’exprimer; c’etait litterale-
ment leur pensee qu’en se retirant la Colonie allait se
dissoudre parce qu’elle serait dans Eimpossibilite de
faire face a tons les engagements. Eh! bien oui, beau-
coup de ceux qui nous out quittes Font fait par des mo-
tifs tout a fait etrangers a la constitution ; dans ma der-
niere lettre, je te disais que nous que nous reerettions
plusieurs de ceux qui nous ont quittes, et je le repete
encore. Mais les autres nous ont rendu un grand service
en se retirant; ils nous ont evite la penible necessite
dans laquelle nous aurions ete, de nous separer d’eux
parune autre voie. Seulement, il leur sierait mal de se
poser en victimes de leur opinion politique.
XI.
Depuis Installation de la Gerancc unique, le Pre¬
sident a decide qu’il serait fait a L Assembles generate
un rapport hebdomadaire de la situation de la Caisse,
en dehors du rapport mensue' prescrit par Tart. 156
de la Constitution. J’approuve completement cette de¬
cision du President. Elle serait peut-etre superflue en
temps ordinaire et quand aucune inquietude ne peut
exister dans Y esprit de membres de la Societe relative-
ment aux affaires de la Societe; mais dans les temps
difficiles, il est bon que les cit. sachent toujours quelle
est la situation de leurs affaires.
Le cours Icarien continue sans interruption tons les
dimanches. La musique; les chants; la recitation de
ables ou de morceaux de poesie choisie, faite par les
enfants des deux ecoles; la lecture de petits traites sur
la morale, en rapport avec la doctrine icarienne, com¬
poses par les membres de la Societe ou envoyes du de¬
hors ou choisis dans les ouvrages du citoyen Cabet ou
autres auteurs. Tels sont les elements qui concourent a
faire de ces assemblies hehdomadaires, des cours a la
fois amusants et instructifs. Rien n’est plus puissant
pour former le cceur et Tesprit des citoyens, des epouses
141 -
et des meres ; mais surtout des enfanss qui y assistent
avec leurs parents et y prennent la part la plus active,
par la musique, les chants et la recitation de fables ou
de poesies. Tu devines quelle emulation cela produit
parmi eux ; combien chacun travaille pour se preparer
a bien chanter le dirnanche au cours; a bien reciter ou
a bien jouer, et tu comprends aussi le bonheur des pa¬
rents d’entendreleurs enfants; devoir leur jeune intel¬
ligence se developperet se fortifier par Y etude et la pra¬
tique de tout ce qui est vrai, beau et utile.
L’anniversaire du 12 mai a ete celebre commetoutes
les fetes Icariennes ave'c fentrain de P esprit, la con-
fiance et la securite de favenir pour sa famille et pour
soi-meme. Des Toasts out ete portes: par les Icariens et
les Icariennes venus de Lyon: a leurs freres et seeurs
de Lyon ; par Josephe Loiseau :a I’avenir d’lcarie; par
Jules Cleves : a la moralisation des peuples; par L.
Gillet : d Cabet ; par P. Blaise au nom de ses cama-
rades : Au souvenir de Cabet; par les jeunes filles:
Au courage: par Ch. Raynaud: Aux vieillards ; par
Dazy: Au devouement, par Mesnier pere: A la famille
Cabet; par Rousselct: A l'harmonic; par Mercadier:
A /’ union , au travail et au progres.
La derniere lettre du cit. Mercadier , me dit qu’ils
ont celebre le 4 juillet Panniversaire de lTndependance
americaine et que la fete a ete magnifique, il ne me
donne d’ailleurs aucun detail; je ne les recevrai que
dans une huitaine.
Nous avons commence f echange des titres provisoires
de Y emprunt Icarien , contre les titres definitifs, nous
payons en meme temps les interets echus pour 1857 et
1858. Plusieurs affaires importantes ont absorbe une
partie de mon temps, pendant les dernieres semaines,
m —
ce qui a retarde un peu l’operation de l’echange des
titres que je pensais pouvoir faire en juillet. Mais,
comme tousles porteurs sont nos amis, ils attendent a\ec
bienveillance. J’ai recu beaucoup de titres de nos amis
des departements; je n’ai encore pu repondre a per-
sonne, mais tout sera expedie avant le 15 dece mois.
J. P. BELUZE.
%
Paris. —Imp. Felix Malteste et Cie, me des Deux-Portes-Saiut-Sauveur, 22.
t
LETTRES ICARIEMES,
QUATRIEME LETTRE.
XII
Mon cher Eugene,
Je t’ai fait connaitre dans ma precedente lettre, la
situation denotre Colonie Icarienne au commencement
de l’annee 1857, par le Compte-rendu de la Gerance
presente a la Societe au mois de fevrier. J’inserais ce
Compte-rendu tout entier dans ma lettre, parce que je
le considerais comme la cloture des operations de la
premiere periode de la Societe Icarienne, et, par conse¬
quent, comme un document qu’il sera curieux de pou-
voir consulter plus tard. Aujourd’hui, et par les memes
motifs, je veux te mettre sous les veux le Compte-
rendu du premier semestre 1856, ouvrant la deuxieme
periode de Thistoire Icarienne, avec la Gerance unique
pour base de notre Administration.
— 146 —
Je souligne ces mots : Gerance unique , Administra¬
tion, parce que, dans les discussions qui ont eu lieu a
ce sujet, soit au dehors, soit dans le sein meme de la
Colonie, il m’a paru qu’on ne comprenait pas assez
clairement, qu’entre la Gerance unique et la Gerance
multiple, il ne s’agissait que d’une question purement
administrative. 11 s’agissait de savoir,en effet, si les
affaires' de la Societe seraient dirigees par un seuL
ou par plusieurs. L’experience nous ayant demontre
Fimpossibilite de faire toujours concorder, dans les
questions de details, les opinions des hommes compo-
sant une Gerance multiple, ayant chacun une initiative
et une responsabilite particuliere. Voulant a tout prix
faire cesser les tiraillements et les coteries que cet etat
de chose entretenaient au detriment de la Commu-
naute, nous sommes revenus a la Gerance unique.
Tu as vu dans ma deuxieme lettre que ce change-
ment a occasionne dans la societe de Cheltenham de
longues et penibles discussions. Beaucoup d’objections
ont ete faitescontre la Gerance unique pendant ces dis¬
cussions, que le Journal de la Colonie a publiees. Eh
bien ! je dois le dire , aucune de ces objections ne m’a
paru serieuse. Toutesreposaient sur un equivoque ou un
malentendu.
Beaucoup d’objections, ai-je dit, ont ete faites contre
la Gerance unique ; mais toutes se resumaient en une
seule. G’est, disaient ses adversaires, compromettre,
aliener la Souverainete du Peuple Icarien. N'est - il
pas evident, pour quiconque connait Torganisation
Icarienne, que cette objection est sans aucune valeur,
sans fondement, par la raison toute simple que la
Souverainete ne repose en aucune facon sur la Ge-
rance unique ou multiple. Avancer cette objection
contre la Gerance unique , c’est dire qu’on ne comprend
xien a l’organisation Icarienne , ou qu’on la comprend
mal. Car, pour mon compte, je ne serais pas plus ras-
sure sur le sort de ma souverainete si je devais la con-
fier a six personnes au lieu d’une; il est bien certain,
en effet, que si les six sont d’accord pour abuser de ma
conflance, ils seront plus forts , ils auront plus de res-
sources pour le faire qu’un seul. Je n’aurai de chance
de salut que dans l’esperance qu’ils seront divises. Mais
alors, comment marcheront les affaires de la Societe ?
II suffit de poser ces questions pour montrer le peu
de valeur de Fobjection tiree dela Souverainete, contre
la Gerance unique, la seule cependant qui aitete pro-
duite sous differentes formes. Redisons-le done, la Ge¬
rance unique est une question d’organisation adminis¬
trative qui n’affecte en rien la Souverainete du Peuple
Icarien, que chaque membre de la Communaute exerce
et devra toujours exerccr directement dans FAssemblee
generale ou les Assemblies primaires quand il sera trop
nombreux pour sereunir en Assemblee generale.
Cela dit, sur le caractere de la nouvelle organisation
de FAdministration de la Colonie , nous allons voir, par
son premier compte-rendu comment elle fonctionne;
comment celui qui est a la tete de cette Administration
comprend ses fonctions et comment il envisage Favenir
de la Societe.
COMPTE-RENDU
DU
PREMIER SEMESTRE DE L’ANNEE 1859.
Citoyennes et citoyens,
Ce compte-rendu commencera naturellement ou finit
le dernier, etse terminera au 2 juillet, afm de partager
Tannee en deux parties egales.
On ne saurait trop le repeter, parce qu’on ne doit
jamais le perdre de vue, pourquoi sommes-nous ici ?
Quel but nous proposons-nous ? Que sommes-nous
venus faire? Nous sommes venus pour mettre en
pratique un Systeme ^Organisation sociale, le Systeme,
le Principe, la Doctrine de la Communaute Icarienne.
Lorsque ce systeme n’etait encore qu a l’etat de theorie,
ses adversaires nous disaient de lui qu’il etait beau,
mais qu’il etait impossible. L’ecole Icarienne repondait
que ses idees etaient, non seulement belles, mais aussi
et surtout realisables, et des aujourd’hui. Elle ajouta
que, pour le demontrer, elle allait en faire l’essai. Cela
dit, elle se mit a Y oeuvre et completa la theorie par la
pratique. Nous prouvons done la bonte de notre systeme
en le pratiquant. Le but que nous nous proposons, notre
mission, e’est une demonstration par les faits de la
— 149 —
bonte de la doctrine Icarienne. Si nous reussissons, la
Communaute est possible; car, on ne saurait nier le
mouvementdevantquelqu’un quimarche ;car, pourrait-
on meconnaitre la puissance de la vapeur, a Taspect
d’un de ces enormes steamers qui fendent avec
rapidite et majestueusement les mers, et qui se jouent
des vents contraires et des vagues encourroux? Si nous
echouons, que ce soit pour telle ou telle raison, la
preuve tournera contre nous; l’echec peut s’expliquer,
mais non s’excuser, car, lorsque nous avons accepte la
demonstration pratique, nous avons suppose que nous
etions capables et que nous avions les moyens deprati-
quer. En deux mots, tel est, suivant nous, la question:
faisonsla Communaute et nous aurons raison ; echouons
dans notre essai, etnous aurons tort.
II faut que nous pratiquions; la pratique, c’esttout;
rien, sans la pratique.
Trois conditions nousparaissent indispensables pour
amener et constituer une pratique complete et serieuse :
il faut:
. * V i
De 1’Union;
Une perfection relative;
Un certain bien-etre.
UNION.
L’Union nous est indispensable pour assurer notre
tranquillite, le travail et la production. Une Societe, qui
se trouve dans la position ou est la notre, doit discuter
peu et travailler beaucoup. Nous devons 6tre d’accord
sur tout ce qui concerne le principe Icarien. II faut a
Icarie quelques lois simples ; il suffit qu’elles nous
— 150 —
fassent comprendre nos droits et nos devoirs, et nous
les mettent constamment sous les yeux. Nous avons
l’Engagement du 13 octobre, qui contient notre expe¬
rience de 8 annees; notre devoir est de l’executer fide-
lement jusqu’a ce qu’une experience nouvelle nous
inspire d’autres dispositions. Yoila, selon nous, les
principes qui doivent realiser notre union. Yous savez
comment ces principes ont ete meconnus dans la
premiere partie du semestre ecoule; vous savez les
longues discussions, la division et la scission qui ensont
resultees ; vous savez le denoument, facheux sous un
rapport et heureux sous un autre, que ces evenements
ont eu. Je n’y reviendrai pas. Je mehaterai de constater
que depuis ces recents evenements, la Commission de
legislation n’a eu a s’occuper d’aucun projet de loi.
L’union a regne parmi nous: nous avons ete tous
d’accord et sur le principe , et sur nos lois, et sur l’En-
gagement. Nous n’avons qu’a continuer. Pour cela, il
faut de la bonne volonte et de la fermete. Si la mouche
du disaccord piquait encore quelqu’un de nous, s'il
avait besoin encore, afin de donner et de recevoir de
longs avis pour s'entendre, de faire fermer les ateliers
et d’ouvrir une Assemblee generale de plusieurs mois,
son devoir serait de sortir de la Societe immediatement
et pacifiquement; s’ilne le faisaitpas, la Societe devrait
sans hesiter et sans delai Fexclure de son sein. Ce sont
des bras et non des Iangues dont nous avons besoin.
Nous devons etre homogenes sur notre organisation
generale. Les discussions irritent et divisent au lieu
d’unir. Nous avons bien fait, selon Fexpression d’un
de nos amis, de les suspendre au clou ; laissons-les y
Yieillir. I
— 151 —
GERANCE UNIQUE.
Cette partie (le l’Engagemens a ete mise en pratique
depuis environ 3 mois. C’est ici le lieu de dire, d’une
maniere generate et independamment de certaines posi¬
tions particulieres a notre situation, comment nous la
comprenons, comment nous la sentons, comment nous
favons executee, et comment nous croyons devoir
l’executer a l’avenir. Selon nous, et, croyons-nous,
selon les dispositions modifiant la Constitution, la
Gerance unique est une institution essentiellement
Democratique et sans arbitraire. Le President doit exe-
cuter la volonte de l’Assemblee, et lui faire tout connaitre,
en choisissant le moment le plus opportun. Sa respon-
sabilite doit etre complete. Qu’il s’entende avec les
directeurs generaux, qu’il leur communique tout ce
qui concerne leurs fonctions, c’est son devoir et son
interet; mais, tout ce quia un caractere general, il
faut qu’il en instruise directement l’Assemblee. II doit
s’appuyer sur la Societe tout entiere. C’est d'elle, et
d’elle seule, qu’il peut tirer la force qui lui est lieces-
saire. Ce peu de mots suffiront pour expliquer notre
pensee, que chacun d’ailleurs a devinee et comprendra
aisement.
PERFECTION.
•- 11 n’est pas necessaire d’insister le moins du monde
pour faire voir qu’une certaine perfection est indispen¬
sable pour pratiquer la Communaute. De la, la neces-
site pour nous tous de nous ameliorer sans cesse et de
plus en plus. Avons-nous fait quelque progres dans le
semestre ecoule ?
— 152
La perfection consiste, (Tune maniere generate, dans
la pratiqne des qualites de Sociability, qui rend la vie
supportable et agreable, et qui fait ressortir l’indepen-
dance et la dignite de Thomme en meme temps que
son desir d’etre utile a ses semblables; elle consiste
aussi dans cette egalite d’humeur et cette conformite
de caractere qui fait supporter les contrarietes qu£
arrivent partout, aussi bien dans l’individualisme que
dans la Communaute. Eh bien! nous sommes-nou&
ameliores sous ce double rapport? II est difficile de
repondre a une pareille question; avec cette reserve,
nous croyons pouvoir dire qu’on a fait dtfs efforts et qu’on
a donne de bons exemples; mais qu’on se laisse encore
aller a dcs oublis et a des emportements trop frequents;
et que, en consequence, il y a encore a ameliorer aL
cet egard.
La critique en general, la tenue dans les reunions, et
les travaux de la Commission d’enquete peuvent en
quelque sorte, servir de thermometre a notre ameliora¬
tion : nous allons en dire un mot.
CRITIQUE EN GENERAL.
Ici, nous n'entendons parler que de la critique faite
avec malveillance ou avec violence, ou en arriere, soit
d’individu aindividu, soit d’atelier a atelier, soitcontre
les actes de f Administration, ou les decisions de TAs¬
semble. Ce genre de critique, qui n’est pas publique
ou qui n’a pas pour but d’eclairer, est un debt que
notre Systeme condamne vivement avec juste raison*
Lorsque certains actes reprehensibles se commettent^
les personnes, au lieu de s’abandonner a ces sortes de
— 153 —
critiques, devraient s’y prendre regulierement et frater-
nellement, en ayant des explications particulieres ou
publiques. D’un autre cote, lacritique serait impossible,
si les personnes qui Tentendent ne s’y pretaient pas ou
y coupaient court. Notre devoir est de dire que, meme
depuis la grande dissidence, il y a eu quelques-unes de
ces critiques. Nous engageons tout le monde a s’en
abstenir. Dans le cas ou elles sfc feraient encore en¬
tendre, le devoir de chaque membre est de les pour-
i
suivre conformement aux lois.
« ■ ,
REUNIONS.
\ ' m i t * . t • / . *
C’est dans les reunions, Assemblies generates, Com¬
missions ou conseils divers, que chacun doit dire son
opinion, loyalement, completement, avec le vif desir
de s’instruire ou de s’ameliorer lui-meme ou d’instruire
1 ^ • » t <.
les autres. Depuis la derniere dissidence, nous avons a
signaler une amelioration capitale dans la tenue de
l’Assemblee. Cependant, il s’est produit encore deux ou
trois actes qu’on ne saurait approuver, et qu’on ne doit
pas renouveler.
COMMISSION D’ENQU^TE.
T , *
Cette Commission, instituee depuis environ 5 mois,
s’est reunie assez souvent. Elle a recu des plaintes de
deux especes : les unes verbales, les autres ecrites. Ces
dernieres sont au nombre de huit et constatent les in¬
fractions suivantes : 3 irregularites, 2 negligences dans
les ateliers, 2 faits consistant a blaguer, 1 dispute. Les
plaintes verbales sont peu nombreuses et peu graves.
— m —
sauf une qui constatait qu’une parole legere avait ete
prononcee devant une citoyenne. La Commission d’en-
quete n’ayant pas fait de proces-verbaux, il nous est dif¬
ficile de dire jusqu’a quel point ces plaintes etaient
i . f .
fondees. Ce que nous pouvons assurer, c’est que gene-
ralement elles ne presentaient aucun caractere de gra¬
vity que des explications ont tout concilie, et qu’aucune
peine n’a ete, non seulement prononcee mais meme
proposee. ' '• *; V l
COURS ICARIEN.
Ce que nous venons d’exposer avec la plus grande
franchise demontre combien nous avons besoin de nous
perfectionner. Quelque difficile que soit cette ameliora¬
tion, il faut l’acquerir : la Communaute n’est possible
qu'avec elle. Du reste, notre imperfection n’a rien de
grave ni d’impossible. Nos intentions sont bonnes, mais
nous ne nous observons pas assez pour dominer les
mauvaises habitudes de la vieille Societe. Nous cedons
trop a Finstinct, nous n’ecoutons pas assez la raison.
Notre cerveau et notre coeur devraient etre continuelle-
ment en garde et a Fetude. Il importe que nous refle-
chissions constamment sur la nature de Fhomme, sur
notre principe, sur Fesprit.de nos institutions,pour nous
en rendre un compte exact. Il faut ensuite que nous
nous appliquions sans cesse a pratiquer. C’est pour ac-
querir ce rapport entre la theorie et la pratique que le
courslcarien estinstitue. L’obligation de chacun est d’y
prendre une part active. Depuis la derniere dissidence,
nous croyons, ainsi que nous Favons dit au Cours lui-
meme, qu’on nes’est pas assez conforme a cette obliga-
155 —
tion : les sujets traites et les lectures choisies ont ete
trop rares, et presque personne n’a commente le Vrai
Christlanisme . Nous exhortons tout le monde a faire
v mieux. Nous ne voulons pas revenir sur les immenses
avantages qui decouleraient de l’execution generate de
F obligation ci-dessus. Pour nous, c’est un point capi¬
tal. Notre conviction est tellement forle que nous
croyons pouvoir assurer etaflirmer, que le jour ou tout
le monde prendra la part active qui lui revient au Cours
Icarien, on verra tomber, comme par enchantement,
paroles* inconvenantes, causeries inutiles, disputes, et
la Commission d’enquete et de conciliation deviendra
superflue. .
" ' ' • • , » • » »
^ . .1 • ) * # r 1 • --. - * 5* ^
COTE MATERIEL.
La partie materielle a peu change depuis le dernier
compte-rendu. La raison de ce defaut d’amelioration se
trouve dans la faiblesse de nos moyens, amoindris en¬
core un moment par la derniere dissidence. C’est ainsi
que la bibliotheque, Fimprimerie, les divertissements,
Feducation, la pharmacie, la nourriture, le logement,
* • V' % * « •
le vetement se trouvent a peu pres dans la meme situa¬
tion. Aussi, nous n’en dirons rien. Nous ne saurions, a
* < » .
leur egard, que dire et repeter : nous avonsfaitun peu,
nous aurions voulu faire beaucoup, mais nous n’avons
pu. Plus loin, nous en parlerons d’une maniere moins
directe, mais plus eflicace. lei, nous allons nous borner
a vous rendre compte du mouvement du personnel, de
.la situation financiere et de celle de F Vndustrie.
• — 153 —
PERSONNEL.
Aii 30 janvier dernier, la Communaute comprenait
152 personnes, voici, de ce jour au 2 juillet courant,
quel a ete le mouvement du personnel:
JT • ' "
3 naissances : les enfants Bouas, Favereau et Marilz.
11 admissions provisoires: les cit. Chaumond, Lecomte
i
et Soussieux; les demoiselles Defay ct les deux soeurs
Lacour, et la famille Sertier, composee de 5 personnes.
1 admission definitive : la citoyenne Gamier.
1 manage : la citoyenne Delphine Renaud avec le
cit. Gamier.
2 deces : la citoyenne Kling et fenfant Droussent.
46 retraites : les epoux Tiran et 44 membres de la
grande dissidence, dont les noms sont publies ci-apres.
En outre de ce mouvement. les cit. Roux et Ricaut
7
M Ue Borremans et la famille Daumond, composee de
6 personnes, sont entres ou vont entrer dans la Societe,
sont autorises a venir, et vont etre admis provisoire-
ment. — En tout 9 personnes. — 3 membres de la fa¬
mille Daumond; le cit. Ricaut, et M lle Borremans, ont
fait partie de la Communaute de Nauvoo.
D’apres ces donnees, la Societe de Cheltenham com-
prend, au 2 juillet, 127 membres, savoir : 43 hommes,
6 jeunes gens, 35 femmes on jeunes Giles, 11 eleves a
la grande ecole, 7 a la salle d’asile, 11 nourrissons,
10 entres sans etre encore admis, et 6 absents.
Depuis le 30 janvier elle a done perdu 25 membres.
C ? est un malheur; mais e’est peu, surtout si V on se
. — 157 —
i ' •
rappelle tout le bruit qu’on a fait a cause de cette der
iere dissidence.
>
IN’OMS DES MEMBRES COMPOSANT LA DERNIERE DISSIDENCE.
NO MS.
HOMMES.
FEMMES.
ENFANTS.
Bernier .
1
1
»
Bouas .
1
1
1
Boulanger .
1
»
»
Chavant .
1
1
0
Colin .
1
0
»
Crampon .
1
0
»
Delhuile .
1
1
))
Dieuaide.
1
»
*
»
Cillet.
1
.»
2
Gobel. ...... f . .
1
1
1
Heggi .
1
1
1
Helix .
1
2
1 !
Maritz .
1
1
1
Martin .
1
1
o
Martinet .
1
1
o
Uttenveiller .
1
1
0
Vogel .
1
»
0
Woquefen .
1
»
»
Wiske .
I
0
»
Widstrancl .
1
»
Vivier .
1
1
0
. Pinthon .
1
»
0
Totaux .
21
14
9
RECAPITULATION.
. V
• • * •
1 . « % • .
• mr f
Femmes . .
. 14
Enfanls . .
• • • • •
. 9
Total.
s 44 .
% # C
v
t » . » .
Nous n’ajoutons aucune reflexion a cette liste, quo
nous avons publiee sur )a demande de plusieurs corres-
)
— 158 —
•pondants, et d’ailleurs conformement a nos habitudes
de publicity.
* - - % - V % . - « V
FINANCES.
Nousallons reproduce, ce que la bonne tenue de nos
livres nous perm et de faire pour la premiere fois, le
gain atelier par atelier et la depense d’apres les comptes
prineipaux, pendant les six premiers mois de l’annee
courante; nous les separerons en deux parties : Tune
comprendra les mois de janvier, fevrier, mars et avril,
cpoque de nos divisions, et de la grande dissidence, et
• » « * • * * *
l’autre comprendra seulement les mois de mai et juin,
pendant lesquels laSociete a tout stibordonne au travail
et a la production reorganises : • •
GAIN.
i. *
ATELIERS
QUATRE
premiers mois.
DEUX
derniers mois.
TOTAUX.
*
\ ^ ■*
doll.
0 .
» • >
doll.
0
c.
doll.
C.
Tailleurs. . . .
1019
46
495
65
1515
10
Cordonniers. . .
388
07
213
96
552
03
Jardiniers. . . .
28
20
207
07
235
27
Forgerons. . . .
417
45
223
15
640
60
Tonneliers . . .
190
62
41
25
231
87
Menuisiers . . .
129
91
21
00
150
91
Pharmacie . . .
•
46
40
4
15
50
55
Confection. . . .
100
00”
57
65
57
65
Divers .
162
478
21
640
99
Tolaux . .
•
•
2332
48
1742
09
4074
57
— 159 —
DEPENSES.
«
%
COMPTES.
•
’
QUATRE
premiers mois.
.
DEUX
derniers mois.
TOTAUX.
•
. doll.
' ^
c.
doll.
c.
doll.
c.
Animaux. • . •
166
40
52
25
218
65
Nourriture. • .
1288
36
608
60
1896
96
Matieres premieres. .
591
71
395
02
980
73
Ustensiles. . . •
14
35
25
15
39
50
Outils.
118
99
3
75
122
74
Pharmacie . . .
150
80
44
30
195
10
Ameublement. .
3
60
00
00
3
60
Vetement. . . .
00
00
72
35
72
35
Correspondance .
24
52
8
30
32
82
Chauffage. . . .
124
39
21
05
145
44
Eclairage. . . .
93
88
12
70
106
58
Divers .
104
15
68
55
172
70
Totaux. . .
• •
2681
15
1312
02
3993
17
Les quatre premiers mois, la depense a depasse le gain
de358 dol. 67 cent.;
Les deux derniers mois, le gain a depasse la depense
de. 430 dol. 07 cent.;- ’
Les deux derniers mois, la moyenne. du gain est de
193 dol. 56 cent, par semaine;
Les 4 premiers mois, la moyenne du gain de la se¬
maine a ete de 137 dol. 20 cent.;
Cette meme moyenne s’est elevee :
%/
♦ ’ • • r *
dol.
c.
En fevrier 1857, a environ.. .
. 155
00
En aout meme apnee.
45
En fevrier 1858.
00
En aout meme annee.
00
En fevrier 1859.
50
En consequence, il est constant que, pendant les
deux derniers mois, le gain a ete plus eleve qu’a toute
— 160 —
autre epoque ; et que, d’un autre cote, a la fin de 1858
et au commencement de 1859, il a ete le moins eleve,
et qu’il allait toujours en diminuant. 11 faut ajouter que
la Communaute a renferme, depuis aout 1858 jusqu’a
mai 1859, plus de monde que jamais, et qu’en mai et
juin 1859, elle etait diminuee d’un quart. Ainsi, il est
arrive qu’au moment ou on etait plus nombreux la pro¬
duction a ete inferieure, et qu’on a produit davantage
avec moins de monde. D’ou provient cela? Ai-je besoin
de le dire ? Tout le monde ne salt—il pas qu’a l’epoque
de la revision de la Constitution, les discussions avaient
remplace le travail, et que depuis la dissidence c’est le
travail qui est notre principale preoccupation?
Le tableau ci-dessus ne fait connaitre absolument que
legain realise par notre production et que les depenses
directes de la Societe. Il est, cependant, d’autres de-
penses que nous allons indiquer.
dol. c.
Regu du ler janvier au 2 juillet, de Paris. . . . 1,600 00
Recu, a titre de pret. . . .. 100 00
Rcqu, apports verses a Cheltenham. 303 15
Total. 2,003 15
Les derniers dissidents ont fait perdre a la Commu-
naute, en argent, en billets, en materiel, en trousseaux,,
en demenagements, la somme suivante:
dol. c.
Remis a eux, comptant.. 187 80
Billets a terme. 567 64
Outils remis, pour.. 75 00
35 trousseaux a 45 dol. selon l’ifiventaire, et 9 a
15 dol., ensemble; 1,710 10
Demenagements. 35 00
Total. 2,575 44
— 161 —
~ On a paye, en effets a terme, depuis le l er janvier
jusqu’au 2 juillet, pour la somme de 1,406 dol. 16 cent.
II faut en payer, du 2 juillet au l er janvier 1860, pour
une somme de 1,147 dol. 53 cent., independamment
dupaiement du 2 fevrier prochain, lequel s’eleve a la
somme de 2,880 dol.
dol. c.
Quant a nos divers debiteurs et crediteurs au
au l er janvier 1859, nous devions. 7,887 25
Idem , on nous devait.. . 205 60
Difference.7,681 65
Au l er mai 1859, nous devions.5,614 75
Idem, on nous devait. 333 52
Difference.5,281 23
Au 2 juillet 1859, nous ne devions que. 5,542 69
Idem , on nous devait. 572 90
* . -
r • y 4 »*. P
Difference. 4,969 79
En caisse, au 2 juillet. 490 10
II nous semble inutile de nous etendre sur nos divers
moyens pour faire face a tout; nous allons nous borner
a parler de notre production.
• , v . . i
INDUSTRIE.
%
Je n’ai pasbesoin de depeindre le desordre dans lequel
etaittombele travail a l’epoque de nos malheureuses
discussions. Vous vous rappelez qu’a la suite des elec¬
tions de fevrier et surtout apres la dissidence, la revi¬
sion de la Constitution et les elections d’avril, la produc¬
tion fut prise en serieuse consideration. La Societe, en
quelque sorte, se secoua pour rendre le travail aussi
productifque possible. Les ateliers, travaillant pour le
— 162
dehors, reQurenttous les ouvriers disponibles. Les mem-
bres de FAdministration n’ont consacre a leurs fonctions
que le temps indispensable. On crea ratelier de la con¬
fection, qui permet de faire travailler les nourrices et
les citoyennes qui, pour divers motifs, ne figurent pas
momentanement dans les ateliers. Une circulaire fut
repandue dans les environs. Une de ses premieres con¬
sequences fut la necessity de creer un atelier de con¬
struction, qurjusqu’ici n’apas cesse de travailler et qui
parait devoir avoir de l’occupation jusqu’a l’hiver. Les
bons resultats. de tous ces. efforts.nous ont permis de
sortir du mauvais pas dans lequel nos derniers evene-
ments nous avaient jetes pour un moment.
Pour le semestre qui ya s’ouyrir, nous croyons que
cette marche et cet elan doivent se continuer. Plus nous
irons et moins le travail nous manquera. Ce n’est pas
tout de F avoir, ce n’est pas tout non plus de posseder la
meilleure volonte; il faut encore que chacun mette
dans son atelier respectif, Firitelligence et l’initiative,
qui augmentent considerablement la production. Les
deux departs d’automne nous permettront, selon leur
composition, d’augmenter le personnel de plusieurs
ateliers, tels que tonneliers, menuisiers, forgerons, con¬
struction. Nous sommes forces d’attendre et de con-
naitre la composition du second depart pour savoir ce que
nous devons faire, relativement a Fatelier des cordon-
niersetdes tailleurs. Nous croyons devoir exhorter les
•membres de Fatelier de confection a prendre leur travail
4out a fait au serieux ; cet atelier est destine a rendre a
la Societe d’importants services : c’est une source de
production, ilfait tomberbeaucoup de critiques, il per¬
met a ses membres, non seulement de ne pas perdre
— 163 —
Thabitude de 1’aiguille, mais d’apprendre a faire de plus
en plus vite une foule de travaux d’une utilite incontes¬
table. -
Nous avons besoin d’appelervotre attention sur l’ate-
lier du jardinage, pour vous signaler un mal, et pour
"vous parler du remede que nous croyons devoir y ap-
porter. Le jardinage, il nous semble, n’a pas eu un rap¬
port proportionnel a celui de l’annee passee ; tel legume
a fait defaut, tel autre a ete produit en grande quantite ;
celui-ci qui aurait convenu a un terrain a ete mis dans
un autre; celui-la abonde en un moment et puis
manque tout a coup. Ces faits, signales par tousles
membres de ratelier, avec plus ou moins de force, prou-
vent, selon nous, une chose, et la prouvent indubitable-
ment: c’est que les deux directions ou les deux ateliers
% %
du jardinage ne s’entendent pas assez, et que, loin de
s’entendre, ils entreraient bientot dansun systeme d’e-
mulation ou de rivalite, qui nous semble plutot inu¬
tile et funeste qu’avantageux. Ce qui nous conflrme
dans cette opinion, c’est la difficulte que rencontre
TAdministration pour la distribution des ouvriers etdes
travaux dans les deux ateliers. Nous croyons qu’il im-
porte d’arreter ce mal, parce qu’il pourrait s’aggraver
et que la production en souffrirait immanquablemenh
Le seul moyen d’arreter ou de prevenir ce desordre^
c’est de ne faire qu’un seul atelier du jardinage. La seule
objection a faire a cette mesure est, selon nous, que le
Directeur du jardin aura fort a faire, aura a supporter
une grande responsabilite, et aurait besoin en conse¬
quence de disposer de moyens plus etendus que ceux
»• r *
d’un Directeur ordinaire d’atelier. Nous le croyons
r » • •
aussi; c’est pourquoi nous nous proposons de mettre a
— 164 —
la tetedu jardinage un Directeur-general. Cette mesure
nous parait aussi urgente qu’utile, parce que il faut des
a present s’occuper de la campagne prochaine, et, de
plus, des defriches et des assainissements, de la plan¬
tation des arbres et de la culture des serres pour l’hiver.
Aussi, nous presenterons, des les premiers jours du mois
d’aout, un Directeur-general a la ratification de l’As-
semblee generate.
Nous terminerons ce sujet en recommandant a tous
les directeurs d’atelier, et meme a tous les membres,
d’executer ou faire executer ce qui concerne les rapports.
Les rapports d’atelier sont la base essentielle de toute
la comptabilite. Pour que celle-ci soit ponctuelle et
exacte, il est indispensable que les rapports eux-memes
soient faits avec exactitude, avec precision et au mo¬
ment voulu.
PRATIQUE EXTERIEURE.
Nous avons commence ce travail en faisant ressortir
qu’il etait indispensable de pratiquer, pour etre reelle-
ment Icarien. Lorsque nous nous exprimions ainsi,
nous ne parlions pas exclusivement pour les membres
de laColonie; ce que nous disionspeut et doit s’adresser
aussi a tous les Icariens du dehors. Depuis 1848, notre
Societe est entree dans la voie pratique; tous ceux qui
embrassent nos idees et se disent Icariens doivent pra¬
tiquer. S’ils ne le font pas, ils ne comprennent notre
affaire qu’a demi. Nos freres de tous les pays ne (Sol¬
vent pas attendre, pourjoindrela pratique a la theorie*
d’etre dans la Societe; ils sont obliges de realiser, des
qu’ils se disent Icariens et tout en etant encore dans
— 165 —
l'individualisme, tout ce qui est realisable pour un Ica-
rien du dehors. Ne faire rien et attendre tout de ceux
qui sont membres de la colonie, ce serait de l’injustice
et de l’egolsme; ce serait manquer au principe de la
fraternite, qui est la base de toute notre doctrine. Ils ne
peuvent pas dire qu’ils n’ont rien a faire, tant qu’ils
sont au sein de la vieille Societe; car notre entreprise est
jassez serieuse et universelle, elle embrasse assez de
choses pour que l’lcarien exterieur trouve abondam-
ment de quoi exercer la mise en pratique de nos idees.
Comme le membre de la Societe, il doit s’efforcer de
maintenir I’union entre toutes les personnes qui parta-
gent notre doctrine. Comme lui il doit acquerir les ha¬
bitudes nouvelles, qui sont en opposition avec celles de
l’individualisme, et qui doivent realiser peu a peu sa
perfection Icarienne. Possede-t-il toutes les qualites de
sociability? Est-il toujours poli, convenant? N’est-il pas
habitue a avoir des moments de mauvaise humeur,
d’emportement, de violence? Est-il toujours juste et
impartial envers les autres, et ne les critique-t-il jamais?
Est-il calme et court dans les discussions? Possede-t-il
les qualites d’ordre, d’activite, dans le travail? Ne fait-
il pas usage du tabac, sous une forme ou sous une autre?
Tant que la perte des mauvaises habitudes et l’acquisi-
tion de bonnes seront regardees comme des genes, il v
aura encore a pratiquer ? Fait-il tous ses efforts pour
s’instruire et instruire les autres dans des reunions de
families, sortes de Cours Icariens? Enfin, de meme que
celui qui est dans la Colonie, 1’Icarien exterieur doitpar-
ticiper ii sa prosperity materielle par tous les moyens, et
notammentpar la souscription,par l’emprunt, pari’envoi
d’objets utiles, en se perfectionnant dans sa profession,
— 166 —
en travaillant Ie plus possible, en economisant, et en
donnant le bon exemple partout ou il va et dans toutes
les circonstances. Nous sommes tres prononces a cet
egard, et nous ne craignons pas de dire que celui qui
n’aide pas notre entreprise, au moins au moyen de la
tire-lire, n’est pas un Icarien serieux, parce qu’il ne
pratique pas serieusement. *
On voit, aux details ci-dessus que nous pourrions
prolonger encore a combien est vaste le champ de la
pratique offert a nos co-religionnaires de tous les pays.
A cet egard, nous croyons devoir reproduire quelques
extraits d’une circulaire, publiee par notre correspon-
dant de Paris, et adressee a tous nos co-religionnaires
du dehors, parce que ces extraits traitent de la pratique
Icarienne exterieure. Aujourd’hui les idees sont tene¬
ment precises a ce sujet, que, relativement a notre
union et a notre position morale et materielle, notre
correspondant s’exprime dans le meme sens que nous.
Nous ne craignons pas d’etre trop long parce qu’aucun
sujet n’eut jamais plus d’importance.
Union. — « Ainsi les fatales consequences de nos
discussions dans nos Assemblies generates, nous on
appris que nous devons reformer nos habitudes a cet
egard, et prendre toutes les mesures necessaires pour
eviter le retour des luttes parlementaires qui nous pre-
cipiteraient inevitablement dans Tabime. Nous avons
reconnu qu’il fallait agir plus et parler moins : en con¬
sequence , nous avons remplace la Gerance multiple par
la Gerance unique, parce que ce mode d’administration
a plus d’initiative et d’action, avec une responsabilite
plus reelle, et par consequent ofTre plus de garanties,
d’ordre et de regularity dans les affaires de la Societe. »
Perfection. — « .En premiere ligne de nos diffi-
cultes, nous devons mettre le manque d’education Ica-
rienne de la part de ceux qui demandent leur admis¬
sion dans la Colonie, et qui y arrivent avec des habitu¬
des tout a fait contraires auxnecessites de la vie sociale,
et meme aux reglements ecrits de la Societe. C’est ainsi
que des personnes, se preparant a entrer dans la Com-
munaute, conservent Fhabitude du tabac et des habil-
lements de luxe ; d’autres, au contraire, nemettent pas
assez de soin dans leur tenue, et tandis que quelques-
uns ne font aucun effort pour perdre des habitudes de
critique anti-fraternelle, a l’egard de leurs semblables,
d’autres conservent dans leur conversation, meme de-
vant des femmes et des enfants, un langage libre et
quelquefois obscene, ou bien encore ils font usage de
mots empruntes au vocabulaire de la population des
bagnes, et qui sont usites dans les plus mauvais lieux
de debauche et de demoralisation, et cela, sans y faire
attention, sans penser mal faire, par le seul fait de Fha-
bitude. C’estun mal et un mal immense que ces habi¬
tudes soient entrees en quelque sorte dans Feducation
et la vie des travailleurs. Mais ce serait un bien plus
grand mal encore que les Icariens les conservassent dans
leurs relations au dehors de la Colonie et les apportas-
sent dans son sein.
y> Je sais bien qu’ils disent: nous nous corrigerons
quand nous serons dans la Communaute. Mais je sais
aussi qu’ils se trompent et qu’en agissant ainsi, ils se
— 168 — *
preparent les plus cruelles deceptions, contre lesquelles
notre devoir est de les premunir.
j) On ne devient pas Icarien, on ne se transforme pas
dujourau lendemain, par le seul fait du cliangement
de climat et de position. Pour reformer des habitudes
depuis longtemps contractees, il fauten avoir lavolonte
et y mettre la perseverance et Tattention la plus assi-
due. Pour agir dans ce sens, il ne faut pas attendre
d’etre dans la Colonie, car il arriverait a tous ceux qui
commettraient cette faute, ce qui est arrive a ceux qui
les ont precedes. C’est qu’ayant tout a reformer a la
fois, et leur education, pour ainsi dire, a refaire, tout en
changeant de pays, de relation et de societe, ils se fati-
gueraient promptement de la vie commune, eprouve-
raient un malaise qu’ils imputeraient a coup sur a la
Communaute, ou tout au moins a l’organisation de la
Colonie, pour ne pas en accuser leurs mauvaises et in¬
sociables habitudes ! Que ceux qui veulent pratiquer la
vie commune et fraternelle s’y preparent serieusement,
et qu’ils se penetrent bien que, s ils ne peuvent pas etre
Icariensici, ils ne le seront pas davantage en lcarie.
» Ainsi done, sousle rapport moral, si nous voulons
triompher des difficultes de l’avenir, il faut nous mon-
trer de plus en plus lcariens, et ne pas nous contenter
de parler d’Icarie, de lire les livres qui en contiennent
la doctrine, etc., mais nous efforcer constamment de
pratiquer, des a present, cette belle doctrine. Soyez bien
persuade d’avance, que tout individu qui veut entrer
dans la Colonie et qui dit, avant d’y entrer; quand je
serai dans la Communaute, je me corrigerai de tel de-
faut, de telles habitudes, et qui ne fait rien pour s’en
corriger des a present, soyez bien persuade, dis-je, qu’il
— 169 —
ne se corrigerapas du tout, et qu’apres avoir passe quel-
ques mois dans la Colonie, il en sortira sous un pre-
texte quelconque. »
Corns Icarien. — « Nous savons que nous manquons
pour la plupart d’une education appropriee a l’organisa-
tion sociale que nous voulons realiser, et que l’oubli
d’un devoir conduit bientot a Toubli de tous les autres;
cette connaissance nous a portes a instituer le Cours
Icarien, avec lequelnous nous instruirons et nous nous
fortifierons sans cesse, dans la pratique des vertus so-
ciales et les devoirs de la fraternite. »
Partie materielle. — « Nous avons vu que la si¬
tuation materielle de la Colonie n’a rien de decoura-
geant, tout au contraire. Mais, vous savez aussi, qu’a-
vant les retraites qui se sont effectuees au mois d’avril
dernier, elle avait des engagements contracts, en vue
d’une production beaucoup plus importante, puisque
2i hommes et 14 femmes, ensemble 35 travailleurs,
sont en moins. II est naturel que la position de nos
amis se trouve genee par suite de cette circonstance;
mais ils sont sans inquietude cependant, parce qu’ils
comptent sur le concours des Icariens du dehors. Je
disais, dans ma derniere lettre icarienne, que j’esperais
que nos Freres ne compteraient pas en vain sur nous,
et j’ai plus que jamais cette confiance, parce que je
compte sur Fintelligence de tous nos co-religionnaires,
qui comprendront, comme le disait notre frere Marc
Flaig, de Rio Janeiro, « qu’ils ne doivent pas esperer
» jouir des bienfaits de la Communaute s’ils ne veulent
» point participer aux charges que sa fondation doit
» couter Aussi je pense comme ce dernier que tous
8
\
— 170 — *
les Icariens doivent s’imposer a raison d’un sou de travail,
afin de cooperer a la fondation d’Icarie, en suivant le
noble exemple donne par nos co-religionnaires du Bresil.
II est bien entendu que cette souscription a un sou par
jour n’a rien de rigoureusement fixe, et que ce chiffre
n’est indique que comme minimum auquel peut attein-
dre tout homme qui a la bonne volonte de faire quelque
chose ; mais cela ne doit pas empecher ceux qui peuvent
faire plus, de faire tout leur possible, soit en prenant
des obligations ou des coupons d’obligations de Fem-
prunt, soit en souscrivant 2, 3, 4, 5 sous par jour, soit
pour eux seuls, soit au profit d’autres amis ou d’autres
membres de leur famille. Pour toutes les sommes sou-
scrites, il sera delivre des obligations ou des bons
imputables sur des obligations de Femprunt; par
consequent, toutes les souscriptions sont un pret fait a
la Colonie , pret qui sera restitue dans la forme et les
conditions determinees par la loi sur Femprunt ».
Nous le repetons , nous approuvons sans reserve les
lignes precedentes.
Apres avoir demontre la necessity de la pratique,
pour les Icariens du dehors, aussi bien que pour ceux
de Finterieur, nous devions etre a meme de rendre
compte de la pratique exterieure, sous le rapport de
Funion et de la pratique morale et materielle, de meme
que nous l’avons fait pour la pratique interieure. II fau-
drait meme rendre ces comptesavec de certains details,
et plus souvent que tous les semestres , tous les mois ,
par exemple. Nos amis du dehors devraient, ainsi que
nous, presenter un rapport mensuel qui ferait connaitre
tout ce qu’il y aurait d’important dans la realisation
- 171
d’Icarie, et surtout le resultat de la tire-lire. Ces rapports
seraient les bulletins de Tarmee Icarienne exterieure. Iis
nous semblent necessaires pour bien se rendre compte
de tout. Au reste, ce n’est qu’un des moyens de mettre
en pratique notre systcme de publicity. En consequence,
nous nous entendrons avec notre correspondant de
Paris, et nous recueillerons toutes les idees pour mettre
a execution ces rapports mensuels exterieurs.
PROPAGANDE.
Faire de la propagande, c’est mettre en rapport les
membres de la Colonie et les Icariens du dehors, pour
les fortifier et pour augmenter leur nombre. Comme
tout le reste, la Propagande, pour etre efficace, doit
etre essentiellement pratique. Nos co-religionnaires doi-
vent savoir toute la verite sur nous, comme nous de-
vons la savoir sur eux. 11 importe qu’ils nous connais-
sent et nous apprecient a notre juste valeur. II faut que
nous sachions quelles sont leurs actions Icariennes; nos
amis doivent avant tout etre sinceres : ceux qui se
disent Icariens sont obliges de I’etre, tandis que ceux
qui ne le sont pas ont pour devoir de ne pas se declarer
disciples de Cabet; il vaut mieux pour notre reussite de
ne compter que sur 1,000 individus sinceres, deter¬
mines et bien devoues, que de se reposer sur le con-
cours inefficace et trompeur de 10,000, de 20,000, de
50,000, de 75,000 pretendus Icariens. Nous le repe-
tons, nous demandons une propagande pratique; nous
demandons des faits. Voici, selon nous , quelques ac¬
tions capables de prouver que leurs auteurs songent
serieusement a la realisation d’Icarie.
1 ° Correspondances. — Entre autres avantages , elles
f .
developpent la eonfiance et la sympathie entre les mem-
bres de la Colonie et leurs co-religionnaires de tous les
pays.
2° Adresses. —Generalement, elles etablissent et
facilitent la conformite d’opinions et de sentiments
entre les signataires et les Icariens de Cheltenham ;
parfois, elles contribuent, comme la derniere Adresse des
Icariens de Paris, a amener la solution d’evenements
graves, mais necessaires et heureux.
3° Conrs lcarien. — Les deux categories d’Icariens
doivent s’envoyer mutuellement des sujets traites , des
instructions, pour se moraliser et se perfectionner; ces
sujets lus, d’un cote aux Cours Icariens de la Colonie,
et d’autre part aux reunions de famille, seront de na¬
ture a entretenir 1’idee, si utile et si indispensable du
besoin que nous avons de nous instruire et de nous mo¬
raliser sans cesse.
4° Rapports mensuels. — La Societe les publie tous
les mois ; elle les rendra de plus en plus precis et inte-
ressants; le bureau de Paris, de son cote, envoie des
rapports mensuels qu’il faudra faire plus detailles, et
que le journal devra reproduire, de meme que les bro¬
chures publieront, a cote des rapports exterieurs, ceux
venant de la Colonie. Les avantages de cette mesure sont
incontestables, puisque toutle monde se rendra compte^
par le moyen de ces rapports, de tout ce dont nous
sommes capables, au dedans comme au dehors.
« *
5° Departs. — L’Icarien sincere, vrai, ne doit pas
etre impatient de partir, comme il faut qu’il n’hesite
— 173 —
pas un moment lorsque la Colonie a besoin de lui et
l’appelle. Apres la grande dissidence, la Societe a fait
uhappel, aussi pressant que serieux; notre prochain
compte-rendu fera connaitre quel a ete le resultat de
notre demande et de nos instances.
9° Journal et Brochures. — Nos publications doivent
etre le bulletin de toutes nos actions importantes, soit
du dedans , soit du dehors ; independamment de cette
publicity des faits et gestes Icariens, tous les Icariens
peuvent et doivent contribuer a rendre nos publications
interessantes. Le role de celui quiest charge du journal
et des brochures doit se borner a accueillir, autant que
possible, tous les articles qui reuniront l’interet et
l’utilite. 4
DIRECTEURS GENERAUX. ;
» • r • f I i * * •
Quoique les Directeurs generaux ne soient nommes
que pour un an , de sorte qu’il faudra remp’lacer les
trois qui sont en functions, les cit. Bira, Gamier et
Mesnier pere, le 3 fevrier prochain, neanmoins, comme
ce remplacement en masse ne nous parait pas avoir
beaucoup d’inconvenients, nous croyons de Tinteret
general qu’ils restent en fonctions pendant toute leur
annee. En consequence, nous n’aurons a proposer a
LAssemblee generale au commencement d’aout, que la
ratification du directeur general du jardinage.
BIEN-£TRE. —PRODUCTION. —MARCHE A ADOPTER.
— BUDGET. — PLAN GENERAL.
Les pages precedentes satisfont, du moins dans la
mesure de nos forces, aux dispositions de la loi : aussi
— 174 —
notre compte-rendu pourrait se borner aux developpe—
merits que nous venons de donner. Mais apres les graves
evenements qui se sont accomplis dans notre sein, et
au milieu des doutes sur notre prosperity et meme sur
notre existence queces evenements peuvent faire naitre,
notre tache n’est pas terminee. L’importance d’un
compte-rendu nous impose F obligation de ne pas nous
renfermer dans une periode de six mois ou d’une annee,
mais de porter nos regards vers un avenir plus eloigne.
Nous devons dire, en meme temps que notre perseve¬
rance et notre foi dans la Coiflmunaute, quelles sont
nos esperances, et quelles sont nos idees sur les desti-
nees futures d’Icarie.
Dans ce temps de transition ou nous vivons, l’homme
possede assez de bonnes qualites pour comprendre les
vices de lavieille organisation, mais il n’est pas assez
parfait pour realiser completement le nouvel ordre de
choses. Ne pouvant pas pratiquer parfaitement, n’est-il
pas capable, ne sommes-nous pas capables de le faire
d'une maniere relativement satisfaisante, et au point
que notre pratique soit meilleure que l’inaction? Nous
repondons, avec la conviction la plus sincere, la plus
etendue et la plus profonde, nous repondons aflirmati-
vement; oui? nous sommes capables de realiser la Com-
munaute ; oui! nous pouvons fonder Icarie. Quelque
imparfaits que nous soyons, Icariens du dehors et
membres de la Societe, le courage, la foi et les autres
qualites que nous possedons nous permettent de dire
qu'Icarie sortira tot ou tard de nos tetes et de nos mains.
Nous n’en doutames jamais , Icarie sera un jour
grande et belle. II faut meme que ce jour ne soit pas
trop eloigne. II faut qu’a tout prix nous repoussions
- 175 —
cette gene qui comprime toujours notre vol. 11 faul que
cet eternel : — nous manquons de moyens! — ait une
fin etassez promptement. Cette necessity est-elle pos¬
sible ? oui! Et comment? c’est ce que nous allons vous
(lire.
Dernierement, nous avons publie une brochure du
Fondateur d’Jcarie, intitulee : S ij’avals 500 mille dol¬
lars! Cette brochure, qui depeint la Communaute,
jouissant deja d’un certain bien-etre, suppose qu’un
homme desinteresse, qu’un bienfaiteur de l’Humanite,
donnera ou pretera a Icarie 500,000 dollars, et qu’a
l’aide de ce donlaSociete grandira. Faire reposer notre
prosperite sur une somme produite d’une pareille ma-
niere, telle a ete l’erreur de cet ecrit. L’homme devoue,
le bienfaiteur de ses semblables a jusqu’ici garde par
devers lui ses nombreux dollars, et, du moins nous
sommes autorises a le croire, il les gardera encore long-
temps. Ne comptons done pas sur des eventualites trop
hasardeuses. Si elles se realisent, acceptons-les comme
un surcroit fortuit de moyens, mais faire reposer sur
elle etla prosperite etla fondation de notre entreprise,
Texperience nous a prouve que e’est trop trompeur et
trop hasardeux.
Au lieu de s’en rapporter a la generosite des autres,
ayons confiance en nous, comptons d’abord sur nous.
Le liasard est le hasard; nous, nous sommes la pratique
elle-meme et la certitude. L’espoir d’une fortune extra¬
ordinaire entretient une illusion dangereuse ; esperons
d’abord et exclusivement en nos efforts. Ayons la ferme
volonte de vouloir etre riches, pensons-y serieusement,
et nous le deviendrons, non par autrui, mais par nous-
— 176 —
memes. Ce mode est plus certain, il est plus meritoire,
plus digue et plus noble; meme, et nous FafFirmons
avec une veritable conviction, il est plus dans Finteret
de la Communaute, car nous aimerons d’autant plus
celle-ci et d’autant nous saurons l’organiser, qu’elle
sera davantage notre oeuvre et qu’elle nous aura coute
davantage. Je dirai done a tous les Icariens sans excep¬
tion, a nos co-religionnaires du dehors comme auxmem-
bres de la Societe : Icarie grandira; elle peut et doit
grandir surtout par nos efforts, surtout par nous, sur-
tout par notre production.
La production! voila le mot de Fenigme, voila la
source de notre richesse.
f Ainsi done, produisons! Produisons, Icariens de tous
les pays et de la Colonie, citoyennes etcitoyens, ateliers
collectifs et ateliers d ? un seul membre, ateliers du de¬
hors et ateliers du dedans, Administration et membres
d’ateliers. N’oublions jamais que la production vient a la
fois de Feconomie et du travail. Pratiquons cette espece
d’economie et de travail, qui reposent sur Finteret bien
compris etsur Famour de la Communaute, economie et
travail qui viennent de soi, qui se presentent a tout
moment, qui realisent constamment de petites valeurs,
et qui, au bout de Fannee, et au bout de plusieurs am
nees, produisent des sommes considerables. Soyons
assidus et ponctuels; faisons preuve de cette initiative
et de ce gout, qui, sans plus d’efforts ou de peine, dou-
blent souvent le benefice. Ayons la prudence comman—
dee par les dangers de Facclimatation. Acquerons de
plus en plus ce hardi savoir-faire, si necessaire a des
colons, sachons ne pas nous arreter a de petites difli-
— 177 —
cubes; que notre hesitation seule erige en obstacles
insurinontables. Conformons-nous chaque jour davan-
tage a cette promptitude et a cette facilite des Ameri-
cains, graces auxquelles l’Amerique acquiert un grand
et prompt developpement. Employons-nous generale-
ment chacun dans notre profession et de la maniere la
plus utile. Qu’il y ait entre les Directeurs et les autres
membres, entente, sympathie, concours. Dans le travail
exterieur, employons loyalement notre temps a la jour-
nee, faisons bien l’ouvrage a Fentreprise. En un mot,
prouvons en tout, partout et toujours, que le noble
stimulant qui preside au travail dans la Communaute est
plus productif que Fantagonisme et Findividualisme.
