*-?s ?Tk LA- i Y* • ^ ^ j p- aa" jx * tp |Y ■Mmw- P$s V ,S -.:•* v«3T'^ tY~ay i& 3 - -.i P^'vY^^jSC' -*<2 .■^Y XA£y 'viTPStV v. p'-'- ,S• - 4T> S* "A 2A Av^a '.a i S®y ~ ■ P. , t vPFI j vX v ; tp>: y | ASy>-4 - , ■* * Y £rSr '^ \ ^K /yV/S ; Y, - 5 Vv — ; -f ^ ■ *-- 'SYW-Ak: SpY< eCY ■ Pa v v ?- \ X > / . < M r . ^aaa 4 * 4 x / / / - ♦ V • * i / % / v r \ i i I > / \ - \ % GOLONIE ICARIENNE AUX ETATS-UNIS D’AMERIQUE. SA CONSTITUTION, SES LOIS, SA SITUATION MATfiRIELLE ET MORALE, AIRES JLi; PRE3IIEE 1855. PARIS. • I CHEZ L’AUTEUR, N‘ 3, RUE BAILLET, ET CHEZ TOUS LES LIBRAIRES. JANVIER 1856. . .. a x * & s:: f\U mim .Hoimmw a «.■ ' r i :•«! ■ y 92 ft* A j. A ... J* * 4 . v. '.I W i .81HAS j, %i , •. ;'it \ -a - >) S3H3 T » aeai astWAt 33£'l73 Cll l • * 7 *. AVERTISSEffiENT. t 5 Une soixantaine de pages contenues dans la pre- -miere partie de ce livre, ont deja ete imprimees dans a? differentes brochures et sont, par consequent, connues >de nos lecteurs habituels. Nous avons cru neanmonis ^devoir les reproduire afin que les personnes qui n ont '^pas suivi la marche et les developpements de la Colonie Icarienne, trouvent reunis tous les elements de son ^Jiistoire. Cette premiere partie est d’ailleurs pour tous •|jpne introduction necessaire a la deuxieme partie qui c renferme le compte-rendu sur la situation materielle :^.ef morale de la Communaute suivi d’une Adresse du ^TFondateur d’Icarie aux Icariens de France. On trouvera dans la deuxieme partie plusieurs ^qui est indique par le signe \ g le lecteur qui voudra se >rendre compte des sommes en francs, devra diviser le comptes oil les sommes sont calculees en dollars, ce 'f dollar par 5 fr. 40 c.; valeur effective du dollar ame- ^6 ricain. Le cent est l’equivalent de notre sou, c’est la cen- tieme partie du dollar. S. * 4 % r X ■% -** £r ** W* . > :- tup ' Ui :• l a- '•> ui (fi ■ s 'j ri)[ 'fiojfSf; > • .;• ..nvOti-.i ; . ^ MM i . ../I 4 9 , : c. V . t)[ ifyki/t .hv -’••• isi : • . /‘i • .. .r r v j ’•» .■ ’ y r < ♦ \ .j PERSECUTION. Mais le Gouvernement, l’Aristocratie, ies privilygiys, les conservateurs des anciens abus, et le haut clergy, se ligu£- rent pour calomnier et persecuter les Icariens, comme autre¬ fois les Pharisiens et les Paiens avaient calomniy et persecute les Chretiens. Le parti ryvolutionnaire lui-meme, surtout le parti du Na¬ tional et celui de la Rcformc, se joignirent aux ennemis des Icariens pour les calomnier et les persycuter a cause de Ieur propagande legale et pacifique . Tandis que les premiers proscrivaient les Icariens comme 12 COLONIE ICARIENNE. revolutionnaires, les seconds les proscrivaient comme anti- revolutionnaires. EMIGRATION EN AMERIQUE. Alors, pour eviter cette persecution generate, Cabet invo- qua, en inai 1847, ces paroles de Jesus Christa ses disciples : « Si Ton vous persecute dans une ville, retirez-vous dans une » aulre. » Et il proposa l’E migration pour aller courageusement fonder Icarie dans un desert en Amerique* Aller fonder Icarie en Amerique, au dela des mers, a 2,000 ou 3,000 lieues, sous un climat nouveau, dans un desert ou tout serait a creer, a cote d'hommes parlant une autre langue, etait une entreprise bien autrement couteuse et difficile qu’elle l’aurait ete en France! Aussi la proposition souleva-t-elle beaucoup d’objections et d’oppositions. Mais Cabet repondit a tout; rien ne put inti- mider ou deiourner les Icariens, qui n’ecouterent que leur ddvoument a I’Humanite. Et le 3 fevrier 1848, partit pour le Texas (ou plus d’un million d’acres de terres leur avaient ete concedes au nord-ouest, le long de la Riviere-Rouge) une premiere Avant-Garde, composee de 70 hommes, que Cabe* salua du titre de Soldats de l’Humanity, charges d’aller ex¬ plorer, choisir et preparer. D’autres Avant-Gardes pareilles devaient suivre la premiere, de quinzaine en quinzaine ; les families devaient partir en sep- tembre; et Cabet devait partir lui-meme avec elles. Mais la Revolution du 24 fevrier 1848 vint subitement bou- ieverser tous les plans et detruire tous les moyens. REVOLUTION DU 24 FEVRIER 1848. Les Icariens s’y montrerent partout courageux et devoues; partout on applaudit a leur conduite brave, genereuse, desin- teressee. HISTOIRE D’ICARIE. 13 Des le 25, Cabet avait fait afficher sur tous les murs de Paris une proclamation, devenue ceiebre, dans laquelle il les exhorlait a l’Union autour da Gouvernement provisoire pour Pappuyer; a la moderation et a la generosite (point de ven¬ geance ! point d’atteinte a la propriete), et a Tajournement du systeme Icarien; pour n’agir que comme Francais, Patriotes, Democrates et Republicans. On avoua, depuis, que jamais peut-etre plus grand service n’avait et£ rendu a la Society. Mais beaucoup dlcariens, esperant le progres en France avec la Revolution, ne voulurent plus emigrer ; beaucoup d’au- tres, se trouvant ruines, ne purent plus ni partir ni faire aucun sacrifice; et la persecution surtout vint tout paralyser. ■i NOUVELLE PERSECUTION. C’est horrible ! Les hommes du National etde la Rdforme, depuis longtemps ennemis dcs Icariens parce que ceux ci etaient pacifiques , s’etaient empares du Gouvernement pro¬ visoire, etse trouvaient encore ennemis, soit par rancune et vengeance, soit parce qu’ils voulaient une Republique bour - geoise , tandis que les Icariens demandaient une Republique populaire ou democratique . D£s les premiers jours, il adopta contre eux, non seule- ment pour Paris, mais pour toutela France., un vaste sys¬ teme de calomnies et de persecution , pour les exclure des elections et des emplois, de la garde nationale et de PAssem- bl£e nationale. Les Communistes etaient trails comme des parias ou des proscrits! Au 16 avril, le Gouvernement fit ou laissa crier, par la Reaction amide, A bas les Communistes , Mort a Cabet ! Le 15 mai et le 23 juin furent perfidement attribuesaux Communistes; on imputa faussement et traitreu- sement a Cabet la direction de tons les mouvements; des man¬ dats furent lances contre lui; il fut continuellement menace d’as- sassinat ou d’arreslation et continuellement force de se cacher. Cependant, malgre ces eflroyables difficultes, deux autres 1 4 COLONIE ICARIENNE. Avant-gardes et quatre grands convois de families, environ 509 Icariens, partirent pour le Texas en 1848. La 2 e Avant- garde y rejoignit la l re . Mais, a leur arrivee a la Nouvelle-Orldans, les autres y rencontrbrent les deux premieres Avant-gardes qui revenaient du Texas. RETRAtTE DES DEUX PREMIERES AVANT-GARDES, Entrainde par son enthousiasme et son ardeur, ndgligeant les precautions et les conseils, bravant trop la fatigue et le soleil; d’abord privee de nouvelles de France; puis effrayee par les desastres d’avril, de mai et de juin, par de faux bruits sinistres et surtout par celui de la raort de Cabet assassind; demoralisde par la fievre et par quelques victimes, la l re Avant- Garde abandonna malheureusement le Texas et revint a la Nouvelle-Orleans, avecla seconde, au moment ou les autres arrivaient successivement de France. La desolanie nouvelle de cette ddplorable retraite, que toutes les lettres precedentes ernpechaient de prevoir, vint* comme la foudre, frapper Cabet au moment ou il etait pour- suivi devant un tribunal qui le condamna a un mois de pri¬ son., parce que, en mai 1848, on avait trouve quelques fusils dans la maison du Populaire. Ndanmoins, il partit a Tinstanf, non sans difficultds, en ddclarant depuis Boulogne qu’il revien- drait se constituer prisonnier. DEPART DE CABET. Il partit de Paris le 13 decembre 1848, pendant Fhiver, pour Londres, Liverpool, New-York, et la Nouvelle-Orleans, ravagde par le choldra, ou il arriva le 19 janvier 1849. Il convoque TAssemblde gdnerale; il provoque toutes les explications; il propose d’abandonner l’entreprise si Ton est unanime, ou de la continuer avec ceux qui seront rdsolus, en donnant 200 fr. a chacun de ceux qui voudraient se retirer. HISTOIRE D’ICARIE. 15 La majority, 280 (dont 142 hommes, 74 femmes et 64 en- fanls) pers6v£rant dans Pentreprise , on remet environ 20,000 fr. a ceux qui se retirent, et Ton part, le l er mars, sur un bateau a vapeur, pour Nauvoo, sur ie Mississipi, dans Plllinois, au-dessus de St-Louis r au centre des Etats-Unis. Et Ron choisit cette ville, parce.qu’on pent facilement y arriver en bateau, parce que son dimat est sain, parce que sa terre est fertile, et surtout parce que, ayant £te rdcemment aban- donnee par les Mormons pour s’etablir au large dans le desert, elle olfre le pr£cieux avantage d’y trouver tout de suite tous les logements et les ateliers necessaires, sauf a se transporter plus tard ailleurs. La Golonie arrive le 15 mars a Nauvoo. ETABLISSEiHENT TROVISOIRE A NAUVOO. Elle loue des maisons d’habitation, uneferme et des terres. Elle achete quelques batiments, quelques terres, des chevaux, des bestiaux., etc. Peu apres, elle ach&te les restesdu temple des Mormons, brule deux ans auparavant et qui n’a plus que ses quatre murs, avec son enclos de 4 acres, pour y faire une Ecole ou une Academie. Elle s’organise materiellement cliaque jour en reparant les vieux batiments, en fabriquant ses meubles les plus neces¬ saires. Elle organise: — ses logements individuels;—deux £coles, Pune pour les petites filles, Pautre pour les petits gar- cons;— deux infirmeries et une pharraacie; — une grande cuisine et un grand refectoire pour tous les repas en commun; — une bpulangerie; une boucherie; — une buanderie et un lavoir. Elle organise le jardinage et Pagriculture dans les fermes; m — les ecuries et les bestiaux. — Bientot elle achele un mou- lin a vapeur pour sa fariife, avec une distillerie et une por- cherie, en y ajoutant une scierie. — Elle fabrique des barques etdes filets pour la peche, qui est fructueuse, tandis que la chasse fournit quelque gibier a Pinfirmerie. 16 COLONIE ICARIENNE. EUe organise ses ateliers d’hommes: — de tailleurs; — cor- donniers; — saboders; — matelassiers; — macons; — platriers; — charpenders ; — menuisiers; — tourneurs; — charrons; — tonneliers; — micaniciens; — forgerons; — serruriers ; — armuriers; — tOliers, poeliers et ferblanders; — horlogers; — tisseurs ; — tanneurs; —jardiniers; — agri- culteurs; — bucherons; — boulangers; — bouchers; — meuniers ; — cuisiniers; — etc. EUe organise ses ateliers de femmes: — lingeres; — cou~ turiires; — laveuses; — repasseuses; — cuisinieres, etc. Elle organise ses Assemblies generates, et ses elections, soit pour la Girance, soit pour le Bureau de TAssemblie, soit pour les Directeurs d’ateliers., soit pour des Commissions et des foncdonnaires. Elle organise ses plaisirs et ses jeux; ses promenades cham- petres; sa musique instrumentale et sa musique vocale, ses concerts et son theatre; ses cours et ses lectures en commun. Elle itablit un magasin a St*Louis pour y vendre les produits des ateliers de cordonniers etbottiers, de tailleurs et lingeres, du inoulin et de la distillerie. Elle exploite une mine de charbon de terre pour son chauf- fage. Elle organise une imprimerie et une lithographie, pour imprimer tous ses icrits intirieurs, et elle publie deux jour - naux , un en francais, 1’autre en allemand. Elle a une bibliotheque, un petit cabinet de physique et de chimie, et un petit arsenal pour ses armes de chasse. Tous les membres de la Colonie travaillent et sont distribues dans les divers ateliers d’hommes et de femmes. Chaque atelier ilit ses directeurs. Quand l’AgricuUure riclame un travail extraordinaire, on ajoute aux agriculteurs tous les aides nicessaires en les de¬ mandant aux ateliers qui peuvent les fournir sans inconvenient. HISTOIRE D’JCARIE. 17 En 6t6, le travail est suspendu pendant la chaleur. Pas de domestique; chaque femme est chargee du soin de son menage. Toutlemondeentre danslesateliers et sortenmeme temps- Les femmes qui sont pr&s d’accoucher et les nourrices peu- vent etre autoris£es a travailler chez elles. Le dejeuner, le diner et le souper se font en commun. L’Egalit6 rfcgne dans les repas comme partout. Les membres de la Gerance y sont les serviteurs de tous leurs fi bres. Apres le souper, il y a recreations, jeux, cours, reunions. Assemble genet ale, discussions. Le dimanche, instruction sur le Vrai Christianisme, admis¬ sions de nouveaux membres, manages, promenade individuelle ou commune avec musique et repas champetre, jeux, concert et spectacle le soir. La Colonie fait sa Constitution , en 183 articles, discutee pendant 9 seances, et votee a Punanimite. — Elle discute et vote egalement, pendant beaucoup de seances, une loi sur PAssemblee generale, et une loi sur les admissions, les retraites et les exclusions. Elle obtient de la Legislature de d’lllinois un acte qui incor- pore etreconnait la Communaule Icarienne . Deux fois, a Punanimite, elle elit Gabet pour son President, et Peiira une troisieme fois en 1852,, pendant son absence et trois autres fois depuis. Un incendie, qui detruit une de ses ecuries, une inondation qui ravage son moulin, un orage qui renverse les murs du temple au moment ou Pon commencait sa reconstruction, lui causent de grandes pertes. — Mais elle construit un grand refectoire pour 800 personnesavec sa cuisine ; elle commence a construire une 6cole, etc., etc. Quelques habitants (dont les interets commerciaux ou les 18 COLO.NIE ICARIENNE. pr&juges se trouvent froissgs) lui montrent peu de bienveil- lance; mais la generalities citoyens lui temoignenl beaucoup de sympathie depuis son arriv£e. Ils fraternisent avec eux, soit en celebrant la fete anniversaire de Pindependance Am6ri- caine, soit en les admettant dans leurs jeux, leurs banquets, leurs concerts, leurs spectacles et leurs bals. Elle a des deces et des retraites, mais aussi des manages (meme avec des fillesdu pays), desnaissanceset des recrues; et la Colonie Icarienne compte aujourd’hui 600 individus, hommes, femmes et enfants; et sans la Revolution de 1848 , elle en aurait presque certainement 10 a 20,000. Mais la persecution ne Pabandonnc pas; elle la poursuit de France en Amerique; et pour detruire la Colonie, la Commu- naute et le Communisme, elle s’efforce de tuer moralementson President et son Guide. PROCES CONTRE CARET A PARIS, Nous ne craignons pas de Taffirmer, personne, peut-etre, n’a montre plus de d^voument a la cause du Peuple et de THumanite depuis 1830 , surtout quand il a quitte sa famille en decembre 1848, au milieu de l’hiver , age et souffrant, pour aller secourir ses frfcres a 3,000 lieues, en bravant le cholera et les redouiables consequences d’un premier de- sastre. Personne peut-etre aussi n’a ete plus calomnie et persecute depuis 1830 , precisement a cause de son devourment au Peuple. Nous avons deja parie des cris de mort { chose honteuse pour la France!) pousses publiquement contre lui , le 16 avril, par la garde nationale ou par la Reaction. Peu avant la Revolution de fevrier, il fut arrets a l’instant meme de son retour d’un voyage en Angleterre, et accuse soit de conspi¬ ration pour renverser Louis-Philippe et prendre sa place , soit d’escroquerie sous pretexte qu’il demandait de Targent aux HISTOIRE DTCARIE. 19 Icariens sans avoir Pintention de les conduire en Icarie. Cette seconde accusation, contradictoire avec la premiere , repous- s£e par une multitude de protestations de la presse et surtout des Icariens, £tait lellement absurde qu’elle fut unanimement an£antie par le tribunal de Saint-Quentin etmerne abandonnGe par le ministfcre public. Mais il ne fut pas plutot parti, en d£cembre 1848 , que tous lesjournaux r^aclionnaires, profitantde son eloignement, se ligu&rent pour Paccabler de caiomnies et d’attaques. Pousse par la Reaction , le gcuvernement provoqua de nouvelles poursuites contre lui en Paccusant d’escroquerie , sous pretexte que sa colonie n’etait qu’une entreprise fictive t fausse , imaglnee pour escroquer les Icariens, et que son Voyage en Icarie , son vrai Christlanisme , son Populaire et ses 40 ou 50 autres ecrits, n’avaient £t£ composes et publics que pour preparer pendant dix ans et pour consommer Pes- croquerie. Rien n’£tait 6videtament plus absurde et plu monstrueux! Aussi, d&s qce Paccusation fut connue, les protestations gclat&rent de tous cot£s , soit de la part des Icariens, soit de la part de la Colonie, soit de !a part de PaccusS qui demanda le temps de revenir d\Am£rique en France pour se d^fendre. Mais la vraie situation des Icariens n’etait pas connue du tribunal ni du magisirat charge de soutenir la prevention, et qui allait jusqu’a nier Pexistence de la Colonie a Nauvoo, meme jusqu’a nier Pexistence de Nauvoo. Le tribunal correc- tionnel de Paris n’accorda que des delais insufflsants; il jugea Cabet en son absence, le declara coupable sous ie faux pretexte qu’il n’avait aucune terre au Texas, et le condamna a deux ans de prison et a la privation de ses droits politiques; ce qui pouvait Pempecher d’etre 61u d£put£. Tous les journaux r£actionnaires en France , meme leurs complices en Allemagne, en Angleterre et en Amlrrque, publifcrent la condamnation comme un triomphe: « Voila f 20 COLOxNIE ICAR1ENNE. » disait Tun d’eux, i’homme qui a £t£ sur le point de se faire » dictateuren mars et en avril 1848, condamne comme escroc!» Mais des centaines d’adresses signees par des milliers d’Ica- riens et deD£mocrates, en France, en Angleterre, en Am6- rique et surtout dans la Colonie, vinrent protester contre la monstrueuse iniquite de cette condamnation, aussi honteuse pour la France que les cris de mort a Cabet pousses par la Garde nationale au 16 avril, sous les yeux du Gouvernement provisoire. Les £lecteurs de Paris protesterent aussi en choisissant Cabet pour leur candidat, quoiqu’il fut absent, dans toutes les elections posterieures. II protesta lui-meme en £crivant plusieurs lettres publiques soit a Louis-Napoleon, pour se plaindre ; soit au President du tribunal pour former opposition au jugement par defaut; soit pour en appeler devant la Cour superieure en prenant l’enga- gement de faire le voyage d'Amerique en France pour com- paraitre devant elle, aussitot que le progrfcs de la Colonie le lui permettrait sans danger pour elle. RETOUR DE CABET EN FRANCE. — SON TRIOMPHE. Enfin, le 15 mai 1851, i! partit de la Colonie pour Londres et Paris, ou il arriva apres avoir fait 3,000 lieues en bateaux a vapeur et en chemins de fer dans respace de 23 jours. Presque tous ses amis, en Angleterre comme en Amerique, voulaient s’opposer a son depart , convaincus, disaient-ils , que c’etait la^une affaire politique soit pour tuer la Colonie et le Communisme, soit“pour empecher son election , et que., par consequent, il £tait infailliblement condamne d’avance. Mais il persista; convaincu qu’il serait impossible de le con- damner apres l’avoir entendu lui-meme, convaincu d’ailleurs que son devoir etait de braver le danger de la condamnation^ r£sign£ a tout, meme au martyre, et persuade que la Colonie HISTOIRE D’ICARIE. 21 dtait assez organis^e, assez unie, assez courageuse et assez forte pour supporter son absence et meme sa condamnation. Arrive a Paris, il se constitua d’abord prisonnier pendant un mois; puis il comparut devant la Gour , porteur de Tacte par lequel la compagnie Peters lui avail conc6d6 un million d’acres de terres au Texas. Erttre autres choses, il dit et dymontra a laCour que, s’il avait yty ambitieux et cupide, il lui ytait facile d’arriver a tout, pouvoir, honneurs et fortune; d’abord avec Louis- Philippe ; ensuite avec Louis Napoleon , qu’il avait connu pendant leur eommun exil a Londres , en 1838 ; puis avec le Gouvernement provisoireen 1848; que si, au lieu de faire sa proclamation du 25 fevrier pour exciter le Peuple a la mode¬ ration eta la g£nerosit£, il avaitvoulu entrerdansle Gouver¬ nement provisoire, il y serait entry, et que, dans tous les dvenements postyrieurs, enmars , en avril, en mai, son nom avait toujours ele inscrit, a son insu, parmi les memhres d’un nouveau Gouvernement ou d’une Dictature. Il fit aussi connaitre a la Cour quelques-uns des principaux principes de son systfcme Icarien et de sa doctrine Icarienne en racontant rapidement ce qu’il avait fait en Icarie, et prouva qu’aucune doctrine n’ytait plus morale , plus pure, plus em- preinte d’Humanite el de Fraternity, d’Egalite et de Liberty, de justice et d’ordre, de dysintyressement et de devoument. Plus d’une fois il arracha des larmes a ses juges; et le minis- tfcre public, lui-meme , fut entrainy a lui adresser un solen- nel remerciment au nom de la sociyty, pour l’immense service qu’il avait rendu par sa proclamation du 25 fy vrier. Enfin, aprfcs quatre jours de dybats et une dyfense de quatre heures prononcye par l’accusy lui-meme, en prysence d’un public nombreux, laCour annula conlradictoirement la condamnation par dyfaut du tribunal. Et Tun des journaux prycydemment opposys a Cabet ne peut s’empecher d’avouer, qu’il ytait sorti du combat avec tous les honneurs de la victoire. 22 COLONIE ICARIENNE. Et si Ies Icariens avaient yty iibres de manifester leurs sen¬ timents par des banquets, soit a Paris, soit dans Ies departe- ments, des centaines de milliers de Communistes , de Socia- listes et de simples D£mocrates, auraient cyiybre le triomphe du chef Icarien comme leur commun triomphe. PROSCRIPTION DE CARET APRES LE 2 DECEMBRE, « Mais, tandis que Cabet se prepare a retourner en Icarie , eelate subiiement le coup d’etat du 2 decembre. II est forcy de se cacher pendant plus d’un mois ; enfin, il est arrete chez lui, le 26janvier, emprisonny dans une casemate du fort de Bicetre ; puis extrait de sa prison pour etre immediatement transport^ de force en Angleterre, le l cr fevrier, comme chef cCecole sociaUste et comme drapeau politique. COMMUNE ICARIENNE EN FRANCE, OU EN ANGLETERRE. RETOUR DE CABET EN ICARIE. Une Commune Icarienne en France serait bien autrement facile qu’en Am6rique , parce qu’on yviterait : Ies inconve- nients, les fatigues et les dypenses Anomies du transport sur mer et sur ferre a 3,000 lieues; les maladies de l’acclimatation; les difflcultes d’une langue etrangfcre; la necessity de tout construire, de tout cr£er dans le desert; la difficult^ de trou¬ per, meme en les achetant, beaucoup de machines et de choses dont on a besoin; la difficulty de placer et de vendre ses produits ; la difficulty de se procurer tous les secours scienti- fiques et autres de la civilisation ; la difficulty et les lenteurs des correspondances, etc. etc. L’ytablissement d’une Commune Icarienne en Angleterre, aurait autant d’avantages, et serait aussi facile qu’en France. II serait meme plus facile, parce qu’il y a plus de liberty et plus d’indypendance; parce qu’il y a plus d’argent et de gran- des fortunes; plus de chances d’y trouver l’emprunt neces- saire pour une pareille opyration. HISTOIRE D’ICARIE. 23 Mais rien a esp^rer en France pour le moment. Cabet aurait tents la chose en Angleterre , en prenant toutes les precautions n£cessaires, s’il avait pu y rester trois ou quatre mois de plus, en 1852, pour y preparer l’entreprise; car les idees de Progres, de Reforme et de Socialisme y sont, comme les sentiments gen£reux et humanitaires, plus com- muns qu’on ne le croit g£n£ralement. Ii ne douterait pas du succbs complet d’une Commune Icarienne en Angleterre, parce que les trois ann£es d’expd- rience de la Colonie Icarienne a Nauvoo lui donnent la con¬ viction que la Communaute est parfaitemeot realisable avec des Icariens et de l’argent; et le succfcs complet d’une simple Commune Icarienne en Angleterre, determinerait le succes d’un £tat Icarien en Amerique. RETOUR DE CARET EN ICARIE. Mais Cabet ne peut rester davantage a Londres; son devoir l’appelle dans la Colonie Icarienne en Amerique; il part de nouveau en juin 1852, pour y r£aliser son premier projet d'une Communaut6 dans le desert. COMMUNE ICARIENNE EN AMERIQUE. ETABLISSEMENT DANS LE DESERT. En 1853, la Colonie Icarienne, provisoirement Stablie a Nauvoo j va reprendre sa marche en avant dans le desert. Elle decide qu’elle s’etablira au sud-ouest de i’fitat de l’lowa, ou elle envoie une premiere avant-garde qui prend d’abord possession de terrains libres sur les bords de la rivi&re Nod- daway. Depuis, nous y avons achete pr&s de A,000 acres, et nous allons y avoir a la Gn de I’et6 1855, une centaine de personnes instances, et presde cent cinquante teles de b£tail; des pores, de la volaille, etc. 24 COLONIE ICARIENNE. STATION DE NAUVOO. Nauvoo sera conserve comme point de d£barquement sur le Mississipi, comme s£jour d’acclimatation, comme apprentissage et noviciat ou les emigrants seront regus provisoirement pour s’y essayer a la vie commune; et d’ou apres leur admission definitive, ils partiront pour la Commune Icarienne. Jetons maintenant un rapide coup d’oeil sur le systeme Ica- rien, ou la doctrine Icarienne. CHAPITRE II. IDEE GENERALE DE SYSTEME ICARIEN. DOCTRI1XE OU PRINCIPE. Nature. — Dieu. —Nous, Communistes Icariens, nous ne pouvons croire que ITJnivers soit Pellet du hasard> et nous aimons a admettre une Cause premiere souverainement intel- ligente et prgvoyante, qu’on appelle Createur , Etre supreme, Dieu, Nature , Providence. Nous croyons inutile et dangereux de s’obstiner a d£cou- vrir Porigine, la forme, Pessence de cette Cause premiere: inutile parce que nous sommes convaincus que c’est laun mystSre et que I’intelligence humaine n’a pas les sens, oules organes, ou les faculty necessaires pour percer ce mystere; dangereux , parce que Pexamen de ces questions conduit a des discussions qui d£g£nferent presque toujours en disputes, en divisions et meme en haines. Dieu , Perfection. — Mais nous considerons Dieu comme la superiority et la toute puissance , comme Vinfini et la per¬ fection en tout. Dieu, PilRE du Genre Humain. — nous aimons a consi- derer Dieu comme Pbre du Genre Humain, comme amour , PRINCIPE ICARIEN. 25 bonM , justice , indulgence; nous imaginons qu’il estle Pfcre le plus parfait, le plus juste, le plus tendre; que ce meilleur des pfcres n’a que de l’amour pour ses enfants, et qu’il les aime tous egalement. Destinee de l’humanite ; Boniieur. — Nous airaons a admettrequeDieu, le plus parfait des pferes, avoululefam/iear de ses enfants sur la terre. Nous voyons qu’il a tout prodigue (Pair, la chaleur, la lumifcre, l’eau, la terre, avecses metaux, ses fruits et ses animaux) pour les rendreheureux, en satis - faisant a tous leurs besoins (nourriture , logement, vetement, defense , etc., etc.) ; et nous croyonsque Cinstinct , l'intelli¬ gence et la raison qu’il leur a donnas, suffisent, avec ses autres dons, pour assurer la felicity du Genre Humain. Mal, Malheur. — Cependant, l’histoire de tous les Peu- ples, dans tous les temps, nous montre le mal partout; la misbre de la masse a c6te de l’opulence d’une faible minority; des vices etdes crimes n&s de l’opulence comme de la mis^re; 1’ignorance et l’oppression; l’exploitalion des Pauvres par les Riches; le desespoir etles insurrections des Pauvres menagant continuellement les Riches et troublant leur securite; les mas¬ sacres et les supplices; les revolutions et les reactions, ame- cant sans cesse de nouveaux desespoirs, de nouvelles insur¬ rections et de nouvelles calamites. En un mot, nous voyons l’Homme malheureux presque partout et toujours. Mais nous ne pouvons croire que ce soit la la destinee de i’Humanite; nous ne pouvons croire que le mal soil sans remtde ; car l’Homme est essentiellement sociable, intelligent et perfectible. Sociabilite. Bontenaturelle.— L’Homme est sociable , par consequent attire vers son semblable, sympathique, coin- patissant, affectueux, naturellement bon. Intelligence. — L’Homme est eminemment intelligent. 26 COLONIE ICARIENNE, Perfectibilite. — L’Homme est dvidemment perfectible par l’exp£rience et par Education. Mais quel est le rem&de au mal? et d’abord quelle en est la cause ? Cause du mal. — Nous voyons cette cause dans une mau- vaise organisation sociale et politique, r£sultat de l’igno- rance, de l’inexperience et de Terreur du Genre Humain a sa naissance. Remede. — Nous croyons que le remade doit etre dans une meilleure organisation sociale et politique. BASES D’UNE MEILLEURE ORGANISATION SOCIALE. Nous croyons que cette meilleure organisation sociale doit avoir pour bases les principes contraires a ceux qui sont la cause du mal; c’est-a-dire la Fraternity I’Egalite , la Solida - rite ; la suppression de ia misere et de la propriety indivi- duelle, en un mot le Communisme. Pour nous, le remfcde est dans Tassociation fraternelle et egalitaire que nous appe- Ions la Communaute. Communaute. — La Communaute est une grande associa¬ tion ou une grande societe universeile, organist et basee sur le principe de la Fraternite humaine avec toutes ses conse¬ quences, dans laquelle les associes consentent a mettre en comrnun tous leurs biens, toutes leurs facultes et tout leur travail, pour produire et jouir en commun. Societe. — C’est une Socidte veritable dans laquelle il n’y a pas d’exploiteurs et d’exploites, mais de veritables associes , tous freres et egaux. C’est une Societe organisee qui doit presenter en tout l’or- ganisation et l’ordre, Tintelligence et la raison. Fraternite. — La Fraternite est pour nous le principe essentiel, radical ou fondamental, gen£rateur de tous les au- PRINCIPE ICARIEN. f>7 tres principes, et qui Jes renferme nGcessaireraent tous en lui seul. Cette Fraternite estelle-meme la consequence de cet autre principe enouce en commengant, que Pfitre supreme ou Dieu est le P&re de tous les hommes; d’ou il suit que tous les hommes sont ses enfants, que tous sont des frfcres, et que le Genre Humain ne forme qu’une famille dont tous les mem- bres doivent s’aimer et se devouer reciproquement dans leur interet el pour leur bien commun, comme nous concevons que doivent le faire les frfcres les plus parfaits. Pour nous, les consequences de la Fraternitd sont la Solida¬ rity PUnite, PEgality la Liberty la suppression de la propriety individuelle et de la monnaie, le perfectionnement de Pfiduca- tion, la purification du mariage et de la famille et POrganisa- tion du travail. Ce principe de la Fraternity est un principe a la fois phi- losophique et religieux, social et politique. A nos yeux, c’est Pid6e la plus avancge et la plus feconde; c’est le principe de PEvangile et du Christianisme, en sorte que nous croyons pouvoir dire d&s a present, que notre Com- munisme Icarien est la morale la plus pure, la Philosophic la plus douce et la Religion la plus sublime, puisqu’il n’est rien autre chose que le Christianisme dans sa puretd primitive, tel que Pa instituS J^sus-Christ. LE COMMUNISME ICARIEN C’EST LE VRAI CHRISTIANISME. Jdsus-Christ est venu apporter une loi nouvelle , un nou¬ veau principe social, un nouveau systfcme d’organisation pour la Society qu’il appelait le Regne ou le Royaume de Dieu, la Cite nouvelle. Pour lui, Dieu 6tait esprit , amour , vie,P&re de PHuma- nity II s’appelait lui-meme tantdt fils de Dieu, tantot fils de l’Homme, frere des autres hommes , surtout des Pauvres, des 28 C0L0N1E ICARIENNE. Opprimes et des Malheureux. II r^petait sans cesse que tous les homines sont fils de Dieu et freres. II se bornait a deux principes ou deux commandements gen6- raux et principaux; le premier , aime Dieu (qui est l’esprit, 1’amour, la vie, la justice , la bonte, la toute-puissance, Pin- fini, la perfection en tout, etc.), et le deuxifcme, aime ton prochain ou ton frhre comme toi-m£me; et il ajoutait que ces deux commandements se confondaient pour n’en faire qu’un seul, et que c’etait la toute la loi et les prophbtes. Son grand principe social etait done la Fraternity des hommes et des Peuples, et il disait: aime pour etre aime, secours pour Stre secouru. Il adoptait ces maximes philosophiques: « Ne *> fais pas a autrui ce que tu ne voudrais pas qu’il te fit; fais » aux autres ce que tu voudrais qu’iis te Assent, » Comme principes secondaires, il proclamait PAssociation , Pfigalite, la Liberty, PUnite, le Progrfcs et le Perfectionnement indefini. Ilcombattait surtout la mis£re ; et, pour la supprimer , il recommandait la CommunauM de biens, en declarant que 1’opulence empechait d’enlrer dans le royaurae de Dieu. Ses Apdtres, les P&res de PEglise et les premiers Chretiens, pratiqu^rent la Communaute; et si, au lieu de faire des Com- munautes d’hommes seulement oil de femmes seulement, ils avaient fait des Communautes d’hommes et de femmes avec le mariage et la famiile, des Communautes agricoles et indus- trielles, la Communaute serait aujourd’hui etablie sur toute la terre. Depuis, les Barbares ont envahi Perapire Chretien, et y ont etablila propriete individuelle de la terre et des hommes par la conquete ; mais le servage ou l’esclavage et la propriete feodale ont cesse; le progrfcs a marche avec les Revolutions et les reformes; la bourgeoisie s’estemancipee; les Communes se sont formees ou affranchies ; les Communautes et les corpora¬ tions se sont organisees pariout; le proletaire a reconquis sa I PRINCIPE ICARIEN. 29 liberty; la Revolution frangaise a proclame de nouveau laEra- ternite, l’figalite et la Liberte; tout cela par l’influence de l’fivangile et du Christianisme: Et nous, Comraunistes Icariens, nous nous devouons a continuer le progrfcs en continuant a rdaliser la doctrine de Jesus-Christ. Les Icariens sont de vrais Chretiens. — Notre Commu- nisme Icarien est done le vrai Christianisme ; nous somraes \ de vrais Chretiens, les disciples de Jesus-Christ; e’est son Evangile qui est notre Code, et e’est sa doctrine qui est notre guide. Democratie , Republique. — Et comme nous voulons que son principe fondamental la Fraternity, avecses consequences l’Egalite et la Liberty soit le principe et Tame de toutes les lois, de toutes les institutions et de tous les usages dans la Communaute, nous pouvons dire aussi que notre Communaute est la realisation de la Democratie et de la Republique. Et pour terminer ces premieres idees generates, nous ajou- terons quelques mots sur la mis&re et sur Fdtablissement de la Communaute par le consentement volontaire et litre des individus. Misere. — Toute l’Antiquite (1), meme avant Jesus-Chriat, criait continuellement contre la misbre de la masse et contre l’opulence de quelques-uns* qui l’engendre necessairement, L’extinction de la misfere est l’objet le plus habituel de la sollicitude de Jesus-Christ, qui, pour la supprimer, etablissait la Communaute des biens. Les Peres de TEglise voulaient, a sonexemple, supprimer la misere en etablissant la Communaute. Saint-Jean-Chrysos- tome, patriarche ou pape de Constantinople, disait: « C’est une chose moins horrible d’etre mordu par un pos- ») sede, que d’etre tourmente par la pauvretd; une morsure * est passagfcre et se guerit; tandis que la pauvrete, plus (t) V. Mon Vrai Christianisme , 2e part. chap. 33, p. 177 a 183. 9 m4 30 COLONIE ICARIENNE. » cruelle qu’une bete feroce et plus ardente qu’une fournaise, » vous dechire et vous brule sans relache. » Etablissement de la Communaute par le consents- MENT LIBRE ET VOLONTAIRE# — Mais J^SUS-Christ, SeS Ap6- tres, lesPfcresde l’Eglise et meme les Philosopbes, ne deman- daient, pour £tablir la Communaute, ni la spoliation par la force ni le partage de la terre par suite d’une loi agraire, mais le consentement libre et volontaire des proprietaires; etnous, Communistes Icariens, nous demandons le meme consente- ment, la meme volonte, la meme liberty. Encore une fois„ notre Communisme Icarien n’est rien autre chose que le Christianisme dans sa purete primitive. CHAPITRE III. ORGANISATION SOCIALE ICARIENNE, Dans le systfcme Icarien, la Colonie ou l’Etat oula Nation, forme une veritable Societe. Cette Societe est parfaitement volontaire et libre, c’est-a-dire qu’elle ne s’impose a personne, et qu’eile ne force (et ne peut meme forcer) personne a y entrer; elle ne comprend que ceux qui, volontairement, librement, en parfaite connaissance de cause, consentent a en faire partie; et meme elle n’admet que ceux qui connaissent bien, et qui adoptent complement ses principes et ses conditions, et qui r6unissent les quality n6ces- saires. Cette Societe fait son contrat social ou sa constitution et ses lois. Elle determine son organisation sociale et politique, ins- titue ses fonctions publiques et choisitses fonctionnaires. Elle prend tous les moyens de prgvenir la misfcre ou la pauvret£, l’ignorance ou la superstition , et d’assurer l’abon- ORGANISATION SOCIALE, 31 dance et le Bien-ytre, 1’lSducation et legality, rOrdre et la Liberty. Son organisation a pour principe fondamental et g6n6ra- teur la Fraternity. Et tout desuite, nous pouvons dire ou r£p6ter que c’estla Morale la plus pure, la Philosophic la plus douce etla Religion la plus sublime. C’est aussiune Society de secours mutuels , une assurance universeile , une veritable famille, dont tous les membres s’adoptent pour frfcres, et s’engagent a pratiquer les principes de la Fraternity. Chacun y travaille pour tous , et tous y travaillent pour chacun. Elle a pour principes secondaires TEgalite ^ la Solidarity, la Communauty, l’Unity, qui sont des consyquences nycessaires de la Fraternity. C’est un melange de Communisme et d’individualisme : le logement, par exemple , est individuel, chacun ayant un loge- ment pour soi, pour sa femme et sa famille; mais la propriyty, au lieu d’etre individuelle ou personnels estsociale , indivise, et commune ou publique, ou nationale. Profondement convaincus par Pexperience qu’il ne peut y avoir de bonheur que par Yassociation fraternelle et par YEgalite , les Icariens veulent done former ensemble une Socidte fondye surla base de YEgalitd la plus complyte etla plusparfaite.Tous doivent etre Associes, Gitoyens , Egaux en droits et en devoirs , sans aucune espyce de priviSge pour personne; tous doivent partager ygalement les charges de Passociation , chacun suivant sa force et les bendfices de la Sociyty, chacun suivant ses besoins . Tous ne doivent former aussi qu’une seule famille , dont tous les membres sont unis par les liens de la Fraternity. Us doivent done former un Peupie on une Nation de 32 COLONIE ICARIENNE. fr&res; et toutes leurs lois doivent avoir pour but d^tablir cntre eux YEgalitd , dans tous les cas ou cette dgalitd n’cst pas mat^rielleraent impossible. De meme qu’ils ne forment qu’une seule Socidte, une seule Famille, un seul Peuple , leur territoire , avec toutes ses ri- chesses souterraines et toutes ses productions et constructions supSrieures, ne forme qu’un seul domaine, qui est social ou national; ce qui facilite d’immenses economies et la per¬ fection dans Pexploitation , ce qui assure une augmentation indeSnie dans la production , Fabondance et le bien-etre. Tous les biens meubles des associes avec tous les produits de la terre, de l’agricultureet de l’industrie, ne forment qu'un seul capital qui, comme le domaine , est social ou natio¬ nal; ce qui met une grande puissance a la disposition de la Soctete, et lui donne le moyen de produire l’abondance pour tous. Ainsi, le seul fait de I’association, en mettant tout en commun , a d’lnnombrables avantages qu’aucun autre sys- tfcme social ne peut procurer. La Communaute rend Tadministration de la Societe et l’ex- ploitation agricole et industrielle extremement faciles et pro- ductives, en rdalisant d’dnormes Economies, en augmentant prodigieusement la production, en errant Pabondance et le bien-etre pour tous sans exception. Ge domaine et ce capital appartiennent indivisemenl au Peuple , qui les cultive et les exploite en commun, qui les administre par lui-meme ou par ses mandataires , et qui se fait distribuer £galement tous les produits agricoles et indus- triels. Tous les Icariens dtant Associes et figaux, tous doivent travailier ; et comme ils ont le meme interet, toute leur in¬ telligence s’exerce a trouver les raoyens et surtout les ma¬ chines qui peuvent rendre le travail facile, court, sans degout, sans fatigue et sans danger, meme agrgable et attrayant. ORGANISATION SOCIALE. 33 Les instruments de travail et les matures a travailler sont founds sur le capital social, comme tous les produits de Fagriculture et de Findustrie sont recueillis et d£pos£s dans des magasins publics. Tous les Associes sont nourris, vetus, log£s et meubles avec le capital social; tous le sont dgalement bien, suivant le sexe, Fage, etc.; et tous ont int£ret a ce qu’on adopte succes- sivement toutes les ameliorations possibles. Ainsi, c’est la Soci6t6 ( ou laFamille ou le Peuple) qui seule est propridtaire de tout; qui disiribue et organise ses travailleurs ou ses concitoyens; qui fait construire ses ate¬ liers et ses magasins; et qui procure les oulils et les maiieres premieres. C’est elle aussi qui fait cultiver la terre; construire les maisons, etc.; fabriquer tous les objets n£cessaires pour la nourriture, le vetement, le logement et Fameubiement; c’est elle enfin qui nourrit, vet, loge et meuble chaque familleet chaque citoyen. Et elle n’admet que les industries necessaires ou utiles, en ecartant les industries nuisibles ou seulement inutiles ; elle fait fabriquer chaque chose en masse, dans de grandes manufactures pour tous les associes. La Socidtg Icarienne, fondle sur le travail, a aussi pour base Vordre et F organisation en tout. Elle est encore fondle sur F Education , sur le Mariage et la Famiile . VEducation etant considerde comme la base et le fonde- ment de la socidte, la Republique Icarienne s’engage a la four- nir a tous ses enfants et la leur fournit egalement, comme elle leur donne a tous Egalement la nourriture, etc ; tous les en¬ fants, les lilies comme les garcons, recoivent la meme instruc¬ tion g^ndrale et 61£mentaire; landis que chacun regoit en outre Finstruction professionnelle convenable a la profession qu’il choisit; et toute cette Education a pour objet de former d’excel* lents ouvriers, des savants utiles, d’excellents parents, d’excel- lents citoyens et de v&itables hommes. COLONIE ICARIENNE. Ik Vunion conjugate et la famille £tant la principale condi¬ tion du bonheur pour l’homme, pour la femme surtout et pour les enfants, l’organisation sociale prepare tout pour que tous les Icariens puissent se marier et avoir une famille. C’est dans ce but que la dot est supprim^e, que la jeune fille recoit la m£me Education que le jeune homme, et que la Rgpublique se charge]de nourrir, etc., et Clever les enfants. Toutes les precautions sont prises pour que le mariage as¬ sure le bonheur 4 des epoux. Cependant, si la vie commune devient insupportable a Pun d’eux, le divorce est permis; mais tout est dispose pour rendre ce remede inutile. Tous les Icariens pouvant se marier sans que rien ne sup¬ pose a leur mariage, la rfcgle generate est que tous doivent le faire, parce que le^mariage et la famille sont la meilleure garantie de l’ordre et de la paix dans la societe, comme du bonheur pour les homines, les femmes et les enfants. Dans la Republique Icarienne, les femmes ont les mernes droits sociaux t que les hommes; et les Icariens en masse con- sidferent comme leur premier internet leur premier devoir d’assurer le bonheur des femmes . C’est egalement 1’interet et le devoir de tous les Icariens et de toutes les Icariennes de proteger tous les enfants , de soi- gner tous les malades et les jnfirmes ; de manager et res¬ pecter tous les vleiliards. Toute l’organisation sociale est dispose pour supprimer autant que possible, les causes des maladies (principalement la misfere, le travail ext£nuantou dangereux et ladgbauche), pour fortifler la sant6 et pour perfectionner indSfiniment l’es- pfcce humaine. L’hygifcne y|est employee pr6f6rablement a la medecine. Le mgdecin, etc., est un fonctionnaire public ou un travail- leur, int^ressd au progrfcs de la sant6 publique. L’une des principales regies du systfcme Icarien, c’est qu’ii ORGANISATION SOCIALE. 55 faut d’abord, en tout, chercher le ndcessaire , puis ensuite Vutile, et ne s’occuper de Vagrtable qu’en dernier lieu; mais c’est la rfegle aussi qu’il faut chercher l’agr^able indyfini- ment sans autre borne que la raison et legality dans la jouis* sance pour tous. Le syslfcme Icarien admet done les beaux-arts , 1 e progres continu, la tendance perpytuelle vers la perfection en tout. Les opinions religieuses seront libres et toler£es en Icarie, comme les opinions sur toutes les autres matures. Cependant les Icariens adoptent le Vrai Christianisme, dans sa puretd primitive, avec son principe de Fraternity, d’figality, de Liberty, dissociation et de Communauty. Quant au culte extyrieur et public, il sera simple, sans images, dygagy de toutes cyremonies et pratiques supersti- tieuses, principalement consacry a l’admiration de FUnivers, a la reconnaisance envers rfitre-supreme, a Tinstruction sur les devoirs sociaux et a la pratique de la Fraternity. II n’y aura point de clergy formant un corps sacerdotal. Nous pouvons myme rypyter que notre Communisme Ica¬ rien n’est rien autre chose que le Christianisme , tel que l’a instituy Jysus-Christ. Nous le rypytons, les Icariens sont de vrais Chretiens, les disciples, les imitateurs et les ouvriers de jysus-Christ, ap- pliquant son Evangile et sa Doctrine, travaillant a ryaliser son Royaume de Dieu, sa City nouvelle et son Paradis sur la terre. AVANTAGES DE LA COMMUNAUTE ICARIEIWE. Nousle rypytons aussi, notre Communauty est parfaitement volontaire; et tout notre systeme Icarien, la mise en commun dela terre et de tous les capitaux, le dyveloppement de l’in- telligence et de l’activity par Tinstruction et l’yducation, la suppression du travail inutile, 1’emploi de toutes les capacitys et de tous les bras, l’organisation du travail, les machines 36 COLONIE ICARIEKNE. multiplies a l’infini, lialisent de si grandes Economies et aug- mentent tellement la production agricole et industrielle qu’ils assurent Yabondance et le bien-Gtre pour tous, en Poignant a la fois la mis&re et l’opulence qui sont la source de presque tous les dgsordres. A son tour le bien-etre, joint a la Fraternitd, a PEducation, au travail el a la suppression du celibat, doit g£n£ralement couper la racine a tous les vices et a tous les crimes. CHAPITRE IV. ORGANISATION POLITIQUE ICARIENNE. De la Communaute. Puisque les Icariens sont tous frcres, tous associes, tous egaux en droits, ils sont tous membres de V Assemble popu- laire; ils prennent tous £galement part a la discussion, au rfe- glement et a l’administration de leurs affaires communes ou publiques. Tous sont membres du Peuple et de la force publique ou de la garde civique ou nationale etdu Jury. Ils font par eux-memes et directement tout ce qu’ils peu- ventfaire ainsi, et ne nomment des mandataires oudes fonc- tionnaires que quand ils deviennent n£cessaires. Tous les fonctionnaires sont etablis dans l’iniret du Peuple; tous sont des mandataires et des serviteurs ; tous sont electifs, temporaires, responsables et rdvocables. Le gouvernement est une Democratic radicale et pure. C’est une Republique dgmocratique. Elle est basge non seulement sur la Fraternite et sur r£ga- lit£, mais encore sur la Souverainetd du Peuple, sur le Suf¬ frage universe], sur la Liberte et sur le respect des iois. ORGANISATION POLITIQUE. 37 L’fitat n’est pas un monarque, ni une familie, ni une oli¬ garchs, ni une aristocratic; c’est le Peuple. Le Peuple Etant Souverain, c’est a lui qu’appartient le droit de faire ou d’accepter et de reviser son organisation sociale, sa constitution et ses lois. II rtgle tout ce qui concerne sa personne, ses actions, ses biens, sa nourriture, son vetement, son logement, son Educa¬ tion, son travail et meme ses plaisirs. Chaque citoyen exerce sa part de souverainetE par son vole et par son droit d’initiative ou de proposition, par son droit d’electorat et d’eligibiiite. Pour que le droitd’initiative et de proposition puisse s’exer- cer plus reellement et plus utilement, le Peuple est divisE en Comites entre lesqueis sont distributes toutes les differentes branches des affaires publiques, en sorte que chaque ComitE s’occupe plus spEcialement des propositions a faire sur le genre de questions specialement confiEes a ce ComitE. Tout est dispose pour que chacun puisse aisement exercer tous ses droits. Tout est Egalement dispose pour que chacun soil parfaile- tement indepemlant des autres, et pour qu’il puisse exercer ses droits en parfaite connaissance de cause. Un journal, rEdige par des fonctionnaires, distribuE gratui- tement a tous les citoyens, leur fait connaitre tons les faitsqui les intEressent et dont la connaissance leur est nEcessaire. Tant que !e Peuple pent se reunir en une seule AssemblEe, il exerce lui-meme et directement le pouvoir legislatif; et quand son trop grand nombre le met dans I’impossibilite ma- terielle de se rEunir alnsi, il dElegue a des deputes Elus par lui, temporaires, responsables et revocables le pouvoir de preparer ou rEdiger des projets de lois, en se reservant le droit de les accepter ou de les rejeter dans ses Assembles populaires. 38 COLONIE ICARIENNE. Dans tousles cas, le pouvoir ex^cutif, charge d’ex^cuter les lois, est essenliellement subordonnS au pouvoir tegislatif et sans puissance pour l’entraver. CHAPITRE V. COMMUNE ICARIENNE. La Commune Icarienne estl’dlement de VEtat Icarien, com¬ pose de beaucoup de Communes. C’est une petite R^pu6/^wedemocralique. La population ne doit pas exceder le nombre de citoyens qui peuvent se reunir dans une seule Assemble, environ 1,000 a 1,200, avec leurs femmes et leurs enfants, environ h a 5,000 ames. Son territoire doit etre assez gtendu : 1° pour l’emplace- ment des habitations particuli&res, des ateliers, des magasins et des £tablissements ou edifices publics; 2°pour Fagriculture n£cessaire a la nourriture et aux autres besoins de la popu¬ lation. La Commune Icarienne n’est pas construite irregulifcrement, au hasard, suivant le caprice de chacun, mais d’apres un plan general trac£, discul£ etadopte, combine d’aprfcs les localites, indiquant les places, les rues, les habitations, les ateliers,, magasins,, edifices publics, promenades, etc., etc. Tous les edifices, logemcnts particuliers, ateliers, magasins, monuments publics, seront aussi construits sur des plans par¬ ticuliers discuss et adoptds. Chaque habitation sera construite pour une famille , puis- que tout le monde doit se marier; et celte habitation, simple d’abord, doit etre aussi commode, aussi complete et aussi agr£able que possible, avec un petit garden pour de la verdure et des fleurs. 39 COMMUNE ICARIENNE. Ces habitations n’ont ni ateliers, ni boutiques, ni magasins, ni ecuries, parce que tout le travail se fait dans de grands ateliers communs, tous les produits sont diposis dans de grands magasins publics, tous les chevaux sont renfermis dans une ou plusieurs vastes icuries communales. Tous les ateliers sont places le plus convenablement pos¬ sible sous tous les rapports, meme sous celui de Tagrement et du point de vue. Les ateliers insalubres on malpropres sont places loin des habitations. Tout se fabrique en masse pour tous les citoyens. Chaque fabrication et chaque production est riglie sur la consummation, indiquiepar les statisliques necessaires. Les travailleurs se distribuent suivant les besoins de chaque fabrication. Chaque atelier 4lit sa direction. 11 y a une grande boulangerie; — une grande boucherie; — uneou plusieurs grandes cuisines, et un ou plusieurs grands restaurants pour les repas communs; — une grande buanderie avec son lavoir et son sechoir, • , • - 11 y a une icole pour tous les enfants, avec sa gymnastique; — un musee; — une infirmerie, avec sa pharmacie et ses bains pour tous les malades; — une bibliothique; — une imprime- rie; — un ou plusieurs theatres; — des jeux publics; — une maison commune ou hotel deville, pour les Assemblies popu¬ lates, pour les administrations, pour les reunions, discours, les bals, les concerts; — un temple, etc., etc. Pis quela chose sera possible, il y aura un seulou plusieurs grands reservoirs pour distribuer dans tous les batiments la lumiere, la chaleur et l’eau, de maniire que chaque famille puisse avoir son bain particulier. — Chacune aura aiwsi sa petite pharmacie , fournie gratuitement par la grande pbar- macic communale. Dis que la chose sera possible encore, la Commune fera 40 COLONIE ICARIENNE. distribuer a chaque famille les petites provisions n^cessaires pour le dejeuner et pour la collation du soir ; le grand repas dujour apres le travail devant resler commun par principe de fraternity, d’economie et d’agrement. Dbs que la chose sera possible aussi, chaque atelier aura son vestiaire ou seront dyposys les habits de travail, pour etre pris par les travailleurs en entrant et remis en sortant, afin que les citoyens soient toujours proprement vetus hors de Tatelier. Les ateliers et les magasins etant places au dehors, les rues ne seront ni fatigu£es, ni malpropres, et leur pavage pourra etre aussi elegant que propre et l^ger. Dans la Commune Icarienne, tout le territoire est communal, ou commun, ou social, appartenant indivisement a tous les membres de la Commune, administry,exploity, cuhive, rycolte, par tous en commun et dans l’intyret de tous, en sorte que tous ont ygalement Taisance et lebien-etre. Pour r^aliser toutes les economies, toute la production et toute Tabondance possibles, ce territoire est consider^ comme un seul Domaine , qui ne forme qu’une seule exploitation agricole, dirigee d’aprbs un seul plan pour les diverses cul¬ tures, pour iejardinage, pour les fruits, pour les bcis, pour les paturages et les grands troupeaux de bestiaux necessaires, pour les irrigations et les chemins, pour la distribution des cultivateurs, pour les ateliers, les instruments, les machines, les magasins et merne pour ragrement du paysage. Et comme tous les membres de la Commune sont egalement interesses a ia perfeciion dans i’agriculture, tous discutent et dycident ensemble toutes les questions qui concernent le territoire et l’agriculture comme Tindustrie. On devine aisyment tous les avantages qui rysultent de la Communauty: nous en avons meme indiquy les principaux (page 35). Et voyez que de mal elle supprime! MAL SUPPRIMfi. ill CIIAPITRE YI. » MAL SUPPRIME PAR LA COMMLNAETE. Le seul fait de la raise des biens en commun, ou de la sup¬ pression de la propriety individuelle, ou de Texistence de la Communautg, entraine necessairement la suppression : — des successions et des pariages;— de la vente et de Pachat; — de la raonnaie pour l’intgrieur ; du pret a intgrets et de l’usure; — de la Banque, du credit et de Tescompte ; —du commerce interieur etde la boutique;-—des dettes, des lettres de change et des billets a ordre ; — de la Bourse et de Fagiotage ; —de la concurrence, des monopoles et des accapareraenis; — des faillites; —des partages; des procbs, dessaisies, des con- traintes par corps;—des tribunaux civils et de commerce; — des juges, avocats , avoues , agrees , huissiers, notaircs * agents de changes, etc. La suppression de la monnaie, de la vente et du commerce, jointe au bien-etre pour tous, entraine la suppression : — du vol et de la fraude sous toutes les formes, et de presque tous les autres crimes;—des tribunaux criminels, des prisons, etc.* des geoliers, etc.; — de la police et des gendarmes, etc. L’organisation du travail supprime: — le chomage et les greves; le livret; — les travaux degoutams, extgnuants, pg- rilleux ; —les fabrications excessives, inutiles, de luxe, nuisi- bles; — Toisivete. La suppression du travail inutile, l’emploi de tous ies bras* la perfection de reducation professionnelle , I’emploi des ma¬ chines multiplies a 1’inGni, Forganisation et la concentration, rgaliseront tantd’economies et augmenteronttellement la pro¬ duction et Fabondance, qu’ils entraineront la suppression: — de la misere et de Fopulence; — du paupgrisme , du prolg- tariat, de la mendicitg , du vagabondage ; — de tous les ini- COLONIE ICARIEJNNE. 42 pots (timbre, enregistrement, octroi, douane, passe-port, etc., etc.) aulres que le travail. Le mariage pour tous entraine la suppression :— des dysor- dres et des scandales dans les families;—de beaucoup de crimes ; — de la dybauche et de la prostitution. Plus de domesticity; — plus de salariat; plus de loterie; — plus de maison de jeux et de dybauche; — plus de ca¬ barets. Beaucoup de maladies supprimees. — Immense et rapide amelioration del’Espfcce Humaine. CHAPITRE VII. EXCELLENCE DE LA COMMLNALTE. Ainsi, la Communauty est le plus complet de tous les sys- temes Socialistes: il resout icutes les questions, landis que presque tous les autres systemes ne sont que partiels, et ne remedient qu'a une partie du mal. Quoique le plus complet, c’est aussi le plus simple , parce qu’il forme partoutl’unite, notamment pour la production, la distribution et la consommation. C’est encore le plus facile a realiser, parce qu’il perfec- tionne tout a la fois, parce qu’il concilie tous les intyrets, parce qu’il ne ruine personne, parce qu’il garantit toutes les existences, parce qu’ii produit la plus grande puissance pour procurer le bien-eii e a tous. La Society actutlle renferme yvidemment dyja d’innombra- bles instilutionsCommunistes; pour organiser la Communauty, il suffit d’en augmenter encore le nombre. II n’est pasmeme nycessaireque tout absolument soitcommun : il faut conserver l’individualisme partout ou il est pryfyrable, dans le lcgement CONSTITUTION. — LOIS. par exemple, ensorte qu’il faut, sur toutes les questions, con- suiter la raison et Futility pour decider ce qui doit etre indi- viduel et ce qui doit etre commun. La CommunautS est alors une Association m£Iangee d’individualisme et de Communisme,. dans laquelle le Communisme domine et dans laqueile notam- ment la propria est commune. Le caractfere de preprints commune, ou sociale, ou natio¬ nal, n’est pas meme une nouveaut6 ; car la soctete actuelle reconnaft d£ja un trfcs grand nombre de propri£tes nationales, ou communales ou sociales, appartenant indivis£ment a des families ou a des associations volontaires qui mettent leurs biens en commun, etc. , etc. II suffit d’augmenter au lieu de diminuer le nombre de ces propri£t£s communes. CHAPITRE Yffl. CONSTITUTION ICAR1ENNE. — LOIS. Le citoyen Cabet, auteur du Voyage en Icarie et fonda- teur du systfcme social et politique de la Communaute Ica- rienne, a consenti a faire, avec tous les Icariens qui seraient admis par lui, PexpSt ience de son syst&rae, et a s’expatrier pour essayer une Colonie Icarienne on Am£rique, a condition qu'il serait, pendant dix ans, Gerant ouDirecteur unique et absolu de Texperience, afm de pouvoir la diriger d’apres sa doctrine et ses id£es, pour reunir toutes les chances de succes possibles. Un engagement, un contrat est done intervenu librement et volontairement entre lui et les Icariens, et ce contrat, vrai- ment sacre, a £te ex£cutd jusqu’en 1850 d’une part par le Cit. Cabet, qui a consacre son existence a Immigration et a la Colonie, et d’autre part, par les Icariens qui Pont suivi a Nau- voo; et tous £taient bien r^solus a continuer de Pex£cuter tant qu'il ne serait pas modifiS par une convention r£ciproque COLONIE ICARIENNE. 44 ment consentie. Ce Contrat qui a Ge le premier acte consti¬ tute de la Communaute Icarienne, fut propose par le Cite Cabet au mois de septembre 1847, cinq mois avant le depart de la premiere Avant-Garde; puis soumis de nouveau en novembre 1849, aux Membres de la Colonie reunis a Nauvoo en Assemble generale qui le discutent pendant plusieurs stances et Tadoptent a l’unanimite. Voici ce contrat; CONTRAT SOCIAL 01) ACTE DE SOCIETE DE IA COMMUNAUTE ICARIENNE. Art 1®\ — Les soussignds confirment la Societe consentie et tous les engagements contractes en France. Art. 2. — En consequence, ils declarent qu'ils ont forme, et qu’ils forment une grande Association, ou Societe univer- selle ou communaute de biens, organisde sur la base de la Fraternite. Les associds s’adoptent pour fr&res et soeurs. Art. 3. — Le but de r Association est de vivre et travailler en commun, de defricher et cultiver la terre, de construire des habitations, d’exercer toutes les industries utiles, de pro¬ curer le bien-etre a tous les associes, etsurtout de se devouer a l’interet de i’humanite tout entiere, enessayant de prouver, par Texp6rience, que la Communaute icarienne est reali¬ sable, et qu’elle est le systfcme d’orgariisation sociale le plus capable d’assurer le bonheur de tous et de chacun. Art. 4. — Le nombre des associes est iliimite. Les Gran¬ gers de toutes les nations peuvent etre adrnis, lorsqu’ils adoptent compleiement la doctrine icarienne. Art. 5. — Le capital social se compose de tous les capitaux de tous les associes. Chacun apporte dans la Societe tout ce qui lui appartienl, sans aucune exception, tout son argent, ses CONSTITUTION. — LOIS. vetements, ses outils, ses instruments, ses livres, ses armes, ses bijoux, ses creances et ses autres biens, meubles et im- meubles de touie espfcce, presents et a venir. Art. 6. — Le capital social est indivis et commun. Chaque associe renonce a toute propriety personnelle ou individuelle. II ne peut avoir que la jouissance ou 1’usage des choses de la Communaute qui lui sont necessaires. Art. 7. — L’egalite etant un des principes de la Commu¬ naute, tous les trousseaux doivent etre, autant que possible, les memes et regies par la Communaute. Tout ce que chacun a apporte au dela du trousseau legal, doit etre demarque, mar¬ que au signe de la Communaute et confondu dans la masse commune. Si cette disposition n’a pas ete rigoureusement executee dans le commencement, elle le sera desormais pour tous ceux qui seront admis a Tavenir. Des aujourd’hui, ceux qui voudraient conserver au dela du trousseau legal, ne pour- raient rien demander a la Communaute. Art. 8. — Les associes reconnaissent que le but de l’Asso- ciation serait manque et que tout serait compromis, si, loin de la France, une partie d’entre eux pouvaient quitter brus- quement les autres, abandonner les enfants, les veuves, les vieillards, les in urines el les malades, desorganiser, paralyser et ruiner la Societe, en emportant une partie de son capital. En consequence, la duree de la Societe est illimitee. Tous les associes ont pris, et prennent librement et volontairement Pengagementde ne pas quitter la Societe sans son consente- ment, et de n’exiger ni la dissolution, ni la liquidation, ni le partage de la Societe. C’est un engagement sacre; car sans cet engagement, personne n’aurait quitte la France pour chercher une autre patrie a deuxou trois mille lieues. Art. 9. — Si quelqu’un veut se retirer de la Societe, il perd tous ses droits, et ne peut rien reclamer, pas meme son ap- port soit en totalite, soit en partie. II ne peut surtout rien emporter sans le consentement de la Societe. Mais s’il se retire pacifiquement et sans hostility, la Societe lui deiivre une COLONIE ICARIENNE. fe6 malle contenant les vetements et le linge qui se trouvent alors employes a son usage, un matelas, deux paires de draps, une couverture, et les oulils de sa profession qu’il prouvera avoir apportes en entrant, et qui lui seront absolument necessaires, pourvu cependant que la privation de ces outils ne puisse pas entraver la Societe. Art. 10. — Chacun s’engage a travailler suivant sa force et sa capacite dans l’emploi qui lui sera attribue. . Art. 11. —Tous les associes sont nourris, vetus et loges par la Societe. Tous le sont egalement bien, suivant leurs besoins et les ressources de la Societe, sans aucun privilege pour personne. Art. 12. — La Communaute s’engage specialement a soi- gner et a proteger les enfants, les vieillards, les infirmes et les malades. II y a des ecoles ou les enfants sont Sieves et ins- truits en commun. II y a des infirmeries et une pharmacie pour les malades. Les associes se soignent reciproquement dans leurs maladies, quand il est nScessaire. Art. 13. — Aussitdt que la Communaute sera dSfinitive- ment Stablie et organisee, son gouvernement sera la Demo¬ cratic pure et la RSpublique. Mais pendant l’epoque de prepa¬ ration, l’administration, la direction et le gouvernement de la Societe ont ete et sont confiSs temporairement a un direc- teur-gSrant qui represente la Communaute. Art. \lx. — M. Cabet, fondateur de la Communaute ica- rienne, a ete elu directeur-gerant jusqu’au premier septembre mil huit cent cinquante-sepr. Art. 15. — II fait tous les reglements qu’il juge necessaires pour organiser l’ordre, reconomie, le travail, la production, la pratique de la Fraternite et la realisation de la Commu¬ naute. Chaque associe s’est engage et s’engage a exScuter ces reglements sans resistance et sans murmure. Art. 16. II consulte l’Assembiee generale toutes les fois CONTRAT SOCIAL. k7 giTil le juge utile ; et prend tous les moyens de preparer et d’habituer les Icariens a la pratique de la Democratic. Art. 17. Chaque associe doit exScuter les decisions de FAssembiee generate ou de la majority, comme celles du Directeur-Gerant. Art. 18. Tout associe qui violerait les principes de la Communaute Icarienne, ou les dispositions du present con- trat social, ou qui meconnaStrait lautorite soit du Directeur- Gerant , soit de rAssembiee generate, ou qui troublerait la Society, pourraitetreconsidere comme voulant quitter celle*ci r et pourrait etre oblige de la quitter en effet sur la demande du Directeur-Gerant, et sur la deliberation de TAssembtee generate; mais l’exclusion ne pourra etre prononc£e qu’a la majority des trois quarts des volants et quand les neuf dixtemes des assoctes seront presents. L’exclu qui se retirerasans hosti¬ lity pourra obtenir les objets indiques dans Tart. 9. Art, 19. A l’avenir, nul ne sera admis dans la Society que du consentement du Directeur-Gerant etde l’Assembiye gene- rale, et suivant les conditions et le mode qui seront regies dans un acte separe. Art. 20. La Society sera incessamment regularisee et mo- dittee conformement aux lois Americaines. Fait a Nauvoo, le huit Novembre mil huit cent qua- rante neuf. Le Cit. Cabet n’aurait fait aucune grave modification, a ce premier Contrat, s’il l’avait crue dangereuse ou inutile pour la Colonie et la Gommunaute. Mais il crut une modification necessaire pour mettre le Contrat social en harmonie avec la loi et l’opinion republicaine des Americains; il ne vit d’ailleurs aucun inconvenient a pro¬ filer de Texperience acquise pour appliquer les principes radicalementdemocratiques qui devaient toujours un peu plus tard gouverner la Communaute. COLQNIE ICARIENNE. h8 En consequence , le Cit. Cabet proposa lui-meme, en jan- vier 1850, de remplacer la Gerance unique et absolue pendant dix ans par une Gerance multiple, elective et annuelle, en se soumettant lui-meme a la selection. II proposa de modifier le premier Contrat social et de le remplacer par une Constitution, et une loi spedale sur les admissions a la retraite et I’exclusion. Cette Constitution, proposee par lui, discutee pendant huit seances, fut votee a I’unanimite le 21 fevrier 1850. Puis , aprfcs le Bill ^incorporation de la Communaute Icarienne, par la legislature de Tlllinois, elle fut revisee, discutee et votee de nouveau, a runanimite le A mai 1851, ainsi qu’i! suit; ( CONSTITUTION. ' 49 r CONSTITUTION ICARIENNE. i CHAPITRE PREMIER. CONSIDERATIONS PRELIMINAIRES. La nature a combie le genre humain de bienfaits. — D’un d>t£, elle a rgpandu sur la terre, autour de l’homme, tous les Aments et toutes les productions nScessaires pour le guider dans l’usage de ces elements et de ces productions. Elle a voulu le bonheur de l’Humanite. Et cependant l’histoire nous montre le genre humain malheureux partout et toujours. L’homme est naturellement sociable , par consequent sym- pathique, affectueux et bon. — Et cependant 1’histoire nous montre, dans tous les temps et dans tous les pays, des vices etdes crimes, l’oppression et la tyrannie, 'des insurrections excises par le desespoir et des guerres civiles, des proscrip¬ tions etdes massacres, des supplices et des tortures. Mais Thornme est eminemment perfectible : par consequent le progres est une loi de la nature pour l’Humanite, et le mal ne peut 6tre sans remfcde. Si le mal avait sa cause dans la vengeance d’un Dieu jaloux et impitoyable qui punirait eternellement sur l’innocente pos- terite d’un coupable, la desobeissance de celui-ci, arrachge par la tentation d’une irresistible puissance , il faudrait deses- perer du remfcde et se resigner a souftrir. Mais cette ven* geance et cette punition repugnenta toutes nos ideesde jus¬ tice, de bonte, d’amour divin et de perfection; et par conse¬ quent nous devons chercher ailleurs la veritable cause du mal. Cette cause, nous la trouvons dans une organisation sociale, resultant de l’inexperience, de l’ignorance et de l’er- reur du genre humain dans son enfance. Par consequent, nous 50 COLONIE ICARIENNE, voyons le remede dans une meillenre organisation sociale , dans une organisation sociale fondee sur un principe sup6- rieur, Rempla^ons Tancien monde par un monde nouveau , le rfcgne de Satan ou du Mai, par le rfcgne de Dieu ou du Bien; la Mort morale par la Resurrection, la Regeneration et la vie; les Tenures par la Lumtere ; la Routine et le Prejuge, par TEx- perience de lous les stecles; l’erreur par la verite; Pigno- ranee par Tlnstruction et Tfiducation; Tlnjustice par la Jus¬ tice ; la Domination et la Servitude par raffranchissement et la Liberte. Substituons lebien-gtre de tous a 1’excessive opulence d’une minorite priviiegiee qui a presque tout sans travailler , et qui regorge inutilement de superflu, tandis que la masse qui tra- vaille et produit, n’a presque rien, manque du ngeessaire, et souffre de Tesclav§ge de la misere. Substituons au?sia des Religions myiangyes de superstitions, d’intolyrance et de fanatisme , une Religion raisonnable qui porte les howmes a s’aimer et a s’entr’aider, Adoptons une organisation sociale dans laquelle le mot Socitte ne soil pas un mensonge et une derision, mais une v£ril6 et une reality, et dans laquelle il n’y ait plus d’antago- nisme ni de concurrence , plus d’exploitation de l’homme par Thomme, plus de maftres ni de domestiques, plus de patrons ni de salaries, plus de proletariat ni de paupyrisme, plus d’oisivety ni de travail ext£nuant. Rempla^ons la propriyty individuelle, source de tous les abus , par la propriety sociale, commune, indivise, qui n’a aucun des inconvgnients de la premiere et qui est infiniment plus productive pour Tutility de tous. Purifions et perfectionnons le Mariage et la Famiile par la suppression des dots, par Education de la Femme comme par celle de Thomme, par la liberty dans le choix d’un ypoux. En unmot, TancienneSociyty a pour base Tindividualisme: donnons pour bases a la Soqiyty nouvelle la Fraternity, rega¬ lity et la Liberty, le Communisme ou la Communauty. CONSTITUTION. 51 CHAPITRE II. PRINCIPES G&VERAUX. Section premiere. — Societe. Art. 1. — Les Icariens forment entre eux une veritable SocUte . 11s sont toils Assoctes. Art. 2 — Cette Society comprend tous les Icariens qui sont ou seront definitivement admis, avec leurs femmes et leurs m p « enfants. Art. 3. — Elle est etablie dans I’interet de ses membres, pour garanlir, autant que possible, leurs droits naturels et pour assurer leur bonheur. Art. 4. — Elle est etablie aussi dans TintdrSt de l’Humanite tout entire, par devouement a celle-ci, pour presenter un systfcme de Society capable de la rendre heureuse, pour prou- ver, par Texperience, que la Communaute, basee sur la Fra¬ ternity, est realisable et possible. Art. 5. — Elle a pour but materiel de defricher et cultiver la terre, de construire des habitations, d’exercer toutes les industries utiles; en un mot, de feconder et civiliser le desert. Art. 6. — Elle est a la fois agricole et industrielle, civile et politique. Art. 7. — Le nombre de ses membres estillimite. Art. 8. — Elle est destinee a devenir une Cite et un Etat soumis aux lois generales des £tats-Unis. Art. 9. — En attendant, elle se soumet aux lois de i’Etat de rillinois. , . fPj Art. 10. — Les etrangers de tous les pays peuvent en faire, partie lorsqu’ils acceptent compietement la Doctrine Icarienne et remplissent toutes les conditions exigees pour ^admission. 52 COLONIE ICARIENNE. Art. 11. — Les conditions et le mode d’admission sont regies par une loi particulifcre. Art. 12. — Son Capital Social comprend la fortune de tous les Associes. Chacun apporte a la Societe tout ce qui lui appar- tient, sans aucune exception. Art. 13. — La Societe est contracts pour etre perp&uelle: cependant lWssocie pourra se retirer ou etre exclu, comme il sera explique dans la loi speciale pour Tadmission, la retraite et Texpulsion. Art. 14. — La constitution et les lois sont faites par le Peuple et pour le Peuple. Art. 15. — Tous les pouvoirs emanent de lui et sontinsti- tu6s dans son interet. Art. 16. — Son Gouvernement est une Republique D6mo- cratique. Art. 17.— La Societe Icarienne a pour bases et pour prin- cipes la Fraternite et la Communaute . Art. 18. — Elle prend le litre de Communaute Icarienne. Section II. — Frxternite. Art. 19. — La Fraternite des Hommes et des Peuples est le principe fondamental et generateur de la Communaute Ica¬ rienne. Art. 20. — Tous les Icariens se reconnaissent ou s’adoptent pour Frfcres. Art. 21. — Us proclament que ieur interet est de s’aimer, de s’aider, de se sccourir et de se defendre comme des Frfcres. Art. 22. — Ce principe se confond avec ce pr^cepte evan- geiique: « Aime ton prochain comme toi-m^me, » ou avec ce precepte philosophique : « fie fais pas a autrui ce que tunevoudrais pas qvif'd te fit; au contraire , fais aux autres ce que tu voudrais quits te fissent. » CONSTITUTION. Art. 23. — Ce principe de Fraternity doit £tre Tame de la Constitution etdeslois, des usages etdes moeurs. Art. 24. — II doit etre enraciny par l’yducation dans le coeur des enfants, et applique en tout avec toutes ses eonsyquences. Art. 25. — Ses principales consequences sont YEgalite , la Liberty, l’Unity, la Solidarity. ■ : • •• > ;•'/ fioib r! k*> ' *oc. ■:{ A- Section IV. — Liberte. Art. 31. — La Liberte est naturelle Sociale ou civile, et politique. 4 ' 1 i. •> Liberty naturelle . •» • . • » Art. 32. — Par la nature, Fhomme est essentiellement libre ; % § *i § r la violence et la force ne peuvent donner aucun droit de domi- 'm • # * n • , • nation et de maUrise. 3 COLONIE ICARIENNE. • 54 Art. 35. — La defense contretoate attaque, la resistance a toute oppression, sont des droits naturels. Art. 34. — Mais tous les homines sont ggalement fibres, et, par consequent, la liberty de chactin est n£cessairement limits par la liberie des autres. — Persdnne n’est fibre de nuire a la liberie d’autrui. f ^ ; ; Art. 35. — Personne, non plus, n’est libre de violer une convention librement faite, uri engagement librement con¬ tracts , . §2. — Liberte Sociale ou civile . jL u t j 3*C/ - b to i ?no scjcT — « \ _ Jfrh Art. 36. — La Societe a pour but de garantir la liber te naturelle en la protegeant par la force de tous. Art. 37. — La loi, expression de la volonte sociale , deter¬ mine et fixe les limites necessaircs de la liberte. Elle a le droit tYinterdire tout ce qui peut etre nuisible, et de prescrire tout ce qui est utile. Art. 38. — La licence et l’anarchie ne sont pas la liberte; ce sont les ennemies de la liberte. > -4 N { r 3 J M I UV-i 1 I ;Uj J I •>. 4C l •* f.JJ 1 J, # ( J * Art. 39. — Quand la loi est faite par le Peuple et pour le Peuple, elle n’interdit que ce qui est nuisible, et ne present que ce qui est utile. Art. 40. — Alors, la liberte est le droit de faire tout ce qui ifest pas defendu par la loi et de s’abstenir de faire tout ce qui n’est pas ordonng par elle. Art. 41. —L’obSissance a la loi est I’exercice de la liberte. « * it 0 § 3. - Liberiapolitique. a 3 ■ - T>) 4 * j l m lO'JCtaj ' o JJ £ Art. 42. — Elle est le droit de concourir directement ou indirectement, comme tous les autres, a Texercice de la Sou- verainete et a la confection de la Constitution et des Lois. CONSTITUTION. 55 Section V. — UnitY. . .igfthnwffigfw ia , 4L dbnom in e rm- y r» f ^ Art. 43. — L’individualisme entraiae autant de divisions qu’il y a d’individus , le fraciionnement et le morcellement a 1’infini, qui produisent la faiblesse. Art. 44. — La Fraternity et le Communisme conduisentau r contraire a la Concentration et h PUnity , qui produisent la force et la puissance. Art. 45. — La Communauty Icarienne est fondye sur 1’ Unite en tout: dans le peuple, qui forme une seule famille de Frfcres, et une seule arm ye de Travailleurs; dans le terri- toire, qni forme un seul grand domaine : dans PAgriculture , qui forme une seule et vaste exploitation de la terre; dans ITndustrie, qui forme une seule et vaste exploitation indus- trielle; dans Pfiducation, qui forme un seul et grand systeme destruction et d’education pour le Peuple entier. Art. 46. — L’unity doit se concilier avec toutes les divi¬ sions qu’indiquent la raison , la science , la facility et futility ♦#*4 >, . i I MIX 1. ■* * J 0 I « .11(4 J Art. 52. —L4mdes principesde la Communaute Icarienne, c’est le respect pour la loi et la soumission de la minority a la majorite. Art. 53. — Avant le vote, chaque votant a le droit d’ex- poser en toute liberty son opinion contre le projet en discus¬ sion, mais chaque votant prend tacitement Pengagement de se soumettre a la future decision de PAssembiee, j H ,? i iJ .u ■» j y mp . iix i U r Art, 54. — La minorile doit ceder a la majorite , et ex6- euter la decision sans resistance, sans murmure, sans critique, jusqu’a une proposition formelle de revision dans les formes reglees par la Constitution ou par la Loi. -fcOi o.’iJJx** OS/C • •' \ ,j Section VIII. — Communaute. * 11 J j J l ’. Art. 55. — Le Communisme est le contraire de Plndividua- lisme. La Communaute est le contraire de la Propriete indivi- duelle. hi ob OOlIOlip i.i .f.O i V ‘ » ’ J - J A u OHAPITRE III. ORGANISATION SOCIALE. Section Premiere. — Propriety. — Usage. Art. 56. — Dans la Communaute Icarienne, la propriete n’est pas individuelle, mais sociale, commune, indivise. Art, 57. — Chaque Associe est co-proprietaire de tout; mais rien n’est la propriete individuelle, ou personnels, ou exclusive de personne : la Communaute seule est proprietaire. Art. 58, — Seulement, chacun peut et doit avoir Yusage ou CONSTITUTION. 57 la jouissance de ce qui lai est necessaire, suivant les regies etablies par la loi. Art. 59. — La Communaute supprime ainsi: 1° tons les abus de la propriete, Vopulence etla wmdrequ’elle engendre; 2° le droit de succession et d’heritage, en fournissant a tous les enfants et a tous les citoyens toutce quileur est necessaire; 3° Vachat et la vente, le commerce et la boutique , avec leurs fraudes et leurs falsifications, avec leurs soucis et leurs fail - lites, en les remplacant par la distribution gratuite a tous les Associes de tous les produits dont ils ont besoin ; k° la mon- naie , pour les operations interieures; 5® la banque et Yusure ; 6° les salaires des ouvriers; 7° les traitements des fonction- naires publics; 8° le budget et les impots; 9° les procbs et les Trxbunaux , avec leurs employes de tout genre. 1 JflO£ '39011 Section II. — Salaire. Art. 60. — Tous les Travailleurs sont nourris, loges, vetus, fournisde tout, par la Communaute; par consequent, le salaire est inutile et supprime. jjl 1 ' ’.f ■'’# ‘ ’ % | ' O t] • - ’ J » : » ^ t | . Section III. — Traitements. ", ' vil, \ j; ' ' * I > K fk 4 Ti Art. 62. — Les impOts de toute espece sont inutiles et sup- primes; il n’y a pas d’autre impOt que le travail, rendu court, facile, sans fatigue et sans danger, attrayant meme, au moyen de rinstruction et des machines multiplies a l’infini. Section V. — Organisation du Travail. ^ ' ' Art. 63. — L’ordre et Torganisation sont necessaires par* tout, principalement dans le travail. 58 COLONIE ICARIENNE. Art. 65. — Toutes les industries diverses sont disposes et combines de manifere a s’exercer le plus fructueusement pos¬ sible. " I ‘i ' ■ -* tv ' ^ •#4 44 Art. 65. — Tousles travauxs’exGcutent dans de grandes ate¬ liers communs convenablement places. Art. 66. — Les machines y sont multiplies sans borne, pour aider et garantir le travailleur, m£me pour le remplacer, de manire que Thomme puisse un jour n’etre plus qu’un cr£a- teur et un directeur de machines. Art. 67. — Les machines sont essentiellement utiles dans la Communaute, puisqu’elles y travaillent pour tous sans nuire a personne. v Art. 68. — Toutes les matires premieres, toutes les ma¬ chines, sont fournis par la Communaute, comme tous les oulils, tous les produits sont recueillis et distribu£s ou employes par elle. - . r _ A Art. 69. — Les Travailleurs forment une arm6e pacifique* dirigee par des chefs 61us par elle. Art. 70. — Le travail est une fonction publique. Art. 71. — Tous les travaux sont ggalement estim&s et honoris. Section VI. — Agriculture. Art. 72. — Tout ce qui precede sur I’industrie, en g6n£ral f . s’applique a Tindustrie agricole ou a l’agriculture. — La Com¬ munaute ia soigne comme la base de la richesse sociale. Section VII. — Nourriture. Art. 73. — La Communaute nourrit ses membres. Art. 74. — Elle rfcgle tout ce qui concerne la nourriture. Art. 75. — Elle etablit d’abord des repas communs. Art. 76. — D^s qu’elle le pourra, elle etablira quelques-uns des repas dans chaque famille, en fournissant a chacune touted les provisions necessaires. . CONSTITUTION. 59 ■ Section VIII. — Logement. 23L) £C TUlOO 5*J£u *j!idq IK5 TKjqOiO»*9iJ tft) i*. 1 *UJ Art. 77. — La Communaute fournit un logement a tous ses merabres. Art. 78. — Aussitot qu’elle le pourra, elle fournira un loge¬ ment s£par£ a chaque famille. Art. 79. — Elle rfcgle tout ce qui concerne les logements particulars, tous les ateliers, tous les Edifices publics ou com- muns, les villages et les villes. fY/vrt a * a 'i 4.. ..f . ,. A _ „ • • _ : n ! « , A Section IX. — Vetement. Art. 80. — La Communaute vet tous ses membres; elle r&gle tout ce qui concerne le vetement. Art. 81. — Elle concilie la variety avec Punite et l’ega- lite. Section X. — Education. Art. 82. — La Communaute donne l'6ducation a tous ses enfants. • ill ll<’ i . “ • ••>/.. ; r .{ r < I Art. 83. — Elle dispose des enfants comme elle le juge convenable, dans leur interet particulier etdans l’interet gene¬ ral ; consacre toute la partie de leur enfance et de leur jeu- nesse n£cessaire a leur education, et regie tout ce qui la con¬ cerne. Art. 84. — L’education est la plus complete et la plus par- faite possible. ,'r r Art. 85. — L’education est physique, morale, intellectuelle, professionnelle, scientifique, civique. Art. 86. — L’education physique a pour but de former des individus robustes et adroits. Art. 87. — L’education morale a pour but de former d’excellents citoyens, en habituant a la pratique de la Prater - mU el a l’accomplissement de tous les devoirs sociaux. 60 COLONIE ICARIENNE. Art. 88. — L’education intellcctuelle ou Yinstruction a i • I / . j f \ J > pour but de developper au plus haut point rintelligence des Icariens, en leur donnant a tous, les Aments de toutes les' sciences et de tous les arts. Art. 89. — L’education professionnelte a pour but de for¬ mer d’excellents artisans ou Travailleurs pour chaque art et pour chaque industrie. Art. 90. — L’education scientifique a pour but de former des Instructeurs et des Savants utiles a l’Humanite. Art. 91. — [/Education civique a pour but de faire con- naitre les droits et les devoirs poliliques et sociaux. Art. 92. — [/education eiementaire et generale est la meme pour la femme que pour Thomme. Art. 93. —Les enfants d’un meme sexe la re^oivent dans des ecoles communes. Art. 9A. — Quand la Communaute sera complfctement eta- blie et developpGe, ils pourront habiter avecleurs parents tout en frequentant les ecoles pour leur education en commun. Section XI. — Mariage. — Famille. Art. 95. — La Communaute est basee sur le mariage et la famille, purifies de tout ce qui les denature ou les altfcre. Art. 96. —Le Celibat volontaire est interdit; tous ceuxqui peuvent se marier doivent le faire. Art. 97. — La loi r£gle tout ce qui concerne le mariage, la famille, l’autorite paternelle et maternelle. « *-1 * ■ • Art 98. — La dot est supprimee. Art. 99. — Le choix d’un epoux doit etre parfaitement fibre* Art. 100. — Les epoux sont egaux, sauf les precautions qui seront regiees par la loi en cas de dissentiment. Art. 101. — Le devoir de fideiite est le meme pour les deux epoux. Art. 102. — Le mariage est comrade pour la vie. CONSTITUTION 6i> Art, 103. — Ndanmoins, Ie divorce sera autorise dans les cas qui seront prdvus par la loi et avec les precautions qu’elle indiquera. Art. 10ft. — Chacun des epoux divorces pourra et devra se marier avec un autre. Section XII. — Maladies. — Infirmes. Art. 105. —L’education, l’hygiene, l’organisation generate de la Societe et du travail, doivent chercher a diminuer les maladies. /• •• •.;< :• -t 4 ; -■»{> u? r , Art. 106. — Les malades et les infirmes doivent etre soi- gnes fraternellement, soil dans un hospice public ou commun, soit dans leurs families, dans les cas determines par la loi ou les rfcgleraents. Art. 107. — Le medecin, le chirurgien, le pharmacien, l’infirmier ou le garde-malade, sont des Travailleurs qui ont leur travail et leur atelier speciaux comme tous les autres Travailleurs. ' irovuoq olioyiu*' Section XIII. — Femmes, Enfants, Vieillards. , ■?) i i pj'jflir Art. 108. — La Communaute garantit: 1° aux femmes en masse, de la part des hommes en masse, respect et egards; 2° aux enfants, amour; 3° aux vieillards, egards et respect; 4° a tous, devouement et protection. ''•‘OWOV 5ll 10 Section XIV. — Religion. • ;• ... . , ( J ; f .. 