Nous regrettons que les limites etroites de ce compte-
rendu ne nouspermettent pas de parler plus longuement
de Feconomie, du travail et de la production. Le travail,
tout ce que ce mot a de noble, de meritoire, surtout
dans une association libre et volontaire comme la notre,
je voudrais le dire , je voudrais aussi faire ressortir la
• * 0 .1
beaute, la grandeur, la saintetede notre entreprise, que
le travail doit assurer. Je voudrais avoir enmeme temps
Fimagination brillante et sentimentale d’un poete, pour
demontrer et faire sentir que le travail, libre et bien
compris, est plus doux que toutes les distractions inu¬
tiles que se procurent les oisifs du monde. Je voudrais
avoir le eoeuret le jugement d’un philosophe-reforma-
teur pour prouver que le travail sera le regenerateur
du monde ignorant, esclave et miserable.
Mais, si notre propre production doit nous m
etat de rendrelcarie prospere et puissante,
la condition de faire preuve de pe
— 178 —
y consacrer tout le temps necessaire. Ici, il importe de
se rendre compte de la marche a suivre. Les circons-
tances nous permettront, pensons-nous, d’agir ainsi et
d’obtenir les resultats suivants : deux ans nous seront
necessaires pour payer les principales dettes et pour
bien organiser l’industrie et la production ; deux autres
annees seront consacrees a completer le paiement de
nos dettes, a organiser un credit solide et sufiisant, et a
faire disparaitre les quelques entraves qui pourraient
encore s’opposer a rextension considerable de notre pro¬
duction et de notre richesse; ensuite, et pendant six
annees, notre production realisera des benefices de plus
en plus grands. De cette maniere, et au bout de dix ans,
la Societe aura incontestablement un capital de 500,000
dollars; rien ne s’opposera plus a notre fortune, a notre
grandeur, a notre puissance. Maispour obtenir ce resul-
tat, il faut savoir attendre; il ne faut pas etre impatient.
L’impatience a tout perdu, ailleurs et parmi nous.
N’oublions jamais que nous sommes ici pour fonder,
et non encore pour jouir des bienfaits d’une entreprise
realisee. Sachons attendre quelques annees, ayons la
patience vulgaire, la patience qu’un homme nouvelle-
ment etabli possede dans la vieille Societe, et nous sau-
rons reussir.
Mais, il ne suffit pas d’avoir une marche tracee, pour
bien la suivre, il est necessaire que TAdministration et
tous les membres de la Communaute puissent se rendre
facilement, souvent et completement, un compte exact
de tout ce quise gagne et se depense, et, enfin, de tout
ce qui touche a notre richesse. C’est pour cela que nous
avons parle d’un budget, et qu’au premier mai dernier
nous en avons propose un projet, dont nous nous ser-
— 179 —
vons pour nous rendre bien compte de toutes nos ope¬
rations financieres. Nous allons exposer ici brievement
ce projet, afin que chacun puisse 1’examiner, et en
puisse apprecier les avantages et les inconvenients.
En tenant compte et du bureau de Paris et de la Co-
lonie, nos depenses et nos recettes seraient, du l er
mai 1859 au l er mai 1860, telles qu’elles sont repre¬
sentees dans le tableau suivant:
V
DEPENSES, D’APRES LE DUDGET.
dol. c.
Effets a payer. 4,645 76
Divers crediteurs, pour.. . . . 1,769 23
Bureau de Paris. 1,300 00
Interets de l’emprunt. 310 00
Interets divers. i 200 00
Apports rembourses. 300 00
Depenses de la Societe.. . . .. 5,967 00
Total des depenses.14,491 99
RECETTES, n’APRES LE BUDGET.
dol. c.
En caisse, au l er mai.. . 350 00
Du par divers. 200 00
Dette a contracter. 500 00
Xaine provision. t . 400 00
Apports a Saint-Louis. 290 00
Apports a Paris. 1,210 00
Emprunt. 2,500 00
Notre production. 9,041 99
Total des recettes.14,491 99
Deux mois se sont ecoules depuis ce projet : nous
allons exposer dans le tableau suivant ce que nos opera¬
tions financieres auraient du etre, d’apres le budget ?
pendant ces deux mois , et ce qu’elles ont ete en effet.
— 180 —
Cependant, comme nous n’avons pas [encore tous les
renseignements correspondants sur le bureau de Paris,
nous ne porterons pas a la depense les deux chapitres
de 1,300 dollars et de 310 dollars, ni a la recette les
deux chapitres de 1,210 dollars et de 2,500 dollars,
nous bornant a porter a la recette la difference entre les
recettes et les depenses du bureau de Paris, difference
qui est de 2,100 dollars dans l’annee ou de 175 dollars
par mois.
BUDGET DES MOIS DE MAI ET JUIN.
DEPENSES.
CHAPITRES. ..
J ~ •••*»# * • '
EN REALITE.
; ' j ..... * .
doll.
c.
doll.
c.
Effets a payer.. . . . . ‘.
774
30
551
20
Divers crediteurs.
294
86
211
47
Interets divers. . .V
'33
32
»
»
Apporfs rembourses.
Depenses de la Societe. ... . . .
50
00
»
i>
994
50
1312
02
Totaux.
f ‘ t ; ' (\ '
2146
98
2074
69
.... RECETTES
9 ' • •
. .
doll.
• « %«
a
c.
doll.
c.
En caisse, au l cr mai.
350
00
270
67
Du par divers..
200
00
333
52
Dette nouvelle..
83
34
60
00
Laine provision. . . '. ..
66
66
00
00
Regu de Paris.. . . ... . .
350
00
600
00
Notre production.
1507
00
1742
09
.
Totaux.
2557
00
3006
20
La depense reelle est moindre que la depense Active
de 72 doll. 29 cents, la recette reelle depasse la recette
Active de 449 doll. 20 cents; ce qui fait en faveur de la
recette reelle, une somme de 521 doll. 49 cent*; aussi,
' * P
sauf par moments, nous n’avons pas ete tres genes
pendant ]es mois de mai et juin. Les depenses de la
Societe ont depasse de 317 doll. 52 cents nos previsions;
le chapitre correspondant notre production s’est elevee
a 225 doll. 09 cents au-dessus de la production Active :
ce qui fait qu’en resultat, notre production a ete, par
rapport a notre depense, trop faible de 82 doll. 43 cents
en deux mois, ou de 41 doll. 22 cents par mois; c’est
peu de chose.
Nous ferons ymnaitre souvent nos operations reelles,
que nousmettrons en rapport avec notre budget, ce qui
permettra a tout le monde de suivre le cours de ces ope¬
rations et de s’en rendre un compte exact. Le plus tot
possible nous les completerons par un compte-rendu,
simple, clair et souvent repete, des operations du bu¬
reau de Paris.
II ne suflit pas de savoir comment on arrivera peu a
peu a la richesse et comment on se rendra compte; il
importe encore d’adopter et de suivre un plan general,
detaillant et prevoyant tout a l’avance, aAn que tousles
coups portent juste et qu’on ne fasse point de fausses
manoeuvres. Depuis pres de six mois il a ete nomme une
commission de plan general. Nos evenements d’abord et
ensuite nos travaux ont probablement empeche cette
commission de preparer un projet. Il est a desirer qu’elle
en presente un sous peu. En attendant, nous croyons
de notre devoir d’emettre quelques idees sur ce plan
general.
Tout a l’heure, nous avons emis l’opinion que, dans
— 182 —
dix ans, Icarie jouirait d’une certaine aisance. A cette
epoquef quelles 4 seront nos possessions ? Selon nous ,
nous en aurons trois distinctes. Nos trois etablissements
seront : 1° Cheltenham un peu agrandi par une maison
a Saint-Louis; 2° une ou plusieurs fermes dans les en¬
virons, a quelques milles seulement, 3° un assez vaste
terrain au loin, sur le point de prendre, par nos soins,
une importance reelle.
Notre nombre, sur le point de devenir considerable,
ne sera pas encore, du moins dans la Colonie, tres grand,
soit 800 personnes en tout, ainsi reparties: 550 a Chel¬
tenham , 150 dans nos fermes et 100 dans notre eta-
blissement lointain.
La population de Cheltenham que nous ne portons
qu’a 550 individus parce que plusieurs raisons nous de¬
fendant de nous agrandir beaucoup , et qu’il importe
de ne pas accumuler trop de monde dans un espace rela-
tivement petit, comprendra environ 425 grandes per¬
sonnes.
Comme nous pensons qu’il faudra deux chambres par
menage et une par celibataire, voila done 425 chambres
que devront contenir les batiments particuliers.
Quant a toutes les autres constructions ou ateliers di¬
vers, nous allons d’abord les enumerer, en les rangeant
en plusieurs categories :
1° Cerance , Assemblee, Theatre, cuisine et refec-
toire;
2° Tailleurs, cordonniers, menuisiers, tonneliers,
charrons, forgerons,charpentiers, mecaniciens, macons,
briqueterie, scierie, brasserie, boulangerie, imprimerie;
lavoir, etendage, couture, repassage et grande lingerie,
X
— 183 —
3° ficoles, salle d’asile, hotel des etrangers, infirme-
merie, bains;
4° ficurie, vacherieet laiterie, poulaillier, porcherie,
pare de moutons;
5° Caves, greniers, grands magasins,
6o Jardinage et vergers , grande route et chemins ;
7* Embellissements divers.
. 4 1 ' * - 1 *
La Commission devrait, selon nous, avoir ainsi et
completer Tenumeration de tous les ateliers possibles.
Cela fait, il faudrait designer tous ceux qu’il impor-
tera de placer a Cheltenham, et ceux qu’il sera mieux
de placer dans des fermes voisines.
Une fois qu ? on aura trouve de cette maniere et le
nombre des constructions a faire, et les divers ateliers
a elever a Cheltenham, on se demandera lesquels doi-
vent etre sur le terrain possede aujourd’hui par nous,
et quels autres pourront s'ajourner et se placer sur le
terrain acquis.
4
Ensuite, on se rendra un compte approximate de la
grandeur que devront avoir toutes les constructions.
» - • ' * ^
Cette difficulte levee, on distribuera les construc¬
tions et les diverses series d’ateliers a Tendroit qui leur
conviendra de preference.
Nous compl^terons ces idees par deux remarques
aussi courtes qu’importantes : e’est que le plan doit
etre complet, sans quoi il lie remplirait qu’a demi le
plan qu’on se propose, et offrirait autant d’inconve-
nients que d’avantages; et, en second lieu, e’est qu'il
importe de l’adopter sous peu, parce que des travaux
pressants du jardinage et les constructions que nous
— m —
allons etre obliges d’elever devront, comme tout travail
un peu important, se conformer a un ensemble qui sera
determine par le plan general.
Cheltenham , Juillet 1859.
Le President , B. Mercadier.
A la bonne heure! voila un langage qui nous con-
vient. Nous entrons done enfin reellement dans la voie
pratique, dans la realisation de la Communaute.
Six mois seulement separent ce compte-rendu du pre¬
cedent. Que de points en different cependant. Remar-
quons d’abord un phenomene : dans les mois de fevrier,
mars et avril, la Colonie gagne en moyenne 137 dollars
par semaine. A la fin avril la grande dissidence nous
enleve 37 travailleurs, 22 hommes et 15 femmes et
* * ■* / - ' 4 <■ I %
malgre cette enorme perte en personnel, voila que la
moyenne des gains de chaque semaine s’eleve mainte-
nant a 193 dollars, soit 56 dollars ou pres de 300 fr. de
plus par semaine, avec 37 travailleurs de moins! Ces
chiffres sont plus eloquents que tout ce que nous pour-
rions dire pour condamner a jamais le regime que nous
avons heureusement vu finir.
Le passage leplus important de ce compte-rendu, re-
marquable d’ailleurs a tous egards, est sans contredit
celui qui a rapport a favenir de la Societe.
9
Quandle fondateur d’Icarie ecrivait sa brochure : Si
j’avais 500,000 dollars. II avait ses motifs pour le faire,
et il lui etait peut etre beaucoup moins difficile de les
avoir qu’on se fimagine, et on pourrait peut etre affir-
mer qu’il les aurait trouves a emprunter, des 1852 ou
1853. S’il avait eu avec lui le personnel qu’il aurait
— 185 —
desire pour fonder Icarie. Mais ce personnel lui faisant
completement defaut, il dut s’abstenir. Mais compter
encore aujourd’hui sur ce qui etait possible par le
cit. Cabet, ce serait de notre part unefolie, etnotreami
Mercadier a cent fois raison quand il dit que nous devonS
ne compter que sur nous-memes. Oui, cela est evident
et tres heureux d’ailleurs; nous ne devons compter que
sur nous-memes; parce que personne ne saurait s’in-
teresser a notre entreprise si nousne montrons pas que
nous avons les qualites necessaires pour la mener a
bien et la faire prosperer, et si nous savons avoir
ces qualites, nous n’avons besoin de‘personne; seul
nous suffirons a tout. Mais lorsque je dis seul, tu com-
prends je ne veux pas parler des Icariens de la Colonie
seulement, mais que j’entends parler de tous les Ica¬
riens, du dehors comme du dedans. J’ai dit que cette
circonstance est heureuse et je le repete; oui, il est
heureux que nous soyons oblige de tout faire par nous-
memes et par nous seul. De cette facon nous saurons
i
mieux ce que nous valons, nous ccymaitrons mieux
notre force et la puissance que nous avons entre les
mains. Cette puissance c’est le travail! c’est notre in-
dustrie qui valent mieux que des millions. Nos freres
Font enfin compris; cela sufllt pour nous rassurer sur
leur avenir. Oui! freres, le travail voila notre puissance^
voila notre force; le travail, c’est Faffranchissement,
c’est Findependance, c’est la liberte! c’estplus que tout
cela encore, c’est le developpement progressif de toutes
nos facultes intellectuelles et morales qui constitue le
Progres ou la vie de FHumanite! nous sommes enfin
sur le bon chemin. Nous n’avons plus qu’a marcher en
avant pour arriver promptement a notre but.
— 186 —
Le cit. Mercadier pense que dans dix ans nous pour-
rons avoir 500,000 dollars ou deux millions cinq cent
mille francs, en les gagnant par notre travail. Mais moi
j’aflirme que nous en aurons plus du double si nous
nous montrons de vrais Icariens ; car si le concours des
j
hommes qui possedent la fortune nous fait defaut jus-
qu’a ce jour, c’estque nous n’avons rien fait pour leur
inspirer le desir de nous aider. Ne montrant aucune
confiance en nous-memes, comment pourrions-nous
attirer celle des autres? Oui! je le repete, si nous savons
gagner 500,000 dollars dans dix ans, nous disposerons
alors de plus du-double de cette somme, parce qu’il y a
infiniment plus qu’on ne croit de personnes disposees a
aider les travailleurs a s’affranchir, mais qui n’ont
actuellement aucun moyen de le faire.
Le President de la Communaute insiste sur le per-
fectionnement des Icariens du dehors comme pour les
membres de la Colonie et il cite, a ce sujet, dans son
Compte-rendu une partie d’une lettreque je t’ai adres-
see au mois de juillet dernier. J’aurai encore a revenir
sur cette question qui est capitale aussi. Mais je suis
heureux de pouvoir dire des a present que cette neces¬
sity de pratiquer, de temoigner par desactes de sa con¬
viction Icarienne, a ete generalement comprise par nos
co-religionnaires du dehors.
A mesure que nous rentrons davantage dans la voie
purement Icarienne , l’unite de vues et de sentiments
s’etablit et se fortifie parmi nous ; on comprend mieux
qu’ayantle meme but nous avons les memes devoirs et
les memes interets, et que les efforts necessaires doivent
etre communs.
— 187
Je ne puis,en te parlant de ce sujet, resister au desir
de te faire connaitre une lettre que j’ai recue par le
dernier courrier venant du Bresil:
Rio de Janeiro, le 7 aout 1859.
« Cher citoyen Beluze,
» Nous venons de recevoir la deuxieme livraison des
Lettres Icariennes que nous avons lues avec attention,
parce que les nouvelles que ces brochures renferment
sont toujours d’une haute importance pour les Icariens
du dehors, surtout pour ceux qui ne recoivent pas la
Revue Icarienne.
y> Nous nous hatons de repondre a 1’appel que vous
faites a tous les Icariens du dehors, pour aider a reparer
la perte que la Societe a eprouvee par la derniere scis¬
sion qui a eclate dans son sein, et nous vous envoyons
ci-jointe une traite surM. Scuba et comp.,de 1,187 fr.
50 c., dont 187 fr. 50 c. de la cotisation de cinquante
personnes du deuxieme trimestre 1859, et 1,000 fr. pour
mon compte sur TEmprunt Icarien ; la Societe pourra
egalement utiliser les interets echus comme je l’ai deja
dit dans ma premiere lettre a Cabet.
2 > Outre vos publications, nous recevons a peu pres
regulierement la Revue Icarienne ; le n° 57 contient le
resume general des divers evenements qui viennent de
s’accomplir dans la Societe de Cheltenham, et dont nous
etions deja avertis par votre lettre du 7 mai dernier;
mais sans aucun avertissement nous aurions lu cet ar¬
ticle sans emotion et sans eprouver le moindre decou-
ragement, car nous nous attendions a un changement
quelconque apres l’expiration des deux annees conve-
nues, et nous etions presqu’etonnes de voir tout a coup
la Societe d’accord, apres de si chaleureuses discussions
dans lesquelles on remarquait tant ^oppositions contre
l’Engagement Icarien et les propositions du Fondateur
d’Icarie.
» Nous sommes loin de bhimer la sortie d’une partie
des membres de la Societe de Cheltenham , ils avaient
— 188 —
le droit de se retirer, surtout apres le temps convenu;
et, comme ce droit est garanti a tous, chacun peut le
faire valoir aussitot que la vie commune ne lui con-
vient plus.
» Ceci est un point tres important dans la Commu-
naute ; respecter les opinions , en laissant a chacun la
liberte de se retirer quand bon lui semble , et faciliter la
retraite, sont autant de garanties pour assurer la paix
interieure- de la Societe, et pour eviter a Tavenir les
hostilites contre elle, avant et apres la sortie.
» La Societe Icarienne etant institute pour essayer
et pratiquer une nouvelle organisation sociale, ne doit
etre composee que des membres sincerement devoues
et n’ayant d’autres vues que la realisation.de ce sys¬
teme ; c’est pour ces motifs que le Fondateur a exige
que tous ceux qui desirent y entrer, en connaissent
bien tous les principes et remplissent bien toutes les
conditions d’admission; mais il n’a jamais pretendu
que tous les hommes qui adoptent son systeme sau-
raient joindre la fermete a la conviction, et il a propose
une loi qui accorde a chacun le droit de se retirer. Cette
loi a ete depuis perfectionnee par ceux qui marchent
franchement sur la trace de Cabet.
» D’apres ce qui precede, chacun est parfaitement
libre de rejeter les principes Icariens apres les avoir
volontairement adoptes ou pratiques pendant plus ou
moins longtemps ; mais vouloir les changer nous parait
une tentative insensee, inutile et impossible arealiser :
insensee, parce que ceux qui ont d’autres idees peuvent
les mettre en pratique en dehors de cette Societe ; inu¬
tile, parce que les principes Icariens ne sont nuisibles a
personne; impossible a realiser, parce que pour arriver
a une reforme serieuse il faudrait le concours de tous
les partisans de ce systeme, chose qu’on ne pourra ja¬
mais obtenir; et quand meme la Societe de Cheltenham
tout entiere declarerait cette doctrine impraticable, cela
ne prouverait absolument rien contre le Communisme,
ce serait seulement un acte de faiblesse de plus de la
part des hommes d’aujourd’hui, et jamais les Icariens
— 189 —
du dehors ne donneraient leur adhesion a une pareille
decision.
» Ce que je viens de dire est assez prouve par les
nombreuses adresses envoyees a la Societe de Chel¬
tenham. On y voit, en effet, que les membresdu dehors
sont tous d’accord, et qu’ils veulent tous rapplication
pure et simple du systeme de Cabet, tel qu’il est formule
dans le Voyage en lcarie; et a chaque occasion ils ont
proteste contre ceux qui ont voulu reformer les bases
essentielles de la doctrine de Cabet.
» II resulte de ce qui precede que la Societe Icarienne
ne sera et ne pourra jamais etre dissoute ou reformee
dans ses bases essentielles, et les reactions qui se ma-
nifestent de temps en temps dans son sein, peuvent
seulement retarder, mais jamais arreter sa marche pro¬
gressive. Une doctrine basee sur la raison, la liberte, la
justice , la verite et sur les lois de la nature, une fois
trouvee, adoptee et pratiquee par un certain nombre
d’individus, ne peut plus etre detruite ; et je tire la
preuve de ce que j’avance de dix annees d’experience.
En effet, il n’y a point de malheur qui ne soit arrive
pour entraver ou aneantir l’entreprise Icarienne : les
trahisons et les persecutions , tant contre le Fondateur
que contre ses disciples, n’ont pas manque de decoura-
ger un grand nombre d’Icariens, et cependant malgre
toutes ces miseres et le trop peu de moyens materiels,
la Societe est restee debout et continue toujours a
marcher en avant en conservant ses principes sacres.
» Eh bien! lorsqu'un systeme d’organisation a pu
resister a tant de revers, et etre pratique avec tant de
mauvais elements et si peu de moyens, on a le droit
d’esperer qu’il sortira victorieux de Fabime dans lequel
on a voulu le plonger deja plusieurs fois, et que la
reussite sera certaine aussitot qu’il se trouvera place
dans une meilleure position.
» Mais depuis le commencement, la Societe Ica¬
rienne renfermait des hommes d’une vertu et d’une
fermete eprouvees et qui ont su maintenir les principes
au profit de leurs co-religionnaires du dehors; les
— 190
hommes de cette trempesont malheureusement encore
trop rares aujourd’hui; on en trouve toujours assez
pourfaire de la theorie, mais lorsqu’il s’agit d’y join-
dre la pratique la difficulty augmente. Cependant l’ave-
nir de la Societe en general se presente sous un meilleur
aspect, les illusions d’autrefois sont completement
tombees, et chacun sait que pour former un pays mo-
dele , il ne suffit pas de theoriser, mais qu’il faut tra-
vailler, et travailler beaucoup pour mettre en pratique
ce que la theorie nous a enseigne.
» Les Icariens du dehors doivent parfaitement com-
prendre aussi que l’avenir d’Icarie depend en grande
partie de leurs propres efforts, qu’ils doivent, avant
tout, reformer leurs moeurs, donner le bon exemple et
elever leurs enfants dans les principes de Cabet. En se
conduisant de cette maniere , ils trouveront, sans de
grands efforts, tout ce qu’il faut pour aider a monter
l’edifice sacre de l’Humanite. II ne faut jamais perdre
de vue non plus que nous devons une reconnaissance
sincere a nos freres et soeurs de Cheltenham, pour avoir
eu assez de fermete de rester a leur poste pour marcher
vers le but que Cabet nous a trace a tous. Pour prouver
qu’ils ne sont pas insensibles a tant de devouement,
tous les Icariens du dehors adopteront avec enthou-
siasme le mode de souscription deja propose par vous
et par plusieurs d’entre eux, et que nous suivons depuis
le l er janvier.
» Les Icariens de Paris ont toujours beaucoup con-
tribue a l’encouragement de la Societe et au maintien
des principes de Cabet, vous devez les encourager a
continuer leur mission et qu’ils en fassent autant au-
pres de leurs freres du dehors, pour leur faire adopter
la souscription en question, quisera le meilleur moyen
pour faire prosperer et eonsolider promptement l’entre-
prise commune.
» Recevez, ainsi que la famille Cabet, I’assurance
de nos amities et nos salutations les plus fraternelles,
» Marc Flaig. »
Nous sommes heureux de cette conformite de vue et
de sentiments avec nos amis du Bresil. Je ne saurais
• • » • • •
rien ajouter ni rien retrancher a cette judicieuse et
intelligente appreciation de notre entreprise commune,
la Colonie Icarienne, et je recommande a ton atten-
, r , _ > r •'* ■ r V
tion et a celle de tous nos co-religionnaires les idees
que renferme cette interessante lettre.
Les dernieres nouvelles de Cheltenham eontinuent a
etre satisfaisantes , malgre un grand nombre d’indis-
positions occasionnees par les chaleurs qui, en Arne-
rique comme ici, paraissent avoir ete exceptionnelle-
ment fortes cette annee pendant le moisde juillet. Cette
circonstance jointe a cette autre, que les mois de juillet
et d’aout sont les mois de morte-saison, a fait baisser
un peu la moyenne des gains pour les quatre semaines
du3 au31 juillet. Cependant, cette moyenne est encore
• • • > •
de 180 dollars, pour les quatre semaines que com-
prend le rapport mensuel de juillet. Dans le mois cor-
respondant de 1858, la moyenne n’etait que de 150
dollars environ, avec trente-sept travailleurs de plusl
La Societe vient d’admettre provisoirement un doc-
teur-medecin avec sa famille, composee de sa femme
et de deux enfants. C’est un Francais qui a beaucoup
voyage et qui arrive actuellement du Bresil. De fortes
etudes etune longue pratique variee, sous diverses lati¬
tudes des deux emispheres, en font un homme hors
ligne et dont le coneours peut nous etre d’une grande
utilite, s’il comprend bien et adopte sincerement notre
doctrine. II a lui-meme un tres-beau role a remplir
192 —
dans notre Societe en devenant l’organisateur de l’en-
seignement scientifique. II aura, sans doute, de nom-
breuses difficultes a vaincre; il lui faudra du tact et de
la patience; esperons qu’il aura les qualites neces*
saires pour reussir et le devouement indispensable a
tout homme qui veut faire du bien a son sembiable.
•
Une des dernieres lettres du cit. Mercadier contient
le passage suivant a l’adresse de tous nos co-religion-
naires et de tous ceux qui s’interessent a notre entre-
prise :
» Notre jardinage va recevoir cet automne une im-
» pulsion decisive. Tous nos amis ne devraient jamais
y> oublier de nous envoyer de la graine et des arbres.
Qu’on nous envoie en x masse des cerisiers, des pru-
y> niers et des abricotiers, etc. En enveloppant les
» racines dans de la mousse avec de la paille par dessus,
y> les arbustes supportent tres bien le voyage. Ceuxque
» notre ami Gillet nous a envoyes par le dernier
» depart ont tous reussi. Ils n’avaient qu’un seul defaut,
» c’est de n’etre pas assez nombreux.
» T achez de nous en faire un envoi monstre au mois
» de janvier prochain. Que tous nos amis nous en
» envoient et qu’ils se preparent a en venir manger
» les fruits. » ' ■’/ I ''
T * •
* ‘ f * ' .rv r ' f .f . * < ■ r . * •
J. P. BELUZE.
Paris. —Imp. Felix MaltcsleetCie, rue des Deux-Portes-Saint-Saureur, 22.
LETTRESICARIENNES.
, f . 'f •
CINQUltME LETTRE.
- 1 1. 1 ./ i
XIV
Mon cher ami,
Par rna derniere lettre je t'ai mis au eourant des ame-
liorations apportees dans la situation de notre colonie
de Cheltenham , dans les trois derniers mois de I’exer-
cice du l er semestre de l’annee 1859. Cette ameliora¬
tion s’est maintenue et perfectionnee dans les mois
suivants, comme le constatent les Rapports mensuels
publies dans le journal de la Colonie.
Tu sais que ces Rapports mensuels sont une des
consequences de la Gerance unique. Pendant les deux
annees que nous avons pass£es a Saint-Loui^ft Chel¬
tenham, avec la Gerance multiple, on avait bien essaye \
d’introduire cesystemede publicity poi/c% mouvement A
et les affaires de la Soci6te; mais on aiiKtefarv n
■* ■
— 194 —
par l’impossibilite (Tobtenir de chacun des Gerants les
documents necessaires pour confectionner ces Rapports.
C’est maintenant un progres acquis; te nouvel art. 156
de notre Constitution prescrit que, du l er au 10 decha-
que mois, le President de la Communaute presentera a
I’Assemblee generate an compte sommaire des opera¬
tions du mois precedent.‘Non seulement ces Rapports
sont communiques a l’Assemblee, on fait plus et mieux
encore, on lespublie, desorteque toutle monde, dehors
comme dedans la Colonie, amis comme ennemis, peu-
vent connaitre notre situation. C’est une mesure bien
bardie pour une Societe qui, comme la notre, commence
ses operations sans capital et presque sans credit. Oui?
c’est bien hardi; mais c’est plus habile encore. C’est de
l’habilete, mais del’habilete vraie, de cellequi consiste
a toujours agi*r et parler ouvertement, franchement, a
jouer, comme on dit, carte sur table, parce qu’on ne
craint rien et qu’on ne veut tromper personne, ni amis
ni ennemis.
Telle est notre nouvelle marche, et c’est d’elle que nous
tirons notre force. Nous avons confiance en laVerite;
nous la devons et nous voulons la dire a tout le monde.
A nos ennemis, nous dirons combien leur hostility est
injusteetinintelligente. A nos amis, nous leur dirons a
1’occasion, les qualites qui leur manquent pouratteindre
le but qu’ils se proposent. En agissant ainsi, chacun
pourra profiter des lecons qui ressortent de l’expe-
rience.
Depuis dix ans, notre entreprise a ete soumise a de
rudes epreuves, et il est a croire que nous aurons encore
a en traverser de nouvelles. Mais cette perspective ne
nous effraie pas, parce que nous nous y attendons, et
* . V
— 195 —
parce que c’est une des conditions attachees a toutesles
entreprises humaines. Nous leverons d’autant plus faci-
lement les nouveaux obstacles que nous rencontrerons,
que nous y serons tous prepares, et que nous con-
naitrons mieux nos forces et nos moyens pour les sur-
monter. .. U
Nous devons done considerer comme une garantie
de progres cette sage prevoyance de la loi, qui oblige
les Administrateurs de la Societe a lui rendre compte,
de sa situation, chaque mois. Mais nous devons feliciter
rAdministration de 1’interpretation large et tout a fait
democratique qu’elle a donnee au sens de la loi; car,
ainsi que je te le disais tout a l’heure, elle ne se contente
pas de communiquer ses Rapports, a l’Assemblee gene-
rale elle les communique aussi au public, en les pu-
bliant dans le journal de la Colonie. Elle fait plus : les
Rapports mensuels, parfaitement suffisants en temps
ordinaire, ne lui ont pas paru repondre a tous les be-
soins d’une situation difficile, telle que celle ou nous
sommes encore au debut de notre nouvelle organisation,
et chaque semaine l’Administration presente a la Societe
un etat sommaire de sa situation; de sorte que chacun
peut, pour ainsi dire, se rendre compte jour par jour
des besoins comme des ressources de la Communaute.
Cette connaissance sollicite necessairement tout le
monde a s’occuper des affaires generales, appelle le
eoncours de toutes les intelligences et.etablit la confiance
sur des bases vraies, sures et durables.
• • » • • i «* *
Comme tu ne recois pas le journal de la Colonie, et
«
que je sais que tu seras bien aise ed connaitre la mar-
che’ de celle-ci, y etant d’ailleurs interesse au double
point de vue des dees et des interSts, comme Jcarrien et
— 196 -
comrne p ret cur, par les obligations que tu as prises
a FEmprunt; je vais te donner ci-apres le resume des
quatre Rapports mensuels de Juillet, Aout, Septembre
et Octobre.
RAPPORT MENSUEL.
(Juillet 1859).
« Ce rapport com'prend, du 3 au 31 juillet, 4 semaines
et 23 journees de travail, non compris les 4 dimanches
et la fete nationale du 4 juillet.
Le nombre des travailleurs presents pendant ce
temps a ete de 89, y compris les jeunes gens, les jeunes
filles, les nourrices et les citoyens Corne, Hubert et
John, Fouvrier charron, residant momentanement dans
la Communaute ou devant se faire admettre.
» Les 23 journees, multipliees par ce chiffre 89, don-
nent un effectif de 2,047 journees pour le mois de
Juillet.
» 11 faut ajouter 37 journees, fournies par les nou-
veaux arrives, les membres de la famille* Daumond;
c’est done un total de 2,084 journees 50 (1).
ft j, > ■ 4 .' * I f f 1
» Ces journees se divisent ainsi:
• «. • . 0 ** S V _ . . ~ —
, , __ ' •
Presences. .. - . 1,642 40
Absences. 398 10
Inconnus. 44 00
Total. . . . 2,084 50
* , 1 / 1 ' f i • •* f f i , 1 r «• f f w , i f , » .
■j J 0 i 1' • i y i i . « X j. • 1 ■> j ( * ^ | *
•. - „ -• * r 1 • _/ ^
(1) Pour comprendre ces fractions, tl faut savoir que le nombre
100 est pris pour unite dans le calcul des journees de travail : ainsi le
chiffre 50 indique une demi-journee. J.-P. B.
197 —
» Les 398,10 journees d’absence se divisent en
journees de malades, de garde-malades, et de motifs
divers.
» II a ete dit, dans le dernier Rapport, que ees jour¬
nees inconnues sont celles dont l’emploi n’a pas etc
constate sur les Rapports d’atelier, et dont 1’Adminis-
tration n’a pu se rendre compte. Pendant le mois pre¬
cedent, ces journees se sont elevees au chiffre de 181,75;
pendant le mois de juillet, elles s’elevent au chiffre 44.
Ceresultat est assez satisfaisant; il constate une ame-
lioration notable dans la confection des Rapports d’ate¬
lier, et nous fait esperer que bientot cette categorie de
journees disparaitra completement de nos Rapports
mensuels.
- 4 . 4 • * • •* ^
)) Recapitulation des journees d’absence :
Malades.
292
85
(larde-malades.
78
50
Motifs divers *%**..*.. .
26
75
Inconnus . *••«.••• • .
44
»
Total.. . . 442 10
» Les journees de presence se divisent ainsi:
Pour l’lntlrieur. 992 60
Pour l’exterieur. 649 80
Total. 1,642 40
» Ces journees ont ete fournies par les ateliers sui-
vants: Boulangerie, Cambrage, Charretiers, Charpen-
tiers, Confection, Cordonniers, Couture, Cuisine et
Refectoire. Distribution, Fcoles, Ferblantiers, Forge,
iterance, Imprimerie, Infirmerie, Jardinage, Lavoir,
Lingerie, Macons, Menuisicrs, Mures (recolte des),
— 198 —
Nourrices, Peinture, Pharmacie, Proprete, Repassage,
Tailleurs, Tonneliers, Travaux divers, Vacherie et
Porcherie.
» Void maintenant le gain et la depense de la Com-
naute pendant le mois.
GAIN.
^ (‘ I ... , i
‘ -^ *1*1 *»'. • - f 1 I , . . ► I i ', f . J I* •. -x S 7 f . ;
Tailleurs. .. 82 10
'
Cordonniers. 77 21
Jardinage.219 35
Forgerons. 59 95
Tonneliers. 3 35
Menuisiers ... - . » >>
Pharmacie. 1 30
Confection. 10 95
Divers. 265 3 0
Total.719 61
DISPENSES.
Animaux.. 31 90
Nourriture. 299 60
Matieres premieres. 204 60
Ustensiles. 7 75
Outils. 3 70
Pharmacie .. 43 80
Vetements. 22 65
Ameublement. .. .. 1 80
Correspondance .. 3 90
Chauffage. 7 35
Eclairage \ 4 10
Divers. 17 35
Total. 639 59
L. ) .,Ytni .;m; .} 'fi ■ < in* #.)■** r ‘
II resulte des chitfres qui precedent que la produc¬
tion totale pendant le mois de Juillet n’a depasse la
depense qne de 80 dollars ou 420 fr. Ce serait la un
199 -
resultat tres minime, si ce devait etre une moyenne
acquise; mais il faut consideren d une part (ju6 le mois
de Juillet se trouve etre un mois-de morte saison pour
letravail, et que d’un autrecdte il y a dans la depense,
une somme de 204 dollars pour achat de matieres pre¬
mieres, qui n’est pas, a proprement parler, une depense
mais une avance qui rentrera en caisse dans les mois
r }» if 7 p ■
suivants.
V'oici maintenant le Rapport du mois.d’Aout, encore
un mois de morte saison : . ...
C
RAPPORT MENSUEL.
(Aout 1859).
. HI Oil'll)
. • i •
fe 1 )l'.i 1 ! 11)1
. obnurini!
i •
ti:
» 4 semaines, du l er au 28 aout, et par consequent
24 journees de travail. * -
» Nombre de travailleurs presents, 93, en y compre-
nant tous les membres de la Communaute, excepte les
enfants et les absents.
» Nombre de journees, 2,232.
» Elies se repartissent ainsi:
ID,
Presences.
• Absences .
Inconnus .
« • • • 1 V
• ■«••• «
1,500 05
612 95
119 »
Total .......... 2,232 »
• • « . • i • • * % • • • . b .#-'!-.-'.’
- I r • 4 *' I Mlf
» Les journees d'absence se decomposent comme il
suit:
2* 1 : . u-iat
Malades....
480
25
Garde-malades .
94
21
Motifs divers. .
•
. . . V lT'
38
50
Total.. 612 95
d Les 1500 05 de presence se divisent ainsi:
Pour le dedans .
... 919
90
Pour le dehors • ..
• . . 580
15
Total .
. . . 1,500
05
Yoici maintenant la depense et le gain :
GAIN.
*
J ' ♦ 4 40 .
Tailleurs .
. doll. 114
»
Cordonniers.
04
Jardinage.
95
Forgerons .
20
Tonneliers.
. . . . 26
D
Menuisiers .
. . . . 1
50
Pharmacie .
50
Confection ....*».
60
Divers .
... 160
15
Total .
... 651
• *
94
DEPENSES.
| * > ♦ i (i ,
Animaux .
70
Nourriture .
... 268
94
Matieres premieres .
... 122
95-
Ustensiles .
25
Outils .
. . . . 6
95
Pharmacie .
70
Vetements .. .
. . . . 46
55
Ameublement .
, . . . 2
10
Correspondance.
. . . . 3
90
Chauffage.
/ . . »
»
Eclairage.
. . . . 3
70
Divers.
... 34
50
Total.
.... 602
24
Gain.651 ' 94
Depenses. . . 602 24
Difference, doll. . .
49 70
— 201 —
I AM ^A'Pr* ! » a/| r r . - jt
Au mois (1’Aoiit, nous sommes au fort de la niorte
saison. A pareille epoque des annees precedentes, la
Societe faisait des dettes, que ses benefices pendant la
bonne saison suffisaient a peine a couvrir, tandis que
cette annee, il nous reste encore un excedant de bene¬
fices de 49 dollars ou 250 fr. Et nous avons encore a
faire, sur les depenses, la meme observation surl’achat
des matieres premieres, qu’au mois precedent.
II v a encore une autre cause de la faiblesse sur la
*
production pendant ce mois.'C’est le commencement
des fievres; maladie sans gravite le plus ordinairement,
mais qui n’enleve pas moins un tres grand nombre de
travailleurs aux ateliers. Cette annee a ete specialement
mauvaise sous ce rapport. Les grandes chaleurs des
mois de Juin et de Juillet, qui se sont fait sentir en
Amerique commo en Europe, ontoccasionne une sorte
d’ebranlement general de lasante’ publique, qui a pese-
sur presque toutes les populations, dans les villes comme
dans les campagnes; Cheltenham n’a pas fait exception
a la regie. Nous n’avons aucune perte a deplorer pour
cette cause, mais la production generate de la Societe
I* * V t
en a ete gravement affectee pendant les mois d’Aout et
de Septembre.
r t Jr ; :;'l ,V > .'-I .:■■ ■•
RAPPORT MENSIJEL.
(Septembre 1859).
;iS ■ i : ' •
» 5 semaines, du 28 aout au 2 octobre 1859, et par
consequent 30 journees de travail. ...
» Nombre de travailleurs presents, 90, y compris tous
les membres de la Communaute, excepte les enfants et
les absents.
— 202
» Nombre de journees 2700 et 2795 50 avec les jour¬
nees fournies par les nouveaux arrives.
Ces 2795 50 journees sont ainsi reparties:
Presences. . 2,080 95
Absences. 704 55
Inconnus. . 10 »
■ ■■ ■ ■ - — ■ ■ ■ -■■■■ *
Total. 2,795 50
» Les journees d’absences se decomposed comme il
suit:
Malades. 566 30
Carde-malades. 88 25
Motifs divers. 50 »
Total. 704 55
» Voici le nombre total des malades, avec les enfants,
et le nombre de leurs journees expliquees:
* •
Malades. 566 30
Garde-malades. 88 25
Preposes aux malades. 107 50
Enfants malades.124 »
Total. 885 05
•
» Le mois dernier, le nombre total des malades a ete
de 824 25 en 4 semaines; en consequence, au mois de
septembre, ce nombre a diminue, puisque ce mois
comprend 5 semaines. En Aout, la moyenne du nombre
des malades, y compris les enfants, pendant une se-
maine, s’est elevee a 206 06; en Septembre, cette
meme moyenne est descendue au chiffre 177 21.
» Les journees inconnues sont les suivantes:
Wiske. 4 »
_ S.'
Loire .. 6 »
»
Total. 10 i>
\
» 11 y a done une amelioration considerable dans Ja
confection des Rapports. • • *.
» Les 2080 95 joiirnees de presence se divisent ainsi :
Interieur.1,212 30
Exterieur. .. 868 65
Total. 2,080 95
» Voici maintenant le gain et la depense du mois de
Septembre, du 28 Aout au 2 Octobre.
GAIN.
Tailleurs.
doll.
271
■»
65
Cordonniers.
109
11
Jardinage..
127
35
Forgerons .
235
75
Touneliers. ..
#
22
40
Menuisiers..
0
25
Pharmacie.
14
50
Confection.
24
30
Divers/.
207
58
Total.
1,012
89
DISPENSES.
Animaux.
37
50
Nourriture.
301
67
Matieres premieres.
154
9!
Ustensiles.
16
95
Outils...
7
90
Pharmacie.
17
20
Vetements.
17
57
Ameublement.
»
i>
Correspondance..
4
80
Cliauflfage. ..
18
20
Ec'airage.
15
55
Divers.\
39
75
Total.
635 00
— 204 —
Difference entre le gain et la depense :
Gain.doll. 1,012 89
Depense. ..-. 635 »
Reste, pour l’exces du gain sur la depense. . 377 89
* » •» • • • -1 • o o « > a J / ’
Nous voici revenu a Tepoque du travail, et bien que
ce Rapport contienne 5 semaines contre 4 pour chacun
des mois precedents, il est facile de voir que la produc¬
tion generate a repris une nouvelle activite, malgre la
persistance des fievres, qui ne disparaissent ordinaire-
ment que fin octobre. Aussi remarquons nous que la
production de .T atelier des tailleurs, qui n’a ete que de
82 dollars en Juillet, et 114 en Aout, s’eleve tout a coup
a 271 dollars en Septembre. La forge, qui ne produisait
que 59 dollars en Juillet, produit 11*4 en Aout, et atteint
le chiffre de 235 en Septembre.
RAPPORT MENSUEL.
. Octobre 1859., :
« Quatre semaines du 2 octobre au 30 octobre 1859,
et par consequent 24 journees de travail.
» Nombre de travaillenrs presents, 90, y compris tous
]es membres de la Communaute, excepte les enfants et
les absents. . • * • • ■ ; *
Nombre de journees, 2352. ’
Ces 2352 journees sont ainsi reparties :
Presence. 1,888 25
t «• . i » • •
Absence. 447 75
Inconnues . . .. 16 »
» ♦ 1 V A *
Total. . • . . . 2.352 09
• O * *
- 205 —
j) Les journees d’absence se decomposent comme il
suit:
* • * • « / • ** ' *
Malades. . ;. * 340 25
Gardes-malades. 47 »
Motifs divers. 60 50
Total- .... 447 75
v • • * •• •
If* ^ I
#*••••#•
» Les journees inconnues sont les suivantes :
John. 1 »
• • • * r » • • •
Marcliand (P.) . . .. 14 »
Grubert (J.) . . . 1 »
Total.. .... 16 »
» Les 2,888 25 journees de presence se drvisent
ainsi:
Interieur.• . . 1,124 85
Exterieur. 763 40
Total... . . . 1,888 25
|M r * - ' * > . . 1
)> Ces 763 journees exterieures ont produit :
GAIN.
r
t>> f
Tailleurs.doll.
281
05
• t 4 •
Cordonniers.
79
48
Jardinage.
90
85
Forgerons.. .
190
55
Tonneliers.
16
50
, i
Menuisiers.
»
1 ■
0
Pharmacie.
4
)>
Confection.
10
60
Divers . .
206
65
Tolal.
879
68
m —
DEPENSE.
Animaux. ..doll.
86
70
Nourriture.
264
to
Matieres premieres.
97
70
Ustensiles ..
, 23
15
Outils.
4
»
Pharmacie ..
17
85
Vetements.
17
24
Ameublement.
f . , i
»
)»
Correspondance .'.
2
60
Chauffage .
18
85
Eclairage.v
19
45
Divers. .........
31
20
Total. 582 74
Le gain s’eleve a. J . doll. 879 68-
l a depense a. 582 74
Difference. 296 94
* < ■'* 4. J f . 4 • ~ • ♦ ' • ,‘! J>i l i nl
Tu le vois , nos Freres ne s endorment pas , et s’ils
sollicitent notre concours pour fonder Icarie, ils savent
precher d’exemple et payer de leur personne. Si nous
les avons vus economiser quelques centaines de francs
pendant les mois de morte saison, nous les voyons
maintenant s elever a un chiffre tres satisfaisant, puisque
les recettes laissent un excedant sur les depenses de
377 dollars ou 1,979 fr. pendant les cinq semaines com¬
prises dans le mois de Septembre et a 297 dollars on
1,559 fr. pour les quatre semaines d’Octobre.
Avec de tels resultats, nous pouvons en toute conflance
to , * • • • to ^ ■
engager nos co-religionnaires a souscrire a I’Emprunt,
a confier leur argent a la Colonic. Si celle-ci le demande,
ce n’est pas pour subvenir a ses besoins, c’est que, pour
rendre le travail vraiment fructueux, pour que le tra-
— 207 —
vailleur jouisse de lous les fruits de son travail , il est
indispensable, dans notre situation, qu’ii soitaide d’un
capital suffisant. Fais comprendre cela a tes amis, et tu
les verras mieux disposes a nouspreter leur concours.
XV.
Je vais maintenant t’entretenir du mouvement du
personnel.
Tu sais qu’en meme temps que la Societe adoptait ert
principe le systeme de publicity que nous venons de
voir fonctionner, elle adoptait aussi un systeme d’ad-
mission et de retraite, combine de facon a favoriser
celles-ci autant que possible, tandis qu’on entourait les
admissions detoutes les precautions de nature a donner
*
a la fois des garanties a la Communaute et aux indi-
vidus.
Ce systeme tout nouveau, conseille par l’experience
de nos huit premieres annees de pratique, est la sane-
tion, par rapport au mondeexterieur, du principe de la
liberteindividuelle, que nos contradicteurs veulentabso-
lumentnous faire detruire, et que nousavons, nous, la
pretention d’etablir et de sauvegarder au profit de tous,
en ne donnant pour limite a la liberte de chacun que la
liberte du prochain. Tel est le fondement du droit Ica-
rien. Nous ne pouvons done pas avoir la pretention de
retenir dans la Communaute les personnes qui ne s’y
plaisent pas, et qui deviendraient inevitablement des
mecontents en y restant. Deux raisons peuvent seules
retenir parmi nous nos co-associes: le sentiment du
devoir ou le devouement a leurs semblables, a THuma-
— 208 —
nite. Ou bien, la satisfaction et le bonheur que procure
la vie commune. Quant a ceux qui ne trouvent aucune
satisfaction, aucun bonheur dans cette vie fraternelle,
ou pour qui les mots Devouement , Devoir , n’ont aucun
empire sur leur esprit, ceux-la n’ont rien a faire
parmi nous; ils y seraient malheureux et paralyseraient
nos mouvements et nos efforts. Nous devons tout faire,
dans notre int^ret comme dans le leur, pour favoriser
leur retraite; c’est pourquoi nous avons adopte la resti¬
tution integrate des apports, et mOme, pour un avenir
tres prochain, la repartition d’une partie des benefices
realises par la Communaute. II ne faut done pas s’eton-
ner si le mouvement du personnel presente constam-
ment des retraites et des rentrees. C’est une des mani¬
festations de la vie de la Societe. Je sais que, quel-
ques-uns de nos amis, et des meilleurs, se chagrinent et
s’effraient des qu’on leur parle de retraite; mais c’est un
tort, car, je le repete , c’est le mouvement, la vie de la
Societe, et il faut absotument qu’ils s’habituent a la voir
se mouvoir et vivre.
Je vais done te parler de quelques retraites qui se
sont effectuees, ou plutdt je vais simplement te faire
connaitre la maniere dont les comptes des sortants ont
ete regies; ces reglements ont aussi ete publies dans le
journal de la Societe :
Reg lenient du cit. Rousselet .•
r r t % • * * • • r • r ' r * • + 4 < • *
« Depuis le mois d’Aout, l’apport du cit. Rousselet a
ete regie comme il suit entre le Directeur des finances et
le cit. Lefebvre, mandataire et fonde de pouvoir du
cit. Rousselet.
— 209
I
Dil au cit. Rousselet par la Societe de Saint-Louis,
doll. 183 80 c.
Ft « I II) (
4 ?.
r
Paye comptant.doll. 24 00
»r v f - « f '
Demenagement. .. • 1 00
236 3/4 livres de laine, a 70 cent. ... 158 80
T ,
Total egal.doll. 183 80
Reglement du cit. Chaumond.
Le 30 Septembre, le cit. Chaumond a 6te regie comme
il suit:
Du pour apport verse, doll. 102 85.
Paye, echange. .. 1 85
Pour demenagement. 1 00
Paye comptant. 60 00
* * • • _ . ' . i. * *
Un billet a six mois, 5 p. °/ 0 ..... . 40 00
_
i »■>
>i j
• •
a
Total esal.
102 85
> *{ f
Reglement du cit. Wiske.
.
‘‘X Z i * • r ’ 1 (a | ' 1 7 ( ' * ‘ » ’ ' * (
Le cit. Wiske, en se retirant, n’a recu aucune somme
Parce qu’il etait reste trois mois environ sans ren-
dre compte, soit par maladie, soit par degout, soit en
s’abstenant sans prevenir personne, soit par indolence,
.sans rendre compte de Pemploi de son temps;
— 210 -
4° Parce qu’il avait passe la mauvaise saison dans Id
Societe, etque des que la reprise du travail est arrivee,
et au moment ou la Societe avait besoin de tous les
bras , if s’est eloigne sans s’inquieter de fembarras que
sa sortie pouvait nous occasionner.
Les trois raisons invoquees ci-dessus etablissent meme
que le sortant est debiteur de la Societe. Nous le regar-
dons comme tel. Nous n’emploierons, il est vrai, aucun
moyen pour nous faire payer, mais si la voix de la rai¬
son etait assez puissante pour agir efficacement sur le
cit. Wiske, nous ne croirions pas refuser de rentrer dans
nos debourses.
Reglement du cit. Marc hand.
« Le 17 mai 1858, la Communaute Icarienne admet-
tait les deux fils Marchand; ils devancaient leurs parents
qui devaient venir les rejoindre.
» Environ six mois apres, la Societe recevait la de-
mande ou autorisation de partir des parents; cette de-
mande portait:
» Nous avons reflechi: nous ne pouvons pas etre
)> d’une grande utilite a la Communaute en restant par-
» ici, comme je le croyais. Nos dernieres reflexions, les
» voici: nous desirons pouvoir faire partie de notre
» grande famille et aller la rejoindre, quoique un peu
» vieux; nous pouvons, je crois, tout de meme faire
» quelque chose, si nous pouvions etre admis. Moi ?
& j’ai 51 ans, et ma femme 52, sans profession ni fun
» ni l’autre ; mais je crois que l’on peut toujours s’oc-
» cuper, surtout dans la Communaute. Je crois que
» nous avons toutes les connaissances voulues pour sa-
» voir ce que nous entreprenons et pour rester fideles;
» et notre petit avoir serait plus profitable a la Commu-
» naute, laquelle est tout notre bonheur et toute notre
» esperance. Nous voulons vous rejoindre, citoyennes
» et citoyens, pour participer a la realisation de la Com-
)> munaute Icarienne. Nous voudrions que f Assemblee
» examine la demande en automation de partir de mon
» frere Marchand Nicolas, qui a 55 ans, ainsi que de
» ses deux enfants de 10 a 14 ans. »
» Cette demande, confirmee et appuyee par les fils,
fut accordee par l’Assemblee.
» En consequence, les parents Marchand liquiderent
leur avoir et prirent des obligations de l’Emprunt.
» En les prenant, en partant pour Icarie, en y arrivant,
ils declarerent que leurs intentions sont de passer leurs
vieux jours dans la Communaute.
» Trois ou quatre jours apres leur arrivee, ils parlent
de meme, se disent tres satisfaits de la Communaute,
declarent ne pas etre venus pour s’en aller, et font leur
demande en admission provisoire; cette demande est
afiichee.
» Dix jours apres, le pere vient nous dire que son
fils aine ne veut rester a aucun prix, qu’il a cede a ses
desirs, qu’ils retirent leur demande et qu’ils quittent la
Communaute.
» Rien n’a pu les faire revenir de leur resolution de
sortir,Hjui, chez le fils aine, etait irrevocable; rien, pas
meme la faiblesse dont ils faisaient preuve, et qui leur
reserve peut-etre de eruelles deceptions: pas meme la
maniere, que nous ne qualifierons pas, d’apres laquelle
ils se sont conduits a regard de la Societe, qu’ils ont
prise pour un entrepot d’emigration.
» Quoi qu’il en soit, celle-ci leur a communique le
reglement suivant, qui a ete execute de point en
point.
)> Du moment qu’une ou plusieurs personnes se reti¬
rent, et surtout lorsqu’elles agissent d’une maniere par-
ticulierement defavorable, puisque ces personnes ne
s’occupent que d’elles et deleur interet, la Societe doit,
de son cote, se contenter d’agir d’apres la loi, et, si elle
est tenue de faire son devoir, elle n’est pas moins obligee
de maintenir ses droits. Des que Ton se conduit a son
egard comme on agit dans l’individualisme, on ne peut
— 212 —
f • , » » . - r
pas trouver extraordinaire qu’elle agisse de meme a re¬
gard des autres. * <
» Void, d’apres ces donnees, le reglement des parents
( et des fils Marchand :
• ' * ' * X } / '% ' )ji » \
* Doit. Avoir.
^ / I ' f 4 . j M t i id f\ i gf
Marchand fils aine a apporte.doll. 00 00 88 04
Paul Marchand. 00 00 88 04
Marchand pere et mere, verse en or. 00 00 27 70
Fourni aux deux fils Marchand:
1 casquette.doll. 0 80
1 pantalon.I 50
Fagon, 2 paletots.1 00
1/2 montage.2 50
Emmenagement et demenagement. 2 75 00 00
Dixieme du minimum d’apport, pour Paul. 6 00 00 00
35 jours entretien ou sans travail.. 10 50 00 00
Pour frais a revoir des effets confies au depart ... 10 00 00 00
Totaux de l’avoir et du doit. 35 00 203 78
L’avoir. 203 78
Le debet k deduire. . . 35 05
.
Reste du, doll ... 168 73
:.‘ii k ■ »; I fi*!) >r f >(l 114 c * f t}. '"j h f i.'iti j ,\f> fvrr
r Voyons maintenant ce qu’il leur revient. II leur est
du comptant, argent verse :
A quatre cinquiemes minimum.doll. 75 70
A reporter sur le comptant, entretien et bagages. 21 75
Reste du comptant. 53 95
II est du. 168 73
11 est du comptant. . •. 53 95
Reste du en billets.doll. 114 78
)> Cette somme, doll. 114 88, sera partag^e en deux
moities, dont Tune doll. 57 39, sera payee par un billet
a 6 mois a Paul Marchand, admis provisoirement; et
— 213 —
1’autrc doll. 57 39, par un billet a 18 mois, a Leon Mar-
chand, admis defmitivcment.
» De cette maniere, le reglement Marcliand, auquel
on doit doll. 203 78, se trouve ainsi fait: .
pour frais divers . .
Pour frais & revoir. .
Comptant.
1 billet a 6 mois. . .
I billet a 18 mois .
25 05
10 00
58 95
57 39
57 39
Total egal.doll. 203 78
* - ' ,) J Jl !. I >J > ' ij ■ i> l; .i : ; . > ' LI 7 I i IM I i» PllTj I1 >f
» Relativement aux obligations, les parents Marcliand
n’etant pas admis, meme provisoirement, leurs obliga¬
tions ne constituant pas d’apport, restent obligations, et
lie sont pas remboursables en argent, autrement que
toutes les autres obligations. Les obligations que le ci—
toyen Marcliand a deposees lui seront remises fidelement ^
comme sa propriety. Elies lui seront remboursees aux
termes de la loi sur l’Emprunt, comme toutes les autres
obligations, et, cbaque annee, les interets lui seront
fidelement payes. Cependant, si, avantle tirage, les pa¬
rents Marcliand ont besoin de quelque argent, et si la
Societe peut faire quelque chose pour eux, elle le fera
avec plaisir; mais lorsqu’il s’agit de s’engager formel-
lement, elle ne peut et ne doit le faire que selon ses
i moyens, ses droits et ses devoirs.
Cheltenham, le 17 oclobre 1859.
Mercadier.
Je n’ai rien a dire sur ces retraites, puisqu’elles sont,
comme je te le disais tout a l’lieure, 1 exercice de la
liberte de cliacun. Personne, ni rien , ne les avait
d)li«es a entrer dans la Societe; rien ne les obligeait
— 214 —
ifen sortir ; leur interet ou leur gout les ont seuls deter¬
mines a prendre le parti qu’ilsont choisi. Nous n’avons
done ni a les rcgretler ni a les 'plaindre .
Voici maintenant une retraite d’un autre genre, cede
du eit. Corne dont les quelques lignes qui precedent sa
lettre expliquent le caractere :
^ ^ * \ ► % i « % • « * *, • •
BELLE CONDU1TE.
» Generalement ont agit avec tant dinjustice et de
violence a notre egard, que nous croyons devoir faire
connaitre la maniere, convenablesous tousles rapports,
dont les epoux Corne se sont conduits a regard de la
Communaute. Le cit. Corne est venu, apres autorisation
et en visiteur, vers le i0 juillet; au milieu de septembre,
sa femme est venue le rejoindre; tous deux sont partis
au milieu d’oetobre. Dans quels sentiments nous ont-ils
quittes? La lettre suivante le dira. Pour notre part, nous
les avons vus partir avec de penibles regrets, non de-
pourvus de quelque esperance. Les personnes desinte-
ressees qui ne veulent s’en rapporter ni aux paroles de
nos ennemis, ni aux notres, susceptibles de partiality
pourront, a la simple lecture de la lettre que nous repro-
duisons litteralement, se faire de la Societe une idee
vraie et precise. Voici cette courte lettre:
« Chers citoyens,
• A f J* , J
» Le moment de vous quitter etant arrive, il est de
» mon devoir de vous remercier du bon accueil que j’ai
» trouve en arrivant dans la Societe, et de Famitie fra-
» ternelle que j’ai recue de toussesmembres et en parti-
» culier des personnes que j’ai le plus frequences.
» Si des causes m’empechent de revenir jamais parmi
t vous, j’en garderai du moins un bon souvenir; trois
» mois passes avec vous, sont des plus heureux de ma
» vie. La decence qui regne, et le bannissement des
— 215 —
» propos grossiers qui existent dans les ateliers de 1’in-
» dividualisme, m’ont prouve une fois de plus que la
» Communaute moralisait les homines; l’ardeur que
» cliaque membre met a son travail: tout cela me fait.
» espererun avenir prospere pour la Societe.
» C’est a vous, citoyen President, que j’adresse tous
» mes remerciements pour la Societe.
» Je vous salue fraternellement,
» J. CORNE.
* • - * j * g * r * j cr .
, ■ | , • . 4 . % • f » ' ' I * t t j i * % * k * , } h " * ‘ } ' • ') ;
Nous aussi, nous regrettons que des considerations
de famille ne permettent pas a notre frere Corne de Tes¬
ter dans la Communaute, et, comme nos freres de
Cheltenham, nous conservons l’espoir de le voir revenir
/
parmi nous.
Si la retraite de ceux qui nous quittent en renoncant
a la mission d’affranchissement et de progres pour se
precipiter de nouveau dans la lutte des interets indivi-
duels nous laisse sans regret, il n’en est pas de meme
pour ceux qui succombent au poste qu’ils s’etaient
choisi parmi nous comme soldats de FHumanite. Notre
I petite armee vient de perdre un heros! La citoyenne
i Gruhert est decedee le 15 scptembre , laissant toute la
i Colonie plongee dans la douleur, comme si chacun ve-
nait de perdre une amie, une soeur ou une mere!
Depuis quelques anneesla sante de la citoyenne Gru-
bert s’affaiblissait graduellement; mais la diminution
de ses forces physiques, loin de diminuer sa puissance
morale, paraissait au contraire lui donner plus d’ener-
gie. Tu te rappelles sans doute le charmant petit dis¬
cours qu’elle avait prononce au Cours Icariens sur le
vrai Bonheur, que j’ai insere dans ma premiere lettre.
— *216 —
* a. —»
Envoici un autre sur la Moralite, qui, comme le pre¬
mier, est empreint au plus haut degre de Tesprit et
du sentiment Icarien :
LA MORALITE.
« Citoyennes et citoyens,
t C’est sur la Moralite que je veux parler. Je com-
y> mencerai par dire que le systeme Icarien est essen-
» tiellement moral, parce qu’il est fonde sur la verite,
» sur la justice et sur la raison : sur la verite parce
» qu’il recommit que tous 3es hommes sont freres ; ;
sur la justice, parce qu’il donne a tous les memes
:» droits, sans aucun privilege pour personne; sur la
» raison, parce que c’est elle qui commande et qui fait
» que nous accomplissons tous nos devoirs. II est es-
» sentiellement moral parce qu’il detruit l’opulence et
» la misere, deux sources d’immoralite. Nous devons
» done, nous Icariens, pour 6tre consequents avec nos
» principes, nous appliquer a nous perfectionner dans
» la pratique de cette vertu. Un acte immoral peut avoir
» des consequences Men funestes, non seulement pour
» la personne qui en est l’auteur, mais pour tous ceux
» qui l’entourent.
» La Moralite est amie de la verite, du grand jour, et,
» par consequent, ennemie du mensonge, ennemie de
» tout ce qui se cache. La Moralite doit se retrouver,
3 non seulement dans les actions, mais dans les pa-
» roles, dans les gestes, dans le regard; la Moralite est
9 dans la religion du serment, dans la parole donnee;
» la Moralite est liee a tout ce qu’il y a de vrai, de beau,
v de grand sur la terre; la Moralite est une vertu qui
» devrait regir le monde. Si la Moralite etait tou->
» jours parfaitement observee, l’ordre ne serait ja-.
217 —
? niais trouble, il n’y aurait plus de guerre, lapaix re-
» gnerait sur la terre.
9 Je terminerai en disant que la Moralite est la sante
)) de Fame et du corps. »
Grubert mere.
En lisant ces lignes, on sent que c’est le coeur qui les
a dictees, et malgre soi, ont est entraine vers Fauteur
par une attraction sympathique. Aussi sa perte a-t-elle
affecte douloureusement tous les membres de la famille
lcarienne. Un des membres de la colonie, le citoven
Labbe, s’est charge d’exprimer les regrets de celle-ci, et
Fa fait en termes qu’une affection vraie peut seule ins-
pirer.
Voici le discours du citoven Labbe qui a ete lu au
Cours Icarien :
' . •»V | ,
A LA CITOYENNE GRUBERT.
« Citoyennes et citoyens,
l -
» Encore emu du triste evenement qui nous a frappes
dans la personne d’une de nossoeurs,je viens elever ma
voix, au sein de cette solennelle assemblee, pour rendre
hommage a cette soeur, qui, a plus d’un titre, a merite
et nos regrets et notre souvenir...
9 L’histoire conserve religieusement la memoire des
Theroigne, des Jeanne d’Arc, des Cornelie, modeles de
vertu ou d’heroisme : que notre posterity conserve
avec veneration celle de la citoyenne Grubert.
» Je ne veux point couvrir du voile de Fencens ce
dernier adieu a une soeur bien aimee, mais si je dis
qu’elle fut courageuse, intrepide meme; si je dis qu’elle
fut independante, calme, forte, juste, vraie, sincere; si
10
— 218 —
je dis qu’elle fut tendre mere et excellente epouse, si
je dis, enun mot, qu’elle fut lcarienne, n’aurai-je pas
dit la verite?... Oh! oui, elle fut tout cela., et bien
plus encore! Elle a ete enthousiaste, elle a toujours
persevere , elle a eu plus que du devouement: 1’abne¬
gation l’a accompagnee jusqu’au tombeau ; car elle ne
cessait de repeter, quelquesjours avant de rendre le der¬
nier soupir : « 0 mes enfants! pourvu que je meure en
» Icarie! i saint et noble voeu qui, helas! s’est accompli
trop tot..., qu’elle repose enpaix!...
> Pieportons notre souvenir de trois ans en arriere ;
nous verrons un rude soldat tomber, frappe a mort....
c’etait le mari de cette digne soeur, un frere, un compa-
gnon d’infortune, estime de chacun, qui sut faire son
devoir... La mort les avait separes; la mort les a reunis.
Pleurons sur tous les deux; pleurons aussi sur tous nos
freres qui ne sont plus; pleurons sur Cabet. Les larmes
ne les ressusciteront pas, mais elles soulageront notre
tristesse; car tous ces infortunes sont des victimes, ils
avaient droit a plus de vie et de bonheur; mais, helas !
chacun le sait, a combattre pour l’humanite, on ne se
fait pas vieux, surtout lorsque Von a sa mission a coeur!
Que leur souvenir nous rende plus fermes, plus vrais,
plus perseverants, plus intrepides; si nous faiblissions,
si nous trabissions les esperances de tous nos co-reli-
gionnaires, si la foi, silavigueur, si le courage venaient
a nous manquer, si la discorde militait dans nos rangs,
rappelons-nous, et pensons-y souvent, nous outragerions
alors indignement leurs cendres.
» Que leur exemple nous serve de guide et d’appui...
Ils ont su bien mourir... Que notre amour pour le
peuple, pour Icarie, pour l’Humanite, que notre vie en-
tiere soient consacres a nous preparer une mort digne
de la leur. »
j i . -» » >
Ces hommages rendus a la memoire d’une de nos
soeurs qui fut digne, sous tous les rapports, du titre
d’Icarienne, nous rappellent a la memoire un des projets
— 219 —
i
du citoyen Cabet, qui voulait qu’Icarie eleve un monu¬
ment pour conserver la memoire de tous ses fondateurs,
de toutes les citoyennes comme de tous les citoyens qui,
fideles a leurs engagements, fideles surtout au veritable
sentiment religieux de la Fraternite humaine. humbles
soldats de l’avenir, mourraient au champ d’honneur
pour frayer a leurs descendants la route du progres.
Nous pensons que le moment est venu de reprendre ce
projet, et nous appelons sur lui l'attention de nos freres
de Cheltenham. Nous crovons qu’en attendant que la
Societe puisse commencer l’cxecution d’un monument
en pierre ou en bronze, elle peut des a present executer
un monument ecrit compose d’un recueil qui contien-
drait le recit de tous les actes de courage et de devoue-
ment utiles a 1’Humanite et a la fondation d’Icarie, par
lesquels ceux de ses membres, morts dans son sein. au-
raient signale leur existence.
Apres t’avoir signale le personnel que la Colonie a
peidu, il est naturel que je te parle de celui qu’elle a
gagne. Tu assu que plusieurs families s’etaient embar-
quees au Havre le 21 juillet dernier, allant a Cheltenham,
par New-York. Les personnes composant ce petit Depart
etaientau nombre de onze. Void comment le journal de
la Colonie rend compte du voyage, de l’arrivee et de
1’admission de ce Depart.
* Ils se sont embarqu^s au Havre, le 21 iuillet • its
sont arrives a New-York, le 9 septembre, apres ’ une
traversee de quarante jours. Repartis de New-York le9 au
soir, ils sont arrives a Saint-Louis le 13 au matin Le
voyage du Havre a Saint-Louis a done dure cinquante-
quatie jours. C est seulement un peu moins Ion" one
par la Nouvelle-Orleans. Ea prenant un siarncr" et’m
. -T
passant par New-York, le voyage ne nous parait que de
quatorze a seize jours.
• Le journal de voyage a ete redige par la citoyenne
Lavat; salongueur nenous permetpas de lereproduire ;
maisnons l’analysons en donnant les presents details.
)> La traversee a ete longue; nos amis ont eu souvent
calme plat; peu de grosse mer. A part le mal de mer
et un accident survenu au fils Lavat qui s’est fracture le
liras sur ie navire, la sante a ete bonne. A New-York,
les membres du depart ont ete legerement ecorches
a un hotel, oil un fort mauvais repas leur a coute
doll. L 40 par tete. De New-York a Saint-Louis, ils ont
change plusieurs fois de bateaux et de wagons; aussi
leurs malles etaient-elles dans un tres mauvais etat. Le
chemin de fer leur a pris doll. 50 pour l’excedant des
bagages : on accorde quatre-vingts livres a cliaque
voyage ur.
» Le Depart a ete oblige de vendre son reste de bis¬
cuits et une feuillette de vin qu’il apportait a la Colonie,
parce que le transport aurait ete trop cher, et de les
dormer a vil prix. II a ete oblige egalement de laisser
une malle contenant de la vaisselle.
» Le citoyen Bouyer, notre correspondant a New-
York, s’est montre complaisant pour nos amis.
» Ce depart, independamment de la citoyenne Mau¬
vais, qui rentrait dans la communaute a la suite d’un
conge et en attendant son mari, est ainsi compose :
Lavat (Jean),
40 ans,
forgeron.
— femme,
33 ans,
couturiere.
— (Louis), fils,
11 ans,
— (Marius), fils,
8 ans,
Buriat (Pierre),
45 ans.
/
peintre.
— femme,
46 ans,
culottiere.
Vinsot (Henry),
35 ans,
tailleur.
— femme.
31 ans,
tailleuse.
Pelletier (Claude),
23 ans,
peintre.
Ricot (Armance),
26 ans,
couturiere.
— 221 —
» Le citoyen Pelletier et mademoiselle Piicot sc soul
maries apres leur arrivee, et avant leur admission pro-
visoire.
)> Les professions des membres da depart sont utiles.
» Leur position materielle est satisfaisante: les
trousseaux sont complets ; quant aux apports, ceux qui
ne Font pas, ont ete autorises a venir.
)> Sous le rappoVt moral et la conduite du voyage, qui
a fait naitre quelques difiicultes, rien n’a paru cepen-
dant d’une importance assez grave, pour empecher
l’admission provisoire de tous les membres du depart
de juillet.
» Aussi, apres deux reunions de la commission d’ad-
mission, cette admission provisoire a ete prononcee le
26 septembre, par Fassemblee generate.
i> Le provisoire est done ouvert pour les nouveaux
arrivants. Esperons qu’il leur sera tout a fait favorable,
en ce sens, que la Communaute leur plaira, et qu’ils
plairont a la Communaute. »
1 - • 11 k #* ^ , • • . * *
Cheltenham, le 3 novcmbre 1859.
Le passage par New-York a ete une experience qui
n’a pas ete favorable a nos co-religionnaires. Nous
n’engageons pas ceux qui les suivront a la renouveler.
i
Le voyage a ete presque aussi long que par la Nouvelle-
Orleans^ plus couteux et plus fatigant; l’avantage reste
certainement a cette derniere voie.
Quant a la maniere dont les nouveaux membres envi¬
sage nt la situation de la colonie, void les extraits de
deux lettres qui m’ontete communiquees, etqui peuvent
nous renseigner a ce sujet.
« Mon cher Bedouch,
d Excusez-moi du retard que j’ai mis a vous ecrire.
Cela provient de ce que je voulais attendre pour mieux
voir fonctionner la Colonie et juger d’une maniere plus
— 222 —
vraie sur sa situation. Je ne vous donne aucun detail
sur notre depart. Je vous envoie ci-inclus un fragment
de l’avant-dernier numero de notre journal qui resume
notre voyage et notre arrivee.
» Je me bornerai done a vous dire que 1’accueil qui
nous a ete fait par la Societe, a ete ce que nous atten-
dions, e’est-a-dire cordial et fraternel. Les derniers
evenements nous faisaient supposer que nous trouve-
rions la Colonie dans un etat plus precaire qu’elle ne
Test reellement. Et si nous avons ete surpris, e’est
agreablement. Moralement, et materiellement, la Societe
est beaucoup mieux que nous n’esperions, et nous vous
ecrivons le coeur joyeux et satisfait. Malgre la preoccu¬
pation qui absorbe la Societe relativement au travail et
a la production que Ton pousse activement et dans la
mesure des forces du personnel valide, cela n’arrete
pas les divertissements. Le premier dimanche apres
notre arrivee, il y a eu un bal pour la feter. Ensuite,
les divertissements d’hiver ont ete organises ainsi: bal,
soiree-concert, theatre, alternativement chaque diman¬
che. Le 17 octobre, nous avons vu jouer deux jolies
pieces, un drame et un vaudeville a mourir de rire, e’e-
tait pour effacer la triste impression que le drame avait
laissee sur le public.
» Vous comprenez que je ne puis pas vous donner
tous les details des divertissements, votre imagination y
suppleera.
» Je vous parlais tout a l’heure de la production, j’y
reviens encore, car on ne saurait trop parler de cette
grande question surlaquelle pivote toute notre affaire.
Depuis la derniere dissidence, depuis surtout Torgani-
sation de la Gerance unique, la Societe est lancee dans
une voie nouvelle, quant a la production et au travail.
Chaque semaine, la depense et le gain sont aflfiches dans
le Refectoire, pour que chaque membre soit bien au
courantde la situation. Tous les mois, un rapport du
President resume les operations de la Societe. Un budget
de gains etde depenses a ete fait depuis le l er mai, pour
guider la Societe dans toutes ses operations. 11 parait
— 223 —
que jamais cela ne s’etait fait dans la Communaute;
toujours les entraves des Gerants en emp£chaient l exe-
cution. Aujourd’hui cela existe, et, grace a l’ordre et a
l’economie, la Societe fait face a ses engagements et
pourvoit a ses besoins les plus urgents. Aussitot notre
arrivee, nous avons tous 6te occupes productivement:
Lavat, a la forge; Vincot, aux tailleurs ; quant a nous,
les peintres, il s’est trouve a propos qu’un millionnaire
des environs, qui fait faire des travaux importants,
etait venu quelques jours avant notre arrivee pour de-
mander des peintres, Pelletier y est alle deux jours
apres l’arrivee; moi, je suis reste quelques jours pour
me remettre d’un choc quej’avais recu a la handle,
pendant le trajet de New-York a Saint-Louis, sur le
chemin de fer; ensuite j’ai commence les travaux, nous
y sommes encore. D’autres citoyens de la Societe y ont
fait aussi des travaux de charpente, couverture et fer-
blanterie. A mesure que la Societe sera plus connue, et
si nous contentons les clients, nousproduirons davantage
pour la contree.
» Notre nombre augmentera egalement, denouveaux
soldats viendront grossir les rangs de notre petite ar-
mee, ce qui nous permettra de developper nos industries
ou d’en creer de nouvelles. Ici, j’ai une observation
importante a faire a nos amis qui se preparent a venir.
C’est que cbacun d’eux s'examine bien avant de partir,
pour savoir s’ils sont capables de fonder Icarie, c’est-a-
dire de supporter les consequences bonnes ou mauvaises
quiresultent d’une colonisation et de la creation d’une
societe nouvelle reposant sur la Fraternite, la Sociabi-
lite, les egardsquechacun doit a autrui. Qu’ils prennent
notre mission a coeur, qu’ils viennent pour produire et
non pour vivre en parasites sur le compte de la Societe,
il y en a trop eu jusqu’a present. En un mot, qu’ils re-
dechissent bien, et, s’ils se sentent faibles ou irresolus,
qu’ils restent, car les retraites font trop mauvais effet
etl’opinion exterieure, qui n’examine pas si les sortants
sont des laches ou des faibles, est plutut portee a accuser
la Societe que les individus. Que les femmes surtout
viennent bien d’elles-memes et non par force. Si un
— 224 —
Icarien amene sa femme malgre elle, il est sur qu'il se
prepare d’ameres deceptions pour l’avenir, et que la re-
traite dans un temps plus ou moins long est sa seule
perspective. II vaut done mieux qu’il reste a faire de
la propagande que d’etre a jamais perdu pour la cause,
en faisant ainsi fausse route. Si je fais ces observations,
e’est pour que chacun reflechisse bien avant de venir,
car reellement, il y en a qui sont venus sans savoir ce
qu’ils faisaient.
» Vous savez deja la retraite Marchand, et vous avez
du en etre bien etonne. C’est comme nous. Quand ils
sont arrives, ils paraissaient enchantes; ils vantaient la
Communaute et declaraient s’y plaire beaucoup, quand,
quelques jours apres, ils annoncent leur retraite. Les
parents paraissaient s’en aller a regret, et ils mettent
leur retraite sur le compte du fils aine qui ne voulait
rester a aucun prix. Et ce qui etonnait davantage le pere,
e’est que leur fils les a engages dans ses lettres et jus-
qu’au dernier moment, a venir, en leur disant du bien
de la Communaute.
» Je vous prie, mon cher Bedouch, d’etre aupres de
tous les Icariens et Icariennes de nos connaissances,
notre interprete pour leur faire part de nos sentiments
fraternels. »
Nous vous embrassons tous de coeur.
BURLAT.
Yoici le commencement de 1’autre lettre ecrite par le
citoyen Lavat, a sa sceur.
« Chere Elise,
)> Tu dois nous trouver bien oublieux de ne pas f e-
crire; j’ai voulu avant me rendre compte si ton carac-
tere pouvait se convenir parmi nous; apres reflexion
faite, je te dirai oui; comme j’avais compris la Colonie,
je me figurais d’avoir plus de reforme a faire que je n’en
fais, e’est-a-dire certaines privations, eh! bien, non,
f
— f>25 —
j’ai trouve dans la Colonie plus de bien-etre qu’enr
France, qaoique je n’etais pas malheureux: le travail
est moins fort qu’a Marseille; pour la nourriture, elle
est tres abondante, variee et confortable.
» Pour les amusements, le dimanche, apres le cours,
qui est obligatoire, on est libre d’aller ou bon vous sem-
ble, et le soir Ton chante, ou Ton danse ou Ton joue la
comedie, ou la musique, ou des poesies, Ton passe ses
soirees bien agreablement. Fais en sorte d’apporter un
morceau de musique pour danser la Varsovienne et
aussi des comedies, des vers de toutes sortes. Si Ton
s’amuse, il faut aussi bien travailler, c’est-a-dire selon
ses forces; sur cet article, je n’ai pas besoin de pour-
suivre, car je sais que tu es vaillante et incapable de
vivre sur les bras d’autrui, tant que ta sante te le per-
mettra, mais j’ai a te dire qu’il ne faut pas avoir de re¬
pugnance pour aucun travail. »
Lavat.
Yoici encore une autre appreciation de la situation de
la Colonie. Cette appreciation a pour moi un certain
poids, parce qu’elle vient de Fun des plus anciens Cor-
respondants en France, et Fun des doyens de la Colo¬
nie, dont il a fait partiede 1848 a 1857.
Leltre du cit . Coeffe.
» Dans le courant d’Aout 1857, je sortis de la Com-
munaute Icarienne comme en conge illimite. Les motifs
sont d’abord : la mort du cit. Cabet, causee par les eve-
nements de Nauvoo, qui m’avait demoralise et en quel-
que sorte decourage ; ensuite, je vis le commencement
d’une nouvelle division; quelques-uns s’occupaient a
faire des projets d’amelioration, disait-on. Ces projets
etaient affiches dans le Refectoire, chacun pouvait les
lire et les discuter; en effet, cela donna lieu aux discus¬
sions, et, comme on n’est pas toujours d’accord, on de-
venait indifferents les an^ envers lesautres.
— 226 —
)> On sait que chacun a son petit amour-propre, et par
consequent on pouvait s’attendre a ce que les auteurs
des projets les soutiendraient quand meme, lorsqu’il
s’agirait de la discussion.
» Ainsi, a cette epoque et dans cette situation, per-
sonne ne pouvait savoir ce que deviendrait la Commu-
naute. — On sait ce qui s’est passe.
» Mais aujourd’hui que je vois la Societe homogene,
que tous ses membres travaillent avec courage et acti¬
vity, parce qu’ils ont tous bien compris que la Commu-
naute ne donne le bien-etre a ses membres que par la
production, et que meme sans cela il n’yanulle Societe
de possible; puis la resolution que la Societe a prise,
d’inviter toutmembre qui ne se plairait plus a se retirer
immediatement, ce quej’approuve fort: pour toutes ces
raisons, je dois declarer que je rentre dans la Commu-
naute, avec le meme devoument, la meme conflance
que lorsque je suis parti de France, et plus encore, car
le passe m’a donne quelque experience qui ne sera peut-
etre pas sans utilite.
)) COEFFE. ))
9
Nous venons encore d’apprendre que huit personnes
sont arrivees a Cheltenham le 20 novembre, ce soht:
les epoux Loiseau de Beaune, avec leur petit-fils age de
7 ans; Mesnard de Nantes, avec un enfant de 18 mois,
Augier de Draguignan; Segondy de Toulouse, et de¬
moiselle Bernard de Paris.
Le personnel de la Communaute se trouvc a peu pres
au meme chiffre qu’a la fin de l’annee derniere. Si elle
est encore moins nombreuse de quelques personnes, il
est certain qu’elle est plus forte et plus puissante; parce
que, comme le dit notrefrere Coeffe, elle est plus homo-
gene. Et j’ajoute : parce qu’elle est plus active et plus
Icarienne.
— 227 —
Nous croyons savoir que vingt-cinq a trente person-
nes iront demander leur admission a la Communaute
dans le courant du printemps prochain, et un pareil
nombre vers la fin de Fete, de sorte que nos previsions
peuvent nous taire croire que notre population s’aug-
mentera d’une cinquantaine de personnes pendant Tan-
nee 1860. Dans ce nombre il faut compter la famille de
notre ami Marc Flaig,dont j’ai eu plusieurs fois deja
Toccasion de t’entretenir; ce citoyen m’ecrit :
« Yous vous rappelez sans doute que dans ma pre-
)> miere lettre a Cabet, je disais que je desirerais etre
» admis plus tard dans la Communaute avec ma famille;
w mais que ma position mepermettait de realiser quel-
» ques economies, et que dans Tinteret meme de la Co-
» lonie, je pensais devoir rester encore ici pour lui en-
o vover des secours de temps en temps... Je crois que
)> le moment est venu de realiser notre projet... Nos
» enfants grandissent et nous voudrions que les aines
j finissent leur education Icarienne dans la Comma-
» naute. En consequence, j’envoie ma demandeen ad-
» mission par le meme courrier que cette lettre. »
Dans la meme lettre notre ami M. Flaig dit encore :
« Nous avons re^u les no s 62, 63 et 64 de la Revue.
» Ils sont tres importants pour les Icariens du dehors,
» surtout le n° 63 (1), parce qu’il renferme un resume
» de tout ce que la Societe de Cheltenham se propose
)> de faire a Tavenir.
» Nous adherens completement a ces vu es etj ous
» vovons avec la plus grande satisfactij
y> enfin entree franchement dans la voi
t Nous trouvons dans la meme feuil
y> tule Pratique exterieure. Get articlel
V
(1) C’est le numero qui contient le dernier
veproduit dans la quatrieme lettre.
— 228
» forme a nos idees; et nous sommes convaincus qu’on
j> pourrra arriver a un resultat heureux en suivant la
» marche qui y est indiquee. Yoila pourtant les fonde-
» mentsjetes qui permettentun succes certain, soiten
» petit, soit en grand. Des qu’un certain nombre d’lca-
» riens entreront dans cette voie, la reussite d’lcarie est
» assuree pour toujours. »
J’apprendrai avec plaisir l’arrivee a la coloniede la
famille Flaig, parce que nous la croyons animee du ve¬
ritable sentiment Icarien. C’est dans de telles disposi¬
tions qu’il faut aller grossir les rangs des pionniers qui
se consacrent a la fondation d’une Societe nouvelle.
XVI.
SOIREES ICARIENNES.
Le cit. Buriat parle, dans la lettre a son ami Bedouch,
des divertissements dans la Colonie, mais n’en donne
aucun detail si ce n’est qu’il sont divises en trois es-
peces : les bals, les soirees-concerls etle theatre . Tu es
certainement eurieux de savoir comment est composee
chacune de ces soirees. Je tacherai de te satisfaire, mais,
pour aujourd’hui, tu devras te contenter du compte-
rendu suivant : de la soiree-concert du 13 novembre.
DIVERTISSEMENTS IGARIENS.
UNE SOIREE A CHELTENHAM.
cc Samedi 12, une affiche, indiquant le programme de
la soiree, avait ete placardee en plusieurs endroits.
— 229 —
» Dimanche, un peu apres le souper, la salle, appre-
tee et convenablement eclairee, etait ouverte au public
icarien. Elle fut bientot comble; car le peuple icarien
aime, ainsi que tout le monde, se delasser, pendant
quelques heures, des fatigues, des peines d’une labo-
rieuse semaine ; il se dit alors, et c’est bien le moment:
« A demain les affaires serieuses! »
» Lorsque toutle monde fut place, le cit. Droussent r
membre de la commission des divertissements et com-
missaire de la soiree, annonca l’ouverture de la soiree.
» Alors la musique a fait entendre une marche moins
nouvelle que jolie, mais qui a laisse a desirer sous
le rapport de Fensemble. Cela vient de ce que notre
musique actuelle est presque entierement compose d’e-
leves musiciens.
c< H. Chieard : 1’Enfant du riche et /’ enfant du pauvre ,
poesie. La jeune fille y a mis du naturel et de Fexpres-
sion, seulement, nous avons cru remarquer quelques
gestes restreints, ainsi qu’une diction trop breve. De
larges gestes, une parole lente et accentuee conviennent
a de tels morceaux.
» Le cit. Yinsot : Laissez les roses aux rosiers. Jolie
romance que ce cit. a bien chantde.
» Anna Gluntz : L’Orpheline, romance. Cette jeune
fille a une tres jolie voix qui, avec de la culture, peut
devenir tres belle.
)) Augustine Dodier : Naitre, croilre , vieillir , poesie,
par J. Dejacque. Meme remarque que pour la citoyenne
H. Chieard.
> lei une petite suspension a lieu, moment de si¬
lence, pendant lequel chacun semble, s’attendre a
quelque chose d'extraordinaire. En elfet, tout a coup
— 230 —
on voit apparaitre sur la scene une espece de grande
perche, surmontee d’une figure a nez postiche :
ajoutez a cela des joues aussi rouges qu’une pomme
d’api, de grosses raies noires simulant les rides, plis T
faux traits, etc., plus un bonnet blanc pose sur une
affreuse tignace rouge et noire, un habit a queues de
inorue, un pantalon, jadisgris, de gros sabots, unbalai
en bruyeres, et vous aurez le signalement complet du
grotesque personnage qui, a son entree excite les ris et
les lazzis universels. C’est Louis Gillet, qui va chanter
le Fulmi-Coton , sa voix est frequemment interrompue
par des bouffees de rire. Tout allait pour le mieux,
lorsque arrive a certain endroit, le chanteur reste sur ses
dents.
» II ne se deconcerte pas nonobstant, avoue naive-
ment qu’il se trompe, recommence, continue et arrive
au bout, ou fattend un tonnerre d’applaudissements*
On ne siffle pas chez nous : les merles de theatre sont
supprimes. • . j -j
> Anna Thomassin : Le Ruisseau , elegie composee
par un jeune Icarien. Meme remarque que pour M. H.
Chicard.
» La musique joue un pas redouble. — Suspension.
» La reprise de la soiree est annoncee par un mor-
ceau de musique.
» Le cit. Sainton : Le chant des soldats, par P. Du¬
pont, il y a mis tant de force expressive qu’au refrain
la Communaute entiere, dans un elan patriotique, a
entonneles deux derniers vers.
» Cette improvisation, animele chanteur a son tour;
en sorte que fenthousiasme general va crescendo quand.
on repete, le refrain pour la derniere fois.
— f>31 —
» La citoyenne Claucline Defay : Marguerite fermez
lesyeux, romance. Cette citoyenne a chante pour la
premiere fois. Sa voix a ete legerement voilee par Ferno-
tion. Sous ce voile nous avons cru remarquer une voix
* , $
juste et agreable. Nous savons, et de source certaine,
qu’il en a coute un peu a cette citoyenne de paraitre en
public; nous esperons cependant que ce debut servira
d’antecedent; d’ailleurs, le premier pas fait, les autres
sont peu de chose a faire.
* La citoyenne Mercadier : Unroi de 92, poesie, bien
belle et bien touchante; rendue plus belle et plus tou-
chante encore par Fexpression que.cette citoyenne y a
mise.
» La cit. Yinsot : Balthazar , chanson. C’est Lazare
assistant, a la porte, au repas du riche : embleme de
fatal denuement, contraste frappant de richesse et de
pauvrete. Cette citoyenne a bien chante.
> La cit. Bira : Le petit Mousse blanc , romance.
Cette citoyenne qui chante ordinairement tres bien,
ne s’est pas egalee cette fois. Elle a fait seulement
preuve de grande bonne volonte ; elle etait enrhumee.
» La cit. Labbe : Le Contrebandier , romance que
cette citoyenne a bien chantee.
» La soiree s’est terminee par Le Chant du Depart
lcarien ; chacun a Funisson. Plusieurs groupes etaient
formes : d’un cote, les partants; de Fautre les restants;
puis choeur de femmes et chceur dejeunes Giles. La
Communaute entiere a chante le refrain. — C’etait un
i
spectacte solennel, touchant, il y avait quelque chose
de male, de grandiose dans cette multitude de voix se
confondant dans une seule: — la grande, la forte voix
i
ilu peuple ! C’est avec un redoublement d’enthousiasme
qu’on a entonne pour la quatrieme fois :
» Allons fonder notre patrie,
» Soldats de la Fraternite;
» Allons fonder en Icarie
» Le bonheur de FHumanitG. «
j> Aussi, la soiree terminee, chacun s’est retire le
coeurjoyeux, l’ameradieuse, la conscience tranquille et
par consequent dispose a reprendre le travail du lende-
main avec une nouvelle force et une nouvelle ardeur*
.
. * c . ■ »x i. I
Quelle difference avec les recreations de l’individua-
lisme, qui ne sont, pour la plupart, que de grossieres
comedies, de sales mascarades, d’ignobles, de degou-
4
tants, de degradants pele-mele!
A en juger paries applaudissementsprolonges qui out
suivi chaque morceau, nouscroyons etre la voix de Tas-
sentiment public, en disant que cette soiree a laisse peu
a desirer, tant sur Fensemble que sur les details et Y exe¬
cution. Les chants et declamations nous ont para choi-
sis et tout a fait de circonstance : la plupart etaient
tristes, car nous sommes dans un moment de deuil,l e
Snovembre... Puisque ces divertissements plaisent, con-
tinuons-les, ameliorons-les; que chacun s’y prete;
qu’onmettede cote toute crainte, toute modestie super¬
flues. Ne sommes-nous pas en famille? Sovons heureux
ensemble, participons tous, et chacun suivant ses moyens
au contentement general. De telles reunions, de pareils
passe-temps influeront d’unemaniere avantageuseet sur
nos idees, et sur nos sentiments, et sur nos moeurs. Un
peuple a besoin de divertissements : ils sont une partie
— 233
de sa nourriture morale: ils lui sont utiles pour pros¬
pered comme la rosee du ciel est necessaire aux plantes
pour croitre, fleurir, fructifier. Les grecs, peuple savant
et vertueux jusqu’a la decadence de leur Republique, le
comprenaient si bien, qu’ils faisaient des divertisse¬
ments une espece de religion. Or done, Icariens, tra-
vaillons, mais amusons-nous aussi. On verra bien alors
que nous ne sommes ni des moines, ni des misanthro¬
pes, mais des hommes qui aspirent a la paix, a la joie,
aubonheur. Amusons-nous quechacun y mette du sien,
sans se faire prier : plus on sera, plus Ton s’amusera.
Tous pour chacun , chacun pourtous . »
Tu connais ou tu peux connaitre les chants et les poe¬
sies qui out ete chantes ou declames dans cette soiree,
a rexception toutefois de Felegie dite par la citoyenne
Anna Thomassin. Ces vers sont les premiers essais poe-
tiques d’un jeune citoyen de la Colonie, Charles Ray¬
naud. C’est un poete de 19 ans, eleve dans le sein de la
Communaute, ou il est entre avec sa famille en 1853.
Ces diverses circonstances te feront lire ses vers avec un
double interet:
LE RLISSEAU.
I
Houle petit ruisseau;
Abandonne ton eau
Au zephir qui la ride,
Et la pousse rapide
Entre les bords de fleurs,
De gazon et de mousse;
Houle ton onde douce.
Fertile aux laboureurs.
— 2Zk —
Murmure doucement,
Coule leg&rement
A travers le feuillage,
Enfant du vert bocage,
Fol amant des reseaux;
Lutin de la prairie;
Coule... Et sorte la vie
Du milieu de tes dots I
Sur le roc escarpe
Jaillis en liberte
De cascade en cascade.
Bondissante escapade
Et nombreux petits sauts,
— Du mont a la ravine, —
*
Sont la frequente mine
Des folatres ruisseaux.
Va-t-en, nymphe d’amour,
Cotoyant tour a tour
La timide violette,
La tendre paquerette,
Et le saule pleureur,
Et la fi&re aubepine.
Va... Chemine..., chemine
Au gre de ta candeur...
Suis des riants bosquets
Les contours diapr&s.
Va toujours... Marche encore!.
A la prochaine aurore,
Tes ondes atteindront
La rive, helas! traitresse,
Oil, doublant de vitesse,
Tes eaux s’abimeront!
- 235 —
Mais ton onde toujours
Pourtant suivra son cours.
A ton onde sans vie,
Dans le gouflre endormie,
— Ainsi le veut le sort, —
Un autre dot succede,
Ta source est le remede
A ta constante mort!
t
II
De la terrestre vie, embleme ravissant,
Ruisseau, tu nous redis mille fois en passant,
En roulant des dots bleus ta cohorte legere,
Des inflmes mortels Pexistence ephemere.
Or, l’homme, ainsi que toi, n’est qu’un atome vain
Emporte par les eaux de Paveugle destin;
Inconstant et leger, amoureux et volage,
Philosophe et po&te, il parcourt son voyage,
Cotoyant les salons, plus souvent le pave,
Tantot les noirs cachots, tantot la liberty,
Humect ant chaque bord de sa chetive vie
De plaisirs, de regrets et de misanthropie ;
Car les dots de l’erreur, qui sans cesse le bercent*
Endormant ses esprits, loin de lui les dispersent.
Il aime, ainsi que toi, se perdre solitaire
Dans les sombres forets au grand dome severe;
Il aime murmurer sous leur ombrage frais,
Couler ainsi ses jours sans en sentir le faix,
Il aime tout cela : le ciel, Pair, Peau, Pespace!
Le soleil nous jetant ses rayons h la face,
L’etoile qui scintille au milieu de la nuit
Et le tiede zephyr qui s’envole sans bruit!
— 236
II aime tout cela... Et pourtant sa carriere,
Pas plus que ton courant ne revient en arri&re!
Comme toi, chaque jour, il va fatalement
Se perdre, sans retour, dans le gouffre beant!...
C’est ainsi que rien n’est, sur la terre, inutile :
L’homme, les elements et l’insecte fragile,
Tout arrive ici-bas, brille et puis disparait,
De lui meme s’eteint, puis, du grand lout, renait!
C. Raynaud.
Comme tu le vois cetessai n’est pastropmalheureux,
il peut donner de l’espoir et encourager l’auteur a tra-
vailler avec une nouvelle ardeur. Nous lui predisons
pour recompense de ses peines de beaux etde nombreux
succes.
XVII.
Tout ce qui precede peut te donner une idee exacte
de la situation de notre Colonie de Cheltenham. Il me
reste a te parler de sa situation financiere.
Tu te rappelle qu’au mois de juillet dernier, je t’ecri-
vais que nous aurions besoin au commencement de l’an-
nee 1860 de sommes assez considerables, soit pour payer
3’annuite de la propriete de Cheltenham, soit pour faire
face aux autres besoins de la Societe. Le tableau suivant,
des sommes a payer dans le courant de ladite annee que
je viens de recevoir du President de la Communaute,
te mettra encore mieux a meme d’en juger.
— 237
SOMMES A PAYER DANS LE COERANT DE 1860.
DATES
DU PAIEMENT
%
NOMS DES CREANCIERS.
SOMMES
PAR UIOIS
doll. c.
doll. c.
Janvier
25
Cuno, Mense et Mayer. . . .
50 n
50 »
Fevrier
25
dito
50 »
50 »
Mars
10
dito
50 »>
«
15
Bouas .
42 » 1
A f\C\
«
15
Albert Hinzpeter.
50 » |
192 «
«
25
Cuno, Mense et Mayer. . . .
50
Avril
15
Albert Hinzpeter.
50 » i
ct
19
Marchand Paul.
58 79
■ 158 79
«
25
Cuno, Mense et Mayer. . . .
50
1
Mai
1
Schuienburg et Boeckeler . .
719 44
)
«
15
Albert Hinzpeler. .....
50 »
} 809 54
«
25
Cuno, Mense et Mayer. . . .
40 10
Juin
1
Ritter.
707 16'
\
«
15
Albert Hinzpeter.
50 »
807 16
«
25
Cuno, Mense et Mayer. . .
50 »
Juillet
1
Meyer, Krug et Meister. . .
370 07 |
«
15
Albert Hinzpeter......
50 » |
511 87
«
31
Bernier.
91 80]
Aout
15
Albert Hinzpeter.
50 »
50 »
Septembre
30
Dienaide.
54 50
54 50
Octobre
3
Genet.
142 70
142 70
Novembrc
30
Bernier.
108 »
)
«
»
Dieuaide.
50 84
► 158 84
Decembre
1
Ritter.
737 70
737 70
«
Propriete de Cheltenham. . .
3800 »
1
«
Edemberg.
500 »
«
Glenny.
47 71
> 4492 46
«
Schrick Julius.
144 75
•
Total . .
•
8015 56
t ■ *
8015 56
Quelques observations sont necessaires en ce qui re¬
garde les 3,800 dollars pour la propriety de Cheltenham.
Cette somme represente le billet qui echoitau 3 terrier
— 238 —
1861 et pourrait n’etre payequ’a cette date; mais il fau-
dra en payer une grande partie en I860, pour degager
tout a fait ranneal 861, pendant laquellela Coloniedoit
■entreprendre son agrandissement, conformement au pro¬
jet trace par son President a la fin de son Compte-
rendu semestriel de juillet dernier.
11 faudra done donner un a-compte d’environ 2,500
dollars sur ce billet, pendant fannee 1860. Et de plus,
solder le billet du 3 fevrier 1860, sur lequel il reste a
% i
payer trois cinquiemes, soit 1728 dollars.
Ces trois cinquiemes doivent etre payes savoir:
Un cinquieme ou 576 dollars en janvier 1860.
Un cinquieme ou 576 dollars en fevrier 1860.
Un cinquieme ou 576 dollars en Mars 1860.
En ajoutant ces sommes a celles portees au tableau
ci-avant, nous trouvons que nous avons a payer en jan¬
vier prochain 626 dollars; au mois de fevrier 626 dol¬
lars; au mois de mars 768 dollars; soit 2020 dollars
\
pour les trois premiers mois de l’annee, ou 10,605 ftv
Ces explications te feront comprendre pourquoi nous
portons dans nos dettes a‘payer en 1860, le billet pour
la propriety qui echoit en 1861. C’est que la partie qui
sera laissee a la charge de 1861, egalera justement celle
qu’il faudra payer de Janvier a Mars prochain, pour le t
bidet de 1860.
• * '■
Ainsi, mon cher ami, le moment est venu de faire
parvenir a nos freres tout ce que nous pourrons. Vois
tes amis, rappelle-leur les promesses qu’ils font deja
faites, sollicite de nouveau tous nos co-religionnaires,
tous ceux qui sont sympathiques a notre oeuvre d’eman*
— 239 —
cipation et de progres, fais-leur connaitre nos besoins
et les moyens de nous etre utiles.
Lasouscriptiona cinq centimes par jour, recoitcons-
tamment de nouvelles adhesions, tout les Icariens y
prendront une part de plus en plus active; et nous espe-
rons qu’elle produira la plus grande partie de la somme
dont nos freres ont besoin que nous leur fournissions
Tannee prochaine.
P. S. — Nous venons de recevoir une longue lettre
du President de la Communaute, en date du 7 decern-
• *
bre. II nous annonce que la famille Sertier, les citoyen-
nesDefay, Lacour, Aimee et Annette; les cit. Duhamel
et Saussieux ont ete admis definitivement et proclames
membres de la Communaut6 le 20 nobembre.
Le 3 decembre, ont ete admis provisoirement: la
famille Loiseau ; la citoyenne Bernard; les cit. Augier
et Mesnard.
Lie President confirme en touts points les details qui
precedent, sur la situation financiere pour 1860.
Parlant ensuite du personnel, il dit:
« II nous faudra pour 1860 un personnel choisi, pour
» que nous marchions vite, voici les professions dont
» nous avons besoin :
» Tailleurs (hommes ou femmes).. 12
» Cordonniers. . . . . 8
» Charrons.. 2
» Menuisiers. .. 3
» Tonneliers. \ . 2 :
» Macons (pierre ou brique). ... 2
i) Ferblantler.^ . ...» . *_ . . 1
» Charpentiers. 2
» Forgeron. 1
» Jardiniers. 3
» Femmes environ. .*. 10
» Enfants tres peu.
/- -Jt *
Total. ... 46 personnes.
» Toutes les personnes ayant ces professions, pourvu
» qu’elles soient Icariennes, qu’elles adoptent notre
» nouvelle marche d’union, d’ordre et de production,
» peuvent venir sans apport, avec leur trousseau seule-
* ment. Mais nous engageons toutes cedes qui n’ont
» pas les professions ci-dessus a ajourner leur depart a
» 1861 en continuant a nous aider par leur souscrip-
» tion. En venant l’annee prochaine, sans avoir les pro-
» fessions ci-dessus, au lieu de nous aider on nous en-
» traverait. Que tous nos amis prennent cet avertisse-
» ment en serieuse consideration : il est dans Finteret
» de tous, aussi bien dans le leur que dans le notre.
» Les charrons, menuisiers, charpentiers, tonneliers,
» magons et ferblantiers sont particulierement neces-
» saires, ainsi que les tailleurs et les cordonniers. Si
» tout ce personnel nous vient soyez sur que nous mar-
.» vite. >
Le cit. Mercadier me parle ensuite du troisieme am
niversaire de la mort du Fondateur d’Icarie, qui a ete
%
celebre le 20 novembre seulement, parce qu’on a at-
tendu Farrivee du depart de septembre pour qu’ils y
soient presents. II parait que la fete a ete tres belle. II
m’annonce Fenvoi du compte-rendu de cette fftte ; je te le
^ommuniquerai bientot.
Paris. —Imp. Felix Malteste et Cie,rue des Deux-Portes-Saiot-Saureur, 22.
-1
LETTRESICARIENNES.
SIXIKME LETTKE.
XV! II
Mon clier ami.
J’etais bien sur que les details contenus dans ma
lettre du rnois de decembre dernier t’auraient fait plai-
sir; on est lieureux en effet, de pouvoir suivre pour
ainsi dire pas a pas. jour par jour, les mouvements et
la vie des personnes que 1’on aime; surtout quand ces
• %
personnes se sont consacrees au triomphe d’un grand
principe social, et quand a leurs risques et perils, elles
cherchent a le realiser pour en doter le genre humain.
Et quoi qu’il advienne. c’est un honneur et un merite
qu’on ne peut refuser aux Icariens. On peut n’etre pas
de leur avis; on peut les trader de reveurs, d’utopistes
et le reste; rnais ceux-la memes qui se croient autorises
«a rirede ce qu’ils appellent leur chimere, sont forces d(^
11
%
— m —
reconnaitre qu’ils meritent le respect detous, pour leur
constanteet courageuse perseverance. Oui! cela est cer¬
tain, en continuant 1*oeuvre de la fondation d’Icarie au
milieu des innombrables difficulty qu’il faut vaincre, -
les Icariens donnent au monde la preuve d’un courage
peu commun. Et ce courage, cette perseverance dans
une entreprise aussi compliquee que celle de la creation
d’une societe nouvelle, peuvent paraitre plus meritoire
encore, si Ton fait attention quetous ceux qui v contri-
buent sont de simples travailleurs, n’ayant d’autres
forces morales que celle qu’ils puisent dans la convic¬
tion qu’ils luttent pour une idee vraie, d’autres ressour-
ces que leur travail, d’autre appui quecelui qu’ils trou-
vent en eux-memes : ayant contre eux tous les interets
contraires, tous les prejuges, tous les vices des ancien-
-nes societes. Ne trouvant aucun concours, ni chez les
/
savants, ni chez les ecrivains, nulle part enfin. IIs sont
seuls, ils voient leur isolement et ne s’en effraient pas;
ils ne se decouragent pas, parce qu’ils sentent qu’ils
ont Ja force de se suffire a eux-memes, parce qu’ils ont
le sentiment de leur mission, parce qu’ils sentent qu’ils
portent en eux le germe d’une civilisation superieure.
. Ils ont encore les pieds dans le vieux monde; ilsmar-
client encore au milieu del’egoisme, ou les interets indi-
vidualistes les sollicitent a jalouser, a hair leurs sem-
hlables; mais deja par la tete et par le coeur, ils vi-
vent dans un autre monde, oil la grande loi del’Huma-
nite, la. Fraternite des hommes, apparait comme le
symbole d’une vie nouvelle, dans laquelle vont entrer
les societes pour se regenerer et pour former la sainte
alliance que Beranger a chantee dans ces vers prophe-
tiques :
— 243 —
Humanite, regne ! Voici ton age,
Que nie en vain la voix des vieux 6chos,
Deja les vents au bord le plus sauvage
De ta pensee ont seme quelques mots.
Paix au travail! Paix au sol qu’il feconde!
Que par l’amour les homines soient unis:
Plus pr6s des cieux qu’il replace le monde!
Que Dieu nous dise : Enfants, je vous benis!
\ . ^ * i •
Les Icariens s’elancent avec enthousiasme vers ce
monde nouveau qui a ete apercu par tous ceux qui sa-
vent voir avec les yeux de l’esprit, parcequc la, il n’y a
plus ni exploiteurs ni exploits, ni maitres ni servi-
teurs parmi les hommes; mais seulement des freres et
des egaux, soumis aux mernes devoirs, jouissant des
memes droits; droits et devoirs resumes par ces mots:
Travail, Iytude, Amour du prochain, correspondant
a la devise de nos peres : Liberte , Ecjalite, Fraternite,
et la realisant dans sa triple manifestation de la vie
civile, intellectuelle et morale.
Ne nous arrelons pas inutilement a nous plaindre de
I’indifference qu’il y a pour nous, la ou nous devrions
trouver sympathie et concours. Au temps oil Jesus ve—
nait renouveler le monde, il trouvait deja des hommes
qui avaient: des oreillespour ne pas entendre el des yeux
pour ne point voir. Ne nous etonoons pas de retrouver
leurs semblables autourde nous, et consolons-nous-en,
en mettant en pratique ce proverbe americain: Aide-toi
toi-meme.
Oui mon ami, si les travailleurs veulent s'affranchir;
s’ils veulent secouer le joug de leur double tyran : la
naisere et 1 ignorance, ils doivent d’abord compter sur
€ux-m6mes et rien que sur eux-memes. Cette situation
n’a rien de desesperant pour eux, au contraire, c’est
pour ainsi dire un enseignement de la Providence, pour
leur apprendre que separes les uns des autres, ils n’ont
rien a esperer, que leurs efforts individuels seront tou-
jours impuissants et que la seule voie de leur salut est
dans 1 'association, dans la solidarity et dans I ’amour
fraternel.
Que ces conditions de notre affranchissement soient
toujours presentes a notre memoire, afin de nousy con-
former, en nous unissant, de plus en plus entre nous de
coeur et d’esprit; en nous identifiant toujours davantage
avec nos freres d’Amerique, pour realiser avec eux l’ideal
de 1’Humanite!
Je continuerai a te communiquer tous les details qui
me parviendront sur la marche de nos affaires, sur la
vie sociale dans notre colonie, sur son organisation, ses
travaux, etc. — Je vais d’abord te communiquer aujour-
d'hui la suite des rapports mensuels de 1859. Je viens
de recevoir celui du mois de novembre, qui comprend
cinq semaines. Cemois, sans etre mauvais, paraitn’etre
que mediocre comme resultat, cependant il laisse encore
un excedant de recettes sur les depenses de 284 dollars
27 cents, ou 1,492 fr. 40 c.
Je te ferai connaitre ensuite plusieurs documents qui
te feront encore mieux connaitre le present et l’avenir
de notre entreprise.
^ % .
RAPPORT MENSUEL.
(Novembre 1859.)
r 1 1 ' . \
» Cinq semaines, du 30 octobre au 4 decembre
1859, et par consequent 30 journees de travail.
I
— Wo —
» Nombre des travailleurs presents, 93, y compris
tous les membres de la Communaute, excepte les
enfants et les absents.
Nombre de journees.. . . 2,790 00
Journees fournies par le depart. ... 42 40
* • r-
Total de l’effectif. 2,832 40
X *
,> Ces 2,832 40 journees sont ainsi reparties:
• - f
Presence. . .. 2,491 60
Absence. 245 30
Inconnues. 95 50
Total. 2,832 ’40
» Les 2,491 60 journees de presence se divisent ainsi:
Interieur.i ..... . 1,526 50
Exterieur. . 965 10
Total.2,491 60
» Les 965 10 journees exterieures ont produit:
GAIN.
>
. Tail leu rs.doll. 422 56
Cordonniers. 153 22
Jardinage. 74 60
Forgerons. 232 55
Tonneliers. 10 15
Menuisiers. 0 60
Pharmacie. • . 4 . . 11 65
Confection. . . 5 00
Divers.'. . . . 146 59
--
Total. . .. 1,056 92
— 246 —
DEPENSES.
Animaux.
. doll.
50
25
Nourriture.
361
67
Matieres premieres. .
218
62
Ustensiles.
27
15
Outils.. .
4
45
Pharmacie.
7
10
Vetements.
3
00
Ameublement. . . .
»
0
Correspondance. . .
4
82
Chauffage.
28
55
Eclairage.
i -
38
35
Divers .
28
63
. Total .
772
59
e gain s’eleve a . . . .
1,056 92
La depense a]. 772 59
Difference.. 284 33
» Bien que le mois de novembre ne soit pas precise-
ment mauvais, principalement sous le rapport du gain,
cependant, les depenses etant assez fortes, cela le rend
mediocre seulement, surtout si Ton observe que ce mois
est generalement le meilleur de l’annee.
Cheltenham, 13 decembre 1859.
✓
» B. Mercadier. »
• t • « « • .t*
Voici maintenant 1’expose de la situation generate de
la Colonie, et particulierement de sa situation pour
l’annee 1860. Je te recommande de lire ce document
avec le plus grand soin; j’aurai a tten reparler souvent
pendant te cours de l’annee.
1
— 247 —
SITUATION GENERALE OE LA GOMMUNAUTE.
« %
»
SITUATION PARTICUjLIERE EN 1860.
« J’ai cru de mon devoir d’exposer a la Societc noire
veritable situation , non plus d’une maniere vague et
indecise, mais determinee par des chiffres positifs.
» Les membres de l’Administration et ceux de la
Commission des comptes, auxquels je l’ai communi¬
que, ont adopte, sans exception etavec une vive satis¬
faction, cette marche et l’ensernble de Fexpose qui va
suivre.
» Et, en effet, savoir nettement et voir a fond sa
position, pouvoir la saisir d’une main sure, etre
capable de la maitriser d’une maniere irresistible, n’est-
ce pas une chose dont les bienfaits sont nombreux et
incalculables ?
Yoyons un peu :
» Actuellement, les Commissions qui eclairent FAd-
ministration, et que celle-ci devrait toujours consulter,
donnent leur avis, et accordent les distributions; jus-
qu’ou s’etendra leur deliberation? sur quelle base
feront-elles asseoir leur avis ?