1 ; Art. 109. — La Communaute Icarienne adopte pour Reli¬ gion le Christianisme dans sa purety primitive, avec son prin- cipe fondamental, la Fraternity des Hommes et des Peuples. f>t • ilj i # I i 62 colonie icariensie. CHAPITRE IV. ORGANISATION POLITIQUE. Section I ,c — SoijverainetIs. tl «rlX if.k *— Yv Art. 110. — La Souverainete appartient a la Communaute. Art. 111. — Elle est exercee concurremment en son nom par P Assemble generate et par laGerance, chacune dans les limiles de ses attributions. Art. 112. — Chaque citoyen exerce sa part de Souverainete par son vote . Art. 113. — Tout vote est public . Le vote ecrit est signe.. t . j\ *j> f nx\'y\ ol f fliirdi'Mfr — .“01 JiA Section II. — Pouvoirs publics. a * • f • • 9 *■ 9 ** * 4 * •*» a u i/»• i iin tum § Art. 11/i. — II y a deux grands pouvoirs: le pouvoir legis- latif et le pouvoir executif. Art. 115. — Ces deux pouvoirs sont essentieliement dis- tincts et separes. Art. 116. —Le pouvoir executif est subordonne au pou¬ voir legislatif. < • j > , Hi i> j. .» L • J liiOfll , , . # ;,L / j k Art. 117. — Le Pouvoir legislatif est confte a PAssembtee generate, et le Pouvoir executif ala Gerance. Art. 118. — Le Pouvoir judiciaire est exerce par PAssem- biee generale ou par un Jury organise par la loi. * aI* 1 I J 1 J 1> « j J ! 2, * • 1 d * V til' ' i > * P * — -u-n M f -* < 1 I A Section III. — Pouvoir legislatif. • ■ - •. * 4 *. *.,. i i # »j j * ' n, j, Assemble generate. Art. 119. — L’Assemblee generale est composee de tous les hommes definitivement admis et ages de vingt ans. Art, 120. — Les femmes y sont admises dans une place CONSTITUTION. 63 siparie, avec voix consultative. Elies sont appeleesa donner leur avis sur toutes les questions qui les concernent particulifc- rement. v a * A . Art. 121. L’Assemblie generate fait la Constitution et les lois. Sj 1 " ** t ^ m ^ '- «* " - > • • ^ I* <4 Art. 122. — Les projets de lois peuvent itre prisentis, soit par la Girance, soit par chaque Citoyen. Art. 123. — L’aclion de FAssembtee generale est riglie par une loi organique spiciale. Art. 124. — Quand elle sera trop nombreuse, elle sera I > t f | / / » e . * remplacie par les Assemblies populaires et par une Assemble representative ou nationale, entre lesquelles les Pouvoirs ligislatif et judiciaire seront distributes par une loi constitu- tionnelle spiciale. .WKO’nl) ‘jb JtoiltftVd — .o g Section IV. — Pouvoir executif. — GSrance. .eliJoof'j Jnoc danciuO cl aoid /i?£9j - - ,?!£!• § l er — Attributions de La Gdrance . • 1 .t'l * Art. 125. — La Girance est chargie de Fexeculion des lois, et propose les regiements nicessaires pour leur execution. * Art. 126. — Elle est aussi chargie de Fadministration con- formiment aux lois. Elle nomme tous les fonctionnaires ou agents qui lui sont nicessaires pour Paider dans cette administration sous sa responsabiliti. t j , t f Art. 127. — Des lois sont nicessaires pour autoriser les emprunts, achats ou venles d’immeubles. Art. 128. — Des lois spiciales organiseront toutes les com¬ missions qui pourront etre nicessaires. ^•» * " ( - f *v I C UJr 1 / 1/ / ! \)j h 1 ! 1 iiH /i 'l/ , ^ J r ^ J ^ ri | r\ , ■■ • • f \ o § 2. — Composition de la Gtrance , si£bibn<,o feoi iunsq sup siite oa nO — Jw l ,nA Art. 129. — La Gerance est composee de six membres. Art, 130. j — L’un d’eux est President. • A 1 4 . ▼ ’ « 1 64 C0L0N1E ICARIENNE. Art. 131. — Les six membres discutent et decident en commun les questions principales. Art. 132. — En cas de partage, le President a voix pre- ponderante. Art. 133. — La Gerance ne pourra prendre de delibera¬ tion que lorsque les membres presents sur les lieux assisteront a la seance, et qu’ils se trouveront au nombre de trois an raoins. Art. 134. — Chaque membre de la Gerance pourra de- mander que son opinion soit constatee sur le procbs-verbal et meme qu’elle soit communiquee a TAssembiee generale. Art. 135. — Chaque membre de la Gerance prend le litre de Membre de la Gerance. § 3. — Election de la Gerance . \.4 V ./ r t i »• *, r * f ▼ »« •• , .i f f \ I , » . ' ' S '•»»■ l . Lr ,1 , 1 » 4 \ « ' V ’ M \ \ m x r . i/kl <.*.1 4#. * XJ* \ .J Xy % " jl i » , ! , . \ k v Art. 136. — Les six membres de la Gerance sont eiectifs* Art. 137. — 11s sont elus par l’Assembiee generale. Art, 138. — Ils sont eius pour un an. Art. 139. — Ils sont indefiniment reeiigibles. Art. 140. — Ils sont soumis a la reelection par moitie tous les six mois. Art. 141. — Tous seront eius a la majorite absolue,et par bulletin ecrit et signe. Art. 142. — Le President sera elu separement. Art. 143. — Les cinq autres membres de la Gerance seront eius conjointement par bulletin de liste. Art 144. — Avant Selection, on dressera une liste de can¬ didature sur laquelle on inscrira tous ceux qui seront presentes comme candidats. Art. 145. — On ne pourra elire que parmi les candidats inscrits. Art, J46, ~ Chaque candidat propose pourra, en expa^ CONSTITUTION. 65 sant ses motifs, demander que son nom ne soit pas inscrif sur la lisle de candidature. Art. 147. — L’Assemblee giant consults, si dix membres se lbvent pour demander l’inscription ou le maintien sur la liste, le nom y sera inscrit ou maintenu. Art. 148. — Unc discussion pourra s’ouvrir sur chaqae candidal. An. 149. — Cette discussion sera libre et franche, mais digne et fraternelle, exclusivement animee par le sentiment de Pinteret general et commun. , • r*< - § 4. — Division des attributions de ia Gerance . #* * *' iii'.il ■ ‘ ' * * * * * i* ■ • Art. 150. — Les membres de la Gerance se partagent entre eux radministration. ■ Art. 151 — Leurs attributions sont divisees ainsi qu’il suiti 1° Presidence, — Surveillance et direction generates; 2° Direction generate des finances et de la nourriture; 3° Direction generate du logement et du vetement; 4* Direction generate de Peducation, de la same et des divertissements; 5° Direction generate de Pindustrie et de 1’agriculture ; 6° Direction generate du secretariat et de Pimprimerie. Art. 152. — Les membres de la Gerance ne pourront pas presider PAssembiee generale. - ’ . ' V - t ' « * » • i § 5. — President. * -* * ^ * * ■. ■ ' » * • ' * ' • * Art. 153. — Le President de la Gerance prend le titre de President de la Communautd Icarienne . Art. 154. — II represente la Communaute dans toutes les relations exterieures. Art. 155. — II agit, correspond, negocie, traite, parait en justice soit comme demandeur , soit comme defeudeur, et signe en quality de President de la Communaute Icarienne* 66 COLONIE ICARIENNE. § 6. — Responsabilite • Art, 156. — La Gdrance est responsable. Au commence¬ ment de chaque mois, elle pr£sentera un ytat sommaire des operations pendant le mois prgcgdent et de la situation finan- ciere. Tous les six mois, huit jours au moins avant Election, elle rendra compte & l’Assembie gyndrale de sa gestion pen¬ dant le semestre, et lui exposera la situation de la Commu- nauty. * n ' ‘ §7. — Fonctions publiques t Art, 157. — Toutes les fonctions publiques sont etablies dans rint£ret de la Communauty. Art. 158. —Elies sont aussi multiplies qu’il est n^cesSaire. Art. 159. — Toutes sont un devoir, une charge, un tra¬ vail , qu’on ne peut abandonner sans un empechement igi- time. #.* ^ j »..>./» 1» v. *, n. Art. 160. — Le lieu ou s’exerce la fonction est un atelier pour le fonctionnaire. Art. 161. — Le fonctionnaire est un mandataire. Art. 162. — II est yiectif, sauf le cas prevu par Tart. 126. Art. 163. — II est temporaire, comptabie et responsable^ Art. 164. — II doit commander avec fraternity, et chacun doit obyir avec £gard par respect pour la loi. Art. 165. — En cas d’abus, soit du fonctionnaire envers le citoyen, soit du citoyen envers le fonctionnaire, chacun d’eux a le droit de r^clamer ou de se plaindre. .. ' L i t . « • fV I | 1*1 C\ V i 'X f' ; \ \ \ \ \ , M ' 1 » 1 \ I . \' ^ • • * V/ ' -• -4 W «. - > * *» * *-• * • - J J t ] Section V. — Pocvoir judiciaire. * * • • • - * ’ i i • * /1» « i i J * i" f A # § 1 1|,( t • I ti - ^ f V • i _/ X A. ll* J ■' w • ■' ,/ » J II ». | ^ • f * ‘ j Sect. I re : Admission. i r .'' i*• * ' »• v. * Cj* .jJi. Art. l er — L’admission dans la Communaut6 Icarienne sera d’abord provisoire> puls definitive. Art. 2. —L’une et l’autre seront prononc£es a Nauvoo^ par 1’Assemble g£n£rale , sur le rapport et la proposition de la G6rance, § 1. Admission provisoire. Art. 3. — La G£rance v£rifiera si le demandeur remplit i tenement toutcs les conditions exigees par la loi. Art. A. — Elle examinera loutes les pieces qui doivent etre produites. Art. 5. —Elle verifiera particulifcrement la sant6, le trous¬ seau, Tinventaire, les outils et I’Apport. m Art. 6. — Elle consulterala biographie du demandeur, les . » certiGcats, attestations, lettres, etc., qui peuvent le faire con* naitre, le rapport sur le voyage depuis laFrancejusqu’a Nauvoo. Art. 7. — Elle interrogera le demandeur sur chacune des conditions d’admission, sur les principes Icariens, sur ses opi¬ nions sociales, politiques, religieuses, sur ses droits et ses devoirs, pour s’assurer qu’il connalt bien la doctrine Icarienne et les Merits qui l’exposent * qu’il adople completement cette doctrine; et qu’il a les quality necessaires pour la pratiquer. Art. 8. —Elle ouvrira une enqu£te, et ne nggligera au- cun moyen d’eclairer 1’Assemblee g6n£rale. La demande en admission sera affich6e pendant huit jours. Chacun pourra former opposition ou faire ses observations* L’admission ne pourra avoir lieu qu’aprfcs ces buit jours. 70 COLON1E ICARIENNE. Art, 9. — L’Assemblee generate pourra r£p6ter Pinterroga- toire. Art. 10. — La presence des neuf dixi&mes des membres de PAssembl6e g£n6rale qui se trouveront sur les lieux et la ma- orit6 des trois quarts des votants seront n£cessaires pour radmission. Art. 11. — L’admission provisoire sera consignee sur un registre particulier, sur lequel seront inscrits : 1° Les noms, pnSnoms, etc. de Padmis; 2 # !e vote pour Paclmission ; 3° PAp- port en argent et en nature avec une estimation contradic- toire; 4° le trousseau et les outils avec leur valeur estimative. Art. 12. — Ces diff&rentes reconnaissances et estimations seront sign£es par Padmis. % Art. 13. — L’admis provisoirement versera son apport, ses outils el tout ce qu’il aura, en ne conservant que son trousseau 16gal. Ce versement sera constate sur le registre. " Art. 14. — S’il n’est pas admis d£finitivement, il reprendra son Apport en nature, et les quatre cinqui&mes de son Apport en argent, pourvu qu’il parte pacifiquement et fraterneJle- ment. f r ( T | f f r \it Art. 15. — II ne pourra rien r£clamer pour son travail, qui serh compensS avec sa dgpense pour logement, nourri- ture, etc. Art. 16. — Pendant les quatre mois de noviciat, Padmis provisoirement pourra se retirer, en prSvenant huit jours d’avance. Art. 17. — L’Assembtee g£n£rale pourra aussi Pinviter ase retirer. • * ; * ' ' l M * i \ I ] O § II. Admission definitive. Art. 18. — Aprfcs quatre mois d’^preuve, le demandeur pourra etre admis definitivement. Art. 19. — La G^rance pourra de nouveau interroger, exa¬ miner, faire une enquete. LOI SUR L’ADMISSION. 71 Art. 20. — L’admission definitive aura lieu de la meme mantere que Padmission provisoire. Art. 21. — A Tinstant tout PApport de Padmis, tant en ar¬ gent, devient la propriety de la Communaute. Art. 22, — L’admis conserve son trousseau legal tant que la Communaute ne remplacera pas tous les anciens trousseaux par un nouveau trousseau legal. Art. 23. - - Tous les autres objets, linge, vetements, ou- tils, instruments, livres, bijoux, armes, etc., seront demar¬ ques, marques au signe de ia Comraunaute et confondus dans la masse commune. ■ '* • ■*•••''• . it «>'jr i i > t iiit < Sect. XI. Retraite. Art. 24. — Si la vie commune lui devient impossible, Pas- socie pourra se retirer en prenant toutfes les precautions pour que sa retraite ne soit pas prejudiciabie a la Communaute. Art. 25. — Cette retraite ne pourra s’effectuer qu’aux con¬ ditions suivantes : 1° II faudra prevenir par ecrit. L’avertisse- ment sera enregistre. La retraite aura lieu dans le delai qui sera fixe par PAssembiee generate, lequel delai ne pourra exceder trois mois; 2° la retraite devra avoir lieu sans aucune hostilite. Art. 26. —Celui quiseretireraen remplissantcesconditions, recevra : 1° Son trousseau tel qu’il se trouvera a cette epoque; 2° saliterie telle qu’elle se trouvera; 3° ses outils reconnus indispensables pour lui lors de son admission definitive; 4° la moitie de son apport en argent et en nature, ou sa valenr suivant Pestimation faile et consentie lors de Padmission defi¬ nitive. Art. 27. — Cette moitie lui sera payee savoir : vingt dollars en argent; etlereste en argent ou en billets, sans interets en un ou plusieurs paiements dans les deiais qui seront fixes par PAssembiee generate ; ces deiais n’excederont pas cinq ans. Art. 28 — Celui dont Papport aura ete fait ou complete par 72 COLONIE 1CARIENJNE. un autre associS ne pourra rgclamer la moitte que de ce qu’il aura personnellement apport£. Art. 29, — Personne ne pourra emporter ni le boisde lit, ni la chaise, ni la table, ni aucun autre meuble qui lui aura £t6 fourni par la Communaute. Art. 30. — Les malles et caisses seront visitees lors du depart de l’admis provisoirement ou d^finitivement. Section III. — Exclusion. Art. 31. — Si le partant ou tout autre associ£ qui ne demande pas a parlir viole ses engagements, s’il meconnait Tautorit^ de l’Assemblee ggnerale ou de la Gerance, les lois et rfcglements, s’il trouble la Communaute, il pourra etre cxclus par deci¬ sion de 1’Assembiee generale. Art. 32. — Cette exclusion ne pourra etre prononc£e que une Assemblee generale comprenant les neuf dixifcmes des par membres qui se trouveront sur les lieux et la majority des trois quarts des votants. Art. 33. — Le vote pour les admissions ou pour les exclu¬ sions sera public. Art. 3A. Les articles 26, 27, 28,29, 30 seront applicables a J’exclus. Fait a Nauvoo (Illinois), le 6 avril 1850. Cette loi, pr£sent6e le 22 mars 1850, a 6t6 discut£e dans les stances des 23, 25, 26, 28 et 30 mars, 3 et 5 avril 1850, a 6td vot£e le 5 avril, sur l’appel nominal, a la majority de 83 voix contre 3. Pou rex£cuter la Constitution, Cabet, £lu President de la Communaute, fait le rfcglement suivant sur la Gerance pour d£finir les attributions et les devoirs de chaque GSrant. RfeGLEMENT SUR LA GgRANCE. 7S REGLEMEAT SUR LA GERA ACE. CHAPITRE l er — ATTRIBUTIONS. Sect. I. — President de la Communaute. La constitution confie au President de la Gerance et de la Communaute la Surveillance et la Direction generates . C’est done pour lui un devoir de tout surveiller et de prendre l’ini- tiative pour tout ce qui constitue la direction et la haute admi- ministration, notamment: — pour Porganisation et la realisa¬ tion de la Communaute Icarienne; — pour la pratique des principes Icariens, du devouement humanitaire, de la Fra- ternite, etc; — pour Pex£cution de la Constitution et des lois, des rfcglements et des conditions (Padmission; —pour Pac- complissement de tous les devoirs Icariens; — pour les finan¬ ces ; — pour Peducation, la sante, le travail, Pordre, le soin, P£conomie, la propretS, la ddcence; — pour la repression des deiits; — pour les reformes et les ameliorations possibles, II est specialement charge de toutes les relations exterieu- res et de la correspondance; — de la propagande; — de la redaction des journaux et des brochures. En cas d’urgence, chaque directeur d’utelier, et chaque travailleur doit executer ce qu’il demande. 11 fera, pour la Communaute, un rapport general sur sa situation materielle et morale, tous les six mois , et toutes les fois qu’il le jugera necessaire. Sect. II.— Direction Gen£rale. Des Finances el de la TSourriture . Finances : — Recettes et paiements; — Livre de caisse, livre d’dcheance, brouillards ecrits chaque jour; — Surveil- COLONIE ICARIENNE. 74 lance pour les autres livres de comptabilitg, ecrits cbaque jour; — Etats de situation mensuels et semestriels. Nourriture : — Achat des provisions; — Direction de la boulangerie; — de la boucherie; — de la cbarcuterie; — du laitage ; du jardinage, des fruits, — de la peche; — de la chasse; des boissons; — des diverses cuisines; — des usten- siles et vaisselle; — du r^fectoire; — des tables; — des ali¬ ments exceptionnels; — des magas.ins et des provisions. Presidence de la Commission de nourriture. 7 ‘ » ft V r . | i * ■ .rt rt | vi i 1 / 4 j J'4 1 ^ \ J M ’ J 1 \ 1 ‘ i \ 1 Sect. III. Direction Generate. du logement et du vetemenl . Logement : — Logements et accessoires ( puits, lieux, petits jardins particuliers ); — ameublement; — chauffage; eclairage; — facilite des chemins. Vetements : — Verification des trousseaux ; — reunion des inventaires; — confection et raccommodage. Blanchissage; — Buanderie; — lavoir et sSchoir. Filage, tissage et teinture. Chaussures et tannage. Ateliers de tailleurs, de cordonniers et de sabotiers. Lingerie : — Ateliers de femmes. Literie: — Matelassiers. Magasins d^toffes, etc., de vetements; — de meubles. Presidence de la Commission de vetements. Sect. IV. Direction Generale. De f education, de la sante et des divertissements. Education : — Surveillance des ecoles; — de leur loge¬ ment et de leur ameublement, etc; — des instituteurs et sur- veillants; — de Education proprement dite (Education lea- r£GLEMENT SfJR LA G^RANCE. rienne ) ; — habitude des vertus Icarienees; — pratique de la fraternity; — amour de la Communauty. Jeux, etc.; — Gymnastique. , , . Instruction : — Livres, instruments, fournitures; — lemons ; professeurs. ihuoA- ;xnsil Divers cours pour les apprentis, les hommes, les femmes; — Ecole normale. • IV'JI « >1 k j j • it* IIJC i J v/) ’VI«JIV*liJ UiJ Santy : — Mydecins, chirurgiens, sages-femmes, dentistes. Pharmacie: — Infirmerie. l Jlk JIJjU kf f Uv W< , 1 ^ J / ’* Hygifcne: — Proprety. Funerailles. u ]i Rapport quotidien au President sur la sante et sur les ecoles. iii r. I w Divertissements : —Jeux; — Musique;—Thyatre ;—Fdtes. i Promenades gynyrales. Security, agryments, embellissements. Bibliothfcque : — Journal pour l’enregistrement des livres a leur entrye; — classement et catalogues. Distribution des livres et journaux pour la lecture; — registry pour la sortie et la rentrye des livres. Sect. V. — Direction gSnerale. i l * s •rnrl /h.. vk ".tr.- *j*»f J De l’Industrie et de Vagriculture. Industrie: — Distribution de tous les travailleurs; — orga- ■ ** • • nisation de tousles ateliers; — commande et surveillance de tous les travaux. • • # # » Achat des matures premieres, outils, etc., moulin ; - distil- si • lerie;—scierie; — porcherie. Bucherons;—mariniers;—flatboats, barques, etc* Magasin de matures premieres, d’outils et de produits. 16 COLONIE ICARIENNE. T- . *v *; • r, Expedition des produits. Charrois. : r,l Achat ou louage des terres. ' ‘ « . ' . : i 7 ; . 4 Agriculture: — Instruments; — chevaux; — bceufs bes- tiaux; — dairies; — fourrages ; — harnais ; — voitures-wa¬ gons. Commande et surveillance des travaux agricoles. Recoltes. y ^ 1*1 » O ■ • \ * ‘ '< - • f i f Prdsidence du Conseil d’industrie et des reunions d’ateliers r* • pour des questions speciales. / t*’- i- .• * t* T* "J •* * *■ »?, ' f ••» »■* y . i .•» Sect. VI. — Direction gIsnerxle. ft l \ . . . «L f i .« - ««_ v 1 , . . f ^ . ' ' 7 r ' j • Da Secretariat et de VImprinterie* Secretaire de la Gerance. — Proces-verbal; — notes en seance; — redaction succincte. Surveillance et direction du bureau du Secretariat, Registre de Tetat civil;—admissions provisoires, definitives; — retraites; — exclusions. Manages. Naissances. i f • T •'’ f >■ ’ • • 1 ^ 4 J '• * l ,1 v. » » Deeds;—annonce aux families. Ecritures et publications concernant P Assemble generate; recueil des proces-verbaux. • 4 Registre des lois et rdglements. Memorial: — Faits importants dechaque jour ;—arnvees et departsadmissions provisoires et definitives retraites — exclusions;—naissances, manages et ddces;— voyages;—* depart et retour;—visiles;—accidents. * ' • • f , r * i • > , j *'“•* f* • ! • Y I « ««. ll» 41 Nos journaux. —Registres des abonnements, des ecbanges. des expeditions, des essais, des brochures. RfeGLEMENT POUR LA GfiRANCE. 77 Reception des journaux etrangers; — enregistrement de ceux re$us a chaque courrier. Travail de redaction;—correction des epreuves; Surveillance del’impression; — indication dunombre a tirer; — compte des tirages; —■ pliage; — expedition. Conservation des numeros restants. Bulletin commercial. — Preparation des annonces concer- nant les marches. Annonces: — Reception enregistrement;—insertion envoi des certificats;—paiement. Imprimerie et lithographie : — Surveillance et direction;— Caractfcrespapier ;—encre; —ustensiles. Remise de la copie. Correspondaoces: — Lettres, redaction quand elle est con- fieecopie et envoi des lettres. Distribution du papier a ecrire, etc. Le directeur du Secretariat se tiendra au bureau du Secre¬ tariat et aura les collaborateurs necessaires. Le Secretariat est un atelier soumisa toutes les regies con- cernantles ateliers. • ; - r ! t i ' ? . r ■ 4 $ "i CHAP1TRE II. SEANCE DE LA GERANCE. La Gerance se reunit regulifcrement aux jours et aux heures fixes par elle, et extraordinairement quand un dc *es membres le croit necessaire. Le President ouvre la seance et la dirige. On commence par lire le proc^s-verbal de la seance prece- dente, qui est ensuite signe par le President et le secretaire. 78 f COLONIE ICARIENNE. A la premiere stance dechaque semaine, le directeur des finances communiquera a la Gerance, et remettra a son pre¬ sident la situation fmanciere de la Society le montant de la recette et des paiements pendant la semaine precedente, ainsi que le montant de la caisse, des crdances et des dettes aver leurs echeances. Chaque membre fait son rapport, 1° sur la commission qu’il a presidde et pour laquelle il a du rddiger ou faire rediger un proces-verbal; 2° sur Texecution des mesures doni l’exdcu- lion iui a etd confine; 3° sur Tensemble de sa direction ; l\° sur ses observations a communiquer; 5° sur ses propositions et demandes. A cet effet, chacun aura un carnet sur lequei il inscrira ses observations, ses propositions et ses demandes. Puis, la Gerance discute etddcide. Chacun est chargd de 1 "execution des mesures qui le con- cernent. —Il lesinscrit sur son carnet . Quand 1’execution concerne plusieurs membres, ilsdoivent se prdvenir et se concerter. Tonies les mesures ou questions generates ou importantes doivent etre soumises a la Gerance, notamment les achats, depenses, voyages, distribution des logements, placement des ateliers ei magasins, des ecoles et Stablissements publics ;— la distribution des travailleurs. Quand un achat est considerable , les objets a acheier doivent etre detaiiles sur une autorisation donnde par le pre¬ sident, et rapport^e pour justifier l’achat. En cas d’urgence, entre deux reunions de la Gerance , chaque directeur general pourra decider et faire exeeuter provisoirement les mesures qui lui paraitront ndcessaires, en en rendant compte a la Gdrance dans sa premiere reunion. Chacun est chargd de soutenir, devant l’Assemblde g£n6- rale, les propositions de la Gerance concernant sa direction. RfeGLEMENT POUR LA GfiRANCE. 79 Un relevg de tous les rapports d’ateliers sera soumis chaque semaine ala G£rance, puis un rapportg6n£ral sera, tous les mois, communique a PAssembl£e g6n£rale et alfiche. Chaque semaine, le President fait a P Assemble g6n6rale, un rapport sur les operations importantes de la Gerance et sur les faits g£n£raux les plus interessants. CHAPITRE III. — DEVOIRS DES GRANTS. Chaque merabre de la Gerance doit generalement comman¬ der ou parler au nom de la Gerance. II doit veiller a ce que les decisions de la Gerance soient executees , et faire son rapport sur le refus d’exGcution, et sur les propos inconvenants sur Padministration. II doit commander avec egards et fraternite, ecouter et transmetlre les observations, mais eviter toutes les discus¬ sions et les pcrsonnatites. Les membres de la Gerance doivent 1 'exemple de toutes ies vertus icariennes , et de Paccomplissement de tous les devoirs icariens, notamment de la fideiite aux principes; —du respect pour la Constitution, les lois et les reglements;—de I’activite, du travail, de Pexactitude, du zeic et du devouement a la Communaute ;—du soin, de Veconomie , de Vordre et de la proprete. Chacun doit s’exercer a etre prevoyant et a prendre Pinitia- live dans sa direction. Chacun doit soigner son magasin, le mettre en ordre, in- scrire sur un registre tout ce qui y entre et tout ce qui en sort, en faire Pinventaire annuel et en etre responsable. Un membre de la Gerance et tout autre fonctionnaire ne peut quitter sa fonction qu’aprfcs le temps fix6 par PAssembl£e g6n£rale. Chaque membre sortant de la Gerance lui remettra ses 80 COLON1E ICARIENNE. inventaires, registres, livres, notes, magasins, et tout ce qu’il aura comme membre de la Gerance. Les membres de la Ggrance s’entendront pour que le dimanche, il y ait toujours Tun d’eux au bureau de la Ge¬ rance pendant un certain nombre d’heures, annoncg a la Communaut£. Toutes les ecritures du secretariat et de la comptabilite seront reraises au President chaque dimanche, avant midi. Personne ne doit se permettre aucune personnalite contre un fonctionnaire quelconque; mais chacun peut et doit adres- ser sa plainte a la Gerance ou a l’Assemblee. A la fin de chaque seance de l’Assembl6e generate, le Pre¬ sident de l’Assemblee doit toujours dire : «Si quelqu’un a quelque reclamation a former, qu’il demande la parole! » Nauvoo, le 15 decembre 1853. RAPPORTS D’ATELIER. Les directeurs de lous les ateliers, fixes ou mobiles, per¬ manents ou temporaires, sans exception, feront des rapports hebdomadaires indiquant le travail de chacun des membres de Patelier, le produit de l’atelier, les accidents, les abus, les infractions aux rfcglements, et g£n6ralement tout ce qui, dans l’atelier, int£resse la Communautg. Celui qui travaille seul fera £galement son rapport. Quelques-uns des directeurs pourront etre autorisgs a ne faire leurs rapports que tous les quinze jours, ou apres chaque operation terminee. Les rapports devront&re deposes le mardi. Ils seront deposes dans la boitc du r£fectoire et remis cha¬ cun au membre de la Gerance dans les attributions duquel 1'atelier est plac£. Celui-ci remettra au President, avant le jeudi suivant, tous RAPPORTS D’ATELIER. SI les rapports qu’il aura recueillis^ avec son propre rapport contenant ses observations. Le President communiquera a l'Assembtee generate, Ic samedi suivant, les fails les plus importants qui pourront resulter des rapports. Au commencement de chaque mois, il communiquera un rgsumd de tous les rapports. RAPPORTS Concernant Les finances et La nourriture . Commission de nourriture; — commission de comptabiiitS. Moulin ;—distillerie;—porcherie;—boucherie;—charcute- rie Boulangerie;—volaille ; — laitage;—chasse;—peche;— chaque atelier de jardinage ;—grande cuisine;—refectoire ; —cuisine de i’infirmerie;—distribution des aliments exception- nelscuisine du moulin;—cuisine de chaque atelier mobile; — Distribution du sucre et du cafe, du whiskev et du tabac. RAPPORTS Concernant Le vttement et le logement . Commission de vetements. Tailleurs;—cordonniers;—sabotiers — formiers et balais; —tanneurs;—chandellerie; —savonnerie ; —huilerie ; — tis- seurs;—teinturiers;— filage;— matelassiers; — buanderie ;— lavoir;— lingerie;—repassage;— lingeres;— raccommodeuses; —couturibres; —distribution du chautTage etde l^clairage. — RAPPORTS Concernant les dcoles et La sante . Commission des 6co!es;—des divertissements ;—comrnis- saires des spectacles, jeux, divertissements, promenades, fetes. 82 COLONIE ICARIENNE. Chacune des trois ecoles ; —chaque instituteur ; —ateliers d’enfants;— musique;— bibliotheque; — livres recus dans la semainedonnes en lecturemedecine;—sage*femrae ;— dentiste;—infirmeriepharmacie theatredecorations ; —directeur du spectacle;—surveillant des chetnins, etc. RAPPORTS Concernant C Industrie et Cagriculture. Commission de Tindustrie; d’atelier, Masons , etc.; — menuisiers; — tourneurs;-— peintres ;— vitriers;—charpentiers;—charrons ; — tonneliers;—-mecani- ciens;—forgerons; —serruriers ;—toliers ferblantierscor- derie;—Vanniers;—moulin;—distilierie; — scierieporche- rie;—ecurie de chevaux;—de boeufs;—de vaches seliiers; — charreiiers (chacun); — chaque ferme ; —bucberons dans Pile; —dans !a foret; — charbon; — flatboats; — chaque atelier mobile. RAPPORTS Concernant le Secretariat et Vimprimerie. Imprimerie ;—annonces;—brochures;— Revue lcarienne ; — abonnements ;—tirages;— Le Communist , abonnements, tirages;—secretariat;—travail;—memorial. Nauvoo, 15 decembre 1853. Le President de la Communaute , Cabet. r£glement POUR L’ASSEMBLEE. 83 REGLEMEAT POUR L’ASSEMBLEE GENERALE. Expose des motifs. Dans ious les pays, la loi sur les Assemblies ginirales est une des lois les plus importantes, puisqu’elle regie la confec¬ tion de toutes les autres lois. En Icarie surtout, c’est une des lois fondamentales et pres- que constitulionnelles. La Constitution Icarienne et la loi Icarienne sur i’Assemblee ginirale sont peut-etre les plus libirales, les plus dimocrati- queset ies plus populaires qui existent; car elles proclament et constituent la Souverainete du Peuple, le suffrage universe], le droit pour chaque citoyen de proposer les lois, de les dis- cuter et de les voter, en accordant aux femmes le droit d’as- sister aux Assemblies et de prendre part a toutes les discus¬ sions pour donner leuravis et difendre Ieurs intirets. La loi Icarienne va plus loin : elle diclare que l’assistance aux Assemblies ginirales n’est pas seulement un droit, mais encore un devoir; et ce principe, que l’assistance est un devoir, est un pas immense dans la pratique et Porganisation de la Democratic. C’est un devoir, en effel, pour i’Icarien, soit envers lui- meme, soit envers ses concitoyens, qui sont ses freres, soit envers la Communauti prise collectivement. C’est un devoir envers lui-meme, sous le rapport de son intiret propre et de sa digniti personnelle; car un etre intel¬ ligent et raisonnable, jaloux de sa digniti d’homme, et vrai- ment digne du nom d’homme dans la plus haute acception du mot, doit appricier et disirer les jouissances intellectuelles et morales avant les jouissances matirielles et sensualistes; il doit disirer avant tout la Liberti, l’Egaliti, la Fraterniti, et faire tout ce qui dipend de lui pour s’en assurer la posses- 84 COLONIE ICAR1ENNE. sion. Celui-la ne m£riterait ni le nom de D6mocrate , ni meme celui d’homme, ni surtout celui d’Icarien, qui dedaigne- rail d’exercer les droits de citoyen et, par consequent, d’assister aux Assemblies ginirales pour y prendre part a la confection des lois qui doivent rigler ses actes et son sort. Aussi, partout les travailleurs et les proletaires reclament a tout prix la reconnaissance et la pratique du principe de la souveraineti duPeupIe, du suffrage universel et de la partici¬ pation de chaque citoyen a la confection des lois et a la deci¬ sion des affaires publiques. Or, les Icariens, peuverrt jouir en Icarie de tous ces avanlages sans aucune reserve et sans aucun obstacle ; ne serait-ce done pas se manquer a eux-memes et se donner un dimenti, s’ils pouvaient nigliger Texercice de leur droit ? L’assistance a l’Assemblee est aussi un devoir pour chaque Icarien envers ses freres, parce que chacun leur doitle tribut de son intelligence, de son instruction, de son experience, de sa capacite, de ses observations, de ses opinions et de ses conseils ou de ses avis. &tre indifferent au bien public et au bonheur de ses freres, pour ne s’occuper que de ses jouis- sances personneiles, ce ne serait pas seulement un acte de folie, qui pourrait compromettre ses interets particuliers, mais ce serait encore un acte d’6goisme, de mauvais citoyen et de mauvais frere. L’assistance a l’Assembl£e g£nerale est encore un devoir rigoureux envers la Communaute, consideree collectivement; car la Communaute est profondement interess£e a ce que tous ses membres s’instruisent et se moralisent autant que possible, connaissent tous leurs interets, tous leurs devoirs, toutes les lois, tous les r&glements, toutes les decisions, tout ce qu’il faut faire ou 6viter afin de pouvoir ex£cuter et pratiquer; or, e’est dans TAssembl^e generate seule que lout peut s’ap- prendre, se connaitre, se perfectionner; et celui-la pourrait nuire essentiellement a la Communaute qui, en n<§gligeant RfcGLEMENT POUR L’ASSEMBLfiE. 85 d’assister a ses Assemblies, s’exposerait nicessairement a vio- ler les lois et les devoirs sociaux faute de les connaitre. Ce devoir d’assistance aux Assemblies exisle ividemmeot pour les admis provisoirement comme pour ceux qui sont difmitive- ment admis. Ge devoir existe ividemment aussi pour les femmes comme pour les hommes, pour les jeunes lilies et les jeunes femmes comme pour les femmes plus agies; car la Communaute est ividemment intiressie a ce qu’elles connaissent tous leurs devoirs comme leurs droits, tomes les dicisions et toutes les regies de conduite, afin qu’elles puissent s’y conformer. II en est de meme encore pour les jeunes gens hors des icoles. Toute la Colonie doit done etre reunie tout entiere, autant que possible, en Assemblie ginirale, pour s’instruire et faire les lois, en meme temps que pour fraterniser. Et celui ou celle qui, au lieu d’assister a l’Assemblie gini¬ rale, irait passer la soirie ailleurs, surtout chez des personnes itrangires a la Gommunauti, manquerait igalement a tous ses devoirs. Gependant, quoique la masse des Icariens se montre fidele a ce devoir, l’expirience a signali quelques abus el la nices- siti de quelques mesures d’ordre et de quelques dispositions reglementaires ou de quelque rappel a la loi pour riaiiser complitement le principe ci-dessus, et pour garantir igalement la liberti de tous. Ainsi, de ce que e’est un devoir pour chaque Icarien et chaque Icarienne d’assister a l’Assemblie ginirale, il en resulte nicessairement que personne ne peut en etre dispense que par line impossibilili absolue, provenani d’une maladie ou d’une absence forcie ou d’un service public ; que les nour- rices elles-memes ne pourront s’en exempter dis que Ton pourra prendre les mesures nicessaires pour leur rendre la chose possible; que celui qui ne peut assister doit, quand il le peut, privenir la Girance ou le Bureau de l’Assemblie; 86 COLONIE ICAR1ENNE. qu’ii doit faire connaitre loyalement le motif de son absence; que cette absence et son motif doivent etre constates dans le procfcs-verbal ou dans un rapport special; que chacun doit arriver a l’heure indiqude, et ne doit sortir qu’a la fin de la seance. Pour l’ordre et la facility de compter les presents, les absents, les votes pour ou contre, dans chaque categorie, des places s^pardes doivent etre designees pour les femmes, pour les jeunes gens, pour les admis provisoirement et pour les admis definitivement; et chacun doit se placer dans sa catego¬ rie , en occupant une des places les plus rapprochees du Bureau^ de mani&re que les places vides puissent etre occu¬ pies par les derniers arrivants, sans deranger personne. Tant qu’ii y aura un certain nombre de personnes, des nourrices surtour, qui ne pourront pas assister a quelques siances, il sera necessaire de prendre des mcsures pour leuT faire connaitre ce qui se sera passe dans ces stances. Inutile de dire que le silence, la gravite, la dignite, toutes les convenances, doivent regner dans 1’Assemblee Icarienne, avec la Fraternite, i’Egalite et la Liberty; que chacun doit etre assis, et que toutes les tetes devront etre decouvertes des qu’on aura pu disposer la place necessaire pour y deposer les coiffures. En attendant, personne ne peut prendre la parole qu’apres s’etre decouvert. Mais la loi du 30 janvier 1851, qui regie beaucoup d’autres questions sur les droits et les devoirs des membres de r Assem¬ bler, sur le Bureau, sur le vote, etc., ne privoit pas le cas de I’ abstention, parce qu’ii itait difficile pour l’auteur de la pro¬ position ce cette loi de privoir un pared cas; et comme il s’est presente plusieurs fois depuis, il est desormais ndcessaire de le regler. Un Icarien present au vote peut-il done s’abstenir de voter pour ou contre ? — Nous ne le croyons pas, parce qu’un Icarien, qui n’est admis qu’apres avoir ddclard qu’ii con- nait tous les Merits Icariens, la Doctrine, les principes et le sys- tfcme Icariens, la Constitution et les Lois Icariennes; qui, dds REGLEMENT POUR L’ASSEMBLlSE. 87 lors, doit avoir de l’instruciion sociale et politique; qui, d’ail- leurs, a assists a toute la discussion d’une question quelcon- que, et qui a pu demander toutes les explications necessaires, ne peut pas, raisonnablement et sincerement, affirmer qu’il n’a aucune opinion, ni pour ni contre; et, par consequent, il ne peut pas s’abstenir, car., autrement, plusieurs et beaucoup pourraient le faire, et alors que ne pourrait-on pas dire des Icariens ? Nous ne pouvons pas admettre qu’il y ait aucun esprit de parti dans l’Assemblee Icarienne, ni que personne puisse ne pas avoir le courage de son opinion, et par consequent nous pensons que chacun doit voter sans s’abstenir. Nous pensons meme que chacun doit etre pret a donner et a motiver loyalement son opinion, et qu’il doit le faire sans repugnance et sans hesitation, sur I’invitation du President de la Gommunaute ou du President de l’Asseinblee. ou d’un autre membre. Par consequent, quand le vote a lieu par main levee ou par assis et leve, ce serait manquer de courage etde loyaute que de s’abstenir clandestinement d’y prendre part. II en est de meme du vote pour une election: i’absten¬ tion serait injustiliable, parce qu’il est impossible qu’un Ica- rien ne connaisse personne digne et capable, soit d’etre prd- sentg comrne candidat, soit d’etre £lu. Quant a la forme du vote, le vote public par oui ou par non sur Cappet nominal est le plus solennel, le plus certain, le plus ddmocratique et le plus Icarien; il devrait etre toujours employe s’il n’exigeait pas un temps plus long, qui peut etre mieux utilisd : cependant on peut convenir qu’il sera prefere pour le vote sur i ensemble d’une loi, ou pour les questions importantes, ou quand le President de la Communaut6 le de- mandera ou quand dix membres se leveront pour le reclamer. Et quant au vote pour l’election , comme la necessity d’une majority absolue pourrait entrainer plusieurs scrutins et une 88 COLONIE ICARIENNE. grande perte de temps, on peut convenir que Toperation sera terminie nicessairement au troisiime tour de scrutin, par un ballotage entre les deux candidats qui auront obtenu le plus de voix au second tour. L’election des deux Vice-Presidents et des trois secretaires de TAssemblee generale pouvant exiger trop de temps par le vote ecrit, ii est raisonnable d’abriger et de faciliter t’opera- tion, en preferant le vote par assis et leve. La loi du 30 Janvier parle de Vordre du jour annonce d’a- vance pour la discussion* afin que chacun puisse se preparer sans pouvoir etre surpris : mais pour atteindre complement ce but, il faut que le projet a discuter et ses motifs soient. ri- diges par ecrit, communiques, publics, affiches, et lus en- suite en Assemblee; et pour que la discussion soit complete, il faut qu’il y ait d’abord, si quelqu’un la demande, une discussion ginirale sur le principe, puis une discussion et un vote sur chaque article en particulier, puis enfin, un vote general pour adopter ou rejeter la proposition. Ii sera utile que les votes importants soient publies. Les Icariens qui ne parlent et qui ne comprennent pas par- faitement le francais, doivent-ils assister aux assemblies ? — Il y a quelques raisons pour les en dispenser, mais d’aulres raisons plus nombreuses et plus fortes pour repousser Tex- ception; car ils auraient une sorte de privilege apparent; ils resteraient plus longtemps etrangers a la langue; ils ne prendraient aucune part aux discussions et aux votes; ils ignoreraient presque tout, ne pourraient rien exicuter, et seraient comme etrangers au milieu dc leurs freres. Mais, si on les admet sans connaitre la langue, et si on les oblige a assister aux assemblies, il faut alors prendre tous les moyens possibles pour leur apprendre le francais, et pour leur faire comprendre la proposition, la discussion, la question a decider et le vote. Quel est le nombre de votants necessaire ou pour une dili* REGLEMENT POUR L’ASSEMBLfiE. 89 beration ou pour une Election? — La loi du 30 Janvier ne le die pas, mais nous pensons que ce nombre peut etre rai- sonnablement fixe aux neuf-dixibines des membres presents sur les )ieux et sans empechement legalement constate et reconnu. Enfin, six Commissaires, tires au sort a tour de rdle pen¬ dant un mois, qui choisiront entre eux un directeur, nous paraissent necessaires pour conslater les presences et les absences, les entries et les sorties, pour faire placer, pour compter les votes, et generalement pour veiller a l’ordre dans I'Assemblee et faire un rapport au President de la Com- munaute. Par ces diverses considerations, et tout en confirmant l’execution de la loi du 30 Janvier 1851, nous proposons aux membres de la Communaute Icarienne d’y ajouter les dispositions r£glementaires suivantes: » REGLEMEIMT. Art. l er . — C’est un devoir absolu pour tous les Icariens et toutes les Icariennes d’assister a I’Assemblee generate. Art. 2. — Un empechement absolu peut seul en dispenser* Art. 3.— Une maladie, une absence forceepour un service public, peuvent seules etre un empechement legitime. Art. A. — Les nourrices meme devront y assister dbs que Ton aura pu prendre les mesures necessaires pour que la chose leur soit possible. En attendant, la Gerance prendra les mesures convenables pour qu’elles connaissent ce qui se sera passe dans I’Assemblee. Art. 5. — Les membres qui ne parlent pas francais ne seront pas exempts d’assister a I’Assemblee ; mais la Gerance prendra les mesures necessaires pour qu’ils connaissent tout. Art. 6. — Celui quise trouve dans [’impossibility d’assister, doit, autant que possible, faire prevenir le Bureau ou la Gerance. 90 COLONIE ICARIENNE. Art. 7. — Chacun doitse rendre exactementa l’heure indi- qutte. Art. 8. — La seance doit s’ouvrir r£gulteremeni a heure fixe. Art. 9. —Les femmes, les admis provisoirement, lesjeunes gens, les admis definitivement, ontdes places separates. Art. 10, —Les femmes ont une porte particuliere pour Tenths et la sortie. Art. 11. — En entrant, chacun doit occuper une des places vides qui sont les plus pr£s du Bureau. Art. 12. — Personne ne doit rester debout, ni prbs du poele. * « Art. 13. — Chaque seance commencera par Tappel nomi¬ nal. Les absences seront constatees auproces-verbal, approu- v£es ou ddsapprouv£es par i’Assembtee dans la meme seance ou la seance suivante. Art. Ik. — Les neuf-dixiemes des membres presents sur les lieux et non empeches sont necessaires pour commencer une discussion ou une election. Art. 15. — Toutes les propositions de loi doivent etre r£di- g£es, motivees, communiquees a la Gerance, lues publique- ment et raises a i’ordre du jour huit jours au moins avant la discussion. Art, 16. —Les affaires (['Administration el toutes les ques¬ tions urgentes sont exceptees de cette r&gle. Art. 17. — En cas de reclamation, la majority des trois quarts sera necessaire pour la declaration d’urgence. Art. 18. — Chacun pourra demander une discussion gene¬ rate avant la discussion de chaque article. Art. 19. — Chacun doit etre d£couvert en parlant. Art. 20. — Personne ne peut s’abstenir de voter, ni sur Tappel nominal, nipar assis et lev£, ni par main lev£e. REGLEMENT POUR L’ASSEMBLEE. 91 Art. 21. — Chacun doit exprimer et motiver son opinion quand un autre membre desire la connaitre. Art. 22. — Personne ne peut s’abstenir de voter dans une Election. Art. 23. — Le vote sur Ensemble d’une loi aura toujours lieu par rappel nominal. Art. 2&. — 11 pourra avoir lieu de la merae manure sur un ou plusieurs articles particuliers, quand il sera demande par le President de la Communaute ou par dix membres qui se leveront a cet effet. Art. 25. — Les votes sont publics. Art. 26. — Le vote se fera toujours a la majority absolue toutes les fois qu’une loi speciale n’exige pas une majority plus forte. Art. 27. — En cas detection, quand aucun candidal n’ob- tient la majorite absolue au deuxieme tour de scrutin, Elec¬ tion se fait au troisieme tour, par ballotage entre les deux candidats qui ont obtenu le plus de voix au deuxieme. Art. 28, — L’election des deux Vice-Presidents de P Assem¬ ble et des trois Secretaires, pourra avoir lieu par assis et leve ou par main levee. Art. 29. — Un etranger ne pourra assister a PAssembiee qu’avec Pautorisation du President de la Communaute. Art. 30. — La Gerance aura une table separee aupres de celle du bureau de PAssembiee. Art. 31. — Six commissaires designes a tour de r61e pour un mois, choisissant un directeur, sont charges de veiller a Pordre dans le placement des membres, de constater les entrees tardives et les sorties, ainsi que les votes et les abstentions et toutes les infractions au present reglement. Le Directeur redigera un rapport, qui sera annexe au procfcs- verbal et lu avec celui-ci a PAssembiee. Art. 82. — Deux des six Commissaires aideront le Com* 92 COLONIE ICARIENNE. missaire du rgfectoire a disposer la salle avant et apres la seance. Art. 33. — II y aura un reglement particulier pour la disposition de ia salle, sa preparation, son chaufifage, son eclairage, etc. Fait a Nauvoo, le 3 mars 1855. Ce projet, discutG dans trois stances de TAssemblee g6n£- rale, est enlln vot6, le 22 avril, par appel nominal, et adopts par 129 oui contre 2 non, et devient le r&glement de noire Assemblee g£n£rale, en remplacement de celui du 30 janvier 1851. ECOLES ICARIENNES. L’education est trfcs difficile pour nous avec des enfants de tous ages, dont beaucoup, forcement n£glig£s et presque abandonn£s a eux-memes, comme le sont forcement et gene- ralement les enfants d’ouvriers, nous arrivent sans aucune instruction et avec plus ou moins de mauvaises habitudes : cependant nous pouvons remarquer dans nos £coles des ame¬ liorations et des progres satisfaisants sous tous les rapports. Vlnstruction consiste dans: la lecture, — FGcriture, — le dessin, — la grammaire, ou la connaissance de la langue francaise, — Fanglais, — la g£ographie elementaire, -- les elements d’histoire, — Tarithm^tique, — la geometrie el£- mentaire, — la musique. Nous voulons leur faire connaitre principalement les ele¬ ments de V His to ire natureile dans toutes les choses prati¬ ques et usuelles, sur les industries, les metiers, outils, machines, etc.; car c’est unepartie essentielle de ^instruction. — Mais, il faut des livres, des instruments, c’est-a-dire beau- coup d’argent pour tout ce qui est ngcessaire dans une £coie bien organist, et nous ne pouvons marcher que graduelle- REGLEMENT POUR LES ECQLES. 9S mentet lenteraent. Plus tard, nous ferons un appel a la g£n£- rosit£ de tous les amis de l’enfance, pour qu’ils nous aident a nous procurer tout ce qui est n£cessaire a l’6cole. Les gar cons, comme les fllles, font tous leurs petits tra - vaux de manages. Des que nous pourrons avoir les empla¬ cements ndcessaires, ils feront leur cuisine, leur blanchis- sage, etc., en sorte que les deux dcoles se suffiront par leur travail, et formeront une Communautd d’enfants qui deviendra tout naturellement une grande Communautd d’hommes et de femmes parfaitement prepares pour tous les besoins et tous les travaux de la Communaute. Les plus grands des garcons aident les citoyens pour le travail de l’agriculture, pendant les semailles, les r£coltes, etc. — Les fllles aident pour quelques-uns des travaux; pour la cuisine, le nettoyage des legumes, etc. Elies ont un atelier de couture; dans leque), sous la direction deplusieurscitoycmies elles confectionnent des vetements d’hommes et de femmes pour les trois 6coles. En outre, les dies ont, chaque semaine, fait les adresses et pli6 les feuilles pour les journaux americain, allemand et fran^ais, fait du carton, plid et colld toutes nos brochures. * - Quant a l’Education proprement dite, voici le Reglement pour les deux ecoles : Reglement pour les ecoles. Devoir des enfants , Article l er . — G’est un devoir pour chaque enfant : 1° D’aimer et respecter son pfcre et sa m&re; 2° D’aimer ses freres et sceurs; S c D’aimer ses camarades comme des fi bres et des soeurs; W De respecter les personnes chargdes de son Education et de son instruction, et d’avoir pour elles de la reconnais¬ sance ; 94 COLONIE ICARIENNE. -] 5° D’aimer la Communaute qui !e protege, et veut son bonheur; 6° De respecter les pfcres et mferes de ses camarades, comme ii desire que ses camarades respectent son pere et sa mfere; 7° D’etre honnete et poli envers lous les Membres de la Communaute et envers les Strangers; 8° D’etre particulifcrement respectueux et prgvenant envers les femmes, les jeunes Giles et les vieillards ; 9° D’etre vrai, sincere, franc et loyal, sans jamais mentir; 10° De reconnaitre et d’avouer courageusement une faute commise avec la resolution de ne pas la repeter; 11° D’eire docile et obeissant envers les personnes char¬ gees de le diriger; car l’obeissance est absolument neces- saire et la desobeissance est une faute absolument intolerable; 12° D’etre attentif aux paroles qui lui sont adressees; 13° D’observer le silence a 1’ecole, au refectoire, au dor- toir, dans toutes les reunions de la Communaute. 14° De prendre meme l’habitude de ne pas crier et de ne pas parler trop haut. 15° Surtout de ne jamais faire un bruit inutile qui puisse incommoder quelqu'un; 16° De prendre [’habitude de la proprete sur sa personne et sur ses vetements, en tout et partout; 17° D’etre soigneux et econome; 18° De prendre l’habitude de I’ordre et de la discipline; 19° D’observer tous les Rfcglements; 20° De se soumettre, sans murmure, aux punitions qui pourront leur etre infligees; 21° De prendre pour rfcgle de toutes ses actions ce pre- cepte ; JSefais pas a un autre ce que tu ncvoudrais pas qu'il tc RfeGLEMENT TOUR LES fiCOLES. 95 fit. — Au contraire , agis cnvers autrui comme tu vou - drais qu'il agit envers toi-mdme ? 22° De se demander toujours avant d’agir: Voudrais-tu qu’un autre fit cela contre toi ? — Ne voudrais-tu pas qu’un autre fit cela pour toi? 23° De prendre Thabitude de r^flechir, afin de pouvoir toujours expliquer, motiver et jastifier tous ses actes. Art. 2. — II est defendu : 1* De jeter des pierres; 2° De faire du mal aux animaux; 3° De s’^loigner de la surveillance de ceux qui sont charges de surveiller; U° De sortir de Tenceinte de l^cole sans autorisation sp£- ciale; 5° De passer par dessus la cloture; 6° De prendre des fruits; 7° De manger des fruits verts. Travaux de menage. Art. 3. Les enfantsdoivent faire, dans l^cole, tous les tra¬ vaux de manage quails peuvent faire suivant leurs forces, comme : 1° Faire leurs lits; —2° Nettoyer leurs habits et leurs chaussures; — 3° Se peigner ; — 4° Se laver; — 5° Balayer le dortoir et l’£cole; — 6° Faire le feu; — 7° Aller chercher le combustible, Teau, les aliments; — 8° Servir, desservir et nettoyer les tables; 9° Nettoyer ou reporter la vaisselle. Art. U. — 11s doivent prendre Thabitude de tout faire avec activite et le mieux possible. Art. 5. — Le service est distribuS pour chaque semaine entre les plus grands: deux sont charges de balayer le dor- 96 COLONIE ICAR1ENNE. toir, le Refectoire et les Classes ; d’essuyer, de nettoyer et de tout mettre en ordre. — Deux sont charges de nettoyer la chaussure pour tous. Deux sont charges d’avoir l’eau et le cbauffage, d’allumer le feu, deservir et desservir les tables. TRAVAUX MANUELS. Art. 6. — II faut habituer les enfants a tous les petits tra- vaux manuels qu’ils peuvent executer, notamment a faire : — des corbeilles, paniers, etc.; — des nattes de jonc; — des chapeaux de paille; — des chaussons de lisiere ; — des filets; des travaux de terrassement; — de jardinage; — d’agricul- ture, de rdcolte. Art. 7. — Les petites filles seront particuli&rement exerc£es aux travaux de lingerie et de couture ; — filature et tricot:— menage et cuisine. ELEVES SOUS-DIRECTEURS. Art. 8. — Pour les travaux de menage et autres, pour l’e- tude, pour les recreations et les promenades, chacun des plus grands et des plus raisonnables pourra etre charge, sur sa responsabilite, d’en diriger plusieurs autres, de les aider, de les instruire, de les guider et de faire un rapport sur leur conduite. Art. 9. — Ces surveillants doivent donner le bon exemple de tout. Art. 10. — Ils doivent diriger les plus jeunes avec douceur et fraternite, et en meme temps avec fermete; c’est un devoir pour eux; ils sont responsables. Art. 11. — Les plus jeunes doivent les ecouter avec defe¬ rence. CONDUITE DANS LES CLASSES. Art. 12. — Chaque eleve doit: 1° entreren classe au signal convenu. — 2° Y entrer sans bruit, en y marchant doucement. RfeGLEMENT POUR LES fiCOLES. 97 — 3° Y conserver sa blouse. — 4° Y deposer sa coiffure et rester tete nue. — 5® S’asseoir a Tinstant. — 6° £tudier sans perdre de temps. — 7° Ne se livrer a aucun jeu pendant (a lecon. — 8° Ne causer aucun derangement a ses voisins. ORDRE, SOIN, PROPRETfS. Art. 13. — Chaque eifcve doit : 1° Soigner ses livres, cahiers, etc. — 2° Couvrir son encrier. — 3° Soigner et replacer ses jeux. —4° fiviter soigneusement de salir ou decbirer et gater ses vetements; — de se trainer par terre;— de courir sur les bancs; — de marcher sans ngcessite dans la boue ou la poussi&re. Art. 14. —II faut faire de frequentes inspections pour constater les manques de soin et de proprete. BONNES ET MAUVAISES HABITUDES. Art. 15. — Les enfants doivent eviterles habitudes genantes pour soi ou desagreables pour les autres, et prendre les ha¬ bitudes contraires. Art. 16. — 11s doivent prendre l’habitude : de ne pas man¬ ger ni boire hors des repas; — de ne pas trop manger ni boire ; — de manger de tout sans repugnance pour aucun ali¬ ment. Art. 17. Ils doivent aussi prendre l’habitude de ne jamais entrer dans une habitation sans avoir nettoye leurs cbaussures; — de n’y pas faire de bruit; — de fermer les portes ; — de les ouvrir et de les fermer sans bruit, PROMENADES. — SORTIES. Art. 18. — Les promenades se feront en rangs par deux ou par trois. Art. 19. — II y aura toujours un surveillant-directeur, qui se tiendra hors des rangs. 98 COLONIE ICARIENNE. Art. 20.— Dansles rangs, on nepeutcauser qu’avoix basse. — On ne doit quitter les rangs que quand le Directeur en donne le signal. — On ne doit pas s’&oigner du surveillant. — On doit reprendre les rangs dfcs qu’il le demande. — Le surveil¬ lant est responsable. — II doit faire un rapport pour signaler les infractions et les desob£issances. Art. 21. — Tout ce qui pr£cfcde est applicable toutes les fois que plusieurs enfants ont a sortir ensemble de l’ficole, * j .». / .» * pour aller prendre des lecons ailleurs, ou pour de petits tra* vaux, ou pour des reunions dans l’interieur de laCommunautd. — Soit en allant, soit en revenant, i!s ne doivent ni quitter les rangs, ni faire de bruit, ni s’arreter, ni se d&ourner de leur route. 25 juillet 1853. Le President de la Communaute , CABET. REGLEMENT POUR LA POLITESSE. Vu les numerous 3, 4, 6, 7 et 8 de Particle l cr du Reglement des ficoles du25 juillet 1853, ainsi con$u : Art. l er . — C’est un devoir pour chaque enfant: 1° D’ai- mer ses camarades comme des frfcres et dessceurs; 2° De respecter les personncs chargees de son education, et d’avoir pour elles de la reconnaissance ; 3° De respecter les pferes et meres de ses camarades comme il desire que ses camarades respectent son pfcre et sa mfcre ; 4° D’etre honnete et poli en- vers tous les membres de la Communaute et envers les Stran¬ gers ; 5° D’etre particulifcrement respectueux et pr£venant envers les femmes, les jeunes lilies et les vieillards. Considerant que la politesse fraiernelle envers les camarades et la politesse respectueuse envers les Directeurs de l’ecole, les membres de la Communaute et les Strangers, doit s’exercer et se manifester par des actes ext£rieurs; RfeGLEMENT POUR LES fiCOLES. 99 ConsidPrant que les manifestations de politesse fralernelle, bienveillante, affectueuse et respectueuse, sont un des agrp- ments et des charraes de la vie sociale ou commune; et qu’il importe d’en faire prendre l’habitude aux enfants dans leur intPret comme dans celui de la Communaute; AprPs en avoir confPrP avec les Directeurs et Inslituteurs des Ecoles; Le President de la Communaute arrPte ce qui suit : Art, l er . — Les enfants exerceront ou pratiqueront entre eux la politesse en se disant bonjour et en se donnant amica- lement la main; 2. En abordant leurs maitres ou les membres de la Communaute, ou des Strangers visiteurs, ou en passant devant eux, ils doivent se dpcouvrir et saluer en signe de res¬ pect; 3. Quand ils leur parlent, ou que ceux-ci leur parlent, ils doivent rester dPcouverts; 4. Quand les visiteurs sont in- troduits dans la classe pendant la lecon, les enfants doivent, au signal du Maitre, se lever sans bruit et rester debout jus- qu’a ce qu’il leur fasse signe de s’asseoir; 5. Ils doivent exp¬ orter tout ce qui leur sera prescrit par les Maitres pour la po¬ litesse envers les Ptrangers. Fait a Nauvoo, le 21 novembre 1853, Le President de la Communaute , CABET. Ce rpglement est affichP dans les Ecoles, lu souvent, pour le graver en quelque sorte, dans la mPmoire des enfants. Chaque semaine, un Rapport hebdomadaire indiqueau Pre¬ sident de la Communaute, la conduite de chaque enfant sur toutes les parties de 1’Pducation et de Instruction. Et chaque mois un bulletin mensuel imprimP, indique a chaque famille, la conduite de chaque enfant pendant le mois. 100 COLONIE ICARIENNE. NATURALISATION DES ICARIENS. Les Icariens, voulant s’etablir definitivement dans les Etats- Unis d’Amerique, veulent tons se faire naturaliser citoyens americains. La naturalisation ne peut etre acquise qu’aprfcs cinq annees de residence dans les fitats-Unis d’Amerique, dans un ou dans plusieurs de ces Etats. Pour Pobtenir, il faut: 1° avant trois ans, declarer son intention de se faire natura- liser; 2° deux ans aprfcs, former une demande en naturalisation et preter, devant une cour, serment d’obeissance a la Cons¬ titution des Etats-Unis. Plusieurs Icariens allemands, arrives en Amerique depuis plus de cinq ans, etaient naturalises avant d’entrer dans la Communaute. Soixante-trois autres Icariens, arrives a Nauvoo le 15 Mars 1849, peuvent etre maintenant naturalises, ayant declare leur intention le SO juillet 1852, Soixante et un le sont dej'a, au nombre desquels se trouve le cit. Cabet. Nous avons promis et jure de respecter la Constitution et les lois americaines, l’ordre et la paix publics, et nous serons fideies a notre serment. En retour, nous jouirons desormais de tous les droits et privileges des Citoyens americains. JE SUIS CITOYEN AMERICAIN. Me voici done maintenant Americain, Citoyen americain, adoptant la Republique des Etats-Unis d’Amerique pour ma nouvelle patrie, protege par sa puissance et par ses lois, per- sonnellement interesse a sa prosperite, a son honneur, a sa gloire, desirant viveraent qu’elle puisse atteindre la perfection en tout et servir de modele aux autres nations. J'aurai titre desormais pour exprimer publiquement mes opinions et mes sentiments sur toutes les questions, pour signa¬ ler les erreurs et les abus, pour soumettre a l’opinion publique des observations puisees dans les experiences faites dans d’au- tres pays. NATURALISATION. 101 Mais, mes anciens amis ne me diront-ils pas, comme ils me Pont deja dit: « Quoi! vous renoncez a la France, lorsque yos plus ardents adversaires y commencent generalement a vous rendre justice contre d’odieuses calomnies; lorsque vous pouvez y obtenir des manifestations d’estime et de confiance de vos concitoyens; lorsque votre ddvouement pourrait de- venir utile a votre patrienatale, et meme a votre chkrelcarie!» J’ai done besoin de repondre a ces objections, et j’y reponds; mais j’ai besoin aussi d’entrer dans quelques details, que mes amis me pardonneront sans doute. Je suis entre sur la scfcne politique d&s 1815* pendant les Cent-Jours, sans autre ambition que celle d’exercer honora- blement ma profession d’avocat-docteur en droit, d’occuper soit bientot une chaire de legislation, soit plus tard un siege dans la magistrature, et surtout de remplir mes devoirs de Citoven, ami de l’ordre et des lois comme de la liberty. Par mes opinions et mes sentiments, j’etais democrate et republi¬ can, populaire et humanitaire. Des cette dpoque, j'aurais pu, si je l’avais voulu, etre avocat- general ou substitut dans une Cour imperiale ; mais je preferai me consacrer a la defense de mes Concitoyens; et j’eus le bonheur d’en arracher un grand nombre, notamment le brave general Veaux, a la vengeance de la reaction royaliste de 1816. Si j’avais ete ambitieux, j’aurais cede aux seductions du parti bourbonnien, qui prodiguait les places et les honneurs pour attirer dans ses rangs les hommes qu’il croyait pouvoir lui etre utiles: mais je preferai braver la persecution pour conserver ma concience et mon independance, et je fus alors interdit de Pexercice de ma profession d’avocat, comme Repu¬ blican, d’abord pendant trois mois, ensuite pendant un an. En Juillet*1830, je pris part a la Revolution au peril de ma tete. • • J’acceptai le poste de procureur-general en Corse, dans fesperance que j’y pourrais etre plus utile qu’ailleurs a la cause 5 102 COLONIE ICARIENNE. de la Liberte: mais la marche du Gouvernement devenant chaque jour plus anti-democratiqne et anti-populaire, je me fis destituer. Bientot apres, je fus e!u par le departement de la Cote-d’Or, mon pays natal, membre de la Chambre des Deputes, ou j'acquis bientot la reputation d’etre a la tribune Porgane le plus avance de la Democratic. Je devins alors. Directeur de l’Association libre pour Peducation du Peuple. Cette direction, le Populaire queje creai, plusieurs ecrits queje publiai, notamment l 'His- toire de la Revolution de 1830, et les discours que je pro- nonpai a la tribune, attir&rent sur moi une nouvelle persecu¬ tion. Le lendemain de rinsurrection des 5 et 6 Juin 1832, Paris fut mis en etat de siege, afin de pouvoir plus aisement se debar- rasser des Deputes donl Popposition etait la plus genante, et l’on pensa d’ahord a prendre Lafayette et Laffitte , mais on s’arreta a prendre Cabet, Garnier-Pages et Laboissiere ; et comme on avait repandu le bruit completement faux, que je m’etais empare d’une des mairies de Paris ainsi que d’une grande quantite d’armes et de munitions qui s'y trouvaient, queje les avais fait distribuer aux insurges, et que j’avais ainsi fait tuer un grand nombre d’officiers et de soldats de la Garde nationale; si celle-ci m’avait trouve chez moi, j’aurais ete mas¬ sacre ou fusilie quoique parfaitement innocent, car j’etais completement etranger a Pinsurrection et meme oppose par principes au mouvement insurrectionnel. Aussi, quand, une heure apres la levee de Petat de siege, je me presentai chez le procureur du roi pour lui demander la prison et des juges, Pune etles autres me furent refuses. Peu apr^s, je fus poursuivi devant la Cour d’assises, quoi¬ que Depute, pour mon Histoirc dc La Revolution de 1830, considerde comme un acte d’accusation contre Louis-Philippe; mais je fus acquitte solennellement et triomphalement,en pre¬ sence de soixante membres de la Chambre, venns pour temoi- gnerpubliquementdeleursympathieenma favour; mais peu de NATURALISATION. 103 temps encore apres, poursuivi de nouveau pour deux articles du Populaire , Tun en faveur de la Republique, Pautre en faveur des Polonais, dans lesquels je prophetisais la chute de Louis-Philippe, s’il persistait dans son funeste systfcme anti- populaire, je fus condamne par un autre jury, et force de m’exiler pendant cinq ans en Angleterre. La, a Londres, m’enfermant dans mon cabinet comme dans une prison, eherchant a faire Pouvrage leplus utile au Peuple eta PHumanite, etudiant, travaillant nuitetjour, meditant sur le mal social, sa cause et son remade, j’arrivai au Commu- nisme en passant par la Republique et la Democratic; je r£di- geai le Voyage en Icarie , et je pris la resolution de consacrer le reste de ma vie a la propagation du Communisme lcarien. Rentre de Fexil en France, en 1839, je commencai une vaste propagande populaire, legale et pacifique, ayant pour but 1'instruction et la moralisation du peuple ; je publiai plus de quarante ecrits a cet effet; je prechai Pabandon des Societes secretes conspiratrices, les principes de fraternite et d’egalite, de liberte jointe a Pordre et d’ordre joint a la liberte, de tem¬ perance et de moderation; et la masse populaire accueillit avec enihousiasme cette propagande; et de tous cOtes Pon m’ecrivait qu’elle rendait plus de services a la Societe que ne pouvait lui en rendre toute la machine gouvernementale; mais de tous cotes aussi arriva la persecution contre moi avec les calomnies, et j’eus a subir beaucoup de petits procfcs auxquels j’eus lou- jours le bonheur d’echapper. Delapartdu parti conservateur, c’etait tout simple; mais malheureusement le parti revolution- naire du National et de la Rtfforme, aveugle par son impa¬ tience, fut peut-etre plus ardent encore a me calomnier et a m’entraver. Je pris alorsla resolution de proposer aux Icariens Pdmigra- tion en Amerique, dans les fitats-Unis, pour y fonder en¬ semble Icarie. Je preparais tout pour le depart, j’avais fait deux voyages 104 COLOME ICARIENNE. dans ce but en Angleterre, et je venais d’acquerir plus d’un million d’acres de terres au Texas, lorsque je fus arrete et pour- suivi sous le pretexte que mon voyage au Texas n’etait qu’une ruse et un mensonge pour masquer une conspiration et une insurrection avec !es Icariens, qui n’dtaient, disait-on, qu’une armee insurrectionnelle. Cette accusation etait si dvidemment absurde que la pour- suite fut abandonnde, aprds mon interrogatoire, et notre pre¬ miere avant-garde s’embarqua le 3 fevrier 1848, vingt jours avant la Revolution. Tant de persecutions pouvaient bien nTirriter; et, si j’avais eld vindicate ou ambitieux, la Revolution de 1848 m’offrait une belle occasion pour tenter de satisfaire des sentiments d’ambition et de vengeance ; mais je ne pensai qu’a faire une proclamation adressde aux Icariens et au Peuple pour les exborter a la generosite, au respect des personnes et des pro- pridtds, au ralliement autour du gouvernement nouveau, au devouement a la Republique, et a la Democratic, en ajournant inddfiniment nos idees de Conmiunautd. Cette proclamation, affichee presque partout en France, fut applaudie partout, et rendit un service tel que, dit Emile de Girardin dans la Pres.se, jamais peut-etre la Societd ne re^ut un plus grand service. Cependant, rien de tout cela n’empecha de nouvelles calom* nies et de nouvelles persdcutions; et, pour comble de malheur et d’incroyable aveuglement, la calomnie et la persecution vinrent alors du gouvernement provisoire et rdvolutionnaire lui-mdme, proclamant la Rdpublique et la Ddmocratie ! Un journal ministeriel (VAkbar) a pretendu que,au 17 mars, a la tete de plus de cent mille hommes du Peuple, j’ai tenu le Gouvernement provisoire en dchec et tente de me faire dicta- teur de )a France, tandis que beaucoup de mes amis m’ont reproche de ne pas l’avoir fait; la veritd est que, si, en Mars comme en Fevrier, j’avais ete ambitieux et temdraire, j'aurais pu tenter Tentreprise; mais la chose etait plus difficile qu’on ne le croit gdndralement, et d’ailleurs, je ne Pai pas voulu. NATURALISATION. 105 Au 16 avril, le faux bruit ayant Ete rEpandu a dessein que j’Etais au Champ-de-Mars, a cheval, a la tete de deux a irois cent mille Communistes pour renverser le Gouvernement, in- cendier et piller Paris, la Garde nationale armEe (plus de cent mille hommes) parcourut les rues et les quais, et dEfila plusteurs fois sous les yeux du Gouvernement en criant : A bas ies Communistes! Mort a Cabet! et Ton fit passer sous mes fenetres un cercueii vide sur lequel Etait ecrit: Cabet! Puis le Gouvernement et la Reaction firent tous leurs efforts, et employment tous les moyens pour Eloigner les Commu¬ nistes des elections dela Garde nationale, et pour m’empecher, moi personnellement, d’etre Elu reprEsenlant du Peuple afin d’avoir la parole en son nom. Sans ces manoeuvres, ou si j’avais soigne ma candidature, mon nom, comme le disait un jour Emile de Girardin, est un de ceux qui seraient sortis avec le plus de suffrages de l’urne Electorate; mais les manoeuvres gouvernementales el surtout les calomnies qui egaraient une partie du Peuple^ firent prEfErer, a un vieil ami Eprouve, des hommes inconnus et sans inlluence. Au 15 mai, deux des principaux fonctionnaires, intimes amis des membres du Gouvernement provisoire, firent envahir et violer mon domicile par une troupe nombreuse de la Garde nationale, et lancerent conlre moi un mandat d’arret, quoique je fusse encore comptetement Etranger et merae oppose aux EvEnements de la journEe, comme cela fut constatE par la grande enquete judiciaire et legislative qui fit connaitre la vEritE. Lors de Insurrection du 23 Juin, a laquelle j’Etais toujours Etranger et meme opposE, les memes partis rEvolutionnaires et contre-rEvolutionnaires rEpandirent le bruit que j’etais a la lEte des insurges a la place de la Bastille, dans le faubourg Saint-Antoine, et que j’y avais fait elever la premiEre barri* cade, calomnie qui m’aurait fait massacrer si j'avais EtE saisi cbez moi ou ailleurs. 106 COLONIE ICARIENNE. Enfin, assez heureux pour echapper a tous ces perils, je fus condamnd par un Tribunal correctionnel a un mois de prison, sous prdtexte que, le 15 Mai, on avait trouvd dans le bureau du Populaire quelques fusils oublies la par des gardes nationaux de la campagne et oublies aussi, a mon insu, par Pemployd gardien du bureau. A peine eus-je quitte la France, en decembre 1868, pour rejoindre les Icariens en Amerique,que je fus de nouveau l’objet de toutes les calomnies, repetees et rdpandues partout par les grands journaux rdvolutionnaires et contre-rdvolutionnaires : on disait notamment que je ne viendrais jamais en Amerique ; et je suis aujourd’hui Citoyen amdricain ! Bientot meme, en mon absence, on intenta contre moi Pac- cusation la plus absurde et la plus insensee, prdtendant que je n’avais jamais eu Pintention de venir en Amerique, queje n’avais imagine ce projet que pour tromper et depouiller les Icariens en m’enrichissant de leurs depouilles. Le ministere public soutint meme que Nauvoo n’existait pas (parce qu’il ne 1’avait pas trouvd sur sa carte); et maintenant je suis Citoyen amdricain a Nauvoo!! Cette accusation dtait infamante et ddshonorante; c’etait la mort morale demandde contre moi; mais c’etait aussi invraisemblable et incroyable qu’absurde, et ndanmoins reflet des calomnies rdpdtdes fut tel, que les quelques juges du Tribunal correctionnel me ddclar&rent coupable d’escroquerie envers les Icariens et me condamndrent a deux ans de prison et a la privation de mes droits de Citoyen francais pendant cinq ans. Mais je fis le voyage d’Amdrique en France, en mai 1851, uniquement pour me prdsenter devant la Cour d’appel et lui demander en personne la reformation du jugement. Tout en persistant dans l’accusation, le procureur-gdndral m’adressa publiquement de solennels remerciments au nom de la socidte pour Pimmense service que j’avais rendu a celle-ci par ma proclamation du 25 fevrier, et la Cour annula la condamnation NATURALISATION. 107 prec6demment prononcde contre moi par d6faut pendant mon absence. i I , ' f Ik' Ainsi, dans mon pays natal, en France, a Paris, apres une longue vie d’abnegation et de dgvouement, aprfcs ma procla¬ mation du 25 fevrier, criant au Peuple : Pas de vengeance! respect a la propriete ! la Garde nationale a pousse contre moi le cri de : Mori a Cabet! sous les yeux et avec la tole¬ rance du gouvernement provisoire et dictatorial ! Puis un Tribunal m’a condamn6 comme escroc, sous pr£texte que je n’avais jamais eu l'intention de fonder Icarie en Amerique. Condamne comme escroc, moi qui, si j’avais 6te le moin- drement cupide, pouvais profiler de tant d’occasions de m’enrichir regulierement, moi qui.... Ah! c’est une indignity ! Et si, a cause d’Icarie, Thistoire conserve mon noin, eile dira peut-eire que ces crisde mort, ce cercueil, cette condamnation comme escroc, sont une honte pour Paris et pour la France.... Mais je puis en gemir sans m’en Conner, quand je me rap- pelle que Socrate a £t<$ condamnS a mort comme corrupteur de la jeunesse , et que Jesus-Christ lui-meme a £t£ crucifix ou pendu comme un stditieux , un rdvolutionnaire , un corrup¬ teur , un voleur , un blasphemateur , un ennemi des homines et des dieux! • Puis enfin, aprfcs le 2 d£Cembre, quand je me disposals a ren- trer en Icarie, je fus expulse, sans jugement, comme chef de l’ecole socialiste ia plus popuiaire et la plus nombreuse; et je revins en Amerique. Eh bien, dans ces circonstances, pourquoi aurais-je h£site a me faire naturaliser Citoyen amgricain, sous la protection des lois d’une grande et puissante R6pub!ique ? Est-ce pour continuer a payer ma dette a ma pairie nataie ? Je crois l’avoir paytfe, aussi bien qu’aucun autre, et souvent au peril de ma tele. 108 COLONIE ICARIENNE. Est-ce dans l’espoir d’etre £lu depute francais? j’aurais accepts en 1848 dans Tespoir d’etre utile soit a la France, soit a Icarie; mais c’£tait 1’affaire du peuple plus que la mienne; et le Peuple, trompe et dgar6 ne l’a pas voulu ! Est-ce dans I’espoir d’obtenir quelqtie jour, de mes Conci- toyens mieux eclaires, quelque recompense des services que je puis leur avoir rendus ? Mais je n’ai fait que mon devoir, je n’ai agi que pour satisfaire ma conscience, et n’ai besoin d’aucun autre prix que le souvenir de ce que j'ai fait. Est ce dans l’espGrance d’occuper quelque poste Eminent au pouvoir ? Mais je n’ai jamais eu, et j’ai moins que jamais t’ambition des places et des honneurs. J’ai trop I’experience des hommes et des affaires, mon pays est trop divis£, le Peuple a trop de pr£juges, je connais trop peu d'hommes comme je voudrais les voir; le bien est trop difficile pour que je puisse me sentir la capacity d’etre utile a la France. Est-ce enfin pour mieux servir Icarie ? La servir est mon devoir, il est vrai; c’est ma tache; c’est mon role; et, pour mieux le remplir, j’aurais fait bien des sacrifices en 1848; mais mainienant il est trop tard, et le seul moven de lui etre utile, c’est, a mes yeux, de me consacrer ddsormais a ses interdts et a sa prosperity. Voila pourquoi,avec tous les Icariens mes freres, je viens de me faire naturaliser Citoyen americain. Ce qui ne nous empechera pas de faire toujotirs des vceux pour le bonheur de la France. CABET. SEPTlfeME ANNIVERSAIRE. 109 CELEBRATION DU SEPTIEME ANNIVERSAIRE I)U DfiPA R T DE • » f hA FBBMI11S AW Alf a GAlPI B Le matin du 3 fevrier, la Colonie proceda a relection de trois des Membres de sa Gerance, et Election fat pr^cedee d’un compte-rendu de la situation materielle et morale de la Communaute, ainsi qu’il suit: COMFTE MATERIEL. — INVENTAIRE. L’inventaire, au l er janvier 1855, presente: Un actif de. 8 73,163, 58. Un passif de. . . . .. g 8,377, 55. Par consequent un actif net de, 8 64,786, 03. Cet inventaire, luen Assemble generate, reste affiche dans le Refectoire. Ainsi l’actif net de 1854 est. ... g 64,786, 03. Tandisque l’actif net de 1855 etait 48,051, 9?. L’exc£dant ou le benefice de 1854 sur 1853 est done.8 16,734, 10. ou fr. . .. 87,854, 02. Aprfcs ce compte-rendu, il est procedd a relection de trois Gerants. Le Citoyen Cabet est reeiu President a funanimite. RECEPTION CIVIQUE. Avant cette election, l’Assembiee a procede a une impor- tante ceremonie; /’inscription civique d’un jeune Icarien, Edouard Marilz , qui vient d’atteindre sa majorite. 110 COLONIE ICARIENNE. Le President de la Communaute lui a dit: « Jusqu’a present vous etes entre, et vous avez demeure dans la Communaute par la volonte de vos pere et mere, dis- posant de vous, et vous dirigeant dans votrc interet. Mais aujourd’hui vous jouissez de votre intelligence, de votre raison, de votre volonte, vous etes non pas affranchi de reconnais¬ sance, d’affection et de respect envers vos parents, mais de leur tutelle legale; vous etes emancipe, independant et libre, quant a Texercice de vos droits sociaux et politiques; vous pouvez discuter et voter suivant votre propre conscience; vous pouvez, si vous ie desirez, choisir une autre Patrie qui vous offrira une autre Constitution et d’autres lois. o Cependant vous demandez votre admission dans notre Societe, et nous le voyons avec plaisir, parce que vous nous paraissez avoir toutes les quality Icariennes ; vous connaisse^ tout ce qui ( oncerne Icarie ; ses principes, son organisation, sa Constitution, ses lois et rfcglemeiits, son histoire et sa situation presente; vous acceptez tout librement et volontairement, en parfaite connaissance de cause, sans repugnance et sans reserve. Nous allons consulter l’Assembiee.w L’Assembiee, au nombre de 137 votans, adraet a Tunanimite, Edouard Maritz , comme citoyen et membre de la Cora- munaute. PROGRAMME DE LA FETE. Un enorme Programme, dans lequel notre imprimerie s’est distinguee, affiche au dedans et au dehors, a annonce la fete avec la distribution de la journee du 3 fevrier, 1’Assemble generale, le Banquet, etc., la soiree avec le spectacle. SEPTlfeME ANNIVERSAIRE. Ill AMELIORATION DANS LE SERVICE DES TARLES All REFECTOIRE. i.) f- «'^ ‘ ^ i *,.*•.*♦ vb ::aoI Depuis notre arrive en AmGrique, nous avions la meme vaisselle, en fer battu, en tdle ou en ferblane, souvent noircie et peu agr^able; chacun portait son gobelet et son couteau, ce qui avait beaucoup d’inconvenients. Depuis longteraps la Colonie desirait vivement une autre vaisselle et un service plus complet, mais le besoin d’cconomies lamettait dans la ntfcessitd de s’interdire cette satisfaction. Sa situation plus prospere lui permet, enfin, de r£aliser ce desir. Nous avons fait venir de Paris un assortiment de soupi&res, de plats et de compotiers en ferbattu, propres et brillants; nous avons achet6 des assiettes en faience et des verres; nous y avons joint des couteaux de table pour chacun, et de grands vases neufsen ferblane pour le breuvage de chaque table; en un mot, e’est un service neuf et complet qui commence au banquet du 3 fevrier. Cette amelioration, qui fera grand plaisir, aura, d’ailleurs, de grands avantages pour l’ordre et la facility du service. Nous aurions voulu des nappes pour ce jour de fete, mais nous n’avons pu en r£unir assez pour loutes les tables; et comme notre principe est pour tous ou pour personne, nous nous en sommes priv£s sans beaucoup de regrets. Depuis longtemps nous desirions que nos tables fussent cou- vertes de toile ciree en place de nappes; mais nous avons etd forces de nous en priver par raison d’economie: nous le ferons d&s que nous le pourrons. DESCRIPTION DU REFECTOIRE. Notre R6fectoire, conslruit par nous en 1850, a 33 metres de long du sud au nord, sur 10 metres de large de Test a l’ouest. II y a 12 portes et 12 fenetres. On y entre par la porte du cot6 de Tesplanade du Temple, et par cTautres quand il est 112 COLONIE 1CARIENNE. besoin. On va dans la cuisine par deux portes et par Tuned’elles les plats sont apport£s depuis la cuisine sur une espece de long chemin de fer. Le pain est depose dans et sur un grand buffet, et sur un autre petit buffet se trouve une fontaine avec de l’eau pour boire. — Le theatre est au sud-est avec une salle qui en depend au sudouest et contre la cloison de laquelle on pose les affiches de la Communaute. Le plafond est supports, au milieu, par 5 poteaux qui vont etre transformes en colonnes. Pour le banquet, 34 tables de 10 personnes sont disposees avec des bancs et des couloirs dans lesquels peut entrer un petit wagon portant la vaisselle. Une jolie pendule est placee au-dessus de la table de la GSrance. 36 musiciecs, dont 14 enfants, eta cote 15 a25 chanteurs, sont places entre le theatre et les tables. Pour le spectacle, toutes les tables sont enlevees et dress^es contre les murs, et tous les bancs sont places en face du theatre, tandis que la musique se place par cote dans la partie sud-ouest. Et pour TAssembl^e g£n£rale, toutes les tables sont egale- ment enlevees. Le Bureau est sur une table 61ev£e; la table de la Gerance est dessous et devant la table du Bureau; tous les bancs sont ranges demi-circulairement autour du Bureau; les femmes sont a droite du President, ensuite les admis pro- visoirement du cote du centre, puis tous les hommes admis d^finitivement. Deux grands poeles, aux deux extremites, chauffent la salle* et des chandelles l^clairent dans toute son etendue. DECORATIONS DU REFECTOIRE. Des stores en toile portant des inscriptions Icariennes peintes a l’huile couvrent toutes les crois6es, en se deroulant sur elles a volont£, tandis que des chassis ou cadres en bois, couverts de toile, garnissant tous les intervalles entre les portes SEPTIEME ANNIVERSAIRE. 113 et les croisOes au-dcssas d’elles, tapissent tous les murs, et portent des inscriptions Ogalement peintes a l’huile, avec des encadrements et une corniche peinte qui regne tout autour de la saile. Ces inscriptions contiennent tous les principes Icariens et toutes les maxiraes utiles dans le but (ainsi qu’on va le voir), de les rappeler sans cesse aux Icariens et de les exposer aux regards des Strangers visiteurs, pour lesquels nous imprimons un catalogue dans les trois langues : francaise, anglaise et allemande, avec des numSros correspondants, et la lisle de tous les ouvrages Icariens. Ces inscriptions, qui ne sont pas encore completes (et qui ne le seront peut-etre que pour la fete du 4 j uillet), sont peintes avec une elOgance, un gout et une variete de couleurs qui produisent un effet agrOable, surtout pour celles qui sont devant les fendtres, ou la lumiSre les rend plus brillantes. Comme tous les stores et les cadres sont mobiles, nous pourrons les transporter dans l’lowa quand nous y transpor¬ ters la Communaute. En attendant, c’est dans le refectoire ainsi decorO, et devant ces inscriptions si parlantes, que nous allons recomraencer notre Cours Icarien. Toutes les inscriptions n’etant pas achevOes, j’hOsitais a les laisser placer pour la fete, parce que les unes sans les autres ne peuvent produire qu’une faible partie de reflet propose; maisj’ai cedd auxddsirsquim’ontetd manifestos, etla vuedes inscriptions dOja exOcutOes n’en a pas moins donnd beaucoup de satisfaction. Void ces inscriptions qui doivent faire le tour de la saile, dans un ordre aussi logique que possible. La toile de notre saile de spectacle sera probablement charmante quand elle reprOsentera tous les Beaux-Arts. m COLONIE ICARIENNE. INSCRIPTIONS. I i'fi f f w II *4 1 • ' • I*- «'.»* rf'I DIEU, OU ETRE SUPREME, OU CREATEUR, j OU PROVIDENCE, OU NATURE, C’est : l’lnconnu, —rinfini. Nous aimons a consid£rer Dieu comme P£re du Genre Humain L’Humanite comme sa Famille; Les Hommes comme ses Enfants et comme Freres, li£s entre eux par PAmour Fraternel. UMVERS. ,0 * . ' CIEL, — ASTRES, INNOMBRABLES SOLEILS , —INFINI. SYSTEME SOLAIRE. Soleil; — Planetes; — Commies. TERRE. Son Origine; — sa Compositionsa Forme ; son Mouvement; — Jour et Nuit; — Saisons et Climats. Terre; — Eau; — Mineraux; V£getaux; — Animaux ; — Ilommes. HOMME, Sa nature. Instinct, Intelligence, — Raison; Sympathique, — Sociable, — Perfectible. INSCRIPTIONS. 