» llfaut de la production, du travail et de l’activite,
il faut, en quelque sorte, un sixieme sens pour bien
nous entendre dans tous les travaux, puisque notre
personnel et notre materiel ne sont pas en rapport avec
nos besoins. Ce sixieme sens, compose d’intelligence,
decoeur etde bonne volonte, n’est-ce pas l’esprit de la
situation qui nous le donnera ?
» Lorsque chacun saura ce que l’on doit depenser en
V
— 248 —
general, et pour chaque branche de rAdministration.
il comprendra la necessite de l’economie, et les regies
qu’elle exigera.
» Nous devons nous efforcer de faire une grande
propagande. Ces efforts sont-ils chose superflue, ou bien
sont-ils indispensables et jusqu’ou doivent-ils s’elever?
» L’ordre doit regner partout; est-ce upe verite ba-
nale ? Nest-ce pas une imperieuse necessite, dont Tom
bli pourrait amener de funestesconsequences?
» Le principe de la Communaute est celui-ci : chacun
consomme suivant ses facultes et chacun travaille sui-
vant ses forces. Ce principe que nous sommes venus
realiser, et qui est toute la Communaute , n’existe pas.
encore dans son application complete. Encore il faut
enaurer les privations, il faut encore travailler beau-
coup et sou vent par devoir pi u tot que par gout. Jusqu'ou
doit s’etendre ce devoir? Quelles genes doit-on sup¬
porter? Qui est-ce qui nous Tapprendra, si ce n’est
notre position ?
> Dans l’individualisme , une ou deux personnes
savent facilement ce qu’elles gagnent, et elles produi-
sent et depensent en consequence.
)> La Communaute ne peut-elle pas arriver a un pa¬
red resultat? La situation , en faisant connaitre et ce
que chaque branche doit consommer et ce que chaque
branche doit produire, ne dira-t-elle pas a chaque mem-
bre jusquou doivent alter et la part de ses efforts et la
part de ses sacrifices ?
)> Des Democrates, des Communistes, des Icariens,
des hommes que les luttes et la perseverance ont pu¬
rifies et ont revetus d’une cuirasse invulnerable ; des
hommes qu’une grande conviction anime et eleve ; ces
>
— 249 —
hommes loin tie desirer s’illusionner sur leur avenir el
sur leur present, doivent vouloir les connaitre a fond
pour s’y conformer, pour les diriger, pour les gouverner.
» Nous pensons aux soins et aux devoirs, a la pro¬
tection et aux egards que nous devons aux malades, aux
enfants, aux vieillards ; mais, y penser ne suffit pas, et
il faut etre a meme de bien les apprecier.
» Le Voyage en Icarie , que nous relisons tous en¬
semble, ne respire-t-il point partout Fordre et la pre-
voyance?
» La Communaute ne determine-t-elle pas d’avance
tous les besoins ? Ne sommes-nous pas venus pour rea-
liser la theorie de ce livre? Qu’est-ce qui nous empeche
d’avoir de Tordre, de la prevoyance et de tout connaitre
ainsi d’avance ?
o Que pensait, que disait Cabet, dont Fexperience et
• - #
le devouement nous sont si connus, au sujet de la ques¬
tion de Fordre dans la comptabilite? Nous devons nous
rappeler la comparaison qu’il aimait a etablir entre
Fouvrier ordonne et Fouvrier sans ordre ni conduite.
Nous connaissonstous les efforts qu’il a faits aNauvoo,
pour etablir une comptabilite simple mais generale.
» Nos institutions, basees sur le Voyage en Icarie ,
et dues au Fondateur de notre doctrine, ne sont-elles
jias semblablement remplies de la prevoyance et de
Fordre qu’il faut mettre en tout? L’Assemblee ne doit-
elle pas tout determiner et regler, tout d’une maniere
generale?
» Toute question soulevee, en fait de construction,
de travaux, de vetements, d’admission, ne demande-t-
elle pas, pour ^tre resolue convenablement etjuste-
ir
— 250 —
ment, la notion de la position generate ? L’un voudra un
refectoire, l’autre une industrie, celui-ci beaucoup d’ad-
missions, un autre voudra marcher rapidement a la
realisation du plan ; comment faire disparaitre ces de-
sirs plus ou moins moderes, ces causes de tiraillements
continued, si ce n’est par Fexpose de la situation, de
la situation qui doit commander tout, etre notre souve-
raine, et a laquelle nous devons tous nous soumettre
comme a Fimperieuse necessity ?
* Ne sommes-nous pas venus pour fonder Icarie ?
» Devons-nous esperer de pouvoir recolter avant d’a-
voir seme ?
» L’institution de la Gerance unique a ete un pas
vers la Simplification de FAdministration, et en meme
temps, une suppression de l’arbitraire ; tout doit se faire
d’apres l’Assemblee et selon Tavis des Commissions.
L autorite n’appartient qu’a la situation. Des lors, quelle
est cette situation ?
)) Un grand obstacle a la propagande, c’est qu’au de¬
hors, on ne connait pas assez la verite de notre posi¬
tion?
» Ainsi, pour cent bonnes raisons,, il faut savoir
dans quelle situation nous nous trouvons. Je vais le
dire; je le dirai sans aucune pretention d’arbitraire
ni de fausse science. La position que j’exposerai sera
ia veritable. Elle constitue un ensemble; qu’on ne la
juge pas d’aprcs une seule partie, et qu’on attende que
je Faie exposee entierement pour la saisir et l’appre-
cier.
y> Ce qui domine aujourd’hui notre position generate,
c’est la situation particuliere de Fannee 1860. C’est elle
que nous allons exposer, c’est si*r elle que nous ferons
i
— 251 —
pivoter toutes les appreciations dont nous accompagne-
rons ce travail.
, r,. •«,»». '
» La position de 1860 se determine par son budget.
» Ainsi quelles seront nos depenses, et quelles seront
nos recettes, en 1860?
' ; v ,
DEPENSES DE L’ANNEE 1860.
» Ces depenses sont de cinq especes r
> Nos dettes,
* Des pertes probables ;
o Quelques interets;
» Apports a rembourser;
* Nos depenses indispensables.
» Nous allons dire un mot de chacune de ces de¬
penses : #
lo Belies. — Elies se composent de la part de la
propriete payable en 1860, de nos effets a payer et de
quelques autres dettes non encore reglees. Ces dettes
forment un total de doll. 8,705 56. Nous allons les de¬
tainer dans le tableau suivant :
PROPRIETE.
Dans l’annee 1860, doll. 4290 00
EFFETS A PAYER.
Janvier.
25,
C.
Fevrier.
25,
c.
Mars.
10,
c.
7>
15,
B.
9
15,
AH.
»
25,
C.
Avril.
15,
A • tl* « • # • «
9
19,
M. P.
25,
r
• © • 0 • • •
• *
A reporter ..... doll.
50
00
50
00
50
00
50
00
50
00^
42
00 /
*
50
00^
192
00
50
00 J
— 252 —
4
Report. . .
. . (loll. 450 79
450 79
4290
OO .
Mai.
1, s .
.... 719 44 \
D
15, A,
H. .
.... 50 00 v
809 54
•
1)
25, C.
• •
. . . . 40 10 i
Jilin.
1, R
.... 707 16 \
0
15, A.
H. .
.... 50 00 ^
807 16
»
25, C
.... 50 00 )
"
Juillet.
1, M.
K. .
.... 370 07 )
a-
»
15, A.
H. .
.... 50 00 [
51i 87
u
31, B
.... 91 80 j
Aout.
15, A.
H. .
.... 50 00
50 00
• •-
Septembre.
30, D
.... 54 50
54 50
Octobre.
3. G
.... 142 70
142 70
Novembre.
30, D
)
»
30, B
• • •
. . . 108 00
> 158 84
Decern b re.
1, R
.... 737 70
737 70
3723
10
DIVERS
• '• t
CREDITEURS.
Date incertaine.
E. .
•
1
T)
G. .
. 47 71 >
692
46
D
J. s.
Totaux egaux. . . „ doll. 8705 56 8705 56 8705 56
» Nous remarquerons que les divers crediteurs et
ineme certains effets a payer ne sont pas regies defini-
tivement; mais excepte pour un seill, il n’ya pas de se-
rieuses difficultes. ’
» Le tableau ci-dessus est complet, a la condition
qu’onpourra payer, d’ici au l e r janvier, les dettes sui-
vantes : ’
M. K.doll. 20 oo
D.. 500 00
Q. 12 75
1. 13 85
B. ........ 12 15
A. H. 50 00
A reporter .... 608 75
Report . . . doll. 608 78
F. 38
C. 50 00
T ......... . 42 00
1. 80 00
Total.781 11
/
— . 253 —
4 ™ 4 #
d Si ces doll. 781.11 ne sont payes qu’en partie a la-*
fin de 1859, la difference devra etre rapportee sur Van-
nee 1860 ou 1861 ; mais comme cette difference sera
mineure dans tous les cas, nous n’en prenons pas note.
» Dans quelles conditions ces dettes se sont-elles
produites, et d’ou proviennent-elles ? Je ferai une re-
ponse sommaire a cette question. Nos dettes, en gene¬
ral, proviennent de rempruntque nous avons ete obli¬
ges de faire a Nauvoo, des depenses extraordinaires
occasionnees par notre installation a Cheltenham, des
frais de Bureau de Paris qui ne pcut pas encore se suf-
Jlre a lui-meme, de la perte considerable que nous a
eausee Findustrie de la filature , du desordre apporte
dans nos affaires en general, de Finsuffisance de notre
production ; car, il est bien difficile de reunir un cer¬
tain nombre de travailleurs sur un meme point, en les
faisant tous produire dans leur specialise, surtoutlors-
qu’on est prive du capital necessaire.
» Le montant et le terme de toutes ces dettes n’ont
pas ete determines arbitrairement par personne. Ilssont,
tous le resultat d’ententes, souvent longues et penibles,
des creanciers et de FAdministration. On a fait beau-
coup ; on n’a pu faire mieux.
» Ce chiffre, assez eleve, pent paraitre trop conside¬
rable a quelques-uns. Ils en auront une idee plus juste
et moins effrayante, en remarquant que, de mai a oc-
tobre 1858, c’est-a-dire en six mois, on a paye en ar¬
gent ejt non pas seulement regie, doll. 3243. 55, ce qui
fait 6,487.10 en un an , c’est-a-dire la somme a payer
en 1860, moins doll. 2,218. 46.
> Afin d’avoir une idee complete de nos dettes.
i
voyons ce qu’il nous restera devoir en 1861, a part les
termes de la propriety ?
Du Apres decembre 1860 :
C. ......... ... .... 100 00
L. 40 00
M. 200 00
M. 1. 61 69
Total. 401 69
%
» 2° Penes probables . — II pourra s’en rencontrer,
d’apres Fobservation que nous avons faite pour certains
debiteurs. II y en aura peu. Nous les supposons de
doll. 120 dans toute Fannee.
3o Interets divers . — Independamment des interets
Allen , lesquels sont compris dans Feffet a payer de
doll. 4,290 00, il y aura peu en 1860, parce que toutes
nos dettes sont reglees avecles interets , je les porte a
doll. 120 dans toute Fannee.
/
» 4* Apports a rembourser. — Le rapport entre les
difficultes de notre situation en 1860 et les qualites pos-
sedees par ceux qui vont Faflfronter sera tel, que nous
subirons inevitablement quelques retraites , que j’es-
time a doll. 720.00, pecuniairement parlant.
5° Nospropres depevses . —Elies seront, en 1860, li
peu pres les memes que de mai a octobre 1859. II sera
done facile de les determiner d’apres les six mois en
question.
Le tableau suivant represente les depenses moyen-
nes d’un mois en 1860 , comparees aux depenses
movennes d’un mois des* six derniers mois, dans toutes
V /
I
les branches de (’Administration.
CHAPITRES.
1 MOIS EN 1860. 1 HOIS EN 1859*
Animaux..
40
60
48
34
Nourriture.
246
81
289
47
Matieres premieres . .
222
73
162
53
Ustensiles.
12
99
13
54
Outils.
6
49
4
35
Pharmacie.
19
48
24
34
Vetements.
30
31
29
49
Ameublement ....
t
6
54
0
65
Correspondance . . .
4
33
3
93
Chauffage.
21
65
10
91
ficlairase.
17
32
9
25
Divers .
51
96
31
89
Totaux. 681 21 628 69
> II importe de bien remarquerque ce tableau men-
suel, d’apres lequel les depenses d’un mois s’elevent
en 1860 a 681 doll. 21 c. ne comprend reellement
que les depenses indispensables ou ordinaires de la So¬
ciety
t Le tableau represente la depense mensuelle; pour
avoir la depense de la semaine, il faudrait diviser par
i. 33, nombre de semaines que comprend un mois, et
pour avoir la depense de 1’annee, il faudrait multiplier
par 12.
Recettes en 1860.
« Nous aurons, en 1860, six moyens de revenu:
cc Nouvelle dette;
« Effets a recevoir;
« Apports a Saint-Louis;
« Recettes de Paris;
a Notre production.
1 ° Dette nouvelle. — On peut etre oblige d’en con-
tracter quelques-unes; mais peu; soit 600 doll.
. 2° Effets a rtcevoir. — En 1860, ils seront de doll.
240.
3° Apports a Saint-Louis . — Les departs de France
et des personnes venant de divers pays, apporteront
environ doll. 560.
4° Recettes de Paris . — Soit doll. 4,000.
5° Effets a Paris. — Soit doll. 300.
6° Notre production . — Connaissant toutes les de-
penses et toutes les recettes, hormis notre production,
, il est facile de determiner celle-ci. Elle doit s’elever, en
moyenne, a doll. 232, 10 par semaine, dans le courant
de 1860.
« De Mai a Decembre 1859, elle va s’elever a environ
doll. 200.00 par semaine , ce ne serait done qu’une
somme d’environ doll. 32.00 qu’il faudrait produire
en plus en 1860, ce qui n’a rien d’excessif ni d’impos-
sible.
« Ce qui fait connaitre la production reelle d’une se-
maine, e’est l’exces du gain sur la depense; en 1860, ii
doit etre de doll. 76 26 par semaine. En 1859, il a du
etre de doll. 59.08 : Difference doll. 17.18 en plus. Ce
n’est done pas, nous le repetons, irrealisable.
' a Mais, comment obtenir cette production? D’abord,
en maintenant tous les ateliers actuels, parce qu’ils
sont necessaires pour l’usage de la Communaute, et
qu’il faut toujours les conserver; ensuite , parce que,
en les maintenant, ils suffisent pour atteindre au cbiffre
exige ; et enfin parce que, s’il ialiait en organiser d’au-
tres, du moins des ateliers importants,cela derangerait
i
1a. production courante, tout en necessitant des frais
assez forts relativement a notre situation.
» Yoici un tableau qui represente la moyenne de la
production par semaine, et atelier par atelier, avec une
— 257 —
comparaison avec la moyenne (Tune semaine de mai a
octobre 1859; cette moyenne est calculee d’apres la
moyenne precedente, d’apres les renforts probables que
recevront les ateliers, et d’apres les autres circonstances
dans lesquelles ils vont se trouvcr.
ATELIERS.
SEMAINE EN
I860.
SEMAINE
EN 1859
f
Tailleurs. . . .
•
00
47
86
Forgerons . . .
. 50
00
32
83
Jardinage . . . .
00
29
02
Cordonniers . . .
. 33
00
21
85
Tonneliers. . . .
00
4
21
Menui^ers. . . .
00
0
87
Pharmacie. . . .
50 .
0
94
Confection. . . .
. 6
00
4
27
Constructions. . .
00
0
00
Divers .
« i
60
50
69
Totaux. 232 10 192 54
d Maintenant, void le resume, chapitre par chapi-
tre, et par annee, par mois et par semaine, de toutes
les depenses et recettes de 1860 ; ce qui constitue le
budget de 1860.
BUDGET DE 1860.
Mois. Semaine .
625 46 167 42
10 00 2 32
10 00 2 32
60 00 13 82
774 78 155 84
1480 24 341 72
Cha pitres. Annie.
DEPENSES.
Dettes.; doll. 8705 46
Pertes probables. 120 00
Inlerets divers. 120 00
Apporls a rembourser . . 720 00
Depenses de la Societe. • . 8097 36
. Tolau* ...... 17762 82
— 258 —
RECETTES.
Dette nouvelle. 600 00 50 00 11 55
Apports a Saint-Louis . . 560 00 46 66 10 77
Recettes A Paris. 4000 00 333 33 76 90
Effets a Paris. 300 00 25 00 5 78
Effets 5 recevoir. 240 00 20 00 4 60
Notre production .... 12062 82 1005 25 232 12
Totaux. 17762 82 1480 24 341 72
» Telle est la position vraie, positive, certaine, tie
1860. Nous ne saurions la voir autrement. Elle est
done pour nous notre maitre, notre souveraine 2 notre
regie. . . , .
» Nous ne devons pas nous illusionner en esperant
ce que j’appelle une bonne fortune. Comptons sur nous.
» Prevoyons plutot une mauvaise fortune, un incen-
die, par exemple, et faisons ce qu’il faut pour la pre-
venir.
» Mais, dira-t-on, voila une annee de plus de gene
et de sacrifices; apres cette ann£e, n’y en aura-t-il pas
une autre, et puis une autre ? Nous repondons que nos
depenses necessaires seront assez elevees pour que nos
privations soient bien suppor.tablesy et que d’ailleurs Ja
chose est necessaire. Si elle etait facultative, on pourrait
Pecarter ; mais, si elle estforcee, on doit faccepter et la
maitriser. De plus, cette situation est loin d’etre un
systeme; car, des 1861, nous serons mieux a faise, et
chaque annee suivante, nous le serons de plus en plus.
» Voyons plutot par quelques chiffres. Suivant ce
que nous avons dit plus haut, nous devrons en 1861.
avec la propriete, doll. 500, e’est-a-dire, doll. 4000
de moins qu'en 1860. D’un autre cote, nous pouvons
— 259 —
compter sur doll. 1000 en plus pour le gain et doll.
1000 en plus, pour la propagande. Ce qui fait un total
de doll. 6,000 dont nous pourrons disposer en 1861.
Que ne peut une Societe dont tous les niembres tra-
vaillent avec une somme de doll. 6,000 ? Notez bien
que la propriety n’etant payable qu’en 1862, nous pour¬
rons disposer d’une grande partie dans la premiere
moitie de 1861. En 1862, la dettediminuera encore, la
production augmentera de plus en plus, ainsi que la
Propagande. Ainsi, on peut se faire une idee d$ notre
avenir , et voir par des chiffres qui ne sont pas etablis
surdes donnees incertaines, que notre "situation tendue
n’est pas une necessity, n’est pas forcee, n’est pas sys~
tematique.
» Dans la Communaute, nous ne le nions pas. on a
toujours endure certaines privations, cette circonstance
pourrait faire croire qu’il en sera toujours ainsi. Ce se-
rait une erreur. La situation critique dont nous parlons,
etait due aux divisions et aux tiraillements politiques
qui portaient prejudice au travail. Dans cet etat de cho-
ses, on ignorait en outre ce qu’il fallait faire pour en
sortir. On ne se rendait pas assez compte. On ne con-
naissait pas la marche a suivre. Maintenant, le regne
des discussions est passe; la production et le travail
sont nos plus cheres occupations. Nous avons trace une
» • .
marche, suivons-la , et nous arriverons a un bon resul-
tat.
» Dans notre compte-rendu de juillet dernier, pre-
voyant Favenir, nous avons dit qu’il nous faudrait qua-
i .
tre ans pour payer toutes nos dettes et bien organiser
la production , de sorte que, dans quatre ans nouspour-
t
— 260 —
rions prendre une extensiou serieuse. On voit que nous
ne nous sommes pas trompes. En 1861, au printemps,
les dettes seront payees , en 1863 , vers le milieu de
l’annee, c’e§t-a-dire au bout de quatre ans; la produc¬
tion pourra etre bien organisee et considerable.
» Ceci bien connu, on voit clair dans le present et
l’avenir; tous les problemesde notre situation peuvent
■
aisement se resoudre. Prenons quelquesexemples.
%
» Nousavons fixe un chiffre pour les depenses; veut-
on l’augmenter? Yeut-on des depenses plus elevees?
c
Qu’on trouve d’abord d’autres moyens de production.
Si Ton ne le peut pas, qu’on accepte les depenses telles
quelles.
» Yeut-on acheter une ferine en 1860 ? Le pourra-t-
on ? Oui, si celui qui la veut, trouve dans notre position
d’autres moyens de production. Non, dans le cas con-
Iraire. II faut remettre.
» Veut-on creer quelque industrie considerable en
1860? Le pourra-t-on? Oui, avec une production plus
grande; non, sans cela. f.
» Pourra-t-on, suivant ce que Ton desire vivement,
faire en 1860 des constructions? Pourra-t-on fairememe
des constructions modeles? Pourra-t-on fairememe des
constructions importantes? Meme reponse que plus
haut: oui, dans ce cas ; non, dans Tautre cas.
» Quel personnel pourrons-nous faire venir en 1860?
De 30 a 40 personnes. S’il en vient davantage, ou les
logerons-nous ?
» Voila pour le nombre. Quant aux professions, les
suivantes, composant la meilleure liste, devraient etre
reunies le plus possible :
Tailleurs hommes et femmes.10
Cordonniers.*. 6
Charron. 1
Menuisiers. 3
Tonneliers. . .. 2
Ferblantier. 1
Charpentiers. 2
Forgerons. 1
Jardiniers. 2
Citoyennes en plus , environ. 12
Enfants, Ires peu. »
. Total. ..40
Avec ces professions, Fapporl n’est pas nece ssaire
mais il importe d’avoir le trousseau et les frais de
voyage. Tres peu d’outils; les bons et pas volumi-
neux.
» Cette position avec ses inconvenients et ses avan-
tages, est necessaire; il faut Faccepter. Mais cela ne
suffit pas. 11 faut en avoir tout Fensemble et la com-
prendre dans toutes ses consequences. Les void :
» Economie :
j
» Certaines qualites morales ;
» Production ;
» Ordre;
» Secours contre Fincendie ;
» Propagande.
» Nous allons dire un mot, en passant brievement,
sur toutes ces consequences de notre position :
f
» I® Economie. —Nos depenses nepeuvent s’elever
qu’au chiffre determine de notre production. Moins
nous produirons, moins nous pourrons depenser. Il faut
que, pour les choses principales, comme Finfirmerie et
la nourriture en general, il y ait ce qu’il faut; pour les
choses (Tune urgcnce moins grande, elles supportent les
consequences du defaut de production. La position 6tant,
connue , Peconomie devrait venir de soi et de tout le
monde. Si des mesures deviennent necessaires, et, si
PAssemblee doit etre appelee a les fixer, il faudra y
arriver. Dois-je developper cette idee banale que Tfico-
nomie, en tout temps et dans tout commencement, est
la source du bien-etre et de 1’aisance? Dois-je citer
l’exemple de la Colonie de Bishop-Hill , qui, riche rela-
tivement, se prive pendant une annee de prendre le
cafe, parce que la recolte avait ete inferieure a ses pre¬
visions.
)> 2° Les qualites denotre situation sont la patience,
la perseverance, le courage. Nous devons etre soutenus
^t par Pidee de notre mission, et par Pavenir beau de
promesses, qu’il appartient a nous de realiser.
» Une observation a cet egard : en reflechissant sur
les evenements d'lcarie, on est frappe d’une chose,
c’est que la dissidence et la division_ont toujours eclate
au moment ou notre marche allait prendre une tournure
avantageuse. A-t-on oublie Nauvoo, en 1856, et Chel¬
tenham dernierement? Cela prouve qu’on a manque de
perseverance. Ayons-en un peu plus. Continuons a faire
comme tous ceux qui ont toujours persevere, et nous
realiserons pour nous cette verite : a qui sait perseverer,
i
Pavenir appartient.
t i •
» 3o Production . — Maintenir les ateliers existants,
en detachant 1’atelier de construction de Patelier des
divers, les renforcer un peu, les organiser de mieux en
mieux; tel doit etre, selon nous, le programme de la
production. Aux raisons donnees plus haut, nous ajou-
terons que , si le gain de ces ateliers ne peut jamais
etre considerable, il est sur neanmoins.
» L’Administration fera connaitre specialement a
ebaque directeur d’atelier les efforts que Tatelier doit
jfaire pour la production en 1860 ; le Directeur soit
seal, soit avec 1’Administration, s’entendra avec tout
• 1 atelier. La moyenne de chaque atelier devra 6tre rea-
lisee a tout prix, a moins d’une impossibilite. Notre
production etant generalement basee sur nos rapports
avec le voisinage, il sera necessaire de repandre une
nouvelle circulaire des le debut de l’annee prochaine.
Nous nous contentons de rappelerque chacun est oblige
de travailler pendant un certain nombre d’heures, mais
i
surtout d’avoir l’intelligence de la position particuliere
de son atelier et du concours qu’on peut y apporter,
afin de tircr parti de tous les avantages et de remedier
a tous les inconvenients.
» 4° Ordre’ — Que les rapports soient exactement,
faits et soient complets, conformement a la loi;
» Que les livres d’ateliers soient tenus ;
Que les inventaires soient faits au jour voulu ;
» Que les ateliers soient definis, et dans leur objet.,
et dans leur personnel;
I ' j> Que la liste soit toujours au refectoire;
» Que la comptabilite generate soit toujours au cou-
rant et toujours surveillee ;
» Qu’elle soit completee par les comptes mensuels du
bureau de Paris;
» Que le livre des apports en argent et en nature soit
bien tenu;
» Que les comptes soient regulierement, souvent et
simplement rendus a la Societe.
— 264 —
I
» Voila Ie programme de I’ordre. Si nousen voulons,
executons ce programme. Si nous ne I’executons pas,
n’allons pas dire que nous voulons l’ordre.
% ' • (
» Nous aurions une infinite de raisons pour appuyer
ee programme. Nous dirons seulement ici et pour tout
resumer, que rAdministration, en Icarie, c’est tout le
monde, c’est le gerant des finances, c’est le teneur de
livres, c’est le directeur de tout atelier, c’est le membre
qui seul, forme un atelier, c’est chaque membre d’ate-
lier. La comptabilite embrasse tout, et, si une seule per-
sonne omet de faire connaitre les seules operations d’un
atelier, la comptabilite en souffre. Voulons-nous une
bonne Administration ? Sovons tous de bons adminis-
trateurs.
» 5° Secours contre I’incendie . — Ce que nous avons
a dire de plus juste ici, c’est que tout le monde sent
l’urgence de les organiser au plus vite.
» 6° Propagande. — Void en quelques mots, son
programme.
» II faut lui donner une impulsion decisive.
» 11 faut faire une circulaire pour nos echanges;
» Une autre circulaire plus developpee, pour les lea¬
dens en general, pour reveiller la foi des anciens, pour
allumer la foi des nouveaux proselytes.
Le Bureau de Paris, par ce reveil et ce developpement
de la propagande, par les commissions de France en
Amerique et reciproquement, par l’envoi de dons utiles,
doit parvenir a se suffire lui-meme.
» II va falloir adopter les deux propositions concer-
nant le Bureau de Paris.
» L’elan donne en 1860, nous le soutiendrons en
1861 par de nouvelles mesures, dignes de la mission que
nous avons a remplir.
— 265 —
» Citovennes et Citovens, voila notre situation. Telles
50 lit les lecons du passe. Tel est notre present, tel est
notre avenir. II est incontestable que si nous avons les
qualites qu’on a exigees de nous, que nous avons dit
avoir, en venant en lcarie, cette position bien examinee,
sans illusion comme sans frayeur, cette position est
belle, elle est heureuse.
» Quoi qu’il en soit, elle est telle.
> Mon devoir etait de la faire eonnaitre a la Societe;
je l’ai fait.
» Le devoir de chacun est de s’v conformer dans
la mesure de ses attributions; que chacun fasse son
devoir. »
(Expose a l’Assemblee generate, dans sa seance du
3 decembre 1859.)
Le President de la Communaute ,
B. Mercadier.
Get expose de la situation de la Colonie a, parait-il,
produit un enthousiasme general dans la Communaute.
La lettre suivante, quej’ai recue d’un de ses membres,
te donnera une idee de Tesprit qui anime en ce moment
nos freres de Cheltenham.
Cheltenham, 21 decembre 1859.
» Mon cher Beluze ,
> Ah ! si tous les Icariens avaient pu entendre le cit.
Mercadier dimanche au Cours, je vous ass
plus froids, les homines les plus inse
seraient sentis transports d’enthousi
Tesperance en nos principes se seraien
leur cceur et, comme nous tous, il
— 266
Crete resolution de marcher tete baissee vers la realisa¬
tion d’Icarie. Dimanche dernier, le cit. Mercadier a
traite la question de la production pour Tan prochain,
au point de vue moral et materiel, mais il l’a faitavec
tant de chaleur, avec lant d’energie, qu’on remarquait
en lui , dans tout son etre, FHomme qu’une foi ine-
hranlable anime; pret a sacrifier et a tout supporter
dans l’interet de la Communaute, et ce qui vous trans¬
pose davantage; c’est que ses paroles marchent d’ac-
cord avec sa conduite. Cornme je vous Tai dit, il redou¬
ble de plus en plus d’activite et de courage ; on le voit
donner la main partout et a tout, enfin l’esprit du vene¬
rable Cabet s’est incarne en lui : aidons-le, aidons-le.
» Il n’est pas possible que des hommes comme
Mercadier puissent jamais changer. »
Cette autre let!re a ete envoyce a quelques-uns de nos
amis pour leur exposer, a un autre point de vue, la
situation generate de notre entreprise et pour leur de-
montrer la necessite de Y union entre les Icariens du
dehors et les Icariens de la Colonie. Et la necessite de
la part des premiers de donner aux seconds un concours
actif pour fonder Icarie. 11 fautbien, en effet, que chacun
sache qu’Icarie ne peut naitre que de nos efforts communs.
LETTRE A GORILLA ET A SON FRERE MAXIMILIEN.
Cheltenham, decembre 1859.
» Bien chere Sceur et cber Frere,
» On vons a ecrit plusieurs fois, soit de Cheltenham,
soit de Paris. Dans le desir d’obtenir de vous des re¬
ponses de plus en plus nombreuses et precises, nous
— 267 —
\
vous ecrivons encore. La longue et derniere lettre aCo-
rilla , qu’une de nos sceurs lui a envoyee de la Colonie,
n’a pas recu de reponse assez satisfaisante. Quant a son
frere Maximilien, notre ami Beluze lui a ecrit souvent
de Paris; il est bon qu’il parte pour lui quelques lettres
du sein de la Societe.
d Est-il besoin de developper longuement la necessity
ou nous sommes de nous donner souvent et complete-
ment de nos nouvelles? Des amis, des hommes de pro-
gres, des Icariens, des Colons, des Fondateurs d’une
gigantesque entreprise, ne doivent-ils pas sympathiser,
fraterniser, s’encourager, se surveiller, adoucir leurs
peines mutuelles? Quelle douleur est comparable a
eelle qu’eprouve une mere qui ne recoit pas de lettres
de ses enfants, absents depuis longtemps et bien eloi-
gnes I L’abandon et l’indifference ne sont-ils pas les
$ —
fruits amers d’un cceur sec, lache etingrat?Quand nous
savons que vous vous souvenez un peu de nous, nous
noussentons plus heureux. La reconaissance et l’atten-
tion ne sont-elles pas les plus douces recompenses de
ceux qui savent sesacrifier? Ah! chere soeur et cher frere.
ecrivons-nous, ecrivons-nous souvent et longuement;
tandis que le froid mortel de Tegoisme et de Tinsuppor-
table indifference glace les hommes et les societes de
% •
l’individualisme, elevons-nous par rechange de nobles
sentiments et de laborieuses et chaudes idees, a la hau¬
teur que les temps et notre situation nous indiquent
d’une voix et d’un geste irresistibles.
» En outre, il y a dans notre position actuelle, un
motif de plus pour nous faire communiquer. Cette posi¬
tion particuliere est un changement complet. Depuis sa
fondation, la Colonie a vegete, parce que ses elements
268 —
etaient peu favorabies ou contraires a son but. Mainte-
nant, elle va naitre, pousser de profondes ratines,
grandir. C’est une transformation, c’est une resurrection;
c’est Lazare, appele par la voix de la verite, sortant du
tombeau, rejetant bien loin son linceul, ets’ecriant qu’il
veut vivre.
» En quelques mots, nous vous indiquerons et vous
comprendrez la nature de cette transformation. Elle
date de nos evenements derniers qui, malheureux dans
un sens, ont eu un bon cote et un bon resultat. Avant
cette epoque, la Communaute s’etait livree a des dis¬
cussions sans fin qui I’empechaient d’entrevoir et de
suivre une marche bien arretee ; sans compter que la
production souffrait enormement de cet etat dechoses.
Apres la derniere crise, les discussions ont ete mises de
cote, et le regne de la production a ete inaugure. Avec
la production, l’aisance et lebien-etre, le contentement,
Fesperance, la certitude du succes.
)> Les comptes-rendus de la Societe vous tiendront,
tons les six mois et tous les ans, au courant de notre
marche generale. Nous vous y renvoyons, en vous les
recommandant. Pour aujourd’hui, nous allons vous
faire connaitre quelquCs faits particuliers, qui vous
feront voir si nous suivons reellement une bonne voie.
» Au mois de mai, apres la derniere dissidence, la
situation financiere etait assez tendue et nous avions
beaucoup de dettes a payer. Nous avons mis de Fordre
dans cette serie de dettes, en les distribuant par annees
et par mois. Jusqu’ici, nous avons fait face a tout. Le
chiffre paye a la fin d’octobre s’est eleve a doll. 3,243.55.
Nous avons obtenu ce resultat tout en produisant de
quoi fournir a toutes nos depenses indispensables. La
dette a payer pour l’annee prochaine est determinee :
nous la paierons. Apres 1860, nous devrons peu et nous
• •
produirons plus ; alors nous pourrons prendre un essor
assure, un elan decisif; alors la Communaute entrera.
dans une periode de succes certain , et de plus en
plus rapide.
» Le depart, petit en nombre il est vrai, venu en
avril dernier, vient de se faire admettre dePmitivement,
an jour de l’anniversaire de la mort de Cabet. Tous ses
membres se sont fait admettre, excepte un seul qu’on
a ajourne parce qu’il n’a pu perdre encore l’usage du
tabac. Ces admissions et cet ajournement prouventa la
fois, et la resolution de la Colonie de rester dans la voie
indiquee par son fondateur, et les bons effets de la
marche quenous suivons.
> Deux autres departs, celui de septembre et celui de
juillet derniers sont arrives etsesont fait admettre pro-
visoirement. Un seul membre a demande son ajourne¬
ment, par le motif qu’il ne connait pas encore assez
nos lois et nos habitudes ; notre avis est qu’on le tolere
tant qu’il se conduira loyalement et en travailleur se-
rieux. Les autres membres de ces deux departs ont Lair
de se plaire et de comprendre Icarie et sa position.
» Cestrois departs, et lespersonnes qui sont entrees
chez nous isolement, ont eleve le chiffre des membres
de la Commenaute a un nombre egal a peu pres au
chilfre du personnel avant la derniere dissidence. Ce
fait, qui ne manque pas de signification, fait voir qu’il
faut peu s’inquieter des retraites qui s’operent, Les
causes qui les font naitre sont infmies. II y en aura tou-
jours plus ou moins. Elies constituent l’exercice de la
Liberte individuelle; que chacun soit done libre, de
— 270 —
res ter s’il prend a cceur notre mission, ou de se retirer
si celle-ci n’est plus de son gout. Nous vous apprenons
ici, si vousne le savezdeja, les retraites d’une famille
dont les deux fils avaient precede les parents de plus
d’une annee; d’un jeune homme qui est alle rejoindre
sa mere, et d’un celibataire. Telles sont les retraites les
plus recentes. Leurs motifs ? Nous pouvons vous expri¬
mer les plus connus : Les parents en question ont de¬
clare etre venus pour leur fils et non pour la Commu-
naute, et les fils, ainsi que fautre jeune homme, s’en-
nuyaient . Habitues a tout ridiculiser, quand ils ont eu
tari la source de leur esprit, l’ennui s’en est suivi.
S’ennuyer en Icarie, lorsque Ton a devant soi 1’Avenir,
le Travail, les Divertissements, le Cours Icarien, l’As-
semblee , et que chacun peut et doit y prendre part ?
Leur coeur et leur intelligence etaient done a sec? Le
comprenez-vous, chers amis ? Quant au celibataire, il a
trouve que les citoyennes etaient en Icarie trop suscep-
tibles et trop reservees. Quel prejudice la retraite de
tels Communistes peut-elle nous causer? Il seraita de-
sirer que ceux qui viennent soient plus resolus et plus
pratiques; mais, leur imperfection admise, e’est un
grand bonheur qu’ils se separent’ d’une entreprise qui
demande le deployment de belles et solides qualites.
» L’anniversaire de la mort de Cabet a ete celebre
dans le courant de novembre. Jamais fete n’a ete plus
belle en Icarie. Le banquet a ete admirable. Chers ami ,
qu’elle est eloquente la reunion nombreuse qui a lieu
sous l’oeil vivifiant dela Fraternite! Cette fete a montre
que, si nous nous occupons de la production et de
l’aisance, nous ne laissons de cote ni l’intelligence, ni le
sentiment que ces solennites developpent et purifient.
X
— 271 —
» Nous ne vous parlerons pas longuement du Cours
icarien , dont les lettrcs de notre ami Beluze vous font
connaitre la situation; en ce moment, ou il y a peu de
travaux exceptionnels et peu de maladies, le Cours reu¬
nit presque tous les membres de la Famille. Cette cir-
constance le rend plus imposant et plus agreable.
Lorsque tout le monde, soit du dehors, soit de la Colo-
nie, y prendra une part plus grande il produira de
meilleurs resultats. En attendant, chaque associe y vient
tour a tour faire des lectures, y lire le \rai Christia -
nisme et le Voyage en lcarie , sans compter les sujets
que chacun peut y traiter.
o En lcarie, dans notre position, les enfants restent
avec leurs parents jusqu’a l’age de deux ans; ensuite,
ils couchent cliez eux, et vont a la petite ecole le jour;
vers l’uge de cinq ans' ils entrent a la grande ecole. En
‘ 4 O
ce moment Fecole des jeunes fllles n’existe pas; les
deux ou trois jeunes filles que nous avons assistenta
la plupart des lecons de Fecole des garcons. Tous les
dimanches, au Cours Icarien, on lit un rapport sur la
situation de Fecole, nos enfants laissent certainement
beaucoup a desirer; mais notre ecole, telle qu’elle est,
presente deja quelques avantages incontestables.
y> Nous vous dirons peu de chose des divertissements;
ils prennent cet hiver une grande extension, et ils ins-
pirent un attrait de plus en plus vif. Nous avons des
ehceurs, des chants, de la musique, Theatre, Bal, Soi¬
ree. Tous les dimanches, nous avons quelque divertisse¬
ment; chaque dimanche Fespece varie. Notre journal
raconte chacune de nos soirees. Un fait important, c'est
que nous commencons a creer nos divertissements :
deja, nous avons de la Musique Icarienne , des chants
272
Icariens, des pieces Icariennes; c’est encore peu sans
doute, mais cela viendra, et, dans notre position, le
resultat obtenu est deja sensible.
» Quant a notre position materielle, le vetement est
la question la plus embarrassante, et celle qui laisse
sans doute le plus a desirer. Le grand obstacle est la
gene. Si elle disparaissait ce serait bien vite amelior Telle est notre position. Pour un homme faible et
irresolu , il est certain qu’il ne se plaira pas parmi
nous. L’homme serieux et qui sait ce qu’il vient faire
en Icarie, se sentira heureux; il trouvera la situation
materielle meilleure qu’il ne l’attendait. Son devoue-
ment sera au-dessus de la situation. Celle-ci est un me¬
lange de choses bonnes et de choses imparfaites. Celui
qui n’est pas facile trouve a redire a tout. Quelqu’un
de serieux, et qui se penetre bien de la necessity est
satisfait de tout. L’aspect des choses change suivant le
point de vue qu’on choisit pour les juger. C’est ce qui
vous explique pourquoi tel se retire, et tel autre reste et
cherit de plus en plus la Communaute. Ceci doit vous
montrer combien pen d’importance ont les retraites.
line personne qui se retire , cela veut dire qu’une per-
sonne ne se plait pas; mais cette personne serait-elle
votre meilleur ami, votre parent, cela ne veut pas dire
que vous et que dix, vingt, cent autres, ne se plairaient
pas.
» Yoila done, chere Corilla et cher Maximilien, voila
done cette Communaute que ses ennemis , et ils sont
nombreux, jugent avec tant de legerete ; certains, vous
le savez bien , la disent, morte. Il est vrai, elle a bien
souffert, et il est vrai que ses adversaires ont tout fait
et tout dit pour la tuer; mais elle est loin d’avoir rendu
12 ^
274 —
le dernier soupir. Elle est forte; elle est vivace. Ses
membres sont moins nombreux, ils sont plus r^solus
que jamais. Les crises qui la traversent la purifient.
Comme le phoenix, elle renait de ses cendres. C’est le
bataiHon sacre, qui ne se rend jamais. C’est qu’une foi
vive, energique l’anime; c’est qua travers les revolu¬
tions, les deceptions, les insultes, l’indifference, les
ruines, elle marche, elle marche encore, elle marche
toujours, soutenue par l’idee qu’elle remplit une mis¬
sion utile a l’Humanite.
» Chers coreligionnaires, vous et vos amis ne devriez
jamais oublier que parmi ceux qui sont encore ici h
leur poste, il y en a plus d’un qui ont jure , et ce ser-
ment est aussi sacre qu’il est secret, de ne jamais
abandonner le drapeau de la fondation d’Icarie. Plus
d’un a fait a Icarie le don de son dernier soupir. Com-
bien d’hommes de cette trempe faut-il pour assurer le
succes d’une entreprise! Ne vous etonnez plus si main-
tenant la Societe est debout, si aujourd’hui plus que
jamais elle concoit les plus belles esperances.
)) L’avenir est a nous. Tous nos actes le disent. Une
autre fois, nous vous parlerons du plan general de la
propriete, qui vient d’etre adopte; aujourd’hui, nous
nous contenterons de le mentionner, pour vous faire
voir que, puisque nous nous occupons de ce que nous
ferons dans 5, 8, dix ans, nous n’avons guere l’intention
de mourir comme Societe.!
« Mais, chers et nobles amis, il ne faut pas s’endor-
mir. Ce n’est qu’a force de pratiquer que nous nous
eleverons a la hauteur de la situation. Pratique en ame¬
lioration, pratique pour 1’ordre, pratique pour l’econo-
— 275 —
mie, pratique dans la production, pratique dans la pro-
pagande; il en faut partout. Faisons peu de bruit:
agissons.
» Le devoir de pratiquer incombe aux membres de
la Colonie; Fetendue de ce devoir a ete donnee. Quelle
est la mesure de la pratique exterieure? C’est ce que
nous allons vous faire connaitre, et c’est par la que nous
terminerons cette lettre.
» Nous vous rappelons, chers amis, plutot par pure
forme que par crainte que vous Fauriez oubliee, que
%
vous devez, en ce qui regarde la pratique generate, vous
perfectionner, cesser 1’usage du tabac et des liqueurs
fortes, vous moraliser, vous instruire, correspondre avec
la Colonie et avec tous nos amis du dehors, faire des
adresses, traiter dessujets dansvos reunions defamille
pour le Cours Icarien, et faire generalement tout ce qui
peut rendre la propagande fructueuse.
» Nous vous parlerons en particulier de FEmprunt,
du personnel qu’il nous faudrait en 1860, denotre bu¬
reau d’affaires et du journal.
» II faut, pour que nous fassions face a tout, Fannee
prochaine, il faut que nous recevions, ni plus ni moins,
doll. 4,000 (20,000 francs) de FEmprunt. En outre, il
faudra penser aux frais et aux remboursements du bu¬
reau, soit doll. 2,000 environ. C’est done un total dc
doll. 6,000 (30,000 francs) que FEmprunt doit rappor-
ter en 1860. C’est necessaire, indispensable. 11 le faut.
Rappelez-vous que les obligations de FEmprunt rappor-
tent 5 0/0 et qu’elles sont garanties par une delegation
surla propriete de Cheltenham. Si nous rappelons cette
derniere circonstance, c’est que nous approuvons et
comprenons qu’un ouvrier qui a fait quelques econo-
276 —
mies a la sueur de son front ne peut ni ne doit les expo¬
ser sans se rendre compte de ce qu’il fait.
» Chers amis, il nous arrive souvent de nous deman-
der ce que vous et vos amis vont faire pour Icarie. Pour
repondre a cette question, nous nous souvenons de la
conduite de nos co-religionnaires en 1856, pendant les
luttes de Nauvoo, pendant notre retraite a Saint-Louis,
apres la mort de Cabet, et en 59 al’epoque de nos eve-
nements derniers et depuis; nous nous souvenons que
cette conduite a toujours ete en rapport avec la situa¬
tion. Nous en concluons, par analogie, qu’elle sera de
meirie en rapport avec la situation generate, et avec la
situation particuliere a 1860.
» En terminant, en vous demandant des adresses col¬
lectives ou des lettres particulieres, en vous promettant
de vous ecrire de temps en temps, nous vous assurons
que ce n’est pas en amis seulement que nous vous en-
voyons cette lettre; nous vous l’envoyons au nom du
devoir, au nom de la grandeur de notre mission, au nom
de Fardente foi qui doit animer des reformateurs et
des soldats de l’humanite.
» L’amitie peut unir deux ou quelques individus :
Fidee et le sentiment de la Fraternite ont seuls assez de
chaleur et assez de force pour unir une foule nombreuse.
tous les membres d’une association, tous les hommes
43ii general.
» Cela dit, nous vous embrassons sincerement. »
Les membres de la Commission duCours Jcarien.
Citoyenne ANNETTE LACOUR,
Citoyens J. CLEDES,
J. LOISEAU.
— 277 —
• Void une autre letrre qui a ete adressee a une de
nos sceurs de Paris. Cette lettre fait connaitre quelques
raesures adoptees en vue de faire face aux exigences de
la situation de l’annee courante.
A LA CITOYENNE M**"
Cheltenham, le 18 decembre 1859.
Chere Citoyenne,
m * %
)> Quoique n’ayant pas rhonneur de vous connaitre
personnellement, je prends la liberte de vous envoyer
cette lettre pour vous communiquer la nouvelle marche
dans laquelle vient d’entrer la Communaute et les idees
que cette marche me suggere. Les Icariens du dehors
et ceux de la Colonie doivent se resserrer chaque jour
davantage au moyen des doux liens de la solidarity et
de la Fraternite. II faut quils s’identifient de plus en
plus les uns avec les autres, que leurs idees soient les
memes, que leurs aspirations concordent vers une
marche unique, vers un meme but; il faut enfin que
leurs positions reciproques soient bien comprises des
deux cotes, afm que ni les uns ni les autres ne commet-
tent de facheux quiproquos et ne se laissent aller a des
illusions trop ephemeres.
» Tel est le but de cette lettre, tel est le motif qui
nous Ta dictee.
» Vous savez deja que la Commission du Cours Ica-
rien vient d'adresser a tous nos coreligionnaires une
circulaire : Leltre a Gorilla ct a Maximilien; dans le
but de leur faire connaitre d’une maniere precise la
situation de. la Societe en general et particulierement
sa situation materielle et fmanciere pour 1’annee 1860.
Cette lettre, dont vous avez sans doute pris connais-
sance, les renseigne positivement sur les charges que la
Colonie aura a supporter pendant cette annee ; sur les
ressources dont elle pourra disposer, et sur ce qu’elle
attend du concoursdes Icariens de France et des autres
pays. • : ;
a
i
y> Si la situation est claire et nette, elle est aussi
grave et serieuse. Les chiffres sont la, rigoureux, fatals!
II faut y repondre rigoureusement, fatalement. II faut
que personne ne s’endorme et que cette situation soit
constamment presente a tous les esprits. Dernierement
TAdministration a expose cette situation a l’Assemblee
ginerale, dans toute sa verite. Ensuite, apres avoir
etabli la part que les membres de la Colonie doivent
fournir a la production, elle a remis a chaque Direc-
teur d’atelier une note dans laquelle elle leur demande,
outre la production interieure, une moyenne invariable
pour la production exterieure de chaque semaine. Hier,
dimanche, les citoyennes etaient convoquees apres le
diner, et les citoyens apres le souper, pour repondre a
cette demande et pour organiser les ateliers pour l’an-
. nee prochaine.
» J’ai assiste a ces deux reunions, eh bien ! je puis
le dire hautement, depuis plus de deux ans que je suis
dans la Communaute; je n’ai pas vu des assemblies
aussi dignes, aussi graves, aussi remarquables. Oh! oui,
de telles reunionshonorentle Peuple et la Democratic!
> Ce n'est plus le parlementarisme effrene, ou les
passions politiques dechainees avec violence, font quel-
quefois pencher le citoyen paisiblevers le regime abso-
lutiste. C'est la ce qu'on appelle la vraie Democratic.
Toutes nos Assemblies devraient ressembler a ces
conseils de famille, ou chaque frere assis au coin du
feu, vient donner son avis, apporter sa part de lu-
miere, en discutant paisiblement les moyens d’arriver
a dominer la situation.
» Dans la riunion des citoyennes, elles se sont orga¬
nises de maniere a faire face a tous leurs travaux exti-
rieurs et intirieurs. Elies ont organise les ateliers de
tailleuses, de confectionneuses, de couturieres, du la-
voir, de lingerie, de repassage, de raccommodage et
d’infirmerie. Tout cela s’est fait avec un entrain, un
enthousiasme admirable. Mais le fait le plus important
de ces deux reunions, c’est l’adoption des deux innova¬
tions suivantes:
— 279 —
d Jusqu’ici les nourrices etaient chargees du raccom-
lodage de Ieur linge, du lavage de celui de leurs en-
ants, ainsi que des soins a donner a ceux-ci. Cette
rganisation portait en elle un mal profond, en ce sens
tue les nourrices, absorbees par ces travaux, ne pro-
luisaient absolument rien autre chose, et que, travail-
ant chacune de leur cote, elles ne realisaient pas la
neme economic de temps et de matieres premieres;
:omme si tous leurs travaux avaient ete executes en
lommun, dans les ateliers de la Communaute. Ainsi,
jour elles, les peines etaient plus grandes tout en pro-
luisant moins, et cette situation particuliere les rendait
iouvent l’objet de beaucoup de critiques des plus re-
'rettables. II a done ete decide , dans cette reunion ,
jue le linge des nourrices serait lave et raccommode
Ians les ateliers et qu’elles seraient occupees dans les .
iteliers de confection pour le dehors, dans les moments
ju’elles ne seraient pas occupees par leurs enfants.
» L’autre mesure adoptee est la suppression du
raccommodage quand meme, lepre devorante, qui jus-
au’a present" a ete pour la Societe une cause de ruine
et de desasrements. Une des erreurs de la Communaute
ie Nauvoo"a son debut, e’etait l’idee qu’elle devait se
passer du monde exterieur et tout fabriquer elle-mfime.
Aussi on passait un temps tres long a confectionner des
objets que le commerce aurait pu nous procurer a bas
prix. Vivant au milieu de l’individualisme, au contact
duquel il etait impossible d’echapper, la Societe depe-
rissait, faute de tirer parti de ses industries, dont elle
aurait pu echanger les produits avec le commerce exte¬
rieur qui aurait "fait circuler dans ses veines la prospe-
rite et la vie. En arrivant a Saint-Louis, la nouvelle
dearie fut obligee par la necessity de demander a l’indi—
vidualisme Ie"travail et la vie. Elle organiSa done ses
ateliers et fit face a ses depenses; mais elle ne le fit que
pour ses ateliers d’hommes. Le plus grand nombre des
citoyennes etaient occupees au raccommodage du linge,
qui, a force de devenir mauvais, absorbait un temps
considerable pour l’entretenir. Le gain journalier de la
Societe suffisaita fairc face aux besoms les plus urgents,
de sorte que le vfitement restait toujours en dernier lieu
et ne se remplacait que diflicilement. Enfin, ce mal
etait devenu si grand, que forcement, il a fallu y trou-
ver un remede. Mais, s’est-on dit enfin : si au lieu
d employer un si grand nombre de citoyennes au rac-
commodage on Ies occupait a la confection exterieure
ne pourrait-on pas avec leur gain acheter des etoffes et
confectionner de bons vehement neufsf n’y aurait-il pas
un plus grand avantage ? lEvidemment oui! aussi s’est-
on arrete a ce dernier parti. Quelques citovennes, tres
peu, resteront au raccommodage, le plus grand nombre
seront employees pour le dehors et leur gain sera des¬
tine a l’achat d’etoffes.
» Mais, me direz-vous, comment se fait-il qu’unmoyen
si simple, si vrai n’ait pas ete employe plus tot? C’est
vrai; cemoyen est bien simple, et cependant toutes les
Administrations precedentes ont echoue devant cette
difficulty et devant celle dont j’ai parle precedemment
relativement aux nourrices.
» Si une foule d’abus se sont introduits dans la So-
ciete et sy sont perpetues quand m6me, je ne peux
1 attribuer qu a 1 incapacitc de la Gerance multiple a
son manque d’unite et d’initiative. Le cit. Cabet avait
bien juge le mal en 1855 et son engagement du 13 oc—
tobre renferme les bases de la prosperite et du succes
d Icai ie. L abolition du tabac et des liqueurs fortes, la
creation du Gours Icarien amenent forcement la reforme
morale et le perfectionnement indefmi du Peuple Ica¬
rien; la Gerance unique, en creant Tunite dans TAd-
mimstration, est plus puissante pour faire cesser les
tiraillements; elle organise et fait marcher les affaires
a\ec plus de celerite et de promptitude. Chaque jour
voit disparaitre les vieux abus et la vieille routine;
chaque jour, la Societe se metamorphose et entre dans
une marc he de plus en plus ferine et hardie. Notre situa¬
tion morale est excellente, il y a de l’entrain, de Ten-
thousiasme, la \olonte de reussir; c est ce qui vous
explique 1 unanime resolution des deux reunions d’hier
pour accepter la situation avec joie et avec la confianee
— 281
\
de la terrasser. Oui, Icariens, la Colonie fera son de¬
voir, elle se sent pleine de courage et de resolution; elle
compte sur vous pour raider par votre concours gene-
reuxet perseverant.
» Et maintenant, transportons-nous en 1861. Voyez
quel belhorizon s’etenddevant nous! Nos dettessecouees,
nous n’avons plus que les annuites de notre propriety a
solder. Nous developpons nos industries, nous etendons
notre territoire par de bonnes acquisitions, nous creons
a Saint-Louis un debouche pour la vente de nos mar-
chandises, nous nous affranchissons des patrons et de
leurs exigences; avec de 1’ordre, de l’economie , notre
prosperity augmente de plus en plus, l’aisance etlebien-
etre se font sentir et repandent la joie et la bonne hu-
meur. Nous construisons assez de maisons pour rece-
voir des departs nombreux et frequents. Notre nombre
s’accroit avec notre puissance. Enfin quelle influence
n’aurons-nous pas sur les destinees de la Democratic!
Ah ! citoyenne , je vous le dis avec.une profonde con¬
viction, une fois au-dessus de nos affaires, rien ne nous
sera impossible; la Communaute sera comme le flocon
de neige, qui, detache du sommet de la montagne 7
roule, grossit et envahit la plaine. Encore un peu d’ef-
forts, de patience et de bonne volonte, la situation de
1860 est tendue, mais elle n’est pas decourageante; il
ne faut pour la surmonter que de la resolution et de
l’enthousiasme. Et nous en avons!
)> II n’y a point d’obstacles pour celui quiveut!
Joseph Loiseau fils.
Ces lettres et fexpose de la situation sont autant de
documents qui peuvent contribuer a te donner une con-
naissance exacte de notre situation morale et materielle
a Cheltenham. J’aurais voulu y joindre un compte-rendu
sur les divertissements, mais la place va me manquer,
ce sera pour ma prochaine lettre.