115 SYMPATHIQUE. L’homme nait g£neralement affectueux et bon; C’est une mauvaise Organisation Sociale qui le rend m^chant; « » * Une bonne Organisation Sociale corrigera ses dyfauts et dyveloppera ses vertus. SOCIABLE. Peuplades; — Peuples; — Nations. PERFECTIBLE Par PExpgrience et TEducation. PROGRES. Decouvertes et inventions; — Sciences et Arts. SOCIETK. I/Association produit la Force. Organisation sociale. — Deux systemes. 1° Individualisme ou Egoisme; 2° Sociaiisme ou Gommanisme ; COXIMinVAIJTE ICARIEAAE. O l * * ' * * \ P ' * . • f * • | C’est une society universelle, librement contracts, organisee sur le principe de la Fraternity, avec toutes ses conse¬ quences (Egalite, Solidarity, Liberty, Unite), et fondye sur le manage et la famille, sans propriety individuelle et sans monnaies, sans dot et sans aucun privilege. FRATERNITE DES HOMXIES ET DES PEOPLES. Tous les kommes sont fibres : Famille nationale. Famille humaine; Aime ton fryre comme toi-meme. 116 COLONIE ICARIENNE. .La Fraternity est le resume de tous les principes. Elle est un principe gynyrateur de tous les autres principes* Sa pratique pourrait rendre toules les lois inutiles. Gravye dans les cceurs par I’education, dcrite partout. PLUS DE GUERRE ! Paix universelle et perpytuelle ! Dysarmement genyral! TOUT EST LA : Aime, avant tout, Dieu, (C’est-a-dire la Justice, la Bonty, l’Amour, la Vie), et aime ton frere com me toi-meme. Tout est la ! t - ■ i Ne fais pas a autrui ce que tu ne voudrais pas qu’il te fit. Fais aux autres ce que tu voudrais qu'ils te fissent. Si tu prends cette double maxime pour rfcgle de toutes tes actions, Tu seras le plus sage et le plus heureux des hommes. EGALITE. Non absolue, mais relative el proportionnelle. * De chacun suivant sa force; A chacun suivant ses besoins. Egality d’aisance, non de mis^re; » de liberty, non d’esclavage; En yievant, non en rabaissant. INSCRIPTIONS. 117 Les quality physiques et intellectuelles sont un hasard, comme la naissance. L’aristocratie des muscles ne serait pas plus juste que raristocralie de naissance. • * (. SOLIDARITE. Assurance mutuelle ct universelle: chacun pour tous; tons pour chacun. i )V ■ f> .> . ;• ■) UNITE. Tout a tous, Rien a personne. Chose publique ou commune. LIBERTE. Par la nature, tous sont £galement libres. La Society a pour but de garantir la liberty de chacun, par la protection de tous. Dans une Societe bien organise. La Liberty est plus grande que dans P6tai de nature. II faut concilier la liberty de chacun avec la liberte desautres. La liberty de chacun est naturellement limitge par le devoir de respecter la liberty des autres. Personne n'a la liberty de violer la liberty d’aulrui. Personne ne peut etre libre de violer un engagement voloniaire. 118 COLONIE ICARIENNE. ORDRE. Point de liberte sans ordre. Point d’ordre sans liberty. La licence et l’anarchie sont les ennemis de la liberty. Respect pour la loi. Quand la loi est faite par le Peuple, rien n’est plus sacre. La Minorite doit c£der a la Majority La Majorite doit proper la Minorite. TRAVAIL. Le Travail est un devoir impost par la Nature. Rien sans travail. Celui qui ne veut pas travaiiler ne doit pas manger. Celui qui mange sans travaiiler est un voleur. Chacun doit travaiiler selon sa force. La bonne volonte sufflt. Qui fait ce qu'il peut fait ce qu’il doit. Tout travail est une fonction. Toute fonction est un travail. • Tous les travaux reconnus necessaires sont egalement honorables. Point de travail fructueux sans organisation et sans ordre. sans direction et sans discipline. MARIAGE ET FAMILLE. \ 0 4 \ Purifies et perfectionn£s, ils sont la plus salutaire des institutions sociales, et la plus n£cessaire pour le bonheur de la Femme, de lTIomme et desEnfants. INSCRIPTIONS. 119 Rendus faciles pour tous par la suppression de la misfere et de la dot. Garantis par l’yducation parfaite des lilies corame des garcons; Par la liberty complete daus le choix d’un ypoux; Par legality des devoirs entre rhorame et la femme. Divorce autorisy, s’il est necessaire. j i J • I y t Education icarienne. • IT' n • IT* FaireprofiterlaGynyrationactuelle de Pexpyrience de toutes les Generations passyes. Communiquer les yiyments de toutes les Sciences et de tous les Arts. Developper l’lnteliigence. Perfectionner THomme. Rendre l’enfant h u eux pour sa confiance et sa doeilite RELIGION ICABIENNE. Christianisme dans sa purety primitive* avec son principe de fraternity, pour unique loi. • Cl 11 J rn CULTE ICARIE1V. Etude et admiration de la Nature; Travail; Pratique de la Fraternity. Qui travailie prie. VRAIE REPLBLIQUE. La Comraunaute Icarienne • * • * * - j est la vraie Republique et la vraie Dymocratie. 120 COLONIE ICARIENNE. ESPRIT PUBLIC. -Ifit >• ’ fJ*> y.'J t |(|U3 fil ifi'j Franchise. — Loyaute. — Sincerity. — Publicity Ne elites pas : Que personne ne clise rien, atin que tout le mal soit cache; Mais dites au contraire : Que tout le monde dise tout, afin qu’aucun mal ne puisse etre inconnu. PATIENCE. II faut labourer et semer avant de recolter. Ni Rome, ni Paris, ni Londres, ni New-York, n’ont et£ l’ouvrage d’un jour. L'epoque de la fondation, du travail et de la fatigue, n’est pas l^poque de la jouissance et du repos. NECESSA1RE. D'abord le N£cessaire pour tous , puis l’Utile pour tous , it 1 ' - > - * * > * * 1 ' V J. Enfin FAgr^able pour tous egalement. ECONOMIE. Soin ; — Ordre ; Frugality; — Temperance. II faut manger pour vivre, et non vivre pour manger. INSCRIPTIONS. 121 L’Homine ne se nourrit pas seulementde pain, mais encore de Doctrine. *?orcvi r b rmloJ aulq ob ii')< r/i PAS D’ENVIE. Parce que je suis bon et g6n6reux envers votre frfcre, ii ne faut pas que vous soyez jaloux et m^chant envers moi. . ■ ■; • ’ ■ , 1 5 '. INDULGENCE. C’est le malade ou le vicieux qui a besoin de m^decin. R^concilie-toi avec ton frfere : Le plus tot sera le meilleur. Que celui qui n’a jamais fait aucune faute jette la premiere pierre au coupable. Paille et poutre : On apercoit la paille dans Pceil du voisin, Mais on ne voit pas la poutre dans le sien. 4 , : ,np fit if ■ ^ PRINCIPES DIVERS. Cu principe est une boussole. Ni mSdisance inutile, Ni mensonge, ni calomnie, ni injure. . La propretS et la decence Sont les devoirs de Fraternity. Les quality et les vertus, la pudeur et la decence sont la plus belle parure des femmes. 122 GOLONIE ICARIENNE. Respect inviolable des hommes, pour la pudeur et la decence. Les Icariens ont pris, devant le Monde, l’engagement de ne plus tolerer d’ivrognes parmi eux. Plus de tabac ! Les Icariens disent: guerre au tabac! Rien ne peut dispenser d’etre probe, honnete et loyal. Bonne renommee vaut mieux que ceinture dor£e. Un imprudent ami peut faire plus de mal qu’un ennemi. Rien de plus dangereux qu’un honnete homme crgdule et faible, instrument d’un fripon habile. Un Icarien doit avoir le courage de son opinion et de son devoir. La disposition illegale d’un objet appartenant a la Communaute serait un vol. La violation d’un engagement, libre et volontaire, serait un crime. La critique est aisee mais Part est difficile. La Th6orie et la Pratique sont bien diff£rentes. y l , - ■ Nul n’est proph&te en son pays. Aide-toi, le Ciel t’aidera. BANQUET. 123 THEATRE. $ur la toile du theatre on lit : Amuser * pour unir, instruire et moraliser. Dans la Commmunaute Icarienne, tous les Beaux-Arts glorifient la Fraternity, legality, la Liberty pour le plaisir et le bonheur de tous ygalement. ■ Le contour de la toile contiendra plusieurs groupes repry- sentant chacun des Beaux-Arts: la Musique, la Peinture, la Sculpture, etc. BANQUET. Quelques minutes avant trois heures, la salle ytant fermye, toutes les tables se trouvent servies et garnies chacune d’un dindon rdti, d’un riz au lait ypais et froid, et d’un plat de jam- bon orny de geiye. A deux heures, les enfants des deux ycoles, une trentaine de petites Giles et une trentaine de petits gar^ons, sont intro- duits et placds au centre. Les tables du coty de l’Ouest sont ryservyes pour les mfcres avec leurs petits enfants. Cinquante a soixante musiciens et chanteurs, homines et enfants, qui ont pris quelques aliments auparavant, etqui vont jouer ou chanter pendant les trois heures du Banquet, sacri- fient leurs places, et ne dfneront qu’aprfcs les autres. A trois heures precises, les portes s’ouvrent, et chacun prend place sans dysordre et sans tumulte. La musique ouvre le Banquet par un air national. Alors, le President de la Communauty, fondateur dTcarie, prend la parole a peu prfcs en ces termes: COLONIE ICARIENNE. m « Cheres Citoyennes et chers Citoyens, » Nous sommes rdunis aujourd’hui pour cdl£brer le sep- tieme anniversaire du depart de notre premiere Avant-Garde Icarienne. Ce depart est, en effet, un 6v£nement memorable, qui prendra place non seulement dans Thistoire d’Icarie , inais aussi, nous l’esp£rons, dans I’histoire de THumanitg; car, ce n’est pas pour elle et pour nous seulement que cette premiere Avant-Garde s’est elanc£e sur FOcdan; c’est encore par dgvoueraent a la cause du genre humain tout entier. » Depuis bien des siecles, en effet, le genre humain est accabl6 de toutes les misfcres, sans qu'une multitude de revo¬ lutions politiques aient pu y mettre un terme; et presque partout, dans ces derniers temps, Ton a pense que ccs malheurs avaient pour cause un vice radical dans les organisations sociales, et que le remfede ne pouvait se trouver que dans une meilleure organisation des socidtes, et dans une espfece de regeneration humanitaire. » Gomme beaucoup d’autres, je me suis attache a F6tude de cette question, surtout pendant mon exil en Angleterre, et j’ai vu clairement que la grande cause du mal etait la mxsbre , et Yignorance de la masse des prol£taires ou des travailieurs, longtemps reduits en esclavage, et je suis devenu profon- ddrnent convaincu que le remade etait dans la suppression de la mis&re par Mablissement du bien-etre general dans la Communaute, basee sur la Fraternite et Ffigalite, entrainant n6cessairement la Liberty. » C’est alors que je redigeai mon Voyage en lcarie , pour presenter un plan communautaire, et que je consacrai le reste de mon existence a la propagation de la doctrine Icarienne, pr£ferant la reforme pacifique a la revolution violeute. » Je vous exhortai tous, vous et vos camarades, a la re¬ flexion, a lYtude, a l’instruction, a la moralisation, a l’abandon des socidtgs secretes conspiratrices et du cabaret, ainsi que de toutes les autres mauvaises habitudes, et surtout a la pratique ENGAGEMENT ICARIEN. 125 de la Fraternity et ce sera votre iramortel honneur d’etre enlres avec enthousiasme dans cette voie destruction, de moralisation et de fraternisation# » Si le Gouvernement nous avait permis d’essayer notre sys- tfcme en France,nous Taurions fait legalement et pacifiquement, a nos risques et perils, dans Tinter£t universel. Maisla politique ne nous permettant aucune experience, je vous proposal une gigantesque entreprise, remigration en Amerique, a travers l’Ocean, pour fonder une Communaute dans le desert; et ce sera encore votre eternel honneur d’avoir repondu avec enthou¬ siasme a ce nouvel appel, par devouement a i’Humanite. » Je ne vous ai rien dissimuld, ni les privations et les genes, ni les fatigues et les dangers: mais votre courage et votre energie ont tout accepte; et dfcs les premiers jours de 1848, la premiere Avant-Garde, composee de 69 hommes, a rgsolu- tnent pr£par£ son depart. » Le 29 janvier 1848, nous partons de Paris pour le Havre (car je les accompagne avec la Commission d’admission et de preparation), dans le costume Icarien (tunique en velours noir et chapeau en feutre gris). » Une foule immense, attendant les partants a la vaste gare du chemin de fer, les applaudit en leur criant au revoir! » Au Havre, pendant trois jours, nous nous r£unissons tous les soirs pour nous bien expliquer et pour tout organiser. •> Puis, dans la nuit du 2, je propose Tengagement suivant : fi » Engagement Icarien. » Persistez-vous a declarer que vous connaissez parfaite- ment le systfcrae, la doctrine, les principes de la Communaute lcarienne? — Oui! s’ecrient-ils. » Persistez-vous a les adopter de toute la force de votre conviction? — Oui, oui! 6 m COLONIE ICARIENNE, » Adoptez-vous surtoat le principe de la Fraternity des hommes et des peuples, et toutes ses consequences? — Oui! r^pondenMIs avec plus de force. » Vous sentez-vous la force et Tinybranlable volonty de vous devouer a la realisation de la Fraternite et de la Com- munaute? — Oui, oui! » Vous dyvouez-vous pour Tintyret el le bonheur des femmes, des enfants, des masses opprira£es par la misere et Tignorance? — Avec transports! Oui, oui! » Acceptcz-vous le litre de Soldats de THumanite, avec tous les devoirs que ce titre vous impose? — Avec une ardeur croissante: Oui, oui! » fites-vous resolus a supporter toutes les fatigues et toutes les privations, a braver tous les dangers dans Tinteret general et commun? — Avec enthousiasme: Oui, oui, oui! * fites-vous bien convaincus que votre premier iotyret et votre premier devoir envers la Communauty sont: Turnon, la concorde, la toiyrance et Indulgence des uns envers les autres, Tordre, la discipline etTunite? —Tous ensemble: Oui, oui! » fctes-vous bien decides a tout sacrifier a celte nycessity de la discipline et de 1’unity ? — Oui, oui! » Vous adoptez-vous sincyrement pour fibres, et vous en- gagez-vous fermement a pratiquer la Fraternity, a vous aimer, a vous secourir, a vous aider, a vous dyvouer ryciproquement comme des fr£res? — Avec enthousiasme: Oui, oui! e Jurezvousde rester a jamais fideles au drapeau d'learie, de THumanity, de la Fraternite et de la Communauty ? — Avec un redoublement de force et les mains tendues: Nous le jurons! « Acceptez-vous compiytement, sans repugnance, sans arrifcre-pensee, le contrat social, publie dans le PopiUaire du 25 septembre 18A7 ? — Tous ensemble: Oui, oui! ENGAGEMENT ICARIEN. 127 » Acceptez-vous la GErance unique, et consentezvous a me la confier pour dix ans? — Avec une chaleur toujours crois- sante: Oui, oui! » Votre acceptation est-elle a vos yeux une veritable Elec¬ tion? — Oui, une Election! » Jurez-vous de vous soumettre a la direction du GErant, comme je jure de consacrer toute mon existence a la realisa¬ tion de la CommunautE sur la base de la Fraternite? — Tous ensemble, en tendant les mains: Oui, nous le jurons! » II est presque impossible de rendre fidElement cette scene, qui sera l’une des plus mEmorables dans Phistoire d’lcarie. II est deux heures du matin, et l’on croit partir a six heures. C’est done le moment supreme. A chaque question, Ecoutee dans un religieux silence, il est repondu par des cris unanimes, au milieu de transports d’enthousiasme. Puis enfin, le 3 au matin, la premiEre Avant-Garde part en chantant Pair du dEpart Icarien, accompagnE de milliers de veeux qui la suivent sur POcEan. AprEs la lecture de cet engagement Icarien, le PrEsident de la CommunautE ajoute : « II y a 7 ans, a pared jour, que cette premiEre Avant-Garde voguait vers les rivages amEricaius. Si nous en avions du regret aujourd bui, nous ne cElebrerions pas cet anniversaire; mais nous sommes rEunis ici pour le celEbrer, et cette reunion me comble de joie, car elle prouve que nous persEverons dans nos principes, dans notre mission, dans notre courage et dans notre dEvouement a la cause de PHumanitE.» AprEs ce discours, 22 toasts sont prononcEs dans l’ordre reglE par le PrEsident. Chaque orateur parle de sa place; mais une autre fois, une tribune sera disposEe au centre pour v prononcer les discours. m COLONIE tCARIENNE Tous ces toasts sont sypar£s par une dizaine de mcrceaux de charraante musique, par trois chceurs d’hommes et d’en- farits, et par une hymne a la Fraternity change par les petites filles; et presque tous sont couverts d’applaudissements, ainsi que la musique et les chants. f D3TTXI2ME ?ARTIE EOMPTERENDt) PAR LE PRESIDENT DE LA COMMUNAUTE ICARIENNE A L &SSEMBLEE GENERALE, SUR LA SITUATION DE LA COLONIE. A la fin dn premier semestre 1855. L OBSERVATIONS (iENERALES ET PRELIMINAIRES. Lonformdment a la Constitution Icarienne, je vais rendre compte a la Communaute de sa situation fjersonneUe^ mate - rie/lc ec morale , aprds les six premiers mois de 1855. Presque tous ceux qui viennent visiter !a Golonie expriment ieur etonnement de voir ses progrfcs, son ddveloppement apr&s si peu d’anndes; ses constructions, ses ateliers et son Indus¬ trie, son agriculture et ses bestiaux, son refectoire et ses jardins, ses ecoles et ses heureux enfants, ses travailleurs ou ses citoyens, qui paraissent unis entre eux comme des fibres. Quelques-uns de ces visiteurs et quelques-uns des organes de la presse, parlent de la Colonie Icarienne comme de Ten- treprise la plus gigantesque, concue et exdcutde dans I’interet de rHumanitd. Et quand on considere que la Colonie a pour but, en ellei ? d’essayer le systeme d’organisation sociale le plus capable d’assurer le bonheur du Genre Humain, peut-on s’empecher de dire que l’entreprise est gigantesque ? Quand on considere que les membres dTcarie sont tous associds, tous citoyens libres et inddpendants, tous frdres et 130 COLONIE ICARIENNE. ygaux en droits et en devoirs, en jouissances et en charges, sans privileges pour personne, sans riches ni pauvres, avec le mariage, la famille et I’yducation pour tous, peut-on s’em- pecher de dire que c’est le systfcme le plus avancd sur la route des ameliorations sociales ? Etquand on considereque, malgry d’innombrables obstacles, Icarie subsiste depuis six ans, tandis que presque tous les autres essais du meme genre ont succombe; qiTelle s’agrandit chaque annee en personnel et en materiel; qu’elle fait conti- nuellement des acquisitions nouvelles ; et notamment qu’elle fonde un nouvel ytablissement dans i’lowa; peut-on s’em- pecher de reconnaitre que la Communauty est en progress ? Cependant, je le declare nettement, je ne suis pas con¬ tent...... C’est peut etre parce que, Fondateur d’Icarie, respensable en quelque sorte de son succfcs, connaissant mieux que per- sonne tout ce qui manque a sa realisation, je suis plus difficile et plus exigeant que personne. Je declare nganmoins tout de suite que, pour moi, notre experience est decisive; que la Communauty me parait indubi- tableraent realisable; et que son succfcs complet n'est plus qu’une question de rnoyens, de temps et d’administration. N£anmoins, je le repete, je ne suis pas content. Je trouve que nous ne connaissons et que nous ne pratiquons pas assez les principes; que nous n’avons pas assez de devouement et de fraternity, d’ordre et d’£conomie, d’esprit public et de soli¬ darity. Je veux dire toute la verity et faire connaitre toutes mes opinions, tous mes sentiments, pour le dehors comme pour le dedans; et, pour etre plus libre, plusindypendant, plus hardi, pour mettre ma parole a la hauteur de ma responsabilite mo¬ rale vis-a-vis tousles Icariens et meme tous les dymocrates, je m'expliquerai comme Fondateur plus encore que comme Pry- sident de la Colonie. COMPTE-RENDU. 131 Fatigue, souffrant, aspirant au repos, et retenu seulement par la conscience du devoir, mes explications auront, a mes yeux, quelque chose de solennel. Je desire, je voudrais ne blesser personne par Fexpression; mais, inspire, entralne, par la consideration de Finteret gene¬ ral, je veux, avant tout, dire tout ce que je crois utile et neces- saire. DEUX MOTS SUR LE COMMUMSME ICARIEN. Vous le savez tous, le Communisrae Icarien est une des choses les plus graves et les plus dignes d’attention ; car c’est le systeme d’organisation sociale que, apres de longues medi¬ tations, nous avons cru et que nous croyons le plus propre a garantir le bonheur de rKumanite. Que, dans tous les temps et dans tous les pays, une multi¬ tude de vices et de crimes, de revolutions et de guerres, aient fait le malheur du Genre Humain, c’est un faitaussi incontes¬ table que manifeste : le mal est certain. Pour nous, le remfcde ne peut etre que dans la suppression de la misfcre, et la misfere ne peut etre supprimee que par TAssociation ou la concentration des efforts, par la mise en commun de toutes les ressources, par Faugmentation de productions, par 1’ordre, Feconomie et la moderation dans les jouissances ; par la Communaute universelle de biens^ baseesur la Fraternity et FEgalite, sur la Solidarity et FUnite, sur l’Education et le Travail, sur le Mariage et la Famille purifies et perfectionnes. Ce systeme Icarien (1), vous le savez, je Fai expose dans le Voyage en Icarie , dans le Vrai Ghristianisme y dans plus de quarante ecrits et dans un journal, le Populaire , dans les- quels j’ai refute toutes les objections: et le succes de ma pro- pagande icarienne pendant dix ans a ete si prodigieux que, de simples democrates, oumeme revolutionnaires que vous etiez, Cl) Appele Icarien , pareequ il est expose dans 1’ouvrage intitule : Voyage en Icarie . m COLONIE ICARIENNE. vous et la masse ouvriere, vous etes devenus Communistes Icariens, et vous avez adopte tons mes principesde Fraternite, de Moralite, de Generosiie et de Communaute. Nos adversaires,vousdevezvousle rappeler, reconnaissaient eux-memes que ce syst&me Icarien etait magnifique, et se bor- naient a soutenir qu’ii etait trop beau pour etre realisable, sur- tout aujourd’hui. Pour detruire cette objection, j’ai resolu de tenter la reali¬ sation, en convertissant la theorie en pratique. Si le gouvernement de Louis-Philippe m’avait aide ou seule- rnent toiere dans une experience d’un interet si universel; si j’avais pu tenter ceite experience en France, en y faisant tous les preparatifs necessaires sansrien precipilerj’auraiseutous lesmoyens desirables en materiel, en personnel, en argent, et, je n’en ai pas le moindre doute aujourd’hui, le succes aurait ete certain pour Pentreprise la plus feconde, peut-etre, en re- sultats decisifs pour le salut de PHumanite. Mais la persecution me contraignit a vous proposer une grande emigration en Amerique, pour y venir fonder une Colonie Icarienne ou la Communaute d’Icarie; et vous vous rappelez certainement Penthousiasme avec lequel vous ac- cueillites ma confidence ou ma proposition d’emigration. DEUX MOTS SUR IMMIGRATION OU LA COLONIE ICARIENNE. Notre emigration, notre Colonie, ne ressemblent done a aucune autre. Ce n’est pas dans un sentiment d’interet personnel, ou dans un vil egoisme, pour nous enridiir en exploitant la terre, pour devenir proprietaires individuels, que nous avons quitte la patrie et brave POcean, sans tiire a Pattention et a la re¬ connaissance du Monde; e’est par denouement a la cause hu- manitaire, pour experimenter au desert le systeme de la Communaute Icarienne, en bravant tout dans Pinteret de PHuma- nite tout entifcre. COMPTE-RENDU. m Aussi, je n’ai pas hdsity a vous recommander soavent a la sympathie et a la bienveillance comme a Padmiration de tous les esprits eclairs et de tous les occurs gdndreux; et, quoi qu’on puisse dire, quoi qu’on puisse faire, quoi qu’il puisse arriver, rien ne pourra detruire le mdrite des sentiments qui delerminerent ^emigration et la Colonisation icariennes. Et ce merite est d’autant plus grand, j’aime a le repeter, que je ne vous avais rien dissimuld des innombrables difficul- tes de Pentreprise, des genes et des privations, des fatigues et des perils, des maladies et des sacrifices de tous genres, aux- quelselle devait necessairement nous exposer. Les femmes meme, les Icariennes, acceptaient tout avec un admirable courage, en meme temps qu’elles renongaient a leurs bijoux comme a toute parure de vanity. Et je vous repdtais continueilementque, quoique desirant une nombreuseemigration, jeddsirais la qualiteplus encore que la quantite; que personne ne devait se presenter comme Icarien, s’il ne possddait pas toutes les vertus Icariennes, s’il ne con- siddrait pas la pratique de la Fraternity avec toutes ses con¬ sequences, comme un culte religieux, s’il n’avait pas Phabi- tude de la bienveillance et de la tolerance, de la politesse et des egards, de la loyaute et de la probite, de la fidylite aux engagements et aux devoirs, de la decence et de la pudeur, du travail et de Petude, de Pordre et de la proprete, de Pecono- mie et de la frugality. Accepty par vous comme votre guide et votre chef, salad du litre de Mciitre , dont vous vous disiez les Disciples, etde Pei'e,dont vous vousdisiez les Enfaiits,]e vous expiiquai bien que Porganisation, la discipline et la scrupuleuse observation des rdglements et des lois, dtaient une rigoureuse necessity dans le commencement d’une colonisation avec des hommes qui venaient de tous les pays, et qui ne se connaissaient pas entre eux. Aussi, la plupart (Pentre vous ddclardrent qu’ils ne parti- raient pas sans un chef invesli d’un pouvoir dictatorial pendant 134 COLONIE ICARIENNE. dix ans, et meme qu’iis ne partiraient pas avec un autre chef que moi. Et, je le declare a mon tour, je ne serais pas parti moi- meme sans ce pouvoir, qui me paraissait indispensable pour fonder une pareille Colonie, et s’il s’dtait agi de tout autre but que la creation d’une Communautd Icarienne. Aussi, quand la premiere Avant-Garde partit du Havre, le 3 fevrier 1848, elle signa rengagetnent solennel d’obeir au Gerant d’lcarie, commeje pris moi-meme Pengagement de me devouer a son salut. II est vrai que, plus tard, a Nauvoo, j’ai proposd moi-meme une Constitution etablissant une Gerance elective, annuelle et multiple; mais si, comme c’etait le premier projet, la Colonie s’etait etablieau Texas, dans le desert, j’aurais conserve toute ma premiere autoritS pour etre sur de pouvoir prdparer et realiser la democratic dans toute sa purete. Et, aujourd’hui, si quelque colonisateur me faisait 1’hon- neur de me demander conseil, je lui conseillerais, sans bai¬ ter, de ne rien tenter, s’il n’avait pas tout le pouvoir et tout Fargent necessaires. DEPARTS POUR LE TEXAS. DATES DES DEPARTS. NOMBRE SPECIAL DE CHAOUE DEPART. NOMBRE DES PARTA1NTS. 2 decembrc 1847. 3 fevrier 1848. l er juin. 12 aout. 28 septembre. 25 octobre. 2 novembre. 12 - 28 - 19 Decembre. Premiere Commission. Premiere Avant-Garde. Deuxieme Avant-Garde. Commission de cinq. Troisieme Avant-Garde. Depart par Bordeaux. Premier Grand-Ddpart. DeuxiSme — Troisieme — Quatrieme — Admis a la Nouvelle*Orl£ans. 1 69 19 5 23 54 83 74 114 45 11 I 498 COMPTE-RENDU. 135 ABANDON DU TEXAS. Arrivee clans le Texas sur la fin d’Avril, entrainee par son ardeur, bravant la fatigue et la chaleur, la premiere Avant- Garde, composee de 69 hommes, est bienlot saisie par la fjfc- vre, et perd plusieurs de ses membres. Presque tous sont malades quand arrive pr£s d’eUe la seconde Avant-Garde. Effrayees par ces maladies et ces pertes, presque demorali- sees par la fievre, les deux premieres Avant-Gardes se deci¬ ded a la retraite. repartent individuellement, et arrivent a la Nouvelle-Orleans, pendant que les families parlies de France y arrivent de leur cote. Cet abandon du Texas est un grand malheur; car l’entre- prise icarienne y perd environ un million d’acres de terre qui lui avait ete concede gratuitement. VIE COMMUNE A LA NOUVELLE-ORLEANS. D£sorganis£s par cette retraite, les Icariens se decident a loger et a vivre en commun a la Nouvelle-Orleans, en y tra- vaiilant jusqu’a men arrive. II leur faut du courage pour supporter les genes, les priva¬ tions et les inconvdnients de cette premiere communaute provisoire. En attendant, on envoie trois commissions pour explorer le centre du Texas^ et les bords du Mississipi eu remontant vers le nord. DEPART POUR NAUYOO. Les cris de mort proferes contre moi par la Garde nationale au 16 avril 1848, la persecution non interrompue jusqu’en « decembre, la rigueur de l’hiver, rien ne m’empeche de partir et de venir partager votre sort; et j’arrive a la Nouvelle-Or¬ leans, au milieu du cholera, en Janvier 18^9. Je commence par declarer que les deux premieres Avant- 136 COLONIE ICARIENNE/ Gardes n’avaient pas le droit de dissoudrela Soci£t6 Icarienne sans moil consentement, etqueje considdrais comme nulle la dissolution d£cidee par elles au Texas. Apr&s plusieurs discussions en Assemble generate, je pro¬ pose, et nous ddcidons, que ceux qui voudraient se retirer sont libres de le faire; que la caisse commune leur remettra 200 fr. a chacun, et que les perseverants monteront a Nauvoo pour y fonder provisoirement la Comraunautd. Nous partons, le l er mars, au nombre de 280, dont 142 hommes, 74 femmes et 6k enfants de tous ages; et nous airivons a Nauvoo le 15 du meme mois avec un nombreux bagage et 46,000 fr. seulement. ETABLISSEMENT PROVISOIRE A NAUVOO, Ces 280 Icariens, qui ont eu le courage de supporter les genes, les privations et les fatigues du voyage sur mer, dans rentrepont du navire, du sejour a la Nouvelle-Orldans et du voyage sur le Mississipi dans l’entrepont des bateaux a vapeur, auront encore le courage de supporter les genes et les priva¬ tions du premier etablissement a Nauvoo. Nous avons presque tout a creer pour nous y organiser : nous louons des fermes et des logemenis; nous rdparons des batiments et fabriquons nos meubies; nous achetons les restes du temple des Mormons detruit par un incendie, quelques acres de terre adjacents et quelques bailments, des chevaux, des bestiaux, des outils et matures premieres, et tout cela avec un capital de 46,000 fr, en arrivant a Nauvoo, reduit a $ 1,000 au l er aout 1850. SOM\IES DEPENSEES PAR LE BUREAU DE PARIS. Quoique les livres du Bureau icarien aient dtd saisis et en partie detruits quatre fois pendant la persecution et meme pendant I’emprisonnement ou Tabsence des chefs, on peut cependant donner les renseignements suivants : COMPTE-RENDU. 137 DEPENSES AVAINT l’Embarque- ment. ESPECES remises aux Deiegues. PrftmiAro Commission. 3,400.00 11,954.00 Premiere Avant-Garde...*.. . 2i .oob.ob (Plus 56 montres estim&s 2,000 fr.). » Deuxieme Avant-Garde. 5,751.00 1,210.00 7,400.00 26,152.00 Commission de cinq. | Troisieme Avant-Garde. 7,369.00 13,602.00 Depart par Bordeaux. 720.00 5,350 00 Premier Grand Depart. 16,290.00 35,000.00 Deuxieme — . 13,618.00 12 378,00 Troisieme — . 19,297.00 12,306,00 Quatrieme — . 8‘200.00 10,290,00 Bureau a Paris, loyers, etc. 2,000.00 Magasin a Paris. ..... 1,000,00 Magasin au Havre. 2,000.00 Employes, voyages, emballages.> Fusils neufs, m a tel as, t uniques. 13,455.00 Chapeaux, botles, etc. . 6,000.00 Emporte par M. C... lors de son depart.. Envoye en onze traites, en 1849 et 1850.. 30,225.00 . ‘ - -• . K 111,910.00 174,057.00 • • Depenstf. 111,910 fr. 00 • Remis. ... . 174,057 » 00 • • « • • • Paye par Paris: 285,967 » 00 % • ii»» • • ** CAISSE DE LA COLOAIE ICARIEANE AC l er AODT 1830. Aprfcs leur arrive a la Nouvelle-Orieans, et aprcs avoir rendu leurs comptes a une Commission, les deiegues, direc- teurs des differents departs, remettent a la Colonie les somoies suivantes : Commission des cinq. 16,232 fr. Troisieme Avant-Garde. 6,081 Premier Grand-D^part. 27,184 Deuxieme — .-_*.. 11,106 Troisieme — . 11,348 Quatrieme — . 10,268 M. C... remet en arrivant. 3,600 Le Bureau de Paris envoie posl^rieurement onze trades, ensemble. 30,225 Total, 116,0441.8 21,950 138 COLONIE ICARIENNE. Report-Total, 116,044 fr. 21,950 Travail a la Nouvelle-Orleans. 1,065 d° a INauvoo. 1,198 Apports b Nauvoo. 3,346 Vente de divers objets. 458 Diverses petites recettes. 324 Total de la recette. 8 28,341 La Colonie depense : Logements a la Nouvelle-Orleans. 8 820 d° a Nauvoo..... 1,155 Reraboursements d’apports a la Nouvelle-Orleans. 1,860 d° d° a Nauvoo. 450 Frais de trois Commissions d’exploration. 794 Voyage de la Nouvelle-Orleans et a Nauvoo. 1,740 Achat d’outils et matiere premiere. 4,465 Nourriture. 8,223 Cbevaux, boeufs, vaches, moutons, pores. 2 512 Paye sur achat d’immeubles. 3^862 Pharmacie, wiskey, etc. 225 Blanchissage. 80 Fourrage. 242 Diverses depenses. 913 Dol. 27,341 Recelte au l er aout 1850, 8 28,341. Depense — — 27,341. Resle en Caisse: 8 1,000. D’apres les comptes-rendus par le Caissier, il restail en Caisse: Au l er avril 1849. 8 7,702. Au 11 novembre 1849. 5. Au 5 Fevrier 1850. 228. Au l er aout — . 1,000. RESIDENCES; RETRAITES. Cependant nos premiers pas sontbien pdnibles; le cholera vient nous soumettre a de cruelles 6preuves : quelqnes dissi- COMPTE-RENDU. 139 dences * et quelques retraites viennent nous affaiblir, tandis que le recrulement et la propagande languissent, et ne nous apportent que peu denouvellesressourees.Pour ranimer celte propagande, je propose la loi du 5 avril 1850. LOI DU o AVRIL 1850. Nos premiers reglements prohibaient la retraite, en la considirant comme une desertion, et n’accordaient aucune restitution d’apport a celui qui se retirait. Je propose, en 1850, un systeme nouveau etablissant une admission provisoire ou un noviciat de quatre mois, avec faculte de retraite et restitution des quatre cinquiimes de Rapport, et une admission definitive sans interdiction de retraite et avec restitution de la moilii de rapport seulement. C’est une loi de circonstance pour la propagande et de salut pour la colonie. « Elle est accepts a runanimity. MON DEPART POUR LA FRANCE. Pendant ce temps, la persecution s’acharne contre rnoi en France; on veutme tuer moralement, pour tuer le Commu- nisme etla Colonie; on me condamne a Paris en monabsence, comme si mon projet de colonisation icarienne n’avait rien de riel et n’etait qu’une manoeuvre frauduleuse, imaginie par moi et priparee depuislongtemps pour dipouiller les Icariens et m’enrichir de leurs dipouilles. C’itait tellement absurde et insensi que, dans une de vos adresses, vous declarez que: « C’est une de ces iniquity qui pourrait sulDre a elle seule pour dishonorer un slide. » Nos ennemis disaient partout que je n’oserais pas revenir en France, comme ils disaient auparavant que je n’oserais pas alleren Amirique : mais je reviens a Paris en juin 1851, comme j’etais parti pour la Nouvelle-Orleans en dicembre 18A8; je parais devant la Cour, je riduis au silence les 140 GOLONIE 1CAR1ENNE. calomniateurs, et je fais annuler la sentence surprise a la jus¬ tice humaine. RAPPEL A AAtV00. Pendant mon absence d’une ann6e, quelques membres de la colonie se sont relaches sur l’observation des principes ica- riens; l’administration qui me remplacait s’est trouvde entrai- nee a de facheuses concessions, et la G£rance me presse de revenir. Celui qui la preside m’ecrit meme que, s’il dtait prfcs de moi, il se jetterait a mes genoux pour me determiner a un prompt retour. Je pars en effet, en abandonnant des operations commen- c£es dans l’interet de la Colonie, et je rentre dans son sein au commencement d’acut 1852. NATURALISATION. — COLONIE DANS L’lOWA, Nous prenons aussitot plusieurs mesures importantes, no- tamment la declaration de noire intention de demander notre naturalisation comme citoyens americains, et l’etablissement d’une nouvelle colonie dans I’lowa, pour y fonder definitive- ment la Communaut£. Nous y envoyons une premiere petite avant-garde dedix liommes, que nous renforcerons successi- vement et continuellement. ATTAQUES CONTRE LA LOI Dt o AVAIL. Peu de temps aprfcs, lorsque l’union et i’unite d’aclion nous sont toujours absolument n£cessaires, quelques membres demandent, contre mon opinion bien connue, l’abrogation de la loi du 5 avril, sous le pretexte ou par le motif que cette loi viole l’£galii6 qui est l’un des principes du Communisme ica- rien, et leurs raisonnements sont si specieux, qu’ils seduisent et entrainent un assez grand nombre de leurs freres; mais je d£montre que cette loi ne viole nullement TEgalite, qu’elle COMPTE-RENDU. iUl est seulement une mesure ndcessaire de propagande et de salut, et la grande majority revient a mon opinion. Malheu- reusement les partisans de l’abrogation sont des membres de la Gdrance, les memes qui demandaient le plus vivement mon retour, en considerant raon avis comme indispensable; ils s’obstinent a prdfdrer leur opinion a la mienne et commen- cent ainsi une nouvelle dissidence: c’est, a mes yeux, une faute inexplicable, qui troublera quelque peu rharmonie de la Socidte. REFORME ICAR1ENNE. Les inconvdnients de celte dissidence et du relacberaent introduit pendant mon absence, deviennent si uombreux et si graves que je crois devoir proposer, sur la fin de 1853, une Reforme icarienne pour revenir a la pratique des principes icariens. Cette Rdforme paraitsindressaire qu’elle est adoptee a la presque uaanimite et confirmee on fdvrier 1855, apr^s de longues explications de ma part pour en faire sentir la neces¬ sity J’arrive enfin a notre situation pendant le premier semestre de 1855. Mais auparavant, deux mots encore sur la compta- bilite du Bureau icarien a Paris. . . COMPTABIL1TE DU BUREAU ICARIEN A PARIS. J’ai ddja dit que, avant 1852, les livres du Bureau de Paris, regulidrement tenus, ont dtd quatre fois enlevds par la police, notamment pour le procesdel851 et aprds le coup d’Etar. Depuis 1852, le double du livre de caisse contenant la recette et la ddpense a dtdregulierement envoye chaque mois. Les recettes se composent des produits de la vente des bro¬ chures anciennes et nouvelies, des abonnements au journal, des recouvrements sur les anciens correspondants et ddbiteurs, des souscriptions et des apports versds a Paris. Les depenses comprennent les traites sur New-York, en- m COLONIE ICARIENNE, voyees par Paris a Nauvoo, des remboursements d’apport, desfraisde bureau etde correspondance, des achats plus ou moins considerables des divers objets demandes a Paris par la Communaute. Resume des Recettes et Depenses des mois pour 1852. RECETTES. DEPENSES. Janvier... 5,933.10 3,437,80 Fevrier. 6,908,75 6,195,80 Mars. 466,60 2,828,60 Avril. 3,478,47 3,029,10 Mai. 2,408,50 2,617,22 Juin. 2,055,90 2,126,32 Juillet. 2,496,05 2,424,75 Aout. 2,053,25 2,090,35 Septembre.. . 5,313,20 5,645,45 Octobre. 1,957,85 1,506,40 Novembre. 438,05 1,451,15 Decembre.. . ... 5,068,92 3,439,13 Recettes. 38,578,64 36,792,07 Depenses. 36,792,07 Reste en Gaisse. . . 1,786,57 Voiciie resume pour les annees 1852 a 1855 : RECETTE TOTALE. DEPENSE TOTALE. RESTAIT en Caisse. 1852 — 38,578.64 36,792.07 1,786.57 1853 — 28,960.37 28,706.00 254.37 1854 — 55,064.28 53,974.99 1,089.29 Six premiers mois de 1855 — 30,128.92 29,842.65 286.27 1 152,732.21 149,315.71 l SITUATION PERSONNELLE. m Constatons maintenant la situation materielle pendant )e premier semestre de 1855. SITUATION DU PERSONNEL AU pr JU1LLET 1855. Au ter janvier, la Colonie comprenait. 452 membres. Sont arrives depuis, jusqu’au l er juillet. 95 Sont n£s. 10 Sent morts Sont partis Reste au l fer juillet.. 526 2 27 555 29 Le plus grand nombre des sortis n’gtaienl adniis que pro- visoirement. Le plus grand nombre etaientdes enfants emme- nds par leurs pores et meres; et le p.us grand nombre encore 6taient des Allemands qui ne parlaient pas le francais (ce qui a d’innombrables inconvenients), qui n’avaient ni nos habi¬ tudes, ni nos idees., qui ne partageaient ni nos opinions, ni nos principes, et qui se disaient ou se croyaient lea¬ dens sans etre meme Communistes. Leur depart nous fera prendre plus de precautions a l’avenir. D’autres Allemands, venus avec eux, sont decides a resler avec nous, comme plu- sieurs de ceux qui nous out quittes pr£c6demment annoncent le ddsir de revenir, notarament celui qui nous dit: « S’il y en a dans la Gommunautd qui veulent la quitter , je » leur dirai qu’ils fout une folie ; qu’ils ne trouveront jamais » ce qu’ils quittent: Fi aternite, Liberty, vie tranquille et sans » inquietude ; car, quoique j’aie trouv£ dans la famille de ma » femme des cceurs bons et genereux, la Communautd vaut » encore mieux. » On nous annonce aussi de Paris que deux membres de la premiere Avant-Garde, retourn£s du Texas en France, vont se remettre en route pour se rendre dans la Colonie. m COLONIE ICAPJENNE. Ainsi, la propagande marche, puisque le depart de septem- bre 1854 n’etait que de 51 (hommes, femmes et enfants), tan- dis que le depart de fevrier 1855 est de 58, et que le prochain depart pour septembre 1855 est annonc£ comme devant com- prendre 80 a 100 Icariens. Des 526 membres presents au l et juillet 1855 dans la Com- munaute, 57 sont dans Plowa et le reste a Nauvoo. 30 ont ete naturalises en mars 1855, tandis que 27 Pont 6t6 en octobre 1854, ce qui porte a 57 le nombre des Icariens devenus ciioyens americains. • f 5 - En mentionnant 9 manages, 3 inscriptions civiques et 2 ex¬ clusions prononc£es pour faire respecter Pinviolabilite de Pu- nion conjugate* nous aurons tout le mouvement du personnel pendant le l er semestre de 1855. SITUATION MATERIELLE. Accidents. — Beaucoup d’accidents viennent nous occa- sionner des pertes considerables : un incendie cause par la foudre ou par quelque negligence ou imprudence, vient de detruire, pr£s du moulin, notre magasin de mai's et les objets qu’il renfermait, notre malt-house avec quelques grains pre¬ pares, notre buanderie et notre lavoir avec beaucoup de linge qui s’y trouvait momentan6ment depose; trois de ces bati- ments etaient tout neufs. La perte est de 20 a 30,000 francs ou 4 a 6,000 dollars. Nous perdons un cheval qui s’est cass£ la jambe, un autre rnort de tranchees, valant plus de 600 francs ou 120 dollars, trois petits poulains, des pores etouffes, quelques bes- tiaux, etc., etc. —Une partiede nos recoltes est aussiperdue par Pintempdrie des saisons. D’autres pertes nous laisseat encore plus de regrets : un de nos hommes les plus d£vou6s et les plus utiles, charge de soi- gner notre principale tteurie, se noie dans le Mississipi, en fai- sant baigner ses chevaux; et Pune de nos jeunes Giles les plus SITUATION MATfiRIELLE. U5 accomplies, p£rit par la foudre au milieu d’un grand nombre de femmes renvers£es a ses cot6s, quoique sans aulre mal que la frayeur. D’autres morts ou des maladies, dont beaueoup sont cau¬ ses par imprudence, viennent aussi nous aflfaiblir en d£sor- ganisant nos ateliers et en paralysant plus ou moins le travail. La plupart de ces accidents et de ces pertes pourront gtre 6vit£s a l’avenir, quand nous pourrons faire les depenses ne- cessaires, ou quand nous aurons plus g£n6ralement Phabitude de I’ordre et des soins indispensables. Ainsi, dfcs que nous pourrons en faire la dgpense, nous aurons des paratonnerres partout ou le besoin s’en fera sentir. Acquisitions. — N6anmoins, nous achevons un batiment d’habitation sur le carre du Temple, et nous en preparons trois autres. — Nous reconstruisons nos batimentsincendids; nous achetons des terres dans ITowa pour plus de 2,000 dollars ; la maison d’habitation et quelques terres en dependant, pres du moulin, pour environ 800 dollars, la maison d’habitation pou- vant loger quarante manages, a Nauvoo, pour plusde 2,000; un train de boisde construction, pour pr&s de 2,500 dollars; nous faisons beaueoup de reparations et d’amgliorations au moulin et ailleurs. — Nous decorons le rgfectoire; nous ache- tons un service de vaisselle en faience et en verre; nous en faisons venir de Paris un autre en fer battu. — Nous achetons oufabriquons des machines et des outils. — Nous commen- cons pour notre £cole un gymnase sulfisant pour les premiers exercices, et qui sera successivement comply. — Nous em- bellissons Tesplanade du Temple, en y plantant des arbres et des bancs, et en y dessinant des gazons de verdure avec des bordures de fleurs, et nous y faisons de la musique en plein air le dimanche, apres souper, avec vingt de nos musiciens, enfants pris dans notre dcole. Nourriture. — La nourriture doit etre suflisante, repara- trice, saine, proprement appreige, autant que possible vari^e m COLONIE ICARIENNE. dans sa preparation, dirig£e par Pordre, Peconomie, sans exces, sans abus, sans desordre ni prodigality. — La cuisine a besom de beaucoup d’ustensiles. Elleest difficile a fairepour deux, trois, quatre cents, etc., personnes. — II est difficile d’avoir des cuisiniers, parce que nous n’avons pas de cuisi- niersde profession, parce que nos cuisiniers sont pris parmi nos travailleurs, suivant leurs gouts, leurs dispositions ouleur zfcie. La nourriture a et£ difficile pour nous cette ann£e, parce que les aliments £taienttr£s rares et trfcs chers; etneanmoins, leslcariens ont certainement die mieux nourris que la masse des ouvriers partout ailleurs. Repas. — Le matin, en se levant, et avant d'aller au travail, les hommes prennent une goutte de wiskey avec du pain. — A dejeuner, les hommes ont de la soupe, des legumes, (pommes de terre ou haricots, etc.), eu de la viande restee de la veille. — Les femmes prennent generalement du caffi au lait. — A diner on a un ou deux plats. — A souper, on a de de la soupe et un ou deux plats. On a de la viande de baucherie et de la soupe grasse plu- sieurs fois par semaine; quelquefois du moutoo; du pore frais habitueliement pendant Phiver, avec de la cho ucroute,etc.; du jambon et autre charcuterie ; de Pexcellent poisson une ou deux fois par semaine, pendant la saison de la peche; des kneips et autres pates, des pommes de terre, des patates, des haricots, du riz, du beurre, du fromage et des ceufs, des legumes verts de toutes espfcces, salade, radis, choux, pois, haricots, carottes, navets, ognons, poireaux, oseille, £pi- nards, etc.; — Quelquefois de la volaille; — Plusieurs fois, dans la saison, on a des melons et des past£ques. -Cette an- nee nous aurons immensyment de peches, assez pour en man¬ ger trois fois par jour pendant pr£s d’un mois, soit fraiches, soit en compote. — L'ann^e prochaine, nous aurons des pommes et autres fruits, car nous aurons plants des arbres fruitiers de toutes espfcces, et nous aurons meme toutes sortes SITUATION MATfiRIELLE. V 147 de conserves. Nous n’avons pas encore de raisin; mais nous en aurons bientot, car nous cultiverons meme de la vigne. Mais pour tout cela, il faut du temps, des ustensiles, des locaux, c’est-a-dire del’argent; et nousne pourrons amgliorer que successivement. L’inGrmerie a une cuisine spSciale ; les malades et les nour- rices ont des aliments exceptionnels, soit a rinfirmerie, soit chez eux. Les ateliers mobiles, en assez grand nombre, ont des cui¬ sines particulifcres, ce qui occasionne de grandes depenses, et ce qui a de graves inconv^nientssous tousles rapports. On a bu de Peau, pendant les repas, pendant plusieurs mois de cette ann6e, par gconomie; mais on boit g£neralement du cafe a dejeuner et a diner, et du the a souper. Entre les repas, les travailleurs boivent de Peau tremp^e de wiskey. Nous ferons et boirons, aussitot que nous le pourrons, de la biere ou toute autre boisson. La consummation et la d£pense en sucre, en cafe et en the est considerable, trop considerable meme, et je pense qu’il faut nScessairement la reduire. Refectoire. — La regie dictee par la necessity de Pordre et de Peconomie est que tout le monde, excepte les nourrices et les malades, viennent manger au refectoire a la table com¬ mune ; que tout le monde se mette a table et en sorte en meme temps, et que personne ne mange entre les repas. Cette re¬ gie a regu successivement beaucoup d’infractions, aussi con- iraires a Peconomie qu’a Pordre, et auxquelles il faudra ne¬ cessairement mettre un terme. Vetements. — Le vetement icarien doit etre convenable contre le froid et le chaud, en hiver et en 6fe, commode, economique, par consequent simple, facile a faire et a Sparer, sans rien cPinutile, sans luxe et sans vaines superfluity; tout ce qui tient au luxe et a la coquetterie est aussi contraire a 148 . COLONIE ICARIENNE. notre necessity d’dconomie qu’a nos principes de raison et de morality. Par Economic et pour garantie de [’application de nos principes, nous ferons tous nos efforts pour fabriquer nous-mdmes, le plus simplement possible, nos etoffes et nos vetements, et pour confectionner ou acheter nous-mdmes tous nos trousseaux et literies, soit a Nauvoo, soit a Paris. — D£ja nous avons 6tabli et organist plusieurs metiers a tisser et a faire des bas, etc., et nous allons acheter une machine a coudre. Nos anciens trousseaux se trouvant presque tous uses et de- traits, nous en avons un grand nombre a remplacer; et la dd- pense en coton, laine, etc., est tres considerable, car il faut parler de milliers de dollars. Chapeaux de paille. — II nous faut une grande quantity de chapeaux de paille, car tout le monde, hommes, femmes et enfants, en portent dans la Communaut6, Ce sont nos jeunes lilies qui les tressent avec du palmier, qu’il faut acheter. C’est encore une dSpense; raais c’est une economic de les faire nous memes. Pour 1’hiver, nos tailleurs font nos casquettes en drap ou en peaux et fourrures. — Nous ferons des chapeaux en feutre aussitot que nous le pourrons. Chaussures. — Les bottes sont ngcessaires pour les tra- vaux du dehors, et presque tout le monde enporte, parceque presque tout le monde est sujet a etre appelg pour des travaux exterieurs. C’est une grosse dSpense; mais une tannerie entratne de plus fortes d£penses encore, et nous sommes obliges d’ajour- ner. — En attendant, queiques-uns de nos ouvriers nous font des sabots, qui sont plus economiques et plus chauds pour l’biver. Logements. — Le logement icarien doit Stre parfaitement ind^pendant etsepard, pour Sviter toute occasion de desagre- ments et de divisions. II doit etre pourvu de toutes les com- SITUATION MATERIELLE. 149 moditys nycessaires, afln que toutes les femmes puissent faire facilement leur menage sans avoir besoin de domestique, y trouver toutes les facility pour y entretenir la proprety et tout ce dont elles ont besoin, sans etre obligees de se dgpla- cer, meme quelques petits jardins pour de la verdure et des fleurs. C’est alors, et peut*etre seulement alors, que la Com- munauty possfedera tout son bien-etre, tous ses agrSments et toutes ses facility. Nous avons yty d’abord trfcs-mal logys; puis nos logements se sont successivement ameliords. Ils sont loin encore d’offrir la perfection desirable; mais ce sera l'objet constant de notre sollicitude, et ce n’est qu’une question de temps et de possi¬ bility financtere. A cet effet, nous avons besoin de masons, de beaucoup de macons; et le petit nombre de ceux que nous avons me rem- plit d’inquiytudes pour la construction desnouveaux logements nycessaires au nombreux depart qui doit arriver en novembre prochain. Ameublement. — L’ameublement icarien doit etre simple, mais doit comprenlre tous les meubles nycessaires. — Tous doivent etre confectionnys par nos ouvriers, pour tout le monde ygalement, et distribues a tous les logements en meme temps, apres que leur fabrication a yty dycidee et leur forme arretee de concert. Get ameublement, successivement aug- menty depuis le commencement, est loin encore d’etre com- plet; mais nous travaillerons constamment a le compiyter. Poterie. — Nous venons d'ytablir une poterie qui nous fournira beaucoup de petits ustensiles en terre, nycessaires dans les mynages. Puits, etc. — Les puits ne sont pas nombreux et n’ont pas assez de pompes ; les lieux d’aisances sont trop yio'gnys et trop defectueux; les ehemins, les cldtures et la proprety gyny- rale, laissent beaucoup a dysirer : mais tout s’amyiiorera con- tinuellement. 7 150 COLONIE ICARIENNE. Chauffage , Eclairage. — II faut des poeies et des lampes, etc., dans chaque logement; il faut du charbon de terre et du bois, de la chandelle et de Thuile; il faut une voiture etun cheval, etc., pour la distribution a domicile ; et c’est une d£pense considerable. Un service rdgulier n’a pas encore pu s’etablir a cet egard; mais on fera tout pour l’eta- blir incessamment. Medecin. —Un medecin, en merae temps chirurgien, soigne tons les malades; il fait des visites reguli&res, chaque jour, a rinfirmerre et aux ecoles, puis aux malades dans leurs domi¬ ciles.— Une sage-fcrame preside aux accouchements et soigne les accouchees. Infirmerie, — Nous avons une infirmerie pour les hommes, avec une cuisine exceptionnelle : mais cette infirmerie n’est pas assez spacieuse, et, dans les temps de maladies plus ou moins graves, beaucoup d’hommes se font soigner par leurs femmes a domicile, ce qui est beaucoup plus dispendieux sous tous les rapports. La Colonie n’a pas d’infirmerie pour les femmes et les enfants, ce qui a beaucoup d’inconv^nients. Mais l’Administraiion ne devra rien n£gliger pour organi¬ ser, aussitot que la chose sera possible, une seconde inHr- merie, et pour ameliorer celle qui existe. Bains.— Il y a quelques baignoires pour Tinfirmerie, pour les malades a domicile et pour les enfants. Les femmes et les petites Giles de l’ecole vont se baigner dans le grand bassin du lavoir, les hommes et les enfants de T£cole vont se baigner dans le Mississipi. — Quand nous construirons une ville, chaque maison aura peut-etre son cabinet de bains et sa baignoire.— En attendant, et d&s que nous le pourrons, nous aurons des bains publics avec un nombre suffisant de cabinets et de baignoires. Pharmacie. — Notre pharmacie est assez bien fournie en SITUATION MATfiRIELLE. 151 medicaments de beaucoup de sortes, tir£s de Paris ou des villes americaines. Ecoles. — Nous avons une grande ecole, divis£e en deux parties, Tune pour les gargons au-dessus de cinq ans jusqu'a seize, en comprenant aujourd’hui 39, et Tautre pour les petites lilies du meme age, en comprenant 33, et une petite 6cole ou salle d’asile, comprenant 22 enfants, garcons et filles de trois a cinq ans, ind6pendamment de 35 enfants au-dessous de trois ans reslant continuellement avec leurs rnfcres, qui ont de jolies petites voitures pour les promener. — Les enfants de la grande ecole mangent etcouchent a 1’ecole. Les parents peuvent les emmener le dimanche dans l’intervalle entre le diner et le souper, et peuvent meme les voir a Fecole chaque jour de la semaine pendant les recreations. — Les enfants de la petite ecole y sont conduits avant le dejeuner jusqu’apres souper, afm que leurs p£res et meres puissent travailler dans les ateliers. Ces enfants sont reunis sous la surveillance et la direction d’une citoyenne, qui les fait jouer ou qui les pro- m&ne, et qui les habitue a la vie sociale et fraternelle. Pendant trois ans, ces ecoles etaient d’abord tr&seiroite- mentlogees, et privees de tout agrement. Aujourd’hui, la grande ecole occupe un grand batiment double, construit en pierres par la Colonie, comprenant deux vastes cours bor- dees d'arbres et de fleurs : mais el'e est encore trop etroite et manque de plusieurs parties essentielles. II faudrait que recole putetre une petite communaute complete, se suffisant entie* rementa elle-meme, et par consequent que, independamment des classes separees, necessaires pour les differents degres ^instruction, elle contint une grande salle pour le dessin—une grande salle pour la musique—une grande salle de recreation pour le mauvais temps — une salle pour les livres, les instru¬ ments, les jeux —une cuisine et ses accessoires — une salle a manger, etc.—uneinfirmerie avec des bains—une buanderie, et, autantque possible, un lavoiret un sechoir, avec un atelier de repassage—un atelier de confection et de raccommodage— 152 COLONIE ICARIENNE. un emplacement dans le dortoir ou a c6t£ pour se peigner et se layer tous ensemble et rapidement, — un vestiaire pour d£- poser les vetements etles chaussures propres—tous les petits emplacements n£cessaires pour nettoyer les vetements et les chaussures— pour dgposer le chauffage, etc., etc.—Les puits, les pompes, les tuyaux pour procurer facilement et conduire partout l’eau n£cessaire—tous les petits ateliers avec leurs ou- tils et leurs magasins n£cessaires pour donner aux enfants, par Tinstruction pratique, les Elements des arts et des metiers les plus usuels. — Enfin, les logements necessaires pour les directeurs, professeurs et surveillants. Les filles s’habitueraient ainsi a tous lestravaux de femmes, et les garcons s’habitueraient de meme a tous les travaux de Seur manage, meme a faire leur cuisine, etc., comme au manie- ment de tous les outils. 11s s'habitueraient egalement a tous les travaux de fagriculture, de Horticulture et des r£coltes. La petite 6co!e ou lasalle d’asile devrait contenir une petite infirmerie, etetre suffisamment spacieuse pour les recreations interieures et exterieures, avec tous les jeux convenables, avec une cour sabiee, du gazon et de l’ombre, des arbres et des fleurs. Ii faudra aussi des salles particulifcres pour descours desti- tines aux jeunes filles et aux jeunes garcons. II faudra encore un certain nombre d’instituleursdiff£rents, utilisant des elevesmoniteurs. Tout cela sera bien dispendieux et demandera bien du temps; mais ce sera le but constant des efforts et des sacrifices de la Colonie pour assurer le succ&s complet de la Communaute par des generations icariennes. En attendant, les petites filles 6pluchent certains legumes pour la cuisine commune, les garcons vontchercher leurs aliments ainsi que leur chauffage et leur eau, et vont meme a la ferme pour y passer la journee dans les travaux de fagriculture etde la recolte. SITUATION MATERIELLE. 153 QuandFecole sera convenablement Vendue et organisce, elle pourra recevoir des pensionnaires americains, auxquels elle enseignera le fran^ais el donnera Feducation icarienne en recevant de leurs parents une pension convenable, ce qui sera avantageux sous le rapport de la propagande, et meme sous le rapport de la question fmancifcre. Mais jusque-la, quoique trfcs reduite a des elements sous le rapport de Instruction, l’ecole est une cause inevitable de depenses pour les fournitures de toutes espfcces, en ardoises, crayons, papiers, plumes, encre, livres, tables, etc., etc. Gymnase.—L a gymnastique est une partie essentielle de Feducation, indispensable sous tous les rapports, utile aux lilies elles-memes en la reduisant seulement a la partie conve¬ nable des exercices. * Le gymnase icarien n’est que commence, on Fachevera successivement. Nous n’avons pas encore pu le peiodre a cause de la depense; mais on le peindra aussitot que pos¬ sible, parce que la peinture est necessaire pour la conserva¬ tion des bois. Ateliers de femmes. —11 est necessaire, pour reconoraie, que les femmes comme les hommes travaillent dans les ateliers communs; et, pour qu’elles puissent s’y rendre sans repu¬ gnance et sans hesitation, il est necessaire que les ateliers soient, autantque possible, suffisamment spacieux, sains, com¬ modes, meme agreables, sans cependant aucune superfluity. Dans le commencement de notre etablissement, tous les ate¬ liers laissaient beaucoup a desirer; ils sont deja bien ameiio- res, et on les ameiiorera continuellement encore. Buanderie, lavoir. — Ces deux ateliers sont contigus, sur le bord du Mississipi, pres du mouiin qui leur fournit a volonte de Feau chaude et de Feau froide; ils sont aussi com¬ modes que possible. Douze a vingt citoyennes y lavent, dans ua vaste reservoir 154 COLONIE ICARIENNE. closet couvert, la masse de linge de la communautS. L’op£ra- tion dure ordinairement quatre jours. Le lavoir dtant eloignd de plusd’un quart de lieue, leslaveuses y sontconduites, aprfcs dejeuner, clans une espece d’omnibus qui vient d’etre construit expr&s. Elies dinent, avant ou aprfes les hommes, dans le refectoire du moulin. Independamment de loutes les ameliorations apport£es Fadministration, qui avait ddja fait venir de France une machine a laver qui avait dtd ddtruite dans Fincendie, s’occu- pera sans cesse a trouver une machine capable de bien laver sans user le linge, et de supprimer ou rdduire, ou soulager le travail des laveuses. Sechoir. — C’est un atelier indispensable , pour Fhiver comme pourl’ete. Jusqu’a present, la Golonie n’a pu s’en pro¬ curer un; mais elle va le faire enfln au-dessus du lavoir, en cherchant d ailleurs une machine propre a simplifier et a abreger Fopdration du sechage. Ateliers de repassage. — Les repasseuses travaillent dans la mdmepi&ee avec les lingeres et les coulurifcres, ce qui a beaucoup d’inconvenients pour les uues et pour les autres, sans qu’on ait pu, jusqu’a present, les sdparer; on les separera le plus tot possible. Ateliers des lingeres et couturieres.—II a besoin aussi d’amgliorations ; on lesferadfes qu’on le pourra. Grande lingerie. — II en est de meme de la grande lin¬ gerie ou l’on apporte, avant chaque lessive, le linge a laver, ou il est inscrit et divise, et ou il est rapports apr&s le lavage pour etre raccommoddet repassd, puis depose dans les cases et distribud. Ateliers de jeunes filles. —Inddpendamment de lous les ateliers ci-dessus mentionnds, je voudrais organiser, pour les jeunes filles sorties de l’dcole et pour les jeunes filles arri- SITUATION MATfiRIELLE. 100 vant, trop agees pour y entrer, un atelier special, consacre a les instruire ou a les perfeclionner dans la taille et la confec¬ tion de tous les travaux concernant le linge et les vetements. La chose n’a pas pu encore s’accomplir, mais elle se fera le plus tot possible. Ateliers d’hommes. — La Coloniepossfcde un assez grand nombre d’ateliers, nolamment : de mecaniciens, forgerons, mardchaux-ferrants, serruriers, ferblantiers, toliers, charpen- tiers, menuisiers, tourneurs, charrons, bucherons, macons, peintres, tonneliers, horlogers, tailleurs, imprimeurs, relieurs, cordonniers, sabotiers, matelassiers , tisseurs, bonnetiers, teinturiers, boulangers , charcutiers, bouchers, cuisiniers, agriculteurs, jardiniers , meuniers, distillateurs , flat-boa- tiers, etc., etc. Presque tous ces ateliers sont dans leur enfance; mais la Colonie les completera, les developpera et les perfectionnera. Pour cela, il faudra des machines, etc,, des magasins pour les matieres premieres, pour les outils, pour les produits fa- briques; il faudra des hangars, etc.; c'est-a-dire il faudra beau- coup d’argent et du temps. C’est la Gerance ou r Administration qui doit decider et de¬ terminer la composition de chaque atelier, les travaux a exe¬ cutes etc., etc. Chaque atelier, fixe ou mobile, doit avoir un direcleur elu par lui pour trois mois, et dont relection est soumise a la con¬ firmation par la Gerance. Chaque directeur doit faire chaque semaiue, un rapport meniionnant Pexactitude de chaque ouvrier, les contraventions qu’il a pu commettre, le travail et la production de Tate- lier, etc., etc. Ciiandelle et savon. — Des ateliers speciaux pour cette double fabrication, etablis depuis qnelque temps, recevront successivement les developpements necessaires. 156 COLONIE ICARIENNE. Moulin. — Le raoulin, situd sur Ie bord du Mississipi, et mis eu mouvement par une machine a vapeur de la force de 18 chevaux, a £t£ acquis principalement pour assurer a la Co- lonie Inappreciable avantage d’avoirtoujours avec certitude sa provision de farine, soit de froment, soit de mais et de pain. II moud aussi pour les habitants de Nauvoo et pour le com¬ merce. Porcherie. — L’un des principaux avantages de la distille- rie, c’est de donner des residus precieux pour nourrir nos vingt vaches et nos vingt-cinq bceufs, et pour engraisser des pores eleves par nous ou achetes maigres pour etre engraisses et utilises, soit pour notre consommation, soit pour la vente avec un benefice plus ou moins considerable. — Sur 300 que nous avons ainsi achetes maigres, nous en avons revendu 100 gras pour Keokuk, et80 pour Saint-Louis, qui nous out rap- porte beaucoup plus que les 300 n’avaient coute. Nous avons double, cette ann£e, cette porcherie, de ma¬ nure que nous avons pu, et que nous pourrons y engraisser le double de pores. Scierie. — Nous avons, a cote du moulin, deux scies cir¬ culates mises en mouvement par sa machine a vapeur, une petite pour des lattes et du bardeau, et une plus grande pour de grands arbres de toute espfcce. Nous venons de remplacer deuxanciennes scies par deux nouvelles. — Nous scions pour nous et pour le public. — Nous venons d’acheter un grand train de bois en grumes ou billes, pour environ 2,500 dollars, et nous les transformerons en planches, etc., pour les em« ployer dans nos propres constructions ou pour les vendre avec benefice au commerce. Nous avons fait de grandes depenses cette annee pour de grandes ameliorations dans toutes les parties du moulin, no- tamment en remplagant de vieilles cuves par de nouvelles, des tuyaux en bois par des tuyaux en cuivre, etc., etc., en ame- liorant Tegrainoir a mais, et en ajoutant une bascule pour peser SITUATION MATfiRIELLE. 157 les voitures chargees et vides, ainsiqu’un grand magasin poury recevoir les provisions de mais. II nous a fallu des sommes assez considerables pour acheter le blE, le mais, l’orge et le bois nEcessaires au moulin, a la dis- tillerie et au fourneau de la machine a vapeur; mais nous avons pu fournir a tout. Flat-boat. —Pour le service du moulin, pour aller cher- cher le blE, le mais, le bois nEcessaires, et pour transporter nos produits a Keokuk, oh quelque bateau a vapeur les prend pour les transporter a Saint-Louis, nous avons deux grands bateaux et quelques barques serviespar sept ou huit hommes. un tlat-boat plus large, plus profond et plus solide, et un cha- land'ou bateau platqui peut plus aisement passer sur les ra- pides pendant les basses eaux. Tonnellerie. — Quelquefois nous sommes obliges d’a- cheter des barils a wiskey et d'autres a farine; mais autant que la chose nous est possible, nousachetons de grands arbres sur place; nos bucherons les abattent et fabriquent le merrain que nos charretiers amEnent et que nos tonneliers transfor¬ med en barils. Agriculture. — DEs le principe de notre etablissement a Nauvoo, nous aurions bien voulupouvoir acheter des fermes, au lieu d’en louer, acheter des bestiaux et des troupeaux de toute espEce, planter des vergers, etc.; mais nous ne I’avons pas pu parce que notre Etablissement n’Etait que provisoire, et que d’ailleurs nous n’avions pas les fonds considerables qui etaient nEcessaires. Pendant quelques-unes des annEes prEcEdentes, nous avons Ete obligEs de louer des fermes EloignEes ; mais cet Eloi- gnement ayait toutes sortes de graves inconvEnients, notam- ment celui d’isoler et de disperser les travailleurs et de les habituer a la vie individuelle en leur rendant presque impos¬ sible la pratique de la vie commune. 158 COLONIE ICAR1ENNE. Cette annSe, nous avons aeketd du timothSe sur place, tout pres de ckez nous, pour notre provision de fourrage, et nous avons loue une petite farme d’une ceutaine d’acresseulement, dans notre voisinage, dans laquelle, pour prdparer nos tra- vailleurs aux travaux de l’lowa, nous avons sem£ un peu de ble, d’orge, d’avoine, de chanvre, de balai, avec beaucoup de pommes de terre, de mais, de choux et d’autres gros legumes. Jardinage. -—Nousavons six principaux jardins pour les legumes ordinaires; mais nous manquons d’eau pour les arro- ser convenabiement, et nous serons obliges de construire un reservoir avec une pompe pour avoir l’eau ngcessaire. Fruits. — Nous avons beaucoup de pechers, plants par nous, qui nous donnent beaucoup de peches; et nous aurons successivement tous les autres arbres fruitiers et tous les au- tres fruits. Fleurs. — Nous avons deja beaucoup de fleurs dans le grand jardin, sur l’esplanade du Temple et dans les cours de l’dcole. Beaucoup de logements en ont a leurs croisees, et nous les multiplierons sans cesse. Bestiaux. — Nous sommes convaincus que nous n’aurons jamais trop de bestiaux, et nous les augmenterons toujours. Quant a present, r£duits au plus strict necessaire, nous n’avons que 14 chevaux et 25 bceufs pour nos labours et nos trans¬ ports, 4 a 500 pores dans la porcherie, et une vingtaine de belles vaches, qui nous donnent de 80 a 140 litres de bon lait par jour, et de beaux veaux. Juments. — Ce sont principalement des juments que nous avons, dies nous ont donne de bons poulains, ind^pendam- ment de trois que nous avons perdus. Etables. — Nos Stables sont loin d’etre ce que nous dSsi- rons, paicequ’il aurait fallu depenser beaucoup d’argent ou SITUATION MATfiRIELLE. 159 de temps; mais nous les am6liorerons sans cesse, et nous aliens en construire une nouvelie pour toutes nos vaches. Volailles. — Nous n’aurons jamais trop de volailles de toutes espfcces; mais il faut beaucoup de place, de construc¬ tions et de dSpenses, pour les faire prosp£rer en les soignant convenabiement.—Nousn’en avons encore qu’un petit norabre, qui nous donnent de la nourriture et des oeufs pour Pinfirme- rie et les malades; mais nous ameliorerons sanscesse. Imprimerie. — Nous avons une imprimerie qui compose en frangais, en anglais et en aliemand, qui nous a imprime trois jotrnaux dans ces trois langues, beaucoup de brochures et beaucoup de tableaux, etc., pour les besoins de Padminis- tration interieure. L'imprimerie icarienne travaille aussipour le public et gagne ainsi des sommes plus ou moins impor- tantes. Journal. — D&s les premieres annees, la Golonie a imprimG un journal en anglais, d’abord sous ie litre de Popular , en- suite sous le titre de Nauvoo Tribune , rempiac£, en 1854, par la Golonie icarienne , en francais, qui paraissait toutes les semaines, qui n'aeu que vingt-deux numeros, parce que Pad- ministration frangaise en aempeche la distribution en France, et qui a et6 remplac6e elle-meme, en 1855, par la Revue ica¬ rienne, mensuelle, qui n’a jusqu’a present que quatre num£- ros, parce que la meme administration en a encore empeebe la circulation. Nous publions aussi un journal mensuel alie¬ mand sous le titre de : Le Communist . Nous y join-irons pro- bablement, bienfot, un Bulletin agricole et Industriel , en frangais, qui pourra etre regu en France comme le Bulletin phalansUrien , pubiie en Belgique. Bibliotheque. — Chaque Icarien a sa petite biblioth&que icarienne qui contient les ecrits icariens. La Golonie a aussi une bibliotheque publique, comprenant plus de 4,000 volumes, a la disposition de ceux qui veulent 160 COLONIE ICARIENNE. lire dans leurs habitations. — Elle a aussi beaucoup de jour* naux venus de France ou recus d’Amgrique par ^change, et qui sont mis en lecture dans le refectoire, Elle a aussi le commencement d’un cabinet de physique et de chimie, qui s’augmenterasuccessivement. Theatre. — Nous avons un joli petit theatre avec de jolies decorations faitespar nospeintres, surlequel le dimanche, en presence de toute la Golonie (hommes, femmes et enfants occupant des places separees), et meme de quelques habitants de Nauvoo, quelques-uns de nos citoyens et de nos citoyennes represented des pieces choisies et chantent, soit separe- ment.soiten chceur. Nos enfants y paraissent aussi pour y reciter des fables ou d’autres morceaux, ou pour jouer ou pour chanter. Musique. — Notre musique icarienne, composee de trente- quatre musiciens pris parmi nos travailleurs au nombre de quinze et parmi nos enfants, execute de charmants morceaux pendant le spectacle, tandis que nos enfants, au nombre de vingt, font de la musique en ete, le dimanche, sur 1*esplanade du Temple, au milieu de la Golonie presque entire. Notre musique, comme notre theatre, n’est pas sans in¬ fluence sur Fagrement de la vie commune, et nous desirons qu’un jour tous leslcariens, toutesles Icariennes et tous leurs enfants puissent contribuer, en chantant, au plaisir de nos reunions et de nos fetes. — Nous n’avons pas encore pu faire donner des lecons de musique a nos pelites filles, dont beau- coup ont une jolie voix ; mais presque tous nos petits gar^ons apprennent a devenir musiciens. Ajoutons que la reputation de notre musique icarienne s’est etendue au loin, qu’on nous Pa souvent demandee pour des fetes publiques, et qu’on nous a meme offert et pay£ 100 dol¬ lars pour aller c£l£brer Pouverture d’un chemin de fer. Bal. — Nous reglerons d^finitivement plus tard ce qui con- SITUATION MATERIELLE. 161 cerne le bal en Icarie; mais, pendant l’hiver, nous avons eu, dans notre grand refectoire, plusieurs bals qui n’ont eu que de l’agryment pour les spectateurs conime pour les danseurs* Amusements. — Jusqu’a present, nous n’avons pas encore eu de jeux et d’amusements publics; mais nous ytablirons suc- cessivement tous ceux qui ne sont pas incompatibles avec nos principes. Promenades icariennes. —Nous n’avons eu, cette ann6e* ■ qu’une promenade en commun, avec musique et bal champS- tre; mais quand elles pourront etre completement organisyes* ces promenades ne seront pas un des moindres agr^ments dTcarie. Cours icariens. —Par des causes extraordinaires, le Cours icarien, consacry, chaque dimanche, a rappeler et a dyvelop- per, devant la Colonie entiere, les principes icariens, surtout a dyvelopper nos doctrines de fraternity, duality, de vraie liberte, d’unity et de communauty, et meme a traiter toules les questions capitales, a yte suspendu; mais nous le reprendrons le plus tdt possible, parce que c’est une des premiere ny- cessitys et Tun des plus grands avantages de Torganisation icarienne. Nouvelles entreprises industrielles. — Nos ateliers sont d’abord occupys et absorbys par les propres besoins de la Communauty, et ne gagnent que peu d’argent en travaillant quelquefois pour le public. Cependant, toutle monde sent que* comme nous ne pouvons pas produire tout ce qui nous est nycessaire, nous sommes dans la nycessite d’acheter et payer beaucoup de choses dont nous avons besoin, et par consyquent d’exercer quelques industries qui puissent nous faire gagner de l’argent; et personne peut-etre ne sent autant que moi cette necessity; personne ne desire aussi vivement que nouspuis- sions fonder quelque grande industrie lucrative. Mais il ne faut s’abandonner ni a ses dysirs, ni a son impa- 162 COLONIE ICARIENNE. tience; pour cr£er de grandes industries, il faut de grands ca. pitaux, etc., etc., et il faut bien nous r£signer a ce que la Colonie ne puisse pas faire aujourd’hui ce qu’elle fera plus tard, quand la chose lui sera possible. Du reste, que chacun propose ses id6es, ses projets et ses plans, et la Communaute entreprendra tout ce qui sera reconnu utile et praticable, Iowa. — Notre £tablissement a Nauvoo n’a 6t6 que provi- soire, parce que toutes les terres y 6taient occupees, qu’elles y Gtaient deja tr&s chores, que nous n’avions pas assez d’ar- gent pour en acquerir, etque nous ne pouvions qu’en affermer, en petite quantity, pour un fermage assez elev6, sanspouvoir profiter des ameliorations que nous ferions et par consequent sans pouvoir les ameliorer. Nous ne pouvions rien entre- prendre, rien fonder, rien creer; nous ne pouvions y eta- blir la Communaute. Un etablissement definitif ailleurs, dans un pays ou nous pourrions elre proprietaires d’un vaste territoire, nous etait done indispensable : mais ou aller ? L’Oregon, le Texas, le Kansas et le Nebraska, etant trop eloignes, ou trop occupes, ou ne pouvait nous convenir pour d’autres causes, nous avons immediatement apres mon retour en France, en 1852, ckoisi le comte d’Adams , dans i’Etat d’lowa , pres de deux cents milles, ou soixante-six lieues de Nauvoo a l’ouest, entre le Mississipi et le Missouri, a quatorze ou quinze jours de marche avec des boeufs, ou cinq a six jours avec des chevaux. Cette place n’etait pas tout ce que nous pouvions desirer pour la perfection, sous tons les rapports; mais ou pouvait-on ou pourrait-on meme aujourd’hui trouver ainsi l’objet de tous ses d£sirs. Nous y trouvions, sous un climat aussi sain et meme plus sain peut-etre que celui de Nauwoo, une grande £tendue d’ex- SITUATION MATERIELLE. 163 cellente terre labourable, propre a produire tous les grains, tous les legumes et tous les fruits; une petite rivifcre, et de l’eau partout avec des puits; du bois en quantity suffisante ou presque suffisante, que nous pourrons amyiiorer et augmenter indefiniment par des plantations; des places tres-convenables pour l’yievage d’un grand nombre de bestiaux; de la pierre et de la terre a briques pour les constructions; du charbon de terre dans la contr^e; la certitude d’un chemin de fer devant unir l’Est de TAmgrique a I’Ouest, devant passer a quelques lieues de notre Colonie projetee, et devant etre prochainement en action; la possibility des machines a vapeur partout ou manquerait la puissance hydraulique; enfin la facility, pour une ypoque rapprochye., des communications industrielles et commerciales. Ce sont ces avantages capitaux qui nous ont determines a choisir ce comty d’Adams, dans l’lowa. Nous avons d’abord pryempty, puis achety des terres, dont nous possedons deja plus de 4,000 acres, prys de la petite riviere; nous y avons envoyy des bestiaux, des machines et desoutils, et successivement huit convois, comme il suit: l er dypart 18 sept. 1852. 2 e - 14 avril — 3 e - 3 juillet — 4 e - 26 sept. — 5 e — 12 avril 1854. 6 e - 6 juillet — 7e — 28 sept. — 8 e - 23 avril 1855. 10 hommes. 4 - 5 — 1 jeune homme et 2 femmes. 2 — 3 — et 2 femmes. 5 — 1 jeune homme, 4 femmes et 1 jeune fille marine depuis. 5 — et 1 jeune homme. 11 — 1 jeune homme, 7 femmes, 1 jeune fille, 3enfants. Naissances. 2 71 71, dont 46 hommes, 3 jeunes hommes, 16 femmes, 1 jeune fille, 5 enfants. 164 COLONIE ICARIENNE. Plusieurs etant revenus par dilfdrentes causes, la Colonie ne ccntient aujourd’hui que 57 iudividus, dont: 33 homines, 3 jeunes homines, 15 femmes, 1 jeune fille, 5 enfants. Ces premiers colons ont construit des maisons en bois, dd- friehd, labourd, plantd, fait un jardin, un moulin, une scierie, de la brique, etc., etc. IIs ont quelques chevaux, quelques boeufs, plus de cent vaches ou gdnisses, pour lesquels il leur fautbeaucoup de fourrage; des pores etbeaucoup de volailles. Ils ont rdcolte du bid, du mai's, des pommes de terre, des ldgumes, etc. Nous leur avons envoyd un moulin, deux scies, descharrues, etc., une machine a faucher et une machine a battre, etc. La cloture, dtant une necessitd pour garantir les recoltes contre les besliaux, ils nous demandent une machine a enfencer ou enclore en creusant des fossds et piantant des haies; ils nous demandent meme une machine a va- peur. Nous leur enverrons ou nous leur porterons tout ce quileur est ndeessaire; car la communaute est essentielle- ment interessee a ne rien epargner pour assurer et accdldrer le progrds etrachdvementdefinitifde la Colonie. Mais malgrd tous les ddsirs et toute [’impatience de trans¬ porter completement la Communaute dans la Colonie, la chose est impossible pour le moment, parce qu’il est neces- » saire de preparer auparavant des logements dans Plowa, et la translation complete et definitive exigera ndeessaireraent du « < > i temps et beaucoup d’argent. II faut done, de toute ndeessite, conserver Nauvoo pour quelques anndes encore comme station provisoire, comme noviciat, comme dcole pour nos enfants, comme centre de propagande; il faut que nous y conservions des habitations SITUATION MATERIELLE. 165 pour ceux qui ne partent pas des premiers et pour les nou- veaux departs qui arriveront de France toujours enplus grand nombre; il faut que nous conservions notre moulin et ses accessoires, notre agriculture, memereduite, nos ateliers, etc., en un mot, notre organisation generate. C’est une grande difficulty et c’est beaucoup de depenses assurement, mais c’est une inevitable necessity, qui nous oblige a moderer notre impatience. Que nous ayons l’argent n£cessaire, et nous multiplierons les departs. L’incendie du mois de mai, qui nous a mis dans la necessity de reconstruire quatre batiments, nous a empeches de faire un depart enjuin ou juillet, et ce meme incendie, joint a la circonstance que la Colonie n’a pu construire que trois ou quatre logements dans I’lowa, nous empechera de realiser notre projet de faire un depart nombreux enautomne. Nous ne pourrons probablement envoyer que six personnes, mais nous nous eflbrcerons de reparer ce retard l’annee prochaine^ En attendant, j’irai visiter la Colonie, voir tout par moi- meme, et determiner l’emplacement d’une petite ville ou com¬ mune icarienne, dont la construction pourra etre commencee au printemps. Puis, je ferai sollicker auprfcs du Congrfcs la reponse a la petition que je lui ai presentee en automne 1854, pour obtenir la concession de 100,000 acres de terre, ou seulement leur vente avec des lermes pour le pay¬ ment. Si nous pouvons reussir, comme je l’esp^re, nous aurons bien autrement de credit, et nous pourrons etre bien autre- ment hardis dans nos entreprises. J’ai deja explique mes idees generates sur la ville et les loge¬ ments dans ma brochure: si j’avais 500,000 dollars! repetee dans le numero 4 de la Revue icarienne . J’ajoute que Impo¬ sition, pour la ville et les logements doit etre, non aux quatre points cardinaux suivant l’usage, mais dans la direction de la diagonale du nord-est au nord-ouest, en sorte qu’il n’y ait pas 166 COLONIE ICARIENNE. de logements exposes entterement au nord ou au sud, ou a Test, ou a I’ouest, mais des logements exposes au nord-est, ou au nord-ouest, ou au sud-est, ou au sud-ouest. — J’ajoute encore que les logements devront etre lous a peu pres ygaux, mais cependant divises en plusieurs classes pour chaque ma¬ nage, avec famille ou sans famille, pour plusieurs veufs ou plusieurs veuves, pour plusieurs jeunes gallons ou plusieurs jeunes fdles. Ressources financieres. — Les ressources financieres de la Communautd consistent dans ; les apports remis a Paris et a Nauvoo, les dons ou souscriptions, les emprunts ou achats a credit; les produits du travail fait pour le public, — Ce pro- duit du travail pourra et devra etre considerable a Tavenir; mais ii ne i’est pas beaucoup jusqu’a present, Les ateliers qui gagnent le plus en argent sont : le moulin avec ses accessoires, Timprimerie, les tailleurs, les mGcani- ciens, les cordonniers, les boulangers, les peintres, Phorlo- ger, les menuisiers, les tourneurs et le medecin. Quoique les autres ateliers ne travaillentpas pour le public, et ne regoivent rien de lui, leur travail n’est pas moins pro¬ ducts en rdalit£, parce qu’il n’est ni moins utile, ni moins necessaire a la Communaute, et parce que les premiers ne pourraient rien gagner sans eux. J’avais ie projet d’exhorter les Icariens du dehors a des avances sur leurs apports ou ceux de leurs enfants, a des dons, des souscriptions et des prets etc*; mais differentes circonstances m’ont fait ajourner Tex^cution de ce projet, que je reprendrai sans doute bientdt. Je me suis expliqu6 plus haut sur la possibility d’Stablir des industries productives, BUREAU ICARIEN A PARIS. Le Bureau Icarien a Paris, situ£ rue Baillet, n° 3, est occupe, gardy, dirigy, par ma femme et ma fille, et par le SITUATION MATfiRIELLE. 167 citoyen Beluze, qui ont ma procuration, et qui agissent en mon nom et com me mes mandataires, qui vendent mes dcrits, qui les font imprimer (avec les cliches que j’ai fait faire a Paris avant mon depart, soit pour mon Histoire populaire de la Revolution francaise, soit pour mon Voyage en lcarie y soit pour mon Vrai Christianxsme ), et qui recoivent les lea- riens de France pour leur donner les renseignements n6ces- saires. Ma femme avec sa filie gardent seulesle Bureau lorsque le citoyen Beluze est oblige de s’absenter et meme de faire des voyages pour les affaires de la Colonie, et lorsqu’il est arrets et emprisonng, comme cela est arrive plusieurs fois pendant la persecution icarienne. C’est lui, assiste d’un conseil de trois Icariens, qui fait les affaires de la Colonie a Paris, qui corres¬ pond avec elle et avec tousles Icariens de France, qui pr£- pare et organise les departs pour rAmerique, qui recoit les apports, etc., qui les eovoie imm.e.diatement a Nauvoo., en traites sur New-iork, qui fait les achats, paiements et rem- boursements. II tient des Ventures regulieres, et envoie a la Communaut£, apr&s chaque mois, le compte de ce qu’il a recu et payg. Nous avons vu ci-dessus^ page 4, que, lors des departs en 1848, le Bureau avait depense une somme de 111,910 fr. pour les pr£paratifs du depart, et qu’il a remis aux divers directeurs des dilferents departs une autre somme de 174,057 fr., y compris onze traites pour 30,225 fr. envoy£es en 1849 et 1850. Depuis, il a envoys a la Colonie les traites suivantes, et fait pour elle les achats et remboursements qui suivent : TRAITES ENVOYEES DE PARIS A NAEVOO. 1851 11 traites. 1852 1853 • 1854 16 — depuis le n° 15., jusqu’au n° 39.* 1855 28 — depuis le n° 40. jusqu’au n° 67.‘ 100 3.800 2.800 2,700 4,850 8,400 g 22,550 168 COLONIE ICARIENNE. En tout 100 traites, pour lesquelles Paris a paye 22,550 dollars ou plus de 118,000 francs. ACHATS FAITS A PARIS POUR NAUVOO. 1852 . 179 fr. 25 1853 . 98 50 1851. 1,770 60 1855 jusqu’au 31 juillet. 375 25 Total. 2,423 60 REMBOURSEMENTS D’APPORTS A PARIS. 1852 . 6,145 fr. 80 1853 . 6,241 74 1854 . 14,780 77 1855 . 7,971 80 Total. 35,140 11 Comptabilite dJSauvoo . — Depuis 1852, nosecritures de comptabilite sont r£gulifcrement tenues en partie double, avec un brouillard, un livre decaisse, un journal et un grand livre. r Une commission de comptabiiite, composee de trois mem- bres, verifie, chaque mois, les recettes et les depenses. Chaque mois aussi, le membre de la Gerance, directeur des finances, presente a TAssemblde generate, le compte detaille de la Caisse, et, frequemment, il presente a la Gerance la situation financtere. Voila la situation materielle; j’arrive a la situation morale . • * i * • • ».• «. SITUATION MORALE. Le septteme anniversaire du depart de la premiere avant- garde, ceiebre le 3 fevrier 4855, a ete l’occasion d’une frater¬ nisation solennelle, qui a prouve combien Thabitude de la vie SITUATION MORALE. 169 commune et fraternelle a fait de progrfcs parmi nous, ainsi qu’on peut le voir dans la brochure: Celebration clu septiemc anniversaire , contenant le r£cit de cette fete. Et si nous avions plus de devouement et plus de bien-etre, on nous verrait fra- terniser plus complement ou plus constamment, et la fra¬ ternity complete et constante ferait le triomphe de la com- munauty. Mais, pour avoir plus de bien-etre, il nous faudrait plus de propagande; et pourqueje puisse faire plus de propagande, il faudrait que je fusse content, que Punion la plus parfaite rygnat parmi nous, et que je pusse compter sur vous comme vous pouvez compter sur moi. Or, je vous Pai dyja dit en commen$ant, je ne suis pas con¬ tent ; nous ne connaissons pas assez nos principes et nous ne les appliquons pas assez; nous n’avons pas assez d’union et de fraternity, d’ordre et d’yconomie, de discipline dans le tra¬ vail, de fidelity pour toutes nos conditions d’admission ; et pour vous le dymontrer, je vais les passer rapidement en revue. Jevous Pai dyja dit, et je vous le repfcte encore ; je dysire ardemment vous yclairer sans vous blesser; je veux vous parler comme Fondateur d’Icarie plus encore que comme Prysident; mais je crois nycessaire de vous parler sans ryti- cence, en vous ouvrant mon ame toute emigre. Je serai d’autant plus hardi que mes observations ne s’ap- pliquent qu’a quelques-uns qui s’ygarent, sans atteindre la masse, que je sais etre animye des meilleures intentions. Je serai d’autant plus hardi encore, que vous ne pouvez douter ni de mon affectueux dyvouement, ni de ma Constance a proclamer ce principe de haute philosophic : que les imper¬ fections du peuple sortide Pancienne organisation sociale, sont moins sa faute a lui que la faute de cette organisation. Je n’entends pas discuter, mais seulement vous donner mon avis, mon opinion, mon sentiment, sur cequeje crois absolument nycessaire pour le succfcs de la communaute. 170 COLONIE ICARIENNE. RAPIDE COUP-D’OEIL SUR LES CONDITIONS ©’ADMISSION. Je voudrais rappeler ici, avec leurs motifs, nos conditions (Tadmission du 22 janvier 1850, et notre Reforme icarienne da 23 novembre 1853; mais ce serait trop long; et comme vous les avez imprimis en deux petites brochures, vous pou- vez les relire, je vous engage a le faire, et je citerai seulement renonce de chaque condition. l re condition : — Bien connaitre les Merits Icariens, Puisque la Communaute Icarienne a pour but special d’appliquer et de faire reussir !e syst&me Icarien, il est evi- demment indispensable d’approuver et par consequent de connaitre ce systfcme Icarien. Aussi, tous ceux qui demandent leur admission en Icarie doivent d’abord declarer, et declarent en effet, par ecrit, qu’ils connaissent parfaitement, et approu- vent sans reserve ce syst&me Icarien. Cependant, beaucoup sonl admis sans bien connaitre, par consequent sans bien ap- prouver, par consequent encore en trompant ou en se trom* pant eux-memes, seduits par nos principes de fraternite et d’egalite, par des sentiments genereux, et par l’esperance du bien*etre en travaillant; puis, quand ils sont a l’ceuvre en Icarie, aux prises avec le travail, avec quelques genes et quelques privations, presque tout leur parait nouveau* les ar- rete et souleve des objections et des discussions, ce qui a d’innombrables inconvenients. Pour e viler ces inconvenients, je ferai, le plus tot possible, un Supplement aux conditions d' admission, et un Guide de Clcarien arrivant en Icarie , pour lui indiquer tous les details de notre organisation, tous ses devoirs, toutes ses obligations, et pour lui faire toutes les questions necessaires, en sorte que, avant de quitter la France, il connaisse absolu- ment tout, et que, en arrivant dans la Colonie, il n’ait a faire aucune objection quelconque, ayanttout connu ettout accepte avant le depart. 2 e condition : — Savoir lire * ecrire et signer . Plqsieurs SITUATION MORALE. 171 Icariens, un trop grand nombre, ont 6t£, par des con¬ siderations particulifcres, admis sans savoir lire et ecrire, ce qui a de nombreux inconvenients, ce qui les emp£che de pouvoir faire des rapports, par consequent de pouvoir etre elus, soit directeurs d’atelier, soit fonctionnaires publics, soil meme membres de la Gerance. Desormaisj c’est une necessite d’etre plus rigoureux a cet egard dans les admissions. L’inconvenient est bien plus grave encore de la part des etrangers, hommes, femmes et enfants, qui ne savent pas le fran^ais, qui, par consequent, ne peuvent pas connattre par- faitement notre systeme, nos principes etnotre organisation, qui ne peuvent ni comprendre, ni se faire comprendre, qui sont exposes et nous exposent a toutes sortes d’erreurs plus ou moins facheuses, avec lesquels je ne puis m'expliquer, et dont piusieurs ont refuse d’assister a nos assembles gene- rales, quoique nos lois prescrivent cette assistance comme une indispensable necessite. A l’avenir, cette necessite nous rendra forcement plus rigoureux dans les admissions d’etrangers qui ne parleraient pas francais, comme nous prendrons, aussitdt que possible, toutes les mesures necessaires pour apprendre la langue a ceux qui ne la savent pas. o° Condition : Adopter compldtement le systeme Icarien . Je ne suis parti, moi, et vous n’etes partis vous tous, que pour fonder Icarie conformement au systeme Icarien. Ni vous, ni moi, nous ne serions partis pour un autre sys¬ teme, ni pour un systeme cYindividualisme et d’ego'isme, ni meme pour un systeme de Communaute autre que la com- munaute icarienne, decrite dans ie Voyage en Icarie et dans tous les Merits icariens. C’est un engagement, et un engage¬ ment sacre, contracte entre vous et moi, entre vous tous as- socies pour fonder Icarie, entre vous et tous les Icariens du dehors. — Cependant, il en est quelques-uns qui, s’abandon- nant a leur impatience de voir la Communaute complement etabiie avec tout son bien-etre, revent une autre communaute 172 COLONIE ICARIENNE. me!6e d’individualisme et d’£goisme, et voudraient peut-$tre transformer Icarie en une communautd de proprtetaires indi- viduels, d’industriels et de travailleurs salaries suivant leur travail. Si ce fait est vrai, et je suis convaincu qu’il Test, c’est une folie, outre qne c’est la violation des engagements les plus sacr£s entre eux et moi, entre eux et nos vieillards, nos in- firmes, nos femmes et nos enfants orphelins ou autres; c’est une espfcce de trahison; et de la toutessortesdetiraillements, d’entraves et d’obstacles, qu’il faudra bien surmonter. 4 e condition : — Agir par dSvouement a la communautd Icarienne, dans 1’interet du Peuple et de l’Humanitg toute entire, en se consid£rant comme un soldat de rHumanitg. Ce d£vouement est assur£ment une chose sublime, in- finiment utile a la cause gdn£rale, mais c’est, pour des hommes elev£s dans l’ancien monde, une chose bien difficile, une vertu bien mdritoire. Avant de partir, vous avez pris, avec autant de sincerity que d’enthousiasme, l’engagement solennel d’etre ddvou£s; et si tant de revers ne vous avaient pas as- saillis, vous vous seriez toujoursmontrds d£vou6s, mais quel- ques-uns semblent avoir oubli£ leur g£n£reux engagement, et ne se laisser guider que par Tegoisme. Cependant, un grand nombre, plus grand certainement que dans aucune autre so- ci^t<§, savent 6couter encore Tinspiration du d£vouement, et se montreront de plus en plus devoues,, en se rappelant sans cesse qu’ils en ont pris l’engagement. 5 e condition: — Se d^vouer sp£cialement a la cause des Femmes et des Enfants. — C’est un des buts principaux du syst£me Icarien, qui le distingue surtout de tous les autres systfcmes, qui l’ennoblit etqui I’honore particulifcrement. Beau- coup d’entre vous ont certainement, pour les femmes et les enfants en general, plus d’£gards et de bienveillance que le peuple n’en a commun6ment dans les vieilles socidtgs; mais vous n’en avez pas encore autant que le reclame la doctrine Icarienne ; et beaucoup se montrent trop insoucieux et trop indifferents a cet <*gard, lors meme qu’ils s’abstiennent de SITUATION MORALE. 173 rien faire qui puisse nuire a Education des enfants. Nean- moins, je suis convaincu que !e systeme Icarien produira plus tard tous ses avantages sur ce point. 6 e condition : — Adopter le principe de YEgaiiie en lout, sans aucun privilege pour personne. — Ce systeme d’e- galite sans aucun privilege vous plait egalement. Cependant je vous signalerai deux exceptions : quelques-uns usurpent des privileges, des distinctions, des preferences en tout, dans le logement, dans le v£tement, dans la nourriture, etc., etc., en se preferant habituellement aux autres, et creeraient une aristocratie priviiegide et dominatrice, si le principe Icarien n’etait pas toujours present pour les ramener a TEgalite, tandis que d’autres abusent du principe, en ne reconnaissant aucune difference entre eux et des borames plus ages, plus instruits, plus experimentes, plus capables et plus utiles. Vous avez vu, comme moi, des jeunes gens a peine sort’s de recole, tutoyer des vieillards en invoquant TEgalite, mais ces abus seront fa- ciles a reformer. 7 e condition : — Adopter le principe de la Fraternite. C’est la base du systeme Icarien et le caractere qui le rend superieur a tous les autres systemes; c’est ce qui vous a sur- tout entralnes a I’adopter, et ce qui fera toujours votre honneur. Si vous appliquiez tous ce principe dans toutes ses conse¬ quences ; si vous vous consideriez reellement comme des fibres et des soeurs; si vous preniez pour regie de toutes vos actions ce precepte, repute divin tant il est excellent et su¬ blime : Aime ton prochain comme toi-m£mc , Fais aux autres ce que tu voudrais qu'ils te fissent,etc.; si vous aviez ce pre¬ cepte toujours present a la pensee;si vous vous aimiez reellement comme des freres et des soeurs ; si vous vous montriez tou¬ jours bienveillants, aflectueux, polis, indulgents, tolerants, les uns envers les autres, toujours prets a vous aider, a vous se- courir, a vous plaire^ a preferer les autres a vous-memes, tou¬ jours soigtieux et attentifs a ne jamais vous blesser par aucunc 3 174 COLONIE IGARIENNE. parole ni par aucun acte; si vous traitiez la mere, la femme ou la fille d’un autre, ou son p£re ou son enfant, comme vous voudriez que cet autre traitat voire mfcre ou votre pfcre, voire propre femme ou votre fille ou votre enfant, la Communauty ne serait-elle pas un veritable paradis pour vous tous? Cepen- dant, un trop grand nombre sernble oublier qu’ils se sont adoptes comme frfcres et comme sceurs; ceux qui arrivent de France, encore ychauffes par l’id£e de fraternite en Icarie, sonl surpris en arrivant de ne pas Py trouver dans toute sa puissance et tout son eclat. Neanmoins, il n’est peut-etre pas une autre Society qui presenle autant de Fraternite que notre Society Icarienne; et nous avons tant d’intdret a pratiquer cette doctrine de l’amour fraternel que jen’hesite pas a penser qu’an jour Icarie sera le r&gne de la Fraternite. s 8° condition : — S’engager a s’abstenir soigneusement de toutes injures , de toutes medisances et de toutes ca - lomnies. S’en abstenir est une n^cessite absolue, si nous voulons avoir (et nous le voulons certainement) Turnon et la frater¬ nity, la paix et i’harmonie, la satisfaction et le bonheur. Mais Tancienne organisation sociale donne au peuple tant d’hahitudes vicieuses que beaucoup d’entre vous se montrent intolerants et sans indulgence, et s’abandonnent a des discus¬ sions tellement vives qu'elles degyn^rent souvent en querelles et les entrainent a des expressions injurieuses, olfensantes et tellement blessantes (comnie par exemple le reproche de fai- neantise), que ces blessures ont entraine les injuries a la re- iraite. Cette retraite est assur£ment un acte de faiblesse et une fame envers la Communaute, car ce n’est point a cause de 1’individu qui a blesse, mais a cause de la Communaute ou de Thumanity que TIcarien insulte s’est rendu en Icarie, et la Communauty ne devrait pas soulfrir d’une faute qui lui est etrangere. Trop souvent aussi, on s’abandonne a des critiques et a des medisances qui blessent profondyment, et peuvynt troubler SITUATION MORALE. 175 Tharraonie publique. Cependant, ces infractions aux principes sont si manifesteraent contraires a I’intgret genera!, queje n’ai pas le raoindre doute qu’elles cesseront complement tot outard, et bientotje l’espfcre. 9 e condition : — Adopter le principe de la vraie liberie. Notre systeme Icarien est, je le soutiens, le plus favorable a la Liberty; car il vous affranehit de la mis&re, de l’i- gnorance, en ne vous soumettant qu’aux lois faites par vous- mernes. (Test une folie, jele soutiens encore, d’invoquer une liberte illimitee et absolue, sans rfcgle et sans frein, qui ne se- rait autre chose que la libertd pour le fort et pour le riche d'opprimer le faible et le pauvre, la liberty de s’abandormer a toutes les passions, a tous les vices et a tous les crimes ; ce ne serait plus la liberte, mais I’anarchie, la licence, le desor- dre, la confusion, le chaos et Tesclavage sous le nom de ii~ berte. Gdn^ralement vous partagez mon opinion, que nulle part, il n’exisle autant de vraie liberte qu’en Icarie, et vous ac- ceptez volontairement quelques genes, celle par cxeniple de commencer le travail a la mdme heure, parceque vous rccon- naissez generalement l’impossibilite d’obtenir les inestimables bienfaits de la Communaute, notammenl de la suppression de la misere, sansle travail, sans i’organisation et i’ordre dans le travail, comme sans discipline parmi les travailleurs. Cependant, quand TAdministration a voulu faire faire cer- taines choses utiles, ou empecher certaines choses nuisibles, vous avez vu quelques hommes dire et quelques enfants re- pdter, en resistant: Est-ce que j’ai fait trois mille lieues pour n’etre pas libre ? Mais la raison publique ramfcnera certainement tout le monde au culte de la vraie liberte. 10 e condition : Adopter le principe de la Communaute , en renon^ant a toute propriele individuelle . — C’est le 176 COLONIE ICARIENNE. caractfcre distinctif de la CommunautG ; le Communisme est le contraire de Findividualisme; tout y est mis en commun ; et c’estpar ce moyen que l’on peut parvenir a supprimer la mi- sfcre et toules ses consequences, Vous avez tous adopts ce principe liberateur : mais tout en £tant convaincu qu’il est le seul raoyen de remedier a tous les maux de l’Humanite, les habitudes de Tancien monde sont si puissantes que vousn’avez pas encore pu tous vous habituer a toutes les applications du principe de la Coinmunautd. — Ainsi, par exemple, quelqucs citoyennes ont vendu secrfctement, a des Strangers, quelques- uns des vetements ou des meubles a leur usage, sans reflechir probablement qu’elles n’en avaient pas le droit, puisque ces objets n’etaient plus leur propriety personnelle, mais celle de la Communaute, qui seule pouvait en disposer.— Cependant, je ne doute pas que ces legeres infractions au systerae n’au- ront plus lieu, quand toutes les consequences de nos principes seront plus parfaitement connues, et quand la Communautt* pourra mieux pourvoir a tous les besoins rgels de ses membres. ll c condition : — Adopter le principe de i’Unitg. Vous l’avez tous adopts ce principe, comme avant vous desiriez que le peuple entier agit comme un seul homme ; vous avez tous promis de faire tous vos efforts pour que la Societe Icarienne n’eut qu’un corps, qu’un coeur et qu’un es¬ prit, parce que vous avez senti qu’aucune puissance n’ggale- rait celle de la Communaut£, quand elle r£aliserait ce principe d’ unite . Et quels ne seraient pas en effet notre progres, notre d^veloppement, notre puissance en tout genre, s’il n’y avail eu aucune dissidence, aucune division, aucun disaccord parmi nous; si nous avions toujours parl£, dcrit, agi, comme un seul homme ayant un seul cceur ! Si nous ne parlions ja¬ mais entre nous que pour nous d^velopper les bienfaits de la Communaut6 ? et si nous n’ecrivions jamais au dehors que pour raconter (toujours avec v£rite) notre union, notre s£curitd, notre bonheur,, notre patience, notre courage pour vaincre toutes les difficultes d’une colonie naissante ! Si nous etions SITUATION MORALE. ^Wl T —f ~ *• * XI1 i / - k 11 ■. V / Li * •. 177 unanimes pour faire nos lois et nos rfcglements, sans perdre notre temps en discussions et en paroles improductives, con- cenirant notre activity et notre energie sur le travail et sur notre marche en avant! Cette perfection dans l’unite etait sans doute difficile pour nous qui sortions de l’ancien monde, et qui nous trouvions lances, avec si peu de ressources, au milieu des mille obsta¬ cles d’une gigantesque entreprise. Le fait n’en est pas moins vrai, que nous n’avons pas encore l'unite necessaire, que nous avons des divisions, que nous nous livrons souvent, soit pen¬ dant nos reunions, soit pendant le travail, a des discutailleries inutiles et nuisibles, mais tout en etant contrary, et sans en f < . f r - tw i ■ * etre surpris, je ne desespfcre pas que vous aurez assez de raison et de courage pour remplir tous vos engagements et pour sauver tous vos interets. 12 me condition: — Apporter ou coder a la Comumnaute Tous ses biens quelconques. C’est la consequence, l’application, l’execution du principe de la Coumiunaute que vous avez tous adopte. 13 me condition : — Ne rien cachet' ni retenir, C’est encore une consequence forcee du principe. Un veritable Icarien ne peut ni cacher, ni retenir. Celui qui cacherait ou retiendrait, s’exposerait a l’exclusion; car ce serait un mensonge, une fraude, une espfcce de vol, une bassesse qui prouverait qu’ii n’est pas Icarien, et qui le rendrait indigne de vivre en Icarie. 14 me condition : — Apporter au moins 300 francs ou 60 dol¬ lars, independamment d’un bon Trousseau complet et suffi- sant pour deux ans. Chacun de vous doit sentir que l’apport est de loute necessite; car autrement, comment la Colonie pourrait-elle faire toutes les avances necessaires pour la nour- riture, le logement, le vetement, etc., etc., desa population? L’apport de 300 francs, independamment des frais de voyage et de trousseau, bien considerable sans doute pour les travail- leurs de l’Ancien Monde, dont le plus grand nombre sont 178 COLONIE ICARIENNE. meme incapables de le fournir, est bien faible, trop faible* meme en r£alite, pour la Coramunaut£, chargee d’une d£pense immense. Cependant, nous ne voyons que trop souvent des apporls incomplets ou des apports en objets qui ne sont pas n6ces- saires a la Colonie, ou des trousseaux composes d’objets de luxe ou de vaine toilette, sans comprendre les objets vraiment utiles: C’est de I’^goi'sme, de la vanile, c’est n’etre pas Ica- rien, tromper et compromeltre la Communaat6; c’est la for¬ cer de se montrer plus severe dans les futures admissions. 15 me condition : —Exercer une industrie utile ou pouvoir elre employe a un travail utile quelconque: La Commu- naute ayant pour but de supprimer la misfcre, ne peut y par- venir que par le travail: c’est done un devoir pour chacun de travailler et de pouvoir exercer une industrie utile, f t personae ne doit se presenter en Icarie s’il est incapable de payer sa dette de travail. Mais, d’une part, si, d’apres notre principe dYgalit£, chacun doit £galement travailler, chacun n’est rai- sonnablement oblige de le faire que proportionnellement a sa force, et celui qui fait ce qu’il peut fait ce qu’il doit. D’autre part, les travaux de l’intelligence sont aussi ndeessaires a la Soci6t£ que le travail des bras. Souvent meme, le travail des bras serait inutile s’il n’etait pas guide par le travail de l’intel- ligence. La science 6claire l’art et le feconde. La Gommunaute ne peut pas plus se passer de savants, d’ingenieurs, d'archi- tectes, de m£decins, de professeurs, etc., que de macons et de laboureurs. Vous le comprenez generalement, et g£n£ra- lenient vous appelez de vos voeux des hommes instruits, expe¬ riment's, capables et habiles; et plus ils seraient capables de servir mieux que vous la Gommunaute, plus vous seriez satis- faits. Vous ne tolereriez pas une aristocratie de savants, pasr plus qu’une aristocratie de fortune; mais vous ne tolereriez pas davantage une aristocratie des muscles et des bras. Cepen¬ dant, il en est parmi vous qui semblent dedaigner ou voir avec jalousie la science et le talent, et n’estimer que leur travail SITUATION MORALE. 179 manuel: mais c’est n’etre pas Icarien, c’est de la ddraison condamnde par le bon sens de la masse d’entre vous. 16 mc condition : — S'engager a executer le travail qui sera altribuy par l’Administration, et surtout travailler a la ter re> s’il est necessaire: D’abord, vous etes bien convaincus tous que le travail serait sans production s’il n’etait pas organise, dirigS, discipline; que, par consequent, la direction supreme ou 1’Administration doit distribuer les travailleurs dans les differents ateliers, et que chaque travailleur doit accepter l’emploi ou le travail qui lui est assigne. Cependant, il en est quelques-uns parmi vous, j'ai bien du regret a le dire, qui out refuse, sans motifs, par caprice ou par abus d’une liberty illimitee, le travail qui leur etait demande dans 1’intdret de la Communauty, ou qui Font abusivement abandonee aprfcs l’avoir accepte. C'est un fait infinimentgrave; car c’est la violation d’un engagement et d’un devoir, par consequent un acte d’improbite qui peut paralyser Tindustrie et rendre impossible toute entreprise industrielle, et qui merite l’exclusion; car celui qui viole les r&glements sur ce point, peut egalement les violer sur tous les autres, et tous les travailleurs pourraient refuser ou quitter le travail, si Tun d’eux pouvait le faire impunement. En second lieu, c’est un devoir pour 1’Administration d’em- ployer chaque citoyen suivant son gout et ses aptitudes, soit par application du principe de Fraternity qui doit porter a lui rendre le travail agreable, soit par interet pour la Cornmu- naute pour laquelle ii travaillera d’autant plus ulilement qu’il travaillera avec plaisir. — C’est un devoir aussi pour l’Admi¬ nistration de tnenager Tarrivaut dans les premiers temps de son arriv£e. En troisieme lieu, nous avons raison d’exiger que, avant de partir, cbacun s’engage a travailler a la terre, quand l’Admi- nistration le jugera nycessaire, surtout pour les rycoltes qui ryclameront un grand nombre de bras. — Quelques-uns on 180 COLONIE ICARIENNE. \ trouve dur et fatigant ce travail auquel ils n’etaient pas habi¬ tues : mais c’est une n^cessite a laquelle ils finiront par s’ha- bituer, comme nos enfants e» prendront 1'habitude d£s leur enfance. D’ailleurs, le travail pourra s’organiser de manifcre a n’avoir plus rien de penible, et a prendre au contraire le ca- ractere d’un amusement et d’une fete. 17 me condition : S’engagera travailler dans les Ateliers. — C’est une evidente necessity pour l’ordre, l’economie, pour la facility du travail et pour la production. C’est meme le moyen de rendre le travail agreable et attrayant dans les ateliers, dans ceux de femmes surtout, qu’il est possible d’ani- mer et d’egayer par des lectures ou des chants. — Cependant, quelques personnes ont essays de se soustraire a I’obligalion de Tatelier t pour etre plus libres chez elles : mais c’est un abus qui cessera parce qu’il est contraire au principe d’figalite, a celui d’economie et a l’Opinion generate. 18 me condition : Donner a la Communaute toute son indus- trie, toute sa capacity tout son temps. — C’est une conse¬ quence de la 12 me condition, d’apres laquelle chaque Icarien doit apporter a la Communaute tout ce qu’il a. II ne peut pas meme, generalement, travailler pour lui, ou pour sa famiile, ou pour ses amis particuliers, parce que cela n’est pas neces- saire, puisque la Communaute leur fournit tout ce dont ils ont besoin, parce que le contraire rendrait faciles Tabus et le desordre. Par exemple, on a vu des travailleurs entrer dans 1’atelier hors des heures de travail, pour y faire, avec les outils et le bois de la Communaute, de jobs petits meubles, des jouets pour leurs femmes ou leurs enfants, qui se trouvaient alors des privileges, ce qui excitait des jalousies, des critiques et des mecontentements qui troublaient plus ou moins Tharmo- nie dans la Societe. 19 me condition : tire laborieux. — C’est une necessite evidente que tous les membres de la Communaute aient le gout du travail, puisqu’ils doivent travailler. Vous avez tous declare SITUATION MORALE. 181 en entrant que vous possediez cette quality Icarienne, et presque tous, en effet, vous etes laborieux. Cependaut il en est quelques-uns qu; sont accuses de manquer de zele et d’ac- tivite pour le travail, ce qui est un grand inconvenient pour eux, comme un grand inconvenient pour la Communaute. Elle a merae refuse d’admettre definitiveraent quelques indi- vidus qui, pendant leur noviciat, ne s’etaient pas montres suf- fisamment laborieux. 20 me , 21 me et 22 me conditions : — filre vigoureux; n’etre pas trop dgd; n’avoir ni rnaladie contagieuse, ni maladie incurable ou grave 9 ni in fir mile qui puisse rendre impropre au travail. G’est encore une evidente necessite pour Icarie, surtout dans le commencement de sa fondation; car elle ne peut evi- demment prosperer que par le travail; et si, par ces diffe- rentes causes auxquelles viennent se joindre les indispositions resultant de la fatigue, et les maladies provenant presque in£- vitablement de i’acclimatation, un grand nombre d’individus sont, plus ou moins longtemps, empeches de travailler, cas auquel un grand nombre d'autres en sont empeches aussi pour les soigner et les garder, les ateliers peuvent se trouver desor- ganiees, le travail paralyse et la Societe compromise. C’est ici une question capitale. Cependant, par une fouie de eirconstances diverses, la Communaute, qui comprend aujourd’hui 204 homines, dont 193 au-dessus de 20 ans, et 11 jeunes gens de 16 a 20, et 129 femmes, dont 1A jeunes lilies de 16 a 20, et 131 enfants au- dessous de 16 ans, dont 73 petits garcons et 58 petites lilies, renferme 45 individus de 50 a 60 ans, dont 27 hommes el 18 femmes, et 11 au-dessus de 60, dont 5 hommes et 6 femmes, et parmi les 125 femmes, on compte 35 nourrices. Or, les 131 enfants et les 35 nourrices ne travaillent pas ou peu, et les 56 individus au-dessus de 50 ans, surtout les 11 au-dessus de 60, ne peuvent pas travailler beaucoup, soit a 182 COLONIE ICARIENNE. cause de ieur age, soit a cause de quelques infirmites, qui les e.xposent d’ailleurs davantage aux maladies de racclimatation. Aussi la d^pense en medicaments est-elle considerable. £t le nombre des malades soignes a l’infirmerie est consid£- rable aussi, comme le constate le rapport de Pinfirmier, ainsi qu’il suit: RAPPORT DE LTNF1RMERIE. 1853. 1854. 1855. Nombre des Malades. Nombre des Journees. *-- Nombre des Malades. Nombre des Journees. Nombre des Malades. Nombre des Journees. Janvier . . . 17 153 3 112 13 105 Fdvrier . . . 11 186 5 102 10 94 Mars .... ii 106 10 181 12 147 Avril .... 17 95 10 129 6 56 Mai. 8 59 7 118 21 167 Juin. 14 69 ii 151 8 90 Juillet. . . . 15 109 29 226 14 94 A out. 28 255 32 323 26 278 Septembre. . 36 369 27 328 24 189 Octobre. . . 20 271 29 308 Novembre. . 13 197 16 140 D£cembre. . 9 118 8 55 199 i 1,987 187 2,173 134 1,220 A ce tableau des malades soignes a Pinlirmerie, il faudrait joindre le nombre, plus considerable encore, des malades soi¬ gnes a domicile et des journees employees a soigner ces ma' lades chez enx, et les femmes pendant ieurs couches, que de travailleurs enleves au travail! Combien sont necessaires ces trois conditions relatives a la sante! La Colonic ne pourra se montrer trop severe a Pavenir pour exiger raccomplissement de conditions si essentielles a sa prosperity. SITUATION MORALE. 183 23 mc condition : Eire temper ant, frugal, simple . Cerlainement Tune des principales causes de la misdre du Peuple, c’est le vice de l’organisation sociale qui le fait naitre dans la misdre, et qui lui refuse les moyens d’en sortir. Aussi, voit-on souvent, dans le Vieux-Monde, des ouvriors laborieux vegdter et mourir dans l’indigence, quoiqu’ils aient toutes les quaiitds et meme toutes les vertus: mais il faut le reconnattre, on voit beaucoup de malheureux qui doivent a eux-memes la continuation de leur misere., parce qu’ils ne sont pas assez laborieux, parce qu’ils s’abandonnent a la dissipation, au plai- sir, au jeu, etc., au lieu de travailler pour gagner des moyens d’exislence, cu parce qu’ils s’abandonnent au sensualisme, a la gourmandise, a l’ivrognerio, a la debauche, en ddpensant dyraisonnablement tout ce qu’ils gagnent par leur travail, au lieu d’economiser par 1’habitude de ia temperance, de la fru¬ gality, de la simplicity, en se contentantdu necessaire. Puisque Icarie, ou la Communaute, veut supprimer la mi- sere, ii faut done, non seulement que ITcarien soit travailleur, mais encore qu’il soit tempdrant, frugal, simple. Ge n’est qu’avec ces qualitds qu’il pourra se procurer Taisance et le bien-etre, en arrivant progressivement du necessaire a l’utile, puis a l’agreable. . <> 't . C’estdonc avec raison que, dansle systeme Icarien, la tem¬ perance, la frugality, la simplicity, sont proclamees des qua- lites Icariennes et des conditions absolues d’acimission en Icarie. Vous 1’aviez bien reconnu tous, puisque, en demandant d’etre admis, vous avez declard et presque jure que vous pos- sedlez ces precieuses qualitds, et puisque vous avez pris 1 en¬ gagement de reraplir ces conditions et de pratiquer ces vertus. Beaucoup d’entre vous sont restes fideles a leurs ddclara- tions ft leurs promesses et a leurs engagements; mais quel- ques uns, et meme beaucoup trop, creent des embarras a la m COLONIE ICARIENNE. Colonie, en augmentant ses depenses par leur manque de temperance, de frugality, de simplicity. Vous aviez tous dit que vous partiez par dyvouement a l’Hu- manity, que vous vouliez supporter les privations et les genes; et nyanmoins beaucoup d’entre vous pourraient etre appeiys des viveurs ou des sensualistes; je n’ai vu personne souffrir de la faim, mais j’ai vu beaucoup d’indigestions : une mfcre tuer ses enfants par trop de nourriture, et un vieillard se tuer lui-meme en mangeant avec excfcs, contre 1’avis de ses amis, des melons et des pastbques dans un temps de choMra. Nous voyons meme, je le dis encore a regret, et j’en rougis pour vous, de rivrognerie dans une Sociyty qui ne devrait voir que de la tempyrance. 11 est vrai que je ne pourrais citer qu’un ivrogne; mais un ivrogne en Icarie, c’est trop, infinimenttrop; car c’est je ne sais quoi parmi des hommes qui ne veulent pas etre les esclaves de leur ventre, et qui ont pris l’engagement de donner l’exemple de toutes les vertus pour fonder le bon- heur de l’Humanite. J’en diraijpresque autant de la coquetterie. C’est eile qui, dans l’Ancien-Monde, cause souvent la ruine des nonages et des families, en y semant des desordres etdes troubles detoute espece ; et c’est elle qu’il faut soigneusement empecher d’en- trer en Icarie, ou l’lcarienne n’a d’abord besoin, pourparure, que de sa raison, de ses qualitys et de ses vertus. II m’est bien pynible de contrarier des etres dont le sort excite si vivement toute ma sollicitude, et je pourrais me plaindre de ce quelques-unes d’elles ne craignent pas de me contrarier moi-memc en me mettant dans la necessity de les combattre dans leur intyret; mais je ne sais plus ou je suis quand je vois des femmes qui se disent Icariennes, et qui ont promis d’en avoir toutes les qualitys, transporter les modes de Paris a Nauvoo et s’occuper de ragrlable plus que du ny- cessaire, tandis'|que j’ai vu les Icariennes de Paris sacrifier SITUATION MORALE. 185 leurs bijoux pour faciliter la propagande, comme j’ai su que les Lyonnais avaient ytabli un jeune Icarien , en yconomisant quelques sous su:- leur vin de chaque repas, afiti de soutenir la meme propagande. Si encore celles qu’entraine le gout du luxe et de la toilette, enrichissaient la Colonie!... Mais ne sont-ce pas souvent celles qui ont le plus besoin d’invoquer sa generosity ou celle des Icariens du dehors ? Pour moi, je me sens la force et le courage de me faire queteur pour des femmes laborieuses, frugales et simples, comme pour des hommes travailleurs et temperants; mais je ne voudrais faire aucun effort en faveur des femmes qui vio- leraient leurs engagements par entrainement pour la toilette, pas plus que pour des ivrognes ou des viveurs. Heureusement que celles qui peuvent trop aimer la toilette, sont en ires petit nombre parmi vous, et que la masse est con- vaincue que, si la Communautd doit donner un jour aux Ica¬ riens Yagreable en tout genre, ils doivent d’abord se conten- ter du necessaire . Du reste, ce sont nos enfants surtout qu’il faut habituer a la temperance, a la frugality, a la simplicity, pour former une nouvelle generation vraimentlcarienne. Mais, prenons-y garde! pour y parvenir, il faut que les parents concourent avec les instituteurs pour ne donner aux enfants que des exemples Icariens et des lemons Icariennes! Or, sous ce rapport, nous sommes loin de la perfection; mais je ne desespere pas que nous puissions y parvenir. 2/; mc condition: — Point de tabac. L’usage du tabac est aujourd’hui presque aussi rypandu que l’usage du pain, et n’est peut-etre pas moins dispendieux; car c’est par centaines de millions de francs pour chaque pays, et par milliards pour le Genre Humain que Ton compte aujour¬ d’hui la dypense occasionnee par le tabac, et, par consdquent, c’est par cela seul une des causes de la misere geuerale. 186 COLONIE ICARIENNE. Mais il est incontestable que ie tabac n’est ni necessaire, ni utile a I’homme (excepte dans quelques cas, comme remade, indiqud par le mddecin); et, par consequent, son usage est de l’intempdrance comme l’ivrognerie. Mais le tabac n’est pas seulement dispendieux sans elre utile; il est meme nuisible et tr£s nuisible sousunefoule de rapports, ainsi que je l’ai demontrd dans ma brochure Temperance , et dans mon autre brochure Reforme Icarienne . Il est rnalpro- pre, degoutant pour les autres, et par consequent contraire a la Fraternite ; c’est un narcotique contraire a l’activite et au travail; c’est une espece de poison lent, qui, chez beaucoup d’individus, detruit leur sante; c’est un besoin factice tellement imperieux qu’il rend I’homme esclave de ses sens, en le dis¬ posal a toute autre espece d’esclavage. La pipe ou le cigare, avec leurs briquets ou leurs allumettes, sont tellement dange- reux pour le feu, et ont cause tant d’incendies et tant de mal- heurs, qu’on a senti la necessity de les interdire dans un grand nombre de circonstances. Par consequent, non necessaire et pas meme utile, infini- ment nuisible au contraire sous tous les rapports, l’usage du tabac est essenliellement deraisonnabte. Pour moi, c’est une des principals causes de la mis&re du Peupie; c’est un abus qui engendre ou justifie tous ies autres abus, et qui les perpetuerait s’il se perpetuait lui-meme. Pour moi, la reforme radicale sur le tabac est une indispen¬ sable ndcessitd si 1’on veut d’autres r£ formes et des ameliora¬ tions dans PHumanit£. Aussi, voulant fonder une Soeiete modele, et m’adressant a vous pour vous faire partager l’honneur de la fonder, je vous ai dit: point de tabac en Icarie; et je ne suis parti qu’a cette condition de vous a moi, et vous n’etes partis vous-memes qu’a cette condition des uns envers les autres. Cependant, par une suite de circonstances extraordinaires, surtout pendant mon voyage en France, beaucoup ont conserve SITUATION MORALE, 187 ou repris l’usage du tabac; et meme, par le seul effet de l’exemple, quelques-uns qui n’avaient pas cet usage , Font adopts; d’autres qui fumaient seulement ont ajout.6 la cbique a la pipe; quelques-uns ont fum£ dans des reunions publiques, meme dans le refectoire, meme a l’inlirmerie, meme a table, sans craindre d’incommoder leurs freres; d’autres ont fum6 meme dans leurs lits, meme dans les ateliers, au milieu de matieres inflammables, bravant le danger d’y metlre le feu, comme cela est arrive a celui qui a incendie Tune de nos dcu- ries, et comme c’est peut-etre la cause de noire dernier incen¬ die qui nous a occasionnS une perte si considerable; d’autres enfm fumaient en presence des enfants et meme dans Tdcole, sans craindre de les exciter a prendre une si pernicieuse habi¬ tude. Tons ces inconvenients sont si manifestes et si graves que, deuxfois, en novembre 1853, et recemment en janvier 1855, sur ma proposition et mes exhortations, vous avez adopts la rdforme sur le tabac en ddcidant : 1° que nous desirions et voulions la suppression du triple usage du tabac; 2° que nous exhortions tous les Membres de la Golonie qui avaient cette habitude a faire tous leurs efforts pour s’en debarrasser le plus tot possible; 3° que, par une concession, jug£e ndcessaire, ceux de ces Membres qui d£clareraient n’avoir pu encore y parveriir, seraient tolerds pour la continuer temporairement jusqu’a ce qu’ils aient pu s’en debarrasser; 4° mais qu’ils se feraient connaitre, qu’on leur dglivrerait des provisions de tabac par mois, ou par quinzaine, ou par semaine, et qu’ils ne fumeraient, etc., ni dans aucun lieu public, ni dans aucun atelier; 5° mais qffaucun membre nouveau ne serait adinis sans prendre l’engagement de ne faire aucun usage du tabac. Tout cela dtait bien expliqutS et bien consenti. On a meme decide par une loi positive qu’on ne planterait de tabac ni dans la Communaut£, ni dans la Colonie de lTowa. Cependant, plusieurs de ceux qui ont ete envoyes a Keokuk pour y prendre les derniers grands departs arrivant de France 188 COLO.NIE ICARIENNE. les ont abordes la pipe a la bouche, ce qui a produit sur eux la plus facheuse impression; d’autres, notamment des Alle- mands, ont repris leurs pipes quelques jours apres avoir for- mellementprisTengagemeut contraire; d’aulres recommencent h fumer publiquement, Tun devant sa porte, le dimanche, en presence de toute la Colonie surprise qui passe devant lui; un autre va fumer chez un nouvel arrivant etonne ; un autre fume meme dans la cuisine d'un atelier mobile; un autre fume con- tinuellement dans son atelier ouvert, ou tout le monde peut Tapercevoir fumant; d’autres semblent s’entendre pour fumer tous ensemble dans un atelier separe ou presque tout le monde sait qu’on fume, etc., etc., et cette passion pour le tabac est si imperieuse et si desorganisatrice qu’elle entralne meme quelques Icariens et quelques Icariennes dont les sentiments alfectueux pour moi me sont personnel lement assures, et qui ne s’exposent a me contrarier vivement que dans Tesperance que j’ignorerai leur violation de nos reglements. L’abus enfante si facilement Tabus sur la route du sensua- lisme et de i’intempSrance, que, sans se contenter de prendre du tabac en violation de leurs engagements, plusieurs veulent qu’il soit parfume, et le desordre enfante si facilement le desordre, et le tabac cr£e tant d’embarras a TAdministration que, pour entrer dans un atelier qui n’a pas besoin de lui, mais ou il pourra fumer a son aise, un travailleur quitte son atelier ordinaire ou seul il pouvait faire un travail important, urgent et necessaire, tandis qu’un autre s’expose a Texclusion en outrageant le President de la Comrcunaute qui lui demande d’arracher quelques pieds de tabac plants par lui, en contra¬ vention a la loi, dans un des jardins de la Colonie, a cote du bureau du President de la Comrnunaute. L’embarras est tel encore pour TAdministration a cause du tabac, qu elle est obligee d'en faire acheter a Keokuk ou a St-Louis, et d’en envoyer meme dansTIowa. Ces abus sont graves, infiniment graves a mas yeux, et ma SITUATION MORALE. 189 conviction est, qu’il est absolument necessaire de les faire cesser. Mais je ne dgsesp&re pas que la Colonie aura la raison et le courage necessairespour y parvenir. Deja en fevrier dernier, lors de la celebration de notre anniversaire, le toast le plus applaudi a 6t£ peut-etre celui pour la suppression du tabac, les plus grandes de nos jeunes fdles ont annonce la resolution de n’accorder leur main qu’a de vrais Icariens affranchis du tabac; et beaucoup d’anciens fumeurs, meme de courageux vieillards, ont prouve, en s’en affranchissant, qu’une volonte energique suffit souvent a Thomme pour vaincre ses habitudes et conquerir sa liberty. 25 e condition : Pas de Liqueurs fortes . — Presque tout ce qui precede sur le tabac s’applique aux liqueurs fortes, et particulierement au wiskey ou eau-de-vie de mai's; avec cette difference que le wiskey peut etre cousidere comme utile et peut-etre necessaire auxtravailleurs, quand il leur est distribuG regulierement et avec precaution. C’est ainsi que, le matin, pendant l’ete, quand les Icariens vont au travail de bonne heure, longtemps avant le dejeuner, on leur distribue dans le rdfec- toire une goulte de wiskey, avec du pain a discretion, et que, entre les repas, pendant les chaleurs, on leur remet de l’eau trempee de wiskey. On remet meme pendant Timer un peu de wiskey aux hommes qui, dans des travaux exterieurs, sont exposes au froid ou a Thumidite. On en remet meme aux femmes qui travaillentau lavoir ou a Tetendage. D’ailleurs, tout ce qui concerne le wiskey doit etre regl6 par TAssembiee generate ou par la loi. Malheureusement, en fait de liqueurs eu de boissons, comme en fait d’aiimcnts, Tabus ou Tintemperance est tout pres de Tusage; et Tabus, ou la prodigalite, ou Tintemperance, ou le sensualisme, ou la profusion, ou le gaspillage, peuvent facile- ment s’introduire avec le grave inconvenient d’une depense excessive, sans necessite, et avec mille aulres inconvenients. 190 COLONIE ICARIENNE. C’est pourquoi, avant de partir, je vous ai dit: point de liqueurs fortes; c’est pourquoi vous m’avez repondu, en prenant cet engagement. C’est £galement pourquoi l’opinion am£rieaine vient de se prononcer si energiquement contre l’intempdrance. Cependant, j’ai i’extreme d^plaisir d’avoir a vous signaler des abus a cetegard, pratiques dans certains ateliers mobiles, loin des yeux de la masse. II en est qui ont pris du wiskey apres chaque repas, plus souveat encore, et en plus grande quantite qu’il n’etait consent). On a quelquefois employe des prgtextes et des mensonges pour augmenter cette quantity. On a fait des provisions de wiskey pour faire des confitures pour son usage individuel; quelques-uns ont consomme 16 litres de wiskey en six jours, en faisant une salade de peches avec du sucre et du wiskey; quelques-uns ont casse des carreaux ou passe par la fenetre pour en prendre, quelques-uns se sont trouvds tellement £chaulT6s qu’ils parlaient, critiquaient, injui iaient a tort et a travers; enfin, je l’ai d£ja dit, il en est un, qui, par son 6tat frequent d’ivresse, pouvait compromettre la Colonie, si une grande Soci£te temperante et frugale pouvait etre compromise par un de ses Membres. J’esp£re que tout cela va cesser, autrement Tabus serait intolerable. 26 e condition : — N’avoir ni predilection, ni repugnance pour certains aliments. S’il en etait autrement la nourriture et la cuisine seraient trop compliquees, trop dispendieuses, et la Communautd pourrait etre impossible, dans le commence¬ ment surtout, avec trop peu de moyens financiers; il faudrait une cuisine plus vaste, un plus grand nombre de cuisiniers, plus de soins, plus de temps, pius d’embarras, plus de d£pen- ses; pour une Colonie qui n’cst pas riche, c’est une n£cessit£ qu’elle puisse preparer, a chaque repas, quelques plats seule- ment pour tous ses membres sans exception. Vous paraissez l’avoir bien compris tous, puisque vous avez SITUATION MORALE. 191 declare avant de partir que vous acceptiez cette condition n£cessaire. Cependant, beaucoup d’entre vous, oubliant leurs engage¬ ments, refusent du poisson par exemple, quoiqu’il soit excel¬ lent, quoiqu’on en ait pris et prepare pour tous, ce qui a de nombreux inconvSnients, et ce qui rend bien plus dilliciles la nourriture et la CommunauttL C’est done une n6cessit6 de se montrer plus sSvfere dans les admissions a l’avenir; comme e’en est une d’habituer nos enfants a manger de tout, sans repugnance. 27 e condition : Etre habitud ou r£signe aux genes et aux inconvenients de la vie sociale ou commune. Quand la Communaut6 sera completement £tablie, elle donnera a la masse infiniment plus de bien-etre et d’agrements que l’individualisme de l’ancien monde, mais il faut du temps, et e’est une inevitable n£cessit6 que, dans le commencement, chacun se sente capable de supporter courageusement des genes et des privations. C’est Evident, vous l’avez bien compris, et vous avez volon- tairement tout accepte et tout promis. Cependant, e’est presque incroyable comme on oublie faci- lement ses promesses apres avoir change de pays ; beaucoup d’entre vous, quelquefois les moins a Raise dans le vieux monde, se montrent diflicileset exigeants pour les logements surtout^ le vetement, la nourriture, le travail, les ateliers, ce qui mul¬ tiple les depenses et les difficulty de rAdministration, tout en causant des mdcontentements individuels. Maisje neddsespere pasde vous voirrevenii al’executionde tous nos principes, et je suis resolu a vous proposer toutes les mesures necessaires pour y parvenir. * *» - - , | • • 9 \ m r * \ • » • • St i i r "‘MSCfv. * I It 28 e condition : Ne disposer de rien de ce qui appartient a la CommunautS. C’est encore une n£cessite manifeste ; aulrement les plus 192 COLONIE ICARIENNE. egoistes et les moins travailleurs pourraient tout avoir, tandis que les autres, peut-etre les plus laborieux, n’auraient rien. C’est a rAdministration a faire distribuer, autant que ses moyens le lui permettent, tout ce qui est nGcessaire; mais personne ne peut disposer de rien de ce qui est la proprigtd commune, suivant son caprice et pour sa satisfaction indivi- duelle. Ce serait une espece de vol au prejudice de la Com- munaute. Vous l’avez bien compris, accepte, promis. Cependant beaucoup semblent ne plus comprendre quand ils sont dans la Colonie; car beauconp, des femmes surtout, prennent arbitrairement des fruits, des fleurs, des legumes ; quelques-unes ont irreguli&rement dispose d’une partie de leur trousseau en la vendant a des Strangers ou en l’echangeant, tandis que des ouvriers disposent des matieres premieres qui se trouvent dans leur atelier, pour se faire de petits meubles dans leur interet particulier. C’est un grave desordre qui augmente la depense, en exci¬ tant des murmures, qu’il faut absolument faire cesser, 29 e condition : Pas d 'envie on jalousie. — Chacun peut et doit r£clamer pour I’dgalitd et contre les privileges ; mais l’envie pourrait troubler la paix et Tharmonie dans la Socidtd, surtout dans la Communautd ou tous les membres sont con- tinuellement en contact les uns avec les autres. Que ceux qui se sentent enclins a l’envie et a la jalousie ne viennent done pas parmi nous; car ils s’exposeraient a n’eire pas admis, comme ceux qui se sont montrds jaloux et envieux aprfcs leur admission, se sont priv£s de l’estime que peut seule meriter la pratique de la Fraternite. 30 c condition : Eviter d’exciter VEnvie . — C’est un point capital, car ce peut etre un sujet de m£contentements, de murmures, de critiques et de divisions qui pourrait troubler la Communaute. 4 SITUATION MORALE. 193 Tous !es Icariens et toutes les Icariennes ont accepts cette condition et promis de l’ex£cuter; mais plusieurs, des femmes surtout, n’ont pas craint d’exciter Tenvie pour leur toilette ou celle de leurs enfants, ou par des bijoux irr£guliferement conserves ; c’est prouver qu’on n’estgufcre raisonnable et gufcre Icarien. Ce sont de petites fautes qui produisent de graves mecontentements, et les inconv£nients sont tels pour la Com- munautSque jesuis aussi resolu a vous proposer les mesures n£cessaires pour les faire cesser. Lemeilleur moyen, ceserait, pour la Communautg, de remplacer tousles ancienstrousseaux par un nouveau trousseau 16gal qu’elle fournirait elle-meme a tous ses membres. Elle le fera dfcs qu’elle le pourra; mais c’est une d£pense £norme dont l’impossibilit£ actuelle me contrarie infinimenf. 31 e condition : fitre habitu£ a la Propretc.— C’est une nd- cessitS absolue sous tous les rapports et c’a ete de votre part a tous un engagement formel. Cependant, je suis (ache d’etre oblige de le dire, la pro- pret6, int^rieure et ext£rieure, est loin d’etre ce qu’elle doit etre, et toujours par la difficult^ de faire les depenses nd- cessaires; car il faut toujours depenser pour organiser et amgliorer. Mais comme la propretS publique est un besoin de pre¬ miere necessity nous etablirons les fonctionnaires et surveil- lants necessaires, en organisant tous les moyens de propret£, comme de salubrite, de security et de commodity. 32 e condition : Observer la Decence partout, dans les actes et dans les paroles.— C’est egalemeut une£vidente necessity surtout pour une Societe modele qui veut faire de la propa- gande* et c’est un engagement positif pris par chacun de vous avant l’admission, Cependant, j’ai l’extrerae d^plaisir d’avoir a me plaindre de quelques infractions a ce principe; je n’h£site pas n£anmoins a le faire, 1°, parce que ce n’est que !e fait de quelques-uns m C0L0N1E ICARIENNE. seulement, qui ne peut pas compromettre une Societe qui le desapprouve generalement, et parce que je ne doute pas que nous n’en reverrons plus la repetition. 33 e condition : — litre soigneux , econome . C’est la une question capitale, car le defaut de soin et d’economie, comme la faineantise, rimtemperance et le desordre, sontquelques-unes des principales causes de la mi- sere d’une grande partie du Peuple dans l’ancien monde. Le soin, l’economie, comme le travail et l’ordre, sont done une necessity absolue, si Ton veut supprimer la misfcre, assurer 1’aisance et le bien-etre, et faire prosperer la Communaute. Vous l’avez bien compris tous, puisque vous avez pris l’enga- gement d’etre soigneux et economes. Cependant, le fait n’est que trop vrai, beaucoup d’entre vous manquent de soin et d’economie; on casse, on brise, on brule, on dechire, on use, on consomme, on perd, on laisse perdre, etc.; on augmente ainsi beaucoup la depense; l’in- cendie du mois de mai est peut-etre reflet d’un defaut de soin; et quelques-uns ne craignent pas de chercher d se jus- tifier en disant : bah! c’est la bonne Mere (la Communaute) qui paiera tout et pourvoira a tout. C’est un contre-sens, une folie qui pourrait empecher la suppression de la misfcre et le succfcs de la Communaute, mais le mai n’est pas sans remade, tout le monde est interesse a le gu£rir; et puisque des reglements sont devenus necessaires, nous les ferons et nous instituerons des fonctionnaires specialement charges de tout ce qui concerne le soin et l’economie. 3& e condition : Ni chasse, ni pdctie, comme plaisir. Comme moyen de fournir des aliments a la cuisine, surtout a l’infirmerie et aux malades, nous organiserons une compa- gnie de vrais chasseurs et de vrais pecheurs, experimentes et habiles, pour qui la chasse et la peche seront un travail dans l’inter£t de la Communaute; mais, considers uniqueraent comme plaisir, sans utilite pour la Communaute, la chasse et SITUATION MORALE. 195 la peche sont un contre-sens avec nos principes Icariens; car ce n’est pas seulement un plaisir barbare, c’est aussi un plaisir ti es dispendieux (par les armes, etc., la poudre, le plomb, etc., les vetements que Ton use); un plaisir fatigant, qui peutrendre impropre au travail du lendemain, un plaisir dangereux, qui expose a tuer ou blesser ses camarades ou soi-meme; puis a se faire mEdicamenter plus ou moins long- temps sans travailler; un plaisir privilegie, puisque le chas¬ seur s’amuse aux depens de ceux qui travaillent sans s’amuser^ et qu’il mange souvent seul le gibier qu’il se procure avec Pargent de la Coinmunaute. »♦ * • f , «> # *, D’ailleurs, est-ce pour avoir du plaisir que vous et moi nous avons quitte la patrie, en acceptant toutes les privations et toutes les genes d’une Emigration lointaine. N’estce pas dans un but bien autrement sErieux et bien autrement grand que celui de nous procurer un vain plaisir ? Pour moi, je suis profondement convaincu que de vrais Icariens qui veulent amEliorer le sort du Peuple et de l’Huma- nitE, doivent resister au gout du plaisir, et notamment au plaisir de la chasse qui ouvre la porte au sensualisme et a Pe- goisme sous toutes les formes. Cependant, lorsqu’on a vu ia passion de la chasse ruiner tant de riches et causer tant de miseres dans l’ancien monde, on voit aussi Pamour de la chasse dominer et entralner quel- ques hommes en Icarie. On en voit dEpenser inutilement Par- gent de la Colonie, gater des fusils qu’ils ne savent ni manier, ni soigner, nEgliger les rEunions du dimanche pour chasser, invoquer des prEtextes pour s’exempter injustement d’un tra¬ vail ou d’un devoir, etc., etc. Mais quand la REforme de 1853 a rEuni 104 voix contre le plaisir de la chasse ou de la peche, 27 seulement ont EtE d’un aviscontraire, et j’espEre que Pamour de nos principes suffira pour dEbarrasser des dEpenses de la chasse et de tous les inconvenients qu’elle entraine. 196 COLONIE ICARIENNE. 35 e condition : Observer le Silence. — Mais quoique vous l’ayez tous promis, quelques-uns causent, discutent et quel- quefois se disputent dans les ateliers, ce qui nuit au travail et a beaucoup d'inconvenients. G£neralement on ne sait pas meme ouvrir et fermer les portes sans bruit, meme dans le bureau. On parle a haute voix partout, meme dans la rue et autour du cabinet ou je travaille; et comme vous passez tous trois ou quatre fois par jour sous mes fenetres, le bruit me rend le travail p£nible quand il ne m’empeche pas de tra- vailler, et reflet de l’habitude est tel que, meme les personnes qui m’aflectionnent le plus personnellement, oublient que Jeurs causeries bruyantes sont une espece de supplice pour moi. Je pourrais me plaindre que c’est peu de reflexion, peu des egards que commande la Fraternite ; mais j’espfcre que vous prendrez des habitudes plus sociales et plus fraternelles. 36 e condition : — Aimer l’ organisation et l 9 ordre . C’est encore ici une question capitale; car sans organisation et sans ordre, il ne peut y avoir ni travail, ni production, ni suppression de la misere ; sans organisation et sans ordre, il ne peut y avoir que confusion et chaos dans la Societe ; on pourrait dire meme qu’il n’y a pas de societe, mais 1’anarchie* la licence, le desordre et la sauvagerie. Vous savez que, en France, quand j’etais Tun de ses iegis- lateurs, j’avais la reputation d’etre, a la tribune, l’organe le plus avance de la Democratic, et, je ne craindrai pas de vous ledire (car je dois me considerer comme en famille ici), que je crois que personne n’aime plus que moi la Liberty. Aussi, j’ai toujours dit qu’il n’y a pas de liberte sans organisation et sans ordre. J’ajouterai meme que, tout en d&sirant que l’Ordre et la Liberte ne forment ensemble qu’uneseule et meme chose, tout en pensant que, dans Icarie, ils doivent etre inseparables, je crois neanmoins que s’il fallait prSferer l’une a l’autre, je prefererais l’Ordre a la Liberte, parce que, sans ordre, il n’y SITUATION MORALE. 197 a rien, tandis qu’avec l’ordre et r amour de ses frfcres, on peut organiser et consolider la Liberty. Avant le depart vous partagiez raes sentiments et mes opinions a cet dgard, car a ma voix vous avez pr£f£re la rgforme pacifique a la revolution violente, et la propagande a la conspiration; mais ici. je vous le dis avec douleur, quel- ques-uns d’entre vous paraissent s’abandonner a la seduction d’une liberty sans limites, et quelques-uns memes s’oublient jusqu’a vouloir s’affranchir des principes et des lois qui les genent, en disant; Est-cc que nous avons fait 3,000 tieucs pour vH&tre pas libres ? Comme s’ils voulaient etre libres de faire aux autres ce qu’ils ne voudraient pas qu’on leur fit a eux- memes. Assurement, c’est de la folie, et meme c’est pis que de la folie; mais je ne m’en afilige pas trop, parce que votre opinion publique les a toujours rappeies a 1’ordrc et les corrigera en les y rappelant tous les jours plus energiquement. 37 e condition: Se soumettre a la Discipline . — C’est encore la meme chose; une direction elective, l’obeissance au nom de la loi, la discipline acceptee et consenlie, sont une n£cessite absolue dans la Society pour l’ordre daos le travail et pour la suppression de la misere, comme dans une arm^e citoyenne pour la defense de la patrie contre une armee envahissante bien organisee et bien disciplinee; sans discipline, il ne peut y avoir qu’anarchie, chaos et tout ce qu’on voit dans l’ancien monde. Cependant, quelque deplaisir que je puisse en eprouver, je ne puis hesiter a vous dire, parce que le fait est trop grave et qu’il est generalement reprouve, qu’il en est quelques-uns qui ont refuse le travail qui leur etait assign^, ou qui ont quitte leurs postes malgr£ leurs chefs. Vous vous rappelez cet autre qui refusa formellement d’obeir au directeur general de 1’industrie, lui ordonnant un travail urgent et necessaire. Je lui demandai vainement en assemble generate de recon- 9 198 COLONIE ICARIENNE. naitre qu’il avait viold nos principes et nos rfcglements; et coniine il persistait dans son insubordination, j’ajournai Faffaire a ia prochaine assemble g£n£rale pour lui laisser le temps de la reflexion et du retour a son devoir, voulant ainsi concilier Findulgence et la sev^rite.— A la stance suivante, il reconout son erreur, et promit d’etre plus fid&le a la loi. Je Ten fylicitai et me felicitai moi-meme de n’etre plus dans la necessity de vous proposer une repression vigoureuse; mais j’ai declare netiement que s’il avait persiste a meconnattre et a violer nos lois, j’etais resolu a vous proposer son exclusion de la cora- munaute. Et cette exclusion, vous i’auriez certainemenl prononcee, comme je vous crois resolus a le faire, si I’occasion s’en prd- sentab. C’est pourquoi je ne desespere pas de voir la discipline completement retablie. 38 e condition : — S’engager a se marier quand on le pourra. La calomnie, la haine des conservateurs de tous les abus du vieux moncle, nous accusent de vouloir la promiscuite des femmes, tandis que, tout an contraire, il n’est pas de systfcme social plus favorable que le syslfcme Icarien au manage et a la famille. Aussi, n’avez-vous pas hesite a prononcer, sur la proposition de la Gerance, l’exclusion de deux femmes pro- visoirement admises sans leurs maris, et de deux homines leurs complices, reconnus coupables d’infraction a la loi qui consacre rinviolabilitd de la foi conjugate. 39 e condition : Adopter pour Religion : le vrai Chris - tianisme , et pour Quite, la pratique de la Fraternite. Nous n’avons en Icarie ni superstitions, ni ceremonies; et ceux qui croient qu’il est absolument n£cessaire de tromper, d’abrutir el de fanatiser le Peuple pour le gouverner, doivent trouver bien difficile Tentreprise Icarienne qui n’a d’autre arme que la raison et la vdritS : mais, nous Icariens, comment pourrions-nous hesite r a adopter pour religion la doctrine evaugelique de la Fraternite, et pour cube la pratique de cette meme Fraternity ? Aussi, ayant votre depart de France, vous SITUATION MORALE. 199 avez adopts mon Vrai Christianisme tout aussi bien que mon voyage en lcarie, et vous les avez adopts formellement encore lors de noire Reforme Icarienne en Novembre 1853 et Fevrier 1855. Cependant, quelques-uns d’entre vous, un tres petit nombre, ont manifeste quelques repugnances a 1’idee religion et culte; mais ces repugnances, peu refiechies, disparallront, je n’en dome pas, quand je pourrai satisfaire ie voeu general, en reprenant mon cours Icarien ou mes Instructions Icariennes, forcement suspendues a mon regret. 40 e condition : S’engager a n’etre jamais hostile . — fltre hostile et vouloir nuire a ceux qu’on a adoptes comme des fibres, c’esl assurement une monstruosite, mais ceite mons- truosite, vous 1’avez vue, et j’en serais bien plus desole si je n’avais la conviction que nous pourrions l’empecher de repa- raltre. i Al c condition : Ne rien emporler malgre la Societe. — C’est une espfcce de vol, reste des habitudes du vieux monde. Vous n’en avez vu que trop d’exemples; mais nous pouvons esperer que nous n’en verrons plus. &2 e condition : Remplir toutes ces conditions quand on est femme , mariee ou non, comme quand on est homme. C’est necessaire pour la femme comme pour l’homme, et meme plus necessaire encore; car les femmes ont une grande influence sur les hommes et les enfants; et si beaucoup d’entre elles ne sont ni laborieuses, ni temperantes; mais frivoles, passionnees pour une vaine coquetterie, sans soin, sans ordre et sans economic, elles doivent etre une entruve plutot qu’un secours pour la communaute. Je le dis avec plaisir, beaucoup de nos Icariennes ont toutes les quality necessaires au succfcs d’Icarie; mais, je le dis avec chagrin, quelques-unes semblent ignorer complement les principes Icariens, et n’avoir ni les convictions, ni le de- vouement, ni les quality necessaires pour le prompt triomphe 200 COLON1E ICARIENNE. de la Communaut^. Pour elles, le Cours Icarien est d’une f , . « t ^ , absolue necessity; mais je ne d£sesp£re pas qu’elles pourront se melamorphoser. Uo e condition : Garantir que sa femme remplit r£ellement toutes les conditions. Cette garantie est d’autant plus n^cessaire que la femme est gdneralement inconnue quand elle demande son admission; on est forc£ de s’en rapporter au mari, et sa r£ponse est une affaire de conscience et d’honneur qui lui impose une grande responsabilit£ morale. N£anmoins plusieurs maris ont trompd la Communautd en declarant que leurs femmes gtaient Ica- riennes autant qu’eux et meme plus qu’eux, puisqu’il n’est que trop certain que leurs femmes n’avaient presque aucune des qualites Icariennes. UU e condition : Garantir que ses enfants n’ont pas de vices essentiels, au moral com me au physique. C’est encore evidemment necessaire; car, d’une part, les vices des enfants peuvent elre tres nuisibles aux autresenfants, ou tr&s dispendieux pour la Societe; et, d’autre part, la Societd ne peut connaitre les enfants que par la declaration des peres et mbres qni les lui pr^sentent. Cependant, quelques parents nous ont trompes en cachant les vices ou les infirmity de leurs enfants, et meme en affir¬ mant qu’ils etaient sans aucun vice. Mais plus de s£v6rit6 dans l’examen des enfants a leur entree, pourra nous preserver de ces graves inconvgnients. 45 e condition : Consentir a ce que la CommunautG dispose complktement des enfants. Ce consentement est absolument indispensable, et c’est une precaution capitate pour le succfcs de la Communautg; car, d’une part, tout le monde convient que le succes de la CommunautG Icarienne depend principalement de ses enfants, de quelques generations futures et de l’education icarienne qui les faconnera SITUATION MORALE. 201 pour les habitudes et les quality icariennes; et d’autre part, les peres et meres 61ev£s eux-memes dans Fancien monde sont g£n£ralement peu £clair£s sur les moyens les plus parfaits d’gducation depuis la naissance jusqu'a la virility, (et ce nest pas Ieur faute), d’autant plus que les questions d^ducation sont les questions les plus difficiles, meme pour la sagacity des philosophes les plus experimentes. Quand Icarie sera moins jeune, quand les Icariens seront plus capables de concourir a Feducation de leursenfants, ceux- ci pourront etre Aleves moitie dans Fecole commune, pour l’instruction, et moitie dans la maison paternelle, pour les quality et les vertus sociales; e’est la combinaison qui me parait la plus parfaite; mais aujourd'hui le contact journalier des enfants avec les parents me parait plus nuisible qu’utile aux enfants et a la Societe. Je vous Fai dit d£ja plusieurs fois, et je ne crains pas de vous le r£p£ter : j’aimerais mieux voir Fecole 61oign£e de quelques lieues plulot que de voir les enfants continuellement avec leurs pfcres et m£res. Et, comme la chose est impossible, a cause de F6riorme d£pense qu’en- trainerait une pareille ecole, je regarde, du moins, comme indispensable cette condition que les parents se conforment a toutes les dispositions prises par la Communaute a Fugard de leurs enfants. Si cette condition vous repugnait, il ne fallait pasdemander votre admission; mais vous Favez formeilement acceptee. Vous avez tous consenti, vous avez tous pris Fengagement, les meres comme les pfcres. Et cependant, presque tous vous oubliez aujourd’hui vos promesses; vous voudriez rester maitres de vos enfants, beau- coup de mferes voudraient se meler de tout ce qui les concerne, beaucoup leur laissent prendre de mauvaises habitudes et croient prouver leur tendresse en les excitant au gout de la toilette comme a la gourmandise; quelques uns les exposent a entendre des discours ou des paroles qui les excitent a Fin- 202 COLONIE ICAR1ENNE. dependance et a Tindociliie, en les entretenant de liberty illimitee. Quelques enfants entendent ou voient au dehors des choses qui renversent tous les efforts de Education au dedans; et c’estl’une des plus grandes difficult^ pour reducation Ica- rienne, comme c’est, a mes yeux, aujourd’hui, Tune des plus grandes entraves pour le progrfcs de la Communaute. Aussi, j’ai deja fait un rfcglement pour les enfants de nos ecoles, et je vous presenterai, le plus tot possible, un projet de loi qui rfcglera les droits et les devoirs des parents relati- vement a Education de leurs families. A6 e condition: — Accepter la Constitution deliberee a Nauvoo, ainsi que les Lois et reglemenls faits et a faire, et s’engager a les executer sans critiques et sans murmures . — Nous organiserons incessamment notre Bulletin des lois Ica- riennes qui comprendra, dans une brochure, notre Constitu¬ tion, toutes nos Lois et tous nos Reglements. Ceux qui ne les approuveraientpas, ne devraientpas demander leur admission; mais s’ils la demandent, ce sera la preuve qu’ils les acceptent, et d’ailleurs ils prendront l’engagement formel de les executer fidelement; les critiquer ensuite ou les violer, ce serait un contre sens qui meriterait l’exclusion; car, quel debt plus grand que celui de violer les lois de la Societe dont on a sollicit£ Padoption comme un honneur et comme un bonheur ? Et quoi de plus naturel, de plus raisonnable, de plus juste, que de dire a celui qui critique ou qui viole les lois de sa patrie adop¬ tive : puisque nos lois ne vous convlennent pas, allez chercher votre bonheur sous les lois differences d’une autre patrie. Cependant quelques-uns d’entre vous critiquent et violent les lois et les reglements qu'ils ont adoptes, monstruosite qui doit etre intolerable en Icarie et qu’il faut absolument faire cesser. Je vous proposerai done des fonctionnaires pour veil- ler a l’execution de nos lois, et des mesures pour les faire respecter par la puissance de Fopinion publique et par l’exclu- sion quacd vous la jugerez rmcessaire. SITUATION MORALE. 203 txl * condition: Remettre, en arrivant a Nauvoo, les pieces suivantes :.2° Une notice biographique contenant un recit succinct de sa vie, avecles principales circonstanccs;. 7° L’inventaire ddtailld contenant les bijoux,etc.; 8° Un r6cit individuel ou collectif du voyage, contenant toutes les cit con- stances instruclives ou intdressantes. * Quoique ces precautions soient dvidemment utiles et meme ngeessaires, elles out £t£ souvent negligees; mais nous en exigerons strictement l’accomplissement a l’avenir. A8 C condition : Cette derniere condition soumet a une qui les avait aides a egarer un grand nombre de membres trop faciles a se laisser entrainer par de grands mots, comme ceux- ci : « La loi qui accorde aux nouveaux une restitution par- » tielle d’apport, sans 1’accorder aux anciens (mais les anciens » y avaient ananimement consenti dans leur inter&t, pour » sauver la Communautd!), est une loi inconstitutionnelle et » immorale (pr£sent£e par moi et volontairement acceptee » trois fois a l’unanimite!); c’est une anomalie en faveur des » riches et des capilalistes; les anciens sont des dupes et des » victimes; ce sont les serviteurs et les esclaves des nou- » veaux, dont ils sont charges de lavcr le linge sale, (et ce » sont les anciens qui avaient toujours occupd les fonctions » publiques). Cette loi de restitution est l’6p£e de Damocl&s » suspendue sur nos tetes; c’est un boulet attaclte a nos pieds . » Ilfautque les nouveaux, au lieu d’etre les privilegies, re- » noncent comme nous a toute restitution, brulcnt leurs » vaisseaux en quittant la France, ou rompent les ponts » derriere eux; autrement il faut mettre un £criteau sur le » front de chacun de nous, avec ces mots pour les anciens: » serfs, et pour les nouveaux : bourgeois ou capitalistes 9 » ou privilegies ou aristocrates ; et quiconque souliendra » cette loi d’avril (fut-ce le Fondateur d’lcarie lui-meme) ne *. * » sera pas Communiste. » M. Thiers n’aurait pas mieux parte pour jeter de la poudre aux yeux. N6anmoins, il ne me fut pas difficile de r6tablir la vtfritd; 210 COLONIE 1CARIENNE. et la loi d’avril, avec son principe de restitution de iApport . fut maintenue a la presque unanimity. Mais les membres de la Gerance, avec quelques autres, s’opiniatr&rent, malgre le vote et la loi nouvelle, a critiquer la loi d’avril, a me faire une opposition systgmatique et a orga¬ niser en quelque sorte un Parti. Je le declare encore a tous (c’est mon opinion, mon senti¬ ment. ma conviction), je ne puis voir ia que de la vanity et de l'ambition, de I’aveuglement et de la folie, de l’ingratitude et de la violation de tous les engagements et de tous les devoirs. Je ne puis m’expliquer toute cette conduite Strange que par le desir et le projet de tuer la propagande et la Communauty lcarienne, et de ryduire la Colonie a un petit nombre de membres, qui se partageraient les dSpouilles des autres, pour vivre ensuite dans Tindividualisme ou dans de petiles associa¬ tions particulieres. C’est horrible a penser; car ce serait le plus monstrueux egoisme, la plusmonstrueuse improbity et la plus monstrueuse inhumanity envers les membres les plus faibles de la Colonie, qui ont le plus besoin de protection. Mais, j’ai beau r^flychir, j’ai beau chercher une explication moins defavorable, je ne puisen trouver, je nepuis seuiementadmeure que l’on n’aper- cevait pas toutes les consequences d’un pareil projet. De la tout le mal, tous les d£sordres, toutes les critiques, toutes les discutailleries, qui vont suivre. Les nouveaux dissidents ou les opposants font alors la paix avec quatre ou cinq anciens dissidents, avec lesquels routes les Gerances avaient ety en guerre, tout le monde est surpris de voir subitement se donner la main, des hommes qui aupara- vantnese parlaient que pour se dychirer; oncaresse, on flatte, onsoulient, on encourage les partisans d’une liberty illimitee, d’une ygality absolue, d’une indypendance allant jusqu’a la licence, tous ceux qui sont mecontents pour s'etre attire de justes reproches par leurs fames ou leurs vices, meme ceux SITUATION MORALE. 211 que le scandale de leur inconduite rdduit a ne irouyer d’asile que dans le sein d’un Parti reduit a employer tcus les moyens pour se recruter. Ce Parti devient meme Tame d’unc opposition contre moi dans toutes les mesures que je propose concernant les prin- cipes; il dddaigne, contre mon sentiment, l’education, le cours Icarien, la propagande, le journal rddigd par moi; il prend, contre moi, la defense du labac, du wiskey, de la chasse comme plaisir, du droit de critiquer, partout et toujours; il encourage la disorganisation et Findiscipline dans Findustrie et le travail, et meme la violation des riglements et des lois. Il paralyse tout en propageant comme principe que les Ica- riens sont esclaves, puisqu’ils n’ont pas la liberte absolue, qu’ils n’oot pas fait 3,000 lieues pour etre dans Fesclavage; que chacun ne doit faire que ce qu’il est spicialement et rigou- reusement charge de faire, et que ceux qui font plus et qu’il appelle, en derisionnant, les fidbtes et les devoues, ne sont que des flatteurs et des ambitieux; qu’il faut cacher le vice et le mal, et que ceux qui font connaitre la veriti ne sont que des rapporteurs et des mouchards , etc., etc. li u tous les vices et tous les inconvinients des Partis dans rancien monde, aitaquant les adversaires meme quand ils ont • f . , i raison, soutenantses partisans meme quand ils ont tort, violant la veriti et la justice pour soutenir comme pour attaquer. Il fait plus : il m’altaque directement, moi Fondaleur et President de la Communauti, moi qu'il appelait son Pere et son Matt re 3 moi dont il reconnaissait V amour pour les lea¬ dens et le denouement pour THumanite ; il s’habitue a me rttanquer d’igards et de respect, meme dans FAsse&ibtee geni- rale, a m’insulter pour ainsi dire et a m'outrager; Tun de ces enfants perdus alTecte de lire un journal au milieu d’un ban¬ quet pour une fete pendant que je rue fatigue pour prononcer un discours stir la Fraternity, afin de manifester son indiffe¬ rence ou son dedain pour Fora leur; un autre me desobeit for- 212 COLONIE ICARIENNE. mellement quand je veux Pempecher de commettre une infrac¬ tion ddfendue par la Constitution; un autre me traite de despote et de tyran, agissant comme un patron dans Pancien monde, lorsque je veux, au nom de la loi, m’opposer a un fait qu’elle defend ; plusieurs semblent me braver en fumant publi- quement, en mon absence cependant, malgrd mes exhortations et la defense de la loi; un autre se moque publiquement de ceux qu’il appelle les adorateurs de M. Cabet, et que d’autres appellent des Cabetistes et des fanaliques; un autre, un des principaux, pousse l’inconvenance, pour ne rien dire de plus, jusqu’a m’appeler orgueilleux etvaniteux ; et d’autres expri- ment le desir de ma mort pour que tout puisse changer confor- mdment a leurs ddsirs. Que toutes ces hostilites contre moi se soient vues dans Pancien monde, en France, de la part de toutes les espdces d’ennemis du Peuple, prdcisdment a cause de mon ddvoue- ment a l’Humanitd, c’etait tout simple et je m’y attendais sans m’en alfliger ni m’en inquieter; maisque, en Icarie, les mernes faits se reproduisent, malgrd nos principes, de la part d’lca- riens qui, tous, ont sollicite leur admission en acceptant ma direction absolue, dont plusieurs ont die admis sans avoir d’apport; aprds des centaines d’adresses remplies de protes¬ tations, de respect et d’amour, ah! c’est une monstruosite! Et quand je vois cette monstruosite, moi, qui ai toujours re- connu que les fautes des Peuples ont pour premidre cause la faute des gouvernants, je me demande secretement a moi- memesi cette monstruosite ne vient pas de mes propres fautes ou de Pimperfection de mon propre systdme; mais ma con¬ science me repond a Pinstant que mon systeme Icarien est mille fois preferable aux folles iddes du parti qui Pattaque* que moi, je n’ai pas varid le moindrement dans mes principes, que je n’ai pas commis la moindre infraction a mes engage¬ ments, que j’ai au contraire continuellement avancd dans la voie des sacriflces et du ddvouement, que par consequent Phostilite de ce parti qui se disait mon Disciple etquim’ap* i SITUATION MORALE. 213 pelait son Maitre et son Pfcre est en meme temps une folie, une noire ingratitude, pour ne pas dire une espfcce de par¬ ricide. Certes, il m’a fallu une rare abnegation pour tourer jus- qu’aujourd’hui de pareils excfcs; mais cette tolerance est un sacrifice que, par beaucoup de considerations, j’ai cru neces- saire alors dans Tinteret general, persuade d’ailleurs que j’ar- reterais le mal quand je le \oudrais. Et que personne ne pense que je puisse etre bumilie ou blesse par Thostilite de ce parti. J’en suis contrarie pour vous et pour lui, parce que, dans mon amour pour le Peuple, je voudrais qu’il fut irreprochable; mais la mission que je me suis imposee m’a trop purifigj et la contemplation de mes de¬ voirs m’a eleve trop haut, dans mon esprit, pour qu’il soit au pouvoir de qui que ce soit de m’humilier et de me blesser, comme je me suis trop habitu£ a regarder les hommes de l’ancien monde comme victimes de I’organisation sociale pour que je puisse £prouver aucun ressentiment conlre personne; et meme, plus le Peuple est malheureux par son ignorance, son inexperience et son aveuglement, plus je m’obstine a per- s6v£rer dans mon d£vouement, parce que je me dis toujours que le malheur de PHumanite sera perpgtuel si personne n’a le courage de se devouer pour y mettre un terme par une meilleure organisation sociale. Cependant je ne puis tolerer plus longtemps les inconve¬ nances et les hoslilites du parii dont il est question, parce que ces hostility m’entravent, me paralysent et compromettent tout; il faut absolument qu’elles cessent. Si nous etions lous en France, complement isol£s et ind6- pendants les uns des autres, que m’importerait l’opinion ou le sentiment de tel ou tel a mon egard? Geux qui ne seraient pas mes amis ne viendraieut pas me voir, ou je ne les rece- vrais pas et ne les verrais jamais, moi qui recevais et voyais chaque jour des centainesd’ouvriers ; mais ici, en Icarie, dans 214 COLONIE ICARIENNE. la Communaute, ou nous sorames presque continuellementen presence, aprfcs tant de sacrifices de ma part, taut de protes¬ tations de !a votre envers moi, la pensde que je ne suis pas dans une veritable famiile, et que, parmi ceux avec lesquels je me trouve en contact tous les jours et du matin au soir, se trouvent quelques ennemis et peut-etre quelques traltres, celtc pens£e m’est insupportable et je ne veux plus la supporter. D’aiileurs, se devouer pour des hommes qui le merited par la reciprocity de leurs sentiments, et a qui Ton peut etre utile, c’est vertu; mais se devouer pour des hommes qui r£- pondraient a Tamour par I’inimitie, ou pour qui Ton se devoue- rait sans resultat utile, ne serait-ce pas stupidity ou folie? D’un autre cote, s‘il en est quelques-uns qui peuvent se plaire a etre hostiles, leur manque d’egards et de respect en blesse et meme en irrite un grand nombre d’autres dont j’ai peine a retenir les reclamations, dans la crainte qu’elles ne puissent etre trop vives; mais poureviter leur decouragement el leur degout, il est necessaire de meltre un termed toutes les inauifestations hostiles, et c’est encore un motif qui me de¬ termine a declarer ma resolution de ne plus les tolerer. Une infinite d’autres raisons me determined a ne plus to¬ lerer d’opposition systematique, et je n’en ciierai que quel- ques-unes. Notre entreprise, avec nofre personnel et si peu de moyens dans Torigine, etait si difficile que, meme avec Turnon la plus parfaite, il nous restait encore beaucoup de difficultes. Cepen- dant, si, des le commencement, nous n’avions eu aucune dissidence et aucune division, si, comme vous en avez tous pris Tengagement, nous n’avions tous ensemble forme qu’un coeur, qu’une ame et qu’un esprit; si nous n’avions tous ecrit, parie, agi que dans le meme sens (ce qui ne devait pas etre impossible, puisque vous aviez tous adopte les memes principes et les memes doctrines), notre situation serait bien differente. Aujourd’hui meme, si nous etions bien unis, si nous parlions, SITUATION MORALE. gcrivions et agissions de meme, si nous travaillfons tous au bien commun, au lieu de perdre notre temps en divisions, en critiques et en discutailleries, je ne douterais pas du succfcs de la Colonie et du triomphe de la Communautd; mais de meme que, aujourd’hui, vous ne pouvez rien sansmoi, etrien sans Punion entre vous tous, de meme je ne puis rien sans vous, et la division, Popposition systematique, est un contre- sens qui compromet tout en me paralysant. Depuis pres de vingt ans, je demande la suppression du labac, que je considere comme un des fleaux du Peupie et de PHumanile, et Pavenir applaudira sans doute a mes efforts j sur ma proposition en 1853 et 1855, vous en avez formelle- ment decide la suppression, et si, par une prudente conces¬ sion, vous en avez tolerd Pusage en favour des anciens mem- bres qui ddclaraient ne pouvoir s’en deshabituer subitement* vous savez que re n’est qu’a la condition que personne ne continuerait cti usage en public. Eh bien, tandis que des vieillards avaient le courage de se delivrer de ceite malheu- reuse habitude, pour se conformer a mes exhortations* un membre de la Gerance poussait Pesprit deposition et Phos- tilitd contre moi jusqu'a fumer publiquement, loin de ma pre¬ sence, il est vrai, et a mon insu, dans un rdfectoire etdans un atelier ; et Pun de ceux que j’envoyai dans notre Colonie de Plowa, pour y faire observer plus exactement nos principes etnos lois, y donnait Pexemple de leur violation et de manque d’egards envers moi, en y fumant aussi publiquement. Com¬ ment d’autres ne suivraient ils pas un pareil exemple ? Et comment pourrais-je etre respecte ? comment pourrais-je faire prospdrer la Communaute, avec de pareiis auxiliaires et de pareilles entraves ? •' Vous pensez generalement que la Propagande Icarienne est une ndcessitg pour nous, non pcsseuiement la propagande par £crit, mais surtout la propagande en action, celie qui rG- sulte de Papplication de nos principes, nolamment de la pra¬ tique de la Fraternite, de la bienveillance, de la politesse, du 216 COLONIE ICARIENNE. respect pour les femmes et les vieillards, de tout ce qui peut faire aimer la Communauty ; or, c’est une contre-propagande que semble faire Popposition, quelques-uns n’ouvrent la bouche ou ne prennent la plume que pour dire du mal de la Communauty, au dedans et au dehors, ce qui est un veritable contre-sens, une hostility flagrante, une espece de trahison yraiment intolerable, et que je ne puis plus tolerer. J’ai toujours dit dans mes Merits qu’il y avail une partie de la Bourgeoisie qui dtait amie du progr&s, gen^reuse et populaire, que cette partie n’avait jamais rien pu sans le peuple, mais que le Peuple n’avait jamais rien pu sans elle, et que les reformes ou les revolutions dans l’interet de l’Humanite, ne me parais- saient possibles que par l’union du Peuple et de la Bourgeoisie populaire; repousser cette Bourgeoisie, qui ne peut se pre¬ senter en Icarie que par un sentiment de dSvouement Icarien, et qui peut lui etre yminemment utile par ses talents, son experience et sa connaissance des affaires, n’est-ce pas le plus manifeste des contre-sens ? N’avons-nous pas toujours dit qu’Icarie etait un Peuple de frfcres, dont tous les membres doivent travailler suivant leurs forces et leurs aptitudes pour le plus grand interet de la Society, sans distinction d’anciens ouvriers et d’anciens bourgeois ? Or, le Parti qui me fait op¬ position appelle messieurs et bourgeois des homines dont il semble redouter l’independance et les lumi&res, et qu’il semble vouloir degouter; mais, je le declare, c’est, a mes yeux, vouloir cr£er une aristocratie des bras, pire, peut-etre, que les autres aristocraties; c’est une folie qui priverait la Communauty d’une de ses principales ressources; c’est une injustice qui me parait intolerable et que je ne veux plus tourer. Quand la Democratic est, comme dans le Systdme Icariens non-seulement la Liberty et l’Egality, mais la Justice, la Fra¬ ternity, la Moralite, la Probite, la Loyaute, en un mot l amour de l’Humanite, alorsje suis dymocrate, je suis peut-etre le plus ardent des d£mocrates, et je me fais honneur d’avoir ytd appeie, par des rivaux etdes adversaires (les Phalansteriens), SITUATION MORALE. 