— 282 —
; ; ; ' xix. x '
Ainsi que je te l’annoncais a la fin dema precedente
lettre, un groupe de families Icariennes, compose de 26
personnes, s’est embarque au Havre le 15 janvier, allanf
a Cheltenham par la Xouvelle-Orleans; depuis, trois au-
tres personnes se sont encore embarquees isolement,
n’ayant pas pu partir avec les premiers. L’arrivee de ces
families an sein de notre Colonie, va augmenter d’une
facon assez notable son personnel, et enrichira ses ate¬
liers de quelques bons travailleurs. Bien que la compo¬
sition de ce depart ne soit pas tout a fait telle que nos
amis de Cheltenham le desiraient, sous le rapport des
professions, il y en a cependant un assez bon nombre
de celles qui sont demandees.
Comme la Colonie ne pourra recevoir en 1860 quede
quarante a cinquante personnes. il est tres important
qu’il ne parte plus que cedes qui ont les professions de¬
mandees; toutes les autres feront bien d’ajourner jus-
qu’en janvier 1861, aussi bien dans leur interet que
dans celui de la Colonie. L’arrivee d’un plus grand nom¬
bre, surtout de personnes n’ayant pas les professions
indiquees a la page 261, causerait une gene generate
sous le rapport du logement, et occasionnerait un me-
contentement prejudiciable a resprit d’union et de fra-
ternite, si necessaires au progres moral et materiel de
la Colonie.
C’est aux Jcariens qui se preparent a partir, a mon-
trer l’intelligence et le devouement qui peuvent empe-
cher cette complication. L’expose de la situation pour
1860, doit etre constamment sous les yeux de chaque
Icarien, etil doit regler sa conduite sur les exigences de
/
— 283 —
ette situation, soit pour partir, soit pour ajourner son
lepart, soit pour les avances, les souscriptions ou les
irets en especes a faire a la Colonie.
Chacun de nous doit penser que la part qui revient
iiux Icariens du dehors, sur les charges de cette situa-
ion, s’eleve a 4,290 doll., soit 22,525 fr. 50 c., somme
i payer pour Tannuite de la propriete de Cheltenham*
C’est environ deux mille a deux mille cinq cents francs
)ar mois que le bureau de Paris devra recevoir, pour
‘aire face aux remboursements qui pourront etre neces-
$aires et pour envoyer les traite a la Colonie.
Comment ferons-nous face a ces besoins?
Nous y ferons face; d’abord, en adoptant eten prati—
quant generalcment la souscription a 1 emprunt, a cinq
centimes par jour, et en faisant chacun notre possible
pour augmenter chaque jour le nombre des souscrip-
teurs, en nous adressant autour de nous, a tous les
hommes que nous connaissons symphatiques aux idees
de progres et d amelioration du sort des travailleurs, et
tous ceux qui veulent sincerement leur affranchissement
I par le travail.
Notre oeuvre est essentiellement humanitaire, nous
clierchons le bonheur dans le progres sous toutes ses
formes, et pour tous les etres qui composent la famille
humaine ou le genre humain, par consequent, nous ne
devons pas nous borner a solliciter le concours des Ica¬
riens seulement, nous devons nous adresser a tous les
hommes de bonne volonte; parce que tous sont interes-
ses, comme nous, a la realisation de notre ideal social,
LA FRATERNITE.
Permets-moi, mon cher Eugene, d’insister sur ce
point, car je suis convaincu qu’un tres grand nombre
de personnes, hommes et femmes, ne nous aident pas 7 ;
— 284
ne font pas attention a l’oeuvre que nous poursuivons.
uniquement parce qu’elles ne nous connaissent pas. IF
importe done de nous faire connaitre, et pour cela il
faut sortir de notre cercle pour l’etendre afin d’obtenir
leur concours, en montrant le but vers lequel nous mar-
chons.
Acet effet, il faut absolument mettre de cdte cette ti-
midite sans raison, qui nous empSche, pour ainsi dire,
de vivre avec nos semblables. ' u J
Cherchons au contraire, a entrer de plus en plus en
communion d’idees et de sentiments avec eux, en leur
rappelant sans cesse que nous sommes freres, que la
nature nous soumet aux mgmes besoins, nous donne
une commune origine, et nous impose la meme fin.
La souscription a cinq centimes, doit etre notre pre¬
miere et principale ressource, et tu comprends qu’elle
produira d’autant plus, qu’il y aura un plus grand nom-
bre de souscripteurs.
Ainsi, si nous pouvions atteindre promptement le
chiffre de 1,500 souscripteurs, ce nombre nous produi-
rait 27,000 fr. par an, soit 2,250 fr. par mois, e’est it
peu pres la somme qu’il nous faut. Et ce chiffre de :
1,500 souscripteurs, n’est pas impossible it atteindre
promptement, si on fait attention que les femmes et les
enfants peuvent souscrire, ou qu’on peut souscrire en
leur nom.
Generalement, les sommes souscrites de cette fa?on.
sont imputables sur l’emprunt, et le souscripteur rece-
vra un titre provisoire de vingt francs des qu’il aura
verse cinq francs, ou bien des bons de un ou de cinq
francs qui serontensuiteechangescontre une obligation.
Mais si quelques-uns de tes souscripteurs desiraient
pouvoir retirer la somme versee, avant les delais fixes
— 285 —
>our le remboursement de l’emprunt, on pourra leur de-
ivrer des recus en compte-courant,quiserontrembour-
ables dans un temps rapproche et sur la demande du
treteur. On delivrera de tels recus pour les sommes de
•inq francs et au-dessus. On paiera les interets de ces
lommes a raison de 5 °/o.
En second lieu, nous ferons face aux exigences-de
’annee 1860, et surtout aux besoins des premiers mois,
m prenant en dehors de la souscription, une ou plu—
deurs obligations de 20 ou de 100 fr. enlespayant tout
de suite ou en donnant seulement un fort a-compte quo
nous completerons le plus tot possible. Ici encore, ceux
qui preferent preter en compte-courant, pourront le faire
aux conditions expliquees plus liaut.
Ce qui importe, tu le comprendras, c’est de ne pas
perdre de temps, pour ne pas laisser dans 1 embarras,
nos freres de Cheltenham qui comptent sur nous. Je
suis done convaincu que tu vas faire tout ce qui tc sera
possible, soit par toi-meme, soit avec tes amis'. Nous y
comptons et nous attendons.
CE QUE PEUT LA PRATIQUE D’UNE SOLIDARITY
FRATERNELLE.
Au mois de septembre dernier, quelques Icariennes
se reunirent, pour aviser au moyen de faciliter a 1 une
d’elles, restee veuve avec quatre enfants, la possibilite
d’aller rejoindre la Colonie Icarienne a Cheltenham.
Cette famille n’etait pas absolument sans ressource, il
ne lui manquait que quelques centaines de francs pouf
completer la somme qu’il lui fallait; neanmoins, quel—
— 286 -
. • s ' V,^ • . i
AVIS A CEUX QUI REQOIVENT LES LETTRES ICARIENNES.
Nous avons envoye le releve de compte a chacun de
nos abonnes qui doivent les livraisons qu'ils ont recues.
Nous prions ceux qui ne nous ont pas encore envoye le
montant de leur note, de vouloir bien le faire le plus tdt
possible, et au plus tard avant la fin de fevrier. Tous
ceux .qui n’auraient pas solde a cette date, seront consi-
deres comme insolvables et ne recevront plus les livrai¬
sons suivantes.
LETTRES ICAR1ENNES.
i \) i
J r
IflOlf
j) J
)uj ‘iu
SEPTIEME LETTRE.
1 ' ! *!*
XXI
Mon cher ami.
Les modifications que nous avons apportees dans
Lorganisation du Bureau k Paris, ont un peu retarde
ma lettre; les nouvelles que j’ai a te donnern’en seront
que plus completes.
Je commencerai cette lettre comme les prece dentes,
par la reproduction des comptes-rendus mensuels de la
Colonie. Le compte-rendu de decembre termine l’annee
1859; je n’en donne que le resultat en chiffres, les de¬
tails etant presque sans interet maintenant.
» Tu trouveras dans les rapports de janvier etfevrier
1860, deux innovations qui nous ont paru necessaires
pour rendre les rapports plus intelligibles a nos lec-
teurs ; nous continuerons, comme pour les rapports
anterieurs a porter tous les comptes des operations;
la Colonie en dollars et cents, parce que le.dollar est
l’unite monetaire des Etats-Unis et qu’il y a quelqua- ,
vantage pour la plupart de nos lecteurs a s’habituer a v
\ ^13
— 290 —
calculer de cette facon. Mais bien qu’on sache genera-
lement que nous comptons le dollar a 5 francs 25 cen¬
times (taux ordinaire du change entre New-York et Pa¬
ris ), nous avons cru devoir mettre au-dessous des to-
taux en dollars et cents , les totanx en francs et centimes .
Chacun peut ainsi se rendre compte au premier coup
d’oeil del’ensemble des operations dela Colonie.
i Nous ajoutons, en outre, au compte mensuel de la
Colonie le compte mensuel du bureau de Paris, de
sorte cfiie tous les Icariens puissent connaitre en meme
temps 1’ensemble de nos operations en France et en
Amerique.
BUDGET DE DECEMBRE 1859.
* DEFENSES.
Chapitres.
reel.
*
ff f *
fictif
•
Effete a payer. . . .
»
387
15
Autres dettes anciennes
. 764
50
457
43
Pertes .
»
12
Interets divers. . . .
. 40
72
16
66
Apports a rembourser
» ' j
))
• • • • • w
25
»
Depenses de la Societe
. 673
37
497
25
Totaux en dollars.
. 1520
59
1395
49
D° en francs
. 7983
10
7326
32
RECETTES.
Apports & Saint-Louis.
. »
h
34
17
Dette nouvelle. . . .
. 98
57
41
67
Laine (provision) . . .
. »
»
43
33 :
Profits .
15
77
; 12
w
Effels a recevoir . . .
. . . . . 719
44
325
82
Recu de Paris ....
. . ... »
»
175
»
Effets a Paris ....
. 47
»
10
• *■
i» •
Notre production. . .
. . . . 846
64
753
50
Totaux en dollars
. . . . . 1727
42
1395
49
1)9 en francs
...... 9068
95
7326
32
Le President , B. MERCADIER •
*
— 291 —
Voici maintenant le budget de 1860 contenant les
previsions des recettes et des depenses de Fannee avec
le gain que doit produire chaque atelier. 11 sera facile
de suivre le mouvement financier de l’ficole icarienne,
en comparant le resultat de chaque mois aux previsions
de son budget.
BUDGET DE 1860.
DEPENSES.
1 annee.
! mois.
1 semaine.
Malieres premieres.. . .
. 3374 40
281 20
64
90
Provisions generates. . .
. 3298 32
274 86
65
48
Vetement.
363 72
30 31
7
»
Outils.
77 88
6 49
1
49
Ustensiles.
155 88
12 99
3
»
Ameublement.
7 68
» 64
n
14
Correspondance.
51 96
* 4 33
1
)>
i
Animaux.
144 »
12 »
2
75
Divers.
. 51 96
12 08
Totaux en dollars.
. 8097 36
674 78
155
84
D° en francs. .
* • »
. 42511 14
3542 60
1 1* S A
818
16
GAINS.
. j .i t ui>...
% .
1 annee.
1 mois.
1 semaine.
Tailleurs et confection. .
. 3429 30
285 78
66
r
»
Forgerons .
. 2598 60
216 55
50
Jardinage . ......
. 1819 20
151 60
35
»
Cordonniers. .
• • m 0
. 1714 65
• • * 9 r
142 89
33
Tonneliers.
. 208 55
17 38
4
)> .
T
Menuisiers .
208 55
17 38
4
))
Pharmacie .
129 80
10 82
2
50
Construction .
. 1662 72
138 56
32
•
Divers ........
292 45
24 29
# « • * 0
5
62
Totaux en dollars.
. 12062 82
1005 25
233
13
D° en francs .
. 63329 80
* 5277 56
1218
63
Le tableau ci-apres presente les depenses et les re¬
cettes de tout le budget.
292 —
RESUME GENERAL.
DEPENSES.
Chapitres-
annee.
mois
semaine.
Deltes a payer.
725 46
167 42
Pertes probables ....
120 »
10 »
2 32
In terets divers.
120 •
10 »
2 32
Apports a rembourser. .
720 »
60 » *
13 82
Depenses de la Societe. .
. 8097 36
674 78
155 84
Tolaux en doll . .
. 17762 82
1480 24
341 72
D° cn francs.
. 93354 80
7771 26
1794 03
RECETTES.
Dette nouvelle.
600 »
" 50 »
11 25
Apports a Saint-Louis . .
560 »
46 66
' 10 77
Recettes de Paris ....
333 33
76 90
EfFets a Paris.
300 »
25
r 5 78
Effets a recevoir ....
240 »'
20 p
. 4 60
Notre production. . . .
. 12062 82
' 1005 25
232 12
Tolaux en doll . .
. 17762 82
1480 24
341 72
en francs .
. 93354 80
7771 26
1794 08
RAPPORT MENSUEL.
Janvier 1860.
» Le rapport de janvier, du l er aa 29, comprend 4
semaines, ou 24 journees de travail.
Travailleurs presents.
Nombre de journees..
Ces 2,400 journees sont reparlies comrae il suit:
Presence. 2,169 50 )
Absence. 230 50 j to,al egal ‘ '
Les 230 50 journees d’absence se partagent ainsi:
Malades. 170 50 \
Gardes-nialades . . . 38 00 > total egal. . .
Motifs divers .... 22 00)
y • * • . f . . •' I * f .
- 100
2,400
, ♦ ^i An
. 2,400 00
. . 230 50
» INous n’avons a constater aucune journee inconnue;
taut mieux.
i
293 —
\
:» Les 2169 50 journees de presence se divisent en
journees pour l’interieur et pour hexterieur.
Interieur. 1614 80 )
Exteiieur . . . . . . 554 60 total ^ sal ' ‘ * 2,169 50
» En hiver, les travaux pour le dehors sont mils pour
certains ateliers, comme le jardinage, les peintres, ina-
cons, etc. D’un autre cote les tailleurs out travaille, en
grande partie, ce mois, pour la Communaute. C’est ce
qui expliquc le petit nombrc de journees pour l’exte-
rieur.
Resume du Gain ct des Defenses.
gain.
Tailleurs et confection
Forgerons.
Jardiniers .
Cordonniers.
Tonneliers.
Menuisiers.
Pharmacie.
Construction ....
Divers .
Total en doll . .
Total en francs .
Matieres premieres .
Provisions generales .
Vetements ....
Outils.
Ustensiles.
«' ' *
Ameublement....
Correspondance . . .
Animaux. .....
Divers. ......
Total en doll.. .
Total en francs .
doll
DEPENDS.
Reel. * Budget.
174
45
285
78
121
85
216
55
19
15
151
60
126
7!
142
89
13
65
17
38
0
90
17
38
7
50
10
82
14
51
138
56
58
Cl
24
29
536
73
1005
2817
83
5277
56
302
72
281
20
315
23
274
86
183
37
33
31
1
25
6
49
16
10
12
99
0
00
0
64
4
44
4
33
0
00
12
00
52
94
51
96
876
05
674
78
4599
26
3542
59
Ce mois, les depenses ont depasse les recettes du chiffre conside¬
rable de.doll. 339 30
L’exces moyen d’un mois de 4 semaines doit elre en
recettes, d’apres le budget, de. 305 12
Par consequent, nous sommes cn retard, pendant jan-
vier, de. 644 42
En francs, de.. 3383 20
)> Ce chiffre considerable ne doit nous effrayer nulle-
ment, d’abord parce que le mois de janvier est un des
plus mauvais ; tous les ans le gain de ce mois a ete in-
ferieur aux depenses. En outre, il a ete achete beaucoup
de matieres premieres, de provisions et de vetements,
et tout cela se trouvera en moins aux depenses et
en plus aux recettes, les mois suivants. II importe de ne.
juger nos travaux et nos produits que d’apres un laps
de temps assez long, une annee, ou tout au moins six
mois.
Yoici maintenant les recettes et les depenses de jan¬
vier comparees aux recettes et aux depenses prevues
par le budget de 1860.
DEPENSES.
Reel.
Budget.
Dettes a payer.
... 626
00
725
46
Pertes probables.
... o
00
10
00
Interets divers.
... 7
16
10
00
Apports a rembourser. . . .
. . . . 0
00
60
00
Depenses de la Societe , . . .
. . .' 876
05
674
78
Tolaux en doll. 1509 21 1480 24
Totaux en francs . ,. . .. . . . 7923 35 7771 26
— 295 —
RECETTES.
Delte nouvelle .
. .- o
00
50
00
Apports a Saint-Louis'.
. . 0
00
46
66
Recettes de Paris,*. * . . . . . .
. . 400
00
333
33
Effets a Paris.
. . o
00
25
00
Effets a recevoir .
. . 124
40
20
00
Notre production.* .*. * .
. . 536
4 0
1005
25
Totaux en dollars' .
. . 1061
151
1480
24
Totaux erf francs . . .
. . 5571
04
7771
26
11 y a entre les depenses et lcs recettes du budget un
deficit de doll. 508 06, ou fr. 2667 32. Cet etat de cho-
ses s’explique par la double circonstance que bencaisse
etait assez important au commencement du mois, et
que quelques-runes. des depenses ont ete faites a credit,
comme une facture de for°:e et baehat de vetements.
Ces'depenses a credit ne figurent pas au chapitre des
dettes nouvelles, parce qu’elles doivent etre soldees
* . » • •
dans le courant d§ l’annee 1860.
i ■ * • 4 ' ■
SITUATION FIN'ANCIERE DU BUREAU DE PARIS.
• * • • #
>Jous faisons observer que toutes les operations ci-
apres, sont representees par francs et centimes.
Compte de Caisse de janvier 1860.
RECETTES,
• i • f i! 1 {
Emprunt sur obligations par divers.F. 593 »
Comptes courants de Bedouch .jeune. 50 »
— de Hilaire.160 »
* • • • •
— de Sarot. 200 »
• • • •
— de Billard.100 »
' • • • *
— de Beluze. 199 69
* • »*•••'
de Legras.50 »
A reporter. . . 1352 69
— 296 —
Report. 1352 6£
— de Vaudelin (Gaspard).100 »
— de Fourlier . . . . 300 i>
— de Ducret. 10 »
Correspondence ; rembourse par divers. 7 20
Bibliotlieque. 46 19
• • * i
Frais generaux de Guillemin. 20 »
— de Fortel. 10 »
— de Lehoux. 10 »
— de Guyot . ’. 10 »
Par divers debiteurs. ... 433 95
Total.. 2,300 03
DISPENSES,
Emprunt; pay£ frais et interets a divers.124 »
Comptes Courants rembourse a Hilaire . i . . . 80 r>
— a Rambaud .... 752 45
— a Rivoire.115 »
— a Guyot.150 »
— a M. Dinkelden. . . 300 »
— a Ducret. 600 »
— a dlle Lavat .... 100 »
— a Burger.310 »
— a Morisseau .... 60 »
— a Fourtier . . . . 30 *
— paye pour Perrin. 24 60
— — Soussieux .... 9 45
v * » , • t j r * - * *
— — Barbot. 9 25
* * #
Commission : acbat de graines pour mad. Feuillet. 52 85-
— sokle facture Carimay pour Lefevre. . 235 »
— paye port d’arbres donnes parGillet. 8 50
— paye voyage enfants StofFel. 500 »
— paye commission a Beluze. 34 60
Bibliotlieque : paye reliure de 6 volumes .... 5 »
Souscription : rembourse a Laforgues. 50 »
— — a Rambaud. 20 »
A reporter.
3570 70
— 297 —
Report. . . .
Anciens creanciers : paye a Grandjean.
— payea Baron.
Correspon^ance : leltres de Saint-Louis .....
— idem. affranchissements. . .
Achat et afTranchissementde 30 numerosde la Presse
Frais generaux remis a M. Beluze.
Pour voyage au Havre.
— aux dames Cabet.
Divers : paye pour compte.
3570 70
25 »
100 »
16 20
14 40
8 »
300 »
40 »
250 »
52 87
Total. 4277 17
RESUME.
Recedes.. 2,300 03
Eu eaisse an 31 decembre. 1,977 14
"
Total. 4,277 17
Depense a deduire ...... 4,277 17
Reste en eaisse au 31 Janvier. . 00000 00
RAPPORT MENSUEL . 1
Fevrier I860. . .
« Le rapport du 29 janvier au 26 fevrier eomprend
4 semaines ou 24 journees de travail.
t
Travailleurs presents. 100
Nombre de journees. . . .. 2400
Ces 2,400 journees sont reparties comme il suit:
M. ♦
v * • • • • « • • i / • * J
Presence . ..2161 25)
Absence. 238 25 j to,al <* al 2400
1 ■ V ' «• • «.«.»•
♦ Les 238 75 journees d’absence se partagentainsi;
t Malades.. 135 25\
Carde-malades. 39 J ^ 2 j 8 75
Motifs divers. 58 50 i - •
Inconnues . . .. 6 »/
*1 . f* •
» Les 6 journees inconnues appartiennent a la ci-
toyenne Pelletier.
i
— 298
Les 2161. 25 journees de presence se divisent en
journees pour Finterieur et pour l’exterieur.
*• o * ■* <* • * *
Interieur .
• i367 70 1 total
2,161 25
Exterieur .
* *
. 793 55)
% * • *
• \
« On le voit, le nombre des journees pour le dehors
commence a nugmenter:
• «• _ «■ « » i ; ' i ( 1 *
Resum6 du Gain
T- * '
et des Depenses.
—
GXIN.
4 Reel.
Budget.
Tailleurs et confection. . .
doll. 171 95 doll. 285 78
Forgerons. . . .
216 55
Jardiniers
e
. . 30 95
151 60
• Cordonniers .
142 89
Tonneliers . . . .
*.*. • 24 30
17 38
Menuisiers .
17 38
Pharmacie .
. . 11 75
10 82
Construction .
138 56
Divers .
24 29
Total en doll. . . .
. . 461 72
1005 25
Total en franes . .
•
. . 2424 03
5277 46
*
DEPENSES.
« * •
Matiercs premieres ....
. . 244 28
<#• * *
281 20
Provisions generates. . . .
. . 255 22
» *
274 86
Vetements.
0 60
•30 31
Outils.
\ . 1 30 ' •
6 49
Ustensiles.. .
*. . 15 15 * 4
12 99
Amcublcment.
0 09
0 64
Correspondance.
. , 2 50
2 33
•
Animaux.
92 00
* • • • -r- ^
12 80
Divers.
40 05
51 96
Total des depenses en doll.
. . 651 10 4 4
674 78
Total en francs ....
. . 3438 28
3542 60
\
— 299 ~
La depense etant de doll. 651 10
Le gain etant de doll. 461 72
• _ , __
I/exces de la depense est de. 189 38
I/exces d’un mois (4 sem.) devant etre de 305 12
%
Le retard en fevrier est de. 494 50
• •••••* x
On etait en retard, au 29 janvier de. . 644 42
Total en retard au 26 fevrier doll. . . . 1138 92
Total en francs. 5979 33
« Cette situation ne doit pas etonner, quoiqiCelle
soit relativement mauvaise; nous disons relativement,
parce que le mois de fevrier est toujours mauvais, a
cause de la saison qui, pendant ce mois, est morte
pour tous les ateliers; nous pensons qu’en Mars, les
affaires commenceront d’allerun peu mieux, pour aller
a peu pres bien en Avrilet en Mai.
Budget de Fevrier.
DEPEXSES.
9 9 »
Prevues.
Reclles.
r
Dettes a payer.
725 46
62
75
Pertes probables..
10 00
0
00
Interets divers a payer.
10 09
1
82
Apports a rembourser.
60 00
237
50
Depenses de la Societe .....
674 78
651
10
<
Totaux en' doll; . p . . .
1480 24
953
17
<
Totaux en francs ....
7771 26
5004
14
t
RECETTES.
Dette nouveile a contracter . .
50 00
0
00
Apports a ^aint-Louis. .....
46 66
0
00
Recette de Paris. . ..
332 33
150
00
Effets a encaisser a Paris. . . .
25 00
0
00
\
Eflets a recevoir a*Cheltenham. .
20 00
0
00
•4 «
l i
Notre prcductio.i.
1005 25
461
72
-v ^
(.
Tolaux en doll. .....
1480 24
611
72
Totaux en francs. . . . #
7771 26
3211
53
— 300
En comparant les depenses et les recettes du budget,
celles-ci etant inferieures aux depenses de doll. 341. 45
ou fr. 1,792. 61 c. On est porte a faire les memes obser¬
vations qu’au mois precedent.
« Le chapitre apports a rembourser se detaille ainsi:
Labenne . ... *. *. 5 . . 10 » \
Daumond.. 120 » >doll. 237 50
Ricaut. 107 50 J
i I • t X •' * L» . J > I I J t ill Ilf tb - * l n
« La famille Daumond a recu, en se retirant, la
somme de doll. 120, suivant convention. Son apportest
plus eleve; mais son arrangement definitif ne figure
pas ici, parce que le citoyen Daumont, qui avait ac¬
cepts un reglement contradictoire, n’en a plus voulu,
des qu’il a eu touche les doll. 120. Ce reglement defi—
nitif figurera au mois dans lequel il se realisera.
REGLEMENT RICMJLT.
Diverses fournitures.
Relenue du sixieme
Demenagement. . .
Paye comptant . . .
Un billet a six mois.
9 65
6 »
1 »
30 »
60 85
Total egal a son apport, doll. . .
107 50
COMPTE DE CAISSE DU BUREAU DE PARIS,
RECETTES. —FEVRIER 1860
Emprunt: par divers, sans obligations .
fr.
1427
20
Comptes-courants :
recu
de Lecoutour.
50
j»
—
»
de Marigny.
40
»
—
»
de Adam.,.
25
i /
de Barbot .
130
»
—
#
de Finot .......
100
»
—
»
de Foucher, . ‘. . •*. .
700
»
—
»
de Blanche. .
60
»
Bibliotheque :
a
de divers .
90 85
Debiteurs divers
a
la somme de . . . . .
414 45
Total .
fr
3037 50
DEPEXSES.
f ‘ i .»I ' 9l
Ol 1 1 ' Vf \ Jj>| , Jj*4
Emprunt : paye interets a divers. 204 05
Comptes courants : paye pour Barbot. 2 80
Correspondance : paye ports de lettres de Saint-Louis . 6 40
— » aflfranchissement pour d° . . 16 »
— Achat et aflfranchissement dejournaux 8 »
Souscription : remboursement a Girard par divers . . 15 »
— » a Bocquillon. 120 »
— » a Letellier. 30 »
Traitcs: mes numeros 6t ct 62 de doll. 150 cliaque, fr. 1575* »
Frais generaux : remis a mesdames Cabet. 250 »
— » M. Beluze. 300 j>
— Port de l’envoi Foucher. 1 10
Divers : paye la somme de. 161 43
Total.fr. 2689 78
RESUME.
.
Recettes.fr. 3037 50
Depenses a deduire. • 2680 78
Reste en caisse. 547 72
XVII.
Nous venons de voir dans le compte-rendu de fevricr,
ies rcglements de compte des families Labenne, Dau-
mont et du cit. Ricot, qui se sont retires comme c’etait
leur droit. La famille Labenne s’est retiree en conge
illimite , pour pourvoir aux besoins de leurs vieux pa¬
rents restesen France, et qui leur ont ecrit qu’ils avaient
besoin de secours. La conduite des epoux Labenne,
dans cctte circonstance, est ce qu’on pouvait attendre
*
de vrais Icariens, et, de part et d'autre, on s’est separe
avec l’esperance de se revoir de nouveau reunis. Au
302 —
reste, la famille Labenne ne cesse pas de faire partie
de la famille Icarienne ; elle s’en eloigne seulement
momeutanement. LaColonie a regrette, et nous regret-
tons tous, qu’elle n’ait pas encore ete en etat de faire
* *
pour les vieux parents du cit. Labenne, ce qu’il va faire
lui-meme dans rindividualisme, ce qui aura lieu des que
la Societe sera sortie des embarras financiers qui pesent
actuellement sur elle.
Nous voudrions faire les memes eloges de tous ceux
qui se sont retires au printemps , et les regretter tous
comme nous regrettons la famille Labenne : malheureu-
sement, quelques-uns se sont conduits de facon a nous
epargner ces regrets, pour ne nous laisser que ceux de les
avoir eus pour associes.En outre des families nominees
ci-dessus, se sont encore retirees les families Droussant,
Pelletier ; les enfants Grubert et les citoyens Laurent
e t Barritz.
La perte que ces retraites ont fait eprouver en per¬
sonnel a la Colonie, a ete plus que compensee par
le depart de janvier dernier, qui arrivait a Cheltenham
au moment oil ceux que nous venons de nommer s’en
allaient.
f Les dispositions des membres de ce depart etaient
telles, en arrivant a Cheltenham, que nous les avionsvues
a leur depart de France. Ils ont cru devoir exprimer
leurs sentiments a leurs futurs associes, ce qu’ils ont
fait par la lettre ci-apres : ■ -oj mrft*
/ ' ^ , *' I i ^ • i y yw 1 X if
, Citoyennes et Citoyens,
« Animes par l’amour des principes Icariens, nous
venons unir nos efforts aux votres, pour travailler sans
relachea construire fedifice social qui doit un jour
regen erer rhumanite tout entiere.
—• 303 —
» Nous sommes tous partis en parfaite connaissance
do cause, sachant bien que le bien-etrc ne s’acquiert
pas sans beaucoup de peine; par consequent, comme
tous les travaux a faire, dans la Communaute, sont
honorables, nous n’aurons de repugnance pour aucun.
» En partant de France, nous avons promis a nos
freres, d’etre fermes a notre poste.... nous le serons;
nous voulons etre juges d’apres nos actes.
» Honneur a vous, hommes perseverants, vous avez
prouve et nous prouverons desormais ensemble qu’Icarie
fait la felicite des hommes vertueux. »
• Ont signe, les membres du depart:
Rambaud et femme, Morisseau et femme,
Guillemin et femme, Clotilde Lecoutour,
Louise Plee, filise Lavat, Sablier et fils,
Perrin, Guyot, Chapu, Ducret, Rivoire,
Rurger, Fortel, Dinkelden, Lehoux.
Les retraites dont nous avons parle plus haut ont de¬
termine les nouveaux arrives dans la Colonie, qui ne
sont encore admis que provisoirement, a envoyer a leurs
amis, restes en France, l’adresse suivante :
«
» . i * * *« j 4 j > j : * i j • * f %
ADRESSE ‘
DES ICARIENS ADMIS PROVISOIREMENT A LA COLONIE DE
Cheltenham, a leurs co-religionnaires du dehors.
Citoyennes et Citoyens,
c Depuis le commencement de cette annee, plusieurs
membres de la Colonie viennent de nous quitter. Ces
nouvelles dissidences, quoique peu nombreuses, nous
ont peniblement affectes. Nous avions cru qu’apres la
grande dissidence de fannee derniere, et la marche
nouvelle de la Societe, elles ne devaient plus guere se
produire.
» Mais, apres un examen attentif des faits, nous
avons ete pleinement rassures a cet egard, et notre
adresse a pour but de vous faire part de nos observa¬
tions.
» Deux ou trois membres, parmi les sortants, ont
ete vivement regrettes; mais ceux-la ont du nous quit¬
ter pour des raisons toutes personnelles et independan-
tes de leur volonte. Quant aux autres, le motif de leur
retraite est absolument le memo que celui des dissiden-
ces precedentes. Quelle est cette cause? Pour nous, la
voici. C’est d’abord parce que les difficultes, insepara¬
bles de toute fondation, les ont decourages, etce refroi-
dissement leur a fait perdre la foi en notre systeme.
Mais, il est certain pour nous, que cela n’aurait pas eu
lieu si, en venant ici ils avaient mieux compris la pen-
see du Fondateur et la grandeur de Foeuvre qu’ils se
proposaient.
» Car, il faut bien le dire, beaucoup etaient venus
croyant jouir, apres quelques jours d’efforts, de tout le
bien-etre decritdans le Voyage en learie; ils nes’etaient
pas rendu compte que, pour fonder Icarie, il faut d’a-‘
Lord commencer par etre Icarien; c’est-a-dire probe,
honnete, laborieux, mais surtoutbon et fraternel, quit¬
ter les mauvaises habitudes contractees dans la vieille
societe, en s’attachant a purifier son coeur et a develop-
per son intelligence. S’ils avaient compris cela, nous
en sommes certains, ils seraient restes, parce qu’ils
auraient vu que la seulement se trouve le bien-etre que
tout le monde desire.
> Ainsi, les dissidences sont le fruit du decourage-
ment produit chez ceux qui n’ont pas compris nos prin-
cipes. N’est-il pas evident que, pour celui qui comprend
nos principes, fimportance de sa mission, toutes les
petites contrarietes qu’occasionnent les changements
d’habitudes, Feloignement de la famille et de la patrie,
le climat nouveau auquel il faut s’habituer, certaines
fantaisies dont il faut se passer dans une epoque de
fondation, n’est-il pas evident, disons-nous, que la gran¬
deur et la bonte de l’ceuvre que l’on se propose, font
oublier ou supporter tout cela; surtout si l’on reflechit
- 305 —
que la vie materielle, ainsi que vous avez pule voir
dans la premiere lettre a Gorilla et a Maximilien, est
meilleure, en somme, que celle duplus grand nombre
des ouvriers de France.
» Cependant, si, jusqu’a aujourd’hui un assez grand
nombre a manque de coeur, nous n’avons pu nous em-
pecher d’un sentiment d’admiration pour ceux qui,
depuis bien des annees, sont ici a lutter contre le mau-
vais vouloir et les entraves que les pretcndus Icariens,
devenus dissidents, ne cessaient de leur apporter; ils
ont eu a vaincre aussi bien des obstacles d’autre nature,
et sont pourtant restes fermes a leur poste avec Tabne-
gation, le devouement et la perseverance les plus exem-
plaires. Ces actes nous naraissent d’autant plus beaux,
qu’ils semblent ignores de ceux memes qui en sont les
auteurs. De si nobles exemples, croyez-le-bien, ne se-
ront pas perdus, si jamais l’occasion de les imiter se
presente.
» Aujourd’hui, le temps des plus rudes epreuves est
passe, Tidee du Fondateur, mieux comprise, produit
une salutaire influence; chaque membre, mieux pene-
tre de ses devoirs, s’applique a les bien remplir, soit
pour ce qui est de la pratique de la fraternite envers les
autres, soit pour l’execution des lois et reglements,
pour l’ordre et le travail; tous ont compris qu’il faut
non seulement produire, mais se moraliser, et que, sans
le retour aux moeurs simples et naturelles, il nous sera
impossible de rien fonder.
)> Al’exterieur, la propagandemarche avec une grande
rapidite: cbaque jour, des adresses qui nous arrivent,
soit d’Europe, soit d’Amerique, nous montrent que
nous avons partout des co-religionnaires dcvoues et in-
telligents.
^ » Un autre fait, qui prouve le progres de nos idees,
c’est que les femmes, qui, generalement, y etaient peu
sympathiques, y deviennent de jour en jour plus de-
vouees; c’est que l’ceuvreleur apparait sous son vrai jour,
qu’elles en comprennent toute la valeur; elles voient
— 306
que ce n’est pas seulement une association pour se pro¬
curer plus de bien-etre materiel, mais que c’est surtout
pour fonder une nouvelle societe, ou regneront de bon¬
nes moeurs et d’ou seront bannis les abus, les vices qui
rongent aujourd’hui la vieille societe. Courage done,
■freres et soeurs, comptez sur nous, nous vous promet-
tons de faire tous nos efforts pour rester a la hauteur de
notre mission. Yeuillez nous garder toujours votre con-
cours sympathique. Tachez de vous penetrerde plus en
plus de notre doctrine; travaillez sans relache a la pro-
pagande; que quelques departs de vrais Icariens nous
arrivent, et bientot vous verrez notre oeuvre prendre un
developpement qu’une aussi noble cause ne peut man-
quer d’obtenir. Nous avons a notre aide la force des
ehoses qui la rend de nos jours necessaire.
Ontsigne:
Augier, Burla et femme, Burger, citoyenne Bernard,
Chaput, Ducret, Guillemin et femme, Guyot, Fortel,
Hubert, Lavat et femme etsoeur, Lehoux, Loiseau pere
et mere, Lecoutour Clothilde, Mesnard, Morisseau et
femme, Plee Zelina, Perrin, Bivoire, Bambaudet femme,
Vinsot et femme.
Dinkelden et Castillon n’ont pas signe, parce qu'ils
sont trop jeunes. Le citoyen Sabiier pere a declare ne
vouloir rien signer, tant qu’il ne serait qu’admis provi-
soirement. Son fils etait absent.
Au commencement de cette annee, les jeunes filles
Icariennent de Paris, ecrivirent a Ieurs soeurs de la Co-
lonie, une lettre collective , pour leur [exprimer leurs
sentiments fraternels et leur devouement a la cause
icarienne. Les jeunes filles de la Colonie leur ont re-
pondu par l’adresse suivante :
— 307 —
ADRESSE
. DES JEIJNES FILLES DF. CHELTENHAM. A LEURS SOEERS DE PARIS.
» Cheres soeurs et amies,
» C’est avec un \if plaisir que nous avons re^u votre
lettre, et nous croyons que c’est avec le meme senti¬
ment que yous recevrez la notre.
0 •
» Cheres amies, quand serons-nous toutes ensemble?
quand pourrons-nous, sans nous ecrire, nous commu-
niquer nos pensees? Yous le savez, il est impossible de
bien depeindre ce qu’on ressent. En attendant ce jour
fortune, nous allons yous dire ce que nous ressentons
en ce moment.
» Le cit. Cabet a sacrifie sa Yie a notre bonheur; il
a fonde une patrie qui nous assure que la femme sera
plus heureuse, et cela est vrai: car nous, qui sommes
ici a la pratique, au moment meme de sa plus grande
gene, nous sommes deja plus heureuses, sous tous les
rapports, que dans findiYidualisme, et principalement
souscelui du traYail; car le travail c’est la Yie, le pain
de la femme comme de l’homme; c’est ce qui les sti-
mule et les pousse en avant f Quelle est la creature qui
peut vivre sans travailler, a moins d’y etre contrainte
par le vice de l’organisation sociale? Dans l’individua-
lisrne, il y a des pauvres et des riches, des grands et des
petits, des maitres et des esclaYes, et c’est justement
pour abolir tout cela que nous fondons Icarie, afin que
tous les humains soient egaux entre eux. C’est pour
qu’il n’y ait plus de riches ni de pauvres, de grands ni de
petits, et c’est aussi pour qu’il n’y ait plus d’orphelins
sans appui, mais qui trouveront, au contraire, des pa¬
rents, des amis dans ceux qui les entourent, qui n'au-
ront plus a souffrir de la faim, du froid, de l’horrible
mi sere!
» Pour realiser tout cela, il nous faut travailler avec
ardeur, en prenant pour 'guide le Vrai Christianisme
et le Voyage en Icarie qui sont les oeuvres de celui qui
308
nous a montre la route et dont nous devons suivre a
jamais l’exemple.
Bref, pour nous, la situation se resume en trois
mots : nous sommes heureuses . Mais pour dire un mot
de la propagande, nous pouvons vous donner ici un
moyen infaillible (Ten faire une bonne, quelque situa¬
tion qui se presente , le voici : il faut travailler , s’ins-
truire , se divertir. Comprenez bien, meditez bien ces
trois mots : ils sont la de de voute de la propagande
icarienne. Partant de la, vous obtiendrez un but satisfqi-
sant; c’est immanquable. Pratiquez la reforme, d’abord
sur vous , ensuite sur les autres; le reste viendra
comme par enchantement.
» Maintenant, parlons divertissements ; c’est notre
faible, a nous. Eh, grand Dieu , la vie est si courte !
pourquoi ne Templolerait-on pas un peu au bonheur ?
Ah! sile vieux monde n’etait pas si ignorant, siegoi'ste,
comme on verrait ce faible cote devenir la principale
des choses pour tous.
> Nos soirees, nos jeux, nos bals, notre theatre lais-
sent encore beaucoupa desirer; mais nous y trouvons,
pour notre part, unejoie inexprimable, parce qu’ils res-
pirent un air de decence, de fusion, de confraternite
impossible a decrire. Ce melange de vieillards et de
petits enfants, de citoyens et de citoyennes, de jeunes
lilies; tous polis, animes d’un zele sympathique, d’un
entrain depouille de fard, tout cela parle parfois si elo-
quemment dans nos divertissements, que I on ne pent
s’empecher de s’ecrier : c 0 prodige de la volonte! non
seulement tu peux transporter les montagnes, mais en¬
core du plus malheureux des peuples (moralement par-
lant) faire le plus heureux ! »
» Que pourrions-nous vous dire de plus pour le mo¬
ment ?
» Nous esperons que bientot vous serez au milieu
de nous, pour partager nos travaux, nos plaisirs, nos
fetes et nos jeux. • /r ’
» Adieu done, cheres soeurs, nous ne pourrons nous
309 —
lasserde vousappeler a nous ; nous serons si heureuses
lejour ou Tonnousapprendra que nossoeursde France
viennent pour fraterniser avec nous !
» Cheres soeurs, pensez souvent a nous et a lcarie;
ecrivez-nous quelquefois.
» Recevez nos baisers fraternels et les amities de tous
les leadens.
Zelina Plee; Aimee Lacour ; A. Thomassins;
Claire Defay; Annette Lacour; Clotilde
Lecoutour; H. Chicard; A. Dodier; A.
Gluntz; J. Bernard; E. Lavat.
En dehors deces manifestations collectives des mem-
bres de la Colonie, j’ai cherche dans les correspon-
dances particulieres les opinions individuelles sur la
situation etla marche de la Colonie; on m’a communi¬
que plusieurs lettres que je reproduis textuellement ou
dont j’extrais les principaux passages que tu liras cer-
tainement avecinteret. Lesvoici par ordre de date :
r [[ ■ ,*) V< ; *,fn i 1 ( 1 11 ; • vi 1 • ML / • ' ' i
Cheltenham, le l^r novembre 1859.
Mon cher Belvet et ami,
» Je n’ai pas voulii vous ecrire avant de tout voir, de
tout.apprecier; je ne m’etendrai que sur certains de¬
tails du voyage, qui, apres reflexion faite, sont tous les
memes, tantpour les riches que pour les pauvres, e’est-
a-dire que l'on a plus ou moins de desagrements; car
l’on est prive de beaucoup de petites douceurs que l’on
%
a chez soi; tout cela occasionne du mecontentement,
de I’ennui et meme du decouragement. Croyez-en mon
experience, le voyage estune grande ecole.
• * i
» J’ai trouve la propriety plus jolie que je ne l’avais
cru, et les proprietaires aussi heureux que peuvent le
— 310 -
desirer des honnetes gens, il ne nous manque rien du
necessaire et meme , nous avons plus, nous avons l’a-
greable, nous avons toutes les distractions honnetes et
morales que Ton peut trouver en France, et, tout en
ameliorant notre sort, nous servons une sainte cause,
quoique nous ne sovons pas parfaits, nous avons la vo-
lonte de nous perfectionner, ici ce n’est que de la
bonne volonte qu’il nous faut, nous sommes libres, per-
sonne ne nous commande, il n'y a done que la con¬
science et le souvenir du passe qui nous guident; quelle
difference d’existence entre celle passee et celle pre¬
sente ! avec quel courage Ton travaille, en pensant que
e’est pour soi. Combien je connais de bourgeois ou ne¬
gotiants aises, qui seraient cent fois plus heureux et
tranquilles parmi nous, si ce n’etait l’app&t des riches-
ses qui les aveugle, au point de les priver du neces¬
saire, ce sont des homicides qui se tuent pour acca-
parer une fortune dont ilsne profiteront jamais, car ils
sont insatiables et ils mourront avant d’arriver a leur
but, ou ils n en profiteront qu’en souffrant. Au moins,
nous, ce n’est pasainsi, nous travaillons suivant nos
forces, sans souci du lendemain, nous recoltons chaque
jour, et notre vieillesse s’eteint entouree de soins et de
calme. Quand je dis : nous vivons sans souci, je veux
dire de la misere; n’allez pas croire que nous sommes
des idiots, des hommes sans intelligence ; au contraire,
elle se developpe plus ici qmailleurs ; e’est a nous tous
de gerer nos affaires, et ce n’est pas une petite chose:
puis il faut penser aux amusements. Je ne puis vous
dire sans rire qu’un pied dans la tombe, jeme permets
de danser ; je vais apprendre l’anglais, la musique ins-
trumentale, et ma femme la musique vocale, pour chan-
- 311 -
ter dans nos soirees et au theatre, car elle va etre ac-
trice.
» Je travaille de moil etat, ma femme est blanchis-
seuse, cela doit vous etonner, vu qu’elle paraissait si
delicate, le voyage l’a changee, elle se porte bien,
quoiqu’elle ait eu beaucoup a souffrir le long du voyage
de la part des personnes qui etaient avec nous, et puis
elle etait habituee a etre choyee ; je suis bien content
d’elle, elle accomplit bien la mission qu’elle s’est im-
posee; elle fait voir que quand i’on veut, l’onpeut;
puisque ma femme se convient ici, je ne doute pas que
beaucoup s’y plaisent.
w Cher ami, nous nous sommes souvent entretenus
du President et de sa famille que nous desirions con-
naitre, lorsque le hasard me servit a point dans le
chemin de fer, en allant a Paris, je me trouvai pres
d’un voyageur dont les colis etaient marques M. Merca-
dier pere ; cela piqua ma curiosite et j’engageai la con¬
versation sans me faire connaitre; le voyageur ne se
doutant pas a quUil parlait, put causer tout a 1’aise;
apres m’avoir conte toutes les affaires de sa famille
(j’oubliais de vous dire que ce n’etait pas le pere de
de notre President, mais son cousin et instituteur); il
finit par me dire que son cousin etait un brave homme,
tres instruit, aimant a rendre des services. Puisque je
me rendais en Amerique, si j’avais besoin de lui, il se
ferait un plaisir de nous etre utile; quoiqu’etant un
homme de talent, il avait des fausses idees que jamais
il ne realiserait le projet de faire disparaitre l’argent;
en un mot, le plus grand tort qu’il avait, c’est qu’il a ete
desinteresse au point d’avoir refuse en mariage une de¬
moiselle tres riche dont la grosse dot aurait fait le bon-
— 312 —
heur de sa famille, avec qui il est brouille; mais, du
resle, la Societe dont il etait le chef, etait composee de
braves, honnetes et vertueux travailleurs qui voulaient
vivre de leurs labeurs.
. d Voila les ennemis du principe; tout en voulant
nous abaisser ils nous elevent. J : admire un homme tel
que le cit. Mercadier, notre President, qui, apres avoir
quitte une belle position, est venu parmi nous se sacri-
fier, car c’est sur lui que reposent toutes les charges, et
bien souvent, il est comme notre venere pere Cabet,
lorsque nous dormons, il veille ! ce sont la des hommes
rares dont nous devrions nous efforcer d’adoucir les far-
deaux, ennous rendant dignes du nom que nous por-
tons. '> ‘ '( ab
Femme Lay at. Lav at.
Cheltenham, le 27 avril 1860.
« Cher ami Girard,
. f . t‘ m 1 . r» Ka Lin » ar»
y> Je ne vous ai pas ecrit aussitot arrive parce que je
voulais pouvoir me rendre compte de la colonie pour
vous en parler. C’est bien mieux que je ne pensais, a
mon point de vue. Je n'ai jamais eteaussi heureux ainsi
que ma femme, elle s’est trouvee toute surprise en voyant
tout les bienfaits auxquels elle etait loin de s’attendre.
j> Le principe je le vois plus que jamais realisable
avec les hommes qui aiment le travail, nous marcherons
de plus en plus vers un bien etre assure; vous me direz,
pourquoi les retraites? parce que rhomme sortant de l’in-
dividualisme il retourne dans la vieille societe et c’est
son imperfection qui le fait agir ainsi, il n’y a que les
hommes devoues pour le bien etre de l’humanite qui
restent a leur poste.'.
» G.. apres avoir quitte la societe, s’etait etablia
‘Saint-Louis avec un associe, mais il n’a pas pu faire ses
affaires; sans avertir son associe il demenagea et il etait
sur le bateau a vapeur quand l’aulre le fit arreterpour
lui faire rendre compte de finfraction qu’il lui faisait.
> Favard et Prudent ont quitte Nauvoo; ils sont a
Saint-Louis en train de tirer le diable par la queue, il
n’en reste pas beaucoup maintenant: ca marche tout
a sa dissolution.
» Deux mots sur notre voyage: tout a bien ete autant
sur le vaisseau que sur le Mississipi. L'on se fait
des idees toutes a son desavantage tandisque ee n ? est.
rien, pour mon compte, j’aime autant voyager sur
le navire que sur le chemin de fer et quand j’ai
quitte le notre, il me semblait qu’il me manquait
quelquechose. Arrives ala Nouvelle-Orleans nousy avons
reste deux jours et nous nous sommes embarques sur
le bateau a vapeur ou nous avons passe six jours; aucun
de nous n’a trouve le temps long, il y a de quoi se dis-
traire en regardant les bords du fleuve qui sont at-
trayants. Enfin nous voila arrives a Saint-Louis tous en
bonne sante, nous avons envoye un des notres pour les
avertir de notre arrivee: de suite les wagons de la colonie
nous sont venus chercher; arrives a la grande famille
nous avons ete recus avec beaucoup de fraternite, il n’y
a que celui qui est present qui peut s’en faire une idee/
pour le logement on est a son aise; on.est bien noun/;
pour les amusements: un dimanche c’est theatre,/le
dimanche suivantbal; apres divertissements divers/ Je
me trouve bien a mon aise, je n’ai plus d’ennuis, je fais
mon travail selon raa force et les jours se passent qheje
me trouve tout etonne d’etre arrive au dimanche.
i Nous allons tous tresbien. Ma femme, les demoi¬
selles Lacour Aimee, Lacour Annette, Claudine Defaix.
vous font bien des compliments; je leur ai demande
.si ellesse plaisaientbien; elles sont tout a fait satisfaites
de leur position, le seul bonheur qu’elles envient serait
de posseder leurs parents etamis pres d’elles. Le cjtov en
Ducoin vous envoie bien le bonjour ainsi
amis. Vous pouvez engager tous les vrais Icariens a.venir,
— m —
ils n’aurontjamais a s’en repentir, mais ceux qui pensent'
se faire unpieda terre etseretirerapres,il vautbeaucoup
mieux qu’ils ne viennent pas.
)> Fiien cle plus qui merite votre attention.
1 ■ ; * Votre tout devoue ami,
« Guillemin.
r t Cp ■ • {; f j f P *i * » • * P v ( f 0 I f f *1 ff (T If O /1 J |)‘ |(T f 1 1 i J]'*) 11.
« femme Guillemin.
1 • J
i) Vous nous donnerez des nouvelles aussitot cfue
possible. »' • :
' P p
'• K « i I I U i J * I V | f 1 M J l f 1,1 f
» Cornme l’espace me manque, je serai href. — Mal-
gre les quelques retraites de ce printemps, la Societe
marclie tqujours pleine de resolution. Les elements du
passe sont brises par notre marche, tandisqu’elle remplit
d’ardeur et de foi les homines qui veulcnt fonder la
Communaute en acceptant les genes de la fondation.
Mais les jouisseurs, les impatients, ceux qui veulent pro¬
filer immediatement des avantages materials de la Com-
mimaute sans s’inquieter de creer une base solide pour
le iendemain, desertant leur poste, tie sont pas regrettes
par nous. Le depart des 26 est solide ils deploient une
tnergie remarquable. Nous cueillons les fruits d’un bom
sjsteme de propagande qui eonsiste apratiquer nos prin-
cipes en France et a reformer sesmoeurs avant de venir.
Pour moi Icarie dale du l e r mai 1859, elle se regenere,
die salt ou elleva. Courage et en avant. Maximilien Ser-
tier est pres de moi au bureau. J’en suis tres content.
cc A vous tous de coeur,
» Jh. Loiseau. »
. . ■ ' . . j , * p j a .. < 1 t w 1 * ' " 'If Ii k | f/i ft t.ftl * y fi
Cheltenham, 14 mai 1860.
Mon cber Bedou'ch,
« Je ne chercberai’point a m’excuser du long retard
que j’ai mis a vous ecrire, je vous en ai fait connaitre
— 315 —
les motifs dans mes precedentes lettres a divers. Aussi
j’aborde de suite le but de la presente qui est de vous
dire deux mots de notre fete de dimanche. Tout joyeux
encore de cette belle journee, j’ai hate de faire partager
mon allegresse a tous nos bons amis.
Samedi 12 au soir a Fassemblee ont eu lieu les ad¬
missions definitives de Vinsot, Bnrla, Lavat, Loiseau
pere, Josephine Bernard et Augier. Ce renfort de citoyens
actifs a deja contribue a repandre parmi nous la bonne
humeur. Le lendemain a 4 heures du matin, le reveil
sonnait sur la place Icarienne, a 6 heures la Golonie
prenait un frugal repas et a 7 heures notre caravane
se mettait en route, les voitures en tete, pour le cime-
tiere Riddle qui se trouve a 5 ou 6 milles de Cheltenham.
A 8 heures 1/2, nous etions tous reunis autour de la
tomhe de notre illustre maitre, ou nous avaient prece¬
des nos amis Maurice et Ducoin de Saint-Louis. Un mo-
deste rosier surmonte d’une couronne d’epine distingue
ce tombe.au au milieu des autres; a quelque distance
de la, des petits poteaux marques du niveau egalitaire
et de quelques initiates, indiquent la derniere demeure
des Icariens morts pour la Communaute et Fhumanite.
Chacun de nous avait la un pere, une mere, des freres
et des soeurs ou des enfants cheris. Chacun trouvait la
un souvenir douloureux et d’amers regrets.
Lorsque toute la Colonie fut reunie autour de la tombe
de notre fondateur, le cit. Augier fit ressortirpar quel¬
ques paroles bien senties l’ingratitude et Fignominie de
Fopposition et la belle conduite de la minorite. La ci-
toyenne Lavat dit ensuite une sorte d’invocation aux
mimes du martyr, enfin le cit. Mercadier a clos la cere-
monie par un discours dans lequel il a developpe la
conduite et le devouement de Cabet, son abnegation et
ses malheurs. II nous montra l’individualisme en proie
aux passions ego'istes et materielles, la democratic com¬
promise et dupee par les parleurs et les ambitieux, si¬
tuation terrible qui nous impose a nous Icariens, hom¬
ines pratiques, Fobligation de perseverer et de continuer
— 316 —
une oeuvre qui doit etre un jour le refuge et le salut des
idees de progres.
Apres ces discours, 1’assemblee, sous l’impression de
ce qui venait d’avoir lieu, se dispersa dans le cimetiere
a traversles cypres et les tombes, reflechissant peut-6tre
au neant de [’existence humaine, et a la folie de ceux
qui pour des jouissances si courtes et si frivoles, per-
dent le sentiment de leurs droits, de leur dignite et de
leur honneur.
)> Un quart d’heure apres. nous etions tous en route
pour Cheltenham. A moitie chemin, les wagons qui
avaient pris le devant, s’arreterent sous un couvert de
feuillages et attendirent le reste des pietons. Apres quel-
ques instants de repos, la societe se remit en marcheet
a 11 heures nous etions tous rendus a la Colonie ou une
collation nous attendait.
» A 3 heures, la musique ouvre le banquet, notre
refectoire, decore par lessoins du citoyen Sertier, com-
missaire de la fete, presente un riant aspect. Aux quatre
angles de la saile s’elevent quatre bosquets de verdure.
A une extremite se trouve le portrait de Cabet entoure
de guirlandes de fleurs. Au-dessus on lit: 12 mai 1856.
Les trois cheminees du refectoire sont ornees par des
vases de fleurs. De distance en distance sont placardees
les inscriptions suivantes : Ne fais pas a aulrui ce que
lu ne vouclrais pas quon te fit! — Aimons-nous les
nns el les autres , si nous rontons reussir! — Egalite!
— etc., etc.