217 l’organe le plus avancd de la democratie a la tribune frangaise. Mais si la democratie n’dtait que de l’£goi'sme, de la jalousie et de l’envie, de l’injustice, de l’improbitd, de la haine el de l’ex- olusion contre tout ce qui n’est pas ouvrier; si la democratic n’etait que la licence, l’anarchie, le desordre et la violence; alors je le declare comme je l’ai souvent declare, je ne verrais la que de la demagogie qui ne vaudrait pas mieux que l’aris- tocratie et qui se suiciderait elle-meme; je n’y verrais pas la democratic qui peut se faire aimer par tous les coeurs g£nereux, et je ne me devouerais pas a cette fausse democratie. L’opposition me reproche en secret de n’etre pas assez hardi, pas assez entreprenant. Mais moi je l’accuse d’etre trop impatiente et trop temeraire. Quel est l’homme plus hardi et plus entreprenant que moi, lorsque j’ai entrepris d’instruire et de moraliser le Peuple, en bravant la haine des Conservateurs; de le tirer des society secretes, des conspirations et des emeuteSj en bravant la coiere des revolutionnaires; et de lutter contre tous les ennemis du progres, contre toutes les persecutions et les proscriptions? quel est celui qui a faitune entreprise aussi hardie que l’Emigration Icarienne, la fonda- tion d’lcarie et sa recente Colonie dans ITowa, avec si peu de ressources et tant d’obstacles? Elle pretend que nous marchons trop lentement... Mais ce n’est qu’une folle impatience. Qu’on me donne les movens d’aller plus vite, un petit budget de quelques millions, par exemple ; et Ton verra si je saurai marcher d’un pas rapide et tout metamorphoser ! Mais cette opposition n’a pas le sou, et, au lieu de m’aider par son concours, c’est elle qui m’en- trave par ses divisions. Elle m’accuse clandestinement de ne pas vouloir faire de grandes entreprises industrielles, qui pourraient nous enri- chir... Mais quelle folie encore! Qui done plus que moi desire faire des entreprises utiles ? Mais quelle grande entreprise industrielle et commerciale peut se faire sans capitaux et sans COLONIE ICARIENNE. 218 avances? Et ou sont nos capitaux et nos avances? Quand, pour rire, je demande a quelques»uns de vous quelques mil- liers de francs, vous me rdpondez ; Je voudrais bien les avoir, je voudrais bien avoir des millions, je vous donnerais tout a l’instant; raais je n’ai rien et nc puis rien vous donner; et quand tous vous me rdponclez si facilement je no puis , vous voulez que, pour moi seul, il n’y ait pas d’impuissance. L’opposition dit meme, toujours en secret, que c’est moi qui perds la Coionie par mon aversion contre les entreprises industrielles, et que la Communautd ne pourra etre sauvGe 9 l , ' qu’apr^s ma mort, par une Administration plus hardie.., Mais que puis-je r6pondre moi-meme, si cc n’est que lout cela n’est que de la folie? Qui done vous a rallies tous et a sauv£ jusqu’a present la CommunautG en conservant TAssociation parrni vous? Qui done est universellement connu en Europe et en Amgrique et inspire assez de confiance pour determiner la propagande, meme pendant ses absences momentanees? Qui done obtient le credit ndees^aire pouralimenter les besoins de la Coionie? Quel est celui aux genoux duquel la Gdrance se jetait en quelque sorte, pendant son voyage en France, pour le presser de revenir, en lui disari t que lui seul pouvait lui procurer les moyens de marcher? J’ajouterai cependant que les hommes qui tiennent un pa¬ red langage perdraient la Coionie, si je ne trouvais pas le moyen d’assurcr son salut avant d’en quitter ia direction. Vous vous rappelez que je vous ai fail connaitre ce que je ferais si j’avais 500,000 dollars (ou 2,500,000 francs). Eh bien ! a ce sujet, Tun des chefs de ropposition disait dernie- rement : Si nous avions 500,000 dollars, nous lui en donne- rions 100,000, et nous i’enverrions se reposer (ou nous nous debarrasserions de lui). Mais quel outrage^ s’ils pensent que je serais capable d’accepter d’eux 100,000 dollars ou meme un seul dollar! SITUATION MORALE. 219 Et quelle inconcevable prodigalite ! quelle folie s’ils croient qu’ils pourraient me supplanter aprfcs que j’aurais pu reunir 500,000 dollars!! Et quel inconcevable aveuglement s’ils espfcrent que je pour- rais exposer la Colonie a tomber entre leurs mains, lorsque, les croyant assez capables pour faire du mal en divisanr, je suis convaincu qu’ils sont incapables de la diriger pour son salut ! Tous ces details sont bien longs, bien penibles pour moi, et je suis impatient de terminer; mais c’est peutetre la dernifcre fois que je m’explique ainsi avec vous (car je ne veux plus de pareilles lattes), etje veux tout dire a vous et aux Icariens du dehors pour que vous sachiez tous parfaitement ce que vous avez a faire. Or, le Parti qui m’entrave, je Pai deja dit etje le repfcte, veut autre chose que la Communaute Icarienne, j’en suis con¬ vaincu, tandisque moi, je n’ai voulu, je ne veux et ne voudrai jamais que la realisation de cette Communaute. Devoue par nature et par instinct a la cause du Peuple et de THumanite, democrate depuis 50 ans, comrauniste depuis pres de 20, Directeur en 1831 de PAssociation libre pour reducation du Peuple a Paris, inventeur du systeme Icarien, auteur du Voyage enlcarie> du Vrai Chrislianisine et de plus de quaranle autres ecrits du meme genre, chef reconnu de PEcole Icarienne, propositeur de remigration pour fonder Icarie, directeur supreme de cette emigration, fondaleur res- ponsabie de la Colonie, je ne suis parti, je n’ai tout sacrifie, tout brave, que pour fonder Icarie ou la Communaute Icarienne dans l’interet de PHumanite tout entiere. 0 - Je n’aurais pas voulu, vous le savez bien, faire uu pas pour un systeme quelconque d’individualisme et d'dgoisme: je n’au¬ rais pas voulu, vous le saviez bien encore, braver un des flots de POcean pour vous enrichir et vous rendre heureux tout 220 COLONIE ICARIE^NE. seuls, vous, venus a moi de tous cot6s et qui m’£tiez inconnus; je n’aurais pas voulu, dis-je, vous enrichir tout seuls par un autre moyen que la Communauti*. Je n’aurais pas voulu partir avec vous, meme a votre tele, si vous n’aviez pas d£clar£ que vous adoptiez mon systeme, que vous partagiez, sans reserve, mes opinions et mes senti¬ ments ; si vous n’aviez pas pris envers moi I'engagement formel de suivre, sans resistance, ma direction, et d’appliquer rigou- reusement ma doctrine et mes principes; si vous n’aviez pas souvent proteste de votre confiance, de votre estime sans borne, de votre respect et meme de votre amour pour moi, en m’appelant votre Vbre et en vous appelant mes Enfanls ; si, a mon tour je n’avais pas eu une confiance illimitee en votre loyaute, en votre probite, en votre honneur, pour remplir un engagement sacr6; car enfin, qu’y aurait-il de sacre sur la terre, s’il n’£tait pas sacr6 Pengagement que vous avez pris envers moi? Que serait-ce que la probite et fhonneur, si ce n*etait l’accoraplissement des engagements volontairement con¬ tractus? Vous vous croiriez certainement d£sbonords comme voleurs, si vous aviez enlev£ de ma bourse la moindre petite pifcce de monnaie; et ceux qui m'auraient enlev£ mon repos, ma famille et ma patrie, en me trorapant, en violant leurs en¬ gagements envers moi, pourraient se croire d’honnetes gens! Or, il en est parmi vous, quelques*uns seulement, il est vrai, mais enfm il en est quelques-uns et c’est trop, qui, eutrain^s par une folle impatience, voulant r^eolter avant d’avoir la¬ bour^, ne se tronvant bien qu’ou ils ne sont pas, n’aspirant qu’apres des nouveautes, n’aiment plus la CommunautS qu’ils adoraient, ni le systeme Icarien qu’iis proclamaient le plus parfait de tous les systemes. Je lerminerai ce que je veux dire du Parti qui m’est hostile, en ajoutant que ce Parti semble avoir formd une espfcce de petit gouvernement occulte, avant deux ou trois chefs, qui manoeuvrent sourdement pour s’emparer du pouvoir apr£s ma mort ou meme avant, et avec lesquels sont en correspondance SITUATION MORALE. 221 quelques hommes que je pourrais accuser de trahison. Les malheureux! Les insensgs ! ils ont laisse percer leur dedain* leur mgpris pour la masse, qu’ils appellent des Imbeciles dignes d’etre menes a la baguette; et ils peuvent penser que je pourrais la livrer entre leurs mains! Beaucoup d’Icariens, m’dcrivant de France, me disent que je dois dire bien heureux, en Icarie, au milieu de ma grande Famiile Icarienne, en jouissant des progr&s d’lcarie. Je pour¬ rais l’etre, il est vrai, autant cependant que peut 1’etre l’homme qu’un devoir imp£rieux sdpare de sapropre famiile; je devrais meme l’etre si les protestations qui m’ont dte prodiguees n’gtaient pas des illusions; mais, je le dis avec douleur, je ne suis pas heureux, je ne suis pas content; je n’ai aucune jouis- sance, aucune satisfaction. Jesuis vieux, aecabld de travail, de fatigue et de soucis, et j’ai besoin de repos. Par suite de toutes ces fatigues et de toutes ces agitations, ala fin d’une longue explication de ma part dans l’Assemblde gdtidrale, en decembre dernier, j’ai dtd frappd, vousnel’avez pas oublid, d’une altaque de paralysie qui, grace a la saignde pratiqude par notre mddecin, ne m’a pas empechd de sortir dfcs le lendcmain matin pour ne pas vous inquidter. Depuis, mes yeux n’ont plus la meme force pour lire, ni ma main ia meme dextdritd pour dcrire. Je suis, en quelque sorte, malade et souflrant. Et si l’opposition systdmalique dont je me plains ne cessait pas completement, si le parti qui s’est forms ne disparaissait pas absolument, si la majority n’dtait pas dnergiquement pro- nonc£e et resolue a pratiquer les principes Icariens et les lois Icariennes, sans en souflfrir aucune violation, je me relirerais en fevrier prochain, en vous laissant lesoin de pourvoir vous- memes a votre saluL Si vous vous croyiez fibres envers moi, je le serais dgale- ment envers vous. 10 222 COLONIE ICARIENNE. Qui pourrait en effet me retenir? Ce ne sont s ur£ment pas mes privileges, mes plaisirs, mon trailement, puisqu’il n’y a rten de tout cela pour moi ? Mais ce n’est la qu’une hypothfese inadmissible, que je me reproche presque d’avoir £noncee et que je me hate de r£- voquer. Je vous suis trop utile, trop necessaire meme, pour que la masse puisse avoir la pensee de se s^parer de moi, et je vous suis trop devoue moi-meme pour avoir celle ds me separer de vous. Je resterai done pour accompllr ma mission, pour achever ia fondation d’Icarie, pour rallier la masse autour du drapeau de la Coramunaute, pour dgfendre nos femmes et nos enfants, nos vieillards et nos infirmes, nos veuves et nos orphelins; et si la majorite esl feme et energique dans son union avec moi, mes fatigues diminueront, ma sant6 se raffermira, je pourrai etre encore heureux avec vous, et je vivrai encore assez longtemps pour garantir et consolider le sort d’Icarie. Mais entendons nous bien, mettons-nous bien d’accord, void mes conditions : 1° Le parti qui me fait one opposition systematique et avec lequel je ne veux plus absolument avoir a lutter, cessera vo- lontairement et loyalement son action, ou se relirera volon- tairement de la Colonie, ou bien l’exclusion sera prononege contre ceux de ses membres dont les actes pourront le me- riter. 2° La majority prendra l’engagement d’etre ferme et 6ner- gique, pour prononcer les exclusions qui pourraient etre n^cessaires; car je ne puis la sauver si elle ne veut pas se sau- ver elle-meme. 3° Les femmes s’engageront £galement a we soulenir de tous leurs efforts pour que je puisse les d^fendre elles-memes et proteger leurs enfants. SITUATION MORALE. 223 4° Tous prendront de nouveau Pengagement de remplir toutes nos conditions, de pratiquer tous nos principes, d’exe- cuter tous nos rfcglements et de s’efforcer d’acqu£rir chaque jour davantage toutes les quality icariennes, car je ne veux pas perdre mon temps a discuter des principes accepts avant Padmission, et qu’il ne s’agit plus ensuite que d’appliquer sans repugnance et sans hesitation. 5° 11 est indispensable que j’aie tous les moyens n£cessaires pour mettre a couvert ma responsabilM materielle . Je devrais n’avoir a m’occuper que de Porganisation d’lcarie pour faire appliquer nos principes, mais par la force des choses, Padministration materielle est lellement liee a Pad- ministration morale que toutes les deux sont inseparables. C’est sur moi que repose toute la responsabilite materielle; c’est moi qui ai tons les soucis et toutes les inquietudes, pour vous procurer tout ce qui concerne la nourriture, le vete- nient, le bianchissage et l’entretien, le logement et l’ameuble- ment, le chauffage et Peclairage, les medicaments, les ecoles et les ateliers, Pachat de toutes les matieres premieres, la si¬ gnature des traites, des billets, etc., etc., et, en definitive, tout se concentre dans une question financiere. La Colonie ne connait que moi pour pourvoir a tous ses besoins. Le public ne connait aussi que moi. Je suis seul responsable et pour tout. Je suis, dans toute la force du terme, le serviteur et Pesclave de la Communaute. Quoique cette position soit sou- vent pour moi un veritable supplice (car je ne dors pas tou- joursj surtout dans les temps de disette), je veux bien Pac- cepter, parce que c’est une necessite dans le commencement d’une Golonie. Mais puisqu’il est vrai que je suis seul responsable, il est rigoureusement juste que j’aie tous les moyens de mettre a couvert ma responsabilite, et je ne veux pas l’accepter sans ces moyens. Ainsi, si vous ne vouliez pas travailler pour gagner voice 224 C0L0N1E ICARIENNE. nourriture, etc., je ne voudrais pas la responsabilite de vous nourrir, de vous medicamenter, etc. Si vous ne vouliez pas vous soumettre a Eorganisation, a l’ordre eta la discipline dans le travail, je ne voudrais pas la responsabilite de vous vetir et de vous loger, etc. Si vous ne vouliez ni frugality, ni soin, ni £conomie, je ne voudrais au- cune responsabilite en faveur de sensualistes et de prodigues. 6° Je veux aussi tous les moyens de mettre a couvert ma responsabilite morale. Cette responsabilite morale est peut- etre plus grande encore que ma responsabilite materielle. Ceu\ d’entre vous qui desirent Tordre et la fiddle observation de nos principes me rendent peut-etre responsable de toutes les in¬ fractions commises. Le public ne connaft aussi que moi et me rend peut-etre responsable, sur mon honneur, de tous les ddsordres et de tous les vices qui pourraient exister en Icarie; ildit probablement : comment, M. Cabet est la, et il tol&reou ne peut pas empecher ce qui s’y passe ! Les arrivants peuvent dire aussi : comment, nous ne sommes partis que sur la con- fiance que nous inspirait M. Cabet, et nous trouvons tant d’ira- perfection en Icarie! Et si le malheur voulait que noire en- treprise 6choual un jour, c’est moi que tout le monde accuse- rait de son insucces. Quelque redoutable que soit cette responsabilite, rna con- fiance dans la puissance de nos principes est telle que je l’accepte sans hesiter, si votre volont.6 est d’accord avec la mienne et si vos efforts concourent avec les miens. Si vous avez toutes les vertus et toutes les quality lea- riennes; si vous mettcz en pratique toutes mes doctrines et tous mes principes sur la Fraternite, l’Egalite, la Liberty, sur la bienveillance et la politesse affectueuse, sur le respect pour les femmes et les vieillards, sur Education des enfants, je n’hdsite pas a garantir, sous ma responsabilite, que vous serez le Peuple le plus heureux et le plus moral; que des masses viendront se joindre a vous pour partager votre bonheur, et qu’Icarie pourra regenerer l’Humanite. SITUATION MORALE. 225 Mais si vous n’etes pas parfailement d’accord avec moi, sur tous les principes; si vous n’avez pas pour moi la confiance, Festime, le respect et Inflection nycessaires; si vous n’avez pas d’esprit public et de solidarity; si vous n’avez pas la ler- metd et Fynergie qui conviennent a de veritables hommes; si vous m’entravez au lieu de m’aider, alors je ne veux etre res* ponsable de personae et de rien. * Alors je ne veux etre responsable ni des femmes, ni des hommes, ni des nourrices, ni de leurs nourrissons, ni des pe- tites lilies, ni des petits gar^ons, ni des jeunes lilies sorties de l’ycole, ni des jeunes gens. Par exemple, je crois que nos principes sur le mariage et la famille sont les plus capables de maintenir dans une society la morality la plus parfaite; mais si mes doctrines et uies con- seils sur la decence et la pudeur, sur la simplicity sa:-:s coquet- terie, pouvaient etre impunement myconnus, je ne voudrais rypondre de personne. Je crois Fyducation Icarienne la plus capable de faire des Icariens parfaits. Et, d’un autre coty, je puis dire que je suis tellement rempli d’amour, de sollicitude et de dyvouement pour vos petites lilies et vos petits garcons, comme s’ils etaient mes propres enfants, que je les aime mieux que vous, car je les aime tout autant peut-etre, et mon amour est plus eclairy, plus capable de les rendre heureux; mais, si les meres me contrariaient en tout, s’il fallait discutailler avec beaucoup d’entre elles sur les moindres details de mon systeme d’edu- cation, afln de soustraire leurs enfants a l’aveuglement de Famour maternel; alors je ne voudrais plus avoir la responsa- bility de nos ycoles. Si mon influence sur nos jeunes lilies ne repondait pas a mon tendre intyret pour elles; alors, quel que put en etre mon regret, je ne voudrais me rendre responsable ni de leurs sentiments, ni de leur conduite, ni de leur bonheur. Si, au sortir de l ycole, nos jeunes gens ou ceux qui arri- 226 COLONIE ICAR1ENNE. vent trop ages pour y entrer, etaient profondgment ignorants, indociles, indisciplines, irrespectueux envers les vieillards, sans que j’eusse les moyens de les rendreplus estimables dans leur propre intgret, je serais trop honteux de leur ignorance, de leurs mauvaises habitudes et de leurs egarements pour qu’il me fut possible d’en accepter la responsabilitg. Je le repete, quels que soient mon amour et mon dgvoue- ment pour vous, si je n’ai pas l’autoritg et le pouvoir neces- saires pour assurer votre bonheur, je ne veux plus en etre responsable. 7° line faut plus que je sois paralyse et entrave. Pour que je puisse accomplir ma mission et vous etre vrai- ment utile, il faut que je puisse etre affranchi de tons les details d’administration, pour ne m’occuper que des questions de haute organisation, de haute direction, d’gducation, de propagande pour faire connaftre et faire apprecier nos principes, II faut que je puisse correspondre frequemment avec les Icariens de France et des autres pays, avec les gcrivains et les socigtes philanthropiques, avec les hommes influents partout, et meme avec les hommes ggngreux qui pourraient nous etre utiles* Par la, je pourrais etre bien aulrement utile moi-meme a Icarie que par tous les moyens ordinaires. Mais les divisions, les cri¬ tiques, les discutailleries, les querelles dans lesquelles je suis force d’intervenir parce que je suis seul en position de les calmer, m’ont fait perdre un temps gnorme et infiniment prg- cieux, et m’ont entravg et paralyse en occasionnant a la Socigtg un incalculable prejudice. Je ne veux done plus etre ainsi en¬ travg et paralyse. Je n’osais pas meme gcrire aux Icariens de France, parce que je ne pouvais pas leur dire toute la vgritg comme je le fais aujourd’hui, et parce que, d’ailleurs, je suis trop honnete homme pour mentir et tromper; je n’ai pas meme osg proposer moi-meme, en France et ailleurs, une souscription pour aider a rgparer la perte que nous avait occasionng un grand in- SITUATION MORALE. 227 cendie; mais les inconvenients de ce silence sont si graves que, je le rdpfcte, je ne veux plus etre entravO et paralyse. 8° Je demande plusieurs graves modifications a noire Consti¬ tution et a nos lois, pour avoir plus d’autorite. Avant de partir de France, j'avais demande la Gerance unique et absolue pendant dix ans, parce que j’Otais profon- dernent convaincu que celte Gerance unique et absolue etait indispensable pour fonder, au milieu de tous ies ennemis et de tous les obstacles, une Colonie iointaine, avec des ouvriers democrates et republicans, enclins a Tindependance, reunis de tous les cotes et ne se connaissant pas entre eux, afin de les preparer et de les babituer a la democratic la plus radicale pour les en faire jouir completement aprOs les dix ans. C’est par celte raison que, aprOs chaque i nvolution, chaque parti ntablit une dictature, merne quand il veut etablir la liberty. Si vous n’aviez pas partage ma conviction a cet egard, je n’aurais pas emigre; je ne me serais pas charge de vous diri- ger; mais vous avez tellement partage mon avis, que vous avez declare que vous ne partiriez pas vous-meme avec moi, si je n’avais pas une puissance dictatoriale, ajoutant quej’dtais le seul homme connu de vous, avec qui vous consentiriez a partir ainsi. En partant, vous avez jure de suivre ma direction sans cri¬ tique et sans murmures. Arrives a Nauvoo, vous avez de nouveau formellement pris P engagement de suivre ma direction sans resistance et sans reserve. Mais, me retrouvant, contre mes provisions, au milieu de Pancien monde, avec ses preventions et ses prejugOs, avec les hostility et les calomnies de nos premiers dissidents, j’ai cru nOcessaire de vous proposer une Constitution qui Otablissait une G0rance multiple (composOe de six membres), elective et annuelle, avec des fonctionnaires et des agents Ogalement COLONIE ICARIENNE, electifs et temporaires. Ce n’est qu’avec repugnance, vous vous ie rappelez sans doute, que vous avez accepts cette grande innovation, et celui des orateurs qui la combattait le plus vive- ment disait, pour se consoler, que mon autorite, bas6e sur la confiance, serait necessairement la meme apr&s comme avant la Constitution, car, ajoutait-il, qui d’entre nous aurait la temerite de roettre son opinion en paralifcle avec celle du Fondateur d’Icarie? Etmerne dans la discussion pour le rappel de la loi d’avril, celui qui combattait mon avis avec le plus d’opiniatrete, ie meme qui parlait de se jeter a mes genoux pour me determiner a revenir d’Europe, declarait naivement qu’ii etait pret a me rendre, pour sa part, un pouvoir dicta¬ torial, s’il etait sur que je pourrais l’exercer pendant long- temps. II y a bien du changement aujourd’hui, puisque je suis oblige de me plaindre d’une opposition systematique? Mais c’est precisement la naissance de cette opposition sys- tematique qui, pour n’etre pas entrave et paralyse, me met dans la necessite de vous demander plus d’autorite, si vous voulez que je puisse vous etre utile, Cependant, loin de moi la pensee de vous demander formel- lement une diclature; je vous demande seulement l’application des principes de la Constitution americaine, un President elu pour k ans, charge de la haute direction, de ia haute adminis¬ tration et de Texecution des lois, choisissant et revoquant, sous sa responsabilite,tous les Directeurs ou Administrateurs-gen6- raux, tous les Agents et toutes les commissions qu’ii juge necessaires, pouvant travailler avec chacun d’eux separement, ou les reunir en conseil, pour entendre leur avis et leur donner ses instructions, Je veux qu’ii soit bien entendu que j’aurai la Direction su¬ preme pour tout ce qui concerne Education, depuis la nais¬ sance jnsqu’a la majority, pour les orphelins et les orphelines. SITUATION MORALE. OSQ mdmdXJ pour la distribution des logements, pour la distribution des travailleurs dans les ateliers, pour la composition de ceux-ci. Je veux que toutes nos lois et tous nos rfcglements soient rigoureusement exdcutys, surtout ceux relatifs a l’industrie, a son organisation, a sa discipline, a la necessity d’une direction r^elle pour chaque travail et d’un rapport par ckaque direc- teur. Je veux pouvoir nornmer moi-meme toutes les Commissions n^cessaires, notamment des Commissions poursurveiller l’exd- culion des lois et r&glements, et pour denoncer et poursuivre les infractions qui peuvent troubler et compromettre la Sociyty. Je veux des fonctionnaires ou des commissions pour sur- veiller la ddcence, la proprety, la simplicity, l’ordre, le soin, l’economie, pour constater la same des enfants lors de leur arrivye. Les Directeurs des ateliers ordinaires continueront d’etre elus avec la confirmation du President; mais je veux avoir la nomination des directeurs d’ateliers ou des administraleurs dont les fonctions intyressent plus directement les finances, comme des directeurs du moulin et de la distilleiie, des manufactures, des fermes. Je veux la nomination du directeur de la Colonie dans 1’Iowa. Je veux meme prendre tous les moyens qui peuvent dissiper toutes vos inquiytudes et toutes vos craimes, et pour vous mieux habituer a vous passer de moi, je veux m’absenter souvent; car c’est un rare tour de force que j;* fais en restant continuellement avec vous, tous les jours et du matin au soir. La Colonie n’ayant aucune sanction pynale autre que l’opi- nion publique, qui peut etre insuffisante, je veux que la 230 GOLONIE ICARIENNE. Communaute soit rgsolue a prononcer l’exclusion contre qui- conque refaserait de se soumettre a toutes ses lois, et notam- ment contre quiconque la troublerait par des critiques hors de l’Assembiee generate, qui ne peuvent que paralyser le travail et detruire l’harmonie. Si nous sommes d’accord sur toutes ce* conditions, je suis convaincu que nous pouvons marcher ensemble au succfcs et au triomphe de la Communaute. Je ne puis rien sans vous, mais vous ne pouvez rien sans moi. Vous etes libres de refuser, et moi j’ai la meme liberty. Mais je n’en ai pas le moindre doute, nous serons d’accord parce que c’est trop evidemment votre interet et meme votre salut, surtout celui de nos vieillards et de nos infirmes, de nos femmes et de nos enfants. Je vous previens d&s aujourd’hui que je vous presenterai incessamment des lois sur l’education, sur le mariage, sur l’admission des jeunes filles, sur l’admission en general, et sur la revision de la Constitution. Je vous previens meme queje vous presenterai une autre grande innovation, tout opposee a celle que demandaient les adversaires de la loi d’Avril, car, pour augmenter la propa- gande et nos ressources de toutes espfcces, je vous proposer ai probablement de rendre moitie de l’apport, partie comptant, le reste en un billet a courte edteance, si Ton se retire un an aprfcs l’admission definitive, meme 2/3 a celui qui se retirerait apres deux ans, meme les 3 ;U a celui qui ne se retirerait qu’aprfcs deux ans et demi ou trois ans, meme la totality a celui qui ne se retirerait qu’aprfcs trois ou quatre ans, la restitution s’opdrant toujours partie comptant et partie en un billet a courte 6cheance. Cette combinaison pourrait determiner des Icariens plus ou moins riches a apporter des sommes plus ou moins conside¬ rables, dont la Colonie pourrait jouir sans interet, en les SITUATION MORALE. 231 employant dans des industries utiles avec Tassurance qu'elle pourrait en profiter pendant une ann£e au moins, et, du reste, ii dependrait de la Colonie d’yviter les reiraites et les restitu¬ tions, en pratiquant completeraent l’union et la fraternity, avec tous 4es autres principes Icariens. J’ajouterai, pour terminer, que tous mes efforts tendront a organiser la Communauty et a vous habituer a sa pratique, de manure que ma syparation d’avec vous n’ait plus aucun inconvynient. Telle est notre situation morale aussi bien que nratyrielle. Plus d’une fois enl’exposant et en dyvoilant des dysordres, des abus, des dyfauts, des vices et les torts graves d’unc Oppo¬ sition systematique, je me suis demande si ia publicity n’allait pas faire trop de mal, plus de mal que de bien, et si les ennemis du Peuple n’alln’ent pas se frotter les mains en disant: «Avez » done confiance dans les vertus du Peuple, dans son ins- » truction, dans sa raison et sa sagesse ! Dyvouez-vous done » a sa cause ! Ou trouvera-t-il un homme plus devouy que le » Fondateur d’lcarie, quiseul, entre tant d’ecrivains, n’a pas » craintde joindre la pratique a la theorie ? Quel est le chef » populaire qui a rendu tant de services aux ouvriers, et qui » a re$u d’eux tant de tymoignages publics de respect et » d’amour, remplaces par si peu d’egards et parfois tant » d’outrages de la part de ceux qu’il appelait des ouvriers » d’yiite ?. » Mais je me ryponds a Tinstant: non, personne ne peut tenir un pareil langage, parce que la masse, la grande majo¬ rity est bonne etne myritepas iesreprochesquine s’adressent qu’a une faible minority, composee d’un tr£s petit nombre; et qu’y a-t-ii d’etonnant qn’avec une majority irreprochable, il se trouve une minority aveugle ou dysordonnee^ quand cette minority sort de l’ancien mondc et quand la persycution ne nous a presque pas laissy la liberty du choix. Dans les circons- tances qui ont precyde, accompagny et suivi notre ymigration, 232 COLONIE ICARIENNE. ce qui me parait 6tonnant, ce n’est pas qu’il y ait quelques defauts ou quelques vices parmi nos emigrants, mais c’est qu’il y ait tant de bonnes qualites et tant de vertus. Quel est le Peuple ou le Parti qui pourrait se vanter d’avoir raoins d’alliage et plus de purete? Et serait-il raisonnable de dire qu’une ville est composee d’ivrognes, parce qu’elle en renfermerait quelques-uns dans une population frugale et lemperante. La publicite sans d£guisementet sans voile ne fera done pas de mal ou fera mains de raal que de bien. Ce sera le contre- poison qui sauvera le malade, ou le frein qui prSviendra les torts et les dangers. Et, comme ce Censeur romain qui vou- lait que sa maison fut de verre, je voudrais que tout ce qui se passe en Icarie fut entendu, vu, connu, afin d’etre sur qu’il ne s’y passerait rien qui put meriter la censure. D’apres ce principe de publicite, je n’hesite pas a vous faire connaitre, comme je vous I’ai precedemment annonce, notre situation financi&re. La Colonie doit environ 10,000 dollars ou 50,000 francs, payables a des termes divers, dans l’espace d’une et deux anndes; mais cette dette est representee et garantie par des acquisitions d’immeubles et de meubles, des constructions, des ameliorations, des approvisionnements, pour une valeur beaucoup plus considerable; car nos terres seules de l’lowa, ameliorto par notre agriculture, valent d6ja plus de 50,000 dollars cu 250,000 francs. Cette situation de nos finances est une raison imperieuse pour nous de travailler, en prenant tous les moyens de tra- vailier utilement; e’est une raison d’avoir de l’ordre, du soin, de la frugality, de la temperance et de l’tonomie, mais non de nous inquieter et de nous dtourager; et si nous sommes d’accord, si vous marchez avec moi comme un seul homme, ma confiance dans nos principes et dans l’avenir est telle, que je n’hesiterais plus a faire les souscriptions et les emprunts que Ton me conseille depuis longtemps en France. SITUATION MORALE. m J’emprunterais mdme des millions pour vous et en mon nom, avec la certitude que nous pourrions les rend re facile- ment au jour fix6 avec le seul produit de notre travail. CABET. LE FONDATEUR DlCABIE AUX ICARIENS DE FRANCE. Chers Freres , « 11 y a longtemps que, a mon grand regret, je ne me suis pas mis en communication avec vous. Le compte-rendu sur la situation materielle, financi&re et morale de la Colonie, apr£s le l et semestre de 1855, formant une des plus utiles brochures que j’aie publtees, vous en fera connaitre les motifs. Je vous y dis toute la v£rit£; je vous y fais connaitre mon opinion, mes sentiments, mes vceux, ma resolution, et je desire que, en rtfponse et sans retard, vous envoyiez au Bureau Icarien, a Paris, des adresses exprimant vos pro- pres opinions et vos propres sentiments. » Je desire aussi que personne ne parte avant l’automne prochain, parce que nous n’aurons pas assez de logements au printemps, et parce que j’ai absolument besoin que vous ne partiez qu’en parfaite connaissance de cause, aprfes avor 234 COLONIE ICARIENNE. entendu toutes mes explications, quand vous saurez tout ce qui se sera pass6 dans la Colonie, et quand vous et moi nous serons parfaitement d’accord. « Si, comme je respire, et meme comme je n’en doute pas, toutse passe ici suivant mes desirs, je vous ecrirai, en mai ou en juin, venez ! et vous pourrez venir en toute s6cu- rit£. » Dans le cas contraire, je vous dirai: ne venez pas ! par- ce que je ne veux pas vous tromper. « Lors meme que je vous engagerais a venir, apris vous avoir expliqu£, avec plus de details que je ne l’ai fait jusqu’a present, toutes les obligations icariennes, et vous avoir en- voy6 un Guide Icarien pour les partants et les arrivants, je vous r£p6terai encore : « Si vous etes bien resolus a remplir toutes nos conditions d’admission, venez! mais, dans le cas con¬ traire, ne venez pas! car nous sommes bien d6cid£s a n’ad- mettre que ceux qui, hommes ou femmes, sont bien decides eux-memes a les accepter eta les remplir. Nauvoo, le 3 dScembre 1855. Saint fraternel , Cabet. ARRIVEE DU DEPART DE SEPTEMBRE 1855. 90 nouveaux Icariens (dont 38 hommes, 21 femmes, 3 jeunes gens, 7 jeunes filles, 21 enfants), embarques au Havre le 15 septembre, sont arrives le 10 novembre a la Nouvelle-Orleans, oil 6 soni restes pour gagner le complement de leur apport, tandis que les 84 autres sont montes a Nauvoo, ou ils sont arrives le 23, malgre les efforts et les calomnies des dissidents restes a Saint-Louis pour en detourner quelques-uns. Leur voyage s’est fait sans aucun accident. La commission de direction et dadministraiion choisie par eux au Havre a eie reelue cinq fois a Tunanimite. La fraternite el Turnon ont regne parmi eux pendant tout le temps de la traversee, et la Co- lonie leur a fait un act ueil fraternel. Le President de la Communaute a eu de longues conferences avec eux dans lesquelles il s’est explique uettement sur tout; leur a fait connaiire la situation materielle et morale de la Colonie et les mesures im- portantes qu’il allait proposer pour remedier au mal; ils ont tout approuve puisqu'ils ont fait et signe leurs demandes en admission provisoire dans la Commu¬ naute. — 80 ont ete admis par TAssemblee generale, et quatre ont du etre refuses ou ajournes parce qu'ils ne pouvaient remplir touies les conditions dadmission. I 2 •' ‘ '* - ' ' rr> ' ** . IfOTA (I U Q TABLE DES AlATIffiS. ’■ no! xfif.9y.110n 0<8 Avertissement. 5 Idee generate de la Colonie Icarienne... 5 CHAP1TRE I. Deux mots sur i/IIistoire d’Icarie. 6 Voyage en Icarie. *. 7 Vrai Christianisme. 9 Aulres ouvrages de Cabet. 9 * i ^ • , Propagande.. . 10 Persecution.-. 11 Emigration en Amerique. 12 Revolution du 24 fevrier. 12 Nouvelle persecution. 13 Retraite des deux premieres avant-gardes. 14 Depart de Cabet. 14 Etablissement provisoire a Nauvoo. lo Proces conlre Cabet a Paris. 18 Retour de Cabet en France son Iriomphe. 20 Proscription de Cabet apres le 2 decembre... 22 Commune Icarienne en France ou en Angleterre. 22 Retour de Cabet en Icarie. 23 t > * \ O A 1 • / * ■ „ * * f i ‘ i f • 1 i f > t'i I i\ • . / * 4j Commune Icarienne en Amerique. Etablissement dans le Desert. 23 Station a Nauvoo. 24 TABLE DES MATIERES 237 CHAP1TRE II. — Idee generale du systeme Icarien. ... Doctrine ou Principe... Base d’une meilleure organisation Sociale. Le Coramunisme Icarien c’est le vrai Christianisme i) CHAPITRE III. — Organisation Sociale Icarienne. .. Avantage de la Communaute Icarienne ° , V v *' j i'.i : • U * 1 * CHAPITRE IV. — Organisation Politique Icarienne. De la ..***•*•**•’ * . ji Communaute.* • • • • • CHAPITRE V. — Commune Icarienne. . , ...... . *"onf i j) *— .IiJ'j*’ tio/uo c 1 noimfc CHAPITRE VI. — Mal Supprime par la Communaute. . . : CHAPITRE VII. — Excellence de la Communaute..... CHAPITRE VIII. — Constitution Icarienne. Lois. 24 24 26 27 30 3 5 36 38 41 42 45 . I Conlrat Social ou acte de Societe de la Communaute ►RBiiubA 1 utjii.v ‘ Icarienne... 4o tr r 4 • » • # • • f • -I CONSTITUTION ICARIENNE. ►ijb»£ Chapitre I. — Preliminaires. «.«# • a j ji i ■, '■ V I »>L * * » 1 kt *> lx ^ ' .J f* .J Ik J..14 & i ^ Chapitre II. — Section l re . Societe. c i Vj i Section 2 e . Fraternite Section 5 e . Egalite... 0*9 U Section 4 e . Liberte... -7HQ it r.l r* Section 5 e . Unite.... Section 6 e . Solidarity. OTI’l Section 7 e . Respect pour la Loi Section 8 e . Communaute.. f o o»ln 49 51 52 55 M 90 T OO 55 55 56 56 TV CT 08 Chapitre III. — Organisation sociale. "Section l re . Propriety. — Usage. 56 Section 2 e . Salaire. 57 • Section 5 e . Traitements. 57 Section 4 e . Imp6ts.V... 57 Section 5 e . Organisation du travail.. 57 Section 6 e . Agriculture. 5,8 Section 7 e . Nourriture.. 58 Section 8°. Logement. 59 Section 9 e . Veteraent. 59 11 m TABLE DES MATIERES. Section 10 e . Education,. sg Section ll e . Mariage ~ Famille. 60 Section 12 e . Maladies. — Infirmes. 61 Section 13 e . Femmes, enfants, vieillards. 61 Section 1 l\*. Religion. 61 Chapitre IV. — Organisation politique. Section l re . Souverainete. 62 * r Section 2 e . Pouvoirs publics. 62 Section 3 e . Pouvoirs legislates et Assemblee generate.. 62 Section 4 e . Pouvoir executif. — Gerance. 63 Section 5 e . Pouvoir judiciaire.—Delits. 60 Section 6 e . Revision. 67 LOI SUR L’ADMISSION, LA RETRAITE, L’EXCLUSION. f ' r \ Section l re . Admission provisoire. — Definitive. 69 Section 2 e . Retraite. 71 Section 3 e . Exclusion. 72 REGLEMENT SUR LA GERANCE. CHAPITRE I. Attributions. Section l rc . President de la Communaute... 73 Section 2 e . Direction generale des finances et de la nour- riture. 73 . • ...»• ••••• • • • * m * 1 ‘ ’ * ’ Section 3®. Direction generale du logement et du vele- ment. 7£ ■ Section 4 e . Direction generale de l’education, de la sante et des divertissements. 74 Section 5 e . Direction generale de l’industrie et de Tagri- culture. 75 0 ... * * Section 6 e . Direction generate du secretariat et de Pirn- primerie. 76 a*! i '! * itof r i t> / ** t f ' i CHAPITRE II. — Seance de la Gerance. 77 CHAPITRE III. — Devoirs des Gtirants. 79 Rapports d’Ateliers... 80 ■ ft TABLE DES MATURES. 239 REGLEMEATS POUR L’ASSEMBLER GEAERALE. Expose des motifs... Reglement. 89 ; :j .. ECOLES ICARIENXES. Reglement... 92 Devoirs des enfants. 95 Travaux de menage. 95 /.I | k « * | Travaux manufels. 96 ii« # Eleves sous-directeurs. 96 Conduite dans les classes. 96 Ordre, soins, proprele. 97 Bonnes et mauvaises habitudes. 97 Promenades.—'Sorties. 97 Reglement pour la politesse. 96 NATURALISATION DES ICARIENS. Je suis citoyen Americain. 100 Celebration du septieme anniversaire du depart de la premiere avant-garde. 100 Inscriptions Icariennes. 114 Engagement Icarien. 125 — • • » ••*«*# • ♦ DEUXlfeME PAR TIE. Compte-rendu apris le l er semesire de 1855. Observations generates et preliminaires. 120 Deux mots sur le communisme Icarien. 131 Deux mots sur Immigration ou la Colonie Icarienne. 132 Departs pour le Texas. 134 Abandon du Texas. 135 Vie commune a la Nouvelle-Orleans. 135 Depart pour Nauvoo. 135 240 TABLE DES MATIERES. Etablissement provisoire a Nauvoo. Somnoes depensees par le bureau de Paris. Caisse de la Colonie Icarienne au l er aout 1850 Dissidences, retraites. Loi du 5 avril 1850. • • • ■•••«. • » • « Mon depart pour la France. Rappel a Nauvoo.,. Naturalisation. — Colonie dans Plowa. Attaques contre la loi du 5 Avril. * * • « • - . . | « . .41 Reforme Icarienne. • * • * k • •* «*»•#••••*»« • • % * • ^ • ' J < Comptabilite du bureau Icarien a Paris. Situation du personnel au l er Juillet 1855. Situation materielle. Bureau Icarien a Paris. Trailes envoyees de Paris a Nauvoo • . < r i’ *4 ■* . - * x i ; ) < y . * Achats fails a Paris pour Nauvoo... Remboursement d'apports a Paris.. . .‘j.j 111 ’> Situation Morale.. • .04 • • t • Rapide coup d'oeil sur les conditions d’admission A A r« r A •» • • • ■ • « « i . , i | .j . ) [ C. S' a Ar f ‘ *••••• ••**•>•** 136 136 137 138 139 139 140 140 140 141 141 143 U4 166 167 168 168 169 170 233 233 n J Paris. — Imprimerie Felix Malteste et C% Rue des Deux-Portes-Saint-Sauveur, 22. • % LETTRES ICAR1E1ES. A MON AMI EUGENE. Adoptons, Pratiqiions, Proclamons, Propageons le principe Chretien de la Fraternite ; tirons-en toutes les consequences, et nous arriverons a l’or- ganisation sociale la plus parfaite et la plus capa¬ ble de realiser completement le salut etle bonheur de l’Humanite. (Caret, Voyage en Icarie.) I Je te remercie, mon cher Eugene, de ta bonne et longue lettre du mois demies. Je savais bien que l’ouverture du Cours Icarien a Cheltenham serait pour toi une bonne nouvelle. Je sa¬ vais d’avance ta satisfaction, parce que je connais ton enthousiasme pour tout ce qui a pour but d’instruire, d’eclairer et de moraliser les hommes; pour tout ce qui les grandit, les eleve en connaissances, en puissance et en dignite. Oui, mon cher ami, le plus ardent des voeux que formait notre illustre Maitre vient enfin d’etre realise. Icarie possede ce Cours Icarien que son JnmJ^teur cou- siderait comme indispensable, et qde nous desirions tous non moins ardemment, paiee > que nous sec¬ tions , pour ainsi dire, combien nM^ en av6ns besoir et combien d’avantages moraux let jvi&tpe ^physiqud nous devions en retirer. Nous poi^nsT^ en effe sans nousfaire trop d’illusion, attendr&jtebons, vTe^cel- V lents resultats de cette ecole mutuelle, ou chacun de nos Freres et de nos Soeurs s’oblige a venir tour a tour apprendre et enseigner la Morale et la Religion de la Fraternity. Je dis, nos Freres et nos Soeurs, car tu sais qu’en Ica- rie la femme n’est en aucune facon consideree comme inferieure a Fhomme, et je t’apprendrai combien elle se montre digne de la rehabilitation dont elle y est Fob- jet. Je te parlerai un jour du courage, de l’energie et de la Constance que les Icariennes ont montres dans les mauvais jours de Fhistoire d’lcarie. Tu lesverras assis¬ tant a toutes les Assemblies ^enerales, ecoutant la dis- cussionde toutes nos institutions, de toutes nos lois, y prenant part quelquefois, et donnant toujours leur avis par un vote consultatif avant que les citovens soient ap- peles au vote definitif de la loi. Mais ]e veux avant te les montrer au Cours Icarien et t ' * dans nos fetes publiques, pour que tu applaudisses avec moi aux belles et bonnes idees qu’elles y developpent, aux grands et nobles sentiments dont elles se montrent animees Ce sera Feternel honneur du Fondateur dTcarie et des * - Icariens, d’avoir pris cette initiative de Femancipation intellectuelle de la femme, pour Felever au rang qui lui convient dans la Societe moderne, Est-ce une illusion, une exageration de mon esprit? Je ne sais, mais il me semble que c’est la un des grands evenements de notre siecle, cependant si fertile en grandes choses. C’est un nouveau monde conquis, la moitie du Genre Humain qui nait a la vie sociale. Desor- mais Fhomme ne marchera plus seul sur la route diffi¬ cile du Progres; la femme le suivra, le soutiendra, Fencouragera par son noble exemple, et si les forces morales venaienta lui manquerpour accomplir Fceuvre — 5 — • , » I • • • , Me regeneration, elle, compagne fidele et devouee, le relevera en lui communiquant le feu de sa douce, mais vive energie. Je reviendrai a mon sujet. La femme, j’y reviendrai souvent; car c’est d’elle que depend surtout l’avenir d’lcarie, l’avenir de l’Humanite. C’est elle qui servira de trait d’union, si je puis m’exprimer ainsi, entre Tancienne et la nouvelle societe, entre la civilisation qui s’en va et la civilisation qui vient. Mais je veux re- pondre tout de suite a ta question sur la Religion Ica- rienne. ; 11 f , i * ( 4 • - Tu erois « qu’il est necessaire, pour fonder une so- y> ciete nouvelle, de formuler une Religion qui puisse » servir de base a la Morale, aux moeurs et aux lnsti- » tutions nouvelles. Tu voudrais qu’on etablit un culte » simple, ne renfermant rien de surnaturel ou de mer- y> veilleux, rien que la raison ne puisse comprendre et » approuver. » Je suis d’accord avec toi sur beaucoup de points; ce- pendant, je ne crois pas qu’il soit necessaire de formu¬ ler une Religion nouvelle, et tout a l’heure je te dirai pourquoi. Pour le culte, je crois, commetoi que, pour Icarie, tout est a refaire, il nous faut sur ce point une reforme radicale qui mette mieux en harmonie les actes paries- quels nous rendons hommage a la Divinite et I’idee que nous avons de sa grandeur. Mais prenons garde de confondre la Religion avec le Culte; cette confusion deviendrait necessairement la source d’une foule d’erreurs : nous ne saurions nous entendre en parlant de choses differentes. Pour fixer notre esprit, nous devons deflnir exacte- — k — ,ment nos idees; je vais (lone essayer de te faire com- prendre ce que j’entends par Religion et par Culte. Par Religion , j’entends ce sentiment general et uni- versel qui, de tout temps et en tous lieux, a porte tous les hommes a reconnaitre une Puissance superieure, Auteur ou Createur du monde visible. 4 Cette Puissance superieure a recu une infinite de noms divers, suivant le temps, le lieu et la langue des Peu- ples. Ce 110 m a varie aussi, suivant l’idee particuliere que s’en est faite chaque Peuple, et de Finfluence di- recte ou indirecte qu’il lui a attribute dans le gou- vernement de sa vie sociale ou individuelle. C’est ainsi que dans notre langue on lui donne les noms de : Dieu> {hre-Snpreme, Nature, Cause premiere, Createur , Pro¬ vidence, etc., etc. Tous ces mots ne sont qu’une maniere differente d’exprimer la meme idee, et, le plus souvent, on emploie Tun de preference a l’autre, uniquement pour donner plus de force ou plus d’elegance au dis¬ cours. Et remarque bien que cette idee d’une Puissance su¬ perieure a rhomme, consideree comme F Auteur et le grand Architecte de l’Univers, a ete et est encore com¬ mune a tous les Cultes. De Y Orient a Y Occident, du Nord au Sud , depuis les temps les plus recules jusqu’a nos jours, partout et toujours, nous voyons cette idee foridamentale reproduce sous des milliers de formes di- verses. De cette manifestation unanime et constante de FHumanite reconnaissant F existence d’un Etre-Supreme, nous devons conclure que cette idee est inherente a FEsprit humain; que c’est une des facultes que la Na¬ ture nous a donnee pour servir de lien necessaire, entre elle, et nous comme aussi entre les individus de la grande famille humaine. Par Culte, j’entends Fensemble des actes faits par « 5 — 1’homme en vue d’honorer, (le rendre hommage au Createur. Ici, nous ne trouvons aucun des caracteres que nous avons signales plus haut en precisant l’idee religieuse. ' A la place de cette unanimite de tout le Genre Huinain, nous trouvons une diversite infinie. Non seulement des milliers de Peuples ou Peuplades dissemines sur la terre ont, dans lememe temps, des milliers de cultes differents; mais chacun de ces peuples, ou peuplades a change ou modifie son culte plusieurs fois, et Ton peut afTirmer que lescultes existantaujourd’hui,seront encore changes et ameliores; parce que les cultes etant l’oeuvre des hommes, sont comme toutes les oeuvres humaines, susceptibles de progres et ^ameliorations. Des definitions qui precedent, je conclus que, malgre le nombre et la diversite des cultes, il n’y a qu’une seule et meme religion pour tous les hommes de tous les temps : qu’elle est independante de toutes les doctrines ou dogmatiques particulieres, de toutes les organisations,, en un mot qifelle est Nalurelle et Universelle. Tu com- prends maintenant pourquoi je ne crois pas qu’il soit utile de formuler une religion nouvelle. C'est qu’il n’y a pas et qu’il ne peut pas y avoir deux religions, pas plus qu’il ne peut y avoir deux verites, deux justices, etc. Nous avons vu qu’il n’en est pas de meme du culte; que celui-ci varie a l’infini, suivant le temps et !e lieu : cree par 1’homme il paralt generalement etre fait en vue de l’homme plutot qu’en vue de Dieu ; car il varie en effet suivant les niceurs et le degre de civilisation du peuple pour lequel il a ete etabli. Le culte correspond encore le plus souvent aux vues de celui ou de ceux qui l’etablissent, et les ceremonies, les pratiques religieuses qui en forment l’ensemble ont presque toujours un caractere social et politique (1). Aussi les grandes reformes ou le changement du culte sont-ils toujours pour un Peuple les precurseurs ou la consecration d’un changement de moeurs et d’organisation politique et sociale. ' : ‘ , ; ; Le but du culte etant de mettre Thomme en rapport avec l’Etre superieur qui gouverneTUnivers, il est clair qu’il sera aussi en harmonie avec 1’idee que son fonda- teur ou ses fondateurs se sont faite des attributs et des qualites de la divinite, ou bien de 1’ideequ’ils ont voulu en donner au Peuple pour lequel il aura ete organise. (Test pourquoi nous voyons Dieu represente , tantot comme un maitre jaloux et vindicatif, tantot comme 1’ideal de la supreme bonte et de la supreme indul¬ gence. Ce que nous venons de dire du culte, nous explique suffisamment son immense influence sur les destinees des Peuples. Nous comprendrons mieux encore cette influence, si nous considerons que la masse des homme& (1) u Lorsqu’une religion nait et se forme dans un Etat, elle suit ordinairement le plan du gouvernement ou elle est etablie, car les hommes qui la recoivent et ceux qui la font recevoir n’ont guere d’autres idees de police que celles de l’etpt dans lequel ils sont nes. Quand la religion chretienne souffrit, il y a deux siecles, ce malheureux partage qui la divisa en catholique et en protestante; les peuples du Nord em- brasserent la protestante, et ceux du Midi garderent la catholique. » C’est que les peuples du Nord out et auront toujours un esprit d’independance et de liberte que n’ont pas les peuples du Midi, et qu’une religion qui n'a pas de chef visible convient mieux a l’independance du climat que celle qui en a un. * Dans les pays memes oil la religion protestante s’etablit, les revo¬ lutions se firent sur le plan de l’etat politique. Luther ayant pour lui de grands princes, n’aurait guere pu leur faire gouter une autorite eccle- siastique qui n’aurait point eu de preeminence exterieure, et Calvin^ ayant pour lui des peuples qui vivaient dans des republiques, pouvait fort bien ne pas etablir des preeminences et des dignites. » Chacune de ces deux religions pouvait se croire la plus parfaite* la calviniste se jugeant plus conforme a ce que Jesus-Christ avait dit* et la lutherienne a ce que les apotres avaient fait. » (Mont. Esp . des L. t. n. p. 423.) o % • ' r » t • confond presque toujours la religion avee les ceremonies • ' ‘ ,. ou I’exercice des cultes, si I)ien qu’elle Unit par ne plus les distinguer et qu’elle s'habitue a considerer comme un f r * • * outrage fait a Dieu meme, le manque d’egards pour une des pratiques du culte. A notre epoque, le developpement de l’instruction, felevation et Telargissement des connaissances hu- * / . maines, en creant une sciences reelle del’Humanite, ont fait disparaitre cette confusion dans les idees ; cepen- dant iln’en parait.pas moins utile de s’arreter quelque- fois sur ces questions pour en faciliter la comprehension a ceux la memes qui ont le moins de temps a donner a ces etudes. ^ • V ^ i V] J ^ J .... ’ » k ' *■ ~ 4 Tu comprends maintenant pourquoi je te disais en commencant que nous avons besoin pour Icarie d’une reforme radicale du culte; c’est qu’en effet aucun de f * ceux qui existent ne repond exactement a l’idee que nous avons de l’Etre supreme ou de Dieu ; ou du moins on en tire des consequences sociales toutes differentes de celles que nous en tfrons nous-memes. On donne le nom de doctrine ou de principe a l’idee ^ **' 1 A generate qu’on a de Dieu ou de l’Etre supreme et des consequences sociales que Ton fait ressortir de cette idee. Yoyons done quelle est la doctrine ou le principe eta- bli par le fondateur de 1’Ecole Icarienne, et admis par disciples comme bases d’une nouvelle organisation ses sociale : > *» • •^ r * j j , ^ * - * ' A. 1 Jl. )J -iiiv A • f • ? ' V X. * , . \ -, r T T • 9 • r * DOCTRINE OU PRINCIPE. « Nature. — Dieu. — Nous, Communistes leariens, nous ne pouvons croire que l’Univers soit 1’effet du ha- sard, et nous aimons a admettre une cause premiere f — 8 — souverainement intelligente et prevoyante,qu’on appelle Createur , thre Supreme, Dieu , Nature , Providence . » Nous croyons inutile et dangereux de s’obstiner a decouvrir Forigine, la forme, F essence de cette cause premiere : Inutile , parce que nous sommes convaincus que c’est la un mystere et que Fintelligence humaine n’a pas les sens, ou les organes, ou les facultes neces- saires pour percer ce mystere; dangereux , parce que Fexamen de ces questions conduit a des discussions qui degenerent presque toujours en disputes, en divisions et meme en haines. » Dieu , Perfection. — Mais nous considerons Dieu comme la superiority et la toute puissance, comme Yin- fini et la perfection en tout. » Dieu , Pere du Genre humain. — Nous aimons a considerer Dieu comme Pere du Genre humain, comme amour , bonte, justice , indulgence; nous imaginons qu’il est le Pere le plus parfait, le plus juste, leplus tendre^ que ce meilleur des peres n’a que de l’amour pour ses enfants; et qu’il les aime tous egalement. » Destinee de l’Humanite ; Bonheur. — Nous ai¬ mons a admettre que Dieu, le plus parfait des peres, a voulu le bonheur de ses enfants sur la terre. Nous voyons qu’il a tout prodigue (Fair, la chaleur, la lumiere, Feau, la terre, avec ses metaux, ses fruits et ses ani- maux) pour les rendre heureux, en satisfaisant a tous leurs besoins; nourriture, logement, vetement, de¬ fense, etc., etc. ; et nous croyons que Yinstinct f Yintel¬ ligence et la raison qu’il leur a donnes suffisent, avec ses autres dons, pour assurer la felicite du Genre humain. » Sociabilite ; Bonte naturelle. — L’homme est sociable , par consequent attire vers son semblable, sym~ pathique, compatissant, affectueux, naturellement bon. » Intelligence. —L’homme est eminemment intel- •,* i ( i ■ r .i •; * • . \ . ligent. » Perfectibilite. —L’homme est evidemment per¬ fectible par /experience et par /education. w Fraternite. — La Fraternite est pour nous le principe essentiel, radical ou fundamental, generateur « de tous les autres principes, et qui les renferme neces- sairement tous en lui seul. » Mais cette Fraternite est elle-meme la consequence que 1’Etre supreme ou Dieu est le Pere de tous les hommes; d’ou il suit que tous les hommes sont ses enfants, qui tous sont freres, et que le Genre humain ne forme qu’une famille dont tous les membres doivent s’aimer et se devouer reciproquement, dans leur interet t , et pour le bien commun, comme nous concevons que doivent le faire les freres les plus parfaits. » Pour nous/les consequences de la Fraternite sont: la Solidarity, 1’Unite, 1’Egalite, la Liberte, le perfec- tionnement de /Education, la purification du Mariage et de 1a, Famille.... . » Ce principe de la Fraternite est a la fois Philoso- phique et Religieux.... » A nosyeux, c’est l’idee la plus avancee et la plus feconde, la Morale la plus pure, la Philosophic la plus douce, la Religion la plus sublime! » Yoici done toute la Doctrine Icarienne se resumant dans cette idee fondamentale de : la Nature ou Dieu , Createur et Pere du Genre Humain; puis, comme con¬ sequence necessaire de cette doctrine, la Fraternite des hommes, ne formant qu’une seule et grande famille unie dans /amour du Createur. Cette Doctrine est semblable a celle du Christ, et Cabet, loin de vouloir se donner comme imenteur - 10 — d’une Doctrine nouvelle, s’est constamment attache a ^iemontrer la similitude de sa Doctrine avec celle du Christ, et, pour l’etablir, il les a souvent comparees 1 entre autres fois, dans son Comple-rendu sur la situation £ de la Colonie en 1855, dans lequel il s’exprimait ainsi r c c « f* e y i *.*• , V • t . f t - 7 ' ' . * * LE COMMUNISME ICARIEN, C’EST LE VRAI CHRISTIANISME. ' , * * ? « Jesus-Christ est venu apporter une loi nouvelle , un systeme d’organisation pour la societe, qu’il appelait le Regne ou le Royaume de Dieu , la Cite nouvelle. » Pour lui, Dieu etait esprit, amour . vie , Pere de l’Humanite. Il s’appelait lui-meme tantot Fils de Dieu, tantot Fils de VHomme, freredes autres hommes, sur- tout des Pauvres, des Opprimes et des Malheureux. 11 repetait sans cesse que tous les hommes sont fils de Dieu et freres. » Il se bornait a deux principes ou deux commande- ments generaux et principaux; le premier, aime Dieu (qui est Y esprit, famour, la vie, la jusice, la honte, la toute-puissance, Finfini, la perfection en tout, etc,), et le deuxieme, aime ton prochain ou ton frere comme toi - meme; et il ajoutait que ces deux commandements se confondaient pour n’en faire qu’un seul, et que c’etaitla toute la loi et les proplieles. Son grand principe social etait done la Fraternite des Hommes et des Peuples, et il disait : aime pour etre aime, secours pour etre se- couru. 11 adoptait ces maximes philosophiques: « Ne fais pas a autrui ce que tu ne voudrais pas qu’il te fit; fais aux autres ce que tu voudrais qu’ils te 3> fissent. » » Comme principes secondaires, il proclamait I’Asso- ciation, FEgalite, la Liberte, FUnite, le Progres et le Perfectionnement indefini. - 11 - r- * * - • % T* ^ ' ' f d 11 combattait surtout lamisere; et, pour la sup- i > • , m primer, il recommandait la Communaute de biens, en declarant que Fopulence empechait d’entrer dans le Royaume de Dieu. « Les Apotres, les Peres de FEglise et les premiers Chretiens pratiquerent !a Communaute, et si, au lieu, de faire des Communautes d’hommes seulement, on de femmes seulement, ils avaient fait des Communautes d’hommes et de femmes, avec le mariage et la famille; des Communautes agricoles et industrielles, la Commu¬ naute serait etablie aujourd’hui sur toute la terre. » Si la Doctrine de Jesus est toute dans ces deux com- mandements : X * , » _ r r • Aime Dieu par-dessus toutes choses, Aime ton prochain comme toi-meme, (et il ne pent y avoir de doute a cet egard, puisque c’est Jesus lui-meme qui le dit), il est certain que la Doctrine i i « Icarienne Concorde avec la Doctrine Chretienne et que les Icariens sont Chretiens en ce sens. Aussi Cabet dira- t-il encore : « Les Icariens sont de vrais Chretiens; notre » Communion est le vrai Christianisme, nous sommes » les Disciples de Jesus-Christ; son Evangile est notre » Code; sa Doctrine est notre Guide. » Est-ce a dire que les Icariens soient exclusivement Chretiens, et que la Doctrine Icarienne soit pour ainsi dire le fac-simile on la copie de la Doctrine Chretienne? Non, evidemment. Et je dirai merne que, semblableau Christianisme dans son principe d’un Createur Pere du Genre Humain, et dans cette affirmation que tons les homines ne forment qu’une famille de freres et de sceurs, la Doctrine Icarienne differe de la Doctrine Chretienne dans presque toute son organisation actuelle. — 12 — Ainsi, par exemple, le travail est considere, dans Vorganisation des cultes Chretiens, comme une punition infligee a l’homme par Dieu, tandis que, dans la Doc¬ trine Icarienne, le travail est considere comme Pexercice des plus nobles facultes de Phomme, celles qui lui don- nent le premier rang dans la Creation et qui le rappro- chent le plus de son Createur, puisqu’elles le font crea- teur lui-meme par son industrie. Cette difference dans Porganisation des deux Doc¬ trines est plus frappante encore dans la pratique : ainsi 4 la perfection ideale pour le Chretien, c’est la priere, et ils se reunissent pour prier. Pour nous, Icariens, nous ne croyons pas que le Grand Architecte veuille changer Pordre de PUnivers pour ceder aux prieres eontradic- toires de chacun de nous , et nous croyons que le plus grand temoignage que nous puissions rendre de notre veneration pour lui, c’est de nous conformer avec recon¬ naissance aux lois qu’il a etablies en vue de notre es- pece. L’activite physique et intellectuelle dont nous sommes doues; les hesoins que nous avons a satisfaire pour assurer notre conservation, tout nous demontre que le travail est une loi que la Nature nous a donnee pour assurer notre bonheur, et, pour obeir a cette loi, nous nous reunisson;', pour travailler en commun. Tu comprends, mon cher ami, combien de conse¬ quences doivent decouler de ces deux points de vue, sur Temploi de Factivite humaine, et combien doit dif- ferer l’organisation des societes, suivant qu’elles adop- tent Pune ou Pautre de ces idees. Montesquieu avait bien apercu les inconvenients que 'doit produire cette idee du travail considere comme punition; aussi propose-t-il de considerer, pour Peta- blissement des fetes destinees a honorer Dieu, « les A hesoins des hommes plus que la grandeur de PEtre r- 13 - que Ton veut honorer. (1)» C’est cette opinion que la societe moderne a adoptee en cessant d’observer un grand nombre de fetes etablies par le culte. Mais ce qui nest ici qu’une modification imposee par la necessite devient pour nous, Icariens, une question de principe, d’ordre et de morale, parce que nous considerons le travail comme un bienfait et comme la marque divine de notre superiorite dans l’echelle de la Creation. Les differences que nous venons de remarquer entre l’organisation tiree de la doctrine chretienne et l’orga- nisation Icarienne, n’empechent pas que ces deux doc¬ trines aient une commune origine dans le principe generateur d’un Etre supreme,Createur etPere du Genre Humain. Mais nous avons vu aussi que cette doctrine n’est pas exclusivement celle du Christianisme, qu’elle est celle deTHumanite dans tous les temps et danstous les lieux, et que ce qui distingue les religions qui regnent chez les differents peuples, n’est qu’une question de culte ou ^organisation donnee par des legislateurs plus ou moins eclaires. Ill A Torigine du monde, alors que l’homme prive ^expe¬ rience et ^instruction , n’avait pour societe et pour patrie que sa famille naturelle, il dut avoir un culte tres simple pour honorer la divinite*, ses epanchements vers elle devaient etre tout d’inspirations spontanees, sans organisation , et pour ainsi dire instinctifs. Mais (1) « Quand une religion ordonne la cessation du travail, elle doit avoir egard aux besoins des liommes plus qu’a la grandeur de l’etre qu’elle honore... » Lorsqne Constantin etablit que l’on chomerait le dimanche, il fit cette ordonnances pour les villeset non pour les peuples de la campagne. Il sentait que dans les villes etaient les travaux utiles et dans les cam¬ panile les travaux necessaires... » Par la meme raison , dans les pays qui se maintiennent par le commerce, le nombre des fetes doit etre relatif a ce commerce meme.» (Mont. Esp. des lois, t. n, p. H5.) tjuand la famille grandit, que la tribu se forma, on sentit le besoin d’une organisation , on rechercha un principe, une base pour cette organisation, et celuiqui formula son idee sur les rapports de Fhomme avecDieu fut le premier legislateur religieux et politique. On comprend que cette premiere organisation de la societe a pu et a du etre modifiee a mesure que la societe s’est agrandie , qu’elle a change d’etat ou de climat, et a mesure aussi que 1’experience a agrandi le cercle des connaissances humaines; le developpement de ces con- naissances doit done amener de nouveaux changements, parce que Ton reconnait les erreurs qui se sont glissees dans I’oeuvre des legislateurs anterieurs, et que Ton decouvre les nouveaux aspects sous lesquels se developpe • * la vie ’collective de l’Humanite. La Doctrine Icarienne de la Connnunaute n’est pas un principe nouveau, sorti inopinement de rimagina- tion d’un cerveau enthousiaste. Ce n’est au contraire que le developpement social de la doctrine religieuse de FHumanite. La tbeorie de ce developpement appartient plus par- ticulierement auChristianisme qui a repandu et vulgarise pour ainsi dire , la Doctrine de la Fraternite entre tous les homines ; mais nous avons vu que le Christianisme a echoue dans la pratique sociale de cette Doctrine a cause surtout de l’erreur dans laquelle tomberent ses fondateurs ou leurs interpretes quant au but de 1’actix ite humaine. Les Icariens viennent done reprendre 1’oeuvre ina- chevee des propagateurs de la Doctrine de la Fraternite, et e’est en ce sens que Cabet a dit, et que ses disciples 'repetent qu’ils sont de vrais chretiens; les disciples et les continuateurs de Jesus-Christ. Tu remarques sans dome combien il est important dans l’application (Tune Doctrine d’enbien comprendre toute la portee, et d’en deduire avec attention et sagesse toutes les consequences, c’est pourquoi le Fondateur d/Icaxie, nos freres de Cheltenham et nous tous, nous V> . V W ' \ considerions comme indispensable le Cours Icarien, ou chacun de nous pourra s’instruire sur les conditions essentielles que nous devons rechercher pour remplir la mission que nous nous sommes donnee. Nous suivrons done ce Cours, si tu le \ eux bien ; nous, le suivrons non seulement enlisant les sujets qui y sont traites a Cheltenham, mais en y prenant part, nous- memes, comme tu verras tout a l’heure , le President de la Communaute nous le demander; et en traitant les sujets qui nous paraissent le plus interessants. Voici un discours du cit. Cabet, sur la Fraternite r discours qui a etc lu a Tune des premieres seances du Cours: FRATERNITE. RELATIONS FR A TE R NE L L E S. r r * ] f # (( Consideree comme doctrine religieuse, ou philoso- phique, ou morale, ou sociale, ou politique, la Frater¬ nite proclame que tous les homines et tous les Peuples sont freres par la nature ou par adoption, et que tout le Genre Humain ne forme quhine famille unie et guidee par F amour; la Fraternite, disons-nous, est assurement la doctrine la plus rationnelle, la plus pure, la plus sublime et la plus digne d’etre appelee divine, parce qu’elle est la plus capable de garantir la concorde et la paix , 1’union etle honheur dansrHumanite tout entiere. 11 « C'etait dejii la doctrine de beaucoup de pbilosophes — 16 et de plusieurs Religions de l’antiquite, qui conside- raient le Dieu de FUnivers comme le Pere de tous les hommes et qui proclamaient comme fondamental ce double precepte : Ne fais pas aux autres ce que lu ne voudrais pas quits le fissent: — Fais aux autres tout le bien que tu voudrais en recevoir. III » Celui-la serait parfait qui observerait et pratiquerait toujours ces deux preceptes et qui, avant de faire un acte quelconque , se demanderait a lui-meme, dans sa conscience et son coeur : Youdrais-tu qu’un autre te fit ce mal ou ce bien ? Car personne ne voulant etre de- pouille, exploite, opprime, personne ne depouillerait n’exploiterait, n’opprimerait les autres; il n’y aurait plus de calomniateur ni de calomnie, plus de spoliateur ni de spoliation, plus d’oppresseur ni d’opprime, etc. y etc. Au contraire, chacun serait indulgent, tolerant 7 misericordieux envers les autres, parce qu’il voudrait que les autres fussent indulgents, tolerants, mise¬ ricordieux envers lui; chacun aiderait pour etre aide, secourrait pour etre secouru, pardonnerait pour etre pardonne , aimerait pour etre aime ; et Famour seui avec la paix regnerait sur la terre ; et l’Humanite serait aussi tranquille et heureuse qiFelle a ete troublee et malheureuse jusqu’aujourd’hui. IV » Jesus a conflrme et fortifie ce double precepte en le remplacant par celui-ci: Aime Dieu par-dessus tout et ton prochain ou ton frere comme loi-meme. En ajoutant que ces deux nouveaux commandements n’en font qu’un seul, et que ce commandement de fraternite et d’amour paternel renferme toute la loi. « Suivant Jesus, Dieu qui est Finfini et la perfection en tout, est le Pere de tous les hommes, en sorte que tous sont freres, et que le Genre Humain n’est qu’une famille. Ce Pere est le plus parfait, le plus juste, le plus indulgent, le plus tendre, le meilleur des peres que Fon puisse imaginer. II desire le bonheur de ses enfants plus que leur adoration, et leur dit: Si vous maimez , prou - vez-moi votre amour en vous aimanl les uns les autres; aimez-vous mutuellement comme des freres , c’est le culle envers moi qui me sera le plus agreable. » VI Ainsi, la Fraternite ou FAmour fraternel c’est tout le Christianisme, tout FEvangile, et Ton peut ajouter que c’est le resume de toutes les Philosophies, de toutes les Morales, de toutes les Religions, de tous les Systemes qui tendent a la perfection de FOrganisation sociale. VII « C’est Fame et la base de la Communaute Icarienne, de toute son Organisation sociale et politique, de sa Constitution, de ses Lois, de ses Usages et de ses Moeurs. VIII « Le mot Fraternite doit etre ecrit partout, sur tous les monuments, dans toutes les salles de reunion, en tete de toutes les lois. IX « L’fiducation doit la graver et l’enraciner dans le cceur de tous les enfants, comme tout doit en faciliter la pratique dans les actes des citoyens. X » Mais la Fraternite ne doit pas etre un vain mot, nne derision et un mensonge, n’existant que sur les le- vres seulement ou sur le papier ; il faut qu’elle soit une -verite dans le coeur et dans les actes ; il faut en adopter et en pratiquer toutes les consequences ; il faut agir en tout comrne ferait le meilleur et le plus parfait de tous les freres en prenant toujours pour guide ces preceptes: aime ton frere corame toi-meme; ne lui fais pas, etc. faisdui, etc.,.. ' \ , - « Ainsi, n’injurie pas ton frere, garde-toi de l’of- fenser, de 1’insulter, de le Idesser d’aucune maniere, de 1’humilier, de le violenter, de rnedire de lui et surtout de le calomnier; car tu ne voudrais rien de pareil pour toi. • XII i ■" ♦-'-If » Garde-toi d’avoir de la haine, du ressentimerxt, aucun desir de vengeance; car tu n’en voudrais aucun envers toi. ? : XIII . . . ■f - * > » Point de disputes, point de querelles. Et comme la rancune est ordinalreinent une souffrance, tandis que la reconciliation est un plaisir, fais cesser la brouille et * v* j „ reconcilie-toi le plus tot possible, car le plus tot sera le meilleur; que tu aies eu raison ou tort, ne crains pas de faire le premier pas vers ton frere; car c’est celui qui fait le premier pas qui a le plus de raison et de ge- nerosite, le plus de merite et de satisfaction. XIV - » Si tu aimes ton frere comme toi-meme, tu seras *- ^ « ’ J . I J . J ^ v> » . .1 / . • * j toujours bienveillant envers lui, toujours tolerant et in- dulgent, toujours pret a Faider en tout, a le secourir, a le defendre ou a Fexcuser contre ceux qui Faccusent, • • .* j*- %• - en tin mot a lui rendre tous les services possibles. Tu — 19 .— I travailleras merrie a reconcilier des amis devenus adver- saires. I XV * / 4 . » Si chacun se renferme dans un froid egoisme pour ne penser qu’a soi, il y en a qui se trouveront aban¬ doning, sacrifies et malheureux; et pour Jes autres, quoiqu’ils puissent etre dans l’abondance de tout, la vie, sans chaleur et sans amour, sera presque sans veritable plaisir et sans charme. — Si chacun, au contraire, est attentif aux besoins des autres, plus qu’a ses propres besoins; s’il prefere, pour ainsi dire, les autres a soi- raeme, s’il les aime autant et plus que soi-meme, il en resultera que chacun sera soigne par tous les autres, et que les relations sociales seront bien plus agreables, parce qu’elles seront bien plus bienveillantes et affec- tueuses. XYI ‘ . v, r- , ■ OL ■ ' - » Yous qui vous appelez freres ou qui vous adoptez: comme freres, prenez done l’habitude d’etre atten- tionnes et prevenants les uns pour les autres, et de vous rendre tous ces petits services de chaque instant qui prouvent et cimentent FAmitie, et qui doivent fairel’a- grement de la vie commune. , XVII » Qu’il y ait parmi vous emulation pour ceder aux. freres la premiere place au foyer ou a la table, ou la meilieure part dans les partages; loin d’etre mecon- tents, tous seront satisfaits, parce que tous les sacri¬ fices seront volontaires et inspires par FAmitie, et parce que tous seront, a leur tour, egalement bien traites. XYI11 y> Gardez-vous surtout de toutes les jouissances on — 20 — satisfactions personnelles qui peuvent incommoder Jes autres, les troubler, les contrarier et leur faire eprouver quelque sensation penible. XIX » Soyez propres, non seulement par raison et par dignite, mais aussi par fraternite, pour ne pas blesser vos freres. XX » Reflechissez en tout, soyez attentifs sur vous-m6- mes, et alors vous ne vous abandonnerez pas a des actes qui vous seraient peut-etre insupportables de la part d’un autre, et qui, sans beaucoup de plaisir pour vous, peuvent etre infiniment desagreables pour vos freres. XXI » Ceux qui mettront leur plaisir et leur bonheur a se trouver habituellement avec leurs freres seront natu- rellement conduits a toutes les manifestations affec- tueuses et fraternelles, a unepolitesse franche, cordiale et digne, remplie d’egards et depressions amicales. Us se donneront le titre de freres ou de soeurs, de citoyens ou de citoyennes. XXII » Et quel plus agreable spectacle que de voir une nombreuse societe ou une nombreuse famille dont les inembres se temoignent constamment et de mille ma- nieres leur amitie fraternelle; ceux-ci en se serrant ami- calement la main, ceuxda en se donnant le bras comme des amis et des freres! XXIII » Nous venons de voir les consequences de la Fra¬ ternite pour tous les hommes entre eux et pour toutes — 21 — les femmes entre elles ; mais ce n’est pas tout: il faut voir ses consequences pour la masse envers les vieillards et envers les enfants, pour les hommes envers les fem¬ mes et pour les femmes envers les hommes. XXIV » D’apres notre principe de Familleet de Fraternite, d’apres ces preceptes: aime ton frere, etc .; fais aux au - ires, etc.; ne fais pas a autrui , etc.; chacun doit avoir pour tous les vieillards le meme respect, les memes egards, les memes managements que pour son propre pere ; chacun doit avoir pour les peres des autres les memes sentiments qu’il desire voir chez les autres pour hauteur de ses jours.... Et ce sont les femmes surtout et les enfants qui doivent s’attacher a prodiguer aux vieillards, et surtout aux femmes qui pourraient etre leurs meres, tous ces soins, toutes ces attentions, toutes ces prevenances, tous ces egards qui charment la vieil- lesse et larendent heureuse, en donnant a toute la jeu- nesse la douce et consolante esperance de jouir a son tour du meme bonheur. XXV » Que tous les hommes respectent et protegent frater- nellement les femmes et les soeurs des autres, comme ils desirent que les autres respectent et protegent leur propre' femme et leurs propres soeurs. Quand tous les hommes se feront un devoir de donner toujours aux femmes la preference sur eux-memes pour les agrements de la vie, et quand les femmes seront pour eux l’objet d’une espece de culte, ils seront bien plus heureux en rendant les femmes plus heureuses; car le bonheur de leurs femmes sera le plus surmoyen d’assurer leur pro¬ pre bonheur. XXVI » De son cote que chaque femme cespecte les maris des autres femmes comme elle desire que les autres respectent son mari; que toutes soient modestes sans vanite, sans orgueil, sans ambition, mais remplies d’6- gards pour tous les hommes comme pour des freres de¬ vours, toujours prets a les defendre. XXVII • #1 f «• , # ‘ ‘ • ' A 1 t * - * t f % - • * * tj|\l . \ w ; * j » Quant a vous, petits enfants, le premier de vos devoirs est de respecter, d’ecouter et d’aimer vos insti- tuteurs comme vos pere et mere, d’etre docilesaleur voix et reconnaissants des peines qu’ils se donnent pour vous. Votre second devoir, presque egal au pre¬ mier, c’est de ne jamais oublier, ni dans vos etudes ni A 1 *• • - «« • j .. dans vos jeux, que vous etes tous freres, que vous devez vous aimer comme des freres, sans jamais faire a un autre ce que vous ne voudriez pas qu’on vous fit; et pour etre sur de pratiquer constamment cette regie, avant d’agir, que chacun de vous se demande a soi- merne : voudrais-tu qu’un autre te fit la meme chose?... jamais de disputes, de querelles entre vous; jamais de violence, jamais de mal d’aucune espece a vos cama- rades, et au contraire rendez-leur tous les petits services que vous pouvezleur rendre, faites-leur tout le bien que vous pouvez leur faire, et surtout n’ayez aucun plaisir que vous ne partagiez avec eux. Que les plus grands, plus raisonnables soient les soutiens, les protecteurs et les guides des plus jeunes et des plus faibles. XXVIII " 0 . '# .r r » » Et vous jeunes fdles, respectez et aimez vos direc¬ trices ; soyez reconnaissantes envers elles, affectueuses, dociles, obeissantes, pour prendre les bonnes habitudes de travail, de proprete, d’ordre, de soin, d’economie, et surtout de fraternite, qu’on veut vous donner par amour pour vous. „ - » Vous etes toutes soeurs, et vous devez vous aimer, vous soutenir, vous defendre comme des soeurs, sans cliercherjamaisavous nuire,et enpartageant ensemble toutes vos jouissances, tous vos jeux et tous vos plaisirs. Que les plus grandes soient comme les soeurs ainees des plus jeunes, toujou-rs affectueuses et devouecs pou r aider, guider, surveiller et proteger leurs soeurs cadettes. XXX » Vous tous , nos cliers petits enfants , vous etes aujourd’hui l’esperance de la Communaute; et si vous etes dociles et attentifs a remplir vos devoirs en pro- fitant de Y education qu’on vous donne , vous serez uu jour le soutien et le charme de cette Communaute. XXXI » Aimez-la bien , la Communaute, car elle est pour vous une tend re mere dont la tendresse merite toute votre reconnaissance et votre amour. XXXII » C’est une tendre mere, qui pourvoit a tous \os besoins, qui vous entretient. qui se charge de votre education , qui vous adopte comme ses enfants quand vous avez le malheur de perdre votre pere ou votre mere, *en sorte que vous iVetes jamais exposes an malheur plus grand de rester sans famille.— Nous vous prote- geons , nous travaillons pour vous ; nous vous aimons tous comme si vous etiez nos petits garcons et nos petites lilies. — Nous vous admettons a nos jeux, a nos fetes ; et nous prendrons tous les moyens de vous rendre la vie agreable et heureuse ; car, je le repete , nous vous aimons tous tendrement et ne desirous que votre bonheur. XXXIII » Aimez done, mes chers enfants, la Communaute Icarienne ; aimez vos pere et mere; aimez et respectez lous les Icariens comme vos peres, et toutes les Ica- riennes comme vos meres. Par vos respects, vos soins, votre amour et vos caresses , soyez le charme de nos vieillards. Aimez-vous surtout les uns les autres ; aimez- vous comme des freres et des soeurs ; et vous serez tous heureux en faisant notre bonheur ; et la pratique de la Fraternite assurera la felicite dans la Communaute Humanitaire. » II faut lire et relire, puis relire encore ce chef- d’oeuvre de sentiment et d’amour fraternel. Lisez-le, vous jeunes gens qui entrez dans la vie sans experience, sans guide et sans ideal, et si vous suivez les conseils que vous y puiserez vous deviendrez des hommes sages et eclaires. Lisez-le aussi, vous peres de famille; etudiez- le, commentez-le avec votre compagne ; qu’il vous serve pour apprendre a lire a vos enfants, exercez leur jeune memoire en le leur faisant apprendre par coeur, qu’en lisant ces pages, ils puissent se dire qu’elles sont le guide de leurs parents et vous verrez leur intelligence se deve- lopper, leur coeur se former aux lois de la vertu et de la justice. C’est a vous surtout, Icariens, que ce discours s’adresse. A vous qui adoptez et propagez la doctrine de la Communaute fraternelle, et qui aspirez a la realiser. A vous surtout, freres et soeurs, qui nous devancez dans la carriere de la pratique sociale de la Fraternite. C’est vous surtout qui devez prendre pour guide cette exhor¬ tation de notre illustre et bien aime maitre! Entrez hardiment dans cette voie, c’est celle du triomphe pour — 25 — vous et du salut pour le genre humain. Mais que dis-je entrez dans cette voie? Continuez, devrais-je dire, car vous y etes deja. » Oui, mon cher Eugene, la famille Icarienne de Cheltenham est reellement dans la voie de la pratique de la Fraternite, et le Cours Icarien contribuera plus que toutes leurs autres institutions a les y maintenir et a les faire avancer. II v a bien peu de temps que cette insti¬ tution fonctionne, cependant ses effets sont deja sen- sibles. Tu en jugeras mieux du reste en lisant le discours que notre frere Mercadier a prononce a ce sujet, lejour de la celebration de ranniversaire de la mort du Fonda- teur d’Icarie: DISCOURS DU CITOYEN MERCADIER SUR LA SITUATION DU COURS ICARIEN. Citovennes et citoyens, %j » II y a environ quatre mois que le Cours Icarien , ardemment desire comme une condition de notre existence et de notre prosperity, a ete realise et inaugure solennellement. Cette circonstance, Fimportance etFin- teret de ces sortes de reunions , ce jour qui nous rap- pelle des souvenirs graves et attendrissants a la fois , tout cela me donne le droit, et m’impose peut-etre Fobligation, de presenter quelques considerations gene- rales sur le Cours, et particulierement de faire ressortir le caractere qu’il doit avoir. » Le premier point sur lequel nou naturellement notre examen , a ra quences du Cours, au but qu’il se chacun le sait, c’est de nous instrui faire mieux connaitre la maniere de W Communaute , c’est de nous ameliorefi \-nijj as , por oso. but, ' i- (It- nous pratiquer 1 / Ll l — 26 — sommes-nous plus instruits, meilleurs praticiens , sommes-nous devenus moins imparfaits depuis Finsti- tution du Cours ? Avons-nous des idees plus justes. des sentiments plus purs ? Montrons-nous le courage , la perseverance , la patience , le calme , necessaires ? Avons-nous fait quelques pas dans le chemin de la Fraternite? En un mot, les bienfaits promis par le Cours sont-ils en train de se realiser ? Le Cours n’ayant qu’une existence de quelques semaines, la question se trouve prematuree; des lors la reponse sera incomplete ou difficile, au jourcFhui, en effet, il est difficile de savoir si le Cours Icarien nous a rendus meilleurs, ils est difficile de determiner jusqu’a quel point il aurait pu nous ameliorer. Nous sommes done obliges de renvoyer la solution de cette question a un moment plus opportun. Cependant, nous pouvons direici,et e’est toujours une satisfaction, que rien, absolument rien, n’est venu dissiper les belles esperances que nous avons mises dans cette institution. » Quant a la maniere dont le Cours lui-meme a eu lieu, il nous sera permis de nous expliquer plus cate- goriquement, quoique brievement et sans details. Pour cela, j’exprimerai, non mon opinion personnelle, mais fopinion generale, et je Texprimerai telle que je la connais. Generalement on croit que le Cours a ete mieux qu’on n’avait ose Fesperer, surtout dans les premiers temps d’essai , pendant lesquels tout ce qui est nouveau et important, est difficile. Le mieux inat- tendu s’est manifeste sous plusieurs rapports. Il serait long et peut-etre inutile de les faire connaitre tous au- jourd’hui. Je me bornerai a en indiquer un seul: Y obliga¬ tion dans laquelle se trouve cliacun de nous de prendre une part active au Cours Icarien, et de contribuer, sui- vant ses moyens, a le rendre interessant et instructif. — 27 — » Telle est la regie de conduite qui constitue le caractere principal que doivent revetir ces assemblies , et sur laquelle je crois devoir en consequence insister, en faisant ressortir son importance, comment elle a ete suivie, et comment elle pent l’etre a Favenir. » La loi sur le Cours Icarien , qui est Fexpression unanime de nos volontes, fait, a chacun de nous, Fobli¬ gation de venir apporter une pierre a l’edifice que nous elevons tous ensemble. Le motif principal de cette disposition de la loi me semble facile a *com- prendre , dans une societe bien organisee, et reposant sur les vrais principes de la democratic. En Icarie , tout doit emaner de chaque citoyen , et de tous en general, c’est-a-dire du Peuple, et tout doit revenir a lui; force, puissance, droit, sentiment, idees, moeurs, lois , et surtout ce qui a rapport a son amelioration intellectuelle, morale et materielle. Rien n’estvrai, rien n’est juste, si ce n’est fait pour lui et par lui. II doit etre en meme temps la source et la mer de tout ce qui le concerne. Le pretre , Finstructeur, le moralisateur du Peuple Icarien, c’est le Peuple Icarien lui-meme. Ce que Ton ferait reposer sur un on plusieurs, n’aurait la solidite ni la duree de ce qui reposerait sur tous. Un ou plusieurs peuvent disparaitre, peuvent changer, le Peuple , le Peuple seul, vit toujours comme Peuple , et pense toujours selon les idees et Fopinion qu’il vent avoir. Yeut-il s’ameliorer? Lui seul en est capable ; on peut Raider, mais non le supplier. » Au reste, on sent, on comprend que cette regie de conduite est la meilleure a suivre ; ce qui s'est fait le prouve assez ; les eleves des deux ecoles, les jeunes gens, les citoyennes et les citoyens , ont pris une part active a nos reunions du Cours, par des chants, par de la musique , par des fables, par des lectures, par des 58 commentaires; plusieurs ont traite des sujets divers ou fait des reponses a des articles de journaux; chaque citoyenne et chaqne citoyen va' lire , a son tour , avec ou sans commentaires, le Vrai Christianisme. D’un autre cote cependant, des hesitations se sont manifestoes, et, je dois le dire, les pretextes ordinaires : je nose pas , je ne sais pas,je ne peax pas , se sont fait entendre avec plus ou moins de raison. » A Favenir, il faut que chacun de nous soit convaincu de plus en plus, de la necessity ou il est de participer activement a notre instruction et a notre moralisation ; il faut que tons ceux qui sont rentres dans cette voie continuent d’y marcher avec un zele de plus en plus grand; il faut que tous les autres dominent toute hesi¬ tation, ecartent tout pretexte, et se mettent a Fceuvre, en tenant a la disposition de leurs co-associes leurs capacites, leur instruction, leur experience, en un mot, tous leurs moyens. » Ce sujet me parait avoir une importance si capitale, que je ne puisle laisser sans ajouter quelques reflexions a l’appui de mon opinion. » J’ai dit plus haut que le Cours avait ete mieux fait qu'on ne Tavait peut-etre espere. Ge qui le ferait croire, c’est la satisfaction avec laquelle on y vient, avec laquelle on y assiste, avec laquelle on en sort. Cette satisfaction , j’en ai la conviction, doit exercer une grande influence sur la Communaute et particuliere- ment sur Funion que nous devons maintenir dans notre sein. Eh hien ! qui oserait nier que ce bon resultat, que ce contentement general, que cette salutaire in¬ fluence sur la societe ne proviennent reellement de ce que beaucoup d’entre nous ont pris serieusement, et avec succes, une part active au Cours Icarien? Personne. Or, la meme cause produisant le meme effet, chacun — 29 — de nous doit comprendre l’etendue et la gravite des devoirs qu’il a a remplir. » Ces heureux resultats ne se bornent pas a se pro- duire dans les limites de la Societe; ils rayonnent an dehors dans un cercle qui tend a s’agrandir de plus en plus. Je ne m’etendrai pas sur ce que la presse demo- cratique a dit de bienveillant a ce sujet (1). Une autre fois, en traitant des rapports de la democratic avec la Communaute et lc Cours, nous aurons roccasion de le faire ressortir. En nous contestant de parler aujourd’hui de nos co-religionnaires, j’exprimerai la joie qu’ils doivent eprouver en apprenant comment nous enten- dons pratiquer le Cours Icarien, et chaque fois qu’ils prennent connaissance des sujets qui y sont traites. Qu’onenjuge, par la citation suivante, de ce qu’un Icarien nous a ecrit dernierement; il dit : « En quoi » consisle le vrai bon hear cle la citoyenne Gruber l mere » (2), est un chef-d’oeuvre en miniature. C’est tout un (1) La Colonie ne recoit pas moins d’nne centaine de journaux des deux Ameriques et d'Europe, en echange avec son journal la Revue icarienne, et beau coup de ces journaux s’occupent de la Communaute, discutent ses principes et son organisation. Beaucoup se montrent bien- veillants et font des voeux pour que l’experience donne raison a nos esperances, d’aulres se montrent hostiles: mais la Revue repond vigou- reusement et victorieusement. (2) EN QUOI CONSlSTE LE VRAI BONHEUR. « Selon moi, le vrai bonheur consiste dans raccomplissement de tous nos devoirs publics et prives. L’accomplissement de tous nos devoirs- nous donne une conscience pure, une ame calme; c’est done deja un bonheur que personne ne peut nous oter, car il depend de nous seul; par exemple, celui qui metirason bonheur aetre aime, respecte de tout ie monde, il fera tout pour l’etre; il sera bon, indulgent; il s’abstien- dra de toutes calomnies, de toutes medisances, de toutes paroles qui pourraient faire de la peine inutilement, et surlout il pratiquera la jus¬ tice : sa conduite sera toujours loyale, honnete, exempte de soupcons; il pourra toujours rendre compte de ses paroles commede ses actions. » Etreaime et estime?... Vlais, si tous nous etions animes de ce desir, quelle emulation, quelle harmonie, quelle fraternite, quelle prosperite il en resulterait!... Oui, etre aime et estime, c’est le vrai bonheur, car il est au-dessus de toute atteinte; rien ne peut nous l’arracher; il est a nous, il depend de nous; on peut l’emporter dans la tombe. 