L'entree du refectoire est egalement ornee de feuilla¬
ges formant la voute d’un berceau. Le printemps nous
avait fourni un large tribut de ses richesses. La splen-
dide et feconde nature etalait parmi nous tous ses tre-
sors, fleurs, mousses et feuillages; autour de nous les
oiseaux font retentir les bois d’un melodieux concert.
Ah! mon ami, ce spectacle valait bien dans sa simpli-
cite, la grande mise en scene des fetes parisiennes! •
Celles-ci ne laissent au fond des coeurs que des senti¬
ments d’orgueil et d'ambition, d’amour du luxe et des
— 317
richesses, celui-la eleve Tame et y depose lcs germes de
ramour fraternel et des vertus sociales. — Le banquet
a ete court, plusieurs personnes prononcerent des
toasts; la musique a fait entendre plusieurs airs varies*
Chacun attendait la soiree avec impatience. A 6 h. 1/2
la salle etait prete. Le theatre etait eleve. On a com¬
mence par quelques chants: Romances, poesies et
ehansonnettes comiques. La deuxieme partie de la soi¬
ree a ete remplie* par: La Joie fait pair, de M me E. de
Girardin, charmante comedie. petiHaute d’esprit et
remplie de bons enseignements. Nous avons termine
par un dialogue comique mele de couplets, intitule:
Les deux Comperes normands . Cette petite piece jouee
par Rambaud et moi, avec les costumes et le patois du
pays, a fait assez rire Fauditoire.
Notre salle etait moitie trop petite. Unc affluence
assez considerable d’Americains du voisinage et des
personnes de Saint-Louis s’etaient portee au milieu de
nous. Et quoique tres peu comprissent le francais, ils
etaient tous enthousiasmes. Nous etions bien genes,
inais it faut les tolerer, car nous devons, par nos rela¬
tions amicales avec le voisinage, etablir solidement
notre reputation, et assurer notre avenir. Nous com-
menQons a etre bien connus, et plus nous irons, plus
nous acquerrons de la renommee.
Mes embrassements fraternels a tous nos freres et
sceurs.
Joseph Loiseau.
Clieltenliam, lo 20 mai 18G0.
« Ami Joseph Gaud,
» Votre indulgence saura m’excuser du long silence
dans lequel je suis reste.
» Mon bon Joseph, je voudrais vous rendre temoin
d’une semaineen lcarie, la vous verriez un peuple vrai-
ment nouveau, autant par ses moeurs que par ses insti¬
tutions ; chez lui vous ne trouveriez pas de tromperies,
— 318 —
pas de desseins caches, pas d’ambition, pas de supersti¬
tions, pas d’orgaeil, pas de vanites, pas de fourberie,
pas de luxe, pas de paroles qui touchent a la pudeur,
la vous diriez: c’est une societe modcle,unpeuple libre
et sage tout a la fois, ou la jeune fille et le vieillard sont
respectes, ou les agrements: danses, concerts, jeux 5
soirees chantantes, soirees comiques,' musique, etc.,
sont en rapport avec le principe que nous professons.
Tout le monde prend part aux agrements, y apporte se&
qualites; si onn’en possede pasassez ontravaille a en ac-
querir d’autres, car c’est le moyen d’obtenir 1’estime de
la societe : aussi voit-on chacun en particulier s’efforcer
d’obtenir cette marque honorable par une conduite
irreprochable.
i La vertu est si bien etablie en Icarie que celui qui
y arrive est surpris des manieres simples, mais polies,
que chaque membre a pour son semblable.
Je crois cependant utile de vous donner quelques
renseignements a ce sujet. J’ai la certitude que je vous
inspire assez de confiance pour que mes avis puissent
vous servir a fixer vos idees etvous guider dans votre
appreciation sur l’etat de la situation morale et mate-
rielle de la Communaute.
» Je vous dirai tout de suite que nous nous y trou-
vons assez bien, la situation morale est aussi satis-
faisante que notre imperfection nous le permet; il y a
bien quelques petites contrarietes, quelques petits
desagrements qui se produisent, soit par la difference
de nos caracteres, par nos vieilles habitudes, par le
manque d’education ou par nos petites genes; mais
tout cela n’est presque rien et ce n’est pas ce qui pent
empecher la reussite de la Communaute. Je suis con-
vaincu, par toutes les experiences de hausse et de
baisse ou j’ai passe a diverses epoques dans la Com¬
munaute, que tous ces petits tiraillements disparaitront
des que nous serons plus nombreux, plus prosperes et
surtout plus instruits sur notre doctrine de fraternite.
D’ailleurs il ne faut pas Foublier pour le moment, s’il
y a ici quelques petits defauts, il y a aussi de precieuses
qualites et surtout beaucoup de bonne volonte pour
remediera cemal, c’est-a-dire pour nous perfectionner.
Nous avons notre Cours Icarien oil chacun peut venir
puiser une instruction mutuelle et epancher une
reciprocite de sentiments fraternels entre nous et nos
— 323 —
amis du dehors, c’est le vrai moyen, en le generalisant,
de cimenter Turnon qui doit exister entre tous les
Icariens. Nous avons nos promenades d’ete et nos
amusements divers; pour Thiver, nos bals, nos soirees
en famille, notre theatre on nos amis rivalisent de zele
et de bonne volonte, on pourrait meme dire de talent,
ear je vous assure qu'ils ne jouent pas mal.
)> Voila a peu pres ce que j’ai a vous dire pour le cdte
moral, il en est a peu pres de meme pour le cote mate¬
riel, un peu de bien, un pen de mal. Nous avons une
propriete achetee aux conditions que vous devez savoir;
elle est tres belle et bien situee a deux petites lieues de
Saint-Louis; les environs sont tres plaisants; nous
sommes entoures de bois, de fermes et de mines de
charbon de terre, ce qui nous est d’une grande utilitc
pour notre chauffage; je ne vous fais pas le plan
detaille de notre propriete, Tadministration vous l’a
fait connaitre mieux que je ne pourrais le faire; je vous
dirais seulement que nous avons, tant en ateliers qiTen
maison d’habitation tout ce qui nous est necessaire et an
dela. On est en train de construire une grande ecurie pour
nos bestiaux; nous avons en ce moment cinq che-
vaux, six vaches et quelques genisses, il nous manque
encore quelques vaches. Nos maisons sont tres plai-
santes, chaque menage a une chambre a deux croisees
assez grande et tres propre;pour ameublemenl, on a
une couchette, un porte-manteau; pour les effets, des
rayons, un poele en fonte et nos malles pour serrer le
linge et nous servir de canape. La meme chose est
affectee a deux celibataires; pour le vetement, tout le
monde est assez bien vetu, mais il serait bon que nous
avons un habillement uniforme. Pour la nourriture,
— 324 —
elle est abondante et same, mais elle n’est pas assez
variee, soit par le manque de certaines choses, ou que
nous n’avons pas des personnes speciales pour la pre¬
paration des mets, nous sommes obliges de prendre'
ceux que Ton peut, selon que l’interet du travail l’exige;
nous aurons a y apporter des ameliorations, car cela a
ete souvent un sujet de retraite; que voulez-vous? on a
de certaines habitudes, quand on a vecu un peu en
sourmet, et il est difficile de s’accommoder de la table
commune; mais vous pouvez bien penser que ceux quf
se retirent pour ce seul motif n’ont pas une forte con¬
viction icarienne, il vaut mieux pour eux et pour nous
qu’ils aillent ailleurs contenter leurs gouts que de nous
etre un sujet d’embarras. N’allez pas croire cependant
que Ton soit tout a fait mal, tous les repas se prennent
au refectoire, excepte les citoyennes qui prennent leur
dejeuner chez elle au cafe au lait; pour dejeuner, nous
avons la soupe, un plat de legumes ou de viande, a midi*
un plat de viande et un de legumes, souvent un dessert,
et le soir, la soupe et un plat de legumes, quelquefois
le plat de legumes est change par autres choses diver-
ses; pour boisson, du cafe le matin et de beau a midi,
et le soir, nous avons aussi generalement du bon pain;
eertes, ce n’est pas eomme nous le desirions, mais
combien d’ouvriers et de cultivateurs en France s’en
trouveraient bien! Nous avons une cuisine speciale
pour les malades, parce que, a defaut d’avoir une inflr-
merie, ils sont soignes chez eux. A propos de malades,
il faut que je vous parle de l’etat sanitaire du pays;
generalement on s*y porte bien; en biver comme en
ete, Fair est continuellement vif et pur; il y fait un
peu plus chaud et un peu plus froid qu’en France dans
«
- 335 —
]es deux saisons; il n’y a presque pas de printemps, et
la saison d’automne est longue et belle; mais cela
n’empeche pas que nous ayons quelques fievres comme
a Nauvoo oil il y avait la fievre et la dyssenterie; mais.
ici nous n’avons pas fagrement d’avoir cette derniere.
Nous pensons que cette fievre diminuera d’autant que
la contree se defrichera. Cette annee, nous n’en avons
pas eu parce que le temps est sec; V annee derniere que
le printemps avait ete pluvieux, nous en avons eu pas
xnal; aussi les dissidents ont profite de cela pour dis—
creditor notre position. Nous esperons que cette annee,
ils en seront pour leurs frais. Ces fievres ne sont pas
dangereuses, mais elles font soufrir et derangent le tra¬
vail. 11 y a des personnes qui les ont fortes et d’autres
faibles, selonla sante et les precautions que V on prend;
moi je ne les ai jamais eues, ma femme les a eues trois
fois par intervalle de deux, quatre ethuit jours.
» Par les details que je vous donne, vous pouvez voir
a peu pres quelle est notre situation. Nos ressources,
comme vous le savez, sont notre travail pour le dehors,
soit pour des patrons de Saint-Louis, ou par des travaux
que nous entreprenons dans les environs, par notre
forge et charronnage et jardinage qui prennent tons les
jours de nouvelles extensions. Pour ce qui est de Ja
comptabilite, vous pouvez consulter finventaire de
decembre dernier, le compte-rendu semestriel de fevrier "
et les deux lettres a Gorilla qui exposent la situation
financiere plus exactementque je ne pourrais le faire, et
vous rendre compte par vous-meme des recettes et
depenses de la dette courante et de la valeur de la
Colonie. En resume, sans etre en paradis, notre situa¬
tion est assez satisfaisante, et, quoique nous ayons fait
— m —
heaueoup, il nous reste encore beaucoup a faire. Nous
avons l’espoir que, si nous sommes bien secondes, si
tous les Icariens nous pretent bien leur concours, nous
fmirons par asseoir notre Icarie sur ses veritables
bases; mais pour cela, ii faut entrer de plus en plus
dans la voie ou Tesprit du Fondateur veut que nous
soyons pour realiser son oeuvre qui est contenue dans
ces trois mots Justice, Travail, Amour, sources de
progres, de prosperity de bonheur pour ceux qui sau-
ront comprendre, pratiquer et perseverer. II ne faut
plus de ces elements ultra-politiques qui puissent
prendre pour despote et ambitieux 1’esprit d’un homme
.qui a donne cinquante annees de sa vie au service de
Thumanite, ni de ces autres petits reformateurs qui,
sous pretexte de progres, viendraient avec leur petite
science en pocbe arreter le travail et nous embarrasser;
cesont la les deux principals sources du mal qui oat
toujours divise et failli perdre la Communaute. Desor-
mais il nous faut des Icariens pour fonder Icarie, tout
Icarie, rien qu’Icarie. Que ceux qui veulent autre chose
s’en aillent les pratiquer ailleurs et nous laissent tran-
quilles; nous ne voulons pas faire Fessai de deux sys-
temes a la fois, nous ferons des voeux pour leur reussite.
Si le fondateur et vertueux maitre avait eu des le com¬
mencement des disciples au lieu d’avoir des adversaires,
Icarie serait grande et prospere et ne serait pas a
recommencer.
» Pour nous, mon cher Sarot, quoique nous avons
supporte les peines de toute sorte, les privations, les
tracasseries, les petites miseres, les divisions, les ingra¬
titudes et la desertion de quelques amis, nous restons
toujours convaincus que le systeme de la Communaute
~ 327 —
est realisable et possible, et qu’il est toujours vrai que
le fondateur d’Icarie a montre aux hommes le seul
moyen de les rendre veritablement heureux. En atten¬
dant le plaisir de vous voir, nous sommes assez bien
portants; je suis un pen retabli de ma petite maladie ;
ma femme se joint a moi pour vous adresser nos sin-
ceres amities, sans oublier tous nos amis.
* Salarniek. »
* . > • ^ J* 1
Cheltenham, le 12 juin 1860.
\ , ' r - • j ( • - . *1* .* : *, j., f > . ([ *., \ \ * / * r
Mes chers amis.
s
(( En quittant Paris, j’ai promis de vous ecrire, sij’ai
tant tarde, e’est que j’ai voulu envisager la Commu-
naute sous tous ses points; si je vous avais ecrit en
arrivant, je vous aura is dit que la Communaute etait
ravissante; aujourd’hui je vous dis qu’elle est belle.
» Pour les amusements, j’eprouve ici beaucoup plus
de plaisir que je ne pensais. Le dimanche, quand il y
a bal, je prends bien ma part et voudrais que la soiree
durat plus longtemps. 3,Ion frere a tenu sa parole, il
m’avait promis, il y a six ans, qu’il me ferait danser
en Icarie, il s’en est acquitte a mon grand contente-
ment. Quand il y a theatre, vous ne pouvez vous figu-
rer comme e’est beau; car en vous disant que mon
frere et ma belle-soeur jouent, e’est vous dire que tout
le monde participe au plaisir comme au travail.
» Le jour que l’on a joue la piece des Eons Enfants ,
on s’est tant amuse qu’il etait presqu’impossible de
s’empecher de rire; personne ne pouvait s’en defendre;
la piece etait si belie comme morale, bien jouee et
avec beaucoup d’entrain.
— 3f>8
» Quand j’etais en France, j’ai etc bien souvent au
theatre; j’ai vu de plus belles pieces, mais je n’ai
jamais goute le bonheur que je ressens ici ; car
malgre quelques petites privations, si nous savions
bien comprendre, c’est presque le Voyage en lcarie.
» Dans la semaine, nous n’allons jamais an travail
avant huit heures du matin. Qu’avons-nous a faire
avant? seulement notre petit menage et notre toilette,
notre dejeuner est tout pret et nous l’avons quand nous
le desirons. Voila notre tracas avant le dejeuner et
notre depart pour l’atelier. Tous les lundis on donne le
linge au lavoir, et on le retrouve le samedi lave, re-
passe , racommode. Voyez si une femme en France,
qu’elle ait des enfants ou qu’elle n’en ait pas , peut
etre aussi heureuse que nous! Eh bien! malgre tout
cela, on trouve encore le moyen de se plaindre, et
beaucoup de femmes ont decourage leurs maris. Cela
vient de ce que nous ne eomprcnous pas assez le prin-
cipe de la Fraternite.
» Je vous repeterai toujours d’engager nos soeurs a
etudier le principe de fraternite, base de tout le
principe icarien, et ne dites plus ce que j’ai entendu
dire en France : elle n’est pas bien icarienne, mais elle
se fera la-bas. Moi je vous repete que si elle n’est qu’un
peu icarienne en partant de France, elle pourra cesser
de l’etre, c’est a craindre; c’est pour cela qu’il faut
bien leur faire comprendre avant de partir et leur faire
eprouver quelques petits desagrements ou privations,
cela fait qu’en arrivant ici, elles seront courageuses,
eiles supporteront plus facilement les privations avec
devouement et non par force.
» Je ne desespere pas sur les progres que les femmes-
— 329 —
pourront faire, les hommes en ont bien fait parmi eux,
car on n’entend jamais de gros mots, pas un jurement;
on peut aller n’importe ou et n’importe a quelle heure,
avec eux on n’a jamais a rougir, car tous, le plus petit
jusqu’au plus grand, nous portent le plus grand respect.
» Mais le devoir d’une icarienne est d’etre toujours
modeste, ainsi je vous ai depeint la communaute sous
tous les points de vue que je l’ai envisagee: aussi, je
pense que vous serez coinme moi, que vous trouverez,
beaucoup plus de perfections que de defauts, aussi je
peuxvous dire que je suis tres heureuse.
)> Vous m’avez demande des fleurs d’lcarie et j’ai
promis de vous en envoyer sitot que je serais arrivee,
je m’acquitte envers vous, je vous envoie une pensee
pour chacun, elles sont de nos jardins, des feuilles de
rosiers et de roses; elles vous seront d’autant plus pre-
cieuses que je les ai cueillies sur la tombe du citoyen
Cabet.
)> Je vousdirai que j’apprendsa lire et a ecrire, parce
qu’en Icarie on peut tout ce qu’on veut; je commence a
faire quelques progres, car c’est moi qui signerai ma
lettre. Bien des choses au citoyen B. Adressez aux ci-
toyennes Cabet et Favard mes sentiments affectueux, et
ne m’oubliez pas aupres de nos amis et amies de Paris.
» Je vous embrasse de tout mon cceur et je desire que
vous veniez bientot nous rejoindre. Je n‘ai pas ete ma-
• ade jusqu’a ce moment, le climat ne me parait pas con-
traire a ma sante ; j’esperc que celacontinuera.
» Tout a vous d’amitie fraternelle.
Le citoyen Yincot me charge de ses amities; il recoit
a l’instant la lettre que vous lui adressez, je n’ai pas
encore pu en prendre connaissance. Dans ma premiere,
jevous ecrirai d’apres ce qu’elle dit.
— 330 —
» Dans votre reponse. veuillez me donner des nou-
relies de Thomin, dans le cas oil il ne serait pas a Paris.
. » Mes amities fraternelles a toutes.
/ r
» E. Lavat. »
• V * I r * 1 A
De toutes ces nouvelles, de toutes ces lettres collec¬
tives et privees, il ressort une chose tout a fait conso-
lante ; c’est que le petit nombre d’Icariens qui sont
restes fideles a leur mission, loin d’etre decourages par
les obstacles et par les retraites de ceux qui n’ont plus
ni force ni courage pour continuer, sont plus ardents,
plus decides qu’ils ne Font jamais ete. Nous noiis ren-
dons bien compte de cet enthousiasme, qui n’a rien
d’aveugle et d’irreflechi: car il est au contraire soutenu
par la perspective d’un succes prochain ; ils apercoivent
le but, ils sont prets d’y toucher, et leur ardeur se
trouve surexcitee au lieu d’etre abattue par les obs¬
tacles qui les en separent encore.
Le concours des Icariens du dehors • l’arrivee pro-
chaine de nouveaux membres, tout doit contribuer et
contribuera, en effet, a soutenir I’enthousiasme de nos
T T * •
soeurs et de nos freres de Cheltenham. La cause qu’ils
servent n’est pas leur cause seulement, c’est la notre
aussi; c’est celle de tous les travailleurs, de la demo¬
cratic, du progres, de l’humanite entiere. Nous ne sau-
• -*
rions done rester spectateurs inactifs de leur lutte ; n'ou-
blions jamais, nous tous qui nous disons Icariens, que
nous sommes nccessairement solidaires de leurs succes
comme de leurs revers. Rejouissons-nous de cette soli-
darite; car si nous souffrons depuis quatre ans des
malheurs successifs qui nous ont frappes, nous parta-
gerons bientot la satisfaction de voir nos communs ef¬
forts couronnee de succes.
i
— 331
f r j ■
f '
>
Si nos scours et nos freres de Cheltenham donnent
des prenves de Jeur courage et de leur denouement, ils
peuventetre assures queleur exemplen’est pas inutile :
voici quelques lettres que j’ai recues de nos co-reli-
gionnaires de differents pays, qui prouvent qu’on com-
prend generalement la necessite du devouement.
La premiere m’est ecrite du departement des Bom
ches-du-Rhone, par deux souscripteurs a l’emprunt.
~r>g ° b .irornofn f >I moq di .lit) Jgo
i n * i
v - - i r r ’ i ■ o •
.tn'iciofuroufT! orquosona ojjmj aouna
j > Cher ami Beluze,
.auon Rph'HilO*) ,, i
Ilf t-M I
XXIII
1 VI tS lW
II HU 0? hi
r )
— 332 —
recevrez vers le 10 du mois prochain. A cette epoque,
nous vous indiquerons ceux qui auront paye pour Fan-
nee ou pour le semestre.
» A ce sujet, verifiez vos anciehs comptes, et donnez
nous les noms des personnes qui seraient redevables
dans notre ville, nous tacherons de les faire solder, s’il
est possible. ’ . i , |
» V... et moi, nous adoptonsce qui est dit ci-dessus..
R.... dit qu’il continuera les brochures, mais sa position
ne lui permet pas de s’engager. G.... nous dit etre re-
solu a entrer dans cette voie. Quant a G. ...r., le pret a
cinq centimes lui semble trop minime, et cependant il
est, dit il, pour le moment, dans Fimpossibilite de sa-
crifier autre chose que Fabonnement.
» Envovez-nous nos petits comptes que nous les
acquittions.
*
)> Recevez nos salutations, etc.
♦ 1 % r ' a * % f T«r
-0/0^1 Cher co-relidonnaire et ami,
• « * • • . »
2 > Je vous prie de m’excuser si j’ai ete si longtemps
sans vous repondre, je voulais vous envoyer de bonnes
nouvelles, et voila le sujet de mon retard, j’ai vu des
amis, je les ai engages a envoyer quelque chose a la
Societe Icarienne, j’en ai trouve un qui m’a dit qu’il
pourrait prendre une obligation de cent francs d’ici
quelque temps, et moi je vous envoie cinq francs en
timbres-poste pour m’eviter un voyage en ville pour
— 333 —
l’abonnement aes brochures de l’annee I860, et d’ici
quelque temps j’espere vous euvoyer 55 ou 60 francs,
avec mon recu de 300 francs, pour completer cinq obli¬
gations de cent francs.
> Comptez, eher co-religionnaire, que je ferai aller
les affaires aussi viteque je pourrai.
» Recevez, en attendant, ^assurance de mes senti¬
ments fraternels.
» R. »
•j: l,i ; i 1 JCj *.'• ') : i <''
Voici la troisieme lettre, elle m’est adressee par un
j -
ancien Icarien qui avait suspendu ses relations avez
nous pendant ces dernieres annees; il sent aujourd’hui
la necessite de reprendre sa place dans nos rangs. Nous
Ten felicitous; il sera le bienvenu.
LJ 1 J 1 ' r J1 *. i) 1»’ * J J I & il i t# I /
Cher citoyen Reluze,
a Je viens faire reponse a votre lettr^ datee du 11
juin, dans laquelle vous demandez que chaque Icarien
vous fasse connaitre ses intentions aux conditions qu’elle
renferme, en meme temps que vous demandez a ceux
qui se sont tenus a recart du mouvement Icarien depuis
les evenements causes par la mort du citoyen Cabet;
s’ils s’en separent completement ou s’ils desirent rentrer
dans les rangs de ceux qui sont constamment restes a
leur poste.
« Je vous dirai d’abord que les motifs qui m’ont fait
tenir a l ecart, apres la mort du citoyen Cabet, ne sont
pas tout a fait la cause de cette perte regrettable en elle-
meme, car ma conviction etait qirlcarie pourrait survi-
vre a son fondateur, mais seulement il ne m’etait ja-
— 33 4
mais venu a la pensee qu’elle eut pu venir dans les con¬
ditions ou elle s’est trouvee, et je vous assure que j J ai
€raint un moment que les intrepides soldats qui soute-
naient la lutte avec un courage aussi heroique, ne fus-
sent culbutes dans leur retraite, entrainant avec eux la
perte totale de la* Colonie, bien que cela ne m’aurait
pourtant pas donne la preuve que la Communaute Ica-
rienne ne soit pas praticable, car je crois fermement
qu’elle est parfaitement possible avec des hommes de
bonne volonte, et qu’elle est le seul moyen d’affranchir
1’homme de 1’esclavage du proletariat, en faisant dispa-
raitre la misere, et en assurant le bonheur de la femme
et des enfants; ce qui constitue le bonheur de l’huma-
nite. C’est done la situation exceptionnelle de la Colo-
nie a ce moment, et l’opposition de mes parents, qui
m’avaient determine a me retirer un peu du mouvement
Icarien; mais, en voyant les constants efforts de ces
hommes intrepides surmontant tous les obstacles qui
s’opposaient a leur marche, pour retirer l’oeuvre du fon-
dateur d’lcarie de la-position critique ou l’avait placee
l’opposition de Nauvoo, en voyant tous les jours tant
d’actes d’abnegation et de devouement de la part des
Icariens du dehors, il ne m’est plus possible de rester
plus longtemps simple spectateur, je vous declare done
c{ue je desire prendre une part active, quoique dans des
limites assez resireintes, il estvrai, mais en faisant tous
les efforts qu’il me sera possible. J’avais deja remis au
mois de mai dernier, entre les mains de notre ami
D.. 5 fr. pour la souscription a 0,05 cent, par jour,
aujourd’hui je m’engage a souscrire pour 0,10 cent,
dont je lui remettrai prochainement lemontant du pre¬
mier semestre, en meme temps que le prix de I’abonne-
— 335
ment aux brochures, pour lesquelles vous pouvez me
compter au nombrc des abonnes; je lui avais remis en
meme temps le montant de l’arriere des brochures que
j’avais recues, qui vous a ete remis par l’intermediaire
de la citoyenne Barbot; vous me pardonnerez, je l’es-
pere, la negligence que j’avais eue de ne pas vous avoir
fait plutot cet envoi, retenu par une fausse timidite, je
n’osais pas vous ecrire, bien que cela fut une coupabte
negligence de ma part.
» J’espere que vers le mois de septembre ou octobre
au plus tard, je pourrai disposer d’une somme de 50 et
‘peut-etre meme 100 fr. que je vous enverrai, sitot qu’elle
sera a ma disposition.
» Quant a la souscription annuelle pour faire partir
des Icariens utiles a la Golonie, je lui donne mon adhe¬
sion, car il estbeaucoup debons Icariens qui pourraient
etrc d’une grande utilite a la Colonie, et qui, sans cela
ne parviendraient peut-etre jamais a realiser bavoir ne-
cessaire pour entreprendre ce voyage.
* Becevez, cher citoyen, l’assurance de mes senti¬
ments fraternels.
) L... # X.))
Yoila le fruit de la perseverance de nos amis de Chel¬
tenham et de ceux qui, au dehors, sont courageuse-
ment restes amis de coeur et d’interet avec la Colonie.
Leur exemple determine le retour du cit. X.... et en
amenera bien d’autres.
DEPART PROCHAIN.
Plueieurs families m’ont annonce leur prochain de¬
part pour la Colonie; quelques-unes seraient deja par-
\'f- x f-.iT»j*i — ,> Tf.*j
V
4
— 336
ties en passant par New-Nork, mais ceux qui y sont
passes au mois de juillet 1859, recommandent de ne
plus prendre cette route, qui est beaucoup plus cou-
teuse et plus fatigante que par la Nouvelle-Orleans.
C’est done par cette derniere ville que nos amis ont
rintention de passer, en s’embarquant des que la saison
le permettra, c’est a dire, des que les navires allant a
cette destination peuvent prendre des passagers. II pa-
rait que les partants seront de 20 a 25. Je t’en repar-
lerai dans ma prochaine lettre, si je suis mieux ren-
seigne. En attendant, recois pour tes amis et pour toi
mes bien fraternelles salutations.
, { c, ain ;
,» a J - »l * i v
Paris. — Imp. Felix IVUlteste et Cie, rue des Deux-Portes-St-Sauveur, 22.
LETTRESICAR1ENNES.
< (Ml
HUITIEME LETTRE.
i * * %
« * ' W » , .
XXIV
Mon cher co-religionnaire et ami.
Depuis ma derniere lettre je n’ai pas recude compte-
rendu mensuel de la colonie, je me trouve done dans la
necessity de renvoyer a une autre lettre pour te faire
connaitre la suite des operations de la Societe. Je sais
seulement qu’elles ont ete assez favorables pendant les
•mois de Mars, Avril, Mai et Juin; et que le commence¬
ment de la morte-saison en Juillet a ete moins mauvais
que Tan dernier.
La cause du retard que nous eprouvons dans la publi¬
cation des comptes-rendus mensuels se trouve dans la
necessity ou s’esttrouvee la Colonie de suspendre provi-
soirement la publication de son journal la Bevue ica-
rienne , parce que son utilite ne repondait pas aux sacri¬
fices qu’il imposait a la Societe, a cause du petit nombre
d’abonnes qui payaient. Cependantje te prie deremar-
quer que ce n’est qu’une suspension provisoire de
publications, et non une cessation ; car la Colonie a
toujours besoin d’un journal, ne serait-ce que pourses
15
* *
— 338 —
propres membres et pour la publication de ses actes
officiels.
Si je n’ai pas de rapports mensuels a te faire connai-
tre, j’ai, en revanche, une piece beaucoup plus impor-
tante; c’est Fexpose de la situation dc la Societe pour
1861. Rien de plus interessant en effet, pour tous les
membres de la famille icarienne, que de savoir ce que la
Societe pourra faire pendant le conrant de l’annee dont
quelques mois seulement nous separent encore. C’est ce
que nous allons trouver esquisse a grands traits, dans le
discours du president de la Communaute, au cours ica-
rien du 24 Juin dernier qu’on va lire.
DISCOURS DU PRESIDENT DE LA COMMUNAUTE.
s'
- * * * » i »' • * • . f*- / '-*-r / I • 't VC
ECOIVOMIE.
_ • * r I r ^ r
)> Personne n’oublie quel est le but de notre mission,
quelle doit etre un jour la Communaute ; Icarie doit etre
grande , elle rendra le travail aise, elle augmentera la
production, elle assurera a ses membres, en m£me
ternps que la liberte de sentiment et l’instruction, un
certain bien-etre materiel. Nous savons quelles sont les
t
causes de ce bien-etre et que VEconomie dont nous allons
nous occuper aujourd’hui, en est une des principales. )
» Nous aurions tort de nous faire une fausse idee de
FEconomie en nous imaginant qu’elle a la meme signi¬
fication que les 7 mots gene el privation. L’Economie
peut commander les genes momentanement, mais elle
les repousse comme systeme ; elle a meme pour but de
les eearter pour toujours. L’Economie est le rapport a
etablir, dans une famille et dans une societe, entre la
production et la consommation. Pour Icarie, elle sera
v *
— 339 —
de meme le rapport entre ce que nous saurons gagner
et ce que nous serons obliges de depenser en tenant
compte de toutes les circonstances dans lesquelles nous
nous trouverons, et en ayant bien soin de ne pas engager
Favenir. De cette maniere, si FEconomie pent nous pres¬
erve quelques privations et nous recommander la pru¬
dence et la perseverance, elle nous assure la seule-chose
desirable : le bien-etre et la prosperity , de plus en plus
considerables, et en les faisant reposer sur nos qualites
etsur notre travail. Or, que peut-on desirer de plus?
» L’individu paie ordinairement bien cher de mecon-
naitre les lois de FEconomie. On entend souvent dire
qu’un tel gagne beaucoup, et il se trouve qu’a la tin de
l’annee il n’a aucun profit. Sans doute il sillusionne sur
son gain, qui n’est que momentane, et sur sa depense
qu’il dirige suivant ses caprices plutot que suivant ses
forces et ses besoins reels. En un mot, c’est qu'il n’a
pas d 'economie. 11 marche a laventure, sans s’assurer
du lendemain, et a plus forte raison sans songer a
Favenir, a sa famille, a sa vieillesse, a ses jours de ma-
ladie. En croyant vivre sans soucis, il se reserve peut-
etre, ainsi qu’a sa famille, de tristes jours de deuil. Des
larmes ameres, des regrets et des remords, compense-
ront cruellement plus tard cette vie facile et sans inquie¬
tude qu : il essaie de pratiquer a tout prix. Or, ce que nous
disons d’un individu, nous pouvons l’appliquer a toute
Societe; nous pouvons l’appliquer a la Communaute,
et surtout a la Communaute naissante.
y> Telles sont et l’idee et l’application
mie. On le voit, elle est necessaire. Nous/
tenant Fexaminer au point de vue pn
Communaute.
— 340 —
» Nous ne dirons rien de Nauvoo, ni de St.-Louis,
liide Cheltenham avant la derniere dissidence. Apres
celle-ci, nous avons adopte un systeme encore imparfait
d’economie. C’est ce systeme qu’il s’agit de continuer
en Fameliorant. 11 a eu d’immenses avantages, et le
plus grand est, sans contredit, de nous avoir permis de
nous tirer d’affaire, en combinant nos recettes et notre
depense, y compris nos dettes et nos autres obligations,
de manierea faire face a tout.
t> Je ne reviendrai pas sur le systeme economique de
cette annee; il est en pleine execution, et ce qui s’est
deja fait demontre que le plan trace s’execute a peu
pres completement. En ayant la une raison de plus de
nous rejouir de la marche suivie, je passe a la situation
economique de Tannec 1861.
» La question est interessante : qu’est-ce que nous
gagnerons en 1861 ? Que faudra-t-il depenser? Quelles
seront les chances contraires ou favorables? C’est ce
que je vais examiner, en prenant pour point de depart
la situation de 1860; j’exposerai principalement les
grandes idees sur lesquelles il importe d’asseoir la
situation de 1881, et je terminerai en donnant quelques
chiffres approximatifs du budget de Eannee dont je vais
m’oceiiper.
» to fl importera en 1861 de maintenir les ateliers
qui fonctionnent cette annee. Peut-etre pourra-t-on
accepter quelque nouvelle industrie, que les circons-
tances nous suggereront, mais il faudra qu’elle soit de
nature a ne pas entrainer beaucoup de depenses. Si
tious maintenons nos industries, il sera necessaire
de les ameliorer et deles developper, il faudra sans
doute y introduire certaines innovations. 11 sera neces-
i
— 341
saire surtout de mieux procurer Jes matieres premieres,
et ce point, nous le signalons comme capital.
» Une chose que chaque atelier devrait executer est
celle-ci: les ateliers existants, convaincus qu’ils sont la
pour toujours, devraient se penetrer du but qu’ils se
proposent, qui est d’etre utiles a la fondation, a Fexis-
tence, a la prosperity de la Communaute, en s’organi-
sant de rnaniere a gagner beaucoup, a travailler vitc, et
a ne pas perdre un seul instant dans Fannee. Arriver a
confectionner en grand, a faire de la confection, a tra¬
vailler en confection, tel est, sans contredit, Favenir
des societes et de la Communaute en particulier. L ate-
»
lier qui y arrivera, autant que la situation et la nature
de son travail le lui permettront, verra disparaitre du
* •. * •
sein de la Communaute toutes les plaintes et tous les
tiraillements que son travail, autrement execute faisait
naitre auparavant.
» 2<>La Communaute devant rendre le travail de plus
en plus attrayant et facile, il importera d’examiner en
les combinant ces trois questions :
» Doit-on diminuer les heures de travail , et, par
exemple, doit-on les porter a 10 h. 1/2 au lieu de 11
heures? Doit-on continuer a faire les legumes comme
par le passe , ou organiser un atelier , soit fixe , soil
mobile?
» Y a-t-il moyen et est-il temps de supprimer la
corvee de la cuisine?
» 3° L’utilite d’une ferine est vivement sentie parmi
nous; mais en tenant compte du premier paiement a
effectuer, des instruments et des animaux necessaires
pour commencer laferme, on voit qu’il faut une grande
quantite d’argent, qu'en 1861 il nous sera impossible 1
— 342 —
de realiser. Quant a louer une ferme c’est une mauvaise
speculation. Mais en 1862, nous serons en etat d’ache-
ter un terrain et nous le ferons alors dans de bonnes
conditions. Ajournons done encore, d’autant plus que
les bras nous feraient defaut, que le peu de terrain que
nous avons, employe au jardinage, sera productifet
demandera assez de bras.
» 4° En 1861, il va falloir s’occuper du point jusqu’ici
trop neglige, le Commerce. Nos principes, disons-le,
abolissent le commerce. En saisissant bien 1’idee de
cette phrase v , nous resterons convaincus que, par nous,
le commerce n’est pas aboli en ce qu'il a d’utile. Nous
bous proposons d’abolir la fraude, la perte de temps,
I’avarice et l’entassement des marchandises, e’est-a-dire
les abus et les inconvenients du commerce. Mais le
commerce, considere comme echange desproduits, doit
etre encourage et pratique par nous. Sa connaissance et
sa pratique peuvent memo etre d’un grand secours pour
la Societe? Jusqu’ici on l’a trop neglige dans la Commu-
naute, et cela a ete un mal, et un mal considerable. II
taut commencer a le reparer, en nous mettant au cou-
rant des principaux produits, que nous consommons, et
des pays qui pourront nous les procurer. II faut connai-
tre les denrees et les matieres premieres fournies par les
marches de New-York, d’Angleterre, de France, de
•
Paris, de Rio-Janeiro, de Buenos-Ayres, etc. *, leur prix,
les moyens et les prix de transport, non que cette con¬
naissance nous soit d’une grande utilite en 1861, mais
plus tard, en 1862, 63, etc., lorsque la Communaute
* -■
sera plus grande, toutes ces notions nous seront d’une
plus grande utilite, nous seront meme indispensables
pour procurer a Icarie le bien-etre et la prosperite desi-
rabies. En 1861, nous'devons done commencer a nous
familiariser avec la langue et les habitudes commer-
i dales. * * ' '
Dans ce but, nous allons sous peu, et peut-£tre
avant 1861, nous allons adresser une circulaire a tons
nos correspondants.
; « 5° 11 est une circonstance qui gene beaucoup l’admi-
jiistration et qui rejaillitsur tous les membres, c’estque
« •
l’-argent gagne par la Societe ne s’arrete jamais dans la
* •
caisse, et qu’il n’y entre que pour en ressortir afin d’a-
cheter des matieres premieres, des provisions ou pour
effectuer des paiements. Lorsqiril se presente un achat
ouune depense imprevue, souvent e’est impossible. II
en resulte une soulYrance. Pour eviter ce desagrement,
non pour toutes choses et dans tous les cas, mais jusqu’a
une certaine limite, il sera prudent d’etablir en 1861,
une petite reserve pour faire face a ces cas imprevus.
Cette reserve ne serait-t-elle que de 200 doll., de bons
resultats pourront en decouler.
» 6°En ce moment, eten 1861 encore, la Propagande
sera aTordre du jour. La difficulty pour le moment de
cette question delicate, se trouve en ceci: il s’agit d’or-
ganiser la Propagande de maniere qu’elle soit moins
improductive et qu’elle participe, du moins en partic,
aux depenses qu’elle occasionne. Ce devoir qui incombe
a la Propagande, et que nous lui avons rappele, a ren¬
contre des esprits et des coeurs troubles, et qui, au lieu
de mettre de suite en pratique un moyen possible ,
ont examine, propose plusieurs moyens non encore en
usage. Cette situation dependant de certaines circons-
tances est un fait incontestable, qui doit nous faire voir
que la question de la propagande demande du temps
— 344 —
pour etre examinee et resolue. Notre devoir est de com-
prendre cet etat de choses, de bien fenvisager et de
faccepter. Laissons done a la Propagande le temps de
s’organiser; laissons-lui aussi les moyens pour cela.
Nousdevions lui demander en 1861, 1000 doll. deplus r
e’est-a-dire 5,000 doll.; demandons-lui en 1,000 de
moins, e’est-a-dire 3,000 seulement, et laissons-lui
2,000 doll, pour faciliter certains departs, en nieme
temps qu’elle organisera le moyen de diminuer les de-
penses. Agir delasorte ce sera certainement fortifier la
Propagande.
» Ce qui lui fera beaucoup de bien aussi ce sera d’en-
voyer tous les ans quelqu’un en France, qui y sejour-
nerait quelques mois et qui reviendrait avec un depart.
Les defenses de ce voyage seraient peu considerables,
et le bien qui en resulterait serait grand. Notre opinion
est que, des 1861, on commence ainsi a envoyer un
membre de la Societe a Paris. Plus tard, il faudra en
envoyer ailleurs qifen France; nousdevons, en un mot,
organiser notre mission.
» 7° La Societe devant realiser un bien-etre de plus
en plus grand, quel sera celui amene en 1861? Yoici
notre opinion.
» Yetement : Depenser 300 doll, de plus, e’est-a-dire
600, a savoir : 400 en janvier et 200 en aout, etacheter
surtout du linge, de maniere a donner au raccommo-
dage, sinon le dernier coup, du moins un rude coup.
» Logement: Donner des chaises et des tables, et
peut-etre des armoires, ainsi que des lits en fer.
» Nourriture: Etablir une cuisine au charbon, comme
on en avait parle a fautomne dernier. Tacher d’etablir
des fourneaux, de maniere a servir des plats plus petits*
mais en plus grand nombre. Avoir continuellement
une bonne boisson pour les ateliers. Nc pouvant pas
encore instituer des repas particulars, que nos repas
publics soient un peu mieux soignes. Commencer a faire
certaines choses qui, sans couter beaucoup, font plaisir
a chacun, comme confitures; conserves, patisseries, etc.,
de maniere a bien utiliser notre economie.
> Divertissements : Faudra-t-il, en 1861, faire quel-
que chose de plus pour le theatre? Faudra-t-il renouveler
nos instruments de musique ? Ce sera a voir.
» 8° Nous favons dit en plusieurs endroits, les ele¬
ments d’une grande colonie sont: une ou plusieurs
fermes, une Colonie lointaine, des constructions mo-
deles, un refectoire, une briqueterie, une brasserie, une
ecole, un hotel des etrangers, les bains avec,une infir-
merie et une maison de sante, de grands magasins, une
maison a Saint-Louis, et la distribution de feau par la
vapeur. Qu’est-ce que nous pourrons etablir en 1861 ?
Examinons cette question sans nous illusionner, en
combinantnos movens et ce que chacune de ces grandes
entreprises coutera. II nous semble que les seules choses
a etablir de ce programme seront la distribution des
eaux et une construction pres la forge, sur le bord du
chemin de fer, laquelle servira a des magasins et, en
attendant, a des logements pour loger les nouveaux ar-
rivants. Nous ajouteronsque, si quelqu’un voit le moyen
d’allerplus vite et de faire plus en 1861, nous accepte-
rons ce moyen avec toute fardeur possible.
» Telssont, citoyennes et citoyens, les traits de la si¬
tuation en 1861. Nous avions declare, dans notre situa¬
tion de 1860, qu’en 1861, nous pourrions disposer de
6000 doll. Nous l’avons dit et nous le maintenons. Nous
— 346 —
sommes d’avis que nous consacrions 2000 doll, a l’a-
grandissement de la Propagande. Quant aux 4000 doll,
restant, void selon ce qui a £te dit, leur emploi en 1861 :
Matieres premieres/ en plus.. 500 00
Provisions generales, en plus. 300 00
Vetements, en plus. 300 00
Constructions. 2100 00
Eau a la vapeur. 600 00
Avance. 200 00
Total egal. . . . doll. 4000 00
» Qu’on remarque un moment les avantages de 1’en¬
semble de cet expose en ce qu’il permet a tous les ate¬
liers qui ne seront pas occupes momentanement au
dehors de travailler tres productivement pour la Com-
munaute. En effet, on aura a faire, comme nous Tavons
vu : bains a reparer, une grande construction, une
nouvelle cuisine et un fourneau a charbon, de la pierre
a extraire pour la cave de la construction, desbardeaux
a faire, des chaises, des tables, des lits en fer, peut-etre
des armoires, replacer la machine a vapeur et poser les
conduits d’eau, et, en outre, on aura a finir la route, a
reparer le pont, a embellir Tentree, a deplacer T atelier-
des menuisiers, etc. II faut qu’on remarque que tous ces
travaux sont utiles, sont indispensables.
» Tel me semble devoir etre le plan a suivre en 1861.
Cependant ce sont mes opinions personnelles seule—
ment. II est vrai que j’ai tache de tout juger et d’orga-
niser au point de vue denotre position. Mais, j’aurai pu
me tromper. Aussi, il est bon que Tassemblee se pro¬
nonce sur cette situation. C’est pour qu’elle le fasse en
connaissance de cause que je l’expose a Tavance. Au
mois de septembrc ou d’octobre, je provoquerai des
explications a cetegard. Ensuite, une fois que l* Assem¬
ble aura adopte une marche geilerale, chacun devra s’y
soumettre. II ne sera plus question de discuter; on
n’aura plus qu’une chose a faire : marcher et travailler.
. ^ A ry rr < • a • #>§«<; r • i , T 7 fill f » Q1 '
•> 1 J [ ( . i ' .
(Expose au cours da 24 juin 1860.)
j •• > 11 * j u * ■■ ■ w .' : '
» B. Mercadier. » .
' t n ,. r ,, T
• , 15 ‘ * ft s* * 1 y t k > ♦ ,»’k * !■* • k -4 1 /• 1 1 f** 1 *
1 . * f 4 1 4 1 v w ’ • ± '
firi* c iiO'A'n 1
La premiere et la plus forte impression que laisse la
lecture de cet expose de la situation generate de la
Societe est tout a fait satisfaisante. On voit que la So-
eiete progresse et marche resolument vers sa destinee,
c’est-a-dire vers son but. Ainsi le programme trace a la
fin de 1859 pour Pexercice 1860 serait ponctuellement
execute a la fin de cette annee, si les ressources que la
Colonie attendait des Icariens du dehors se realisaient
completement. Mais il est a craindre qu’une certaine
partie de ces ressources ne puisse etre fournie et ne
laisse un deficit dans le budget de P annee.
“ On se rappelle que les recettes venant du dehors
etaient portees, au budget de 1860, pour 4.000 dollars.
Jusqu’au 15 septembre, nous n’avons pu envoyer que
2,155 dollars, dont 1980 doll, en traites, et 175 doll,
en commissions, que nous avons payes ici pour compte
de la Colonie. II nous reste done 1945 doll, a envoyer
d’ici au 30 novembre prochain, pour completer les 4000
doll, que la Colonie nous a demandes pour 1860(1).
. i! fS 1 1 i ^; *. I / V > r It ; t Ji . ’ * \ ; f
(1) Nous disons d’ici au 30 novembre, parcc que, pour le bureau de
Paris, l’exercice de l’annee commence au le r decembrc et Unit au 30
«
novembre, pour que l’invenlaire puisse arriver a Cheltenham au l« r
janvier.
- 348
Pourrons-nous, en deux mois, envoyer cette somme
de pres de 2000 dollars? Cela parait difficile, si nous ne
devons compter que sur les ressources ordinaires de la
souscription a l’emprunt. Je dis que que cela est diffi¬
cile. mais non que cela est impossible; car nos res¬
sources ont cela de facheux, c’est qu’elles sont incer-
taines. . . /' a ;
La colonie peut, h bien peu de chose pres , determi¬
ner surement ses propres ressources patce qu’elle a un
personnel connu qui produira un travail qui peut etre
determine a 1’avance. Mais il n’en est pas ainsi de la
propagande, ou des Icariens du dehors, dont le nombre
meme approximatif reste inconnu et dont la cooperation
reste facultative et soumise a toutes les chances qui
peuvent, dans l’individualisme , influer sur la volonte
et sur les facultes de chacun. C’est cette incertitude qui
nous a tant fait insister pour que les Icariens prennent,
autant que possible, un moyen uniforme de souscrip¬
tion a l’emprunt, qui serait une somme fixe par jour
ou par semaine. Un grand nombre de nos coreligion-
naires se sont deja rallies a cette idee, mais nous sommes
forces d’avouer qu il n’y a pas encore tout cet ensemble
et cette unite que nous avions, j’ose le dire, le droit
d’esperer de nos coreligionnaires. Un trop grand nombre
se tiennent a l’ecart et attendent le succes pour venir a.
notre aide; d’autres ont souscrit, mais ne paient pas
assez regulierement le montant de leur souscription.
Nous ne desesperons pas cependant de voir cette unite
necessairc se former peu a peu. Nous savons qu’il faut
du temps pour que chaque chose se produise reguliere¬
ment , et nous avons la patience que donne la certitude
du succes. Nous regrettons vivement Tindifference qui
— 349 —
#
peut le retarder, mais nous ne voulons cependant en
accuser personne. Chacun de nos coreligionnaires a un
ami pour le conseiller, un juge pour le juger, sa con¬
science , c’est a cette amie que nous le renvoyons pour
qu’il lui demande ce qu’il doit faire pour le triomphe de*
l’idee dont depend le Bonheur de l’humanite : C’est a ce
juge qu’ii doit demander s’il a accompli son devoir en-
vers ses freres et envers lui-meme. Notre mission se
borne, a indiquer a nos freres le moyen de remplir leur
devoir d'lcarien, a eux d’en determiner l’etendue, et
Timportance morale qu’ils v attachent: C’est dans de
semblables questions que le libre arbilre, que la liberty
individnelle doit se manifester, chacun etant appele a
s’estimer a sa propre valeur.
Notre societe suit son cours et son developpement
regulier a Cheltenham ; il en sera de meme pour toute
la famille icarienne disseminee au dehors ; a mesure
que l’Unite se formera davantage dans le sein de la Co-
lonie, elle se formera egalement au dehors, et nous arri-
verons bien certainement a cette complete communion
d’idees et d’actions qui constitue la puissance d’uno
ecole. Mais nous n’y arriverons qu‘a l’aide d’une puis-
sance de volonte qui nous determine tous a agir dans
le meme sens. Ce serait une grave erreur de croire que
les choses necessaires arrivent d’elles-memes. La Doc¬
trine de la Fraiernite humaine existe sans doute inde-
pendamment de la volonte des hommes ; mais ce n’est
que par leur volonte qu’elle peut passer en fait dans la
pratique et servir de base a leur organisation sociale et
a toutes leurs institutions.
Qu’on ne s’etonne done point des efforts que nous
sornmes obliges de faire pour organiser une societe qui
— 350
realise les vceux cle la nature, et qui fasse entrer dans la
. pratique de la vie sociale, les preceptes qui out servi de
base aux grands legislateurs des peuples. Depuis que
l’Humanite se connait, elle a proelame, par Forgane de
ses principaux interpretes , le Dogme de FUnite et de la
Fraternite humaine. Et cependant les soeietes qui cou-
vrent notre globe paraissent loin , pour la plupart, de
Favoir realise dans leurs institutions. Serait-ce done
qu’il est impossible de realiser un ordre de ehoses pour
lequel l’homme a ete cree ? Une telle proposition serait
non moins absurde que d’afilrmer qu’il est impossible
de faire rouler une boule , cela se dit cependant, mais
cela ne prouve que la faiblesse de l’esprit humain et les
egarements dont il est susceptible.
L'entreprise lcarienne, tant calomniee depuis son
debut, dont cent fois deja on a annonce la ruine, sub-
siste cependant, se developpe et grandit, grace aux
efforts perseverants d’un petit nombre d’hommes de-
voues, dont rien n’a pu faire faiblir le courage, et qui
sont toujours prets pour de nouveaux sacrifices. Mais,
plus ils sont devoues, plus nous devons rechercher les
moyens d’alleger les charges qui pesent sur eux. Et s’il
ne nous est pas possible de leur fournir la samme
qu’ils nous avaient demandee, a Faide de nos ressources
ordinaires, il faudra la leur fournir a Faide de ressources
extraordinaires dont nous allons parler. Avant, je veux
dire pourquoi nous nous sommes trouves dans Fimpos-
sibilite de fournir toute la somme demandee par la
Colonie.
Nous avons deja dit que la souscription a Femprunt
icarien ne s’etait pas organisee aussi promptement qu’il
eut ete desirable, mais il y a une autre circonstance
y
— 351 —
non moins decisive, c’est que les meinbres cles deux
departs qui se sont effectues dans l’annee, n’avaient pas
d’apport ou l’avaient verse depuis longtemps. De telle
sorte que nous n’avons rien regu d’eux , et que nous
avons, au contraire, ete dans la necessite de rembour-
ser, tant aux partants qu’a d’autres personnes, une
somme de 6,500 francs environ, soit 1,200 dollars. Oil
eomprend que si nous avions envoyc cette somme a
Cheltenham la position de la Colonie s’en serait trouvee
^ensiblement am^lioree; mais c’est une des consequen¬
ces de notre situation apres les evenements de Nauvoo.
Chacun alors est venu au secours de la Colonie, et les
obligations qu’elle a contractees pesent sur sa situation
presente d’une maniere assez sensible, sans que nous
puissionsle regretter, puisque c’est grace a ces avances
que nous avons pu, en quelques annees, reconstituer la
Colonie.
i.-‘ voit, par les donnees generates presentees a la
Societe par son President, qu’elle est disposee a tenir
compte de cet etat de choses, en reduisant a 3,000 dol¬
lars le chiffre du concours qu’elle demandera,. en 1861,
aux Icariens du dehors. i\ous croyons que ce chiffre
sera facilement atteint, grace au developpement de
notre propaganda. Nous entrerons alors dans une situa¬
tion normale qui nous permettra de ne plus anticiper
•sur les ressources de l’avenir. En attendant, comme
nous nous trouvons encore dans une situation excep-
tionnelle, il faut, pour y faire face, presenter des
moyens exceptionnels et, pour ainsi dire, de salut pu¬
blic. En consequence, nous proposons a nos co-reli-
gionnaires une so u sc rip ti on extraordinaire pour couvrir
- 352 —
ie deficit que nous auronsdans la somme afournir a la
Colonie en 1860.
SOUSCRIPTION EXTRAORDINAIRE.
Dernierement nous proposions a nos co-religionnai-
res de faire tous les ans, au mois d’octobre et de
novembre, une souscription dont le produit servirait aux
frais de voyage d’icariens meritants et utiles, qui n’au-
raient pas la possibility de pourvoir eux-memes a ces
depenses. L’unanime approbation qui a accueilli cette
proposition, nous a prouvc combien elle etait sympa-
thique a tout le monde. Cependant nous proposons d’en
ajourner Y execution a l’annee prochaine pour ne pas
diviser nos efforts et nos ressources , afin de les con-
centrer au contraire dans la souscription extraordinaire
que nous proposons.
On sait que depuis longtemps, nous cherchons a
supprimer toutes les souscriptions autres que celle de
Femprunt, sur lequel nous tendons de plus en plus a
concentrer toutes les ressources financieres de l’ecole
icarienne. Nous pourrions done nous burner a solliciter
nos amis a faire de nouveaux efforts pour souscrire a
Femprunt; mais le mode de remboursement a des
epoqueseloignees et indeterminees est un obstacle pour
ceux qui out besoin de rentrer dans leurs fonds a une
epoque determinee et plus rapprochee. Nous voulons
leur offrir cet avantage. En consequence, nous ouvrirons
une souscription, a titre de compte courant, remboursa-
ble a un an de la date du versement, avec interet
i
a 5 p. o/ 0 .
Cette souscription sera ouverte, a partir du l er octo-
bre jusqu’au 30 novembre. Toutes les sommes qai se-
ront pretees devront done etre remboursees du l er oc-
tobreau 30 novembre 1861.
11 est bien entendu que cette souscription extraodi—
naire ne doit, en aucune facon, modifier la souscription
a 5 centimes, ni empecher les autres souscriptions a
l’emprunt; que nos co-religionnaires comprennent bien
que nous leur demandons ici des ressources extraordi-
naires pour un temps determine seulement.
Les souscriptions en compte courant, seront recues
depuis la somme de 5 francs, dont il sera delivre un
recu.
«*
mm • « • | '
CONSEILS AUX PARTANTS.
, « . t , *»
Dans le commencement de Femigration icarienne, en
1848, les admissions se faisaient en France par une
commission d’lcariens choisie a cet effet. L’Administra-
tion de la Societe organisait elle-meme les departs, en
n’y admettant que ceux qui avaient ete recus membres
de la Societe.
Depuis 1848, les admissions dans la Societe ou dans
la Colonie ne sont plus faites qu’en Amerique , et les
departs se sont effectues aux risques et perils des par—
tants, sans intervention de la part de FAdministration
de la Colonie. Cependant, dans le but d’etre utile aux
partants et de leur eviterles peines etles desagrements
qu’on eprouve toujours quand on s’occupe d’une chose
pour la premiere fois, le Bureau de Paris s’etait employe
plus ou moins activement des departs qui s’effectuerent
de1852 a 1855.