11 y a - 30 — » code de conduite elevee et rationnelle. Tout Icarierr » devrait l’apprendre par coeur. Honneur a cette lea- » rienne! » Est-il un meilleur moyen de faire de la propagande et de contribuer au progres du systeme social que nous cherchons a repandre et a realiser ? » Citoyennes et citoyens, puisqu’il est question de nos freres de tous les pays, j’ajouterai que les observations precedentes, applicables a chacun de nous, peuvent et doivent etre aussi appliquees a chacun d’eux. Leur interet est le notre ; le but que nous nous proposons est le leur; comme nous, ils veulent le salut et la prosperity dTcarie; ils doivent, comme nous, contribuer a la rendre aimable, forte et prospere. Ils ont la merne obli¬ gation que nous au sujet du Cours. Ils sont obliges de faire tous leurs efforts pour en augmenter l’interet, et pour lui faire porter tous les fruits. Les idees qu’ils auront ainsi a nous communiquer seront d’une grande utility pour nous et pour la cause en general; car ils se trouvent dans un milieu different du notre, et cette circonstance peut leur inspirer des opinions qui seront, en quelque sorte, le complement de nos opinions. II en resultera une lumiere plus vive. Les questions de notre amelioration seront traitees d’une maniere plus eten- due. Les lacunes que nous aurions pu laisser en nous isolant seront comblees par le concours de toutes les intelligences de la grande famille. » Nous nous adressons done a tous nos co-religion- beaucoup d’autres bonlienrs, mais ils ne sont qu’accessoires ou passa¬ ges. »II y a des personnes qui reportent toutes nos actions a un sentiment d’orgueil; au moins, cet orgueil-la a l’avantage de ne blesser personne; il ne peut etre que salulaire ; on pourrait l’appeler noble orgueil! Faire le bonheur de ceux qui vous entourent en faisant le sien, n’est-ce pasde la Fraternite bien comprise? » On pourrait en dire beaucoup sur ce chapitre , mais je m’arrete la. > Grubert mere. » — 31 — naires, et nous leur disons : — Que chacun de vous prenne une part au Cours Icarien : envoyez-nous des sujets traites collectivement ou individuellement; ils seront lus au cours; ils seront reproduits dans noire journal. Les principaux seront aussi publies dans les brochures. CTest ainsi que tous les Icariens, en atten¬ dant de venir nous rejoindre, se mettront en contact avec nous pnr l’idee et par le sentiment, et que la grande famille Icarienne, unie par les memes convictions, par les memes efforts et par le meme but, formera un fais- ceau que rien ne pourra rompre. — En tenant un pared langage a nos freres, nous eprouvons le plaisir que fait ressentir l’esperance d’etre entendus. Nos freres nous comprendront. Nos freres repondront a notre attente. Nous ne voulons, pour preuve concluante, que tout ce qu’ils ont fait pour nous en maintes occasions, et, en particular, quand ils ont appris l’inauguration du Cours Icarien. Lorsque cette nouvelle leur est parvenue, il s’est fait, parmi eux, comme une espece de reforme salutaire. Ils ont paru dire et ils ont dit en effet : « Nous » aussi nous avons besoin de nous reformer, de nous » instruire, de nous moraliser. A F oeuvre done. Ayons )> des Cours. Instruisons-nous. Moralisons-nous. Deve- » nons de plus en plus communistes, vrais, eclaires et j) sinceres. » » Instruction, moralisation! tels furent les cris qui se firent entendre aux premiers jours de l’existence du Peuple Icarien. C’est avec les idees qu’ils eveillent qu’lcarie est nee; c’est avec ces idees qu’elle grandira. » Les sujets qu’on peut traiter au Cours Icarien sont innombrables. Chacun, membre de la Colonie ou Ica¬ rien de l’exterieur, est libre de choisir celui qui lui convient. Mais on est libre aussi d’en proposer, et, au- jourd’hui, je vais en proposer deux. » Preincrement, je propose la Biographie de Cabet, — 32 — depuis sa naissance jusqu’a sa mort, avec les princi- pales circonstances de sa vie et les principaux evene- ments de son temps, qui d’abord font amene de pro- gres en progres a concevoir le systeme social que nous essayons de pratiquer, et ensuite a realiser et a defendre ce systeme. Ce sujet est du plus haut interet pour nous. Je n’ai pas besoin de le demontrer. Mais il estaussi etendu et ausi difficile qu’interessant; aussi, je ne le propose pas pour qu'il soit pret dans une semaine, ni dans un mois; je le fixe a deux ans, c’est-a-dire au 8 novembre 1860. « Secondement, je propose l’histoire de la derniere revolution de Nauvoo, de 1855-56; on s’attachera par- ticulierement a faire connaitre les causes de nos divi¬ sions, les motifs de notre separation et les consequences, pour la Minorite et la Majorite, ainsi qu’au point de vue de la Democratic, de cette revolution, de ces divisions, de cette separation. La question est au moins aussi im- portante que la premiere, inutile egalement de le de— montrer. Et comme elle est aussi tres etendue, et, puisque d’ailleurs, elle exigera de fauteur beaucoup de reflexion et de calme, je propose de la fixer au 3 fevrier 1861, c’est-a-dire a peu pres de deux ans et un quart. « Ces deux questions nous touchent particulierement. Etudions-les, traitons-les, soit pour notre propre ins¬ truction , soit pour ^instruction generale. Que plusieurs, que beaucoup, que tous, si c’est possible, y travail lent. Plus il y aura de concurrents, plus la lumiere se fera. A Fepoque en question, il sera fait un resume de tous les traites, resume qu’il importera de publier. Les plus interessants manuscrits seront lus et reproduits dans le journal, et, si un ou plusieurs le meritent, ils seront imprimes aux frais de la Societe pour former un ou- vrage. » En proposant ces deux questions et la maniere de — 33 — les traiter, il est bien entendu que chacun reste tout a faitlibrede les resoudre a un autre point devue, el pour une epoque differente, plus rapprochee ou plus eloignee. » Tu auras une idee plus complete encore de Fesprit qui anime nos soeurs et nos freres de Cheltenham quand tu auras lu leSdiscours prononces a l’occasion du meme anniversaire par divers membres de la Communaute. Je regrette de ne pouvoir te les donner tous, mais ceu\ que tu vas lireresument tous lesautres. P.4 R LA Cl TO YEN NE BOUAS. A la Ale mo ire du Fondateur d'I carte. « Citovens et Citoyennes, %J V } » Ce jour est, pour nous tous, un jour de souvenirs precieux , nous ne devons jamais l’oublier. ■» » Pour nous, arrives depuis peu, qui nous unissons a vous aujourd’hui definitivement, nous sentons le desir de vous temoigner toute la joie que nos cceurs ressentent a la vue du bon accord, de la Fraternite qui regne parmi nous. C’est ce que notre estimable Fondateur avail tom jours desire; c’est ce que nous desirous tous. » Si quelquefois des idees contraires venaient troubler nos idees Icariennes, repoussons-les fraternellement et en pensant que les idees du venerable Cabet sont les plus sublimes, et, par ce moyen, nous ne tomberons jamais dans de mauvaises \oies, nous nous aimerons toujours, nous prospererons, et nous serous toujours heureux. » PAH LE CITOYEN DAOIONT. « En celebrant aujourd’hui le second Anniversaire de la mort de celni que nous regrettons tous, il n’est point superflu, je crois, de nous rappeler les efforts qu’il lit de son vivant pour etablir Funion et Fliarmonie. * - 34 » Les deux annees qui viennent de s’ecouler nous ont donne deux ecoles d’experimentation : Nauvoo, avec 1’avoir de tous, et Cheltenham, avec seulement 1’union, sa volonte et sa foi dans ses principes. )) A eette union, a cette harmonic, l’esprit de Cabet nous y convie toujours. Qu’elles soient pour nous, Ica- riens, notre etoile de ralliement et de Concorde! Et, s’il arrivait que la porte s’entr’ouvrit a la discorde, qu’elle soit vite fermee par les efforts de tous, que le rayonnement de cette sublime Fraternite qu’il a si bien su nous inspirer, converge toujours vers notre centre; alors viendront se grouper autour de nous des hommes de paix, d’ordre et de production. » PAR LES GARCONS DE L’ECOLE. Au souvenir de notre per el « Citoyennes et Citoyens, » 11 n’est done plus!.... celui que nous aimions tant, qui avait pour nous tant de sollicitude; it nous a quit- tes pour toujours. Oh ! nous nous en souvenons encore, le jour ou il nous fut ravi, nos larmes furent abon- dantes; comme les votres, elles furent ameres. » Votre douleur fut vive, profonde, continue; la notre fut passagere : —la jeunesse est l’heure de Tou- ili; —mais aujourd’hui les souvenirs se pressent dans nos coeurs et dans nos tetes. Nous nous rappelons tout; nous nous souvenons de sa vie si pure et de sa mort si glorieuse; aujourd’hui qu’il n’est plus, nousen sentons le prix. » Puisse son souvenir nous tenir constamment dans le sentier de la vertu et du devoir. Puissed-il nous rap- peler sans cesse son devoument sublime. Puissions-nous Fimiter, cbers parents, afin d’etre dignes et de vous et de lui! — 35 — LES JELNES FILLES. Au Citoyen Cabet! « 0 toi, pere cheri, protecteur de l’enfance et de la vieillesse, toi, qui nous laissas en mourant ton esprit et ton amour, vois si nous faiblissons, si toutes nos actions ne sont pas vivifiees par ton esprit, s’il n’est pas tou- jours notre guide, notre soutien; comme pour toi, les privations, les dangers ne firent qu’elever nos ames et donnerenta nos coeurs de nouvelles forces; toujours unis, toujours fideles, nous allons (par notre exemple), propageant ta doctrine dans le monde, opposant au froid egoisme rAmour et le Devoument. » Apportons par nos voeux de douces consolations a deux de nos soeurs qui pleurent loin de nous, l’une un tendre pere, l’autre un epoux adore! » LES JEUNES GENS. A Cabet! a sa Gloire! (» Citoyennes et Citoyens, » Le temps fuit. A l’horloge du jour la vie marque ses heures. La nuit succede au jour, le printemps a Lhiver, tout passe, tout perit, tout s’en va, tout. excepte la Gloire! L’homme est mortel : sa Gloire est immortelle. — Un glorieux trophee ne s’aneantit pas. — La Gloire qui chante du heros la foi et le courage, Laudace et la vertu, celle-la, disons-aous, celle-la ne meurt point. Elle s’en va croissant, gravite d’age en age, et recueille , en passant sur notre terre , des lar- mes et des voeux , des soupirs et des fleurs , puis va les deposer sur l’humble tombe du genereux Martyr. » 11 est des destinees, il est des etres marques pour fournir unecarriere illustre ; leur sort est d’etre grands. Cabet devait briller et s’immortaliser. 11 a brille , non pas comme Teclair, mais comme l’astre du jour, prodi- — 36 guant sa lumiere, sa chaleur bienfaisante, et ranimant les ames fletries par la douleur. » Aujourd’hui , il n’est plus , pourtant il vit encore... 11 vit, car la mort fait tomber sous sa faulx sa fragile matiere; mais les actions, mais la pensee ne se mois- sonnent pas, car l’homme laisse apres lui sa vie et son renom , l’eclat de sa vertu, le rayon de sa Gloire ! Cabet n’est point mort; de tels genies planent sans cesse sur le monde : son ame est toujours parmi nous, son coeur ne cesse de vibrer au sein de la Nature! » L. Marchand, P. Marchand, E. Wiske, P. Gru- bert, L. Gillet, C. Raynaud. » PAR LA CITOYENNE GRUBERT MERE. « Citoyens et Citoyennes , » Voila deux ans que nous avons perdu notre Fonda- teur, notre Pere venere; le jour ou des hommes comme le Citoyen Gabet cessent de vivre sont des jours ne- fastes dans l’histoire de FHumanite. Les hommes de genie ne sont pas tres rares, mais des hommes qui unissent le devoument au genie, le nombre en est petit. » Nous qui gardons son souvenir fidelement, agissons comme si nous devious le revoir un jour, et recevoir le temoignage de sa satisfaction. » Je termineen faisantdes voeux pour les Citoyennes Gabet. » PAR LE CITOYEN BERNIER. A l\i nniversaire du 8 novembre! « Cheres Soeurs et chers Freres, » G’est avec un redoublement de plaisir que je vous appelle ainsi, surtout en ce jour, ou nous celebrons la Memoire de celui qui nous appelait avec tant d'amour ses chers enfants. » Cette fete n’est pas une de ces fetes ordinaires, qui - 37 — ne laissent apres elles qu’un souvenir ephemere; pour nous, Icariens, elle a un double but, but noble et eleve. » C’est la le caractere distinctif des fetes Icariennes , non seulement par rapport a la Fraternite et a la fran- che cordialite qui yregnent, mais surtout parce qu’elles sont un puissant levierd’instruction etde moralisation. » Nous imitons encore par la les premiers Chretiens, qui, dans leurs fetes et leurs agapes , avaient non seu- lement pour but d’honorer la memoire des confesseurs et des Martyrs de la foi chretienne, mais aussi de pren¬ dre pour modeles et pour guides Texemple de leur corn rage, de leur devoument et de leurs vertus. » » Si nous, les disciples fideles du grand Reformateur, dont le devoument et l’amour pour THumanite sont in* contestables, si nous communions aujourd’hui a ce banquet fraternel, c’est, et pour honorer sa memoire en retrempant nos coeurs et nos esprits dans le souve¬ nir de tant de vertus, et pour nous rappeler que notre devoir est de marcher hardiment sur ses traces et de nous encourager matuellement a suivre Texemple de celui que nous nonunions avec tant d’amour etd’orgueil, notre Pere bien-aime. » La fete du 8 novembre a pour but aussi, de nous faire ressouvenir que si son corps nous manque, son esprit est toujours parmi nous pour nous encourager, nous soutenir et nous aider a accomplir la tache glo- rieuse qu’il nous a leguee. » Bien! Tres bien ! Ce sont la de belles et nobles paroles, qui ont d’autant plus de forces que ceux qui les pro- noncent s'efforcent de lesmettre en action, et que pour eux la Fraternite et la Solidarite ne sont pas de vains mots. Voici encore un acte qui le prouve; je cite sans commentaires: — 38 - LOI Determinant Vemploi des 8,351 fr. 44 cent., provenant de la Souscription de 1856-57. « Lorsque la Souscription de 1856-57 fut provoquee, eut, lieu, fut close, la Societe fit la promesse de consa- crer les dons provenant de cette souscription a faire entierement ou a completer Fapport d’utiles Icariens. » L’article 85 du Contrat social reitere et consacre cette promesse. Jusqu’aujourd’hui de grandes et nom- breuses diflicultes, que chacun connait et que nous n’enumererons pas, nous ont mis dans Fimpossibilite de realiser ce que nous avions ainsi promis. Le pou- vons-nous maintenant? Sortis des doutes et des embar- ras de notre position, nous croyons devoir repondre affirmativement, et c’est pourquoi la Gerance propose a FAssemblee de prendre des dispositions dans le but de regler l’emploi de la somme fournie par les dons en question, de laconsacrer a l’usage convenu, et de lever les difficultes que peut soulever Y execution de cette me- sure en votant le projet de loi suivant : » x\rticle premier. La somme de 8,351 fr. 45 cent. y provenant des dons de la Souscription Icarienne de 1856-57, sera employee a Tusage convenu, qui est de de faire ou de completer rapport d’utiles Icariens. » Art. 2. Tous les Icariens pourront jouir de cette mesure, pourvu qu’ils remplissent toutes les autres conditions d’admission ou que rempecbement soit leve par 1’Assemblee generate, conformement a une autori- sation de partir. » Art. 3. Tous ceux qui voudront profiter de la loi enverrontau siege de la Colonie unedemande par ecrit contenant les noms, adresses, profession du demandant et des membres de sa famille, en faisant connaitre l'e- poque a laquelle ils desireront partir pour entrer dans la Societe. \ 39 - » Art. 4. S’il arrive que le nombre (les demandeurs excede celui des membres dont la Societe a besoin, l’Assemblee generale choisira, aux termes de la pro- messe faite, parmi les plus utiles. » Art. 5. Si le demandeur designe ne part pas ou n’est pas admis, la totalite ou le complement du mini¬ mum d’apport n’appartiendra ni a lui ni a la Societe; la demande sera regardee comme non avenue. » Art. 6. S’il se retire apres son admission provisoire ou definitive, la totalite ou le complement du minimum d’apport lui appartiendra, conformement a farticle 46 du Contrat social, en lui garantissant dans tous les cas une somme de 50 francs, payable quinze jours apres la demande en retraite. » Art. 7. La plus grande publicite sera donnee a toutes les operations que necessitera fexecution de la presente loi. » Art. 8. La presente loi sera en vigueur a partir du jour de sa promulgation, et jusqu’a l’absorption com¬ plete de la somme en question. » Cette loi a ete adoptee a funanimite par les ci- toyennes, les admis provisoirement, les jeunes gens et les citoyens en Assemblee generale, dans la seance du jeudi 25 novembre 1858. » Ont signe : Le President de l'Assemblee, C. Mesnier, President d'office. Le Secretaire , Loiseau. Certifie conforme : Le Secretaire de la Gerance , Vogel. Le President de la Communaute, B. Mercadier. Cette nouvelle loi a une grande importance sous tous les rapports ; car non seulement elle remplit la promesse faite au\ souscripteurs de 1856-57, mais elle ouvre, pour ainsi dire, a tous les vrais Icariens, les portes de la Colonie. Ce n’est pas a dire que ces portes leur fussent fermees auparavant. Non ; mais il faut bien reconnaitre que pour beaucoup de nos co-religionaires, la condition d’un apport social etait un obstacle invincible. La loi du 25 novembre, sans faire disparaitre d’une maniere generate cette condition de la loi sur les admissions, en attenue tellement reflet que Ton peut dire que son application se trouve suspendue pour tous ceux qui sont dans l’impossibilite de la remplir, et cela constitue veri- tablement une nouvelle phase de l’entreprise Icarienne. Mais tu comprends que cette disposition ne change rien au principe de l’apport qui est, et qui sera toujours, qu’en entrant dans la Communaute: Chacun devra apporter lout ce qu it possede . Et la societe devra d’au- tant plus exiger rigoureusement raccomplissement de cette condition , que c’est une question du principe: de chacun suivani ses forces. Cette loi a encore une importance au point de vue de la situation materielle de la colonie. Elle temoigne hautement de sa rapide prosperity puisque moins d’un an apres son installation a Cheltenham elle se sent en mesure d’admettre sans apports, tous ceux qui remplis- sent d’ailleurs toutes les autres conditions d’instruction, de moralite, et qui seront juges dignes de devenir citovens d’tcarie. BIBLIOTHEQUE ICARIENNE. Un des premiers besoins de l’homme civilise, c’est d’apprendre, de s’assimiler les connaissances humaines accumulees par les siecles anterieurs, recueillies et con- servees au moven dc rimprimerie dans de nombreux ouvrages qui forment, pour ainsi dire, le repertoire de l’Esprit humain. Tu comprends qu’il importe au plus haut degre que la Colonie puisse donner a tous ses membres, le pain de Fintelligence aussi bien que le pain du corps, dependant, tu as pu remarquer dansle der¬ nier compte-rendu que la Bibliotheque Icarienne est encore a creer. Nous avons pense qu’il ne fallait pas en laisser toute la charge a nos freres de Cheltenham, qu’il convenait au contraire que nous participions tous aux frais de sa creation, puisque nous participerons plus tard aux avantages que la Communaute en tirera. En consequence, j’ai ouvert un compte a titrededows pour la Bibliotheque Icarienne. Remarque, mon cher ami, que je dis avoir ouvert un compte et non une sous - cription; car c’est a dessein que j’emploie ce terme et dans l’espoir de mieux faire comprendre ma pensee, qui n’est pas en effet d’ouvrir une nouvelle souscription. Nous ne devons en avoir qu’une seule, l’Emprunt Ica- rien, sur laquelle nous devons porter toutes nos res- sources. Mais, depuis la cloture de la Souscription Icarienne de 1856-57, plusieurs personnes, ayant voulu manifes- ter leurs sympathies pour la cause Icarienne, m’onten- voye quelques sommes a titre de dons. N’ayant aucun compte ouvert pour porter ces sommes, j’ai pense re- pondre aux voeux des donateurs en creant le compte de Bibliotheque. Puisque tu recois tous les dimanches deux ou trois de tes amis qui, a\ec leur famille, vont passer la soiree avec la tienne, vous pourrez chaque dimanche, avant de vous separer, deposer une legere offrande dans une tirelire ou un tronc dispose a cet effet sur ta cheminee ou sur un meuble quelconque. Mais comme tes amis et toi, vous avez chacun vos tirelires, ou vous deposes chaque jour les economies qui vous sont possibles afm de concourir a rEmprunt icarien, tu prendras garde que ces offrandes en faveur de la Bibliotheque Icarienne ne soient jamais une charge trop lourde pour personne. Si, par hasard, un de tes amis amenait avec lui un des siens qu’il desirerait te faire connaitre, tu ne dois pas souffrir qu’on le sollicite pour verser aussi une of- frande pour la Bibliotheque ; mais si, vous voyant faire, il demandait de lui-meme a suivre votre exemple, tu n’y consentiras qu’apres lui avoir donne V explication de la destination des fonds ainsi donnes. EMPRUNT ICARIEN. La Colonie Icarienne de Cheltenham a rempli sa promesse, de donner une garantie aux souscripteurs de l’emprunt Icarien de 1857. A l’epoque ou la souscription a 1’emprunt fut ouverte, nous pensions reunir assez promptement une somme suffisante pour acheter a quarante ou cinquante lieues de Saint-Louis un terrain inculte vendu par FEtat, et que nous aurions du payer comptant. Mais plusieurs circonstances ont fait que la Soeiete de Cheltenham a du adopter un autre plan et acheter une propriete aux portes de la ville de Saint-Louis, ou elle s’est etablie provisoirement. Cette acquisition et le nouveau plan adopte offrent de grands avantages sous tous les rapports : Nous les avons suffisamment fait ressortir dans des publications anterieures pour que nous n’y revenions pas specialement ici. Nous rappellerons seulement que la propriete de Cheltenham-Sulphur-Springs a ete achetee vingt-cinq mille dollars, soil environ 131,000 fr., payable en 10 ans. II a done fallu donner au vendeur un privilege hypothequaire pour ce qui lui est du sur le prix de la propriety. Cette necessite a oblige l’admi- nistration de la Societe a chercher le moyen de donner aux souscripteurs a l’emprunt la garantie la plus sure possible , et apres avoir pris a Saint-Louis aupres de personnes competentes, les renseignements necessaires, elle m’a envoye un Fideicommis par lequel je me trouve substitue a la Societe, comme proprietaire de tout ce qui lui appartient tant en meubles qu’en immeubles, jusqu’a concurrence de la somme souscrite sur Femprunt Icarien. De sorte que la Societe venant a se dissoudre, la propriete de Cheltenham serait vendue avec tout son materiel d’exploitation , et sur le prix de la vente on preleverait d’abord la somme qui resterait due au proprietaire de qui Ja Societe a achete; puis la somme due aux souscrip¬ teurs a Femprunt; le surplus serait partage entre les membres de la Societe au prorata de leurs droits res- pectifs. Ai-je besoin, mon cher ami, de rappeler que la plus value que nos constructions, et la mise en rapport du terrain ontd onnees a la propriete, et le materiel d’exploi¬ tation qu’on y a installe, sont d’une valeur double , au moins, de la somme souscrite sur Femprunt. Tu remar- queras seulement que chaque annee la creance du ven¬ deur diminuant de trois mille dollars, la garantie des souscripteurs s’augmente d’autant, independamment des nouvelles constructions qui deviendront d’autant plus nombreuses que le nombre des membres de la Societe s’augmentera plus rapidement. Tous les interesses pourront prendre connaissance de Facte de Fideicommis, dont je viens de parler, soit a mon bureau , rue Baillet n° 3, ou j’en ai conserve une copie, soit cbez ]VLCrosse,notaireaParis,rue de Grenelle- Saint-Honore,ou l’original en langue anglaise est depose avec une traduction en francais, faite par M. Langfelte, traducteur assermente pres le tribunal de la Seine. Ainsi, tu peux en toute securite engager tes amis a placer leurs economies sur la Colonie Icarienne en prenant des obligations de l’Emprunt, car elle peut donner autant de garantie que n’importe quelle entre- prise industrielle, et plus qu’aucune entreprise finan- ciere. Je ne te parlerai pas des avantages de ce placement garantissant un interet fixe de 5 O/o et 15 O/o dans les benefices de la Societe, j’aurai occasion de t’en reparler en te faisant connaitre le dividende qui aura ete fixe pour l’annee 1858. Je tedirai alors, en memetemps,a quelle epoque je pourrai echanger les titres provisoires liberes, contre les titres definitifs. La Gerance doit s’occuper en ce moment de regulariser ces titres definitifs pour me les envoyer aussitot. En meme temps que j’echangerai les titres, je reglerai les interets et les dividendes ecbus. NOLVELLES DE CHELTENHAM. Les nouvelles qui me parviennent de Cheltenham sont, generalement, tres satisfaisantes sous tous les rap¬ ports. Nous avons vu par le discours de notre ami Mercadier sur la situation du Cours Icarien, que beaucoup de membres prennent serieusement part aux travaux qu’il necessite. Nous avons vu le discours de la citoyenne Grubert sur le vrai bonheur, et il me semble qu’il merite parfaitement l’eloge que notre correspondant de Londres en a fait. : Nous avons aussi un remarquable discours de la — Ud — citoyenne Claudine Grubert, fille do la precedente, sur la cause du mal< Et ces discours nous on font esperer d’autres, non seulement des memos personnes , mais nous esperons aussi quo d’autres citovennes suivront lour exemple. Nous avons encore plusieurs bons discours , par les citoyensCh. Raynaud, Joseph Loiseau, Leon Marchand, tous jeunes gens de 17 a 22 ans, pleins d’ardeur et d’enthousiasme,mais d’un enthousiasme reflechi et rai- sonne, comine il convient a des hommes serieux. Je te communiquerai une autre fois quelques-uns de ces discours. Le secretaire de la Gerance, le citoven Vogel, a pave pour sa part un large tribut d’intelligence et de savoir pour alimenter le Cours Icarien : il nous a fait plusieurs articles ou discours que je tacherai aussi dete communiquer. Nous applaudissons de grand coeur a tous ces travaux. Nous sommes heureux surtout de voir les Icariennes v prendre une part active, car je te repete encore ce que je je te disais au commencement de ma lettre: c’est de la femme principalement que depend le progres social, et c’est des Icariennes principalement aussi, que depend l’avenir d’Icarie. Et c’est pourquoi j’envoie avec plaisir, un bravo d’encouragement a nos sceurs qui out pris Linitiative et qui ont donne l’exemple du travail intel- lectuel. Je dirai aussi bravo et courage a nos jeunes amis, qu’ils n’oublient pas qu’ils sont l’avant-garde d’une generation qui doit etre puissante par le coeur et par l’esprit, et qu’ils doiventetre les initiateurs alaSociete,, a la civili¬ sation nouvelle. Preparez-vous done, mes amis, a cette noble mission , par l’etude et par la pratique constante de moeurs pures. Tu sais que nous avons eu a subir une tres longue — as — morte saison pendant Fete dernier, et que cette morte saison nous a fait eprouver une perte de 1,000 a 1,500 dollars; mais a partir du mois d’octobre les tra- vaux ont repris et ce n’est plus d’ouvrage que nos freres ont manque, mais de bras. L’excellente reputation de nos tailleurs,la rapidite avec laquelle notre organisation nous permet de livrer le travail, nous font rechercher par les negociants de Saint-Louis, aussi nos amis espe- rent-ils recevoir quinze a vingt tailleurs a la fin de fete, et ils ne seront pas embarrasses pour les occuper tous. Ils esperent aussi recevoir des cultivateurs et princi- palement des jardiniers, qui ne manqueront par d’ou- vrage non plus , car tout le terrain disponible a ete laboure cet hiver , et tout va etre mis en jardin pour cultiver des legumes, des fleurs et des fruits. Des macons seront aussi necessaires pour construire de nouvelles maisons , en attendant qu’ils en recoivent plusieurs qui lui annoncent leur prochaine arrivee, ils construisent en bois. C’est de cette facon qu’ils viennent de terminer un atelier de forgerons et charrons, de vingt metres de long, dont la construction a ete combinee- pour pouvoir l’agrandir au besoin. C’est une nouvelle Industrie que la Societe va creer, et de laquelle elle attend de bons resultats. II lui faudra aussi quinze a vingt ouvriers de ces deux professions. II lui faudra egalement des tonneliers et des menuisiers, de ces dernicrs surtout. Je t’ai deja parie de l’anniversaire de la mortduFon- dateur d’Icarie , dont la celebration avait ete renvovee du 8 au 14 novembre. Ce jour la plusieurs admissions ont ete faites par l’Assemblee generale. D’abord le citoyen Bouas et sa femme, et le citoyen Leon Marchand dont le noviciat etait flni, ont ete admis definitivement. Puis : les cit. Pinthon, Duhamel, Vivier et sa femme, made- - Ill - moiselle Remaud, tons partis de France au mois de septembre dernier, et arrives a Cheltenham le 4 novem- bre, sont admis provisoirement. Le cit. Thienlin, phar- macien, membre de la Communaute, qui etait en conge en France depuis 18 mois , est rentre dans la Societe avec les personnes que nous venons de citer. Une lettre particuliere que Ton vient de me communiquer annonce encore Fadmission provisoire d’un Suedois ; tandis qu’une autre lettre particuliere ecritc par la femme d’un ancien membre de la Colonie de Nauwoo, annonce a son amie a qui elle ecrit en France, qu’elle se prepare a rentrer avec son mari. cc La Communaute, lui dit-elle, » n’est plus ce que nous Favons vue a Nauvoo a la fin » de 1856, elle est infiniment mieiix sous tous les rap- » ports. Nous allons tres souvent voir nos amis a Chel- » tenham, et chaque fois je m’en reviens a Saint-Louis j> j’ai le coeur gros d’etre oblige de les quitter. » Cette sympathie de quelques uns des anciens Icariens qui avaient quitte Nauvoo avant la scission de 1856, se manifeste d’ailleurs autrement que par des paroles ; car ils ont avance a la Colonie pres d’un millier de dollars. C’est la , ce me semble, un signe assez certain de la bonne position oil se trouve la Societe. La satisfaction que nous eprouvons de ces bonnes nouvelles, ne nous fera pas oublier une perte doulou- reuse que nous avons faite dans fun de nos amis les plus devoues. Notre frere Collet, jeune homme de 25 ans, est decede le 10 decembre, emporte en une semaine par une fluxion de poitrine. II y avait un an a peine que Collet etait dans la Colonie, mais ses excellentes qualites lui avaient attire , je ne dirai pas la sympathie , mais l’amitie de tout le monde ; aussi sa perte a-t-elle cause des regrets unanimes, et toute la Colonie a accompagne ses restes au cimetiere oil reposent les restes du vene- - 48 rableFondateur d’Icarie, et quelques autres de nosfreres. morts an champ d’honneur, pour le triomphe de la Solidarite et de la Fraternite humaine. Les dernieres lettres que j’ai revues sont datees du l^r janvier 1859. La discussion sur la revision de la Constitution etait aFordre dujour de FAssemblee gene- rale. Je Fen parlerai probablement dans ma prochaine lettre, en attendant je te prie de recevoir Fassurance de mes sentiments les plus fraternels. J. Belize. Pails. —Imp. Felix Malteste etCie, rue Ues Deux-Portes-Saiut-Sauveur, 22. LETTRES ICARIENNES. % IV Tu es mecontent, mon cher Eugene, du trop grand laps de temps pendant lequel je telaisse sans nouvelles de nos coreligionnaires de Cheltenham. Je suis contrarie moi-meme de n’avoir pas pu t’ecrire depuis quatre mois, mais ce sont les circonstances qu’il faut en accuser et non ma bonne volonte. Je t’ai promis, dans ma precedente lettre, de te rendre compte, dans celle-ci, de la discussion a la- quelle a donne lieu, pour nos freres de Cheltenham, la revision de leur Constitution, conformement a leur engagement du 13 octobre 1856. Je viens tenir ma pro- messe, autant qu’il est en moi de pouvoir le faire, parce que les details de cette discussion me font encore defaut. Mais comme ces details ne sont au fond que d’un in¬ ter^ tout a fait secondaire, nous pouvons passer outre quant a present. Pour bien comprendre les evenements dopW4air-a te rendre compte, il est necessaire de tcj leur origine, a la naissance del’Ecole 50 V Tu te souviens du mouvement des idees sociales commence, des avant 1830, par les publications de Fourrier et de Saint-Simon. Apres la revolution de 1830 , les disciples de ce dernier attirerent surtout, l’attention, publique par la tentative dissociation qu’ils firent aux portes de Paris. Mais, disperses par la force, cette tentative fut bientot oubliee et 1’attention publique attiree par d’autres evenements, malgre lesquels, les idees sociales qui avaient ete emises, continuaient a preoccuper un petit nombre d’esprits eminents ; mais ce n’est guere qu*a partir de 1839 a 1840, que le mou¬ vement se communique aux classes laborieuses et com¬ mence a prendre un developpement tres considerable, en meme temps qu’il acquiert un caractere nouveau. M. Cabet venait de publier son Voyage en lcarie , ouvrage dans lcquel il developpait toute une organisa¬ tion sociale basee sur la Communaute des biens, la Soli- darite et la Fraternite humaine. L’apparition de ce livre causa une grande sensation dans le monde politique, ou me Cabet jouissait depuis quinze ans d’une grande influence. Les travailleurs adop- terent en general son plan de Democratie, parce qu ? il repondait a leurs aspirations. Ils y retrouvaient toutes leurs pensees, qu’ils cherchaient vainement a formuler auparavant et qu’ils ne retrouvaient nulle autre part. Desormais ils avaient leur evangile social qu’ils propa¬ ger ent avec ardeur. Cependant, la division ne tarda pas a se glisser dans les rangs des partisans de la Communaute, et le con- — 51 — cours de diverse circonstances, ne tarda pas a faire eclater une scission , suivie d’nne latte violente que nous verrons se continuer au sein meme de la Colonie tcarienne. Dans le meme temps que paraissait le Voyage cn lcarie , la doctrine communiste commencait a etre dis- cutee parmi les Republicains d’alors, et surtout parmi les detenus politiques. Le livre de Buonarroti sur la Conspiration de Baboeuf , publie en 1828, servait a alimenter la propagande de ces idees. Au fondles partisans de Baboeuf adopterent les idees contenues dans le Voyage en lcarie , sur la Communaute; mais ils repousserent avec energie la marche de propa¬ gande pacifique indiquee par cet ouvrage, et qui se trouvait soutenue et developpee par Cabet, dans le journal le Popnlaire , qu’il venait de fonder pour de- fendre et propager la doctrine de la Communaute. Cette marche leur paraissait trop lente ; ils preferaient tenter une Revolution et faire proclamer la Commu¬ naute par un gouvernement qui l’organiserait revolu- tionnairement. A cette fraction dissidente, il s’enjoignit uneseconde beaucoup plus violente que la premiere. Revolution- naire comme elle, elle pretendait etre beaucoup plus radicale, et plus avancee que toutes les autres. Le Voyage en lcarie n’inspirait aux hommes de ce parti qu’un profond dedain, Cabet n’etait a leurs yeux qu'un conservateur, un Bourgeois rempli de prejuges. Ils ne lui pardonnaient pas surtout de conserver dans son plan de Communaute, le mariage et la faniille, non plus que des idees religieuses ; pour eux, un Aristocrate seul pouvait avoir de telles idees. Cabet etait un ennemi secret page par le cjouvernement. Ce parti etait peu nombreux en France, et il etait tout a fait discredits parmi les autres communistes, mais il n’en servit pas moins de pretextes aux attaques les plus violentes et les plus injustes contre tous les Com¬ munistes indistinctement, qu’on s’obstina de rendre solidaires des idees particulieres de cette petite frac¬ tion. Le parti pris des adversaires de la Communaute d’attribuer a tous les Communistes les idees d’atheisme et d’abolition du manage et de la famille, avec rinten¬ tion d’etablir ces idees par la violence; l’universelle reprobation que de telles doctrines rencontraient dans Fopinion publique, tout faisait pressentir a M. Cabet qu’il fallait rompre avec de tels elements et s’en distin- guer d’une facon radicale. C’est alors, en septembre 1842, qu’il proposa a ses amis de prendre le titre d’Icariens, pour indiquer qu’ils adoptaient la doctrine de la Communaute telle qu’elle etait decrite dans le Voyage en Icarie , avec le manage et la famille , admet- tant l’idee d’un Etre supreme comme pere ou Genera- teur du Genre Humain et tous les hommes ne formant qu’une famille de Freres ; enfin, l’idee sociale du Chris- tianisme. Et comme plan de conduite, une propagande legale et pacifique, pour amener a la pratique de la Communaute par la persuasion etlelibre consentement * de tous. Cette decision prise presque a Funanimite , par les actionnaires du Populaire , fut accueillie avec satisfac¬ tion par la grande masse des Communistes; mais elle — 53 — donna lieu a un redoublement de violence dans les attaques des partisans des societes secretes pour faire la Revolution. Des ce moment le titre de Communiste lcarien ou simplement d’Icarien servit a nous clis- tinguer des autres fractions Communistes, et notre propagande pacifique ne tarda pas a nous amener de nombreux adherents. Des le commencement de la propagande de l’atheisme et de l’abolition du mariage , M. Cabet avait publie plusieurs petites brochures pour refuter ces doctrines, et pour en demontrer le dangereux effet, notamment la refutation de Y Ilumanitaire , et la refutation de Ycibbe Constant mais on comprend que plus les raisons qu’il pouvait donner, etaient solides, plus elles exasperaient contre lui les meneurs du parti. 11s laisserent bien en arriere , les adversaires du Communisme , pour les injures et les calomnies : ceux-ci tout en combattant avec violence la doctrine de la Communaute, respec- taient en Cabet l’homme integre, aux intentions pures et desinteressees. Mais les Communistes dont nous parlons ne, luij epargnerent aucune injure, au- cune insulte. Leur fureur allait si loin qu’a differentes fois, on les entendit dire, en parlant de lui, qu 'il fal¬ lait se clebarrasser par un coup de fusil de I’avo- cassier . Je souligne ces mots avec intention, parce que nous retrouverons plus tard , a Nauvoo, les memes expres¬ sions et les memes sentiments. Cependant, malgre toutes ces difficultes, la doctrine Icariennesepropageaitrapidement parmiles travailleurs et dans toutes les classes de la societe, le mouvement de sa propagande devint presque irresistible, et il Unit par entrainer et absorber en grande partie tous les communistes. C’est alors queM. Cabet concutle projet de realiser la communaute en fondant une Colonie dans le Nouveau Monde , ou une Societe pouvait s’organiser librement sur le plan de la communaute des biens, sans causer ni trouble ni perturbation dans l’ancienne societe. . m*ri<8w>u Apres avoir muri son projet dans le silence de son cabinet, il le communiqua a ses adeptes au commence¬ ment de 1847. II proposa a tous les Icariens de s’unir et de mettre en commun tout leur avoir pour aller fonder Icarie en Amerique, c’est-a-dire, de former une societe d’apres le plan de communaute donne dans son Voyage en Icarie. La proposition fut adoptee avec des transports d’enthousiasme par tous les Icariens, et meme par une grande partie des autres nuances de l’ecole communiste que cet evenement rapprochait davantage encore de l’Ecole Icarienne. Des ce moment un immense mouve- ment s’opera parmi les Icariens, la plupart d'entre eux n’eurent plus qu’une pensee, qu un but: partir le plus vite possible pour aller fonder Icarie. Chacun s’y pre¬ para en realisant son avoir. Et ce ne furent pas seule- ment de simples ouvriers qui adopterent la proposition d’emigrer pour aller fonder une societe nouvelle, sur les bases de la Communaute, dans les deserts de 1’Amerique; des hommes de toutes les classes s’associerent a cette entreprise. Des Ingenieurs, des Medecins, des Avocats, de riches proprietaires, ecrivaient a M. Cabet, pour lui demander la faveur de fairc partie des premieres colonnes de pionniers qui devaient traverser 1’AtlantiqHe. Cependant, les objections ne manquerent pas non plus. Les Communistes Revolutionnaires attaquerent — 55 — vivement ce projet d’emigration. Ils accuserent Cabet et les Icariens de deserter la cause democratiquc, d’aban- donner la patrie, etc. Mais M. Cabet refuta victorieu- sement tous les arguments prescntes contre son plan de colonisation, qui devint bientot I’objet de rattention generate. Dans le principe, M. Cabet avait declare qu’il faudrait dix-huit inois a deux ans pour preparer convenablement remigration, et que pendant ce temps, employe a choisir un emplacement convenable pour l’etablissement de la colonie , et a preparer tous les elements d’un premier etablissement, on enyerrait successivement quelques pionniers pour preparer le terrain , faire les premieres constructions, tracer les routes, etc., etc. Mais deux motifs le forcerent a hater, et a precipiter meine le premier depart. D’abord, l’impatience et Fen- trainement general pour partir le plus tot possible ; en second lieu, l’occasion qui se presentait d’acquerir a des conditions exceptionnellement avantageuses une eten- due considerable de terrain, dans l’etat du Texas, ou la Compagnie Peters lui concedait gratuitement un million d’acres, et lui en vendait un autre million a raison de un dollar Caere, payable en dix ans. C’etait en somme deux millions d’acres pour cinq millions de francs. C’etait un territoire un pen plus grand que les departements de la Seine et de Seine-et-Oise reunis; situe dans Tune des plus belles contrees du monde. On obtiendrait pas aujourd’hui ce meme territoire pour deux cents millions de francs! II vaudrait un milliard si nous l’occupions depuis dix ans ! Ces immenses avantages, dont allaient profiter les Icariens, etaient subordonnes a la condition imperieuse — 56 — (Toccuper la concession au nombre de 1,000 personnes avant le l er juillet 1848. Cette condition, la compagnie Peters Fexigeait, parce qu’elle etait necessaire pour valider la concession qu’elle-meme avait obtenue du Congres americain. De sorte qu’en donnant a la societe Icarienne une valeur immense, elle acquerait elle-meme une valeurplus considerable encore, puisque, en dehors des deux millions d’acres qui nous etaient concedes, il lui en restait trois a quatre millions. Tu comprends pourquoi M. Cabet dut modifier son plan , precipiter le depart de la premiere avant-garde, et augmenter le nombre d’hommes qui devaient en faire partie. II fallait a tout prix profiter de l’occasion unique qui se presen- tait, d’acquerir un vaste territoire, quitte a suspen- dre ensuitele depart des autres emigrants pour completer Forganisation des premiers groupes : c’est sous ces auspices eminemment favorables qu’eut lieu le depart de la premiere avant-garde, qui s’embarqua au Havre le 3 fevrier 1848. Yingt jours apres la revolution eclatait, Louis-Philippe et sa dynastie etaient renverses et la Republique pro- clamee. Mon but n’est pas de faire, en ce moment, l’histoire complete de Fentreprise Icarienne, je mebornerai done a esquisser a grands traits ce qui est necessaire a Fin- telligence des faits que j’ai a te raconter. Nous avons vu les diverses nuances de FEcole com- muniste revolutionnaire se fondre peu a peu dans FEcole Icarienne, par Feffet de la propagande; la Revolution de fevrier eut pour resultat de melanger davantage en¬ core ces deux elements naguere ennemis, mais unis maintenant dans une commune esperance d’une reforme sociale, comme consequence necessaire du changement politique qui venait de s’operer en France, par suite, les plus ardents et les plus impatients a partir quelques semaines auparavant, renoncaient maintenant a leur projet pour se lancer tete baissee dans le mouvement politique de la Revolution. 11 etait impossible que M. Cabet restat spectateur indifferent des evenements de l’epoque. L’eut-il voulu qu’il n’en aurait pas eu la possibility. 11 se trouvait d’ail- leurs, par le fait, a la tete d’un parti nombreux et disci¬ pline, qui pouvait exercer une grande influence sur les destinees du pays. 11 ne l’ignorait pas, mais ce qu’il savait aussi, c’est que cette position serait une cause certaine d’une coalition contrelui,de tous les partis ennemis. I! le savait si bien, que le 25 fevrier, en redigeant sa fameuse proclamation aux Icariens , qui a fait dire qu’il avait sauve le pays ; et pour laquelle le ministere public, lors d’un proces fameux, lui adressait des remer- ciements au nom de la societe, il me disait: « Nousvoila y> lances dans les hasards d’une Revolution, vous verrez » que ce sera pour la Democratic et pour nous, un )> immense malheur; la Revolution est venue 10 ans 3) trop tot. » Ces previsions ne se sont que trop vite et trop completement realisees. Et, quant a Fentreprise Ica- rienne ce fut sa ruine. Les departs qui devaient avoir lieu en mars et avril, ne purent s’effectuer. La condi¬ tion necessaire du traite Peters d’occuper avant le premier juillet, ne put etre remplie. La Revolution faisait perdre plusieurs centaines de millions aux Icariens et une persecution generale les ruinait encore individuellement en les privant de travail. - 58 — Jamais la position (Tun homme ne fut plus embar- rassee que celle de M. Cabet au milieu des evenements qui suivirent la Revolution de fevrier. Se tenir en dehors du mouvement de la Revolution etait chose impossible, iDavait a defendre le Communisme et les IcarienscoMfeles calomnies, chaque jour renouvelees, dirigees contre la Doctrine et contre ses partisans. D’un autre cote il ne pouvait se lancer dans le mou¬ vement dont il prevoyait et voyait, pour ainsi dire , l’inevitable et fatal denouement : il fut done oblige de prendre une position que j’appellerai defensive, et, tout en donnant son concours et celui de ses amis pour faire triompher la Democratic, il songeait a relever son oeuvre de predilection, la Colonie Icarienne. Tandis que les partis se disputaient le pouvoir les armes a la main, et que les uns et les autres l’accusaient de vouloir s’en emparer violemment, il organisait de nouveaux departs et se preparait a passer lui-meme en Amerique, et partait en effet en decembre 1848, apres avoir embarque plus de trois cents personnes, qui allaient se reunir a la Nouvelle-Orleans avec les deux premieres avant-gardes revenant du Texas. Tous les Icariens partis de France dans le courant de l’annee 48 , se trouvaient reunis a la Nouvelle- Orleans vers la fin de janvier 49. La, Cabet leur pro¬ pose de dissoudre et de liquider la Societe, s’ils sont tous d’accord pour cela, ou de continuer fentreprise en transportant la Colonie sur un autre point. La Majorite voulut continuer, tandis quTme forte Minorite abandonna fentreprise, et obtint un reglement de comptepour cesser de faire partie de la Societe. C’etait montrer bien peu de perseverance de la part d’hommes a qui on avait donne etqui avaient accepte lc litre de soldats de l’Humanite! La ville de Nauvoo, recemment abandonnee par les Mormons, fat choisie pour lieu de premier etablis- sement, par ceux qui allaient continuer Foeuvre commune. Ils y arriverent en mars 1849, et orga- niserent bientot leurs logements, leurs ateliers, etc. Mais le cholera qui exercait ses ravages a la Nouvelle- Orleans pendant leur sejour dans cette ville, les avait suivis a Nauvoo, et pendant six semaines, frappa de nombreuses victimes. Bientot encore un autre fleau, la division, se glissa dans leurs rangs et y fit plus de mal que la maladie. Une premiere puis une seconde dissidence eurent • - » . * . lieu et reduisirent considerablement le nombre des membres de la Societe. Cependant grace a Finfluence morale que M. Gabet exercait encore sur les restants, Fordre et Fharmonie paraissaient enfin s’etablir dans la Societe. L’organisa- tion se completant chaque jour, rendait plus palpables les bienfaits de la Communaute. Jusqu’alors, M. Cabet avait exerce une sorte de dictature dont il avait ete investi lors de la formation de la Societe; mais cedant a la necessite de la nou- velle situation, il crut sans inconvenient pour la So¬ ciete renoncer a ses pouvoirs. En consequence, il r6di- gea une Constitution qui fut discutee et adoptee par la Societe. D’apres cette nouvelle Constitution, au lieu d’un Gerant, il y en avait six; elus directement par FAssemblee generate , ils formaient un Conseil de Ge- rance sous la Presidence de Fun d’eux , qui prenait le titre de President de la Communaute. Cette Consti- — 6 tution votee au commencement de 1850, fut immedia- tement mise en pratique , et toute T Administration organisee d’apres le principe nouveau. C’est alors, au commencement de 1851, queM. Cabet pensa pouvoir s’absenter pour venir se defendre contre une accusation d’escroquerie portee contre lui en France, pendant son absence. La Societe consentit a son depart en promettant de rester unie dans la pratique de la doctrine Icarienne. Tu te souviens de son eclatant triomphe devant la cour d’appel de Paris, et son acquittement. Tous les details de cette affaire sont contenus dans la brochure qui fut publiee alors sous le titre de: Proces en escro- querie, defense el acquittement. Mais pendant que Cabet etait en France, et malgre les promesses faites par toute la Societe, lors de son depart, de ne pas s’ecarter de la pratique des principes Icariens; malgre les assurances de la correspondance officielle des Gerants; de nombreux abus ne tarderent pas a s’introduire dans le sein de la Societe, et le de- sordre moral, puis le desordre materiel, firent de si rapides progres que, quelques-uns des Gerants, durent eux-mernes jeler le cri d’alarme en lui ecrivant de reve- nir sans retard, ou que tout etait perdu. Mais le me me courrier lui apportait des lettres des autres Gerants, qui affirmaient que tout allait bien, et que, ce qu’on pou- vait lui ecrire dans un sens contraire etait dicte par un sentiment de jalousie ou tout au moins par une peur exageree. Tu comprends dans quelle perplexite ces nou- velles contradictoires devaient jeterM. Cabet: ce qui en ressortait de plus certain, c’est que les Gerants etaient divises d’opinions et de vues sur un point capital, et la — ■61 demission de Tun d’eux ne tarda pas a confirmer tout ce que pouvait avoir de facheux cettc circonstance. M. Cabet traverse de nouveau l’Ocean pour retablir l’ordre dans la Societe, il y arrive en juillet 1852, apres quinze mois d’absence. Mais, comme la premiere fois, lors de son arrivee a la Nouvelle-Orleans, il trouva le cholera sevissant d’une facon terrible sur la Societe, enlevant chaque jour une ou deux personnes sur une population de moins de trois cents ames! Pendant plus d’un mois, la cruelle maladie repandit la consternation etla crainte au sein de la Societe. La peur, cette autre maladie, aussi contagieuse que la premiere, vint encore augmenter le desordre par la retraite d’un grand nom- bre de membres. La Societe en perdit une centaine , en ce moment, tant par les retraites que par les deces. On comprend que , dans cette situation , et pendant toute la duree de la crise, la Societe n’etait guere en etat de recevoir les reformes qui lui etaientnecessaires. M. Cabet dut ajourner quelque temps, soit pour mieux connaitre le mal, soit pour laisser a la Societe le temps de se re- mettre de la crise qu’elle venait de traverser. Mais la situation etait telle, qu’il m’ecrivait au mois de novem- bre1852 : « J’espere ramener la Societe dans la voie de la » Communaute Icarienne; j’y reussirai certainement )> s’il nous vient quelques lions Icariens par les pro- » chains departs, mais le mal est si grand que, si j’a- vais cent mille francs a ma disposition pour rendre * les apporls de ceux qui ne conviennent pas, je dissou- )> drais la Societe pour en reformer une nouvelle avec )) ceux qui sont vraiment Icariens ». Comme il n’avait pas les cent mille francs qui lui 62 — paraissaient necessaires, il entreprit (le reformer la Societe, et dans ce but, il expliqua de nouveau, dans un grand nombre d’Assemblees generates, les principes et la Doctrine Icarienne; en faisant ressortir la neces¬ site d’une grande Reforme morale pour mettre les moeurs et les habitudes de chacun en harmonic avec les prin¬ cipes dont on voulait la realisation. Il insista surtout sur la necessite de reformer l’usage du tabac et du wiskeyqui degenerait en abus scandaleux, et dans une brochure intitulee : Temperance , il s’exprimait ainsi : « Aujourd'hui que l’experience et la pratique ont » confirme et fortifie mes premieres convictions sur la » necessite d’exclure le tabac et le wishey de notre )> Societe modele , je crie plus fort que jamais : point de * tabac ni de wiskey dans la Communaute! » Beaucoup de fumeurs ont declare que, puisque » j’etais si prononce, ils allaient cesser de fumer et ils » ont en effet cesse de fumer pendant quelque temps; » mais, voyant tous les jours les autres fumer, et se » trouvant continuellement au milieu de la fumee de y> tabac, ils ont repris leur pipe; la masse fume; et si j> ce mouvement continuait, tousles nouveaux arrivants » fumeraient; tout le monde fumerait et chiquerait; les » femmes meme et les enfants fmiraient par priser, » fumer et chiquer; et le peuple Icarien serait pour y> toujours un peuple priseur et fumeur, chiqueur et )> buveur. » Est-cela le progres, la perfection sociale, une orga- » nisation modele? » Est-ce pour un pareil resultat que, vous et moi, » nous avons quitte notre patrie ? » Et prenons-y garde ! la chose est infiniment grave! 5 > Nous avons besoin d’augmenter notre nombrc ? » puisque nous voulons former un Peuple ; nous avons 3 > besoin d’hommes qui nous apportent non seulement y> des bras, mais des capacites de tous genres et de )> l’argent! Eh bien, comment pourrions-nous faire une propaganda efficace? II y a des hommes et des fem- mes riches, sympathiques ala cause du Peuple etdu 3 ) Progres, disposes a tout sacrifier pour s’unir a des » travailleurs temperants et economes, remplis du sen- 3 ) timent de la dignite humaine, fraternels, polis, pro- 33 pres, etc., etc.; mais comment les determiner a s’ex- 3 ) patrier, a passer les mers, a braver les fatigues et les 3 > dangers, pour venir au milieu d’un peuple sensua- 3 > listeet egoiste, fumeur et chiqueur, etc., etc. ? 3 > Pour moi, mon opinion, ma conviction est, comme 3> je l’ai deja dit en commencant, que l’usage du tabac 33 n’est pas necessaire, qu’il est inutile, dispendieux, 33 nuisible a la sante, dangereux, deraisonnable, etc. 3 > Mais, ce qui est plus grave encore, je suis convaincu 33 quhl est contraire, non seulement au travail, mais a 3> l’etude, a Finstruction, a la moralisation.... Je suis 33 convaincu qu’il developpe le sensualisme, le mate- 33 rialisme, l’egoisme, et qu’il eteint les sentiments de 3 ) devoument et de Fraternite, les idees de devoir et de 3 ) mission. Je suis convaincu que le tabac est, par ses 3 ) consequences, la destruction de notre doctrine Ica- 33 rienne, qu’il ouvre la porte a la violation de tous nos 33 principes, qu’il est eminemment et essentiellement 33 anti-Icarien, et qu’il conduirait infailliblement a la 33 ruine de notre Gommunaute. 33 Ainsi pour moi la question du tabac renferme toutes 3> les autres questions; c’est une question capitale de — 64 — » laquelle depend le sort de la Communaute. Dans notre » systeme de Communaute Icarienne, tout setient, y> tout s’enchaine, tout se complete. Toutes les condi- y> tions indiquees sont necessaires. Avec Tabus du tabac, )) tous les abus doivent arriver successivement. Avec la » reforme sur le tabac, toutes les autres reformes de- » viennent faciles. Sans cette reforme, aucune autre » n’est possible. II n’etait pas possible a M. Cabet d’exprimer plus nettement etplus energiquement sa pensee sur la situa¬ tion et l’avenir de la Colonie. Cependant, malgre toutes les explications qu’il avait donnees pour exposer a ses coassocies les necessites des reformes qu’il proposait; sur 130 votants , 27 voterent contre lui, et declaraient ainsi, implicitement ? preferer leur pipe ou leur taba- tiere, leurs habitudes et leurs vices a la Communaute. La seule mesure a prendre a Tegard de ces 27 dissi¬ dents etait de les inviter a se retirer de la Societe, leur presence ne pouvant que compromettre son avenir. Mais le mal etait beaucoup plus grand qu’il ne parais- sait, et M. Cabet n’ignorait pas que, dans le nombre de ceux qui avaient vote en faveur de ses propositions, un certain nombre ne les adoptaient pas sincerement, et que, parmi eux, se trouvaient ceux qui poussaient le plus, en dessous main , a toutes especes de desordres. Malgre cela, Cabet ne desespera pas de remedier au mal, mais il dut temporiser et gagner du temps. Les oppo- sants ne manifestaient pas Tintention de se retirer, et il n’etait pas dans le caractere de M. Cabet de provo- quer leur exclusion, la bonte et la sensibiiite de son grand coeur s’y opposaient absolument. D’ailleurs, il n’ etait pas certain qu’il Teut obtenue, car la loi exigeait 65 — une majorite (les quatre cinquiemes pour l’exclusion, et ils etaient 27 sur 130 votants. II ne perdait pas tout espoir de les ramener. Son esperance etait fondee : sur le Cours lcarien , dans lequel il se proposait de deve- lopper, tous les dimanches , devant toute la Colonie assemblee, la Doctrine philosophique et religieuse qui sert de base a l’organisation sociale et politique de la Communaute des biens. D’un autre cote, Immigration prenait en France une impulsion nouvelle, et quelques hommes distingues, par leur instruction et leurs con- naissances speciales, lui annoncaient leur intention d’aller le rejoindre, pour unir leurs efforts aux siens dans F oeuvre de regeneration qu’il avait entreprise. Avec ces elements nouveaux et Tappui energique d'une portion notable de la Societe, qui comprenait mieux et etait mieux disposee a entrer danslavoie des principes Icariens, il pensait pouvoir regenerer la Societe. Mais les choses ne devaient pas se passer ainsi; une sorte de mauvais genie, la corruption, regnait deja sur la Societe, et semblait presider a ses deslinees. A peine M. Cabet eut-il commence le Cours lcarien pour attirer les idees vers la Doctrine lcarienne, qu’une di¬ rection contraire leur fut imprimee par quelques me- neurs qui avaient forme entre eux une societe secrete au sein de la Colonie. 11 leur fallait a tout prix empecher la continuation du Cours lcarien. Pour parvenir a leur but, leur tactique fut celle-ci : s'abstenir soigneuse- ment d’assister eux-memes aux assemblees du Cours et empecher le plus de monde possible d’y assister. Et comme ils ne pouvaient donner aucune bonne raison pour justifier leur conduite , ils se servirent de Tironie — 66 pour miner plus surement les efforts de M. Cabet. A ceux qui leur demandaient: « Tu ne viens done pas au y> Cours ? Non, repondaient-ils, 'faime mieux fnmer mu i> 'pipe qae d’aller entendre un sermon ». Ou bien : « J’ai dejd entendu repeter cent fois ces blacjues-ld ». S’ils y assistaient, ils prenaient une attitude gogue- narde et eherchaient a distraire Tattention de leurs voisins par quelque grossiere plaisanterie, etc., etc. Enfin, au bout de trois mois, Cabet fut oblige de sus¬ pends leCours; le scandale que causait l’attitude de E opposition, produisant plus de mal, que le cours, fait dans de pareilles conditions, ne pouvait produire de bien. L’arrivee successive dans la Colonie, de quelques esprits d’elite qui abandonnaient, dans lavieille societe, des positions toutes faites ou un avenir brillant, pour venir consacrer leur talent et leur fortune au triomphe de la Communaute; pouvait changer la marche des affaires, en changeant le cours des idees de la masse. Les meneurs le sentirent et firent de nouveaux efforts pour parer le danger qui les menacait. II ne faut pas croire que ces hommes qui luttaient contre M. Cabet et finirent par le vaincre, fussent des hommes de genie : non, bien loin de la, e’etaient seulement des hommes passionnes, et profondement pervertis; parlant toujours de Democratic, de Liberte, de Liberte surtout; voulant pardessus tout, disaient-ils, s’affranchir de toute dependance, et s'affranchissant, en effet, mais surtout de tout devoir, de toute convenance et, disons-le, de toute moralite, mais restant esclaves de toutes leurs habitudes et de toutes leurs passions. — 67 — Parlant bien haut, et a toute occasion de reformer les vieilles Societes, mais incapables de se reformer eux- memes et impuissants a le tenter. Toute leur science consistait a exploiter les prejug6 et les mauvaises passions de leurs co-associes : contre le Cours Icarien, ils avaient exploite les preventions contre le Culte et le Clerge; contre les hommes de talent qui venaient leur apporter le concours de leurs con- naissances, ils exploiterent les mauvais instincts po- pulaires. Ils n’eurentqu’a leur donner une qualification pour reussir. Ils dirent, d’abord tout bas, puis tout haut; ce sont des bourgeois qui viennent pour nous commander. Le motreussit, et pour mieux le faire ressortir, les chefs de la conjuration affectaient un debraille indecent, dans leur tenue, leur habillement et leur langage, comme pour 1’opposer a la dignite,, a la convenance et a la politesse des bourgeois. Un tel etat de choses ne pouvait plus etre tolere, Cabet mesura toute la profondeur du mal, et resolut d’y porter remede. (fetait, a ses yeux, une question d’hon- neur et de probite envers le Peuple et les Icariens, envers la Democratie tout entiere. C’est alors qu’il redigea etpubliason memorable Compte-rendu de 1855, dans lequel il brisait ouvertement avec l’opposition. Cette conduite etait encore pour lui une question de principe, et je te prie de bien le remarquer, car e’est une chose capitate qui n’a pas ete assez generalement comprise, meme par quelques bons Icariens, pour qui, l’apparente severite de Cabet au sujet de la reforme morale, a semble excessive et sans necessite. C’est une erreur extremement grave et qui pourrait nous etre tres funeste encore si nous n’y prenions garde. II faudrait — 68 — de longs developpements pour faire ressortir la sagesse et la necessity de ces reformes , je ne puis y entrer aujourd’hui. Je me bornerai seulementate faire remar- quer, que la garantie de Fordre dans la Communaute etant essentiellement differente de celle de Findividua- lisme, elle doit reposer sur une base toute differente. Dans l’individualisme, la garantie de Fordre, c’est la force publique ; la sanction de la loi, c’est la repression , la prison et l’amende. Ces deux institutions, neces- saires dans nos societes, n’existent pas, ne peuvent pas exister dans la Communaute ; il lui faut done trouver sa securite dans d’autres institutions. Et celles-ci ne peuvent-etre que Fopinion publique, formee et sou- tenue par des moeurs pures, et Fhabitude de Fappli- cation dans tous les actes de la vie, de ces preceptes philosophiques et religieux : atme ion prochain comme toi-meme , ne fais pas a autrui ce que tu ne voudrais pas quit te fit. II ne faut pas, ce me semble, un grand effort d’esprit pour comprendre que l’ordre social de la Communaute reposant tout entier sur la morale et Fopinion publique qui en resultent, que tout Fedifice social se trouve ruine, des que les moeurs et Fopinion publique sont denaturees. VI La publication du Compte-rendu de 1855 fut le signal de la lutte de l’opposition contre M. Cabet, lutte qui dura toute une annee et se termina par la retraite de ce dernier. Je ne veux entrer dans aucuns details de cette guerre fratricide, tu as lu les publica- — 69 — tions qui en rendirent compte alors; j ’arrive tout de suite a la retraite de M. Cabet, se retirant avec tous • * ceux qui acceptaient sesidees et voulaient recommencer Icarie aveclui. Les conditions dans lesquelles s’operait cette retraite, les difficultes qui allaient se presenter pour recom¬ mencer, sans capital, unenouvelle colonie , l’experience du passe, tout conseillait a M. Cabet de prendre toutes les precautions et toutes les garanties possibles, soit pour lui, soit pour les futurs associes entre eux. Ces garanties, il les resuma dans un projet d’engagement qu’il proposa a tous ceux qui voulaient le suivre. Ceux- ci l’accepterent le 13 octobre 1856, a la veille de quitter Nauvoo pour aller s’etablir a Saint-Louis. Voici l’enga- gement et 1’acceptation: ENGAGEMENT ICARIEN Du 13 octobre 1858 PROPOSE PAR LE C1TOYEN CABET. « Je propose les conditions suivantes: » lo Le cit. Cabet est considere comme representant toute la Minorite et cliacun de ses membres. Les enga¬ gements pris envers lui sont consideres comme pris par chacun d’eux envers les autres; » 2° Toutes les depenses faites pour la Minorite et payees ou avancees par le cit. Cabet, avec les sommes empruntees par lui, ou recues de Paris , ou a lui confiees, sont a la charge de la Minorite; » 3° La Minorite actuelle n’a d’autre apport que ce qui lui est du par la Communaute et ce que le cit. Cabet pourra recouvrir pour chacun de ses membres ~ 70 — dans la liquidation de cette Communaute , recouvre- ment pour lequel chacun de ses membres lui donne, ou a celui qu’il en chargera, tous les pouvoirs neces- saires. » 4° Chaque membre de la Minorite prend l’enga- gement de ne pas quitter la Communaute avantf le 3 fevrier 1859; » 5° La restitution de fapport sera successivement et continuellement amelioree, en faveur des Ieariens aujourd’hui presents, soit en abregeant les delais d’une partie de la restitution , de maniere que ces delais n’excedent pas une annee, soit en augmentant gra- duellement le montant de la somme a restituer de maniere que la restitution puisse etre integrale le plus tot possible, soit en faisant participer flcarien au partage des benefices constates par des inventaires annuels; » 6° Quant aux Ieariens qui seront admis a favenir, les memes regies de restitution leur seront appliquees, soit pour f abreviation des delais, soit pour la restitu¬ tion integrale, soit pour la participation aux be¬ nefices ; j> 7° Ma proposition du 15 decembre 1855 , est adoptee dans ses bases essentielles , felection du President pour quatre ans, felection d’un Vice-Presi¬ dent, la nomination par le President de tous les fonc- tionnaires de fordre administratif, et de toutes les Commissions, avec ou sans la confirmation de l’As- semblee generale; le maintien de fAssemblee generale avec des seances moins frequentes, la confection des lois capitales avec le droit de suspension pour le President, qui aurait aussi le droit de faire tous les reglements qu’il jugerait necessaires; » 8° Des modifications essentielles dans les seances de fAssemblee generale, relativement a la composi¬ tion et aux attributions de la Majorite, a la cloture, et avec suppression des motions d’ordre, de la perma¬ nence et des abus pratiques dans ces derniers temps. — 71 — » 9° Chacun s’engage a pratiquer religieusement tous les principes Icariens, notamment la Fraternity, toutes les conditions d’admission, les principes con- tenus dans les brochures intitulees: Reforme de 1853, Compte-Rendu de 1855 , revision de la Constitution, les lois et reglements en ce qu’ils n’ont pas d’incon- ciliable avec le present engagement; » 10° Chacun s’engage a confier au cit. Cabet, la redaction des journaux et des brochures , en lui reconnaissant le droit de prendre la parole toutes les fois qu’il le jugera convenable, tout ce qui concerne la propagande et la correspondance, l’education et les enfants; a assister regulierement au Cours lcarien a supporter le principe de publicity en tout, a s’interdire toute critique clandestine, toutecauserie inutile pendant le travail; a travailler en se soumettant a la direction choisie par l’atelier. » 11° Chacun consent a la suppression du Wiskey, saufale remplacer de la maniere la plus convenable; et a la suppression du tabac sous toutes ses formes pour le 3 fevrier 1857, en promettant de faire tous ses efforts pour le supprimer le plus tot possible en se soumettant d’ailleurs aux reglements qui seront faits a ce sujet; » 12° Chacun s’engage aussi a pratiquer la proprete en tout, la temperance, le soin, l’ordre et l’economie, 1’organisation, la discipline et la solidarity ; >13° Chacun s’engage enfin a se conformer aux reglements qui sont ou seront faits sur la chasse ou la peche. Lc Fondateur d’Icaric, Cabet. REPONSE DES ICARIENS RESTES FIDELES , AU FONDATEUR D’lCARIE. » Cher et venere citoyen, » Nous avons In et bien examine les conditions que Yous posez. Quelques mots Lien reflechis nous suffiront pour vous repondre et yous exprimer notre maniere de voir et de sentir. » Nous Youlons recommencer ou plutot continuer la Communaute, la veritableCommunaute, la Communaute Icarienne. » Nous regardons notre separation de Fancienne oppo¬ sition comme un devoir que nous accomplissons sans repugnance, et meme avec plaisir; nous quittons ses membres comme nous avons quitte les hommes de Fin- dividualisme, et avec plus de raison encore. » Nous ne nous dissimulons pas les difficultes de toute espece d’une nouvelle emigration. Mais nous nous sentons a la hauteur des circonstances; nous nous croyons assez forts pour declarer que nous serous aussi courageux et aussi perseverants que par le passe. » Les conditions que vous faites ne sont que le resume de nos principes et des institutions politiques que notre position et nos derniers evenements nous font regarder comme etant d’une rigoureuse necessity. Nous les adop¬ tons completement et sincerement; nous les adoptons toutes en general et chacune en particular ; nous adoptons specialement ce qui concerne les apports , la proposition de 1855, le whiskey, le tabac et le temps pendant lequel nous nous engageons a rester dans la Communaute pour la defendre et la faire prosperer. » Citoyen, vous etes toujours pour nous le Fondateur d’lcarie ; vous n'avez jamais devie de vos principes democratiques et Icariens; vous avez plus de merite que jamais. Par consequent, nous nous sentons animes a votre egard des memes sentiments que par le passe. Si notre conduite energique vous porte a continuer Foeuvre que vous avez fondee, la votre nous inspire une confiance sans bornes, c’est sans difficulte que nous nous engageons envers vous, et que nous vous conside- rons comme le representant de toute la Minorite. » Au nom de la solidarity de notre interet commun et de la Fraternite, nous nous engageons aussi les uns envers les autres. » Nous nous engageons aussi envers les Icariens du dehors, dont les sentiments et les idees sont conformes aux notres; nous nous engageons enfin envers la Demo* cratie, envers tout le Peuple, envers FHumanite entiere. » En un mot, comme nous l’avons deja dit, nous nous engageons a continuer la vraie Communaute. » Ceci constitue des engagements pris sur Fhonneur, des engagements sacres. Nous les prenons en toute liberte. Nous les prenons sous serment: celui qui les violera sera traitre et parjure. » Nauvoo, le 13 octobre 1856. » Les trois pieces ci-dessus ont ete lues dans F Assem¬ ble de la Minorite , sur l’appel nominal, elles ont ete approuvees, adoptees et acceptees a l’unanimite moins trois voix: Baron, Kling et Herzog qui, tout en acceptant tous les principes et meme toutes les conditions, se reservent le droit de s’absenter pour un temps plus ou moins long. » Ces deux pieces devaient former la base de Facte cons- titutif de la nouvelle Societe; cela etait bien dans Fes* prit de tout le monde ; la reponse explicite des membres de la minorite de Nauvoo, qui allaient former la Societe nouvelle , ne laisse aucun doute a cet egard, et, cet engagement sacre , pris sur I’honneur et sous serment , etait parfaitement libre, cbacun pouvait ne^pas le pren* dre. Et la preuve incontestable de cette entiere liberte, c’est que trois membres de la minorite ne le signerent pas, quoique restant avec elle, parce qu’ils voulaient se reserver la possibilite de se retirer de la Societe pour un temps plus ou moins long. Si tous les signataires de cet engagement sonjpin- ceres, il n’y a aucun disaccord entre eux. Desotmais," marchant coinme un seal hornme, animes parle meme sentiment, unis par la meme idee, ils vont marcher hardiment vers le but qu’ils se proposent, sans devier de la route qu’ils se sont traeee avec tant de precision. Nous allons voir bientot si tel etait le veritable etat des m esprits. L’engagement est signe le 13 octobre 1856, le 15 un premier convoi descend a Saint-Louis; le 22, un se¬ cond, et enfin, le 31, les derniers membres de la mi- norite Icarienne quittent Nauvoo et viennent rejoindre a Saint-Louis le Fondateur d’Icarie, brise et presque aneanti par la douleur, mais non decourage. II va bra- vement, rnalgre son age et sa fatigue , recommencer Foeuvre ^emancipation a laquelle il a consacre son existence. Cependant il ne se faisait pas illusion sur la composition de cette minorite Icarienne; car il ecrivait quelquesjours avant son depart de Nauvoo : « Je vais recommencer la Communaute Icarienne » avec la minorite restee ft dele a nos principes Icariens, » je suis plein de confiance dans Favenir, nous reussi- » rons, et si j’avais vingt ans de moins, je me flatterais » de voir Icarie grande et puissante. Nous restons 75 » hommes, mais parmi eux il y a quelques vieillards » pen propres an travail, d’autres qui n’ont pas toutes » les qualites que je voudrais leur voir ; mais il y en a » une cinquantaiue de devoues, courageux et actifs, et » avec eux je reussirai, n’ayez done aucune inquietude » sur notre avenir! » Enfin, le 6 novembre, la nouvelle Societe se trouve reunie a Saint-Louis, quand le 7, au matin, M. Cabet est frappe d’une attaque d’apoplexie et de paralysie partielle, qui s’etend rapidement et determine la mort au bout de quelques heures! Cette catastrophe inattendue, au milieu de la desor- - 75 — ganisation qui regnait encore par suite du deplacement et du denuement de la Societe, jetait celle-ci dans un peril extreme. Mais rimminence du danger fit sentir a tous que l’union seule pouvait les sauver. Ils se resser- rerent davantage les uns aux autres; et, s’encourageant mutuellement, ils trouverent en eux-memes la force de resister a ce coup, le plus terrible assurement qui pou¬ vait les atteindre. M. Mercadier, designe d’avance par M. Cabet, pour lui succeder en cas de mort, avait pris la direction de TAdministration comme Pre¬ sident de la Communaute. Pendant les premiers rnois qui suivirent la mort de M. Cabet, on dut suivre les lois anciennes; mais bientot la situation fut assez satis- faisante pour que Y on put songer a refaire les lois etles reglements, conformement aux principes de l’engage- ment du 13 octobre. L’Assemblee generale vota sue- cessivement : la loi supprimanl l’usage du tabac; la loi sur rorganisation du travail ; le contrat social , et la loi surles admissions et les retraites (1). L’examen de ces lois dans le sein de la Gerance, avant leur presentation a l’Assemblee generale, donna lieu a d’assez vives discussions, surtout le Contrat social, dans lequel M. Mercadier voulait faire entrer le principe de la repar¬ tition des benefices, conformement aux articles 5 et 6 de Tengagement. M. Vogel s’y opposa avec une energie telle, qu’on dut ajourner cette mesure pour ne pas exposer la Societe a une division qui eut infailli- (1) Voir ces lois dans la brochure: Organisation Icarienne, qui est sous presse pour paraitre en juillet ou aout prochain, et qui con- tiendra la Constitution telle qu’elle a ete revisee, avec la Gerance unique. — 76 — blement, alors, amene sa ruine. Cette opposition inexpli¬ cable a Fexecution d’un engagement contracte moins cFun an auparavant, et dans des termes anssi formels et aussi solennels que ceux contenus dans la reponse a FEngagement propose par M. Cabet, etait d’autant plus dangereuse qu’elle etait presentee sous le manteau et au nom des principes Icariens. Elle pouvait seduire et entrainer des esprits mal prepares, et presenter un danger tres serieux. Le Contrat social fut vote sans contenir cette disposition essentielle de FEngagement. Restait a reviser la Constitution de M. Cabet, pour la mettre en harmonie avec Fengagement et les nou- velles lois. 11 n’y avait a reviser ou a modifier, dans Fancienne Constitution, que le chapitre iv sur l’organi- sation politique, tout le reste pouvait et devait rester intact. Cependant M. Vogel soutint et fit prevaloir Fidee qu’il fallait tout refaire, pour qu’il y ait plus d’ho- moueneite et d’ensemble dans le travail. II fut, en con- sequence, charge de preparer un projet complet de la nouvelle Constitution. Quand ce projet fut communique a la Gerance il occasionna de longues et serieuses dis¬ cussions : chaleureusement defendu par trois Gerants, il fut non moins chaleureusement repousse par deux autres qui consentirent neanmoins a ce qu’il fut im- prime pour etre distribue a chaque membre de la Societe. Ce projet causa une grande surprise et une grande irritation dans la Societe, s’il rencontra quel- ques rares partisans, Fimmense majorite ne dissimula pas son mecontentement qui se trouvait justifie par les nouveautes qu’il contenait aussi bien que par les omis¬ sions qu’on y remarquait. Dans la constitution de M. Cabet, il y avait un para- — 77 — graphe, constatant que la Communaute Icarienne avait pour bases le mariage et la famille, avec la possibility du divorce , pour garautir le bonheur et la liberte des epoux; le nouveau projet ne disaitpas un mot de cela. II gardait le memo silence sur la Religion, quoique, pour les Etats-Unis, ee soit une chose capitale, aussi bien que pour la Communaute elle-meme. Mais ce qu’on fut le plus etonne de trouver dans ce projet, c’etaient les dispositions finales, qui portaient : que la minority des deux cinquiemes pourrait toujours provoquer et decider la dissolution et la liquidation de la Societe. On ne pouvait pas se rendre compte comment celui-la meme qui avait empeche fadoption de la repartition des benefices, qui avait pour but de garantir chaque individu contre Y oppression de la majorite de ses co-as- socies, pouvait proposer de mettre la majorite a la dis¬ cretion de la minorite, pouvant a chaque instant l’obli- ger a dissoudre et a liquider la Societe. Aussi , cette disposition rencontra-t-elle une opposition presque unanime au sein de la Colonie. J’avais moi-meme pro¬ teste avec quelques-uns de mes co-religionnaires, qui avaient eu connaissance de ce malencontreux projet. Cette reprobation generale et Tagitation qu’il avait sou- levee dans la Societe , obligerent d’en ajourner la dis¬ cussion en Assemblee generale. On etait alors au mois de janvier 1858, on renvoya la discussion au mois de novembre suivant. L’agitation causee dans la Societe par Y apparition de ce projet, jointe aux luttes intestines dans la Gerance, dont le secret avait transpire dans la Societe, connnen- cerent a jeter l’inquietude; on parla de la formation d’une nouvelle opposition qui, comme celle de Nauvoo, — 78 — ne voulait plus de la Communaute et voulait faire pre- valoir une autre forme dissociation. Le projet de cons¬ titution , ou le mot Icarien n’etait meme pas insert, n’etait pas fait pour rassurer; aussi, les nouveaux arri¬ ves, qui avaient espere de trouver 1’union parfaite dans la Colonie, voyant que le sentiment Icarien n’etait pas dans tous les coeurs, commencerent adouterde l’avenir, et quelques retraites eurent lieu. Neanmoins, la Colonie prosperait materiellement parlant, l’acquisition de la belle propriete de Cheltenham, a des conditions emi- nemment avantageuses etait une garantie pour le main- tien de cette prosperity, et, sous ce rapport, les plus belles esperances pouvaient etre legitimes. Le jour de la reprise de la discussion arrive enfin ; mais tous les efforts tentes depuis l’ajournement pour ramener le calme dans les esprits n’avaient abouti a aucun resultat reel. Quand je recus, dans les premiers jours de janvier 1859, les proces-verbaux des premieres seances de TAssemblee, je previs des discussions tres vives et tres irritantes pour l’avenir. II etait impossible, en effet, que le ton provocateur et hostile que prenait M. Vogel pour soutenir son projet, n’amenat pas des repliques aussi vives de la part de ceux qui le repous- saient. Ceux-ci mirent