Au commencement de 1856, M. le Ministre de Finte-
rieur, jugeant que le decret imperial sur la police de
— 354 —
remigration nous etait applicable, nous fit defense d’in-
tervenir dans ^organisation des departs d’emigrants,
avant d’avoir obtenu Fautorisation et fourni le caution-
nement de 15 a 50,000 francs exige par le decret, pour
toute personne exercant le commerce ou la profession
de recruter et de transporter des emigrants. Comme
nous ne voulions entreprendre ni le recrutement, ni le
transport d’emigrants, et que notre intervention dans
l’organisation des departs des Icariens etait tout ami-
cale et toute desinteressee, nous nous abstinmes de sol-
liciter une automation et de verser un cautionnement,
et nous cessames de nous occuper des departs de nos
co-religionaires, qui durent se tirer d’affaire de leur
*
mieux. Cette situation n’a pas ete sans inconvenient
pour nous; car, nos co-religionnaires ignorant a la fois,
et le decret sur Immigration et la defense qui nous avait
ete faite, s’etonnaient de notre passivite en presence
de leurs embarras, et quelques-uns se sont plaints tout
haut de notre manque de fraternite et de devouement,
d’autres ont eu a part eux la meme pensee qu’un sen¬
timent plus affectueux les a empeches d’exprimer.
, Quoi qu’il en soit, nous sommes toujours dans la
meme situation, c’est-a-dire dans Fimpossibilite de nous
occuper de Forganisation du depart de ceux qui veulent
se rendre a la Colonie Icarienne. Nous devons nous
borner a leur donner les avis et les conseils que nous
dicte Fexperience acquise par ceux qui les ont devances,
et nous croyons qu’en lisant attentivement et en sui-
vant aussi rigoureusement que possible ces conseils,
ils effectueront leur voyage sans trop de difiiculte et
aussi economiquement que possible.
D’abord, avant tout, celui qui veut aller a la Colonie
355 —
lcarienne pour s’y faire admettre doit bien connaitre la
Doctrine lcarienne, et doit l’avoir etudiee en lisant les
ouvrages du cit. Cabet, principalement le Voyage en
Icarie et le Vrui Christianisine , dont il lui est utile
\
d’avoir et d’emporter un exemplaire. <*■
(i 11 doit bien connaitre aussi les lois et les reglements
de la Colonie auxquels il sera tenu de se soumettre uhe
fois admis. 11 devra surtout bien connaitre le but de la
♦j 1 »- J 1 •* JJ v * -* f rT w •
Colonie et les qualites que chaque citoyen on citovenne
doit avoir pour concourir utilement a sa fondation. A
ceteffet, il devra lire avpc soin le Compte-rendu de
1855, par le cit. Cabet, et bien reflechir sur cliacune
[ -
des conditions d’admission qui v sont developpees, puis
les autres brochures qui contiennent les lois et les re-
glements en vigueur dans la Colonie. Nous ne saurions
trop insister sur ce point; car, c’est pour ceux qui par-
tent une question d’interet et de probite. D’interfit,
f ' i l 1 I f * I | Pi U ’ll ' y I y i / 1 * , 1 4 | | U J Ci ||
parce qu’ils vont depenser leur temps et leur argent
dans un voyage fatigant, qu’iis ne doivent raisonnable-
r K
ment entreprendre qu’avec une resolution bien arretee
liV-iil f Pi i j [J M J. j
qui ne peut etre que la consequence d’une conviction
formee par Tetude ; de probite, parce que celui ou celle
t t < j* * « . » f i . •' i
qui part pour la Colonie sans avoir les qualites neces-
saires pour y vivre, nous cause un prejudice a la fois
moral et materiel, a nous qui ne lui avons fait aucun
tort, et qui ne lui demandons que de ne pas venir avec
nous s’il ne partage pas nos idees et notre maniere de
voir. ; •: j ■ ;
i Ces preleminaires bien etablis, une fois que l’lcarien
4 consulte sa conscience pour s’assurer qu’il est apte a
concourir en personne a la fondation d’lcarie, il doit:
z 1° donner avisau correspondant de la colonie a Paris
/
— 356 —
de rintention qu’il a de partir et de l’epoque a iaquelle
il pense le faire, et en dormant les noms, prenoms,
ages et professions de tons les membres de la famille
avec Iaquelle il doit partir.
2<> Se preparer autant que possible de trois a quatre
mois avant 1’epoque du depart, pour realiser la somme
necessaire pour le voyage, 280 a 300 f. par personae, plus,
300 fr. pour l’apport a verser a la colonie, si on n’en a
pas ete dispense par une automation de TAssemblee
generate conformement a l’article 7 de la loi sur les
preleminaires de l’admission.
Pour regler, liquider, vendre et realiser toutes ses
affaires, en prenant si on en a besoin l’avis du corres-
pondant de la colonie a Paris ; acheter et preparer son
trousseau, sesmalles etc., reunir lestitres etles papiers
de famille dont onpourra avoir besoin par la suite.
3° Si on se trouve plusieurs Icariens dans la meme
ville, devant partir a la meme epoque, il est tres
important de se voir souvent afin de se bien connaitre
et de commencer a s’habituer a la vie sociale et com¬
mune.
4<> Vingt a trente jours avant le depart du pays qu’on
habite, il faut se munir d’un passe-port pour la Nouvelle-
Orleans, ou simplement pour les Etats-Unis, sans desi¬
gnation de ville.
Pour obtenir un tel passe-port, il faut a un ouvrier
travaillant pour un patron : son livret signe par le
patron pour lequel il travaille, et vise par le Commissaire
de Police ou par le Maire : ou a defaut de livret, un
certificat du patron constatant qu’on est libere de tout
engagement avec lui; ce certificat doit etre vise comme
— 357 —
. . . ' * » * 1 I i
le livret. Si celui qui demande un passe-port est celiba-
taire, il doit produire son certificat de liberation du
service militaire; s’il est marie, son contrat de mariage
et les actes de naissance de ses enfants. Le mari, la
femme et les enfants doivent etre portes sur le meme
passe-port. Ceux qui amenent avec eux des mineurs
autres que leurs enfants doivent avoir une autorisation
des parents ou du tuteur. Ces autorisations doivent etre
ecrites sur papier timbre et legalisees par le Maire de la
commune ou resident les parents ou le tuteur. Le
mineur ainsi autorise sera porte sur le meme passe-port
que celui qui Temmene.
Muni de toutes les pieces qui son! necessaires, on ira
accompagne de deux temoins patentes, ? chez le Commis-
saire de police ou a la mairie dc son pays pour se faire
delivrer un certificat sur lequel sera delivre le passe-port
a la Prefecture du departement.
> . ) , •
PLACE. — VIVRES.
5° C'est aussi le moment de penser a louer sa place
sur le navire.
II faut, pour cela, vous adresser aun agent d’emigra-
tion a Paris ou au Havre, ou mieux dans ces deux villes
a la fois, afln de vous assurer ou vous pourrez avoir les
meilleures conditions. .
On peut louer sa place en se reservant de s’approvi-
sionner soi-meme des vivres necessaires pour la tra-
versee , ou bien faire marche en meme temps pour la
place sur le navire et pour les vivres. Nous croyons
qu’il vaut mieux faire marche pour la place et les vi¬
vres tout a la fois. Si on n'y a pas d’avantages sous le
%
rapport de 1’economie, on aura moins d’embarras et
d’ennui que si on est oblige de chercher ailleurs les
provisions (1).
.. tr • r . ' r .
, r • ^ ^ l $ ' *1 (' r • i ' j-, s | ' .» ^
‘ BAGAGE. — EXPEDITION.
• r , « ' - -• 1 r c n <*•* n > 1 Tk ' r
6° Dans le meme temps, il faut s’informer a la gare
du cliemin de fer ou au roulage, combien on demande
de temps pour transporter les bagages au Havre par
petite vitesse. On se guidera.ensuite sur le temps de-
f . i w\ 1 *|* q V■ * 'r t f ’ 7 rpi py f i i*i
mande pour exp£dier les bagages de facon qu’ils soient
rendus bureau restant au Havre, trois ou quatre jours
avant celui qui est fixe pour le depart du navire. Si on
a lou6 sa place sur le navire, on adressera son bagage
directement a Parmateur.
II faut expedier par cette voie la plus forte partie de
son bagage , de facon a ne conserver avec soi que les
trente kilog. que les Compagnies des chemins de fer
accordent a chaque voyageur. Si on neglige cette pre¬
caution, on depensera beaucoup d’argentpour le trans¬
port des bagages a grande vitesse. : . • > :j( ^ ; u
7° Le choix des malles et Pemballage des effets
(1) Void la nature et la quantite de vivres que doit embarquer chaque
emigrant de dix ans et au-dessus, allant a la Nouvelle-Orl6ans; les
enfants de un a dix ans n’ont que demi-provisions. Les enfants au-des-
sous d*un an ne paient ni vivres ni place.
Biscuits.
Pommes de terre
Farine.
Riz.
Legumes secs . ,
Viande fumee . .
Beurre.
Sucre . . Y . .
Cafe.
Sel.
Vinaigre . . .
36 livres.
88 »
12 »
8 »
8 »
17 »
3
31/2 »
21/2 *
2 »
2 litres.
— 359 —
sont deux clioses ires importances et qui meritent tous
les soins : les malles doivent etre de forme plate; cons-
truites solidement; mais en bois blanc ou en sapin
pour qu’elles soient legeres. Elies doivent avoir un me¬
tre a un metre dix cent, de long sur cinquante a cin-
quante-cinq centimetres de large, et trente-cinq a trente-
huit centimetres de haut.
II faut avoir soin de bien arranger ses effets dans
ses malles et surtout de les bien emplir, pour que tout
reste en place et ne se deteriore pas pendant un voyage
de deux mois. II faut avoir soin de ne pas faire de mal¬
les qui soient trop pesantes, parce qu’elles sont dans ce
cas, beaucoup plus cxposees a etre brisees, etant plus
difficiles a manier pour les chargements et decbarge-
ments. Par exemple; une caisse de la dimension que
nous venons de donner qui serait remplie de linge,
serait trop lourde, il faut assort!r son trousseau de facon
a ce que les malles se trouvent toutes a peu pres du meme
poids.
8° 11 est tres essentiel en faisant chaque malle de
prendre note de ce qu’on y renferme, de laisser dans
chaque malle, le double de la note des objeis qu’elle
contient et d’en conserver une dans son portefeuille.'
Cette note sert pour la verification du trousseau en
arrivant a la colonie, et pour trouver soi-meme les objets
dont on peut avoir besoin, sans etre oblige de rechercher
dans plusieurs malles ; mais elle sert surtout dans le
cas ou une malle se trouve egaree, pour la reclamer et
prouver la propriety des objets qui sont dedans.
9° Les malles faites, avant de les expedier, il faut
avoir soin de les attacher fortement aux deux bouts,
avec une bonne corde, qu’on passera aussi dans le sens
— 360 -
dela longueur, si on prend cette precaution on evitera,
en cas d’accident que les objets sortentdela malle et se
perdent.
10° II est indispensable de regler toutes ses affaires,
La commission des vivres et de la cuisine aura
— 371
pour mission : \o la surveillance et les soins necessai-
res pour la conservation des vivres de toutes natures;
2<> de preparer les aliments pour chaque repas confor-
mement aux dispositions qui auront ete arretees en
commun; 3° Forganisation des repas.
La suveillance des.vivres est tres essentielle si on
veut les conserver Lons pendant toute la traversee, et
pour cela les soins qu’pn aurait pris de les embarquer
de bonne qualite lie sufliraient pas si on les abandonnait
a eux-memes une fois sur le navire.
L’emmagasinage ou le placement a Lord, demande
une grande attention; tous les objets qui sont secs,
tels que les biscuits, le riz, les haricots, etc., doivent
etre places dans un endroit sec et isole des provisions
qui contiennent une certaine liumidite, telles que: les
pommes de terre, oignons, carottes, etc., parce que,
Fhumidite qui se degage de ces derniers, provoqueraic
la moisissure qui gaterait promptement les premiers.
Les legumes frais; choux, carottes etc., se consomment
assez promptement, parce qu’on ne pourrait les con-
server, mais les pommes de terre et les oignons se
conservent mieux si on en a soin. Pour cela, apres la
premiere quinzaine du voyage, il faut les visiter deux
fois par semaine pour oter les germes qui se develop-
pent des qu’on arrive dans les regions chaudes, et pour
en retirer les gates qu’il pourrait y avoir dans les sacs.
Le bceuf sale et les jambons qui composent les pro¬
visions de viande doivent aussi etre visites souvent,
chaque fois qu’on en prend pour faire cuire, il faut
tout voir pour consommer d’
conserver moins bien.
• \
J1 y a, a bord dc chaque navi
— 372 —
de fairecuire les aliments des passagers, mais pour les
emigrants, ils doivent preparer eux-memes les vivres
qu’ils veulent eonsommer pour cbaque repas, et les por¬
ter au cuisinier dans une marmite ou casserole, avec
tout rassaisonnement voulu, le r61e du cuisinier se bor-
nant exclusivement alacuisson. On fera meme bien
(le s’entendre avec lui pour se charger de ce soin, on
s’en trouvera bien, s’il y consent. Dans tous les cas, it
faudra toujours eplucherles legumes, preparer les vian-
des, assaisonner , etc. Tout cela doit etre fait a temps
pour que les repas se fassent toujours aux memes heu-
res, autant que ce sera possible toutefois, car le temps
ne permet pas la meme regularity qua terre.
Le service des repas doit etre organise avec tout le
soin possible , pour que chacun puisse manger avec
toute la commodity que comporte la situation.
Pour tout ce qui regarde le boire et le manger, la
proprete doit etre consideree comme la chose essentielle,
on prendra done a cet egard toutes les dispositions pour
satisfaire tout le monde. Le lavage et l’entretien de la
vaisselle de table et de cuisine doit etre l’objet d’un
soin particulier.
28° La Commission chargee de la surveillance, etc.,
n’aura pas des fonc-tions moins importantes a remplir.
La premiere et la plus importante, ce sera la proprete
a laquelle il faut apporter les soins les plus minutieux.
Qu’on ne Foublie pas, e’est, surtout abord d’un navire,
pendant une longue traversee , une question de sante
aussi bien morale que physique.
On devra convenir d'une heure a laquelle tout le
monde devra etre leve, les malades exceptes; tousles
lits faits et le balayage termine. Apres chaque repas, le
— 573 —
* * *
balayage sera recommence, et on ne laissera jamais
sejourner aucune ordure, epluchures de legumes ou
autres.
Une fois que les premieres indispositions occasionnees
par le mal de mer seront passees, on devra organiser
l’instruction et les divertissements. L’instruction ne
pourra etre autre chose que la lecture en commun des
ouvrages contenant la doctrine icarienne, et Texameri.
des conditions d'admission dans la colonie. Comme le
but du voyage est de se vouer a la fondation d’Icarie,
il importe que chacun examine bien et la doctrine et
les reglements qu on va accepter et jurer d’observer
en entrant dans la colonie. La lecture en commun de
ces reglements que chacun pourra commenter a haute
voix sera d!une grande utilite a tous.
Les amusements ne peuvent guere etre que des chants,
des fables ou des morceaux de poesies recites, par des
*
enfants ou des grandes personnes. D’ailleurs, chacun
pourra proposer les divertissements en rapport avec la
situation etavec les idees qui animent les partants.
La surveillance a rapport: auxbagages pour que rien
ne s’egare ; aux grandes personnes pour que la conve-
nance, l’ordre et la Fraternite soient observers entre
tous ; aux enfants pour qu’il ne leur arrive aucun acci¬
dent. II faut avoir soin qu’aucun enfant ne s’eloigne
de la place occupee par les Icariens ou ne monte sur le
pont sans etre accompagne et surveille par une grande
personne.
i ’ tf t * i • ». f , * , r . ' j
SOIXS AUX MALADES. v
ddiio i obi.* ’filin’ ■ rna’atc. ilm ’rj'jop »d > * *^i * •’ 11 .
29o II faut en charger les personnes qui sont les plus
aptes a donner ces soins ; mais chacun doit s’y preter
au besoin.
§
RAPPORTS A\EC LES ETRANGERS.
30° Les rapports avec les autres passagers doivent
etre aussi restreints que possible. D’abord les Icariens
se trouvant reunis pour faire le voyage ensemble, tor¬
ment deja entre eux une veritable famille ou ils peuvent
trouver une ample satisfaction aux sentiments affec-
tueux dont ils sont doues. Ils sont deja unis par les
memes idees, les memes esperances, les memes interets;
ils doivent tout faire pour que l’amitie et l’amour fra-
ternel viennent resserrer les liens qui les unissent.
C’est alors seulement qu’ils formeront une veritable
famille de freres et qu’ils commenceront a gouter le vrai
bonheur qui consiste a aimer et a se sentir aime. Si
ceux qui voyagent ensembles sont vraiment animes de
cet esprit icarien, ils sentiront que c’est dans les
moments difficiles, comme pendant un long voyage en
mer qne doit surtout se concentrer l’affection mutuelle
de vrais amis; ils s’aimeront davantage parce qu’ils
supportent encommun les memes privations, les memes
genes, les memes ennuis. Aucun d’eux ne pensera a se
lier avec des etrangers, qui n’ont ni les memes idees ni
les memes sentiments que lui, dont il ne eonnait ni la
moralite ni le caractere.
Cependant, l’lcarien ne doit pas se montrar a bord du
navire, moins bienveillant pour ceux qui ne partagent
pas ses idees, que partout ailleurs; il doit se rappeler
en toute circonstance que tout homme est son frere en
humanite et toujours agir conformement a cette double
maxime: Ne fats pas a autrui ce que tu ne voudrais
— 375 -
pas qiCil tefit : fais aux autres ce que lu voudrais quit
te fissent.
Si on observe ces maximes envers les passagers qui se
trouvent sur le navire, on sera bienvcillant, fraternel
avec eux : on leur rendra tous les services dont ils
pourront avoir besoin; inais on ne les admettra pas au
sein de la famille Icarienne; parce qu’on ne les connait
pas, et que n’ayant pas les memes idees que nous, ils
i
ne peuvent avoir du plaisir a nous frequenter, mais seu-
lenient un interet qui peut nous etre contraire.
Par les memes raisons, on n ira pas les frequenter
chez eux, parce qu’il faudrait pour cela abandonner nos
soeurs ct nos freres qui, pendant ce temps peuvent avoir
besoin de nous.
t
Les relations avec les gens de l’equipage, lesofficiers
et le capitainedoivent se regler d’apres les memes prin~
cipes.
v ' '«V • v i ■ «• , •**,.? j '• ,» ' i. i '
ARK11EE EX AMEP.IQUE.
PRECAUTIONS ESSEN TIELLES.
31° En entrant dans le golfe du Mexique, il faut ta-
cher d’obfenir du gardien de la cale ou du capitaine,
qu’il laisse retirer de la rale tout ce qui s’y trouve, et
placer dans l’entrepont, de manie-re que les agents de
la douane qui se presentent quelquefois des l’entree.
dans le Mississipi, puissent tout visiter sans qu’on soit
oblige d’attendre ou d’allera la douane. Cette precau¬
tion est de la derniereimportance; faute de la prendre,
on peut etre retenu plusieurs jours a la Nouvelle-Or-
leans, ce qui occasionne des frais oudes inconvenient^
^ . I 4 * , ' ,
enormes.
V
\
— 376 —
II ne faut point emporter de marchandises neuves
pour etre vendues, parce que cela cause trop d’embar-
ras. — Si, par liasard, on en emporte, il faut les decla’
rer a la douane, et preparer la somme necessaire pour
payer les droits, autrement on s’exposerait a etre decou-
vert, saisi, condamne a Famende, retarde, entrave, en
compromettant toute la Societe, et en l’exposant a de
tres grands inconvenients.
S’il y a des objels destines a la consommation de la
Societe, il ne faut pas les mettre ensemble dans une
meme caisse , parce que la douane pourrait pretendre
qu’ils sont destines au commerce, et qu’ils doivent payer
le droit. 11 faut les dissembler dans les malles de ceux
qui doivent certainement venir a Cheltenham, en pre-
nant la note de ce qu’on remet a chacun.
v ■ % ,
En arrivant a la Nouvelle-Orleans, il v a un droit de
7 fr. 50 c. par personne a payer a l’hospice ; mais cette
somme doit etre payee par le capitaine sur le prix qu’il
a recu pour le passage; les passagers n’ont rien a payer
ni pour cela, ni pour autre chose.
Les Icariens feront bien de ne pas quitter le navire.
Tous les voyageurs ont le droit d’y coucher trois nuits.
Mais le Directeur du depart ira de suite a la poste res-
tante prendre les lettres qui lui auront ete adressees,
soit de Paris , soit de Cheltenham, dans lesquelles il
pourra trouverdes avisou des recommandations utiles.
On devra s’occuper ensuite, immediatement, de
trouver un bateau a vapeur en partance pour Saint-Louis,
pour v prendre passage. Puis, on ecrira a Cheltenham
et a Paris, pour annoncer Farrivee et le jour du depart
pour Saint-Louis.
— 377 —
VOYAGE SUR LE MISSISSIPI.
32° ll faut bien faire les conventions avec le capitaine
a la Nouvelle-Orleans, pour le prix des places a 1’entre-
pont, pour le prix des bagages. II faut tacher de ne rien
payer ou de traiter pour les bagages en masse, sans les
peser, pour une somme totale de. S’il ne veut pas,
il faut faire peser tors de Tembarquement, pour que le
pesage ne retarde pas ensuite, et ne fasse pas de dif-
ficultes; payer de suite et s’en faire donner un recu.
11 faut obtenir surtout que le bateau vienne se placer
a cote du navire, pour que le bagage puisse etre trans-
borde : c’est-a-dirc transports directement du navire
sur le bateau, sans etre d’abord debarque sur terre, afm
d'eviter beaucoup de frais.
Si on manque de vivres, on peut prendre a la Nou¬
velle-Orleans ceux dont on a besoin, surtout du pain
frais et de la viande fraiche, en conservant d’ailleurs
tout ce qui reste.
La meme organisation , le meme ordre qui ont pre-
side au voyage sur mer, continueront a etre observes
sur le Mississipi. On redoublera de surveillance pour
les bagages, tant a la Nouvelle-Orleans que sur le Mis¬
sissipi, car les volsy sont tres frequents.
En arrivant a Saint-Louis , on trouvera un membre
de la Colonie qui conduira le depart a Cheltenham.
A la Nouvelle-Orleans et a Saint-Louis , on rencontre
assez souvent d’anciens membres de la Colonie, devenus
dissidents, etquise donnent la mission de nuire, autant
qu’il est en eux de le faire, a la cause qu’ils ont deser-
tee/ Contrer leurs 'inensonges et leurs calomnies nous
n’avons qu’une chose a repondre : c’est qu’on ne s’en
I
— 378 —
rapporte ni a eux, ni a nous; mais qu’on ait le courage
(le voir par soi-m6me, et de ne point se laisser arreter
par la peur qu’ils cherchent a faire naitre dans les
esprits.
Notre tciche est terminee, et nous croyons que ceux
de nos co-religionnaires qui voudraient suivre nos con-
seils et qui le feraient avec intelligence s’eix trouveraient
bien; nous croyons qu'ils pourront eviterla plus grande
somme des embarras que cdmporte un tel voyage; mais
nous leur repetons encore; le moyen le plus efficace pour
se garantir de tous les maux , c’est la pratique de la
FRATERNITE, C’EST L’aMOUR DU PROCHAIN.
TROUSSEAU.
Aujourd’hui, nous publions le trousseau. Nous ne le
ferons preceder que d’une seule remarque: c’est que,
pour faciliter les departs, on a diminue plusieurs des
articles de I’ancien trousseau. Le nouveau est moindre.
ce n’est pas dire, par la, que les partants ne doivent
pas avoir un bon trousseau, un trousseau dont tous les
objets doivent durer au moins une annee; mais il n’en
est pas moins vrai que les articles du trousseau ont ete
un peu diminues. On doit voir dans cette diminution
du trousseau, la continuation du systeme qui conduit
la colonie a faciliter, de plus en plus, aux bons Icariens
leur entree dans la Colonie.
TROUSSEAU LEGAL
POUR LA COMMUNAUTE ICARIENNE DE CHELTENHAM.
Couches
Langes .
nourrisson (jusqu’a 2 ans.)
Linge.
Piquets.
Chemises-brassieres
Chemises . . . .
a
4
4
379 —
*
Vetements.
Brassieres.
Jupons de couleur.
do blancs.
Robes ou blouses.
Fichus. . *.
Bavettes.
Tabliers de couleur . . . .
d° blancs.
Manteau ou pelisse.
Paires de bas de laine ....
do coton.
Bonnets ou beguins.
Capuclies d’ete.
Gants ou mitaines.
4
4
2
6
4
6
4
2
1
4
4
4
2
1
Chaussure.
Paire de chaussons.
Paire de souliers.
Literie.
Paillasses.
Paires de draps.
Oreiller.
Taies d’oreiller.
Couverture 1} 2 couvertures
Edredon 1 ( ou
Moustiquaire.
Rideau de lit.
Toilette et sante.
Brosse a cheveux.
Eponges.
t »
2
2
1
1
2
t
1
1
2
GARgoN. — petite ecole (de 2 a 6 ans.)
Linge.
Chemises.6
Mouchoirs.6
Yetc merit
Calegons . . ..3
Pantaions d’ete. 3
d°. hiver.2
Paletots d’ete.3
d° d’hiver.2
Cravates.3
Manteau a capuchon .... 1
Paires bas de laine.3
d° coton .4
Mouffles ou gants. ..... 1
Coiffure .
Casquette d’hiver.2
Chapeau de paille.2
Chaussure.
| c . 1 i ( .
Paires de souliers.2
Paires de sabots. t
do de chaussons . . 1
<
.
Literie.
Matelas. . .
Paillasse.
Oreiller.
Taies d’oreiller. ......
Paires de draps de lit. . . .
Courerture1j « ,
Edredon lj ou 1 ““'enures
Moustiquaire. ..
t
1
1
2
2
t
Toilette et sante.
m * 1 ft ^i .. /• jr.i!
Eponge. 1
Brosse a cheveux.f
Peigne fin.1
Demeloir.1
fille. —petite ecole (de 2 a 6 ans.)
Linge .
Chemises.6
Mouchoirs. ..6
Vetement.
Pantalons. ..4
Jupons couleur.4
a* blancs . ..2
Robes d’hiver . ..3
• • r ► • •
do d’ele.3
Tabliers de couleur.3
d° blancs. 1
Fichus.. . 4
Manteau a capuchon .... 1
Paires de bas de laine .... 3
Paires bas de coton.4
Paire de gants .. t
\
i
— 380 —
Coiffure.
Capuches d’ete.2
d° d’hiver.1
Chapeau de paille.1
Chaussure.
Paires brodequins de cuir. . 2
Paire sabots. ....... 1
d° chaussons .... 1
Lit eric.
Matelas.1
Paillasse.1
GARMON. — GRANDE E
Linge.
Chemises. ;.6
Mouchoirs.. 6
Serviettes ou essuie-mains . . 6
Vetement.
Calegons.3
Pantalons d’hiver.2
Pantalons dete .3
Gilets de coton. 3
Paletots d’hiver ...... 2
d* d’ete.. . . . . . . . 3
Cravates . . ..4
Paires de bas de laine .... 3
do de coton.4
Paire de Mouffles ou gants . . 1
Ceinture en cuir ...... 1
Coiffure.
Chapeau de feutre.1
d° de paille.1
Casquette ..1
. . Chaussure.
Paires de souliers.2
Paires de sabots.1
do Chaussons.1
Oreiller. 1
Taies d’oreiller.2
Paires de draps de lit. ... 2
Edredon l [ ou 2 overtures
Moustiquaire. i
Toilette et sante.
Eponge./
Brosse a cheveux.1
Peigne fin.1
Demeloir.1
( de 6 a 16 ans. )
Literie
Matelas.I
Paillasse ... . 1
Couverturei > „ .
Edredon l) ou couveriures.
Moustiquaire.1
Paires de draps de lit. . . . 2
Oreiller.1
Taies d’oreiller.3
Toilette et sante.
Eponge. 1
Brosse a habits.1
do a chaussures. . . 3
d° a cheveux. ... 1
d° a dents ..... 1
Peigne fin.1
Demeloir.. . 1
Divers .
Pour ecrire.
Cuvette.1
Pot a eau.1
Vase de nuit.t
Glace.I
fille. — grande ecole ( de 6 a 16 ans.)
Linge.
Chemises . ... . 8
Mouchoirs.. 8
Serviettes ou essuie-mains . . 6
Yetement.
Pantajons .4
Jupons blancs .
•d° • d’hiver.
Robes d’hiver.
d® d’ete.
Tabliers..
Gilets coton.
Cols unis . . ..
✓
t
**♦< cc ^ w
Paires de bas de laine .... 3
d<> de colon.6
Manteau. . . . !.I
Garits ou mitaines..1
Coiffure.
"Capuches d’ele.2
Gap. deliver ou bonnet laine. 1
Bonnets de nuit.6
Chap«u de paille.1
Chaussure.
Brodequins en cuir ..... 2
Souliers d’ete.2
Pantoufles de voyage.1
Sabots.1
Chaussons.1
Liter ie.
Matelas.1
Paillasse.1
Moustiquaire.1
Paires de draps de lits. ... 2
Oreiller..^ . . I
Taies d’oreiller.3
Toilette et sante .
Eponge... . 1
Brosses a habits.1
d° chaussures. . . * 3
d° cheveux. < . . . 1
d° dents.1
Peigne fin.1
D^meloir. 1
Divers.
Glace. . ..1
Cuvette.1
Vase de nuit.1
Pot-a-eau.1
Ciseaux et ustensiles de couture.
CIT0YE1Y
Linye.
Chemises calicot.2
d° toile ou coton .... 6
d° laine.3
Mouchoirs de poche.12
Serviettes ou essuie-mains . . 6
Yetement.
Gilets de flanelle.
d° coton pour ccux qui
en portent ....
Calecons.
Chausseites laine.
d° coton.
Pantalon habille, ete, ....
d° hiver.
d« travail ete ... .
do hiver.
Gilets divers.
Vetement leger ete, habille, .
d° travail.
do hiver, habille ....
d° travail dont 1 veste chaude
Cravates.
Brosse a habits.
Moufles ou gants.
3
2
3
3
6
1
1
3
2
4
1
2
1
2
4
1
1
Coiffure
Chapeau de feutre . .
d° de paille . . .
Coiffures de travail . .
d° de nuit. . . .
Chaussure .
Bottes fortes, a larges et hautes
tiges.
Chaussures facultalives pour
s’habiller. ..... .
Paire de sabots.
d° chaussons ....
do pour la chambrc .
Brosses pour chaussures. .
Liter ie.
Paillasse.
Matelas . . ...
Traversin.
Oreiller.
Taies d’oreiller.*
Paires de draps de lit . . .
Couvertures2i 0 .
Edvedon , j°u 3 couvertures
Moustiquaire.
1
1
3
3
2
2
1
1
1
3
1
1
1
1
3
2
t
382 —
Toilette et sante.
Peignes. ......... 2
Brosse a cheveux ...... 1
Brosse & dents..• 1
Cuvette.1
Pot-a-eau.1
Rasoir et coir. 1
Lunettes pour ceux qui en
• portent ... o
Glaee. * ’ *
Divers.
Vase de nuit.^
Rideau porte -manteau. ...
Tout ce qu’il faut pour ecrire.
CITOYENNE
Linge.
Chemises.12
Mouchoirs. 12
Serviettes. 6
Torchons. 6
Vetement.
Caraco ouate.. i
Camisoles ou caracos .... 6
Calegons ou pantalons.... 4
Paires de has de laine. ... 4
d° coton. 8
Jupons blancs.4
d° couleurs.4
Robes d’hiver.3
Robes d’ete.3
Manteau, chale d’hiver ou pa¬
letot . 1
Cilets de flanelle , pour celles
qui en portent. 3
Cilets de coton.3
Tabliers.* . . . 4
Pointes et ticlius ( facultatifs ).
Cols. 6
Paires de manches.4
Corsets pour celles qui en por¬
tent. 2
Brosse a habits. 1
Cants. ’*.... 1
Coiffure.
Coiffures de nuit. 6
Fanchons ou bonnets noirs . . 2
Capuches d’ete. ..*... 2
Cap. d’hiver ou bonnet laine . 1
Bonnets de jour tres simples
pour celles qui en portent. . 6
Chapeau de paille. 1
Chaussure .
Souliers-brodequins. 1
Chaussons claques. 1 j
Chaussure legere (habillee). . 1
Bottines d’ete. f
Pan ton ties voyage..t
Sabots. i
Chaussons pour sabofs. . * ! 1
Brosses pour chaussures ... 3
Lilerie.
Paillasse.. 1
Matelas. i
Paires de draps de lit . . . . 2
Couvertures 2 ) 0
Edredon j |ou 3 couveit. .
Traversin. \
Oreiller.|
Taies d’oreiller. 3
Moustiquaire. .. 1
Toilette et sante.
Peignes fins ..2
Demeloirs.. 2
Peignes a chignon.2
Brosse a dents. 1
Brosse a ongles. 1
Glace. 1
Cuvette ..i
Pot-a-eau. 1
Lunettes , pour celles qui en
Divers.
Rideau porte-manteau. ... 1
d° pour deux croisees. . . 2
Clyso-pompe ou seringue. . . 1
Vase de nuit. 1
Parapluie. 1
Ustensiles pour coudre.
Tout ce qu’il faut pour ecrire.
1
— 383 —
OBSERVATIONS.
» * ' 1 A
1° Le matelas doit etre de 25 livres pour une per-
sonne, 1 metre 92 de longueur sur sur 0 metre 80 cen
timetres de largeur; de 35 livres pour un menage, \
metre 92 de long sur \ metre 22 de large; de 18 livres
pour la graude ecole, 1 metre 63 de long sur 0 metre
70 de large ; de 10 livres pour la petite ecole, 1 metre
23 de long sur 0 metre 63 de large.
2° Les families sont prevenues que tous leurs mem-
bres celibataires et enfants doivent avoir leur literie
separee.
3° La Moustiquaire etant un objet particulier au cli-
mat on fera bien de Tacheter en Amerique. Elle coute
environ 1 dollar ou 5 francs.
4° 11 faut apporter generalement des vetements et des
chaussures larges. Point de clous aux semelles. Les
vetements dits d’ete doivent etre en toile, coutil et
indienne; les laines douces sont trop chaudes comme
vetement d’ete.
5° Les citovennes sont priees d’apporter le moins
possible de robes de mousseline dont Tentretien est
trop couteux dans notre situation actuelle.
6° La capuche etant une mode du pays, il est prefe¬
rable d’apporter l’etoffe pourlafaire confectiormer dans
la colonie. 11 faut, pour Pete, 1 metre 30 de Jaconas ou
d’indienne, et, pour Timer, la meme quantite en
Orleans noir ou tout autre lainage.
7° Le trousseau n’exige pas des gilets de Handle
pour les citovennes; cependant nous ferons observer
que le climat les rend presque indisperisables.
8° Le trousseau ne porte point de caban, mais ceux
qui en out ou qui voudront en acheler pourront en
apporter.
9° Se munir de la petite batterie de cuisine, tel que:
bouillote, casserole, gobelets, cuillers, fourchettes,
couteau, etc., etc., et de quelquesustensilesde menage
— 384 —
utiles et peu volumineux, tels que : chandelier, lampe,
mouchettes, porte-mouchettes, etc.
10° Les vases de nuit, en zinc ou en fer battu,
achetes pour la traversee, ne sont plus en etat arrivant
dans la colonie; on devra se munir, en entrant, d’un
vase en faience.
llo Ce trousseau forme le maximum pour la colonie
et le minimum pour les arrivants. II est bien entendu
que les personnes qui auront une plus grande quantite
d’objets pourront les apporter et les conserver. Leur
trousseau sera reduit au minimum legal , conformement
a la loi sur la Commission du detruit, e’est-a-dire
qu’aucun article excedant le minimum ne leur sera
remplace en cas de detruit par suite d’usure.
12° Pour completer les trousseaux des membres de
la colonie, conformement au maximum ci-dessus, la
Communaute operera, d’apres ses ressources, determi-
nees par sa situation financiere.
DISPOSITIONS FINALES
1° II est bien entendu que le trousseau doit etre
complet et en bon etat en arrivant a la colonie.
2° Tout article de trousseau fourni aux arrivants, pen¬
dant l’annee qui suivra leur entree dans la Commu¬
naute sera deduit sur leur apport.
3° En cas de retraite, le membre sortant ne pourra
rien enlever des meubles ou ustensiles de menage que
Tui aura fournis la Societe.
Adopte par TAssemblee generate dans sa seance du 9
join 1860, a Funanimite par les citoyennes, les jennes
gens et les admis provisoirement consultes, et a I’una-
nimite par les citoyens, moins 1 voix, le cit. Guillard
qui vote non y parce qiFil trouve ce trousseau trop
minime.
Le President de la Communaute.
B. Mekcadier.
Paris. — Imp. Felix Malteste et Cie, rue des Deux-Portes-St-Sauyeur, 22.
NEUVIEME LETTRE.
■
%
XXV
Cher co-religionnaire et ami,
Je voulais te donner, dans cette lettre, les comptes*
rendus des mois de Mars, Avril, Mai et Juin, mais cela
me prendrait trop de place sans beaucoup d’avantages;
puisque j’ai recu le compte-rendu du premier semestre
1860, j’aimemieux me borner a te donner celui-ci avec
quelques developpements qui me paraissent necessaires.
Je pense meme, qu’en ce qui concerne l’exterieur de
la Golonie, nous devrons nous borner a favenir a faire
connaitre le compte-rendu semestriel et I’inventaire.
Ces deux documents , embrassant chacun une periode
de six mois, sont de nature a donner une idee plus
exace de la marche de notre Societe, que ne le sont les
comptes mensuels. Ces derniers, en efTet, varient trop
quant au resultat de la production. Les mois de morte-
saison se soldent toujours necessairement en deficit sur
les previsions du Budget dont fequilibre se trouve re-
tabli par fexcedant des mois de la bonne saison.
17
— 386 —
Un semestre renferme a pcu pres la moitie des mois
desavantageux et la moitie des mois avantageux de Tan-
nee , de sorte qu’il peut donner une idee a peu pres
complete du mouvement de production pour Tannee en-
tiere. On aura ainsi une idee plus exacte de notre affaire,
surtout pour ceux qui ne la suivent pas depuis lon£-
temps.
Void le Compte-rendu du premier semestre 1860.
Tu trouveras mes observations a la suite.
COMPTE - RENDU.
Premier Semestre 1860.
» Ce compte-rendu ne contiendra que ce qui est
reellement essentiel et posit!f. II s’arrete an l er juillet.
MOUVEMENT DU PERSONNEL.
» La Societe comprenait, au l cr janvier dernier , 130
personnes , a savoir : 50 citovens, 37 citoyennes, 4
jeune gens, 18 eleves a la grande ecole, 7 a la salle
d/asile, 8 nourrissons, 2 non admis, 1 pensionnaire. 1
ouvrier salarie et 4 absents ;
» Du l er janvier au l er juillet 1860, le mouvement
du personnel a ete le suivant:
» Naissances, 2 : Armance Droussent et Eusenie
/ w
Fagris.
» Admissions provisoires, 20 : les cit. Huber, Sablier
pere et fils, Perrin et son garcon, Guyot, Chaput, Du-
cret et fille, Rivoire, Burger : les jeunes gens Castillon,
Fortel et Dinkelden; les families Rambaud (5 person¬
nes); Morisseau (3personnes); Guillemin(3 personnes);
— 387 -
et les citoyennes Elise Lavat, Louise Plee et Clotilde
Lecoutour. Admissions definitives, 12 : les epoux Vin.
sot et Buriat; les families Loiseau pere (3 personnes) et
Lavat (4 personnes; la citoyenne Bernard (Josephine);
les eit. Roux et Augier ;
» Deces, 1 : la citoyenne Cledes.
» Sortis a la suite d’un conge, 6 : les epoux Labenne
et la famille Briere (4 personnes); retraites, 16 : la fa-
mille Daumon (5 personnes); les epoux Droussent (3
personnes); les citoyennes Deglise mere et Mauvais ; les
citoyens Ricault, Barrioz, Laurent et Deglise fils, et les
jeunes gens Pierre et Joanny Grubcrt.
> En consequence, la Societe se compose aujour-
d’hui ler juillet 1860 de 148 personnes, ain3i reparties:
Citoyens. 57
Citoyennes. t . 26
Jeunes gens. 7
Jeunes filles. 14
Elevcs (donl 5 filles). 20
Asile (dont 6 filles). 9
Nourrissons (dont 3 filles). 6
Absents. 10
t • • . * ‘
Total. 148
» Enjanvier 1860, la Societe comprenait 136 per¬
sonnes : augmentation pendant Ie semestre: 12 per¬
sonnes.
RAPPORT SEMESTRIEL.
26 semaines. udc sem.
Journees faites par chaque travailleur. ... 156 6
Travailleurs presents, en moyenne. 102 1/2
Journees faites. 15.990 612
Presence. 13.962 537
\bsences. 2.028 7,8
— 388 —
* F.es journees de presence se divisent:
26 scmaines. ana sew.
Journees pour l’interieur.. . 7.722 285
Journees pour l’exterieur. 6.240 240
» Les journees d’absence sont reparties :
Malades. 1.003 38
Gardes-malades. 261 10
Motifs divers. 558 50 21
Inconnues. 205 50 7
» Le mouvement du personnel constate 148 presents,
ie nombre des travailleurs etant en moyenne de 102 1/2
reste 45 1/2 ne travaillant pas, dont 10 absents.
» Ainsi le nombre de personnes ne produisant pas.
s’eleve a pres d’un -tiers, c’est-a-dire que sur trois per¬
sonnes, deux produisent et une. ne produit pas. Le
rapport constate encore des journees inconnues : ce sont
les journees de ceux qui ne remettent pas de rapports.
)> Les journees de maladies et de gardes malades
sont moindres qu’au dernier compte-rendu ; cela vient
de ce que la saison des fievres n’est pas encore venue.
En appliquant les journees de presence et d’absence a
toute la cornmunaute, on obtient le resultat suivant :
C.liaque travailleur de la Cornmunaute a travaille 5 jours 24 par se-
maine (1), ci.. . 5 24
Kt a perdu pour les motifs ci-apres :
Inconnues. » 07\
Malades. »38/
Gardes-malades. » 10 t
Divers motifs. » 21:
Total des journees . . 6 »
(1) Pour bien comprendre ce calcul, il faut savoir que la journee a ete
prise pour une unite composee de 100 parties. Ainsi, quand cn dit que
chaque travailleur a travaille 5 jours 24 par semaine, c’est comme si
— 389 —
' )> Les journees exterieures sont presque aussi noin-
breuses que les interieures; cela prouve qu’on a execute
autant que possible le plan trace a la fin de 1859, qui
est de travailler particulierement pour le dehors, pour
payer toutes nos deties.
. V * . r . • I I
,
GAIN ET DEPENSES DU SEMESTRE.
f * - • . • * .
( ' J r "< ’ 1
Cain
9
C mois.
1 semaine.
l'r£v.
du
Tailleurs et confection. .
. 1
.642
95
63
19
66
»
Forgerons .
983
04
37
81
50
Jardiniers.
•
424
67
16
33
35
f
»
Cordonniers.
594
32
22
85
33
»
Tonneliers.. .
•
•
83
10
3
20
* 4
»
Menuisiers.
45
45
1
76
4
»
■ . • * j * •
Pharmacie.
49
»
1
88
2
50
Construction.
. 1
• •
.442
22
* P*
OO
46
32
»
M, ‘ *
Divers .
651
69
25
06
o
62
Totaux en dollars.
. 5
.916
44
227
54
232
12
Totauxenfr. . .
• ■ i
31.
061 31
1.194
58
1.218
63
•
• . . . » *
•
DEPENSES.
r
Matieres premieres. . . .
. 1
.796
91
69
11
64
90
Provisions genera les. . .
. 1
.962
30
75
47
63
48
Vetement .
212
17
8
16
: 7
)>
Outils .
•
12
50
• »
48
1
49
Ustensiles .
60
60
2
33
• 3
»
Ameublement .
•
•
a
»
»
»
n
14
Correspondance .
24
94
n
96
1
»
Animaux .
92
»
3
54
2
75
Divers .
- « .. * •
•
249
40
9
59
12
08
Totaux en dollars.
. 4
.410
82
169
64
155
84
Totauxenfr. . .
23
.156
80
890
60
818
16
Ton disait qu’ils ont travaille 5 jours et 24 pentiemes de journee, soil
a peu pres 5 jours 1/4. De meme pour les 38 perdus par maladie, ce
sont 38 centiemes de journee, soil 3 heurcs 48 minutes en moyenne par
semaine.
-390 —
• »
d Nous avon's mis a cote des totaux, deux colonnes
l une pour la moyenne reelle etl’autre pour la moyenne
d’une semaine prise du budget de 1860, pour que
chaque atelier voie ce qu'il a fait, et ce qui lui reste a
faire dans le cours du second semestre.
» II importe de remarquer quele cliapitre Construc¬
tion, comprend les cbarpentiers, les menuisiers, les
macons, les plafonneurs, les peintres, etc. En 1861, il
sera peut-etre plus convenable de separer, dans nos
comptes, tous ces divers corps d'etat.
En retard au 1 juillet 1860.
» Le gain moyen d’une semaine a ete de doll. 227,54
au lieu de 232,12; perte doll. 4,58; la depense s’est
elevee a doll. 169,64 au lieu de doll. 154,84; nouvelie
perte doll. 13,80; soiten retard doll. 18,38 par semaine
on doll. 477,88 pour tout le semestre.
)> Le resultat obtenu est satisfaisant, surtout si nous
tenons compte de la situation generate des affaires, qui
sont plus mauvaises qu’apres la crisede 1857.
)> Void le gain et la depense de chaque mois du
semestre.
Gains. Depenscs.
Janvier. .. . 536 73 876 07
Fevrier. 461 72 651 60
Mars. 941 29 • 759 95
Avril. 1.693 02 838 92
Mai. 1.265 19 723 22
Juin. 1.018 49 561 08
Totaux en doll. 5.916 44 4.410 84
Totaux en francs. . . . 31.061 31 23.156 90
» Ce tableau nous apprend que les deux mois de
Janvier et de fevrier sont au-dessous de la moyenne, les
— 391
/
deux mois de mars et juin arrivent environ a ia
moyenne et que les deux mois d’avril et mai la depas-
sent,
» Comparaison des depenses et du gain des deux
premiers semestres 1859 et 1860,
GAIN.
Ateliers.
cn I860.
en 1859.
Tailleurs et confection . .
doll. 1642 95
doll. 1572
75
Forgerons.
640
60
Jardiniers.
. . 424 67
235 27
Cordonniers.
552
03
Tonneliers.
83 10
231
87
Menuisiers.
150
91
Pharmacie.
49 00
50
55
Construction.
. . 2093 91
640
59
Divers .
»
»
Total en doll . . .
. 5.916 44-
4.074
57
Tolaux en francs .
. 31.061 31
21.391
49
DEPENSES.
Matieres premieres . . . .
. 1.79l 6 9t
1.433
85
Provisions generates. . . .
. 1.96230
2.115
61
Vetements.
212 17
72
35
Outils.
12 50
122
74
Ustensiles.
60 60
39
50
Ameublement.
T*
3
60
Correspondance.
24 94
32
82
Animaux.
92 00
»
»
Divers.
249 40
172
70
Total des depenses en doll.
. 4.410 82
3.993
17
Totaux en francs.
. 23.156 80
20.964
14
* Ainsi en 1859, le gain a eu un exces de doll. 81,40,
en 1860, cet exces est de 1505,62; difference en faveur
de 1860 doll. 1424,22.
d Ces chiffres n’ont besoin d’aucun commentaire.
— 392 —
BUDCET DU lerSEMESTRE 1860.
CHAPITRES. DEPENSES.
Reel.
Budget.
Deltes a payer.
, 3
.473
72
4 .
.352
76
Pertes probables.
500
»
60
»
Interets divers.
26
68
*
60
>
Apports a rembourser. . .
622
39
360
Depenses de la Societe < . .
410
82
4
.048
68
Tolaux en doll. . . .
. . . . 9.
033
61
8.
,881
44
Totaux en francs. . .
.... 47
.426
45
46
.627
56
RECETTES.
Dette nouvelle .
• • • •
267
59
300
»
Apports a Saint-Louis. .
202
35
279
96
Pxecettes a Paris. . . .
. . . . 1.
500
»
1.
♦
999
98
ElTWs a Paris .
103
12
150
f>
Eflets a recevoir ....
231
40
120
n
Notre gain .......
. . . . 5.
916
44
6,
.031
50
4
Totaux en dollars .
.... 8
.220
90
8
.881
44
Totaux en francs. .
. ... 43
.159
72
46
.627
56
> Dans chaque rapport mensuel, nous avons rendu
compte des divers details du budget. Nous ferons remar-
quer seulement qu’il nous aurait fallu payer doll. 879
de dettes de plus; que les pertes probables ont ete
occasionnees par l'affaire Edimberg; que les apports a
rembourser, ont depasse la moyenne de doll. 222,39;
que Paris est reste en retard de doll. 546,86; quant a
notre gain et a notre depense, nous en avons parle plus
haut; nous ajouterons que, malgre tout, le budget
semestriel est assez satisfaisant.
SITUATION EN 1861.
• / ' • \ 1 2 f <
* " * i *’ , i • * i ; 'lyf f r,
» 11 y a quelques semaines, nous avons expose a pi'o-
393 - .
pos d’economie, la situation de 1861. Nous aliens en
offrir le resume ci-apres:
» Selon nous et sauf la decision de l’Assemblee, il
faudra en 1861 :
* , • «
» 1° Maintenir les ateliers existauls, sauf a les fournir mieux de
matieres premieres, soit en plus, doll. 500 »
n 2° Examiner les questions de la durec de la jour-
nee de travail, de la corvee de la cuisine et des legumes.
» 3° Ajourner l’achat d’une ferme jusqu’en 1862.
» 4°‘Commencer a s’occuper du commerce.
» 5° Fonder notre eaisse de prevoyance. 200 »
• 4 • • • •
» 6° Demander moins a la propagande pour qu elle
puisse s'organiser relativement au bureau. 2.000 »
, «i. ,«(• •••
» Envoyer quelqu’un en France. 150 »
» 7° Entrer dans la voie d’un bien-etre raisonnable
en consacrant au vetement en plus. 250 »
d A la nourriture d° . 300 » .
» 8° Elever une construction qui servira a des ate¬
liers et en attendant a des logements . ........ 2.000 »
» 9° Etablir la distribution des eaux avec la machine *
t , ( rt v ; ,
a vapeur... 600 »
, «' • . --:-
0
Total en dollars. . . . 6.000 »
• • •* • . • • •
Total en francs .... 31.500 »
' . • ... i • i
» Nous constatons que la distribution des eaux est
0
plus qu’a moitie etablie, la machine fonctionne et l’eau
monte en haut et va au jardin. II y a deja une depense
de doll. 400 de faite, depense qui est anticipee sur l’exer-
cice de 1861. Restent encore l’atelier et les reservoirs
qu’il faudra etablir avec une depense de doll. 200
environ.
» Lorsque FAssemblee aura a examiner cet ensemble,
il faudra dire un mot aussi de la question des apports a
rembourser en 1861, relativement a ceux venus sans
- 394 —
apport parmi nous. Quelle somme la communaute
pourra-t-elle donner dans ce cas ? Telle sera la question.
PRATIQUE EXTERIEURE.
• A
• Voici d’abord la recette et la depense de chacundes
comptes du bureau du premier decembre 1859 jusqu’a
la fin de mai 1860. L’unite monetaire est le franc.
Recettes.
Dcpense$.
Comptes courants .
6.749 38
4.591
03
Correspondance .
20 40
225
90
Traites.
» »
7.875
»
Souscription. '.. . .
» n
777
50
Anciens creanciers.
35 »
3.127
a
Frais generaux.
90 i>
3.341
10
Em p runt.
10.094 95
515
15
Revue .
95 10
»
a
Bibliotheqne.
.299 11
41
05
Commissions .
20 »
1.230
95
Mobilier .
» a
23
a
Brochures .* ...
1.405 10
1.052
24
Voyage en Icarie. .♦.
121 05
17
»
Vrai Christianisme .
58 50
22
10
Histoire .
65 20
»
»
Popnlaire .
1 95
»
9
Totaux. . . . Fr.
19.055 70
22.829
02
En caisse au l er decembre 1859. . .
4.012 15
Total. . .. 23.067 89
Recettes .... 23.067 89
Depenses. . . . 22.839 02
Reste fr
228 87 en caisse au 1 er juillet 1860.
— 395 —
Depenses du Bureau du premier semestre 1800.
Correspondance. 207 50 )
Frais generaux.3.251 10 >3. 481 60
Mobiiier. 23 » )
A deduire :
Bibliotlieque a produit. 299 11 \
Commissions. 65 » (
Brochures, net. 352 86 f
Librairic, net. 207 50 )
. Reste depense nette fr. 2.557 13
En 1859, cetle depense a ete de fr. 7,781 70, on pour un semestre
de. 3. 890 85
Depenses premier semestre 1860 . 2.557 13
Difference en faveur de 1860. 1.333 72
» Ainsi pour le premier semestre I860,, le bureau de
Paris a depense moins de doll. 200 que 1’annee passee,
ce qui ferait plus de doll. dOO en moins pour une annee.
I,
NOUVEAUX DEPARTS.
» Notre correspondant et les Icariens du dehors
s’accordent a dire que les nouveaux Icariens out de
meilleures qualites qu’il y a dix ans, en ce sens qu'ils
sent moins illusionnes, plus pratiques, et qu’ils com-
prennent mieux le but philosophique de notre mission.
Les derniers arrives parmi nous ont redige une adresse
■ »
dans laquelle ils s’expriment dans ce sens. Nous voulons
croire qu’il en est ainsi; nous sommes heureux de cette-
situation meilleure des esprits, qui nous permeltra de
fa ire prosperer plus vite la Communaute ; seulement
nous nous reservons de juger les derniers arrives a
leurs actions, ce qu’ils doivent desirer puisqja^lTi
disenf plus pratiques. Chaque semestre, n<
— 396 —
connaitre si tous perse verent, ou, au contraire, si
quelques-uns ont prouve par leurs actes qu’il n’etaient
pas a la hauteur; mais nous le repetons, nous voulons
eroire et nous esperons que, suivant la loi du progres,
Icarie reunira sous son drapeau des elements de meil-
leurs en meilleurs.
.• • . • ■ j } •* • - * »• ■'
DE LA PROPAGANDE.
) - . ’ ,f . .
* II nous est impossible de ne pas parler de la pro-
pagande. Depuis la deuxieme lettre a Corilla et a Maxi-
milieu, cette question soulevee a fond, a fait naltre
quelques difficultes. Disons-le, la passion s’en est quel-
que peu melee. Nous ne refuterons pas ici toutes les
erreurs qu’elle peutlui avoir dictees. Nous continueron s
a demontrer, en marchant, en attachant de plus en
plus une grande estime aux Icariens pratiques, que
nous voulons la propagande, que nous ne sommes pas
ingrats envers le fondateur d’lcarie^au sujetde sa veuve
et de sa fille, et que, si nous voulons la propagande,
nous la voulons sericuse, positive, grande, considerable,
mais avant tout vraie; nous voulons avoir affaire a des
hommes et non a des enfants. Nous recevrons avec
plaisir tous les discours et toutes les adresses, a titre
(Faction de propagande; mais, nous prefererons tou-
jours ceux qui agissent plus directement, soit par des
secours pecuniaires en rapport avec les moyens, soit en
venant parmi nous, exercer leurs professions utiles, et
en participant aux desagrements inherents a la fon-
dation d’Icarie. Nous allons emettre ci-apres notre opi¬
nion sur l’organisation du bureau de Paris et de la
propagande, en demandant aux Icariens du dehors de
Fexaminer avant qu’elle soit soumis.e a FAssemblfe pour
397 -
£tre traduite en loi; et, comme tout a etc dit a cet
egard. nous serons brefs.
• « » "
PROJET DE LOI.
» 1 ° La veuve et la fille du citoven Cabet recevront
une allocation de fr, 3,600 par an, soit :
Par rente viagere provenant de la souscription fr. 1.229)^
Par les Ieariens.2. 371 v
(Ces derniers payables d’avance chaque mois).
» La survivante recevra 2,100 fr. par an.
Madame veuve Cabel, par rente viagere, fr . . . 784i 0|0 ,
par les Ieariens.1.316\~
i . i •
Madame veuve Favard, par rente viagere. 445| 9 mn
par les Ieariens. 1.655^'
» 2° Les frais du bureau ; loyer, imposition, assu¬
rance , chauffage , eclairage, blancbissage, frais di¬
vers, etc., sont fixes a la somme de fr. 1,049.
» 3° Le bureau aura un employe principal lequel
recevra fr. 2,000 et qui restera seul, ou qui paiera un
autre employe comme il fentendra; le bureau devra
faire toutes les affaires concernant la propagande et la
colonie, ainsi que les affaires concernant les membres
de la colonie. II devra aussi se prater a toutes les affaires
que la colonie fera an dehors ; s’il a des affaires particu-
lieres, il devra les subordonner a celles de la colonie et
celles-la devront etre completement independantes de
celles-ci.
i> 4° Le bureau et la colonic seront abounds a un
journal de Paris, depense de fr. 96 par an.
» 5° Il est alloue une somme de fr. 484 pour subve-
nir aux.frais de la correspondance entre le bureau et
it
fAdministration de la colonie.
» 6° Quant au journal et aux brochures, la colonie
398
publiera le journal a ses frais, et le bureau publiera les
brochures aux frais et suivant les moyens que la propa~
gande lui fournira.
> 7° Les depenses comprises dans les six premiers
articles, s’elevant actuellement a une somme de 6,000
fr., la colonie et le bureau en prendront chacun la
moitie a sa charge, soit fr. 3,000.
> Cependant la colonie donnera si c’est necessaire
une subvention de fr. 1,500 en 1861 et de 800 en 1862
au bureau.
> 8° Les ressources de la propagande sontlessui-
vantes :
» 1° Dons; ceux qui en nature seront estimes d’apres
leur valeur relative dans la colonie.
j 2° Bibliotheque , eomprenant les ouvrages du
citoyen Cabet.
» 3° Frais g^neraux : conserves tels qu’ils sont.
» 4° Affaires commerciales et autres, auxquelles il
faudra donner une serieuse attention.
» 5° L’abonnement aux brochures ou au bureau,
lequel donnera aux abonnes le droit d’envoyer leslettres
a la colonie a la double condition d’en payer le port et
de les faire partir par le paquet general.
» 9° Quant a des depenses extraordinaires, commc
les missions necessitees par la propagande, elles seront
determinees par les ressources financieres.
» 10° Dans le cas ou un evenement contraire, inva¬
sion ou persecution, ou tout autre, arreterait la marche
reguliere des ressources de nos co-religionnaires, la
colonie viendra a leur secours.
» 11° Les presentes dispositions seront en vigueur
des le premier decembre 1860.
- 399 —
» Jusqu’a cette epoque, le bureau de Paris fonction-
nera comme par le passe.
» Cependant, si le cit. Beluze et les dames Cabet
peuvent realiser l’economie de 1,000 fr. dont ils ont
parle, ils les utiliseront soit a faire venir de bons cl
utiles Icariens, soit a envoyer quelqu’un en mission,
soit a nous envoyer un visiteur a Cheltenham, soit a
nous acbeter une machine utile, une machine a laver,
par exemple, soit a completer les recettes du budget
que le Bureau doit envoyer a la Colonie, soit de
toute autre maniere qu’il leur plaira.
» 12° Relativement a la partie morale de la propa-
gande, marche generale, redaction des brochures, elle
doit reposer sur les ressources financieres ; ce faisant,
le Bureau de Paris continuera a avoir la direction mo¬
rale de la propagande, a la condition d’envoyer , au
milieu de chaque annee, un projet sur la marche a sui-
vre, l’annee suivante a l’Assemblee generale, projet que
celle-ci adoptera dans ses dispositions essentielles.
BUDGET Dl! BUREAU EN 1861.
* ' • i
Void le budget de I’annee prochaine d’apres les bases
etablies plus haut:
DEPEXSES.
Pension des dames Cabet. 3600 »
Frais de bureau. 1049 »
Traitements. 2000 »
Un journal. 96 »
Correspondance. 484 »
Brochures en 1861. 2500 »
Missions en 1861 . 500 »
Total fr
10229 i
— 400
KECETTES.
Rente dcs dames Cabet, fr. . . .•.1229
Contribution de la Colonic en 1861.4500
Dons .. 80
Frais generaux. 120
Bibliotheque. 400
Affaires eommerciales. 600
Abonnement au bureau. 3300
Total egal. 10229
» Nous avons la conviction que tous les chapitres de
ce budget sont acceptables et realisables.' Cependant,
nous ne l’admettons que comme un projet, qu’on 1’exa¬
mine.
» Le Budget de 1862 sera facile a determiner, lors-
qu’on sera arrive au milieu de l’annee 1861.
» La Colonie paiera de cette maniere, pour la propa-
gande, en 1861, fr. 4,500 et 5,700 environ, en comp-
tant les doll. 150 de depenses pour renvoi d’un mem-
bre de la Colonie a Paris : en 1862, elle depensera
fr. 3,800. Et des 1863, elle ne depensera que 3,000 fr.
en ne tenant compte que des depenses regulieres.
S0USCRIFT10N EN FAVEUR DE BONS ET UTILES ICARIENS.
♦
•
» Notre mandataire a propose dans une de ses der-
nieres brochures, d’instituer en permanence une sous-
cription de ce genre, en la presentant comme devant
subvenir aux frais de la propagande. La presque totalite
des lettres particulieres et collectives que nous avons
recues a ce sujet, ont approuve cette souscription 7
comme un des moyens de rendre moins onereuse la
propagande* Nous sommes convaincus, nous, que ce
rnoyen ne remplira pas le but propose ; c’est-a-dire que
les personnes qui viendront dans la Colonie, au moyen
de cette souscription, ne pareront pas aux frais de la
propagande. En prenant l’exemple de la brochure du
cit. Beluze, nous avons determine par des chiffres que
les cinq personnes en question ne gagneront pas doll.
400, mais seulement doll. 76 08. Nous avons un exem-
pie plus recent a faire connaitre. Deux desmembres du
dernier depart ont travaille a Saint-Louis, pendant neuf
semaines, chacun, soit 102 jours pour les deux. Us ont
gagne doll. 71 10 et depense au dehors de la Commu-
naute doll. 31 30, reste pour gain net doll. 39 80, ou
37 cents par jour. II est vrai que les affaires vont mal,
mais il n’est pas moins vrai que, dans la situation des
choses, les nouveaux arrives ne peuvent pas atteindre le
chiffre en question. Par consequent ce moyen ne fera
pas diminuer les frais de la propagande. Nous ne pou-
vons pas accepter une telle souscription dans ce but.
Mais pour toute autre fin, nous sommes loin de la re-
pousser. Ainsi si notre mandataire et les Icariens croient
qu’une souscription de cette nature fera du bien, et
qu’elle est praticable, qu’elle donnera de l’impulsion il
la propagande, reunira beaucoup d’avantages, ne nuira
pas a l’emprunt, qu’ils l’etablissent, qu’ils la maintien-
nent, qu’ils la mettent promptement en usage; seule¬
ment, ce que nous tenons a constater, Tillusion que
nous voulons enlever, c’est qu’une souscription de ce
genre ne fera pas disparaitre les charges de la propa¬
gande. Ceci bien entendu, et pourvu que la souscrip-
tion soit utile a la propagande, nous la verrons s’etablir
avec plaisir.
— 402 —
BUDGETS PARTICULIERS.
‘ I
» On a dit aussi : « C’est trop cher de s’abonner aux
brochures; en nous demandant cetabonnement, on voit
bien que vous ne connaissez pas la situation materielle
de l’ouvrier en France.
» Nous repondrons simplement deux mots : nous
connaissons la situation materielle de l’ouvrier franeais,
tant des villes que des campagnes. Nous, membre de la
colonie il n’y a pas si longtemps que nous avons quitte
la France, pour avoir oublie les difficultes de cette
situation ; c’est precisement parce que nous la connais¬
sons que nous vous avons propose un pareil abon¬
nement.
» Vous dites que pour y arriver, vous etes oblige de
prendre sur le necessaire, soit; et nous? Est-ce que
dans notre situation de 1860, nous n’avons pas dit que
nous ferions face a tout en nous privant meme du
necessaire? Ne nous avez-vous pas approuves? Ne le
faisons-nous pas? Ne voudriez-vous pas faire ce que
nous faisons ?
» Mais, a parler juste, nous ne demandons pas le
sacrifice du necessaire, du moins generalement. Que
necessite fabonnement en question? vingt sous, quinze
sous, dix sous par mois. Or, nous affirmons qu’il n’y a
pas un seul ouvrier en France, qui sans toucher, au
necessaire, mais en etant econome, en sacrifiant tabac,
cabaret et toute depense inutile, ne puisse disposer de
dix ou quinze sous par mois; nous Faffirmons, jusqu'a •
preuve du contraire, et nous ne cederons la dessus que
lorsque Ton nous presentera dans un budget particulier
les recettes et les depenses de toute l’annee, en faisant
— 403 —
figurer dans un chapitre special, les depenses pour
tabac, pour marchand de vin et toutes les depenses non
4
indispensables. Nous avons la conviction de trouver a.
economiser plus de dix sous par mois. Ici, c’est un verb
table defi que nous portons.
■
> D’ailleurs, nous recommandons a tous les ouvriers,
les budgets particuliers de leur menage. D’immenses
avantages emresulteront, et les plus grands seront pour
euxj
INVENTAIRE DU PREMIER JANVIER 1860 .
» Les inventaires de la societe faisant connaitre sa
veritable situation, il importe de les relever avec un soin
de plus en pins grand.
» L’inventaire dernier a ete negatif, c’est-a-dire que
la societe a ete en perte en 1859. La brochure qui a
reproduit notre compte-rendu en France, ne contenant
que la partie relative a la colonie, n’a pas pu donner
l’inventaire exact et complet. Nous comblons ici cette
lacune.
Vctif de la Colonie an 1 rr janvicr 1860 . . doll. 47.862 92
Actif du Bureau de Paris... 15.655 17
Total.doll. 63.518 09
Passif de la Colonie. 29 312 16L n
Passif du Bureau. 21.274 33r u,i)
Reste aclif net.doll. 12.931 60
Restc actif en francs. 67.890 90
Actif net en 1859. . . . . 13.696 23
Actif net en 1860. 12.931 60
Perte en 1859. . . doll. 764 63
Perte en francs.4.014 00
» Fn tel resultat n’a rien de decourageant, lorsqu’on
^imagine les entrav.es'e't les diflicultes qui nous sont
suscitees par nos dettes et le manque de capital neces-
saire. Cependant, tous nos amis du dehors doivent
prendre ce resultat en serieuse consideration. II est
certain que la cause Icarienne, colonie et propagande,
doit prosperer aussi sous le rapport materiel, et que si
chaque annee. l’inventaire se balancait negativement,
icarie serait perdue. Nous disons cela en passant, mais
en y insistant avec force pour que tous nos amis compren-
uent pourquoi nous avons tant insiste sur le concours
actif que la propagande doit realiser.
» II ne s’agit pas de se renvoyer la balle; il s’agit
4
• ■* •% » * to ?
demie.
, • •
* Quoi qu’il en soit, il importe, comme nous bavons
deja dit, de mettre a la confection de nos inventaires un
soin de plus en plus grand.
» Celui de la colonie pourra etre dresse tres minu-
tieusement. ,. •
» Quant a celui -de Paris, disons un mot de quelques
comptes. • . ..
» Creanciers de Nauvoo. Nous avons averti notre
correspondant qu’S partir du premier decembre 1860,
— M5 —
tous les creanciers ancicns sur Nauvoo qui n’auraient
pas echange leurs creances contre des obligations, no
seraient plus regardes comrae creanciers et leurs crean¬
ces seraient nulles. Nous repetons qu’il en sera fait
ainsi.
» Bibliotheque. Sera estimee ainsi: on prendra moitie
de Testimation ordinaire telle qu’elle a ete faite les autres
annees, ajoutee a r estimation d’apres le produit ou la
• • % ,
vente de la Bibliotheque, en supposant qu’elle rapporte
15 pour cent. De sorte que, et rien n’est plus juste, la
Bibliotheque vaudra d’autant plus qu’elle produira da-
vantage.
» Librairie. Je comprends dans ce compte les Bro¬
chures qui sont comprises, au reste, dans la Biblio¬
theque, et qui ne valent rien ou presque'rien, quelques
mois apresleur apparition.
» Creances mauvaises et douteuses. Elies serofit esti-
mees suivant lear juste valeur.
QUELQUES COMPTES PARTICULIERS.
. ' * - ' . * • ■ • ’ _ . - - i J,
Notre compte-rendu de janvier 1859 rendait compte
des affaires particulieres de certains membres del a
Communaute. Depuisles feuilles d’admission ont con¬
state la situation particuliere de quelques autres mem¬
bres. Nous rendrons compte dans nos compte-rendus
des changements parvenus dans ces affaires et particu-
lierement de leur solution. Voici celles terminees jus-
qu’a ce jour:
» Bira : II lui re.vient fr. 1,311 35.
» Guillard : la somnie recue par lui s’eleve a fr. 653
07 cent.
— 406 —
» Quernori , Roy et Mercadier : la succession Quer-
nori a valu une somme nette de fr. 7,091 88.
* Ducret et Plee : On a touche pour eux fr. 1,618.
» Toutes ces affaires sont terminees, ces sommes ont
ete touchees par le Bureau de Paris, et sont rentrees
dans ia Colonie, soit directement, soit employees au\
charges du Bureau.
» La vente desbiens du cit. Raynaud, commencee a
Nauvoo, a ete aussi terminee il y a deja quelque temps.
Pratique! Production! Perseverance !!
» On le voit, une marche a ete tracee par l ; x\dmi-
nistration depuis la dissidence derniere. Cette marche
lui semble avoir ete et etre la meilleure et la seule
bonne. Nous y sommes entres avec conviction. Plus
nous allons et plus nous sommes persuades qu’elle est
excellente. Nous avons persevere et nous persevererons
dans cette voie. Ceux des membres du dehors qui ont
vu dans la deuxieme lettre a Gorilla autre chose que la
consequence de notre nouvelle marche, reviendront
bientot de leur erreur, s’ils n’en sont pas deja revenus.
Oui, nous le crions bien haut, en finissant : en ce mo¬
ment, tout est dans la pratique, en ce moment, la pra¬
tique doit signifier production; et nous devons placer
# - * ^
ii cote d’elle la Perseverance!
Juillet 1860 .
Le President : MERCADIER.
I ' ill
Le mouvement du personnel a ete assez important
pendant la duree du semestre : 16 relraites, 6 conges,
29 admissions provisoires , tel est l’ensemble de ce
— 407 —
mouvement. En somme. la population de la Colonie
s’est augmentee de 12 personnes.
Nous avons deja parle des retraites dans une lettre
precedente, nous n’y reviendrions pas si nous ne trou-
vions quelqu’utilite a signaler les motifs de quelques-
unes d’entre elles. On nous a ecrit , en effct, que, parmi
ceux qui se sont retires, il y en a plusieurs qui ont donne
pour motif les progres Irop lents que fait la Colonie.
Quoi! ces motifs sont-ils bien serieux? Est-ce bien se-
rieusement que des travailleurs quittent la Commu-
naute parce que son progres materiel n’est pas assez
rapide? Nous en doutons encore bien qu’on nous l'af-
firme de la maniere la plus positive, nous persistons a
croire que ce n’est qu’un pretexte invente pour dissimu-
ler le vrai motif de leur retraite, et que, n’ayant pas de
bonne raison a donner, ils en ont donne une mauvaise
pour se tirer d’embarras.
Comment admettre , en effet, comme une cause rai-
sonnable de retraite pour les membres de la Colonie, la
lenteur de sa prosperity? Une telle raison est conve-
nable dans la bouclie d'un speculateur qui entre dans
une Societe avec un gros capital dont il espere recevoir
degros dividendes ; mais de la part d’un Icarien qui est
alle dans la Colonie pour la fonder, qui y est entre dans
un interet humanitaire, comme soldat du progres et de
Vhumanite, ce serait absurde. D’ailleurs, le pretexte
exisfe-t-il reellement; le progres de notre Societe est-il
au-dessous de ce qu’il pourrait etre, et avons-nous lieu
de considerer nos espyrances comme trompees? Non
certes, nous soutenons ,.au contraire, que sa marche a
ete tout ce qu’elle pouvait etre, et nous aflirmons qu’eri
tenant compte de son point de depart d’il y a quatre
— 408 -
ans, des divers evenements qui se sont succede dans
son sein et dans le monde exterieur pendant cette pe-
riode de quatre annees, que son developpement et sa
prosperite ont depasse tout ce qu’il etait raisonnable
d'esperer. Qu’on se soit fait des illusions au dehors de
la Colonie, cela se concoit; sa position n’a pas toujours
ete bien connue du monde exterieur, puisqu’il n’y a que
dix-huit mois qu’on a iriaugure le systeme de publicite
que nous pratiquons aujourd’hui et qui permet a tout
le monde de voir clair dans nos affaires et d’apprecier
notre situation ; mais les membres de la Colonie n’ont
pu, eux, se faire illusion, ils connaissaient trop bien les
einbarras de la Societe et ils ont assiste a tous les eve¬
nements qui l’ont agitee depuis la mort de son fonda-
teur. * •
Pour nous, nous le declarons hauteroent; si la pros¬
perite d’Icarie n’a pas ete ee que nous desirions, elle a
ete tout et plus que nous n’esperions. *
Quand nous examinons son inventaire au l er janvier
1860 nous nous souvenons qu'au l«r janvier 1857, l’ac-
tif de la societe etait zero, et que son passif etait deja
considerable.
La societe etait a son debut, elle venait de perdre son
chef, le venerable Cabet etait couche dans la tombe
depuis quelques semaines. Elle etait disseminee dans la
ville de St.-Louis, • ses. membres entasse.s dans trois
maisons eloignees de un kilometre Pune de Pautre ,
louees a un prix exborbitant, couchant sur un matelas
par terre faute de lit, plusieurs menages entasses dans
line seule piece, les enfants logeant et couchant avec
leurs parents faute de place pour les loger separement.
La Societe d^pourvue de tout materiel, manquant memo
de vaisselle et de batterie de cuisine; depourvue des
instruments de travail les plus indispensables, et sur-
tout d’argent.
Telle etait la situation materieile de notre Societe au
ter janvier 1857,
La situation morale n’etait guere plus florissante,
Pinquietude etait dans tous les cocurs, le decouragement
dans beaucoup : Pegoi'sme triompha chez quelques-uns
qui abandonnerent leurs freres pour se sauver du
naufrage qu’ils crovaient prochain. :
La discorde pouvait avoir beau jeu au milieu d'une
famille ainsi reduite, et si cruellement eprouvee, elle
ne manqua pas de venir s’y installer, et pour peindre
en quelques mots cette situation, il nous suffira de rap-
peler qu’au printemps de 1857, Tun des gerants faisaij
annonccr dans un journal de St-Louis : que les demo-
crates fran^ais, reunis a St-Louis, allaient former une
Association sur les bases des idees de Lamennais pour
9
alter coloniser dans l Etat du Kansas. Pendant deux
anneesentieres, le rneme homme travailla en effet. a faire
abandonner par la Colonie la doctrine Icarienne, pour
lui faire adopter une autre forme dissociation qu’il
attribuait a Lamennais pour se donner une autorite,
mais qui etait, en realite, un galimatias de son propre
cru. Pour favoriser ses projets, il s’opposa autant qu’il
put a l’acquisition de Cheltenham, a I’etablissement
du Cours Icarien, de la Gerance unique, a la publica¬
tion des comptes-rendus de la Societe; a tout ce qui
devait donner la vie et l’activite a la Colonie. Il pensa
un moment reussir; quand une protestation energique
des Icariens de Paris, decida la majorite a mettre fin a
cette intrigue, et for^a ii la retraite l’intrigant et ses
18
complices. Celle male resolution sauva Jcarie. mais elle
perdit un tiers de son personnel; exeita an plus haul
point, contre elle. toutes les passions des deserteurs,
anciens et nouveaux. Et c’est an mois de mars 1859
que ces derniers faits s’accomplissaient.
Eh bien ! quelle est done aujourd’hui la situation de
la Colonie. • : I
Les lettres de divers membrjes de la Societe que nous
avons inserees dans notre septierne livraison, la l re
lettre a Gorilla, etc., sont autantde documents ou nous
pouvons puiser nos renseignements, or. de toutes ces
pieces, il resulteque: cliaque menage est loge dans une
grande chambre aeree et eclairee par deux grandes
fenetres; que les celibataires out une chambre sembla-
ble pour deux avec cbacun leur lit: que les services de
la cuisine et du refectoire sont bien et convenablement
organises; que la petite ecole recoit tons les enfants de
2 a 5 ans; que les jeunes filles et les ieunes garcons de
de 5 a 15 ans, sont eleves dans deux ecoles separees;
qne les trois repas se prennent en commun dans un
vaste refectoire, sauf pour les citoyennes qui font leur
repas du matin avec du cafe au lait qu’elles prennent
chez elles avant d’aller au travail.
La Societe possede maintenant une magnifique pro¬
priety a quelques minutes de Saint-Louis, on elle est
chez elle; sur laquelleelle a eleve deja une dizaine de
constructions pour logements, ateliers, magasins, etc.
Elle a des chevaux, des vaehes, des pores, de la volaille;
elle a organise des ateliers de Tailleurs. de Cordonniers,
de Menuisiers, de Charpentiers, de Peintres, de Macons,
de Forgerons, de Lingerie, de Confection , de Blanchis-
sage, et de Repassage. Elle a defriche et cultive en jardin
— 411 -
potager une grande partie de la propriety (sept a liuit
hectares). Elle a pourvu les ateliers d’outils et d’ins-
truments de toute sorte; elie a achete et installe une
machine a vapeur de douzc chevaux, etc., etc. Voici
pour le cote materiel.
Pour le cote moral, elle a rempli ses engagements de
1856, en constituant la gerance unique, en organisantle
travail et la production, en inslituant le Cours Icarien.
Elle a regagne par des admissions successives le per¬
sonnel que lui avaient fait perdre, et sa situation criti¬
que en 1857, et ses dechirements interieurs.
Tous les services sont organises et n’ont plus qu’a se
developper a mesure que le personnel et les resources
financiers augmenteront. Telle est aujourd’liui la situa¬
tion de la Colonie Icarienne.
Et on voudrait que nous croyions a la sincerity de
ceux qui disent qu’ils se retirent, parce qu’ils n’ont pas
toi en son avenir; que son developpement n'est pas
assez rapide! Non, nous n’y croyons pas, ce que nous
croyons, c’est qu’ils ont succombe a la tentation des
instincts egoistes, mal eteints dans leur cceur, et que hi
perspective d'un travail bien retribue a ralluinee en fai -
sant briber a leurs yeux les decevantes promesses de la
fortune. Pour courir apres ce chimerique avenir, ils
abandonnent leurs freres, ils desertent leur drapeau, ils
renoncent a toute vie morale pour se jeter a corps
perdu dans la lutte des interets; ils n’hesitent pas a
condamner leurs enfants a cette vie d’incertitude et de
tempete qu’hier ils consideraient comme uu supplice
permanent! Aucune consideration lie les arrete plus,
des qu’ils se sont enivres avec la pensee
les malheureux ! ce sont des fous bien a
quele temps se chargera de guerir.
— un —
Nous crovons avoir suffisamment demontre que les
progres de la societe ont ete aussi complets et aussi
rapides, dans ces quatre dernieres annees, qu’il etait
raisonnable de l’esperer 1 . Mais quand bien meme le con-
traire existerait, le moyen d’activer sa marche ne serait
certainement pas de l’abandonner, et nous disons plus,
si ses progres n’ont pas ete plus rapides encore, ce sont
principalement les retraites qui en ont ete la cause;
mais quand nous comparons la situation presente a
celle que nous avons enumeree plus haut, nous eprou-
vons, rnalgre tout, une vive satisfaction.
Est-ce a dire que tout est termine, qu’il n’y a plus
aucun effort afaire? non certes, nos amis doivent s’ar-
mer de courage et perseverer avec energie dans la voie
de production qu’ils ont inauguree an printemps de
l'annee59; ils doivent en meme temps etre modeste
dans leur ambition, se contenter de peu et compter sur
leur perseverance : le bien-etre etla fortune ne sont pas
i’ceuvre d’un jour, pas plus pour les soeietes que pour
les individus. Si les Icariens de Cheltenham manquent
encore de quelques-unes des choses que procure l’ai-
sance, ils peuvent s’en consoler en jetant un regard sur
la position de ceux de leurs freres qu’ils ont laisses en
Europe; ceux-la non plus ne jouissent pas de toutes les
commodites de la vie, et nous en connaissons plus d*un
qui se sont abandonnes au desespoir, qui ont renonce
a aller en Icarie, par l’impossibilite ou ils se sont vus
de pouvoir jamais economiser les 300 fr. necessaires
pour leur voyage; nous connaissons des travailleurs,
ranges, economes, qui depuis vingt ans. trente ans,
if ont pu faire autre chose que de vivre au jour le jour ;
amassant quelques sous pendant les mois de bonne
saison, pour pouvoir vivre pendant les mois de chomage,
I
— 413 —
accomplissant, pour ainsi dire, un travail d’ecureuil.
marchant toujours et arrivant invariablement an memo
point: preuve evidente de Timpuissance desefforts indi-
viduels, pour assurer l’independance et l’avenir des tra-
vailleurs.
i
Que nos freres de la Colonie le saclient bien, la per-
i
severance est une condition indispensable pour s’assurer
le fruit de tous leurs efforts, de tous leurs sacrifices.
Que nos freres du dehors eessent do desesperer de
1’avenir, qu’ils reprennent confiance en eux-memes, et
qu’ils aient foi en la solidarity, ceque chacun d’eux est
impuissant a realiser seul, les efforts de plusieurs reu-
uis, l’accompliront facilernent; ils n’ont besoin que de
mettre en pratique cette devise : Chacun pour tous.
TOUS POUR CHACUN.
Le nombre des travailleurs dans la Colonie est a peu
pres de deux sur trois personnes. Cette rnoyenne me
parait plus elevee que partout ailleurs. Cela ne suppose
qu'un enfant par menage en rnoyenne. Bien que la
charge qui en resulte soit necessairement considerable
pour une colonie naissante. elle n’est pas au-dessus des
forces de la Cornmunaule.
ii
*; ' } I %' f i . t , • ' • ' t i* » ' . ; V ■ A 4 \ f \
Le tableau du gain et de la depense nous apprend
(pie le gain aete inferieur aux previsions du budget de
1860 de doll. 119 08 pour le premier semestre , ce qui
doit etre attribue a la langueur des affaires qui se fait
sentir aussi bien en Amerique qu’en Europe, quokpie
avec un peu moins d’intensite peut-etre. Neanmoins, le
tableau comparatif des gains pour le premier semestre
- m —
de 1859 et le premier semestre de I860, nous prouve
assez le pas immense que la Golonie a fait dans la voie
de la production.
Ainsi, tandis que le total du gain n’etait que de doll.
4,074.57 en 1859, il s’eleve a 5,916.44 en 1860, soit
1,841.87 en plus pour cette annee, ou 9,669 fr. 82 c.
D’un autre cote les depenses du semestre excedent les
previsions du budget de doll. 477.88, ce qu’il faut attri-
buer sans doute au rencherissement des vivreset autres
approvisionnements. Le tableau comparatif des depen¬
ses du l er semestre de 1859-60, nous apprend que les
depenses qui n’avaient ete que de doll. 3,993,17 en
1859, se sont elevees a 4,410 82 en 1860, soit 8,417 88
en plus pour cette annee que pour 1859.
Mais re qu’il importe de remarquer, c’est le rcsultat
net des deux semestres : en 1859, le gain avait excede
la depense de doll. 81.40 ou 427 fr. 75. En 1860, l’ex-
cedant sur la depense est de doll. 1,505,62 ou 7,904 fr.
50, nous dirons avec le cit Mercadier que ces chiffres
n’ont pas besoin de eommentaires, c’est une reporise
qui nous semble suffisamment concluante a ceux qui
desesperent du progres de la Golonie. C’est aussi l’occa-
sion de rappeler a nos co-religionnaires du dehors, que
quand nous insistons aupres d’eux, pour les engager a
aider la Golonie par leur souscription, nous ne leur
demandons pas pour que la Colonie puissevivre; les
chiffres qui precedent prouvent surabondamment que la
Golonie peut se suffire a elle-meme. Ce que nous leur
demandons, e’est d’aider la Colonie a former un capital
qui lui permette de realiser des benefices plus conside¬
rables, afin de hater son developpement dans l’interetde
tous. Nous ne cesserons de le repeter, si nous voulons
— U1S —
serieusement, si nous voulons qu’elle exerce one legi¬
time influence sur les destinees clu peuple, il Taut y tra-
vailler activement et ne pas nous contenter de fa ire
des voeux steriles. Avec un capital peu considerable, lea-
rie peut devenir, en quelques annees, une Societe puis-
sante, par ses relations et ses affaires, et voir augmen-
ter son personnel dans une proportion tres considera¬
ble. Que nos co-religionnaires y pensent., et qu’ils so
persuadent bien que, si au lieu de disseniiner leurs
ressources, ils veulent les concentrer sur un menie
point, ils trouveront toutce quiest necessaire au deve-
ioppement dont. nous parlous pour la Colonie. Aide-
TOI, LE CIEL T* AIDER A !
' T ' ' ' .. • ‘. ' * •! , ■ ■. ' c - : 'l i/V '. I fit»
Le tableau du gain de chaque inois du sernestre, de-
niontre que la Colonie est soumise aux alternatives de
bonne et de morle saison, absolument comme le sont
les travailleurs dans l’individualisme. La difference est
si grande entre les gains des mois de bonne saison et
eeux de la mauvaise, que dans le mois de fevrier, par
exemple, il n’est que du quart environ de ce qu’il est au
• • . .
raoisd’avril, et qu’iln'atteint pas lamoitiedela moyenne
de tous les mois reunis. Tout le monde cdmprend que
<-’est la un mat tres considerable. Eh bien! le mal dis-
paraitra des que la Colonie pourra disposer d’un capita!
qui lui permettra d’entreprendre des travaux pour son
prop re compte, et d’organiser d’autres industries qui
produiraient dans les moments ou ceux qu’elle a en ce
moment se trouvent necessairement en souffrance, et
occuperaient les travailleurs qui ne seraient pas neces-
- 416 —
saires dans ces ateliers. 11 n’est pas besoin de demon-
trer cela, pour que chacun le comprenne, ce sont les
ehoses les plus elementaires. Travaillons done sans
relache a la formation de ce capital si necessaire.
IV.
Pour notre compte, nous avons fait et nous ferons
toujours ce qui dependra de nous pour accelerer le pro-
gres de notre entreprise. Tu as vu dans nos lettres
anterieures, les reductions que nous nous sommes effor-
ees de faire sur les depenses du Bureau de Paris. La
reduction que les citoyennes Cabetet le citoyen Beluze
ont faite sur leurs traitements, produira une diminu¬
tion d’environ 1,000 fr. dans les depenses des six der-
tiiers rnois de 1860. Le citoyen Mercadier dit que nous
en ferons l’usage que nous jugerons le plus utile. Nous
I’emploierons au plus presse, c’est-a-dire a augmenter la
somme que les Icariens du dehors doivent fournir pour
aider la Colonie a faire des paiements.
V.
i \ ^
. N
La Colonie a rintention de regler d’une maniere deii-
nitive la situation du Bureau de Paris; a cet elfet, l’Ad-
ministration propose un projet de loi que nous livrons
a Fappreciation de tous les Icariens. Nous les engageons
a I’examiner attentivement et a envoyer leur opinion a
la Colonie. Chacun pent exprimer ses sentiments a ce
sujet par lettre particuliere, ou collectivement par lettres
collectives, apres en avoir confere en commun. Ce pro¬
jet de loi doit etre considere comme un appel fait a la
famille Icarienne : pour avoir son opinion sur cette
question, nous engageons en consequence a y repondre
le plus tot possible. Nous n’insisterons pas sur la neces¬
sity de le faire franchement et nettement, nous avons
§ '
assez de confiance dans l’independance de nos co-reli-
gionnaires pour le croire inutile.
On pourra adresser les lettrcs, en les affranchissant,
a M. Mercadier, Post-office Box n° 3602, a Saint-Louis
de Missouri, fitats-Unisd’Amerique, oubien aM. Beluze,
rue Baillet, n° 3, a Paris, en envoyant 80 centimes en
timbres-poste pour raffranchissement.
Chacun coniprend que linventaire du Bureau n’est
qu’une formule de comptabilite, et que le Bureau n’a
reellement ni actif ni passif. C’est-a-dire que, dans
1’etat des choscs, son actif comme son passif appartien-
nent a la Oolonie.
VII.
Chacun apprecie l’immense avantage que donne a une
societe, Tetablissement d’un budget, ou les recettes et
les depenses sont determinees d’avance, en prevision
des ressources et des besoins de la Societe. Ce ivest
qu’en 1859 que la Colonie Icarienne a pu etablir le sien;
celui que LAdministration avait dresse pour 1860, nous
a servi a nous guider au milieu des embarras que pre-
sentait notre situation, il est probable que sans cette
precaution, nous nous serions trouves aux prises avec
des dangers tres graves qu’il nous a etc permis d’eviter.
Grace a cette innovation dans l’organisation de la
Colonic, il nous sera toujours permis de prejuger par
avance de la marche de nos affaires, et par suite de.diri-
ger en consequence nos operations. A l’avenir, la publi¬
cation du budget sera attendue chaque annee avec une
grande impatience, puisque par lui on connaitra les
entreprises que la societe se proposera de faire.
Cependant, les avantages que la societe recueillera de'
la formation de son budget annuel, n’est pas le seul
bien que nous en esperons, nous en attendons un bien
plus grand encore, et plus general. En effet, s’il est sur
qu’une societe a un tres grand avantage a determiner a
Tavance ses recettes et ses depenses, il n’est pas moins
certain que chaque individu ou chaque famille y trou-
verait des avantages non moins grands, et ce qui nous
entraine a fonder de si grandes esperances sur cette
institution, e’est que nous esperons que les Icariens du
dehors en prendront l’habitude, et que dans quelques
annees, tous nos co-religionnaires auront leur budget
particulier, sur lequel ils regleront leur conduite pen¬
dant tout le cours de I’annee.
Nous les convions tous a le faire, et nous leur garan-
tissons qu’ils s’en trouveront bien. Nous les engageons
a ne pas s’arreter devant cette pensee: quecela ne s’est
jamais fait; que cela irajoutera rien a leur gain, etc.,
toutes raisons que la paresse ne manque pas de suggerer
chaque fois que la raison propose de faire une chose
utile qui doit couter quelque peine. Sans doute cela ne
s’est jamais fait ou du moins bien rarement; mais il
i 1 . • \ .
y a bien d’autres choses qui ne se sont pas encore faites
et que nous voudrions voir faire, commencons done par
celles qui sont a notre portee et qui ne nous coutant
— 419 —
qu’un peu de peine, peuvent nous etre d’une grande
utilite. Ce n’estpas d’ailleurs d’une difficulte insurmon-
table, comine on va le voir:
II n’est pas bien difficile pour un ouvrier, par exem-
ple, de calculer la probability de son gain pendant l’an-
nee, qu’il soit a la journee ou aux pieces, il peut toujours
savoir approximativement ce qu’il gagnera par jour, par
semaine, par mois et par annee. 11 faut commence!* par
la et prendre une moyenne, plutot au-dessous qu’au
dessus du probable, afin de laisser une certaine marge
aux eventualites defavorables. Si on est marie on fait
necessairement entrer le produit du travail de la femme
dans les elements des reeettes du budget.
Une fois que vous avez votre chiffre de recette, vous
etablissez le chiffre des depenses en commencant par
l’indispensable, et dans l’ordre suivant :
Nourriture;
n *
Loyer;
Blanchissage;
Entretien, en detaillant chaque partie : v elements,
linge, chaussures;
Chauffage;
Eclairage;
Icarie.
Nous portons Icarie dans le budget comme chose ne-
cessaire, parce que, pour toutlcarien, la souscription ii
5 centimes doit etre consideree, en effet, comme une ne-
cessite.
• i * • •
Nous aurons occasion de revenir sur cette question
qui doit etre consideree comme une mesure d’ordre et
d’economie.
— 420 —
VIII.
Nos Freres de Cheltenham n’ont pas cru d’abord que
la souscription en faveur des Icariens utiles et meri-
tants, puisse etre uue operation utile ; ils nel ’admettent
meme pas aujourd’hui, commepouvant alleger les char¬
ges du Bureau de Paris. Cependent il pense qu’il est
bon d’en essayer pour voir ce que Fexperience produira.
Pour nous, notre sentiment n’a pas change a cet egard.
Nouscroyons qu’elle sera eminememment utile a Icarie
et que, si elle ne fait pas disparaitre d’une maniere di-
recte les charges de la propagande, elle contribuera
d’une maniere tres active au developpement de la Colo-
nie, soit en kii fournissant des travailleurs utiles qui
augmenteront la production, fortifieront les industries
deja organiseesou en organiseront denouvelles, etc., et
c’est le point essentiel. Je me preoccupe peu, a vrai
dire, que les recettes et les depenses de la propagande
se balancent exactement, et que les avantages se pro-
duisent d’une faconplutot que d’une autre. Ce qui m’in-
teresse et me preoccupe avant tout, c’est le developpe¬
ment de la Colonie. Eh bien! j’ai la conviction que la
souscription dont nous venous de parler est Tune des
operations qui peuvent le pluscontribuer a son develop¬
pement et a sa prosperity. Nos amis de Cheltenham di-
sent bien : c Que ceux qui sont devoues a Icarie vien-
nent travailler avec nous a sa fondation ! » Cela est tres
bien et tres juste , mais pour aller travailler a Chelte-
nham a la fondation d’Icarie, il faut avoir l’argent ne-
cessaire pour faire le voyage. Eh bien! nous connais-
sons beaucoup d’Icariens tres desireux d’aller a la Co-
m —
lonie, qui y seraient tres utiles, tant a cause de leur
Industrie que par les bonnes qualites dont ils donne-
raient l’exemple; mais qui sont et seront probablement
toujours dans 1’impossibilite de s’y rendre, a cause des
frais de voyage pour eux et leur famille. Nous connais-
sons meme beaucoup de jcunes gens qui sont dans le
memecas. Nous savons bien que, pour ces derniers, on
nous dira : mais, s’ils sont lcariens, ils travailleront et
auront bientot economise de quoifaire leur voyage. Cela
est vrai, et il devra bien en etre ainsi pour la plupart;
mais il leur faudra un an, deux ans meme, pour avoir
la somme necessaire, et pendant ce temps, que d’eve-
nemcntsqui peuventvenir compliquer leur situation et
retarder encore leur depart! Combien de jeunes lilies
aussi qui sont douees des meilleures qualites, et que
la meme question empeche de parlir? Que de 1‘ois
n’avons-nous pas vu de bons, d’excellents lcariens,
prets a partir, annoncant leur depart pour dans six
mois, troismois meme., et a qui un evenement fortuit.
une maladie, un manque d’ouvrage de quelques semai-
nes seulement, enlevc une partie del’epargneet les force
d’ajourner encore, faute d’une centaine de francs,
de moins meme. Que le meme accident se renouvelle,
le decouragement arrive, on croit a Timpossibilite d’at-
teindre le but, et on cesse de faire des efforts dans ce
sens; tandis qu’une main fraternelle tendue en temps
opportun, les eut sauves, en assurant leur concours a
I’ceuvre humanitaire. Que d’exemples nous pourrions
citer a bappui de ce que nous venons de dire! Aussi,
croyons-nous qu’il est sage, qu’il est moral d’inaugu-
rer parmi nous une solidarity plus efficace, et nous af-
firmons que roeuvre que nous avons proposee est erni-
— h 22 —
neimnent iearienne, etnous sornmcs heureux de voir
qu’elle a recu dans la Colonie comme au dehors une
approbation unanime.
Nous aurions voulu qu’elle fut mise en pratique des
cette annee, cependant; les besoms de la colonie nous
ayant obliges a ouvrir une souscription pour un
emprunt extraordinaire, nous avons cru devoir Fajour-
ner a Fannee prochaine.
IX.
Nous rapppelons encore a tous nos co-religionnaires,
ce que nous leur disions dans notre derniere lettre au
sujet de la souscription extraordinaire remboursablc
dans un an. Et nous leur repetons ce que nous leur
disions plus haut: ce n’est pas pour vivre que la Colo¬
nie abesoin de votre concours, puisqu’elle a gagne pres
de huit mille francs de plus qu’elle n’a depense dans
un seul seraestre; si elle vous fait appel c’est pour se
debarrasser des anciennes dettes qui encbainent son
credit et retardent son developpement. C’est done pour
agrandir Icarie que votre concours est necessaire, et si
nous vous conjurons de faire les plus grands efforts,
c’est dans votre interet a tous.
C’est le 29 de ce mois que nous eomptons faire a la
('oionie un envoi de fonds qui devra leur parvenir avant
la fin de decembre, que tous ceux qui ont quelques
sommes a nous faire parvenir veuillent bien nous les
adresser avant cette date.
: : '• .a./.
S - * *
- 423 —
Nous avons la satisfaction d’annoncer a nos amis et aux
families qui y sont interessees, que nos co-religionnai-
res qui se sont embarques au Havre le 16 aout dernier,
sur le navire le Bemberg, sont arrives a la Nouvelle-
Orleans le 9 octobre, tons en bonnne sante. Ils nous
out aiinonce leur arrivee par une lettre du 10 et ils se
preparaient a partir le lendemain pour St-Louis. ils
ont du arriver a Cheltenham du 18 au 20. Le premier
eourrier nous apprendra sans doute qu’ils y sont ins-
talles.
C’est un nouveau renfort d’une vingtaine de person -
nes que la Colonie vient de recevoir, et comme tous les
membres de ce depart exercent des professions utiles;
que la plus grande partie sont des Icariens eprouves:
nous avons la plus grande confiance que leurs concours
sera tres utile a Icarie. Nous aimons a croire que tous
seront a la hauteur de la mission qu’ils ont volontaire-
ment acceptee. Plus nous irons en avant, plus nous
aurons de chances de probability, que les nouveaux
venus dans la Colonie auront les qualites esssentielles
pour faire de bons Icariens, parce que cbaque jour la
lumiere se fait davantage sur noire entreprise, et que
cbaque partant en comprendra inieux le but et la
(>ortee.
On a deja remarque que les Icariens qui composaient
les departs precedents, etaient mieux prepares a la vie
commune; qu’ils avaient plus generalement les quali¬
tes icariennes que par !e passe. Cela tient surtout a ce
(|ue la propagande Icarienne a sensiblement change de
i
caractere depuis dix ans ; qu’elle est devenue plus pra¬
tique si je puis m’exprimer ainsi. Cette question de la
propagande est tout a fait capitale a nosyeux; aussi
nous nous proposons d’y revenir : dans nos prochaines
lettres, nous examinerons le caractere de la propa¬
gande Icarienne, son but et son influence sur la societe.
XI.
Biographie de M. Cabet.
Nous allons enlin commencer la publication de cet
important travail, que des circonstances independantes
de notre volonte nous avaient forces d’ajourner. Nous
ne negligerons rien pour que cette oeuvre soit aussi
complete que possible, et nous tacherons quelle soit
digne du caractere de lhomme dont nous nous propo¬
sons de raconter la vie.
Notre ami, M. H. Carle, a bien voulu se charger du
ravail litteraire de cette oeuvre. Sa precieuse collabora¬
tion nous assure une perfection dans la forme , une
hauteur de vue dans l’appreciation des faits et des idees,
qui ne manqueront pas d’ajouter encore de la valeur et
de l’attrait aux choses que nous avons a raconter.
Pour faire connaitre M. Cabet, nous aurons souventa
entrer dans le domaine de l’histoire contemporaine a
iaquelle son nom a ete mele pendant une periode de
trente ans , et qui a souleve dans le meme temps, les
coleresles plus violentes, les sympathies et les devoue-
ments les plus absolus. Nous aurons a ecarter le voile qui
cache encore la verite sur bien des evenements, et nous
— 425 —
le ferons sans hesiter, afin de rendre aux fails leur
veritable caractere. *
Nous nous atta^herons surtout a bien preciser le sens
et la portee des oeuvres de ce philosophe eminent, si mal
connu encore aujourd’hui. Maintenant que les passions
soulevees autour de son 110 m, ont eu le temps de se
calmer, il est temps d’examiner avec sang-froid sa doc¬
trine et sa vie.
Ma prochaine lettre, qui commencera le deuxieme
volume des Letires Icariennes , contiendra les deux pre¬
miers chapitres de la vie de M. Cabet.
' . f , f til S J ) I 4 H It * I I i ■» ' •
J I
XII.
A NOS ABONNES.
9 4 t » ‘ i i *1 < I » J
%
' , 4 .v ( < t "■ * ’t v, *• r *‘ • • * ‘1
, i ■ ' * , 1 • y vf
9
Cette lettre est la derniere du premier volume des
des Lettres Icariennes. II nous reste encore une cin-
quantaine d’exemplaires de chaque livraison que nous
cederons au prix de 3 fr. 50 c. a ceux de nos abonnes
qui desireraient se les procurer.
Nous engageons tous ceux qui veulent recevoir la
Biographie cle M. Cabei a nous envoyer leur abonne-
ment le plus tot possible. Notre premier tirage se fera a
un nombre limite , etant obliges de timbrer a cause du
mode de publication par livraison. Nous ne pourrons
plus completer l’ouvrage, une fois que les premieres
livraisons seront. epuisees, et nous ne ferons un second
tirage que quand la publication sera completement.
achevee.
Nous pensons que l’ouvrage complet comprendra dix
ou douze livraisons de deux feuilles, de quarante-huit
— lx 26 —
-pages, qu’on recevra franco . par laposte, au prix dc*
55 centimes par livraison. Dans tous les cas, nous nous
engageons a dormer l’ouvrage comylet an prix de 6
francs, que tout abonne, aura la faculte de payer en
deux fois. Tout abonne qui paiera 5 fr. a'la fois, et
d’avance, recevra egalement pour cette somme l’ouvrage
complet:quel que soit le nombre de livraisons, nous
comptons faire paraitre une livraison toutes les quatre
a cinq semaines.
Pour les abonnes actueis , ils pourront eom prendre
dans rabonnement pour le deuxieme volume qui eon-
tiendra la Biographic , ce qui leur reste d'argent verse ;
apres le paiement de cette neuvieme livraison. Chaque
abonne peut se rendre compte de ce qui peut rester a
1’avoir de son compte, en calculant le nombre de livrai¬
sons qu’il a recues a raison de 55 centimes l’une.
Comme nous nous proposons de publier la premiere
livraison du 15 au 20 decembre prochain, nous enga¬
geons tous ceux qui voudront la recevoir, a nous adres-
ser leur abonnement, avantle 15 duditmois, en un man-
dat sur la poste.
XIII.
Un de nos co-religionnaires du departement des
Rouches-du-Rhone nous communique^ une idee que
nous croyons devoir transmettre a nos amis pour qu’ils
en fassent leur profit.
< Une idee que je ne vous avais pas communiquee
» parce que je croyais moi-meme la mettre en pratique
> dans finteret de fecolc Icarienne; ne pouvant le faire
* cette annee, je me contente de vous Y exposer.
/
> Chaeun de nous a un ire re. une soeur, des amisaqui,
» quelquefois, on doit quelque obligation, l’epoque de
b la nouvelle annee arrive, on se creuse la tete pour
j) rechercher quel sera U cadeau de l’amitie ou de
» la reconnaissance, et le plus souvent on se trouve
» embarrasse : pourquoi ne saisirions-nous pas cette
» occasion pour repandre les oeuvres de notre maitre?
» surtout le Voyage en Icarie et le Vrai ChristianismeX
» II me semble que de semblables dons seraient a la fois
> intructifs et agreables. »
Une des vieilles calonmies dirigees contrc les Icariens,
c’est de dire que les Communistes sont des paresseux;
il est bon de faire connaitre le veritable sentiment des
Icariens sur cette question, c’est a cetitre que nous re-
produisons la piece suivante, eomposee pour le Cour?
Icarien par Tun de nos Freres de la Colonie :
- • ... - *
« . > i
LE TRAVAIL.
*. I , A
Quels bruits frappent J’oreille ?... D’ou viennent ces
echos repercutes de Tun a l’autre pole, d’un bout de la
terre a Fautre, sur tous les points de Funivers; remplis-
sant Fair, montant dans l’espaee, egaux comme un
concert, puissants nomme un chant solennel, sonores
comme un cri d’allegresse ? C’est la voix du travail.
L’abeille qui butine, la fourmiqui engrange, Foiseau
qui couve et cbante, le boeuf qui trace le sillon,
I’homme qui laboure, seme, moissonne, martelle, coud,
batit, etc., etc., tout jusqu’a la terre qui tourne, le solei*
qui brille, l’etoile qui scintille, jusqu’au zephir qui
murmure; tout se meut, tout fonctionne, tout travaille.
— '428
*
Toutes ces individualites, confondues dans une loi
supreme et commune de production, chacune d’elles
dans les limites de son domaine, de sa constitution, de
ses forces, de ses moyens ; contribue a former ce que
Fon appelle le mouvement, la vie : leurs occuppations
journalieres sont une affirmation quotidienne de leur
organisme; elles sont une eloquente priere a la nature.
« Quiconque ne travaille pas, ne doit pas manger, »
a dit St.-Paid, Tun des plus grands docteurs de la civili¬
sation chretienne, car le parasite est indigne de vivre;
i Fayant point de but dans la creation, ne se proposant
aucun effet, il est une cause inutile, absolument com¬
parable a la roue d’un char qui ne tournerait pas; le
parasite est indigne d’aspirer Fair que la nature fait
pour ceux dont les poumons, comprimes par les posi¬
tions difficiles du travail, ont besoin d’etre dilates;
indigne de consommer le ble qu’elle fait germer pour
ceux dont l’estomac, creuse par la fatigue, a besoin de
reparations. Parasite, egoiste, improducteur, descends
done au tombeau ou reforme-toi, fais-toi homme, foule
aux pieds tes prejuges, saisis un outil quelconque, et v.a
meler ta voix a cede de ces milliers de travailleurs qui,
de Faurore au crepuscule, modulent des hymnes varies
sur un motif du travail.
Le mepris du travail, mepris enfante dans les siecles
de tenebres, d’ignorance, et qu’on aurait du laisser au
seuil du notre, existe de nos jours ; e’est un malheur,
une cause evidente de terribles abus; cependant, il y a
progres, et, s’il est des hommes assez niais pour se
croire deshonores par ce qu’il y a de plus honorable, il
en est d’autres qui pensent, le contraire , heureux et
Tiers de s’intituier ouvriers! Fiers , ils ont raison de
— 429 —
I’etre, car c’est un noble orgueil, car ce titre est lies plus
glorieux ; celui-la ne s’eflace point... II ne s’effacera ja¬
mais ; ce qu’il transinettra a la posterity ce ne sera pas
un brillant ecusson, mais le genie et la force, l’adresse
et la patience, les metiers et les arts, la reforme et le
progres, Y amour enfln, de ce qu’on doit aimer comme
une mere, comme la genereuse nonrrice qui vous tend
ses riches mamelles : i’amour du travail !
Jeter quelques fleurs a ce puissant athlete, combattant
chaque jour, dans l’arene de la pauvrete. Celebrer sur
sa lyre le courage, l’energique vertu de ces etres dont
la sublime intelligence comprend le voeu de leur na¬
ture, que Ton devrait plutot admirer et imiter que me-
priser, telle est I’idee, le sentiment du poete; tel est le
but qu’il se propose, sans se flatter de l’atteindre com-
pletement; sa bonne volonte comblera les lacunes : il
• . ' JL > 9 |
se dit done, comme tant d/autres :
« On le pent. —je Fessaie, un plus savant le fasse. »
.
%
LE TRAVAIL.
I
Voyez ce travailleur courbe sur le sillon ;
Sa main tient noblement une utile charrue,
Et la sueur,
Compagne du labeur, -
Couvre son front;
Supreme
Embleme
D’auguste ind^pendonce et d’humblc (lignite,
— 430
Qui brillent dans les yeux de ces fils de la rue,
Qui savent de leurs mains, tresser la liberte.
Sur faride rocber, vuyez-vous ce mineur
Entamer faiblement la pierre belas ! si dure !...
Rude metier
* f 1 1 .*
Pour le pauvre ouvrier;
Mais dans son cceur
, Gandide
Reside
L'amour, le grand amour du sublime travail I
C’est qu’il le reconnait comme un don de nature
Et non comme fardeau ni comme epouvantail.
* * f ' .i ’ r / f I * 1 ' i *c i I t 1
Entrez dans ces maisons, asile du produit,
Contemplez du travail fintelligente armee,
Grands bataillons
Aflubles de haillons;
La le temps fuit
Sans cesse
Et laisse
Loin, derriere ses pas, l’indolence au pied bol.
Voyez cette coborte, en vigueur cuirassee,
Ge sont des travailleurs.... courbez-vous aussitot!
A
II
Levant elle a genoux ; saluez cette masse;
C’est elle qui fait vivre et ressuscite tout,
Intrepide Yulcain, jamais rien ne la lasse,
On entend retentir son enclume partout.
C'est elle qui construit vos palais somptueux
Qui laboure vos pres, grands, ce petit monde;
— 431 —
Elle Yous cree enfin les inoyens d’etre heureux,
Et vous la regardez comme line chose immonde?
All! pourquoi, s’il vous plait ? — Est-ce done que sa main
Est epaisse et calleuse, et large, et forte, et dure?
Vous ne savez done pas que vous mourriez de fairn
Sans cet outil grossier ? — honorable parure !
, III
%
Le travail... gloire a lui! respect au travailleur!
Le travail ennoblit, il eleve le cceur,
C’est un don du passe, e’est une antique dette
Ou’ici has tout mortel assume sur sa tete.
De la production c’est le vaste creuset,
Il sel l de base aux arts, par lui tout crolt, tout nail.
A son puissant contact, l’homme acquiert de l’audace,
Il afTronte les mers, il commande a Fespace,
Aux divers elements; il s’en va jusqu’aux cieux,
De la creation ravir le moule aux Dieux.
Le flot impetueux s’arrete lorsqu’il crie :
« Halte ! » Et Fonde recule, et murmure, et se plie.
Aux nuages plombes, il ravit les eclairs;
Sur Fade des zephirs, il traverse les airs.
L’homme par le travail est maitre de la terre,
Tl se rit du Destin, il brave sa colere.
Le travailleur est l’homme independant toujours
Faisant, de l’atelier, ses plus chores amours,
Qui comprend cette loi, — puissante et naturelle, —
« Protiuire est acquerir une vie eternellc,
» G’est etre intelligent et progresser sans fm,
» G’est etre homme, en un mot, c’est s’assurer du pain !*
i
J^i je pouvais ici, dans un profond delire,
Travail, pour te chanter, faire vibrer ma lyre,
Je voudrais te couvrir de chants harmonieux,
Encenser ton chemin d’aromes precieux;
Je voudrais recouvrir tes epaules viriles
De la robe d’hermine aux grandioses styles,
Car je te reconnais, je te reconnais, toi,
Seul, oui, des nations le veritable roi!
Mais il faut pour cela des muses plus austeres,
lnstruites pres de toi, males, et non legeres;
La mienne, jeune encore, amoureuse et sans frein,
A dire tes beautes perdrait son court latin,
Et la pauvrette, helas! peut-etre dans la nue,
Involontairement se trouverait perdue;
Mais si je ne sais pas te brillamment chanter
Je puis, 6 doux echange, — humblement te hanter.
C. RAYNAUD.
Paris. — Imp. Felix Malteste et Cie, rue des Dcnx-Portes-St-Sauveur, 22-
V'ih^-
UNIVERSITY OF ILLINOIS-URBAN A
3 0112 038207475