d’autant plus d’energie dans les. arguments qu’ils presentaient contre le projet Vogel, qu’ils etaient convaincus que le but secret des nou- veautes qui s’y trouvaient, aussi bien que les omission que j’ai signalees plus haut, etait de denaturer les insti¬ tutions Icariennes, pour amener la Colonie a une trans¬ formation complete, dans son principe et dans son but. Vogel se defendit d’abord des intentions qu’on lui pretait , mais comme on lui opposait Fopinion de — 79 — M. Cabet, il ne tarda pas a se devoiler en attaquant les opinions et le caractere meme dn Fondateur d’Icarie, affirmant d’unair doctoral qu’il s’etait trompe et sur la theorie et sur la pratique de la Communaute , 1*accu¬ sant, en quelque sorte, d’avoir voulu etablir le despo- tisme et la tvrannie dans la Colonie. Renouvelant enfin, contre la memoire de Cabet, toutes les attaques de Top- position de Nauvoo. Tu devines, mon cher ami, la tempete que dut sou- lever un tel langage au sein de la Colonie. L’irritation devint extreme de part et d’autre, car Vogel n’eta it pas seul; une citoyenne et quelques citoyens fappuyaient tres vivement. Pour eviter un plus grand desordre, il fallait a tout prix mettre fin a cette discussion. Merca- dier le comprit et proposa de revenir purement et sim- plement a la Constitution de M. Cabet, en ajournant a deux ans la revision et FEngagement; inais en deman¬ dant aussi que des explications fraternelles fussent don- nees en Assemblee sur Is caractere de la discussion qui venait d’avoir lieu. Ces deux propositions furentaccep- tees unanimement. En meme temps, comme les elec¬ tions du 3 fevrier approchaient, Mercadier fit connaitre son intention de ne pas accepter la candidature, ni pour la Presidence, ni pour la Gerance, donnant ainsi un eclatant dementi au bruit repandu secretement dans la Colonie, que Mercadier ne soutenait le principe de la Gerance unique que par ambition personnelle. Mais vois encore quelle singuliere contradiction; ceux-la memes qui criaient le plus fort contre lui tout a fheure, vont maintenant faire le plus d’elforts pour qu’il ac- cepte de nouveau la Presidence de la Communaute. Mais il declare que sa resolution est irrevocable , parce 80 - qn’il Fa prise apres avoir inurement refleclii et parce qu’il est convaincu qu’il doit agir ainsi dans Finteret dela Communaute. « II faut, ajoutait-il, qae la Colonie » s’habitue a ne compter que sur elle-meme, et a ne » considerer personne comme indispensable ». La retraite de Mercadier de la Gerance entrainait ne- cessairement celle de tous les autres Gerants, et c’est peut-etre pour ce motif que quelques personnes faisaient tant d’efforts pour le decider a revenir sur sa resolu¬ tion. En revenant a la Constitution de M. Cabet, on avait decide qu’il n’y aurait que quatre Gerants au lieu de six. Les elections eurent lieu et MM. Favereau, Bira, Mesnier pere et Uteimveler furent elus a l’unanimite; Favereau, comme President de la Communaute. Apres les explications demandees par Mercadier. FAs- semblee avait decide qu’une Adresse serait envoyee aux Ieariens.du dehors, pour leur expliquer ce qui s’etait passe dans la Colonie et pourquoi on etait revenu a Fancienne constitution en abandonnant momentane- ment FEngagement. Une commission avait ete nommee pour preparer cette Adresse; Mercadier qui en faisait partie fut charge de la rediger. Son travail amende et acceptefpar la commission, celle-ci le presente a l’Assemblee generalequi Faccueille favorablement. Vogel seul declare qu’il n’exprime pas ses idees; mais la dis¬ cussion en est renvoyee a un autre jour. Dans cet intervalle, la Gerance recoit une lettre collective de quelques Icariens de Paris, que ces derniers avaient ecrite spontanement, a la reception des nouvelles faisant connaitre les attaques dirigees contre la memoire et les idees deM. Cabet. Yoici cette lettre, signee seulement — 81 - par 34 personnes, parce qu’elle avait ete redigee et si- gnee a la hate : Paris, le 9 fevrier 1859. Freres et Soeurs. « Les deux derniers courriers que nous venous de recevoir de Cheltenham, nous apportent de facheuses nouvelles de votre situation morale. » Les soussignes considerent cette situation comme tellement grave qu’ils croient devoir prendre Finitia- tive au nom de tous les Icariens de France, pour vous communiquer Fimpression qu’elles ont produite sur eux. » Nous vous disons tout de suite que nous lie sommes point effrayes des evenements qui viennent de troubler la Concorde parmi vous, parce que nous avons la ferme conflance que le mal etant connu, ii sera facile d’y porter un remede prompt et radical et aussi parce que nous avons le desir et la volonte de trouver ce remede, et que nous sommes convaincus que vous n’hesiterez pas a Fappliquer. » La solidarity d’interet qui existe aujourd’hui entre les Icariens de Cheltenham et ceux de France donne le droit a ces derniers et leur impose meme le devoir d’intervenir, non pas dans les details de Forga- nisation de la Colonie, mais dans la solution a donner a toutes les questions de principe qui interessent Favenir de la Communaute; nous avons ce droit, parce que la Communaute Icarienne n’est pas le patrimoine des Memhres de la Colonie seulement, mais bien celui de tous les Icariens presents et a venir. y> Notre devoir est d’intervenir, parce que nous y sommes directement interesses, non seulement pour nous-memes, mais encore pour nos enfants, pour qui surtout nous voulons fonder Icarie. » La discussion qui vient d’avoir lieu a Cheltenham en Assemblee generale, a Foccasion de la revision de la Constitution; la violente opposition qui s’y est — 82 — revelee de la part de quelques-uns d’entre vous contre l’Unite d’Administration, recommandee par le Fonda- teur d’Icarie et adoptee a Funanimite, il y a deux ans a peine, par tous les Membres de la Colonie : Fetrange declaration de Fun des orateurs qui est venu dire a l’Assemblee qu/en descendant a Saint-Louis a la fin de 1856 on ne savait pas si on ferait de la Commu- naute ou de FAssociation. Tout nons indique la necessity d’intervenir pour protester contre des ten¬ dances et des actes qui nous paraissent anti-lcariens. Nous croyons voir en effet, qu’il y a dans le sein de la Colonie, quelques personnes qui ne sont pas Icariennes et qui veulent entrainer la Societe dans une voie contraire au but pour lequel elle est formee et en vue duquel nous avons fait et nous voulons faire encore tous les sacrifices qui seront en notre pouvoir. » Nous ne voulons censurer les idees de personne r nous entendons que chacun soit libre dans sa conscience et dans son esprit comme nous entendons Fetre nous- memes. C’est dire que nous n’entendons pas considerer ceux qui pensent autrement que nous comme ennemis, ni meme comme adversaries, nous voulons toujours les considerer comme nos freres, mais a la condition qu’ils respecteront notre liberte comme nous voulons respecter la leur. C’est qu’ils ne nous imposeront pas plus leurs idees, qu’ils ne veulent que nous leur impo- sions les notres. )> Nous avons vu avec peine les mots de Dictature et de Despotisme prononces a propos de l’unite de direction proposee pour base de FOrganisation de FAdministration et a Foccasion d’un President elu responsable et revocable. II nous semble que c’est faire la un deplorable abus des mots et mal comprendre l’economie de Forganisation sociale de la Communaute, aussi nous sommes persuades qu’il y a une certaine confusion dans les idees de plusieurs de nos freres et qu’ils se sont determines contre Funite de direction, sous Finfluence de souvenirs ou de preoccupations etrangeres a la doctrine en elle-meme, et nous esperons 83 — qu’apres un examen plus approfondi de la question de principe, qu’ils se rallieront a nous. » Quant a ceux qui ont des idees et des projets differents des notres, qui ne veulent plus appliquer ni pratiquer la doctrine Icarienne, nous pensons qu’ils doivent se retirer pour mettre , s’ils le veulent, leurs propres idees en pratique et nous laisser appliquer les notres comme nous les comprenons. Et pour qu’il n’y ait aucune equivoque a cet egard, nous leur declarons que nous considerons cette conduite comme etant pour eux une question d’honneur et de probite. » Chacun de nous souserit ou prete a la Colonie l’argent qui lui est possible de prelever sur les besoins de sa famille; mais nous entendons que le fruit de nos privations soit employe a fonder la Communaute Ica¬ rienne telle que le cit. Cabet nous l’a enseignee, avec ses bases essentielles; le mariage, la famille et la religion de la Fraternite humaine, comme fondement des usages et des mceurs de la societe. Employer l’argent provenant de nos souscriptions a la fondation d’une societe organisee dans des vues differentes de cellesque nous avons nous-memes, ou tendant a un but different serait un detournement, un abus de confiance dont nous n’admettons pas qu’aucun de vous puisse avoir ia pensee; et si nous posonsaussi nettement la question, c’est pour qu’il ne puisse plus y avoir entre vous et nous, ni dans le present ni dans l’avenir , aucun mal- entendu. » Nous avons besoin qu’il y ait unite de vue entre vous et nous, etsur le but a atteindre, et sur les moyens a prendre pour y arriver; pour que cette unite se fasse nous venons done vous prierde nous dire, explicitement , . quel but vous vous proposez et quelle marche vous entendez suivre pour 1’atteindre ? » En attendant, nous declarons approuver nosfreres qui, dans un but de conciliation, ont eu la force et le devouement de faire abnegation de leur opinion et de la notre, pour conserver l’ordre necessaire a nos interets communs; mais nous declarons en meme temps que le maintien de la division dans la direction de la societe ne pouvant nous inspirer aucune confiance, nous ne - 84 ~ consid^rons ce maintien qae comme provisoire, et n’enchainant en aucune facon notre avenir. » En terminant, nous aimons a vous renouveler l’assurance de notre concours le plus devoue, pour faire triompher la cause Icarienne, que nous regardons toujours comme F expression la plus elevee de la justice et de la verite, et aussi la confiance que nous avons dans l’avenir d’Icarie. » Vos soeurs et vos freres de Paris. Void maintenant comment s’exprimait le projet d’Adresse aux Icariens du dehors sur la situation mo¬ rale de la Societe : ». Lorsqu’on commence a s’ecarter de la bonne voie, on s’en eloigne bientot d’une maniere grave et dan- gereuse. Cette fois, nous n’avons pas ecbappe a cette loi generale. Du sein de tous ces desordres, des idees de division, jetees peut-etre au vent du liasard, ont germe, grandi, au point que deux partis commencaient a s’imaginer dans la Societe. » Cet etat de choses, sans en exagerer la gravite, a eu de facheuses consequences; sa mauvaise influences’est fait sentir dans tout ce qui nous est arrive. Nous allons citer seulement quelques exemples : D'abord n’est-ce pas a lui que nous devons, en grande partie les exces et les ecarts de la discussion de la Constitu¬ tion? Sans Fidee de parti, aurait-on parle de violation d’engagement, de tyrannie, d’ambition? Ensuite, nous n’ignorons pas les desordres et, pour ainsi dire, les passions que plusieurs affaires judiciaires ontsoulevees dans nos Assemblees, depuis notre depart de Nauvoo; n’est-il pas certain que ces desordres et ces passions provenaient generalement de Fesprit de parti ? Les personnalites n’ont-elles pas souvent ete mises a la place de Finteret general? Enfln, souvenons-nous des departs et de leurs membres, et surtout de ceux de septembre 1857 et septembre 1858. Dans quelles circonstances sont-ils venus? Comment nous ont-ils trouves? Quelles ont ete leurs desillusions? Nous pouvons et nous devons le dire : le depart de septembre 1857 est arrive au moment ou Fon faisait une propagande - 85 — assez etrange au sujct de la repartition des benefices, et, quelque temps avant la presentation du Projet de Constitution de la Gerance, et le retour d’une lettre anti-Icarienne, envoyee a Paris. La maniere dont on discuta , publiquement en dehors de l’Assemblee, ces- questions diverses, exerga une influence defavorable sur fesprit de nos nouveaux freres, les membres de la nouvelle Avant-Garde. Quant au depart de septembre dernier, il est juste arrive pour jouir du spectacle de nos discussions de la Constitution , et pour entendre les longues explications qui les ont suivies. Ses desillu- sions ont du etre grandes; un de ses membres a era devoir declarer qu’il finirait ici son provisoire pour nous voir a Poeuvre plus longtemps, mais qu’il ne pensait pas pouvoir faire sa demancle en admission definitive. Nous nous en tiendrons la, pensant que ces trois sortes d’exemples demontreront suffisamment le defavorable effet, non de cette presence mais de cette idee de parti , resultat de la non-execution de l’Enga- gement du 13 octobre. cc Le bien et le mal causes par l’inexecution et l'inob- servation de fengagement sont une double preuve du tort que nous avons eu; ce tort, e’est d’oublier, e’est d’ecarter l’Engagement, e’est de ne pas f avoir suivi de point en point, de plus en plus, dans toutes ses dispo¬ sitions. Quel est le rernede ? 11 est tout simple ; il est dereconnaitre l’Engagement, d’y revenir franchement, de l’executer, en l’examinant, en s’en rendant compte, en fexpliquant. Ainsi, nous proposons l’observation de plus en plus complete de l’Engagement du 13 octobre, e’est-a-dire le programme suivant: « Respecter et defendre la memoire de Cabet; » Continuer et organiser la propagande; » Accepter et preparer de loin l’emigration ; » Executer la loi contre le tabac ; » Continuer le Cours Icarien, en y prenant chacun » une part de plus en plus grande ; » S’babituer a acquerir les qualites de la sociability ; » Maintenir a tout prix les principes et le systeme > Icariens, se montrer tres circonspects a leur egard; x> Accepter et organiser la repartition des benefices; — 86 — » Executer farticle 79 relatif au silence dans les » ateliers ; » Etre ealme dans l’Assemblee ; » Ne modifier les institutions , notre Constitution et » nos lois, que dans un cas indispensable; » Adopter la Gerance unique, en ecartant toute idee » d’un pouvoir fort et exclusif, et la mettre en pra- » tique, conformement a la revision de la Constitution. » Tel doit etre notre programme; tel il sera. La lecon resultant de ce qu’on l’a oublig a ete assez grande; nous en profiterons. Le Fondateur de notre entreprise a in¬ sere dans l’Engagement son experience de huit ans; nous avons ete de son avis; devons-nous cesser de fetre? L’experience de plus de deux ans que nous ve- nons de faire ne nous dit-elle pas, d’une maniere elo- quente quels ont ete nos torts? Et d’ailleurs quel est le veritable progres? Pour nous qui avons accepte, et qui acceptons le Voyage en Icarie , et qui sommes ici pour le mettre en pratique, ne devons-nous pas fair toutes les occasions de discussions longues, irritantes, pas- sionnees? Le progres, le veritable progres n’est-il pas toujours dans faction ? Le probleme de notre situation peut se poser ainsi : « Etant donnes le Voyaqe en Icarie , le Vrai Chris - tianisme , les Douze lellres , qui contiennent les prin- cipes du systeme Icarien, et, d’un autre cote, l’Engage- ment Icarien du 13 octobre 1856, qui contient Y ex¬ pression resumee de notre experience: realiser ces principes et la Communaute au moyen de cet Engage¬ ment, jusqu’a ce qu’une experience differente vienne modifier ce dernier. » » Si nous suivons loyalement la solution de ce pro¬ bleme, nos discussions seront calmes, rares, fructueu- ses; l’union ne sera pastroublee; le travail sera abon- dant; la production sera plus grande; notre bien-etre et notre prosperity augmenteront. Nous ne saurions resister au plaisir de citer ici Fexemple des Suedois de fUlinois, de cette societe qu’un de nos admis provi- soires a visitee au mois de decembre dernier, et dont nous avons publie certains details interessants; nous avons vu deux choses, d’abord que cette Societe etait — 87 — pauvre et qu’elle est devenue assez riche, et ensuite qu’elle aime pen les discussions et qu’elle a horreur des faux savants. Faisons comme elle; discutons peu ; agis- sons , travaillons ; et, comme elle, nous changerons notre situation precaire en un etat tres satisfaisant ». » Tels sont les faits et les considerations, qui peuvent faire connaitre notre situation morale. En nous adres- sant aux Icariens de tous les pays, nous les assurerons qu’ils la voient telle qu’elle est, et aussi bien que nous. Nous leur recommanderons de bien s’en penetrer, afm que tout ce qu’ils diront et feront ait une portee juste. Qu’ils s’efforcent, de leur cote, de se perfectionner, afin de nous preter un concours plus efficace; qu’ils etudient et comprennent, qu’ils s’appretent a mettre en pratique les dispositions diverses de l’Engagement du 13 octobre; qu’ils s’occupent specialement de la double question de la propagande et de l’emigration; que le Cours Icarien leur fournisse les moyens de s’ins- truire et de se moraliser; que leurs bonnes qualites exercent sur nous une influence salutaire; qu’ils se montrent, en arrivant et pendant le provisoire, circons- pects, independants, prudents, afin de juger par eux- memes, et de ne pas porter un jugement premature, et d’apres des faits qui ne constituent pas toujours la situation normale de la Societe ». La lettre des Icariens de Paris fut communiquee a PAssemblee generate le meme jour que le projet d’Adresse aux Icariens du dehors, et fut accueillie avec une grande satisfaction par la Majorite; personne ne fit d’observations qui pussent faire supposer qu’elle cboquait quelques membres de la Societe. Cependant, a quelques jours de la, quand la discussion de l’Adresse aux Icariens vintdevant l’Assemblee, Vogel et quelques- uns de ses amis, avaient decouvert que la lettre de Paris disait; que les partisans de la Gerance multiple devaient se retirer de la Colonie. On eut beau relire cette lettre pour demontrer qu’elle disait seulement; que ccux qui ne sonl pas Icariens doivent se retirer * 11s n’en persistent pas moins dans leur interpretation, Pun d’eux vient dire qu’il ne faut pas s’ar re ter aux lettres et aux adresses du dehors, qu’il faut se passer 9 — 88 — d’eux etc., un autre s’ecria: (t nous sommes deux partis » ici; it y a Majorite et Minorite et pour ma part je » suis fier d’appartenir a la Minorite parce que Pavenir » est aux Minorites, » et celui-ci est tout fier d’avoir repete cette phrase qu’il prend pour une verite de haute politique, sans reflecliir, et sans s’apercevoir que ce n’est qu’une grande absurdite, quand on veut Pap- pliquer d’unemaniere generate. Mais ces deux declarations, venant confirmer d’autres faits qui laissaient craindre que Papparente conciliation obtenue par l’abandon momentane de PEngagement et le re tour a la Constitution de 1851, ne fut pas sincere , de la part de ceux qui avaient lutte avec tant d’achar- nement contre PEngagement; la Majorite pensa qu’il etait temps de mettre un terme aux interminables discussions. Le Presidentde la Communaute, M. Favereau prit Pinitiative d’une resolution energique. «J’ai accepte » laPresidence, dit-il, dans unbut de conciliation, mais )) ce qui se passe parmi nous me fait voir que »je me suis trompe. Le voyez-vous , dit il encore, » montrant le portrait du Fondateur d’lcarie, e est avec » lui, avec ses principes que je veux marcher: vous )> entendez nos freres de France q.ui nous disent, avec )> raison, que Cheltenham n’est pas seulement votre » patrimoine, mais aussi le leur et celui de leur enfants » et qu’ils n’entendent faire de sacrifices que pour les » principes Icariens et pas pour autre chose. Eh bien I » je vous declare que je ne sortirai pas d'ici que nous » en ayons fini avec ceux qui pretendent nous faire » faire autre chose. » Cette declaration est acclamee par la Majorite, et Pun de ses membres fait la proposition de rentrer immedia- tement dans PEngagement du 13 octobre, et formule sa proposition , a peu pres dans les termes et dans resprit du dernier alinea de la reponse a PEngagement: on passe au vote; 3 ou 4 seulement, votent contre; mais au grand etonnement de tous, Yogel declare qu’il vote des deux mains pour la proposition, par consequent pour PEngagement. Personne ne croit a la sincerite de son vote, et cette hypocrisie indigne, autant ceux qu’il a entraines a lutter contre la Societe sous pretexte de — 89 — l’Engagement, que ceux qui ont defendu celui-ci. Le lendemain dimanche, il convoquesecretement, pour se reunir dans un bois, a 2 kilometres de Cheltenham , tous ceux qu’il sait hostiles a FEngagement, et la, il leur explique son vote en leur proposant d’accepter l’Engagement, pour mieux le miner par une opposition systematique dans son application, dans chacun de ses details. Mais il avait mal juge ceux a qui il s’adressait, car deuxou trois seulement approuverent sa proposition tandis que tous les autres la repousserent comme indigne d’eux , et le lendemain, ils envoyaient leur lettre de retraite a la Gerance. Vogel fut lui-meme oblige de suivre le mouvement et envoya aussi la sienne. Tels sont en resume, mon cher ami, les evenements que j’avais a te raconter. Il me reste a ajouter que le nombre des retraites a ete de 44 personnes, 21 hommes, 14 femmes et 9 enfants, et que tous avaient quitte la Colonie le 9 avril. Dans ce nombre la moitie ou un tiers sont regrettes par nos amis et regrettent ou regret- teront bientot la Communaute, et y rentreront plus ou moins vite; parce qu’ils sontlcariens, et qu’avecquelques defauts comme nous en avons tous, ils ontbeaucoup de bonnes qualites. Tout en se retirant , la plupart ont exprime des sentiment fraternels a ceux qui continuaient a rester a leur poste, et je suis heureux de pouvoir le constater; nous nous sommes separes parce que nous avions des idees differentes sur quelques points de 1’Organisation Icarienne; mais nous pouvons continuer a nous estimer et a nous considerer comme freres , et c’est une conso¬ lation qui enleve toute l’amertume de la separation. Quant a ceux, en tres petit nombre, deux ou trois, qui font exception a cette conduite raisonnable et digne,' nous les plaignons, parce que le manque de coeur et d’esprit dont ils ont fait preuve, est de nature a nuire plus a leur consideration qu’a nos interets qu’ils ont voulu compromettre. — 90 — VII. La courte et rapide esquisse que je viens de faire de Fhistoire d’Icarie, peut nous servir de fil conducteur, si je puis m’exprimer ainsi, pour remonter a la source du mal qui nous mine, qui nous epuise continuellement, depuis le commencement de notre entreprise de coloni¬ sation. La cause du mal, je devrais dire les causes car, bien qu’une dans son expression elle est multiple dans son principe, c’est Tesprit revolutionnaire, qui, par les cir- constances que nous avons vues en commencant, et surtout par suite de la Revolution de fevrier 48, et de la reactionn qui la suivit, est veuue se melangera l’es- prit lcarien, l’a opprime, et a constamment cherche a le denatures Je n’ai pas a faire ici la critique de Tesprit revolu¬ tionnaire, je veux seulement constater la difference qui existe entre lui et {’Esprit lcarien pour expliquer leur antagonisme naturel. Le caractere de l’idee revolutionnaire, est surtout la lutte, le renversement. De la, cette disposition d’esprit, chez ceux qui sont sous 1’empire de cette idee d’etre naturellement , portes a la critique et a 1’hostilite , souvent a la haine contre les institutions, si non, contre lespersonnes. L’habitude deconfondreles liommes et les choses, les excite a croire que le renversement des per- sonnes peut sulfire pour operer un changement radical dans les institutions; de la encore, cette erreur non moins funeste, qui les porte a croire que les change- ments operes soudainement, par une Revolution, doi- vent amener instantanement un changement radical dans les conditions sociales, et cela en dehors des efforts individuels de chacun. Consequemment, ils mettent toute leur activite, toute leur energie a changer, a modi¬ fier la societe, mais sans songer a modifier ni les habi¬ tudes, ni les moeurs des individusqui la composent. Le caractere de l’idee Icarienne est tout l'oppose de ce que nous venons de dire. Convaincus que l’ordre — 91 - social ne peut pas etre tranforme subitement, par le simple effet (Tun changement de loi, les Icariens sont moins impatients. Considerant les imperfections des hommes et des institutions, comme etant la conse¬ quence de Tignorance de l’Humanite anterieure, ils sont sans colere contre toutes ces imperfections. Le principe de la Fraternite Humaine, qui forme la base de la Doctrine Icarienne, porte FIcarien a des sentiments de bienveillance et defection pour tous ses semblables. Convaincus, d’autre part, que les institutions ne sont que Fexpression de l’etat des mceurs de la Societe et du degre destruction des individus qui la composent, c’estpar le developpement de Finstruction et la reforme des moeurs des individus, qu’il prelude a la reforme de la Societe. Deces contrastes entre Fidee revolutionnaire etl’idee Icarienne sont nes Fantagonisme et la lutte, resultat ine¬ vitable de la presence de ces deux elements dans le sein de la Colonie icarienne. Et celle-ci n’a ete, a vrai dire, depuis sa naissance, que le theatre de la guerre des deux idees, Revolutionnaire et Icarienne. Cette derniere a ete vaincue a Nauvoo; mais elle vient de remporter Favantage a Cheltenham. Et nous pouvons dire que ce n’est que d’aujourd’hui que nous sommes maitres de nous-memes, et que nous commencons a fonder Icarie. Aussi, cette lutte derniere, loin de nous decourager, ne fait qu’augmenter notre courage et raffermir nos espe- rances. Et ces esperances, nous les partageons avec nos Freres de Cheltenham, dont Fun d’euxtermrne la lettre que je viens de recevoir par ces lignes : ce J’eprouve, en ce moment, une de ces satisfactions qu’on ressent toutes les fois qu’on a fait son devoir, que Fon a la conscience pure, et que le succes a enfin cou- ronne nos efforts. Ici, il ne s’agit point d’un succes or¬ dinaire et ego'iste; il s’agit du triomphe de la plus belle des causes. Ce succes est d’autant plus consolant qiFil a ete remporte sans violence et sans fraude; au grand jour, et au nom d’un principe. Aucune victime n’a si¬ gnals ce succes; aucune douleur n’a ete eprouvee, au¬ cune injustice n‘aete commise. Nous sommes unis, nous nous entendonsbien, nos assemblees sont calmes, nous — 92 — faisons vile nos affaires. En ce moment, la Communaute est an charme. Je vous 1’assure, je n’ai jamais dans ma vie eprouve de plus douces jouissances, si ce n’est en 1857, lorsqu’apres la mort de Cabet, je fas convaincu qu’Icarie survivrait a son Fondateur. Oh! que la Com¬ munaute serait belle, si nous restions ainsi. Cette fois, nous y sommes bien resolus , et, pourvu que les nou- veaux arrivants partagent notre resolution et nos idees completement, je crois fermement qu’Icarie se consoli- dera. Jamais je n’ai eu plus de confiance ». VIII. Dans ma prochaine lettre, que je ne te ferai pas beaucoup attendre, je te donnerai la liste de ceux qui ont quitte la Colonie et celle de ceux qui y sontrestes; il me reste trop peu de place et de temps pour le faire aujourd’hui, je te dirai done seulement qu’apres le depart de ceux qui se sont retires, la Colonie s’est immediatement reorganisee. La Constitution a ete revi- see conformement a l’Engagement du 13 octobre, et nos amis Mercadier et Favereau ont ete elus a l’unanimite pour 4 ans, le premier, President et le second, Vice- President de la Communaute. Le President a choisi pour Directeurs Generaux , les citoyens Bira pour FAgriculture et 1’industrie ; Mesnier pere, pour le logement, le vetement, la sante, etc., Gamier, pour les achats, la nourriture, etc. Tout cela a ete fait en quel- ques jours, parce que nos freres sentaient la necessite d’en finir avec toutesles discussions, et que, d’un autre cote v toutes ces mesures etaient preparees depuis long- temps en vue de leur adoption par toute la Societe. Celle-ci avait d’ailleurs besoin, apres la retraite d’un tiers de ses membres, de redoubler d’energie et d’acit- vite au travail pour faire face, d’un cote a tous les en¬ gagements, pris en vue d’une production beaucoup plus considerable qu’elle n’allait etre par suite de la dimi¬ nution du personnel. Et, de l’autre, pour fournir a ceux qui se retiraient les sommes indispensables a leurs premiers besoins. Toutes ces circonstances constituent pour la Societe, - 93 — une situation fmanciere extremement genee et meme impossible, sans le coneours des Jcariens du dehors. Mais nos freres ont la confiance que ce coneours ne leur fera pas defaut. Deja, en 1856 et 57; ce sont les dons et les prets des Icariens du dehors qui ont rendu possible la creation de la nouvelle Societe. Aujourd’hui la position est cent fois meilleure, car il ne s’agit pas de creer a nouveau , mais de conserver une situation excellente d’ailleurs. En un mot, nos freres de Chelten¬ ham peuvent sufiire, par leur travail, non seulement a tous leurs hesoins, mais a payer une somme de 3,500 dollars environ pour les engagements anterieurs. Mais il faudra que nous leur fournissions 3,500 a4,000 dollars d’ici a la fin de janvier 1860, soit 18 a 20 mille francs, dont une partie , 6 a 8,000 francs , le plus tot pos¬ sible. Et j’ai la certitude que ce ne sera pas en vain que nos freres auront compte sur nous. Chaque Icarien comprendra quee’est un devoir pour lui de participer aux charges de la Communaute, et chacun suivant ses forces. Ne pas le faire, dans les circonstances on nous sommes, ce serait avouer qu’on n’est pas Icariens et qu’on n’en prend le litre que dans fespoir d’en tirer quelques avantages. Mais je suis convaincu que tous ceux qui, comme toi mon cher Eugene, sont animes d’une conviction sincere et dont le cceur est eehauffe par famour de l’humanite, redoubleront de zele et de devouement, pour prendre leur part des charges qui pesent en ce moment sur notre oeuvre commune. Je t’ai deja parle, dans ma lettre de decembre 1858, du mode de souscription a un sou par jour, propose par un de nos coreligionnaires, qui proposait a tous les Icariens d’adopter ce mode, pour fournir a la Colonie les ressources necessaires a la creation de son materiel agricole et industriel etsurtout, pour payer lapropriete de Cheltenham; un autre de nos coreligionnaires avait, dans le meme temps, la meme idee, quoique separe du premier par une distance de plus de 2000 lieues, et joignant immediatement faction a la parole, il creait la souscription a un sou par jour de travail, qui etait adoptee aussitot par nos autres coreligionnaires de la - 94 — meme ville (Rio de Joneiro, Bresil), et ilm’ecrivait au inois d’avril dernier, en m’envoyant le trimestre de la souseription : « Conformement a notre engagement dans la lettre » du 9 deeembre dernier, je vous envoie ci-joint une » traite de 187 francs 50, produit de la cotisation de » 50 personnes, pour le premier trimestre, a partir )> du premier janvier 1859. » Siles Icariens du dehors comprennent bien leurs » interets, la presente lettre aura deja ete precedee de » beaucoup d’autres traitant de la meme question, et » ceux qui n’ont pas encore donne leur adhesion se » hateront de Fenvoyer sans hesiter, au risque d’etre » regardes comme dissidents, ou comme des hommes » qui prennent le titre d’Icariens dans l’intention de » jouir des bienfaits de cette Societe sans vouloir » prendre aucune part aux peines et travaux quecout era » la grande entreprise humanitaire. Mais je suis loin » de penser qu’il y ait des Icariens de cette derniere » espece, je pense au contraire, que tous sans excep- » tion, contribueront, par le moyende la cotisation, » a la formation de la grande oeuvre qui offre certaine- » ment plus d’avantages materiels et moraux que toute » autre entreprise. » Les Icariens de tous les pays doivent done diriger » tous leurs efforts vers le meme point, leur chemin » est tout trace et s’ils le suivent fidelement, ils » marcheront surement et sans aucune secousse vers » un meilleur avenir. » La Societe de Cheltenham a besoin de savoir si » elle peut compter sur les Icariens du dehors; elle » le saura par le moyen de la cotisation a un sou » par journee de travail, ce qui est a la portes de tous; » encore ce leger concours n’est pas un sacrifice mais » seulement de Fargent prete que Ton pourra au besoin » reprendre, capital et interets. » D’apres ce qui precede, tous les Icariens du dehors » saisiront cette occasion pour prouver qu’ils sont » fermement decides a soutenir leurs freres et soeurs » de Cheltenham pour agrandir rapidement Foeuvre » commune. — 95 » Cette entreprise etant institute dans Finteret de » Fhumanite tout entiere , la Societe qui y travaille, » doit successivement s’agrandir aussi, tant aFexterieur » qu’a l’interieur, mais pour cela il faut absolument » des moyens suffisants, c’est pourquoi les rnembres de » Fexterieur ne doivent passe proposer de completer le » million seulement, maisils doivent declarer la cotisa- » tion perpetuelle comme la Societe elle-meme. Si » les rnembres de Fexterieur sont reellement animes » du devouement Icarien, ils iront plus loin encore, * et ils feront une Adresse, signee ou approuvee par tous, » qu’ils enverront a FAssemblee generate a Cheltenham » pour qu’elle rende la cotisation obligatoire pour tout » Icarien travailleur, que les Icariens de Paris prennent » rinitiative et tout ira bien, cette proposition paraitra » peut-etre un peu bardie a bien des Icariens parce » qu’ils penseront qu’on ne devrait rien imposer de » semblable; mais si la Majorite des rnembres de l’exte- » rieur le demande elle-meme, cela ne sera pas un im- » pot, mais tout simplement une loi de plus a ajouter » aux autres concernant les rnembres de Fexterieur » comme la loi;sur Y Admission sur l’apport, sur les » qualites exigees pour etre admis, etc. » D'ailleur si les Icariens veulent une Icarie, leur » devoir reciproque est d’adopter definitivement et » pour toujours ce moven qui contribuera largement » a leur propre bonheur, a celui de leurs enfants et a » celui de Fhumanite souffrante. » Bien, tres bien, voila un bel et noble exemple a sui- vre, donne par nos coreligionnaires du Bresil, etje n’hesite pas a le proposer a tous. Seulement, la Sociele Icarienne n’existant qu’a Cheltenham, celle-ci ne peut prendre aucune mesure qui rende la souscription obligatoire aux Icariens du dehors. L*obligation est pour eux seulement morale. Mais elle n’en est pas moins comprise et acceptee par tous ceux qui sont reellement Icariens, et c’est au contraire parce qu’ils sont libres et ne relevent que de leur conscience qu’ils se font un devoir sacre de souscrire. Je n’ai pas besoin de te recommander, mon cher ami, de stimuler le zele de nos coreligionnaires avec les- — 96 — quels tu es en relation, ni de bien leur expliquer, que ce n’est pasun don qu’on leur demande, mais seulement une avance, un pret, contre lequel on leur donne des titres de YEmprunt lcarien , qui lui seront rembourses aux epoques determiners par la loi sur l’Emprunt. Quant aux personnes qui ne seraient pas tout-a-fait Icariennes et qui voudraient souscrire, soit a un sou par jour, soit pour des sommes plus ou moins fortes, et qui demanderaient quelles sont les garanties pour les sommes pretees; je te rappelle que la Colonie em- ploie les sommes provenant de FEmprunt a payer la propriety de Cheltenham, et qu elle m’a en outre donne un fidei-commis, ou une sorte de delegation, sur ladite propriety, comme representant de tous les porteurs d’obligations. Je proflte de cette occasion pour te prier de donner avis a tous ceux qui sont actuellement porteurs de ti- tre provisoire des obligations de YEmprunt lcarien , que je viens de recevoir les titres definitifs, que je vais m’occuper, dansle courant du moisde juin, deremplir toutes les formalites legates pour pouvoir les echanger en juillet, contre les titres provisoires qu’on aura a me renvoyer. Tu feras bien, pour eviter a tous des frais de transport, de reunir tous les titres qui sont dans ta lo¬ calise pour me les envoyer en un seul paquet affranchi. En meme temps que je te ferai la remise des titres, je paierai les interets echus jusqu’au 31 decembre 1858. Chacun aura done a me faire savoir comment il fera toucher la somme qu’il aura a recevoir ou par quelle vole il faudra la lui envoyer. Allons, mon cher ami, du courage, de Factiviteet de la perseverance. Ayons foi en notre cause, ayons foi en nous-memes. Aidons-nous et le del nous aidera! Paris, le 28 mai 1859. J’oubliais de te prevenir que Fadresse de la Colonie est changee. Pour les lettres, il faut maintenant les adresser: Post-Office Box, N° 3602, a Saint-Louis, M° Etats-Unis d’Amerique. PARIS. — TYPOGRA.P31E ET LITHOGRAPHIE FELIX MALTESTE ET C**, Rue des Deux-Porles-Saint-Sauyeur 22. LETTRES ICAKIEB. TROISIEME LETTRE. IX La necessity dans laquelle je me suis trouve de t’expliquer dans ma derniere lettre, les evenements relatifs a la revision de notre Constitution, m’a oblige a ajourner jusqu’a ce jour le compte-rendu presente a la societe par sa Gerance au mois de fevrier 1859. Ce compte-rendu emprunte une impo particuliere aux circonstances qui Font suivi. En effet, il peut etre considere c les operations du mode d'Administratio — 98 — la Gerance multiple; c’est en quelques sorte, la cloture de notre comptabilite ancienne. Ces circonstances me determinent, mon cher Eugene, a te donner dans son entier, et malgre son etendue, ce document de notre histoire. J'ai l’assurance que, dans quelques annees, nous le relirons avec plaisir pour considerer le point d’ou nous serons partis, pour nous mieux faire apprecier le chemin parcouru et le progres accompli. Telle estla conviction qui nous donne a tous la force et le courage de perseverer au milieu des circonstances difficiles qui nous entourent depuis la mort du Fon- dateur de recole Icarienne, ces circonstances ont ete telles, qu’elles auraient decourage des hommes sans conviction, ou dont l’interet personnel aurait 'ete le seul mobile. Les Icariens, en surmontant toutes les difficultes qui se sont rencontrees pour les decourager, ont prouve aumondequ’ils ont une puissance indepen- dante du nombre et de la fortune, et qui peut au besoiu en tenir lieu. Cette puissance, c’est la conviction qu’ils sont en possession d’une idee vraie, c’est que pour eux, laFraternite dont ils cherchent la realisation dans Fordre social , est la loi naturelle de Thumanite, en dehors de laquelle il ne pent y avoir ni liberte ni justice niharmonie dans la societe. Oui! nous le disons avec bonheur, nous devons notre salut a la foi que nous avons en THumanite. Et cette foi nous soutiendra — 99 — toujours, nous y trouverons constamment la force de surmonter les nouveaux obstacles, parce que nous trouvons la raison de cette confiance en nous-memes, dans notre propre conscience qui nous affirme, que l’Humanite ne peut pas se trahir elle-meme ni vivre et se developper en dehors de ses lois naturelles. Qu’on ne s’etonne done pas si nous perseverons a raccomplissement d’une oeuvre qui parait si difficile: nos efforts, nos sacrifices et notre perseverance, se resument dans ces mots; nous croyons enihumanile. COMPTE-RENDU DE LA SITUATION DE LA COMMlNAl’Tfi Du mois d'Aout 1858 aumois de Fevrier 1859 ACHATS ET COMMISSIONS.. ( Le cit. Heggi, Gerant ) « Le voisinage de Saint-Louis nous a mis dans la necessite de confier a un seul Gerant les achats et les commissions : ces fonctions ont tellement du rapport avec plusieurs autres, que nous n’avons pas besoin de nous etendre beaucoup sur leur compte. Celui qui en est charge doit deployer une grande activite et faire preuve de beaucoup d’ordre, et d’une exactitude exemplaire. — 100 — » 11 importe de realiser les achats, soit au comptant; soit a credit, en gros le plus possible; cette regie, que la Gerance a commence a mettre en pratique, devra etre generalisee par la nouvelle Administration. II faudra aussi examiner la question d’un magasin a Saint-Louis , dans le but de faciliter, en meme temps que nos transactions diverses, les achats et surtout les commissions. II sera indispensable de faire ou de raceommoder un ou deux wagons a cet usage. Nous devons mentionner qu’ on a parle d’avoir un omnibus qui ferait plusieurs fois par jour le trajet entre Chelten¬ ham et Saint-Louis. SANTE, SECRETARIAT ET BIBLIOTHEQUE. (Le cit. Vogel , Gerant. ) » Malgre tous nos desirs et l’urgence des choses, nous n’avons pas encore pu fournir un local pour l’in- firmerie; et par consequent il a fallu soigner tous les malades a domicile. Leur nombre a ete considerabl e pendant l’epoque de ce compte-rendu. Les livres de cet atelier, plus specialement organise a partir du 23 octobre, constatent les noms de 97 malades, hommes, femmes et enfants, et environ 1,500 journees de maladie des grandes personnes. » Presque toutes ces maladies ont ete des fievres dont il faut attribuer la cause a l’humidite extraordi¬ naire de la saison. Les environs ont ete egalement sujets aux fievres; c’etait une veritable epidemie; chaque localite , cbaque famille a eu ses fievreux; on cite une famille composee de 14 personnes, dont 12 membres etaient atteints de la flevre en meme temps. Les habitants les plus anciens ne se rappellent pas avoir vu un pareil etat de choses ; ce qui prouve qu’il ne faut pas fattribuer a notre nouvelle position. Aujourd’bui toutes ces fievres, quoique d’un caractere tres malin, sont gueries a une ou deux exceptions pres. Nous avons a deplorer la perte d’un enfant age d’un an et celle d’un citoyen age de 27 ans, tous deux morts d’une inflammation de poitrine. En ce moment nous avon& — 101 — deux personnes assez gravement malades , la citoyenne Kilns et le cit. Huber. » Le personnel de Finfirmerie est compose dn doc- teur, qui, sans 6tre membre de la Communaute, demeure parmi nous depuis le mois d’octobre ; du directeur de Fatelier, membre de la G6rance, qui a ete aussi pharmacien pendant quelque temps, d’une infir- miere, et d’un cuisinier pour la cuisine exceptionnelle. La premiere infirmiere, remplacee maintenant, a ete quelque temps aide ala pharmacie, et sage-femme pour quelques pratiques du dehors. » A ce service regulier, il faut ajouter 109journees passees par d’autres personnes coniine garde-malades. Quelques petits travaux ont ete executes par les conva¬ lescents. » Depuis le mois de juillet dernier nous avons une belle pharmacie dans une piece bien situee de notre grande maison. L’inventaire en fixe la valeur a environ 350 dollars. Elle a ete tenue un certain temps par le directeur de rinfirmerie, aide par Finfirmiere; tons les deux ont en outre rempli leurs autres fonctions. En ce moment, le cit Widstrand en est charge. La pharmacie a fourni a l’usage de la Communaute tons les medica¬ ments necessaires: leur quantite a ete considerable. En estimant assez moderement, la Societe aurait ete obligee de faire une depense d’au moins 5 dollars par se- maine , s il avait fallu acheter les medicaments, sans compter les difiicultes de s’en procurer de Saint-Louis et Finconvenient et le danger d’en manquer dans des cas extremes. » La pharmacie a vendu aussi au public etranger des medicaments pour 206 dollars 81 cents, dont 136 dollars 93 cents ont ete delivres a la caisse, et 71 dol¬ lars 87 cents ont servi a renouveler les provisions epuisees. Ces recettes sont dues, en grande partie, a la saison excessivement malsaine; cependant il est pro¬ bable que les benefices de la pharmacie seront genera- lement plus considerables des qu’elle sera mieux connue et que, par le temps, elle inspirera plus de confiance. - 102 - » Notre bel etablissement de bains s’est trouve a, notre arrivee a Cheltenham, avoir besoin de quelques reparations. Les travaux indispensables a notre instal¬ lation nous ont empeches de nous en occuper avant le mois de juillet, de maniere que les bains n’ont pu etre prets qu’au commencement d’aout. A partir du 9 aout jusqu’au 7 septembre, la Societe a donne a ses mem* bres(hommes, femmes et enfants) chacun a tour de role, douze bains par jour, ou environ un bain a chacun par semaine. Plusieurs circonstances nous ont forces de fermer Y etablissement a cette epoque. La saison trop avancee, le manque de locaux et d’arrangements conve- nables nous ont empeches d’en tirer parti en le met- tant a la disposition des etrangers. » Une revue de l’inventaire de la bibliotheque suffit pour demontrer combien nous manquons de bons ouvrages de tous genres, surtout de livres instructifs et interessants pour tous les ages , et surtout pour l’usage des enfants. Independamment de cela, un reglement pour la bibliotheque nous fait defaut. Les livres donnes en lecture rentrent souvent tres irregulierement et quelquefois pas du tout. II faudra que ce point et d’autres soient regies. II y a, encore, une observation a faire aux Icariens du dehors, qui apportent ou envoient des livres a la Communaute; c’est que, comme nous n’avons pas de relieur et que nous ne pouvons pas faire relier les livres qui ne le sont pas, nous nous en servons tels qu’ils sont, ce qui les use completement en tres peu de temps. » Nous disons done a nos amis que, tant que nous n’aurons pasde relieur, il fautconsiderer tous les livres non relies, apportes dans la Communaute, comme etant en pure perte pour eux et pour celle-ci. » Les registres du secretariat determinent le mou- vement du personnel de la maniere suivante : I » Quatre naissances , les enfants C. Mesnier, Cling r Brierre et Loire. i Sept admissions provisoires : les cit. Mauvais (Theodore), Duhamel, Pinton, demoiselle Renaud (Delphine) Vivier et femme, Widstrans. — 103 » Trois admissions definitives : les cit. Marchand (Leon), Bouas et sa femme. » Rentres dans la Communaute: lacitoyennc Wiske, dont la sortie n’a pas ete considereecomme une retraite, le cit. Huber, qui n’est pas encore admis. » Le cit. Coeffe, qui avait, dans le semestre dernier, echange sa demande en conge contre une demande en retraite, est revenu de sa seconde determination, etest considere aujourd’hui comme etant en conge. » Deux deces : 1’enfant Gobel etle cit. Jean-Clement Collet. » Cinq retraites: les cit. Hubert (Ferdinand), Des- brosses et femme, Moreau et femme. » Au 31 juillet dernier, la Communaute comprenait cent quarante-cinq individus. » Depuis, elle a perdu en personnel sept membres. » Depuis le meme jour, elle a gagne quatorze indi¬ vidus. Ainsi la Societe comprend, au 30 janvier 1859, cent cinquante-deux personnes; c’est-a-dire sept de plus qu’a l’epoque du dernier compte-rendu. » Ce personnel est ainsi compose : cinquante-sept citoyens admis definitivement, cinq provisoirement, un non encore admis, six jeunes gens, quarante-deux ci- toyennes et jeunes filles, neuf eleves a Tecole des jeunes filles ; dix a celle des garcons, huit enfants a la salle d’asile et neuf nourrissons, dont cinq du sexe feminin et quatre du sexe masculin. » Cinq sont absents : en conge, la famille Sanger «t le cit. Coeffe; pour cause de sante, la citoyenne Cledes. )> Le cit. Thieulin est rentre avec le depart dernier.» EDUCATION, INSTRUCTION, DIVERTISSEMENTS, LOGEMENT, VETEMENT. (Le cit. Brierre, Gerant.j VJ 7 *. I • |#|-y . J , f , • » » Nous avons peu de chose a dire sur la situation de nos trois ecoles. Taut que nous n’aurons pas le personnel, le materiel et le local necessaires , nous devrons nous 104 contenter d’un etat de choses relativement satisfaisant. Les personnes chargees des eleves, nous semblent mettre beaucoup de zele dans l’exercice de leurs fonctions. L’Administration a livre aux deux ecoles quelques livres indispensables, tels que grammaires francaises , geo¬ graphies, exercices de lecture. Les eleves prennent des lecons d’ecriture, de calcul, de recitation, de musique et de chant. Us ont fait des progres assez sensibles sous le rapport de FEducation en general, et surtout en ce qui concerne la fraternite et la politesse. Les eleves ont fait les corvees diverses dans les ecoles, a la satisfaction des directeurs et des directrices. Au reste, la Societe a pu, au Cours Icarien, suivre les progres successifs de ^intelligence et de la conduite des eleves. L’Assemblee generate a adopte dernierement quelques dispositions relatives aux ecoles. D’apres elles, les eleves sortirontde Fecolea 16 ans; cette disposition a ete mise en execution a l’egard d’Eu- genie Helix. Cette decision de FAssemblee aregleaussi les corvees faites par les eleves au dehors de Fecole. Elle s’est occupee en outre des travaux de couture pour les jeunes filles; sur ce point, elles montrent de Fapplication et font des progres. Enfin , la Societe a decide , quand elle a traite la question des bals, que les eleves pourraient assister et prendre part a nos danses, a nos soirees, a tous nos divertissements. Nous n’avons pas besoin de faire ressortirFimportance de cette innovation. Jusqu’ici nous n’avons qu’anous en louer. » Malgre de grandes difficultes, malgre nos longues discussions, les fetes et les divertissements ont pris une assez grande extension , pendant le semestre dernier. Nous avons celebre le 8 novembre et le l e r janvier ; la celebration du 8 novembre a ete completee par la visite que nous avons faite dans le courant de decembre a la tombe du Fondateur d’Jcarie. Nos divertissements ont eu lieu tous les dimanches, et se partagent entre le theatre, le bal et les jeux divers. Le fait le plus important a signaler, fait qui constitue une innovation capitale, c’est que tout le monde en general a pris une part active a nos divertissements. » Les musiciens se sont en tend us pour former des — 105 eleves; 1’Administration a accorde qu’une demi-heure par jour serait prise sur le travail a cet effet. On a demande quelques instruments a notre Agent de Paris, ainsi que plusieurs morceaux de musique. » Nous sommes en train de faire subir un leger agran- dissement a notre theatre. Nous commencons a avoir un assortment de costumes, mais il est encore incom- plet; il nous faudrait principalement quelques perruques. Nous avons theatre une fois par mois; on a joue Jacquart et la Fille de iAvare , trois pieces sont en repetition pour le 3 fevrier. On peut nous envoyer des pieces de theatre, a mesure qu’on en trouvera de convenables pour nous. Il nous faudrait un chef sur le violon pour la conduite de la musique des pieces. » Nous avons eu deja trois bals, dans lesquels on a danse des quadrilles, des walses, des polkas, des schot- tishs. Nous avons a constater que la danse et le maintien en general ont ete satisfaisants, grace aux lecons donnecs par nos meilleurs danseurs, eta L esprit public qui nous anime. La presence de nos enfants, et d’autres conside¬ rations, doivent porter tout le monde a veiller et a con- tribuer a cette bonne tenue, qui fera des bals un de nos meilleurs divertissements. » Nos soirees diverses ont eu lieu, l’ete au milieu de notre bois, et l’hiver dans le grand atelier des tailleurs. » Citoyennes et citoyens, enfants, tout le monde y a contribue. Jeux , choeurs, chants, chansonnettes comiques, declamations, musique , tout a ete mis a contribution. 11 importe a cet egard de laisser une certaine initiative a chacun ; mais il importe aussi que chacun mette dans le choix des morceaux qu’il chante ou qu’il declame beaucoup de prudence et de delicatesse, se rappelant que nos enfants assistent a nos soirees et que ces soirees sont des reunions de tous les membres de la grande famille. » Le logement est a pen pres dans la meme situation qu’a l’epoque de notre dernier compte-rendu. Avant l’hiver on a fait quelques reparations aux log-houses; on a termine la maison occupee par le docteur , on a eleve a rextremite ouest de la nouvelle forge une maison — 106 — qui n’est pas encore achevee. Terminer cette construc¬ tion, donner la deuxieme couche aux chambres de quatre nouvelles maisons, mettre la derniere main a la repa¬ ration commencee a la grande log-house, et peut-etre faire une nouvelle maison pour recevoir les nouveaux membres qui vont nous arriver; tels sont les premiers travaux a executer dans cette partie. II faudra aussi examiner s’il y aura moyen de construire un nouveau refectoire ou de le placer au deuxieme etage de la grande maison, ou d’ameliorer celui qui existe. » II faudra curer le puits. II sera necessaire d’exa- miner de nouveau la distribution des eaux et de com¬ pleter les quelques travaux faits deja pour alimenter la cuisine. L’eclairage a la bougie a ete remplace depuis un mois environ par Feclairage a lTiuile de lard, ce dernier moyen etantplus economique. Le chautfage ne laisse a peu pres rien a desirer ; le charbon de terre est de qualite assez bonne , en quantite considerable, a quelques centaines de pas seulement de nos maisons. II nous est vendu depuis quelque temps en moyenne 7 cents les 80 livres ; nos forgerons travail!ent pour les charbonniers et gagnent plus que le charbon ne nous coute. Du moins, de septembre au l e r janvier, quatre charbonniers nous ont fourni 204boisseaux pour 171 dol. 10 cents, ce qui met, pour cette epoque le boisseau a 8 cents 1/3. » Les ateliers de bardeaux, de charrons, de menui- siers et de tonneliers fournissent les copeaux et le petit bois. Le chautfage a exige cette annee environ trois douzaines de poeles, une grande quantite de tuyaux de tole, des caisses a charbon, cendriers, tisonniers, pelles, balavettes, etc. j> II faudra examiner tres serieusement la question des chemins autour des maisons, dans le but de rendre les communications plus faciles et agreables. » En ce qui concerne le vetement, Y Administration a peu ameliore; die s’est contentee de remplacer a peu pres ce qui a ete detruit, et de repondre aux nouveaux besoins qui se sont manifestos. On a fourni environ 2,000 vardes d’etoffes diverses, qui ont coute environ 300 dob — 107 — Quelques personnes ont temoigne le desir qae la Commission de detruit soit aussi et en memo temps une Commission de vetement ;l’Assemblee pourra etre appelee a examiner cette question. INDUSTRIE, AGRICULTURE, NOURRITURE. (Le cit. Uttenw eiller , Gerant.) * « Les travaux executes, independamment des tra- vaux ordinaires, pendant le semestre dernier, sont deux cabinets d’aisance, la maison du docteur termi- nee, la nouvelle forge commencee, les accessoires du jardinage, tels que defriche et deboisement, assainisse- ment, fencage, reparation a la source d’eau sulfu- reuse, terrassement a la route principals Pendant le semestre suivant, il s’agira , avant tout, de terminer la nouvelle forge, et tous les travaux necessaires a la production du jardinage, et particulierement les chassis pour les couches. La forge et le jardinage doivent, avec Fatelier de tailleurs, de cordonniers, de tonne- liers, constituer principalement notre production du dehors. » II faudra mettre la plus grande activite aux travaux indispensables pour la route, sans elle nous eprouve- rons, on s’en est deja apercu, de serieux inconvenients. » La question de l’irrigation , sous le rapport du jardinage, meritera aussi un examen attentif; car si les jardins ne peuvent etre arroses convenablement, leur production sera relativement faible. )> La marche de l’industrie se trouve ainsi naturel- lement toute tracee. Independamment des travaux ci-dessus designes, se presenteront les suivants : les ecuries , les caves au-dessous des nouvelles maisons, infirmerie, lingerie, refectoire, nouvelles maisons pour les nouveaux departs. » Nous croyons qu’il serait convenable que la Societe adoptat un plan general, une marche a suivre, d’apres lesquels elle determinerait, autant que possible, son avenir, d’abord d’une maniere generate, et ensuite par- - 108 - ticulierement a chaque branche d’Administration. Nous faisons cette observation au sujet du logement, parce qu’il conviendrait de ne plus elever une seule maison, sans que F emplacement de notre village soit bien determine. La nouvelle Administration devra saisir FAssemblee de cette question le plus vite possible. » L’Assemblee a, dans son ordre du jour, la question des incendies. Elle n’a pas encore vote Fensemble des dispositions concernant !e travail. » La Gerance future devra prendre Finitiative pour voir s’il ne serait pas utile de placer un store et un magasin de ferblantier a cote de la nouvelle forge. » Notre troupeau s’est augmente d’une vache et de quelques cochons, II faudra acheter quelques autres vaches. On pourra s’occuper de nouveau d’un poulailler, soit pour Finfirmerie seule , soit pour toute la Com- munaute. La Societe a essentiellement besoin d’un autre attelage ; il faudra done acheter le plus tot pos¬ sible un ou deux chevaux ou mulets. » La Societe mettra-t-elle les bains a Fusage du public exterieur ? dans le cas ou elle desirerait le faire , il faudra sc resigner aux preparatifs et aux depenses indispensables. » Si Foccasion se presente de louer quelques acres de terre dans les environs, FAdministration ne devra point perdre de vue que les travaux que nous avons a executer dans notre propriety sont nombreux; elle n’acceptera done de pareilles propositions que si elles sont tres favorables, et qu’a la condition de pouvoir faire sur ces terrains loues des recoltes dont la main- d’ceuvre soit peu considerable. » Il va se presenter une serieuse question, celle de la Filature, qu’il importera d’examiner meme en Assem¬ ble generale, et, en attendant, avec le cit. Lefevre, pour nous arreter au meilleur parti a prendre. Puisqu’on va s’en occuper dans peu de temps, tout detail et toute appreciation seraient ici superflus. » Depuis le mois de juillet dernier, le Gerant de I’industrie a ete charge de la nourriture , afin que cette branche de FAdministration, si importante, fut dirigee — 109 «. par un Gerant toujours constamment sur les lieux. Ce que nous avons deja dit au sujet d’un refectoire et dc la distribution des eaux, nous permettra d’etre brefs sur cette question. On a repare le four. On a eu a se plain- dre quelquefois de la qualite inferieure des farines em¬ ployees. On a reconstruit completement le fourneau de la cuisine. Un poele en fonte a ete place a la cuisine, destine plus specialement a preparer la nourriture des malades. Le point le plus important ii cette matiere, e’est la composition du repas de la grande cuisine. Depuis le dernier compte-rendu, nous avons aconstater ici une grande amelioration; cette amelioration est telle qu’on s’est demande si elle n’etait pas trop grande par rap¬ port a nos ressources. Les personnes qui ont cette opi¬ nion pourront demander qu’on 1’examine, etlaGerance et l’Assemblee auront alors a s’en occuper. La question des corvees de la cuisine est aussi tres interessante. La Gerance avait propose un moyen de les supprimer; on ferait peut-etre bien d’essayer de ce moyen. PRESIDENCE, JOURNAL, CORRESPONDANCE* IMPRIMERIE, COURS ICARIEN, FINANCES. ( Le cit. Mercadier , President. ) » La Nouvetle Revue lcarienne a depasse deux ans et atteint le cinquantieme numero. Cette publication est faite principalement pour Finterieur dela Commu- naute. Notre propagande exterieure a lieu a peu pres exclusivement par la correspondance particuliere. Cette publication bi-mensuelle est devenue insuiFi- sante; les sujets traites aux Cours Icariens , nos pro- ces-verbaux, la description de nos fetes, lesadresses de nosfreres, YHistoire aniverselle du cit. Cabet, pole— miques, tout est en retard. II sera bon d’examiner s’il ne serait pas necessaire de faire paraitre notre journal plus souvent. Le nouveau directeur de rimprimerie a propose, il y a quelque temps, de faire un journal un peu plus petit et de le publier toutes les semaines, ce qui permettrait de repondre a tous nos besoins de cette — 110 nature. Nous croyons devoir inviter la nouvelle Gerance a porter son attention sur ce point. » La correspondance est importable et active. Le releve de tous les dossiers de la correspondance constate cent quatre-vingt-douze correspondants anciens et nou- veaux, soixante-quatre correspondants actuels , dont trente-sept importants, quatre tres importants et un capital. » Nous n’avons a signaler rien de remarquable au sujet de l’imprimerie, si ce n’est que nous y avons place un apprenti imprimeur. » Nous avons peu de chose a dire au sujet du Cours Icarien, apres le discours du President de la Commu- naute, prononce le 14 novembre dernier, etpublie dans leN° 17 de la Pievue. Nous n’avons qu’a confirmer les paroles qu’il contient, en ce qui regarde la situation du Cours en general, V obligation dans laquelle se trouve chacun de nous de prendre une part active au Cours, et en ce qui concerne la part que les lcariens du dehors doivent y prendre eux-memes. Void les noms des per- sonnes qui ont traite ou lu des sujets aux Cours, avec le nombre des sujets traites ou lus, independamment des lectures ordinaires : les cit. Cledes, un ; Colin , tin; Dazy, un; Droussent, un; Loire , un; Loiseau , deux ; Marchand (L.), un; Mercadier , trois; Salarnier, un; Vogel, quatre; les citoyennes Gruber mere, un; Gruber (Claudine), un ; les jeunes gens, Gillet (Louis), un; Raymond (Charles) trois ; le cit. Widstrand, admis provisoirement, un. A part cela, chacun a son tour lit et commente le Vrcii Chistianisme . Les enfants disent des fables-; la musique contribue a rendre le Cours agreable. Tous les conseils que nous pourrions donner se reduisent a ces simples paroles : nous n’avons qu’a continuer dans la voie que nous suivons, et le Cours Icarien realisera tous les bienfaits que nous en atten- dons. » La propagande a fait quelques progres depuis notre dernier compte-rendu. Nous recevons une qua— rantaine d’echanges , dont deux italiens, trois anglais, onze allemands et le reste francais. » L’emprunt a produit quelques bons resultats, - Ill - malgre la misere generate des ouvriers. Nos amis conti- nuent a nous envoyer de chaleureuses adresses. Les departs recommencent avec un nouvel elan. Un grand nombre de nos co-religionnaires de France, de Suisse se preparent a venir nous rejoindre. » Les Cours lcariens ont surtout donne une forte impulsion a la propagande. Laderniere loi surfemploi des dons de la souscription 1856-1857, maintiendra et et augmentera cette impulsion. » Nous void a la question des finances, la plus im- portante, peut-etre , de toutes ; nous ferons connaitre, avec tous les details possibles, les recettes et les depenses du semestre, les recettes speciales a notre industrie, les operations de notre agent a Paris , la situation de la souscription 1856-1857, celle de Pemprunt, celle des lcariens creanciers de Nauvoo, l’inventaire de laColo- nie au l er janvier 1858; nous terminerons ce sujet par quelques idees sur la comptabilite, sur le budget et sur le reglement a formuler, aux termes de Particle 45 du contrat social, pour etablir les benefices danslaSociete. » Void d’abord les operations de la Caisse, depuis le 31 juillet dernier jusqu’au 22 janvier 1859, semaine par semaine : Semaines. Recettes. Depenses. doll. c. doll. C. Jre 103 45 359 25 2 e 475 46 121 30 3 e 41 40 274 40 4 e 149 40 152 62 5 e 75 70 58 15 6e 118 35 113 26 7 e 497 62 319 75 8 e 253 12 823 10 9 e 77 40 125 73 10e 212 90 126 00 lie 125 60 82 54 12° 180 23 137 88 l3 e 241 15 114 05 A reporter. 2.551 j 78 2,808 02 Report. 2,551 78 2,808 03 I4 e 266 51 519 33 I5 e 166 21 199 40 I6 e 427 60 123 40 17e 223 00 150 00 18 e 207 85 569 62 l9 e 453 74 161 99 20 e 628 00 242 30 21 e 466 35 725 42 22 e 253 65 119 46 23 e 167 95 526 15 24 e 81 40 311 95 25 e 105 40 68 30 26 e 300 75 108 80 Totaux. . . 6,300 19 6,634 15 RECETTES DE NOTRE INDUSTRIE. » Elies se composent de la somme de doll. 6,300 19 diminuee des recettes suivantes : doll. c. Recu en don. 2 00 Recu pour commissions a Paris. 10 00 Prete par Ducoin. 500 00 D° par Maurice. 200 00 R° par le docteur Ebener. . . 150 00 Avance par Daumont, sur apport. 200 00 Verse par le dernier depart. . . . 8 80 D° pour apport. 148 17 Recu de Paris. 1,350 00 Total, doll. 2,568 97 Ainsi: recettes generales, doll.. . 6,300 19 Recettes diverses. 2,568 97 Reste pour les recettes de notre In¬ dustrie. 3,731 22 » Les recettes s’elevent, termemoyen, a 143 50 doll. — 113 — par semaine, en ne tenant compte que de notre pro¬ duction. La recette moyenne d’une semaine etant, dans le semestre precedent de 15*2, doll, la diminution est de doll. 8 50. Cette difference est pen importante. S’il n’y a pas eu augmentation, cela provient, independam- ment de la situation incessante des mauvaises affaires et de notre reorganisation , cela provient du grand nombre de maladies que nous avons eues cette annee, de diverses circonstances qui ont empeche la filature de donner de bons resultats, et de la morte saison d’ete qui a ete exceptionnellement mauvaise. » Yoici la date, le numero et le montant des dix traites que nous avons recues de Paris, pendant le semestre et qui torment un total de 1,350 doll. TRAITES DE PARIS. Dates. Numeros. Sommes. 2 Aout. 35 doll. 100 6 » 36 100 10 Septembre. 37 150 13 Novembre. 38 100 23 » 39 100 30 » 40 100 3 Decembre. 41 200 16 » 42 100 24 » 43 200 21 Janvier 44 200 Total. . . . . 1,350 » Si nous faisions pour les depenses ce que nous venons de faire pour les recettes, nous arriverions a une remarque tres importante; c’est que , dans le cou- rant du semestre qui vient de s’ecouler, nous avons paye 2,750 doll, de dettes contractees dans le semestre precedent, etde plus environ 220 doll., pour rembour- sement d’apports et environ 200 doll, pour autres de¬ penses imprevues; ce qui fait un total de plus de 3,000 doll. , et ce qui reduirait nos depenses de la caisse a environ 3,500 doll., sans compter les dettes contrac¬ tees. » II serait a desirer que Ton put savoir, d’une ma- m — mere precise, les depenses et les recettes de chaque atelier; mais pour cela il ne suffit pas de connaitre les rapports de chaque atelier avecle dehors, il faut encore bien determiner les rapports de tousces ateliers entre eux. Comme on le voit, c’est la question des livres d’ateliers, des rapports et de la comptabilite. Avec ce qui a ete deja fait, et ce que Ton a l’intention de faire, la nouvelle Gerance pourra peut-etre obtenir des resul- tats satisfaisants dans le courant de l’annee. Pour aujour- d’hui nous nous contentons de faire observer que les tailleurs ont gagne en moyenne, environ 80 doll, par semaine pour Texterieur; que les jardiniers ont rap- porte du marche de Saint-Louis doll. 459 60; et que les forgerons ont paye,parleur travail exterieur, plus que la quantite de charbon consommee jusqu’ici. comptes de Paris de (Janvier a Novembre 1858 ). Comptes courants. 10,743 59 Correspondances remboursees. 10 80 Souscription (sommes en retard). ... 11 75 Pour Temprunt. 11,171 50 Journaux et bibliotheque. 2,029 05 Total. 23,966 69 Depenses. Comptes courants rembourses a divers. . 4,052 99 Correspondances ( lettres envoyees et recues). 469 05 Commission (envois a la Colonie). . . . 475 79 Traites envoyees a la Colonie. 8,712 50 Souscription ( interets ou capital). . . . 862 00 Anciens crediteurs (pave a divers). . . . 2,209 50 Pour le traitement du cit. Beluze (llmois) 3,300 00 Emprunt, pour impression , clichage et frais divers. 554 55 Bibliotheques et divers. 1,710 67 Pension ala veuve et a la fille du Fonda- teur d’Icarie, pour onze mois. 2,750 00 Total. . . . 25,097 05 — 115 — En recapitulantetenresumant les comptes ci-dessus, et en ajoutant l'encaissedu lerjanvier 1858, on obtient l’encaisse du 30 novembre dernier comme il suit ; Recettes. 23,966 69 Encaisse du bureau au l e * janvier 1858. . 1,565 28 Total. . . . 25,531 97 Balance pour rencaisse du 30 nov. 1858. . 434 92 » Ainsi, la depense revient a 566 fr. 59 c. par mois, ce qui fait en douze mois 6,799 fr. 08 e., ou doll. 1295 pour le traitement du cit. Beluze, la pension des dames Cabet et la correspondance. etat de la souscription (au 30 Novembre dernier). » La souscription icarienne a produit: En dons. 8351 44 ) En dons, sommes en retard. 11 75) En prets. Total. . . . 26,014 99 » Ainsi que nous l’avions promis, les dons de cette souscription ont ete destines, par une loi en date du 25 novembre dernier, a faire l’apport d’utiles et bons Icariens. Puissions-nous etre toujours a meme de tenir ainsi nos promesses. » Actuellement Tetat de la souscription est le sui- vant: Paye en apports recus par la Colonie . . 75 00 Dons destines a faire des apports .... 8,363 19 Du encore sur prets . . . ..5,071 11 Rembourse ou converti en obligations. . 12,515 69 Total egal. 26,024 99 » Nous nous permettrons une observation : il serait a desirer, pour la regularite et la simplicite des comptes 8,363 19 17,651 80 — 116 — queles fr. 5,071 dus encore aux souscripteurs fussent convertis en obligations deFemprunt, contre lesquelles on nous delivrerait les recus de la souscription. Cette operation realiserait un grand avantage pour les sous¬ cripteurs ; car ils n’ignorent pas que les obligations sont garanties, tandis que les recus ne le sont pas. II est bien entendu qu’ils restent tout a fait libres. etat de l’emprunt (au 30 novembre 1858.) » L’emprunt a produit jusqiva ce jour : En obligations de la premiere serie. . . . 33,200 00 Du pour interets jusqu’a ce jour. 2,122 50 En obligations de la deuxieme serie. . . 3,248 00 Du pour interets. 149 50 Total. . . . 38,720 00 » Pour avoir une idee exacte de cet emprunt, il importe de le decomposer et de l’envisager de la ma- niere suivante: Du pour obligations ordinaires de l’une ou de Fautre serie Leur interet. Du aux termes des art. 46 et 76 du contra! social, aux Icariens , creanciers de Nauvoo. Pour interets environ .... La Colonie possede en obli¬ gations remises pour ap- ports. Pour interets. Totaux egaux . . . 25.028 00) 1,618 08 I 26,646 08 5,800 00) 300 00) 6,100 00 5,620 00) 354 GO) 5,974 00 38,720 08 38,720 08 )> Comme la Colonie possede fr. 5,974 de Femprunt et que les fr. 6,100 dus a des souscripteurs creanciers de Nauvoo ne seront payes qu’a mesure que leurs crean- ces seront reconstitutes au moyen des benefices, il 4 - 117 — n’est du en definitive, par nous, pour l’emprunt, que la somme de 26,646 fr. Gependant, les souscripteurs creanciers de Nauvoo out un avantage a prendre des obligations de l’emprunt, puisque ces obligations sont garanties, tandis que leurs creances primitives ne le sont pas. lcariens creanciers de Nauvoo. » Certains lcariens de France avaient, avant notre separation, depose unesomme de 35,882fr. Ces credi- teurs bienveillants s’etani tous prononces en notre faveur, ont demande a la Colonie de Nauvoo le remboursement de cette somme. Mais celle-ci a constamment etformel- lement refuse d’operer cette restitution. Nous regrettons que les conseils des amis de Nauvoo , et particuliere- ment ceux des membres de YAssociation Internationale> ne les aient pas fait consentir a un accommodement, qui nous aurait permis de regler ce differend et quelques autres a l’amiable. De notre cote , nous avons cru , au nom de la reconnaissance et de fhonneur, devoir garantir le remboursement de cette somme avancee par nos co-religionnaires. Nous l’avons garantie par fart. 25 de l’emprunt. Nous les rembourserons , ainsi que nousl’avons dit plus haut, au moyen des benefices que fera la Societe. » Nous sommes etonnes que tous les creanciers n’aient pas deja echange leurs titres contre des obliga¬ tions de l’emprunt et qui ces transformations ne s’ele- vent pas a plus de 5,800 fr. COMPTES DE CERTAINS MEMBRES DE LA SOCIETE. « Les affaires du cit. Bira et de la famille Raynaud sont liquidees completement, leur compte leur a ete rem is. » » a * . » Nous croyons aussi que les comptes du cit. Rousselet sont liquides integralement. » La derniere affaire du cit. Cuillard est aussi ter- ► — 118 - minee; la Societe a recu pour lui environ fr. 700; aussitot que sa note sera arrivee, on la lui remettra. » L’affaire de la famille Quernori attend Fhomologa- tion de la succession pour etre liquidee; si elle a traine en longueur, cela depend des co-lieritiers d’Allemagne, qui ont mis du mauvais vouloir ou de l’indifference dans cette question , et dont Fassignation exigeait des delais tres longs; cette affaire se terminera peut-etre en avril. » Le cit. Crampon a quelque argent a toucher a la caisse d’epargne de Paris; on demande une seconde procuration , la premiere qui a*ete faite etant insuffi- sante. » Les rentrees de deux petites sommes , appartenant au cit. Bouas, ne sont pas encore effectuees ; ce citoyen va recueillir en outre la succession de sa mere qu’il a eu le malheur de perdre dernierement. » On sait que les affaires du cit.Widstrand ont besoin d’un reglement et d’une liquidation complete. » Certains membres de la Societe, tels que les citoyens Bauer, Loiseau, Marchand, ont diverses sommes a tou¬ cher dans Favenir, ou bien leurs parents viendront peut-etre dans la Societe. » Nous ne connaissons pas d’autres membres de la Societe qui aient, ou qui paraissent avoir un jour, des affaires hors de la Communaute, s’il en est autrement, FAdministration doit etre prevenue. Invent aires. L’inventaire de la Societe doit se composer de Fin- ventaire de la Colonie et de celui de Paris. Cette annee nous allons proceder en les ajoutant Fun a Fautre , ce qu’on n’a jamais fait jusqu’ici. Nous allons commencer par Finventaire de la colonie , au l er janvier 1859 , et nous le comparerons a celui de Fannee derniere en faisant remarquer que les comptes principaux ne sont pas les memes aux deux annees. - 119 — _ lnventaire de la Culonie de Cheltenham. Objets. lcr janvier 1858. l er janvier 1859. ACTIF. Actif. dollars, cents. dollars, cents. Immenbles. 456 30 32,584 22 Machines et instruments . Pharmacie. 250 00 4,534 94 Outils. 782 10 661 47 Ustensiles. 1.903 17 961 24 Ameublement. 563 17 836 64 Travaux commences . . . 94 00 Provisions generates . . . 595 66 1,456 58 Matieres premieres . . . 1,002 12 824 34 Animaux. 300 00 634 00 Vetements. 5,284 10 5,060 15 Livres . • . • *3 392 59 Lover. 57 75 Divers debiteurs. 350 85 205 60 Caisse. 25 96 304 60 Obligations de FEmprunt. ' * » • 0 » v » 1,138 15 Piecus de la Souscription. 14 30 Totaux . . r •* / * * * * » 11,571 18 49,702 82 • v * *1 P • ' / (.1 # O • • « , 1 4 1 n Ot l ' ' t • # • Passif. r • \ ^ •• Du a divers. 1.871 / * 96 32,938 08 Actif net . . 9,699 22 16,764 74 Exces du dernier inventaire sar le precedent. Actif net en 1859 . doll. 16,764 74 » en 1858 . » 9,699 22 Excedant pour 1859 .. . » 7,065 52 » Nous faisons observer que l’estimatioix a ete faite scrupuleusement et au-dessous de celle de l’annee der- niere. Le compte d ’ustensiles y par exemple, porte 1,000 dollars de moins; cela vient de cette circonstance, et en outre de ce qu’une partie des ustensiles de l’annee derniere ont passe dans le compte Machines et instru- — 120 — merits , et une autre partie, la bibliotheque, au nouveau compte Livres. Le benefice realise est du a l’heureuse affaire de Facquisition de Cheltenham. Si ce benefice n’est pas plus grand, c’est que nous manquons de terrain, du materiel et, en un mot, du capital necessaire pour rendre nos industries et notre travail productifs. C’est Fassociation qui nous permet d’obtenir des resub tats assez satisfaisants quoique prives de toutes les forces indispensables. Nous repetons ici avec une pro- fonde conviction , si nous avions tout ce qu’il faut, si notre capital etait suffisant, que ne ferions-nous pas? lnventaire de Paris au 30 novembre 1858. ' V • i • . .l**? 'I ' ' * - • * Actif. . . Bibliotheque et divers.28,520 fr. 74 cent. Creances diverses. 3,213 21 Creances douteuses, soit 1{3 . . . 862 25 Mauvaises creances, soit 1x20. . . 2,410 00 En caisse au 30 novembre 1858. . 434 42 Mobilier. 311 » Total de FActif .... 35,751 62 Passif. % Du a divers. . . . Souscription, dons . » prets . Emprunt, capital. . » interets . . 8,363 f. 19 c. I . 7,071 11 f . 30,648 » » . 1,972 » j 3,393 f. 55 c. 15,434 30 32,620 j> Total du Passif.. 51,447 f. 85 c. Exces du Passif sur l’Actif. Passif. 51,447 fr. 85 cent. Actif.. 35,751 62 Exces. 15,696 23 » Nous n’avons pas fait figurer a l’actif du bureau de Paris la somme de 35,082 fr. due par la Societe de Nauvoo, parce que nous ne savons si, et quand, elle sera — 121 — payee. De meme nous ne l’avons pas fait figurer au passif, parce que la Societe actuelle, qui a garanti cette somme, et qui doit la rembourser, ne doit et ne peut le faire qu’au moyen des benefices non encore determines. C’est pour cette raison que le passif de l’emprunt ne s’eleve qu’a 32,620 fr. au lieu de 38.720. parce que nous n’y faisons point figurer la somme de 6,100 fr. due pour obligations echangees par des creances sur Nauvoo. En resume l’inventaire de Paris, constate un passif net de 15.696 23. Resultat des deux inventaires reunis. Actif net de la Colonie, doll. 16,764 74 ou fr. 88,014 Passif net du Bureau , . . . 2,079 40 15,696 ^ . - — ■■■ — ■■ ■ < » ■ - - ■ Reste pour Actif net . . 13,585 34 onfr. 72,318 IDEES SUR NOTRE PASSIF. » Notre passif est si considerable que nous croyons devoir en faire bien ressortir le sens, tant pour la Societe que pour la nouvelle Administration en particulier. » Quant a Paris , les preteurs de la souscription sont des souscripteurs tout a fait bienveillants. La somme due pour dons de cette souscription , etant destinee, d’apres la derniere loi, a faire des apports qui ne seront payables que sur les benefices , n’est pas une dette a proprement parler. A regard de femprunt, vous savez qu’il est remboursable en dix ans, a partir du ler oc- tobre 1863 jusquau l er octobre 1872. Les premiers remboursements ne porteront que sur les obligations liberees; le dernier paiement seul comprendra les obli¬ gations liberees ou non liberees. Le Passif de la Colonie, au l e r janvier 1859, peut se decomposer de la manieresuivante : ; Doll. cts. Terrains occupes par le chemin de fer . . 500 » Du au proprietaire Thomas Allen. 23,500 » aLefevre pour achat desses machines. 2,189 d d° pour son travail. 346 30 a Guillemet. 397 76 pour apports a rembourser. 450 08 A reporter. . 27,383 14 6 — 122 — Report. 27,383 14 a Rozer notre ancien epicier. 77 63 pour pharrnacie. 125 » a'Ritter de Nauvoo. 1,315 » a Iking » .. . 104 06 pour avance d’apport. 200 » prete par nos amis. 705 30 a notre ancien proprietaire. 500 » a nos fournisseurs divers. 2,502 95 a divers. 25 » Total du Passif. 32,938 08 » L’acre et un quart occupes par lechemin de fer ne ]ui ont etecedes qu’a titre de possession; en conse¬ quence, si le chemin se deplacait, ce terrain nous re- viendrait. )> Tout le monde salt que nous avons dix ans pour paver la propriete ; mais tout le monde sait aussi, et nous n’avons pas fait faute de le dire a tous ceux qui pourraient et voudraient nous aider, que, si nous pou- vions payer plus tot et tout de suite, nous obtiendrions une diminution importante, et dans tous les cas , nous nous epargnerions des interets assez considerables a payer cliaque annee, a partir de Tannee prochaine 1860. » Au 15 octobre prochain, il sera du au cit. Lefevre, tant pour les machines que pour son travail, capital et interet, la somme de doll. 3,000 environ. En admettant que des difficultes, outre le manque de movens, ne viennent pas s’opposer a la marcbe de la filature, il faudra, pour mettre en train et entretenir cette indu- strie, pour doll. 1,500 de laine et environ doll. 500 pour les autres frais. C’est done un capital de doll. 5,000 qu’il taut a la Colonie , independamment des journees de travail, pour faire marcher etconserver cette industrie. 11 faudra, croyons-nous, et comme nous Y avons deja dit, s'entendre amiablement avec le cit. Lefevre, et examiner avec lui le meilleur parti a prendre dans cette circons- tance. » La somme due au cit. Guillemet est le resultat d’un arrangement passe entre le cit. Lefevre et LAdministra¬ tion au sujet des travaux et des produits de la filature a Saint-Louis. L’Administration s’est chargee de tous les — 123 — debourses, et apris toutle produitconsistanten 675 livr. de laine dont une grande partie fileo, et une autre partie sur les metiers. Le benefice a couvert a peu pres les avances; quant aux 700 journees faites par la Societe, elles n’ont rien produit. » Les a-comptes donnes jusqu’a ce jour a M. Ritter, •ont couvert tout au plus les interets. Nous signalons cette dette comme etant une des premieres a acquitter. L’Administration vient de Jui ecrire pour savoir s’il consentirait a accepter 5 ou 600 livres de laine en a- compte sur sa creance. Quoi qu’il en soit, nous ne devons pas perdre de vue le service que nous a rendu ce crean- cier en nous pretant, au milieu de 1856, de quoi subvenir a nos besoins et particulierement a notre nourriture, dont la Majorite nous avait prives, afin de nous reduire par la faim. La creance Iking de Nauvoo a la meme cause. L’Administration vient de lui ecrire aussipour savoir s’il veut accepter de la laine en paie- ment. » Les avances d’apport et les pretsde nos amisDucoin, Maurice et Daumont, nous apprennent que la Societe a su reconquerir la confiance, apres la spoliation et la separation de Nauvoo; mais ils nous apprennent egale- ment que c’est seulement par bunion que cette confiance peut se maintenir et grandir. » Les 500 doll, portes comme dus au proprietaire de Schumburg-House, constituent Toffre que nous lui avons faite en quittant la maison et que nous avons maintenue depuis. » Les 400 doll, sont pour les lovers arrieres et 100 doll, pour la moitie des frais occasionnes par la pose du conduit d’eau. Ce proprietaire voudrait une somme plus forte, et il n’a pas encore accepte nos offres. Nous croyons qufil ne faut pas lui ofTrir une somme pluselevee, car il nous a exploites d’une maniere scandaleuse , en nous faisant payer doll. 1,200, une partie d’une, tion et d’un terrain, dont le loyer lui coutait a li » Le compte F'ournissears divers comprendy de marchands de mercerie, de charbon , fer, de cuir, de farine, de viande, de plane! visions diverses. Ces marchands sont en — m - bienveillants et tres Lien disposes. Meyer Krug, grocier en gros, est solde a la fin de chaque mois. Le marcband de planches auquel il est du le tiers de la dette , soit doll. 839, nous prcsse un pen en ce moment, non qu’il n’ait pas confiance en nous , mais parce qu'il a besoin d’argent et qu’il voudrait que , si nous ne pouvons pas lui en donner, nous lui fournissions du moins le moyen de s’en procurer. L’Administration fera bien de ne pas mettre le credit du meunier a une epreuve plus forte. En general, nous pouvons et nous devons continuer a faire des affaires avec ces divers fournisseurs, et, en avant soin de ne pas augmenter le credit, ou de l’aug- menter peu, nous resterons en bonnes relations avec tous. Effets it payer en 1859. Detail. Totaux. Janvier l er . Pharmacie. doll. Fevrier l e r. Lavigne . . — d° Genet ... — do 7. Rozer ... — Mars l er . Pharmacie. — d° Guillemet. — d° 2. Hubert . . — Avril l er . Pharmacie. — d° du l er an 10. Allen — Mai l« r . Pharmacie. — Juin ler. d° — Aout l er . do — Septembre l er . Blondeau — d° Guillemet — Octobre 15. Billet Lefevre d° Travail d° environ — do Moreau. — 25 » doll. 25 » 54 30 1 32 a ) — 163 93 77 63) 25 »\ 201 88 — 285 53 58 65 25 "i ~ 52.> 500 » ) 25 )) - 25 25 )> - 25 25 1 — 25 80 16( _ 287 207 75) 2,300 » j ( — 3,053 45 700 » 1 53 45 / Total . . . . doll. 4,415 82 — 125 — )> En deduisant les machines du cit. Lefevre, cela reduirait les elTets a payer pendantFannee1859 a d. 2.000 environ. Aujourd’hui 3 fevrier, les creanciers du l er jan- vier pour la phannacie, et du ler fevrier pour les citoyens Lavigne et Genet sont paves. 11 ne faut pas perdre de vue que le 2 fevrier 1860 nous devons payer environ dol. 2,700 a Fex-proprietaire de Cheltenham. A part les termes du paiement de notre immeuble, etune somme d’environ dol. 140 payable au milieu de Fannee 1860 an cit. Genet, la Societe n’a pas d’autres efTetsa paye r . On pourra etre un pen gene en mars et en avril; mais, a part cela, la situation est satisfaisante. » Nous allons terminer la question des finances par trois reflexions. La premiere est relative a la compta- bilite dont nous avons parle dans nos comptes-rendus precedents, et dont nous avons dit un mot dans celui-ci. Nul n’en conteste les avantages sous le rapport du materiel, du personnel, des benefices et des pertes de la Communaute, pour l’ordre, Feconomieet la connais- sance de ce qui se passe jusqu’ici on n’a obtenu sous ce rapport que des resultats incomplets. Le mode usite est- il defectueux? Ce mode est-il seulement mal execute? Que convient-il de faire pour ameliorer et perfectionuer son execution? La Gerance s’est preoccupee avec solli- citude de cette question ; elle a convenu que la meilleure chose a faire etait d’en saisir FAssemblee pour quecelle- ci examine le meilleur parti a prendre. Ainsi. tandis que la nouvelle Administration fera tout son possible en cet etat de choses. FAssemblee pourra, de son cote, se rendre compte de cette question portee devant elle. » En second lieu, nous dironsun mot du budget. La Societe doit determiner elle-meme tout ce qui la con- cerne ; la Gerance ne doit agir que d’apres la \olonte generale ; et chacun doit pouvoir etre a ineme de prevoir et de ccnnaitre nos affaires ; de plus il faut que Fen- semble des depenses de la Societe soit inferieur a Fen- semhle de sa production. Pour obtenir tons ces resultats, il conviendrait d’etablir au commencement de chaque annee une sorte de budget, qui comprendrait les depenses et les recettes probables de toute Fannee, et qui serait discute et adopte en Assemblee generale. La cliuse n’est / pas sans difficulte, mais elle n’est pas impossible. Et 7 comme elle a beaucoup d’avantages, il importe qu’on s’en occupe. » En troisieme lieu, nous croyons qu’il va falloir dresser l’inventaire, dans Ye but de determiner les bene¬ fices de la Societe, et de reconstituer les apporis et les creances des creanciers surNauvoo. Cet inventaire, qui differera probablement de Finventaire ordinaire, est present par Farticle 45 du contrat social, ainsi concu : « Art. 45. Tousles ans, ilsera dresse d’apres un regle- ment que FAssemblee adoptera ulterieurement, un inventaire de l’actif et du passif de la Societe au 31 de- cembre , lequel servira pour toute Fannee suivante. II conviendra de donner a une Commission le soin de faire un projet de reglement, lequel sera ensuite adopte par FAssemblee. Cet inventaire ne devra comprendre proba¬ blement ni les apports des membres de la Societe , ni tout leur apport en nature, e’est-a-dire tout ce que l’admis reprend en se retirant. En consequence, la Commission pourra s’oecuper en meme temps d’arranger les quelques difficultes soulevees par plusieurs membres de la Societe au sujet de leur apport, et aussi d’etablir Fapport en nature de chaque membre de la Societe. Ce dernier travail sera facile, puisque Fapport en nature de tous les nouveaux admis, se trouve detaille sur leur feuille d’ad¬ mission. > Ces apports en argent et en nature une fois bien determines, il faudra dresser un livre des apports, qui contiendra le compte de chaque membre de la Societe. « Cette question terminee, nous n’avons a ajouter que peu de chose. Les decisions de I’Assemblee ont ete peu nombreuses pendant le semestre qui vient de s’ecouler. Nous avons parle des principales dans le courant de ce travail; nous n’y reviendrons pas. Mais Fune d’elles est tres importante, ils'agit duvote de la Constitution. La Societe, apres des debats assez longs, est revenue a la Constitution du Fondateur d’Icarie, en y apportant deux changements assez graves: le premier, en reduisant a quatre le nombre des gerants ; le second, en convenant que la gerance ne pourrait discuter ou presenter des lois ou faire des enquetes en corps. 11 faudra done sans delai — 127 que l’Assemblee s’occupe (le creer un comite de legisla¬ tion et une commission d'enquete et de conciliation. Telle etait la situation de la Societe an commence¬ ment de l’annee 1859. On comprend que les retraites qui se sont efFectueesen avril, out du modifier un taut soit pen cet etat de choses , mais, cependant, pas d’une maniere tres sensible. Voici d'ailleurs un nouvel etat des efFets a payer dresse apres les retraites, au l er mai 1859. EfFets a payer de ce jour au l er mai I860 : MOIS. Mai. » » Jain. » n Juillet. » r> Aout. Septembre. 0 B Octobre. Novembre. Decembrc. Janvier Fevrier. Mars. Avril. JOURS. 1 16 26 1 15 15 1 15 15 8 45 1 1 15 15 24 7 10 15 9 » D 2 15 » NOM I)U CREANCIER. Ebener. Billstein. Hirchner. Ebener. Guillemet. Sossingliauss. Hubert. Vivier. Sessingbauss. Salomon Sessingbauss, Blondeau. Guillemet. Bouas. Sessingbauss. Fintbon. Tliurot. Vivier. Moreau. Allen. Bouas. TOTAL de chaque billet. r* •-* Totaux egaux... 4645 76 I TOTAL du mois. 79 30 > 55 » 1 D 2880 » 42 » T) doll. c. 196 20 380 » 263 58 150 » 556 42 177 56 2880 » 42 o r> 4645 76 m — Je presume que, par suite des retraites effeetuees, Tactif a pu diminuer d’environ 2,500 doll, et que le passif s’est eleve d’un millier de doll. D’un autre cote, la dette a du diminuer un peu, par suite des arrange¬ ments intervenus entre !a Gerance et M. Lefevre, qui a du reprendre ses machines, la Societe ne pouvant pas actuellement continuer 1’exploitation de son industrie, faute de capitaux suffisants pour le faire avec avantage. Les nouvelles admissions qui out eu lieu depuis le mois d’avril ont, d’un autre cote, comble une partie des vides laisses par les retraites, de sorte qu’on peut etre assure que l’inventaire de 1860 ne differera pas sensihlement de celui de 1859. . _ • .. Tousles effets echus ont ete soldesaujour d’echeance, et le paiement des autres billets est assure jusqu’au l er fevrier, mais il nous reste a faire face a notre echeance du 2 fevrier, qui est l’annuite de la propriety de Cheltenham. Les 2900 doll, a payer foment une somme de 15,350 fr. qu’il nous faudra trouver d’ici a cette epoque, et c’est l’affaire de tous les Icariens : que chacun fasse de son cote ce que sa conscience iui dira de faire, et on verra que ce n’est pas la une difficulty hien serieuse. La souscription a un sou par jour nous donnera deja 7500 fr. environ. Si nous sommes un mil¬ lier de souscripteurs, elle nous donneraitles 15,000 fr. necessaires; si nous etions deux milles, ou si, a un mille, nous souscrivions deux sous par jour. Dans tous les cas, il faut reunir cette somme, et nous la reuni¬ rons. Je t’ai prornis les noms de ceux de nos anciens associes qui nous ont quittes pourrentrer dans lTndivi- dualisme, les void: Bouas; — Boulanger; — Bernier ; — Chavan; — Colin; — Crampon ; — Delhuile; — Dieuaide ; — Gillet pere ; — Gohel; — Heggi; — Helix; Maritz; — Martin ; — Martinet ; — Pinthon ; — Tiran ; — Utenveiler; — Yivier; — Vogel; — Widstrand ; — Woquefen. Soit en tout 22 hommes formant, avec leur famille un effectif de 44 personnes. Void maintenant le personnel de la Colonie au premier juin 1859. * - 129 PEBSOMNEE PE 11 COMMf MUTE au l er Juin 1859. NOMS. PROFESSIONS ACTUELLES. OBSERVATIONS. Barrioz jardinier. Bauer forgeron. Bira. Directeur general. Agriculture etindustrie. Blaise. cordonnier. Parle et traduit l’anglais. Brier re cordonnier. Soigne la vaclierie. Cadet balayeur. Chicard tonnelier. Cledes ecole-garcons. 11 est charge des distribu- tions pour les menages. Dazy plafonneur. Deglise jardinier. S’occupe de la porcherie. Droussent cordonnier. Fagris. tailleur. Favcreau Vice-president. Travaille avec les tailleurs. Fondeslhene jardinier. Cornier Directeur general. Achat et nourriture. Guillard travaux divers. Kling tailleur. Labbe cbaudronnier. Travaux divers. Labenne tailleur. Laurent cordonnier. Loire macon. Loiseau menuisier. Fait les ecritures. Marchand (Leon) boulanger. Mercadier President. Mesnier pere Directeur general. Logement, velenient, sante. Mesnier (Charles) travaux divers. Conduit machine a coudre. Nagel tailleur. Picard refectoire. • Ponte cordonnier. Travaux divers. Poste cbarpentier. Quernori tailleur. Raynaud cordonnier. Renaud cuisinier. Rousselet apprenti tonnelier Roy mecanicien. Jardinier. Sainton cuisinier. Salarnier xtailleur. Thieulin pliarmacien. Aide a la cuisine. ISO NOMS. PROFESSIONS ACTDELLES. -----—--- ■ ■ . - ■ ^ OBSERVATIONS. 1 . 1 CITOYEnNES. Bauer nourrice. i Bira lingerie. Blaise infirmerie. Briere nourrice. Cadet couture. Chicart couture. Deglise coulure. Droussent tailleuse. Bordeuse de bottines. Fagris nourrice. Favereau nourrice. Gamier tailleuse. Grubert mere couture. En conge avec son mari. Grubert fille couture. Th. Mauvais. Guillard lavoir. Labbe nourrice. Elle s’est chargee du nour- risson Kling , apres la mort de sa mere. Labenne salle d’asile. Loire nourrice. Lois e an nourrice Mercadier tailleuse. Mesnier mere couture. Mesnier fille nourrice. Ponte Lavoir. Raynaud machine a coudre. Roy nourrice. Salarnier lavoir. JEUNES GENS. Gil let (Louis) forgeron. Grubert (Joanny) jardinier. Grubert (Pierre') menuisier. Marcliand (Paul) ferblantier. Raynaud (Ch .) imprimeur. Wiske (Edouard) menuisier. ADMIS PROVISOIRES. Duhamel charretier. Mauvais charretier. Venant du Bresil. Chanmond cuisine. En conge. Hubert tailleur. 131 — NOMS. Sertier (Pierre) Lecomte (Germ.) Joussieux (Math.) Citoyennes: Sertier Defay (Claudine) Lacour (Annette) Lacour (Aimee) PROFESSIONS ACTUELLES. OBSERVATIONS. Jardinier. Jardinier. Ma^on. couture. couture. repasseuse. repasseuse. ECOI.ES DE CARCONS. ELEVES. Cledis (Joseph); Cledes Jean); Cledes (Maximilien) ; Bira ; Blaise (Paul); Brierre (Ferdinand ; Chi- card (Amedee); Favereau (Emile). Sertier (Maximilien); Sertier (Ar- mand); Sertier (Fleury). P. S. Cledes est occupe une par- lie de la journee a l’imprimerie. ECOLES DE FILLES. ELEVES. Chicard (Heloise); Dodier (Au¬ gustine); Gluntz (Anna); Thomas- sin (Anna); Thomassin (Claire); P. S H. Chicard; A. Gluntz et A. Thomassin travaillent la demi- journee a l’atelier des tailleurs. SALLE D’ASILE. Roy (Arthur); Ponte (Octave): Loire (Emile). Favereau '.Louise) ; Kling (Ca roline): Mesnier (Cecile ); Mes- nier (Ilenriette). NOURRISSONS. Bauer (Jules); Brierre, garcon ; Kling, garcon ; Loire, garcon. Fagris (Marie) ; Favereau (Co- rilla ); Loiseau ( Jenny ) ; Mes¬ nier (Emilie); Roy (Clenience . 132 — Le personnel s’est en outre augmente, pendant le mois dejuin; du cit. Ricaud, cordonnier, ancien membrede la Colonie de Nauvoo qui avait quitte celle-ci en 1853, pour revenir en France. L’annee derniere il retournait de France en Amerique et il rentrait dans la Colonie dansles derniers jours dejuin. Danslememe temps, la citoyenne Bormens , qui avait quitte la Colonie de Nauvoo avec ses parent en 1856, agee alors de 16 ans seulement, sollicitait et obtenait Fautorisation de rentrer dans notre Colonie de Cheltenham. — On sait que cette citoyenne est la soeur de la citoyenne Ponte. La derniere lettre ducit. Mercadier, en date du8juillet m’annoncait encore la rentree de la famille Daumont, composee du pere et de la mere, agees tous deux de 60 ans; du fils Daumont, avec sa femme et trois enfants. Tu te souviens que Daumont fils, quitta la Colonie de Nauvoo en mars ou avril 1856 parce que, disait-il, les violences de Fopposition contre le cit. Cabet, toujours presentes a sa memoire, lui faisaient peur pour Favenir. La meme lettre m’annonce aussi Farrivee dans la Colo¬ nie, d’un ancien Icarien de Paris, parti de France Fannee derniere. Enfin, le personnel va encore s’augmenter de 10 per- sonnes, quatre hommes, quatre femmes et deux enfants, qui se sont embarques au Havre le 21 juillet, avec la citoyenne Mauvais qui retourne a la Colonie; beaucoup plus tot qu’elle ne pensait le faire. Tu sais deja que la citoyenne Mauvais est la fille ae la citoyenne Grubert. File etait avec sa famille, dans la Communaute, depuis 1848, lorsqu’elle a epouse, au mois d’avril dernier Theodore Mauvais , qui, quelques jours plus tard recevait la nouvelle de la mort de son grand-pere et etait oblige de revenir en France pour regler les affaires de la succession, sa jeune epouse Favait accompagne; mais, vers le milieu du mois de juillet elle m’ecrivait! « Depuis que je suis partie, Fennui et le chagrin me y> poursuivent. Je suis enfant de la Communaute, le j vieux monde me fait peur; je ne puis y vivre plus » longtemps. Mon mari voyantma sante s’alterer, con- )> sent a mon depart; il restera ici jusqu’a ce que ses )> affaires soient terminees. » — 133 — Je ne suis pas etonne de 1’effet produit par l’indi- vidualisme, sur cette jeune femme, qui, cependant avait deja 10 ans quand elle entra dans la Commu¬ naute. A son passage a Paris, elle me disait; « cequim’a ete le plus penible, c’est de voir la misere et la demora¬ lisation des pauvres travailleurs de mon voisinage, cela me fendait le coeur de voir de malheureuses femmes toutes deguenillees, sales; se servant de motsque jene comprenais pas le plus souvent; mais que je devinais etre des plus grossiers: J’ai beaucoup soutfert aussi, dans l’atelier ou j’ai travaille. Jamais je ne pouvais causer raisonnablement avec les ouvrieres qui tra- vaillaient a cote de moi. Jamais ellesne s’occupent que de futilites ou bien demedire 1’une del’autre ; jen’avais aucune idee de cela, et il me serait bien impossible de m’y habituer. » En me racontant ainsi ses impressions devant plusieurs autres personnes, notrejeune amie avait veritablement Pair d’etre effrayee, et il a fallu qu’elle le fut en effet pour se decider a retourner dans la Communaute avant son mari. Mais cet etfet se produira de merne sur toutes les personnes qui seront elevees dans la Communaute. L’individualisme leur paraitra toujours de plus en plus incomprehensible. L’antagonisme et la rivalite ; la guerre que Von veut bien decorer du nom d’emulation leurp araitra toujours une chose deraisonnable, absurde. Je voulais ne publier que plus tard , la partie de la Constitution qui a ete revisee conformement a Vengage- ment de 1856. Mais j’ai pense faire plaisir a toi et a tes amis, en te la communiquant des aujourd’hui, void le texte nouveau. Tu pourras te rendre compte des modifications qui y out ete faites en le comparant au texte qui se trouvedans le Compte-Rendu de 1855 con- tenant la Constitution dans son entier. L’examen de cette piece te mettra a merae d’apprecier la valeur des opinions de ceux de nos associes, qui ont prefere quitter la Communaute, abandonner tous leurs enga¬ gements precedents, plutot que d'acceptcr les nouvelles dispositions contenues dans ces deux dernieres sections de notre Constitution. SECTION IV. — pouvoir execgtif , g£rance. Attributions de la Gerance. Art. 125. Le pouvoir executif est exerce par le Pre¬ sident de la Communaute qui est seul charge de la direction superieure, de l’administration generate et de l’execution des lois. Art. 126. II fait les reglements d’administration pu- blique. j p;i Art. 127. Chaque citoven pourra demander qu’un reglement d’administration publique, fait par le Pre¬ sident, soit, en tout ou en partie, soumis a la ratifica¬ tion de l’Assemblee generate pour etre transforme en loi. Art. 128- Le President pourra, dans les dix jours d’une loi nouvelle, demander Fajournement pendant six mois, pour une seconde discussion et un second vote. Art. 129. L’Assemblee generale pourra repondre, a la majorite des deux tiers , en ordonnant F execution immediate. Art. 130. Le President nomme tous les fonctionnaires publics que la loi n’a pas reserves a l’election, notam- mentles Directeurs de Colonies et les Directeurs gene- raux. Art. 131. La nomination des Directeurs de Colonies et des Directeurs generaux sera soumise a la ratification de FAssemblee, a la majorite absolue. Art. 132. Le president peut les revoquer. Art. 133. Les Directeurs de Colonie et les Directeurs generaux ne pourront rester en fonctions plus d’une annee. Ils ne pourront etre rappeles a ces memes fonc¬ tions qu’apres un intervalle d’un an. Art. 134. Le President nomme toutes les commis¬ sions qui lui sont necessaires pour l’aider dans sa tache. Art. 135. il v a un Vice-President. Art. 136. En cas d’empechement ou de mort du President, il est remplace par le Vice-President, pen¬ dant l’intervaile de cet empechement ou pour le temps — 135 — qui reste a courir sur sa gestion. Dans le dernier cas, le Vice-President prend le titre de President et l’Assem- blee elit un Vice-President pour le reste de la gestion. Art. 137. Des lois sont necessaires pour autoriser les emprunts, achats ou ventes d’immeubles. Art. 138. Des lois speciales organisent toutes les commissions qui pourront etre necessaires. § II. — Elections de la Gerance. Art. 139. Le President et le Vice-President de la Communaute sont electifs. Art. 140. Ils sont elus par 1’Assemblee generale. Art. 141. Ils sont elus pour 4 ans. Art. 142. Ils ne sont reeligibles, dans aucun cas, qn’apres un intervalle de quatre annees. Art. 143. Ils sont elus a la majorite absolue. Art. 144. 11s sont elus separement par bulletin ecrit et signe. Art. 145. Avant 1’election , on dresse une liste de candidature, sur laquelle on inscrira tous ceux qui se- ront proposes comme candidats. Art. 146. On ne pourra elire que parmi les candi¬ dats inscrits. Art. 147. Chaque candidat propose pourra, en ex- posant ses motifs, deinander que son nom ne soit pas inscritsur la liste de candidature. Art. 148. L’Assemblee etant consultee, si le dixieme des citoyens composant l’Assemblee generale se leve pour deinander l’inscription ou le maintien sur la liste, le nom y sera inscrit ou maintenu. Art. 149. Une discussion pourra s’ouvrir sur chaque candidat. Art. 150. Cette discussion sera libre et franche, mais digne et fraternelle, exclusivement animee par le sen¬ timent de l’interet general et cornmun. g III. — President. Art. 151. Le President prend le titre de President de la Communaute lcarienne . — 136 — Art. 152. II represente la Communaute dans toutes les relations exterieures. Art. 153. 11 agit, correspond, negocie, traite, parait en justice, soit comine demandeur, soit cornme de- fendeur, et signe en qualite de President de la Com- munaute Icarienne. Art. 154. II dirige et surveille la redaction du jour¬ nal de la Communaute et generalement toutes les pu¬ blications, soit pour le service interieur, soit pour les besoins exterieurs de la propagande. Art. 155. II ne peutrien publier contre les membres de la Societe qui ne soit constate et decide par un vote de 1’Assemblee. § IV. — Responsabilite. Art. 156. Le President est responsable et comptable. 11 est tenu de presenter a T Assembler generate un rap¬ port mensuel du l er au 10 de chaque mois, resumant les operations de la Societe pendant le mois precedent. Dans la derniere quinzaine de juillet de chaque annee , il presente a FAssemblee generate un rapport d’ensem- ble sur les operations du semestre ecoule et fait con- naitre les travaux prepares pour le semestre commence. Dans la derniere huitaine de janvier, au plus tard, il communique a I’Assemblee, avec Finventaire exact de 1’actif et du passif de la Societe au 31 decembre et un rapport semestriel, un compte-rendu sur la situation morale de la Communaute. Art. 157. Comme tous les autres fonctionnaires, le President pourra etre destitue conformement a la loi. Art. 158. Toutes les functions publiques sont eta- blies dans l’interet de la Communaute. Art. 159. Elies sont aussi multiplies qu’il est neces- saire. Art. 160. Toutes sont un devoir, une charge, un travail quon ne peut abandonner sans un empechement legitime. Art. 161. Le lieu oil s'exerce la function est un ate¬ lier pour le fonctionnaire. — 1S7 - Art. 162. Le fonctionnaire est un mandataire. Art. 163. II est electif, sauf le cas prevu par l’art. 130. Art. 164. 11 est temporaire, comptable et respon- sable. Art. 165. 11 doit commander avec fraternite, et cha- cun doit obeir avec egard par respect pour la loi. Art. 166, En cas d’abus , soil du fonctionnaire en- vers le citoyen, soit du citoyen envers le fonctionnaire, chacun d’eux a le droit de reclamer on de se plaindre. SECTION V. — pouvoir judiciaire. $ I er . — Delits. Art. 167. Dans la Communaute, les debts sont: les actes qui nuisent a la Societe ou a quelqu’un de ses membres ; la violation des principes, des loi^et regle- ments; la disposition illegale d’un objet commun; le defaut de soin et d’economie; le desordre et le trouble apportes dans la grande famille. Art. 168. Le mensonge et la calomnie sont des delits inexcusables. Art. 169. L'injure et la medisance, la critique hors de 1’Assemblee generale sont aussi des delits. S 2- — Peines. Art. 170. Les peines sont: 1<> le blame dans batelier ou dans 1’Assemblee generale, ou dans le public exte- rieur avec plus ou moins de publicite ; 2° bexclusion de batelier ou de l’Assemblee generate, ou de la Commu¬ naute, dans les cas qui seront determines par la loi. $ 3. — Constatation (les delits. Art. 171. Chaque Directeur d’atelier doit constater dans un rapport hebdomadaire ou special les delits commis dans batelier. Art. 172. C’est un devoir pour chaque citoyen de - 138 - faire connaitre, dans Finteret de la Communaute, les delits cominis contre elle. Art. 173. C’est un devoir pour la Gerance de sur- veiller les delits et de demander contre eux Fexecution des lois. 8 4. - Jugement. Art. 174. Les delits contre les reglements de Fatelier sontjuges par Fatelier. Art. 175. Les delits communs contre la Commu¬ naute sontjuges par FAssemblee generate, ou par le jury. $ 6. — Revision. Art. 176. Le Peuple Icarien a essentiellement le droit de reviser sa constitution. Mais il peut, dans son inte¬ nd, etablir des regies et des formes, pour que la Cons- ttution ne soit pas exposee a des changements trop frequents. La Societe Icarienne reposant sur les prin- cipes developpes dans le cliapitre II de la Constitution, et particulierement dans les sections 1, 2, 3, 4, 5, et 6 de ce cliapitre, et dans le cliapitre III et, particuliere¬ ment, dans les sections 1 , 11 et 14 de ce cliapitre : ces principes ne pourront etre revises qu’a Funanimite des membres de la Societe, et avec le consentement des Icariens de Fexterieur. Art. 177. La Constitution ne pourra etre revisee (ju’apres des intervalles de4 ans, en 1863, 1867, etc. Art. 178. La revision se fera en decembre. Art. 179. Celui qui voudra demander la revision totale ou partielle devra le faire par ecrit, dans Favant- derniere semaine de novembre. Art. 180. Tous ceux qui voudront presenter des mo¬ difications ou des changements devront le faire , par ecrit, dans le meme temps. Ces modifications ecrites seront a (lichees durant la derniere semaine de novembre. Art. 181. Dans la premiere semaine de decembre, FAssemblee decidera d’abord , a la majorite des trois 139 — quarts, si elle prend en consideration la demande en revision. Art. 182. Dans ce cas, elle fixera Touverture de la discussion a un jour de la seconde huitaine de de- eembre. Art. 183. Chaque membre pourra proposer, par ecrit, des amendements aux changements proposes. Art. 184. L’Assemblee discutera et votera a la ma¬ jority des trois quarts la revision totale ou partielle de la Constitution. Adopte a Tunanimite, le 4 avril 1859, par les ci- toyennes, les admis provisoirement, les jeunes gens consultes, et a l’unanimite par les citoyens. Le Secretaire , Le President , Marchand (Leon). G. Bauer. Le President de la Communaute , B. Mercadier. Certifie conforme : B. MEBCADIER. Ne te semble-t-il pas, moil cher Eugene, en lisant ces deux sections de la constitution Icarienne, que ceux qui ont sacrifie la communaute plutot que de les accepter, devaient avoir d’autres motifs que ceux qu’ils alle- guaient? Et quand je dis qu’ils ont mieux aime sacri - fier la communaute que d’accepter la revision de la con¬ stitution dans les termes que nous venons de lire, ce n’est pas une maniere de m’exprimer; c’etait litterale- ment leur pensee qu’en se retirant la Colonie allait se dissoudre parce qu’elle serait dans Eimpossibilite de faire face a tons les engagements. Eh! bien oui, beau- coup de ceux qui nous out quittes Font fait par des mo- tifs tout a fait etrangers a la constitution ; dans ma der- niere lettre, je te disais que nous que nous reerettions plusieurs de ceux qui nous ont quittes, et je le repete encore. Mais les autres nous ont rendu un grand service en se retirant; ils nous ont evite la penible necessite dans laquelle nous aurions ete, de nous separer d’eux parune autre voie. Seulement, il leur sierait mal de se poser en victimes de leur opinion politique. XI. Depuis Installation de la Gerancc unique, le Pre¬ sident a decide qu’il serait fait a L Assembles generate un rapport hebdomadaire de la situation de la Caisse, en dehors du rapport mensue' prescrit par Tart. 156 de la Constitution. J’approuve completement cette de¬ cision du President. Elle serait peut-etre superflue en temps ordinaire et quand aucune inquietude ne peut exister dans Y esprit de membres de la Societe relative- ment aux affaires de la Societe; mais dans les temps difficiles, il est bon que les cit. sachent toujours quelle est la situation de leurs affaires. Le cours Icarien continue sans interruption tons les dimanches. La musique; les chants; la recitation de ables ou de morceaux de poesie choisie, faite par les enfants des deux ecoles; la lecture de petits traites sur la morale, en rapport avec la doctrine icarienne, com¬ poses par les membres de la Societe ou envoyes du de¬ hors ou choisis dans les ouvrages du citoyen Cabet ou autres auteurs. Tels sont les elements qui concourent a faire de ces assemblies hehdomadaires, des cours a la fois amusants et instructifs. Rien n’est plus puissant pour former le cceur et Tesprit des citoyens, des epouses 141 - et des meres ; mais surtout des enfanss qui y assistent avec leurs parents et y prennent la part la plus active, par la musique, les chants et la recitation de fables ou de poesies. Tu devines quelle emulation cela produit parmi eux ; combien chacun travaille pour se preparer a bien chanter le dirnanche au cours; a bien reciter ou a bien jouer, et tu comprends aussi le bonheur des pa¬ rents d’entendreleurs enfants; devoir leur jeune intel¬ ligence se developperet se fortifier par Y etude et la pra¬ tique de tout ce qui est vrai, beau et utile. L’anniversaire du 12 mai a ete celebre commetoutes les fetes Icariennes ave'c fentrain de P esprit, la con- fiance et la securite de favenir pour sa famille et pour soi-meme. Des Toasts out ete portes: par les Icariens et les Icariennes venus de Lyon: a leurs freres et seeurs de Lyon ; par Josephe Loiseau :a I’avenir d’lcarie; par Jules Cleves : a la moralisation des peuples; par L. Gillet : d Cabet ; par P. Blaise au nom de ses cama- rades : Au souvenir de Cabet; par les jeunes filles: Au courage: par Ch. Raynaud: Aux vieillards ; par Dazy: Au devouement, par Mesnier pere: A la famille Cabet; par Rousselct: A l'harmonic; par Mercadier: A /’ union , au travail et au progres. La derniere lettre du cit. Mercadier , me dit qu’ils ont celebre le 4 juillet Panniversaire de lTndependance americaine et que la fete a ete magnifique, il ne me donne d’ailleurs aucun detail; je ne les recevrai que dans une huitaine. Nous avons commence f echange des titres provisoires de Y emprunt Icarien , contre les titres definitifs, nous payons en meme temps les interets echus pour 1857 et 1858. Plusieurs affaires importantes ont absorbe une partie de mon temps, pendant les dernieres semaines, m — ce qui a retarde un peu l’operation de l’echange des titres que je pensais pouvoir faire en juillet. Mais, comme tousles porteurs sont nos amis, ils attendent a\ec bienveillance. J’ai recu beaucoup de titres de nos amis des departements; je n’ai encore pu repondre a per- sonne, mais tout sera expedie avant le 15 dece mois. J. P. BELUZE. % Paris. —Imp. Felix Malteste et Cie, me des Deux-Portes-Saiut-Sauveur, 22. t LETTRES ICARIEMES, QUATRIEME LETTRE. XII Mon cher Eugene, Je t’ai fait connaitre dans ma precedente lettre, la situation denotre Colonie Icarienne au commencement de l’annee 1857, par le Compte-rendu de la Gerance presente a la Societe au mois de fevrier. J’inserais ce Compte-rendu tout entier dans ma lettre, parce que je le considerais comme la cloture des operations de la premiere periode de la Societe Icarienne, et, par conse¬ quent, comme un document qu’il sera curieux de pou- voir consulter plus tard. Aujourd’hui, et par les memes motifs, je veux te mettre sous les veux le Compte- rendu du premier semestre 1856, ouvrant la deuxieme periode de Thistoire Icarienne, avec la Gerance unique pour base de notre Administration. — 146 — Je souligne ces mots : Gerance unique , Administra¬ tion, parce que, dans les discussions qui ont eu lieu a ce sujet, soit au dehors, soit dans le sein meme de la Colonie, il m’a paru qu’on ne comprenait pas assez clairement, qu’entre la Gerance unique et la Gerance multiple, il ne s’agissait que d’une question purement administrative. 11 s’agissait de savoir,en effet, si les affaires' de la Societe seraient dirigees par un seuL ou par plusieurs. L’experience nous ayant demontre Fimpossibilite de faire toujours concorder, dans les questions de details, les opinions des hommes compo- sant une Gerance multiple, ayant chacun une initiative et une responsabilite particuliere. Voulant a tout prix faire cesser les tiraillements et les coteries que cet etat de chose entretenaient au detriment de la Commu- naute, nous sommes revenus a la Gerance unique. Tu as vu dans ma deuxieme lettre que ce change- ment a occasionne dans la societe de Cheltenham de longues et penibles discussions. Beaucoup d’objections ont ete faitescontre la Gerance unique pendant ces dis¬ cussions, que le Journal de la Colonie a publiees. Eh bien ! je dois le dire , aucune de ces objections ne m’a paru serieuse. Toutesreposaient sur un equivoque ou un malentendu. Beaucoup d’objections, ai-je dit, ont ete faites contre la Gerance unique ; mais toutes se resumaient en une seule. G’est, disaient ses adversaires, compromettre, aliener la Souverainete du Peuple Icarien. N'est - il pas evident, pour quiconque connait Torganisation Icarienne, que cette objection est sans aucune valeur, sans fondement, par la raison toute simple que la Souverainete ne repose en aucune facon sur la Ge- rance unique ou multiple. Avancer cette objection contre la Gerance unique , c’est dire qu’on ne comprend xien a l’organisation Icarienne , ou qu’on la comprend mal. Car, pour mon compte, je ne serais pas plus ras- sure sur le sort de ma souverainete si je devais la con- fier a six personnes au lieu d’une; il est bien certain, en effet, que si les six sont d’accord pour abuser de ma conflance, ils seront plus forts , ils auront plus de res- sources pour le faire qu’un seul. Je n’aurai de chance de salut que dans l’esperance qu’ils seront divises. Mais alors, comment marcheront les affaires de la Societe ? II suffit de poser ces questions pour montrer le peu de valeur de Fobjection tiree dela Souverainete, contre la Gerance unique, la seule cependant qui aitete pro- duite sous differentes formes. Redisons-le done, la Ge¬ rance unique est une question d’organisation adminis¬ trative qui n’affecte en rien la Souverainete du Peuple Icarien, que chaque membre de la Communaute exerce et devra toujours exerccr directement dans FAssemblee generale ou les Assemblies primaires quand il sera trop nombreux pour sereunir en Assemblee generale. Cela dit, sur le caractere de la nouvelle organisation de FAdministration de la Colonie , nous allons voir, par son premier compte-rendu comment elle fonctionne; comment celui qui est a la tete de cette Administration comprend ses fonctions et comment il envisage Favenir de la Societe. COMPTE-RENDU DU PREMIER SEMESTRE DE L’ANNEE 1859. Citoyennes et citoyens, Ce compte-rendu commencera naturellement ou finit le dernier, etse terminera au 2 juillet, afm de partager Tannee en deux parties egales. On ne saurait trop le repeter, parce qu’on ne doit jamais le perdre de vue, pourquoi sommes-nous ici ? Quel but nous proposons-nous ? Que sommes-nous venus faire? Nous sommes venus pour mettre en pratique un Systeme ^Organisation sociale, le Systeme, le Principe, la Doctrine de la Communaute Icarienne. Lorsque ce systeme n’etait encore qu a l’etat de theorie, ses adversaires nous disaient de lui qu’il etait beau, mais qu’il etait impossible. L’ecole Icarienne repondait que ses idees etaient, non seulement belles, mais aussi et surtout realisables, et des aujourd’hui. Elle ajouta que, pour le demontrer, elle allait en faire l’essai. Cela dit, elle se mit a Y oeuvre et completa la theorie par la pratique. Nous prouvons done la bonte de notre systeme en le pratiquant. Le but que nous nous proposons, notre mission, e’est une demonstration par les faits de la — 149 — bonte de la doctrine Icarienne. Si nous reussissons, la Communaute est possible; car, on ne saurait nier le mouvementdevantquelqu’un quimarche ;car, pourrait- on meconnaitre la puissance de la vapeur, a Taspect d’un de ces enormes steamers qui fendent avec rapidite et majestueusement les mers, et qui se jouent des vents contraires et des vagues encourroux? Si nous echouons, que ce soit pour telle ou telle raison, la preuve tournera contre nous; l’echec peut s’expliquer, mais non s’excuser, car, lorsque nous avons accepte la demonstration pratique, nous avons suppose que nous etions capables et que nous avions les moyens deprati- quer. En deux mots, tel est, suivant nous, la question: faisonsla Communaute et nous aurons raison ; echouons dans notre essai, etnous aurons tort. II faut que nous pratiquions; la pratique, c’esttout; rien, sans la pratique. Trois conditions nousparaissent indispensables pour amener et constituer une pratique complete et serieuse : il faut: . * V i De 1’Union; Une perfection relative; Un certain bien-etre. UNION. L’Union nous est indispensable pour assurer notre tranquillite, le travail et la production. Une Societe, qui se trouve dans la position ou est la notre, doit discuter peu et travailler beaucoup. Nous devons 6tre d’accord sur tout ce qui concerne le principe Icarien. II faut a Icarie quelques lois simples ; il suffit qu’elles nous — 150 — fassent comprendre nos droits et nos devoirs, et nous les mettent constamment sous les yeux. Nous avons l’Engagement du 13 octobre, qui contient notre expe¬ rience de 8 annees; notre devoir est de l’executer fide- lement jusqu’a ce qu’une experience nouvelle nous inspire d’autres dispositions. Yoila, selon nous, les principes qui doivent realiser notre union. Yous savez comment ces principes ont ete meconnus dans la premiere partie du semestre ecoule; vous savez les longues discussions, la division et la scission qui ensont resultees ; vous savez le denoument, facheux sous un rapport et heureux sous un autre, que ces evenements ont eu. Je n’y reviendrai pas. Je mehaterai de constater que depuis ces recents evenements, la Commission de legislation n’a eu a s’occuper d’aucun projet de loi. L’union a regne parmi nous: nous avons ete tous d’accord et sur le principe , et sur nos lois, et sur l’En- gagement. Nous n’avons qu’a continuer. Pour cela, il faut de la bonne volonte et de la fermete. Si la mouche du disaccord piquait encore quelqu’un de nous, s'il avait besoin encore, afin de donner et de recevoir de longs avis pour s'entendre, de faire fermer les ateliers et d’ouvrir une Assemblee generale de plusieurs mois, son devoir serait de sortir de la Societe immediatement et pacifiquement; s’ilne le faisaitpas, la Societe devrait sans hesiter et sans delai Fexclure de son sein. Ce sont des bras et non des Iangues dont nous avons besoin. Nous devons etre homogenes sur notre organisation generale. Les discussions irritent et divisent au lieu d’unir. Nous avons bien fait, selon Fexpression d’un de nos amis, de les suspendre au clou ; laissons-les y Yieillir. I — 151 — GERANCE UNIQUE. Cette partie (le l’Engagemens a ete mise en pratique depuis environ 3 mois. C’est ici le lieu de dire, d’une maniere generate et independamment de certaines posi¬ tions particulieres a notre situation, comment nous la comprenons, comment nous la sentons, comment nous favons executee, et comment nous croyons devoir l’executer a l’avenir. Selon nous, et, croyons-nous, selon les dispositions modifiant la Constitution, la Gerance unique est une institution essentiellement Democratique et sans arbitraire. Le President doit exe- cuter la volonte de l’Assemblee, et lui faire tout connaitre, en choisissant le moment le plus opportun. Sa respon- sabilite doit etre complete. Qu’il s’entende avec les directeurs generaux, qu’il leur communique tout ce qui concerne leurs fonctions, c’est son devoir et son interet; mais, tout ce quia un caractere general, il faut qu’il en instruise directement l’Assemblee. II doit s’appuyer sur la Societe tout entiere. C’est d'elle, et d’elle seule, qu’il peut tirer la force qui lui est lieces- saire. Ce peu de mots suffiront pour expliquer notre pensee, que chacun d’ailleurs a devinee et comprendra aisement. PERFECTION. •- 11 n’est pas necessaire d’insister le moins du monde pour faire voir qu’une certaine perfection est indispen¬ sable pour pratiquer la Communaute. De la, la neces- site pour nous tous de nous ameliorer sans cesse et de plus en plus. Avons-nous fait quelque progres dans le semestre ecoule ? — 152 La perfection consiste, (Tune maniere generate, dans la pratiqne des qualites de Sociability, qui rend la vie supportable et agreable, et qui fait ressortir l’indepen- dance et la dignite de Thomme en meme temps que son desir d’etre utile a ses semblables; elle consiste aussi dans cette egalite d’humeur et cette conformite de caractere qui fait supporter les contrarietes qu£ arrivent partout, aussi bien dans l’individualisme que dans la Communaute. Eh bien! nous sommes-nou& ameliores sous ce double rapport? II est difficile de repondre a une pareille question; avec cette reserve, nous croyons pouvoir dire qu’on a fait dtfs efforts et qu’on a donne de bons exemples; mais qu’on se laisse encore aller a dcs oublis et a des emportements trop frequents; et que, en consequence, il y a encore a ameliorer aL cet egard. La critique en general, la tenue dans les reunions, et les travaux de la Commission d’enquete peuvent en quelque sorte, servir de thermometre a notre ameliora¬ tion : nous allons en dire un mot. CRITIQUE EN GENERAL. Ici, nous n'entendons parler que de la critique faite avec malveillance ou avec violence, ou en arriere, soit d’individu aindividu, soit d’atelier a atelier, soitcontre les actes de f Administration, ou les decisions de TAs¬ semble. Ce genre de critique, qui n’est pas publique ou qui n’a pas pour but d’eclairer, est un debt que notre Systeme condamne vivement avec juste raison* Lorsque certains actes reprehensibles se commettent^ les personnes, au lieu de s’abandonner a ces sortes de — 153 — critiques, devraient s’y prendre regulierement et frater- nellement, en ayant des explications particulieres ou publiques. D’un autre cote, lacritique serait impossible, si les personnes qui Tentendent ne s’y pretaient pas ou y coupaient court. Notre devoir est de dire que, meme depuis la grande dissidence, il y a eu quelques-unes de ces critiques. Nous engageons tout le monde a s’en abstenir. Dans le cas ou elles sfc feraient encore en¬ tendre, le devoir de chaque membre est de les pour- i suivre conformement aux lois. « ■ , REUNIONS. \ ' m i t * . t • / . * C’est dans les reunions, Assemblies generates, Com¬ missions ou conseils divers, que chacun doit dire son opinion, loyalement, completement, avec le vif desir de s’instruire ou de s’ameliorer lui-meme ou d’instruire 1 ^ • » t <. les autres. Depuis la derniere dissidence, nous avons a signaler une amelioration capitale dans la tenue de l’Assemblee. Cependant, il s’est produit encore deux ou trois actes qu’on ne saurait approuver, et qu’on ne doit pas renouveler. COMMISSION D’ENQU^TE. T , * Cette Commission, instituee depuis environ 5 mois, s’est reunie assez souvent. Elle a recu des plaintes de deux especes : les unes verbales, les autres ecrites. Ces dernieres sont au nombre de huit et constatent les in¬ fractions suivantes : 3 irregularites, 2 negligences dans les ateliers, 2 faits consistant a blaguer, 1 dispute. Les plaintes verbales sont peu nombreuses et peu graves. — m — sauf une qui constatait qu’une parole legere avait ete prononcee devant une citoyenne. La Commission d’en- quete n’ayant pas fait de proces-verbaux, il nous est dif¬ ficile de dire jusqu’a quel point ces plaintes etaient i . f . fondees. Ce que nous pouvons assurer, c’est que gene- ralement elles ne presentaient aucun caractere de gra¬ vity que des explications ont tout concilie, et qu’aucune peine n’a ete, non seulement prononcee mais meme proposee. ' '• *; V l COURS ICARIEN. Ce que nous venons d’exposer avec la plus grande franchise demontre combien nous avons besoin de nous perfectionner. Quelque difficile que soit cette ameliora¬ tion, il faut l’acquerir : la Communaute n’est possible qu'avec elle. Du reste, notre imperfection n’a rien de grave ni d’impossible. Nos intentions sont bonnes, mais nous ne nous observons pas assez pour dominer les mauvaises habitudes de la vieille Societe. Nous cedons trop a Finstinct, nous n’ecoutons pas assez la raison. Notre cerveau et notre coeur devraient etre continuelle- ment en garde et a Fetude. Il importe que nous refle- chissions constamment sur la nature de Fhomme, sur notre principe, sur Fesprit.de nos institutions,pour nous en rendre un compte exact. Il faut ensuite que nous nous appliquions sans cesse a pratiquer. C’est pour ac- querir ce rapport entre la theorie et la pratique que le courslcarien estinstitue. L’obligation de chacun est d’y prendre une part active. Depuis la derniere dissidence, nous croyons, ainsi que nous Favons dit au Cours lui- meme, qu’on nes’est pas assez conforme a cette obliga- 155 — tion : les sujets traites et les lectures choisies ont ete trop rares, et presque personne n’a commente le Vrai Christlanisme . Nous exhortons tout le monde a faire v mieux. Nous ne voulons pas revenir sur les immenses avantages qui decouleraient de l’execution generate de F obligation ci-dessus. Pour nous, c’est un point capi¬ tal. Notre conviction est tellement forle que nous croyons pouvoir assurer etaflirmer, que le jour ou tout le monde prendra la part active qui lui revient au Cours Icarien, on verra tomber, comme par enchantement, paroles* inconvenantes, causeries inutiles, disputes, et la Commission d’enquete et de conciliation deviendra superflue. . " ' ' • • , » • » » ^ . .1 • ) * # r 1 • --. - * 5* ^ COTE MATERIEL. La partie materielle a peu change depuis le dernier compte-rendu. La raison de ce defaut d’amelioration se trouve dans la faiblesse de nos moyens, amoindris en¬ core un moment par la derniere dissidence. C’est ainsi que la bibliotheque, Fimprimerie, les divertissements, Feducation, la pharmacie, la nourriture, le logement, * • V' % * « • le vetement se trouvent a peu pres dans la meme situa¬ tion. Aussi, nous n’en dirons rien. Nous ne saurions, a * < » . leur egard, que dire et repeter : nous avonsfaitun peu, nous aurions voulu faire beaucoup, mais nous n’avons pu. Plus loin, nous en parlerons d’une maniere moins directe, mais plus eflicace. lei, nous allons nous borner a vous rendre compte du mouvement du personnel, de .la situation financiere et de celle de F Vndustrie. • — 153 — PERSONNEL. Aii 30 janvier dernier, la Communaute comprenait 152 personnes, voici, de ce jour au 2 juillet courant, quel a ete le mouvement du personnel: JT • ' " 3 naissances : les enfants Bouas, Favereau et Marilz. 11 admissions provisoires: les cit. Chaumond, Lecomte i et Soussieux; les demoiselles Defay ct les deux soeurs Lacour, et la famille Sertier, composee de 5 personnes. 1 admission definitive : la citoyenne Gamier. 1 manage : la citoyenne Delphine Renaud avec le cit. Gamier. 2 deces : la citoyenne Kling et fenfant Droussent. 46 retraites : les epoux Tiran et 44 membres de la grande dissidence, dont les noms sont publies ci-apres. En outre de ce mouvement. les cit. Roux et Ricaut 7 M Ue Borremans et la famille Daumond, composee de 6 personnes, sont entres ou vont entrer dans la Societe, sont autorises a venir, et vont etre admis provisoire- ment. — En tout 9 personnes. — 3 membres de la fa¬ mille Daumond; le cit. Ricaut, et M lle Borremans, ont fait partie de la Communaute de Nauvoo. D’apres ces donnees, la Societe de Cheltenham com- prend, au 2 juillet, 127 membres, savoir : 43 hommes, 6 jeunes gens, 35 femmes on jeunes Giles, 11 eleves a la grande ecole, 7 a la salle d’asile, 11 nourrissons, 10 entres sans etre encore admis, et 6 absents. Depuis le 30 janvier elle a done perdu 25 membres. C ? est un malheur; mais e’est peu, surtout si V on se . — 157 — i ' • rappelle tout le bruit qu’on a fait a cause de cette der iere dissidence. > IN’OMS DES MEMBRES COMPOSANT LA DERNIERE DISSIDENCE. NO MS. HOMMES. FEMMES. ENFANTS. Bernier . 1 1 » Bouas . 1 1 1 Boulanger . 1 » » Chavant . 1 1 0 Colin . 1 0 » Crampon . 1 0 » Delhuile . 1 1 )) Dieuaide. 1 » * » Cillet. 1 .» 2 Gobel. ...... f . . 1 1 1 Heggi . 1 1 1 Helix . 1 2 1 ! Maritz . 1 1 1 Martin . 1 1 o Martinet . 1 1 o Uttenveiller . 1 1 0 Vogel . 1 » 0 Woquefen . 1 » » Wiske . I 0 » Widstrancl . 1 » Vivier . 1 1 0 . Pinthon . 1 » 0 Totaux . 21 14 9 RECAPITULATION. . V • • * • 1 . « % • . • mr f Femmes . . . 14 Enfanls . . • • • • • . 9 Total. s 44 . % # C v t » . » . Nous n’ajoutons aucune reflexion a cette liste, quo nous avons publiee sur )a demande de plusieurs corres- ) — 158 — •pondants, et d’ailleurs conformement a nos habitudes de publicity. * - - % - V % . - « V FINANCES. Nousallons reproduce, ce que la bonne tenue de nos livres nous perm et de faire pour la premiere fois, le gain atelier par atelier et la depense d’apres les comptes prineipaux, pendant les six premiers mois de l’annee courante; nous les separerons en deux parties : Tune comprendra les mois de janvier, fevrier, mars et avril, cpoque de nos divisions, et de la grande dissidence, et • » « * • * * * l’autre comprendra seulement les mois de mai et juin, pendant lesquels laSociete a tout stibordonne au travail et a la production reorganises : • • GAIN. i. * ATELIERS QUATRE premiers mois. DEUX derniers mois. TOTAUX. * \ ^ ■* doll. 0 . » • > doll. 0 c. doll. C. Tailleurs. . . . 1019 46 495 65 1515 10 Cordonniers. . . 388 07 213 96 552 03 Jardiniers. . . . 28 20 207 07 235 27 Forgerons. . . . 417 45 223 15 640 60 Tonneliers . . . 190 62 41 25 231 87 Menuisiers . . . 129 91 21 00 150 91 Pharmacie . . . • 46 40 4 15 50 55 Confection. . . . 100 00” 57 65 57 65 Divers . 162 478 21 640 99 Tolaux . . • • 2332 48 1742 09 4074 57 — 159 — DEPENSES. « % COMPTES. • ’ QUATRE premiers mois. . DEUX derniers mois. TOTAUX. • . doll. ' ^ c. doll. c. doll. c. Animaux. • . • 166 40 52 25 218 65 Nourriture. • . 1288 36 608 60 1896 96 Matieres premieres. . 591 71 395 02 980 73 Ustensiles. . . • 14 35 25 15 39 50 Outils. 118 99 3 75 122 74 Pharmacie . . . 150 80 44 30 195 10 Ameublement. . 3 60 00 00 3 60 Vetement. . . . 00 00 72 35 72 35 Correspondance . 24 52 8 30 32 82 Chauffage. . . . 124 39 21 05 145 44 Eclairage. . . . 93 88 12 70 106 58 Divers . 104 15 68 55 172 70 Totaux. . . • • 2681 15 1312 02 3993 17 Les quatre premiers mois, la depense a depasse le gain de358 dol. 67 cent.; Les deux derniers mois, le gain a depasse la depense de. 430 dol. 07 cent.;- ’ Les deux derniers mois, la moyenne. du gain est de 193 dol. 56 cent, par semaine; Les 4 premiers mois, la moyenne du gain de la se¬ maine a ete de 137 dol. 20 cent.; Cette meme moyenne s’est elevee : %/ ♦ ’ • • r * dol. c. En fevrier 1857, a environ.. . . 155 00 En aout meme apnee. 45 En fevrier 1858. 00 En aout meme annee. 00 En fevrier 1859. 50 En consequence, il est constant que, pendant les deux derniers mois, le gain a ete plus eleve qu’a toute — 160 — autre epoque ; et que, d’un autre cote, a la fin de 1858 et au commencement de 1859, il a ete le moins eleve, et qu’il allait toujours en diminuant. 11 faut ajouter que la Communaute a renferme, depuis aout 1858 jusqu’a mai 1859, plus de monde que jamais, et qu’en mai et juin 1859, elle etait diminuee d’un quart. Ainsi, il est arrive qu’au moment ou on etait plus nombreux la pro¬ duction a ete inferieure, et qu’on a produit davantage avec moins de monde. D’ou provient cela? Ai-je besoin de le dire ? Tout le monde ne salt—il pas qu’a l’epoque de la revision de la Constitution, les discussions avaient remplace le travail, et que depuis la dissidence c’est le travail qui est notre principale preoccupation? Le tableau ci-dessus ne fait connaitre absolument que legain realise par notre production et que les depenses directes de la Societe. Il est, cependant, d’autres de- penses que nous allons indiquer. dol. c. Regu du ler janvier au 2 juillet, de Paris. . . . 1,600 00 Recu, a titre de pret. . . .. 100 00 Rcqu, apports verses a Cheltenham. 303 15 Total. 2,003 15 Les derniers dissidents ont fait perdre a la Commu- naute, en argent, en billets, en materiel, en trousseaux,, en demenagements, la somme suivante: dol. c. Remis a eux, comptant.. 187 80 Billets a terme. 567 64 Outils remis, pour.. 75 00 35 trousseaux a 45 dol. selon l’ifiventaire, et 9 a 15 dol., ensemble; 1,710 10 Demenagements. 35 00 Total. 2,575 44 — 161 — ~ On a paye, en effets a terme, depuis le l er janvier jusqu’au 2 juillet, pour la somme de 1,406 dol. 16 cent. II faut en payer, du 2 juillet au l er janvier 1860, pour une somme de 1,147 dol. 53 cent., independamment dupaiement du 2 fevrier prochain, lequel s’eleve a la somme de 2,880 dol. dol. c. Quant a nos divers debiteurs et crediteurs au au l er janvier 1859, nous devions. 7,887 25 Idem , on nous devait.. . 205 60 Difference.7,681 65 Au l er mai 1859, nous devions.5,614 75 Idem, on nous devait. 333 52 Difference.5,281 23 Au 2 juillet 1859, nous ne devions que. 5,542 69 Idem , on nous devait. 572 90 * . - r • y 4 »*. P Difference. 4,969 79 En caisse, au 2 juillet. 490 10 II nous semble inutile de nous etendre sur nos divers moyens pour faire face a tout; nous allons nous borner a parler de notre production. • , v . . i INDUSTRIE. % Je n’ai pasbesoin de depeindre le desordre dans lequel etaittombele travail a l’epoque de nos malheureuses discussions. Vous vous rappelez qu’a la suite des elec¬ tions de fevrier et surtout apres la dissidence, la revi¬ sion de la Constitution et les elections d’avril, la produc¬ tion fut prise en serieuse consideration. La Societe, en quelque sorte, se secoua pour rendre le travail aussi productifque possible. Les ateliers, travaillant pour le — 162 dehors, reQurenttous les ouvriers disponibles. Les mem- bres de FAdministration n’ont consacre a leurs fonctions que le temps indispensable. On crea ratelier de la con¬ fection, qui permet de faire travailler les nourrices et les citoyennes qui, pour divers motifs, ne figurent pas momentanement dans les ateliers. Une circulaire fut repandue dans les environs. Une de ses premieres con¬ sequences fut la necessity de creer un atelier de con¬ struction, qurjusqu’ici n’apas cesse de travailler et qui parait devoir avoir de l’occupation jusqu’a l’hiver. Les bons resultats. de tous ces. efforts.nous ont permis de sortir du mauvais pas dans lequel nos derniers evene- ments nous avaient jetes pour un moment. Pour le semestre qui ya s’ouyrir, nous croyons que cette marche et cet elan doivent se continuer. Plus nous irons et moins le travail nous manquera. Ce n’est pas tout de F avoir, ce n’est pas tout non plus de posseder la meilleure volonte; il faut encore que chacun mette dans son atelier respectif, Firitelligence et l’initiative, qui augmentent considerablement la production. Les deux departs d’automne nous permettront, selon leur composition, d’augmenter le personnel de plusieurs ateliers, tels que tonneliers, menuisiers, forgerons, con¬ struction. Nous sommes forces d’attendre et de con- naitre la composition du second depart pour savoir ce que nous devons faire, relativement a Fatelier des cordon- niersetdes tailleurs. Nous croyons devoir exhorter les •membres de Fatelier de confection a prendre leur travail 4out a fait au serieux ; cet atelier est destine a rendre a la Societe d’importants services : c’est une source de production, ilfait tomberbeaucoup de critiques, il per¬ met a ses membres, non seulement de ne pas perdre — 163 — Thabitude de 1’aiguille, mais d’apprendre a faire de plus en plus vite une foule de travaux d’une utilite incontes¬ table. - Nous avons besoin d’appelervotre attention sur l’ate- lier du jardinage, pour vous signaler un mal, et pour "vous parler du remede que nous croyons devoir y ap- porter. Le jardinage, il nous semble, n’a pas eu un rap¬ port proportionnel a celui de l’annee passee ; tel legume a fait defaut, tel autre a ete produit en grande quantite ; celui-ci qui aurait convenu a un terrain a ete mis dans un autre; celui-la abonde en un moment et puis manque tout a coup. Ces faits, signales par tousles membres de ratelier, avec plus ou moins de force, prou- vent, selon nous, une chose, et la prouvent indubitable- ment: c’est que les deux directions ou les deux ateliers % % du jardinage ne s’entendent pas assez, et que, loin de s’entendre, ils entreraient bientot dansun systeme d’e- mulation ou de rivalite, qui nous semble plutot inu¬ tile et funeste qu’avantageux. Ce qui nous conflrme dans cette opinion, c’est la difficulte que rencontre TAdministration pour la distribution des ouvriers etdes travaux dans les deux ateliers. Nous croyons qu’il im- porte d’arreter ce mal, parce qu’il pourrait s’aggraver et que la production en souffrirait immanquablemenh Le seul moyen d’arreter ou de prevenir ce desordre^ c’est de ne faire qu’un seul atelier du jardinage. La seule objection a faire a cette mesure est, selon nous, que le Directeur du jardin aura fort a faire, aura a supporter une grande responsabilite, et aurait besoin en conse¬ quence de disposer de moyens plus etendus que ceux »• r * d’un Directeur ordinaire d’atelier. Nous le croyons r » • • aussi; c’est pourquoi nous nous proposons de mettre a — 164 — la tetedu jardinage un Directeur-general. Cette mesure nous parait aussi urgente qu’utile, parce que il faut des a present s’occuper de la campagne prochaine, et, de plus, des defriches et des assainissements, de la plan¬ tation des arbres et de la culture des serres pour l’hiver. Aussi, nous presenterons, des les premiers jours du mois d’aout, un Directeur-general a la ratification de l’As- semblee generate. Nous terminerons ce sujet en recommandant a tous les directeurs d’atelier, et meme a tous les membres, d’executer ou faire executer ce qui concerne les rapports. Les rapports d’atelier sont la base essentielle de toute la comptabilite. Pour que celle-ci soit ponctuelle et exacte, il est indispensable que les rapports eux-memes soient faits avec exactitude, avec precision et au mo¬ ment voulu. PRATIQUE EXTERIEURE. Nous avons commence ce travail en faisant ressortir qu’il etait indispensable de pratiquer, pour etre reelle- ment Icarien. Lorsque nous nous exprimions ainsi, nous ne parlions pas exclusivement pour les membres de laColonie; ce que nous disionspeut et doit s’adresser aussi a tous les Icariens du dehors. Depuis 1848, notre Societe est entree dans la voie pratique; tous ceux qui embrassent nos idees et se disent Icariens doivent pra¬ tiquer. S’ils ne le font pas, ils ne comprennent notre affaire qu’a demi. Nos freres de tous les pays ne (Sol¬ vent pas attendre, pourjoindrela pratique a la theorie* d’etre dans la Societe; ils sont obliges de realiser, des qu’ils se disent Icariens et tout en etant encore dans — 165 — l'individualisme, tout ce qui est realisable pour un Ica- rien du dehors. Ne faire rien et attendre tout de ceux qui sont membres de la colonie, ce serait de l’injustice et de l’egolsme; ce serait manquer au principe de la fraternite, qui est la base de toute notre doctrine. Ils ne peuvent pas dire qu’ils n’ont rien a faire, tant qu’ils sont au sein de la vieille Societe; car notre entreprise est jassez serieuse et universelle, elle embrasse assez de choses pour que l’lcarien exterieur trouve abondam- ment de quoi exercer la mise en pratique de nos idees. Comme le membre de la Societe, il doit s’efforcer de maintenir I’union entre toutes les personnes qui parta- gent notre doctrine. Comme lui il doit acquerir les ha¬ bitudes nouvelles, qui sont en opposition avec celles de l’individualisme, et qui doivent realiser peu a peu sa perfection Icarienne. Possede-t-il toutes les qualites de sociability? Est-il toujours poli, convenant? N’est-il pas habitue a avoir des moments de mauvaise humeur, d’emportement, de violence? Est-il toujours juste et impartial envers les autres, et ne les critique-t-il jamais? Est-il calme et court dans les discussions? Possede-t-il les qualites d’ordre, d’activite, dans le travail? Ne fait- il pas usage du tabac, sous une forme ou sous une autre? Tant que la perte des mauvaises habitudes et l’acquisi- tion de bonnes seront regardees comme des genes, il v aura encore a pratiquer ? Fait-il tous ses efforts pour s’instruire et instruire les autres dans des reunions de families, sortes de Cours Icariens? Enfin, de meme que celui qui est dans la Colonie, 1’Icarien exterieur doitpar- ticiper ii sa prosperity materielle par tous les moyens, et notammentpar la souscription,par l’emprunt, pari’envoi d’objets utiles, en se perfectionnant dans sa profession, — 166 — en travaillant Ie plus possible, en economisant, et en donnant le bon exemple partout ou il va et dans toutes les circonstances. Nous sommes tres prononces a cet egard, et nous ne craignons pas de dire que celui qui n’aide pas notre entreprise, au moins au moyen de la tire-lire, n’est pas un Icarien serieux, parce qu’il ne pratique pas serieusement. * On voit, aux details ci-dessus que nous pourrions prolonger encore a combien est vaste le champ de la pratique offert a nos co-religionnaires de tous les pays. A cet egard, nous croyons devoir reproduire quelques extraits d’une circulaire, publiee par notre correspon- dant de Paris, et adressee a tous nos co-religionnaires du dehors, parce que ces extraits traitent de la pratique Icarienne exterieure. Aujourd’hui les idees sont tene¬ ment precises a ce sujet, que, relativement a notre union et a notre position morale et materielle, notre correspondant s’exprime dans le meme sens que nous. Nous ne craignons pas d’etre trop long parce qu’aucun sujet n’eut jamais plus d’importance. Union. — « Ainsi les fatales consequences de nos discussions dans nos Assemblies generates, nous on appris que nous devons reformer nos habitudes a cet egard, et prendre toutes les mesures necessaires pour eviter le retour des luttes parlementaires qui nous pre- cipiteraient inevitablement dans Tabime. Nous avons reconnu qu’il fallait agir plus et parler moins : en con¬ sequence , nous avons remplace la Gerance multiple par la Gerance unique, parce que ce mode d’administration a plus d’initiative et d’action, avec une responsabilite plus reelle, et par consequent ofTre plus de garanties, d’ordre et de regularity dans les affaires de la Societe. » Perfection. — « .En premiere ligne de nos diffi- cultes, nous devons mettre le manque d’education Ica- rienne de la part de ceux qui demandent leur admis¬ sion dans la Colonie, et qui y arrivent avec des habitu¬ des tout a fait contraires auxnecessites de la vie sociale, et meme aux reglements ecrits de la Societe. C’est ainsi que des personnes, se preparant a entrer dans la Com- munaute, conservent Fhabitude du tabac et des habil- lements de luxe ; d’autres, au contraire, nemettent pas assez de soin dans leur tenue, et tandis que quelques- uns ne font aucun effort pour perdre des habitudes de critique anti-fraternelle, a l’egard de leurs semblables, d’autres conservent dans leur conversation, meme de- vant des femmes et des enfants, un langage libre et quelquefois obscene, ou bien encore ils font usage de mots empruntes au vocabulaire de la population des bagnes, et qui sont usites dans les plus mauvais lieux de debauche et de demoralisation, et cela, sans y faire attention, sans penser mal faire, par le seul fait de Fha- bitude. C’estun mal et un mal immense que ces habi¬ tudes soient entrees en quelque sorte dans Feducation et la vie des travailleurs. Mais ce serait un bien plus grand mal encore que les Icariens les conservassent dans leurs relations au dehors de la Colonie et les apportas- sent dans son sein. y> Je sais bien qu’ils disent: nous nous corrigerons quand nous serons dans la Communaute. Mais je sais aussi qu’ils se trompent et qu’en agissant ainsi, ils se — 168 — * preparent les plus cruelles deceptions, contre lesquelles notre devoir est de les premunir. j) On ne devient pas Icarien, on ne se transforme pas dujourau lendemain, par le seul fait du cliangement de climat et de position. Pour reformer des habitudes depuis longtemps contractees, il fauten avoir lavolonte et y mettre la perseverance et Tattention la plus assi- due. Pour agir dans ce sens, il ne faut pas attendre d’etre dans la Colonie, car il arriverait a tous ceux qui commettraient cette faute, ce qui est arrive a ceux qui les ont precedes. C’est qu’ayant tout a reformer a la fois, et leur education, pour ainsi dire, a refaire, tout en changeant de pays, de relation et de societe, ils se fati- gueraient promptement de la vie commune, eprouve- raient un malaise qu’ils imputeraient a coup sur a la Communaute, ou tout au moins a l’organisation de la Colonie, pour ne pas en accuser leurs mauvaises et in¬ sociables habitudes ! Que ceux qui veulent pratiquer la vie commune et fraternelle s’y preparent serieusement, et qu’ils se penetrent bien que, s ils ne peuvent pas etre Icariensici, ils ne le seront pas davantage en lcarie. » Ainsi done, sousle rapport moral, si nous voulons triompher des difficultes de l’avenir, il faut nous mon- trer de plus en plus lcariens, et ne pas nous contenter de parler d’Icarie, de lire les livres qui en contiennent la doctrine, etc., mais nous efforcer constamment de pratiquer, des a present, cette belle doctrine. Soyez bien persuade d’avance, que tout individu qui veut entrer dans la Colonie et qui dit, avant d’y entrer; quand je serai dans la Communaute, je me corrigerai de tel de- faut, de telles habitudes, et qui ne fait rien pour s’en corriger des a present, soyez bien persuade, dis-je, qu’il — 169 — ne se corrigerapas du tout, et qu’apres avoir passe quel- ques mois dans la Colonie, il en sortira sous un pre- texte quelconque. » Corns Icarien. — « Nous savons que nous manquons pour la plupart d’une education appropriee a l’organisa- tion sociale que nous voulons realiser, et que l’oubli d’un devoir conduit bientot a Toubli de tous les autres; cette connaissance nous a portes a instituer le Cours Icarien, avec lequelnous nous instruirons et nous nous fortifierons sans cesse, dans la pratique des vertus so- ciales et les devoirs de la fraternite. » Partie materielle. — « Nous avons vu que la si¬ tuation materielle de la Colonie n’a rien de decoura- geant, tout au contraire. Mais, vous savez aussi, qu’a- vant les retraites qui se sont effectuees au mois d’avril dernier, elle avait des engagements contracts, en vue d’une production beaucoup plus importante, puisque 2i hommes et 14 femmes, ensemble 35 travailleurs, sont en moins. II est naturel que la position de nos amis se trouve genee par suite de cette circonstance; mais ils sont sans inquietude cependant, parce qu’ils comptent sur le concours des Icariens du dehors. Je disais, dans ma derniere lettre icarienne, que j’esperais que nos Freres ne compteraient pas en vain sur nous, et j’ai plus que jamais cette confiance, parce que je compte sur Fintelligence de tous nos co-religionnaires, qui comprendront, comme le disait notre frere Marc Flaig, de Rio Janeiro, « qu’ils ne doivent pas esperer » jouir des bienfaits de la Communaute s’ils ne veulent » point participer aux charges que sa fondation doit » couter Aussi je pense comme ce dernier que tous 8 \ — 170 — * les Icariens doivent s’imposer a raison d’un sou de travail, afin de cooperer a la fondation d’Icarie, en suivant le noble exemple donne par nos co-religionnaires du Bresil. II est bien entendu que cette souscription a un sou par jour n’a rien de rigoureusement fixe, et que ce chiffre n’est indique que comme minimum auquel peut attein- dre tout homme qui a la bonne volonte de faire quelque chose ; mais cela ne doit pas empecher ceux qui peuvent faire plus, de faire tout leur possible, soit en prenant des obligations ou des coupons d’obligations de Fem- prunt, soit en souscrivant 2, 3, 4, 5 sous par jour, soit pour eux seuls, soit au profit d’autres amis ou d’autres membres de leur famille. Pour toutes les sommes sou- scrites, il sera delivre des obligations ou des bons imputables sur des obligations de Femprunt; par consequent, toutes les souscriptions sont un pret fait a la Colonie , pret qui sera restitue dans la forme et les conditions determinees par la loi sur Femprunt ». Nous le repetons , nous approuvons sans reserve les lignes precedentes. Apres avoir demontre la necessity de la pratique, pour les Icariens du dehors, aussi bien que pour ceux de Finterieur, nous devions etre a meme de rendre compte de la pratique exterieure, sous le rapport de Funion et de la pratique morale et materielle, de meme que nous l’avons fait pour la pratique interieure. II fau- drait meme rendre ces comptesavec de certains details, et plus souvent que tous les semestres , tous les mois , par exemple. Nos amis du dehors devraient, ainsi que nous, presenter un rapport mensuel qui ferait connaitre tout ce qu’il y aurait d’important dans la realisation - 171 d’Icarie, et surtout le resultat de la tire-lire. Ces rapports seraient les bulletins de Tarmee Icarienne exterieure. Iis nous semblent necessaires pour bien se rendre compte de tout. Au reste, ce n’est qu’un des moyens de mettre en pratique notre systcme de publicity. En consequence, nous nous entendrons avec notre correspondant de Paris, et nous recueillerons toutes les idees pour mettre a execution ces rapports mensuels exterieurs. PROPAGANDE. Faire de la propagande, c’est mettre en rapport les membres de la Colonie et les Icariens du dehors, pour les fortifier et pour augmenter leur nombre. Comme tout le reste, la Propagande, pour etre efficace, doit etre essentiellement pratique. Nos co-religionnaires doi- vent savoir toute la verite sur nous, comme nous de- vons la savoir sur eux. 11 importe qu’ils nous connais- sent et nous apprecient a notre juste valeur. II faut que nous sachions quelles sont leurs actions Icariennes; nos amis doivent avant tout etre sinceres : ceux qui se disent Icariens sont obliges de I’etre, tandis que ceux qui ne le sont pas ont pour devoir de ne pas se declarer disciples de Cabet; il vaut mieux pour notre reussite de ne compter que sur 1,000 individus sinceres, deter¬ mines et bien devoues, que de se reposer sur le con- cours inefficace et trompeur de 10,000, de 20,000, de 50,000, de 75,000 pretendus Icariens. Nous le repe- tons, nous demandons une propagande pratique; nous demandons des faits. Voici, selon nous , quelques ac¬ tions capables de prouver que leurs auteurs songent serieusement a la realisation d’Icarie. 1 ° Correspondances. — Entre autres avantages , elles f . developpent la eonfiance et la sympathie entre les mem- bres de la Colonie et leurs co-religionnaires de tous les pays. 2° Adresses. —Generalement, elles etablissent et facilitent la conformite d’opinions et de sentiments entre les signataires et les Icariens de Cheltenham ; parfois, elles contribuent, comme la derniere Adresse des Icariens de Paris, a amener la solution d’evenements graves, mais necessaires et heureux. 3° Conrs lcarien. — Les deux categories d’Icariens doivent s’envoyer mutuellement des sujets traites , des instructions, pour se moraliser et se perfectionner; ces sujets lus, d’un cote aux Cours Icariens de la Colonie, et d’autre part aux reunions de famille, seront de na¬ ture a entretenir 1’idee, si utile et si indispensable du besoin que nous avons de nous instruire et de nous mo¬ raliser sans cesse. 4° Rapports mensuels. — La Societe les publie tous les mois ; elle les rendra de plus en plus precis et inte- ressants; le bureau de Paris, de son cote, envoie des rapports mensuels qu’il faudra faire plus detailles, et que le journal devra reproduire, de meme que les bro¬ chures publieront, a cote des rapports exterieurs, ceux venant de la Colonie. Les avantages de cette mesure sont incontestables, puisque toutle monde se rendra compte^ par le moyen de ces rapports, de tout ce dont nous sommes capables, au dedans comme au dehors. « * 5° Departs. — L’Icarien sincere, vrai, ne doit pas etre impatient de partir, comme il faut qu’il n’hesite — 173 — pas un moment lorsque la Colonie a besoin de lui et l’appelle. Apres la grande dissidence, la Societe a fait uhappel, aussi pressant que serieux; notre prochain compte-rendu fera connaitre quel a ete le resultat de notre demande et de nos instances. 9° Journal et Brochures. — Nos publications doivent etre le bulletin de toutes nos actions importantes, soit du dedans , soit du dehors ; independamment de cette publicity des faits et gestes Icariens, tous les Icariens peuvent et doivent contribuer a rendre nos publications interessantes. Le role de celui quiest charge du journal et des brochures doit se borner a accueillir, autant que possible, tous les articles qui reuniront l’interet et l’utilite. 4 DIRECTEURS GENERAUX. ; » • r • f I i * * • Quoique les Directeurs generaux ne soient nommes que pour un an , de sorte qu’il faudra remp’lacer les trois qui sont en functions, les cit. Bira, Gamier et Mesnier pere, le 3 fevrier prochain, neanmoins, comme ce remplacement en masse ne nous parait pas avoir beaucoup d’inconvenients, nous croyons de Tinteret general qu’ils restent en fonctions pendant toute leur annee. En consequence, nous n’aurons a proposer a LAssemblee generale au commencement d’aout, que la ratification du directeur general du jardinage. BIEN-£TRE. —PRODUCTION. —MARCHE A ADOPTER. — BUDGET. — PLAN GENERAL. Les pages precedentes satisfont, du moins dans la mesure de nos forces, aux dispositions de la loi : aussi — 174 — notre compte-rendu pourrait se borner aux developpe— merits que nous venons de donner. Mais apres les graves evenements qui se sont accomplis dans notre sein, et au milieu des doutes sur notre prosperity et meme sur notre existence queces evenements peuvent faire naitre, notre tache n’est pas terminee. L’importance d’un compte-rendu nous impose F obligation de ne pas nous renfermer dans une periode de six mois ou d’une annee, mais de porter nos regards vers un avenir plus eloigne. Nous devons dire, en meme temps que notre perseve¬ rance et notre foi dans la Coiflmunaute, quelles sont nos esperances, et quelles sont nos idees sur les desti- nees futures d’Icarie. Dans ce temps de transition ou nous vivons, l’homme possede assez de bonnes qualites pour comprendre les vices de lavieille organisation, mais il n’est pas assez parfait pour realiser completement le nouvel ordre de choses. Ne pouvant pas pratiquer parfaitement, n’est-il pas capable, ne sommes-nous pas capables de le faire d'une maniere relativement satisfaisante, et au point que notre pratique soit meilleure que l’inaction? Nous repondons, avec la conviction la plus sincere, la plus etendue et la plus profonde, nous repondons aflirmati- vement; oui? nous sommes capables de realiser la Com- munaute ; oui! nous pouvons fonder Icarie. Quelque imparfaits que nous soyons, Icariens du dehors et membres de la Societe, le courage, la foi et les autres qualites que nous possedons nous permettent de dire qu'Icarie sortira tot ou tard de nos tetes et de nos mains. Nous n’en doutames jamais , Icarie sera un jour grande et belle. II faut meme que ce jour ne soit pas trop eloigne. II faut qu’a tout prix nous repoussions - 175 — cette gene qui comprime toujours notre vol. 11 faul que cet eternel : — nous manquons de moyens! — ait une fin etassez promptement. Cette necessity est-elle pos¬ sible ? oui! Et comment? c’est ce que nous allons vous (lire. Dernierement, nous avons publie une brochure du Fondateur d’Jcarie, intitulee : S ij’avals 500 mille dol¬ lars! Cette brochure, qui depeint la Communaute, jouissant deja d’un certain bien-etre, suppose qu’un homme desinteresse, qu’un bienfaiteur de l’Humanite, donnera ou pretera a Icarie 500,000 dollars, et qu’a l’aide de ce donlaSociete grandira. Faire reposer notre prosperite sur une somme produite d’une pareille ma- niere, telle a ete l’erreur de cet ecrit. L’homme devoue, le bienfaiteur de ses semblables a jusqu’ici garde par devers lui ses nombreux dollars, et, du moins nous sommes autorises a le croire, il les gardera encore long- temps. Ne comptons done pas sur des eventualites trop hasardeuses. Si elles se realisent, acceptons-les comme un surcroit fortuit de moyens, mais faire reposer sur elle etla prosperite etla fondation de notre entreprise, Texperience nous a prouve que e’est trop trompeur et trop hasardeux. Au lieu de s’en rapporter a la generosite des autres, ayons confiance en nous, comptons d’abord sur nous. Le liasard est le hasard; nous, nous sommes la pratique elle-meme et la certitude. L’espoir d’une fortune extra¬ ordinaire entretient une illusion dangereuse ; esperons d’abord et exclusivement en nos efforts. Ayons la ferme volonte de vouloir etre riches, pensons-y serieusement, et nous le deviendrons, non par autrui, mais par nous- — 176 — memes. Ce mode est plus certain, il est plus meritoire, plus digue et plus noble; meme, et nous FafFirmons avec une veritable conviction, il est plus dans Finteret de la Communaute, car nous aimerons d’autant plus celle-ci et d’autant nous saurons l’organiser, qu’elle sera davantage notre oeuvre et qu’elle nous aura coute davantage. Je dirai done a tous les Icariens sans excep¬ tion, a nos co-religionnaires du dehors comme auxmem- bres de la Societe : Icarie grandira; elle peut et doit grandir surtout par nos efforts, surtout par nous, sur- tout par notre production. La production! voila le mot de Fenigme, voila la source de notre richesse. f Ainsi done, produisons! Produisons, Icariens de tous les pays et de la Colonie, citoyennes etcitoyens, ateliers collectifs et ateliers d ? un seul membre, ateliers du de¬ hors et ateliers du dedans, Administration et membres d’ateliers. N’oublions jamais que la production vient a la fois de Feconomie et du travail. Pratiquons cette espece d’economie et de travail, qui reposent sur Finteret bien compris etsur Famour de la Communaute, economie et travail qui viennent de soi, qui se presentent a tout moment, qui realisent constamment de petites valeurs, et qui, au bout de Fannee, et au bout de plusieurs am nees, produisent des sommes considerables. Soyons assidus et ponctuels; faisons preuve de cette initiative et de ce gout, qui, sans plus d’efforts ou de peine, dou- blent souvent le benefice. Ayons la prudence comman— dee par les dangers de Facclimatation. Acquerons de plus en plus ce hardi savoir-faire, si necessaire a des colons, sachons ne pas nous arreter a de petites difli- — 177 — cubes; que notre hesitation seule erige en obstacles insurinontables. Conformons-nous chaque jour davan- tage a cette promptitude et a cette facilite des Ameri- cains, graces auxquelles l’Amerique acquiert un grand et prompt developpement. Employons-nous generale- ment chacun dans notre profession et de la maniere la plus utile. Qu’il y ait entre les Directeurs et les autres membres, entente, sympathie, concours. Dans le travail exterieur, employons loyalement notre temps a la jour- nee, faisons bien l’ouvrage a Fentreprise. En un mot, prouvons en tout, partout et toujours, que le noble stimulant qui preside au travail dans la Communaute est plus productif que Fantagonisme et Findividualisme. Nous regrettons que les limites etroites de ce compte- rendu ne nouspermettent pas de parler plus longuement de Feconomie, du travail et de la production. Le travail, tout ce que ce mot a de noble, de meritoire, surtout dans une association libre et volontaire comme la notre, je voudrais le dire , je voudrais aussi faire ressortir la • * 0 .1 beaute, la grandeur, la saintetede notre entreprise, que le travail doit assurer. Je voudrais avoir enmeme temps Fimagination brillante et sentimentale d’un poete, pour demontrer et faire sentir que le travail, libre et bien compris, est plus doux que toutes les distractions inu¬ tiles que se procurent les oisifs du monde. Je voudrais avoir le eoeuret le jugement d’un philosophe-reforma- teur pour prouver que le travail sera le regenerateur du monde ignorant, esclave et miserable. Mais, si notre propre production doit nous m etat de rendrelcarie prospere et puissante, la condition de faire preuve de pe — 178 — y consacrer tout le temps necessaire. Ici, il importe de se rendre compte de la marche a suivre. Les circons- tances nous permettront, pensons-nous, d’agir ainsi et d’obtenir les resultats suivants : deux ans nous seront necessaires pour payer les principales dettes et pour bien organiser l’industrie et la production ; deux autres annees seront consacrees a completer le paiement de nos dettes, a organiser un credit solide et sufiisant, et a faire disparaitre les quelques entraves qui pourraient encore s’opposer a rextension considerable de notre pro¬ duction et de notre richesse; ensuite, et pendant six annees, notre production realisera des benefices de plus en plus grands. De cette maniere, et au bout de dix ans, la Societe aura incontestablement un capital de 500,000 dollars; rien ne s’opposera plus a notre fortune, a notre grandeur, a notre puissance. Maispour obtenir ce resul- tat, il faut savoir attendre; il ne faut pas etre impatient. L’impatience a tout perdu, ailleurs et parmi nous. N’oublions jamais que nous sommes ici pour fonder, et non encore pour jouir des bienfaits d’une entreprise realisee. Sachons attendre quelques annees, ayons la patience vulgaire, la patience qu’un homme nouvelle- ment etabli possede dans la vieille Societe, et nous sau- rons reussir. Mais, il ne suffit pas d’avoir une marche tracee, pour bien la suivre, il est necessaire que TAdministration et tous les membres de la Communaute puissent se rendre facilement, souvent et completement, un compte exact de tout ce quise gagne et se depense, et, enfin, de tout ce qui touche a notre richesse. C’est pour cela que nous avons parle d’un budget, et qu’au premier mai dernier nous en avons propose un projet, dont nous nous ser- — 179 — vons pour nous rendre bien compte de toutes nos ope¬ rations financieres. Nous allons exposer ici brievement ce projet, afin que chacun puisse 1’examiner, et en puisse apprecier les avantages et les inconvenients. En tenant compte et du bureau de Paris et de la Co- lonie, nos depenses et nos recettes seraient, du l er mai 1859 au l er mai 1860, telles qu’elles sont repre¬ sentees dans le tableau suivant: V DEPENSES, D’APRES LE DUDGET. dol. c. Effets a payer. 4,645 76 Divers crediteurs, pour.. . . . 1,769 23 Bureau de Paris. 1,300 00 Interets de l’emprunt. 310 00 Interets divers. i 200 00 Apports rembourses. 300 00 Depenses de la Societe.. . . .. 5,967 00 Total des depenses.14,491 99 RECETTES, n’APRES LE BUDGET. dol. c. En caisse, au l er mai.. . 350 00 Du par divers. 200 00 Dette a contracter. 500 00 Xaine provision. t . 400 00 Apports a Saint-Louis. 290 00 Apports a Paris. 1,210 00 Emprunt. 2,500 00 Notre production. 9,041 99 Total des recettes.14,491 99 Deux mois se sont ecoules depuis ce projet : nous allons exposer dans le tableau suivant ce que nos opera¬ tions financieres auraient du etre, d’apres le budget ? pendant ces deux mois , et ce qu’elles ont ete en effet. — 180 — Cependant, comme nous n’avons pas [encore tous les renseignements correspondants sur le bureau de Paris, nous ne porterons pas a la depense les deux chapitres de 1,300 dollars et de 310 dollars, ni a la recette les deux chapitres de 1,210 dollars et de 2,500 dollars, nous bornant a porter a la recette la difference entre les recettes et les depenses du bureau de Paris, difference qui est de 2,100 dollars dans l’annee ou de 175 dollars par mois. BUDGET DES MOIS DE MAI ET JUIN. DEPENSES. CHAPITRES. .. J ~ •••*»# * • ' EN REALITE. ; ' j ..... * . doll. c. doll. c. Effets a payer.. . . . . ‘. 774 30 551 20 Divers crediteurs. 294 86 211 47 Interets divers. . .V '33 32 » » Apporfs rembourses. Depenses de la Societe. ... . . . 50 00 » i> 994 50 1312 02 Totaux. f ‘ t ; ' (\ ' 2146 98 2074 69 .... RECETTES 9 ' • • . . doll. • « %« a c. doll. c. En caisse, au l cr mai. 350 00 270 67 Du par divers.. 200 00 333 52 Dette nouvelle.. 83 34 60 00 Laine provision. . . '. .. 66 66 00 00 Regu de Paris.. . . ... . . 350 00 600 00 Notre production. 1507 00 1742 09 . Totaux. 2557 00 3006 20 La depense reelle est moindre que la depense Active de 72 doll. 29 cents, la recette reelle depasse la recette Active de 449 doll. 20 cents; ce qui fait en faveur de la recette reelle, une somme de 521 doll. 49 cent*; aussi, ' * P sauf par moments, nous n’avons pas ete tres genes pendant ]es mois de mai et juin. Les depenses de la Societe ont depasse de 317 doll. 52 cents nos previsions; le chapitre correspondant notre production s’est elevee a 225 doll. 09 cents au-dessus de la production Active : ce qui fait qu’en resultat, notre production a ete, par rapport a notre depense, trop faible de 82 doll. 43 cents en deux mois, ou de 41 doll. 22 cents par mois; c’est peu de chose. Nous ferons ymnaitre souvent nos operations reelles, que nousmettrons en rapport avec notre budget, ce qui permettra a tout le monde de suivre le cours de ces ope¬ rations et de s’en rendre un compte exact. Le plus tot possible nous les completerons par un compte-rendu, simple, clair et souvent repete, des operations du bu¬ reau de Paris. II ne suflit pas de savoir comment on arrivera peu a peu a la richesse et comment on se rendra compte; il importe encore d’adopter et de suivre un plan general, detaillant et prevoyant tout a l’avance, aAn que tousles coups portent juste et qu’on ne fasse point de fausses manoeuvres. Depuis pres de six mois il a ete nomme une commission de plan general. Nos evenements d’abord et ensuite nos travaux ont probablement empeche cette commission de preparer un projet. Il est a desirer qu’elle en presente un sous peu. En attendant, nous croyons de notre devoir d’emettre quelques idees sur ce plan general. Tout a l’heure, nous avons emis l’opinion que, dans — 182 — dix ans, Icarie jouirait d’une certaine aisance. A cette epoquef quelles 4 seront nos possessions ? Selon nous , nous en aurons trois distinctes. Nos trois etablissements seront : 1° Cheltenham un peu agrandi par une maison a Saint-Louis; 2° une ou plusieurs fermes dans les en¬ virons, a quelques milles seulement, 3° un assez vaste terrain au loin, sur le point de prendre, par nos soins, une importance reelle. Notre nombre, sur le point de devenir considerable, ne sera pas encore, du moins dans la Colonie, tres grand, soit 800 personnes en tout, ainsi reparties: 550 a Chel¬ tenham , 150 dans nos fermes et 100 dans notre eta- blissement lointain. La population de Cheltenham que nous ne portons qu’a 550 individus parce que plusieurs raisons nous de¬ fendant de nous agrandir beaucoup , et qu’il importe de ne pas accumuler trop de monde dans un espace rela- tivement petit, comprendra environ 425 grandes per¬ sonnes. Comme nous pensons qu’il faudra deux chambres par menage et une par celibataire, voila done 425 chambres que devront contenir les batiments particuliers. Quant a toutes les autres constructions ou ateliers di¬ vers, nous allons d’abord les enumerer, en les rangeant en plusieurs categories : 1° Cerance , Assemblee, Theatre, cuisine et refec- toire; 2° Tailleurs, cordonniers, menuisiers, tonneliers, charrons, forgerons,charpentiers, mecaniciens, macons, briqueterie, scierie, brasserie, boulangerie, imprimerie; lavoir, etendage, couture, repassage et grande lingerie, X — 183 — 3° ficoles, salle d’asile, hotel des etrangers, infirme- merie, bains; 4° ficurie, vacherieet laiterie, poulaillier, porcherie, pare de moutons; 5° Caves, greniers, grands magasins, 6o Jardinage et vergers , grande route et chemins ; 7* Embellissements divers. . 4 1 ' * - 1 * La Commission devrait, selon nous, avoir ainsi et completer Tenumeration de tous les ateliers possibles. Cela fait, il faudrait designer tous ceux qu’il impor- tera de placer a Cheltenham, et ceux qu’il sera mieux de placer dans des fermes voisines. Une fois qu ? on aura trouve de cette maniere et le nombre des constructions a faire, et les divers ateliers a elever a Cheltenham, on se demandera lesquels doi- vent etre sur le terrain possede aujourd’hui par nous, et quels autres pourront s'ajourner et se placer sur le terrain acquis. 4 Ensuite, on se rendra un compte approximate de la grandeur que devront avoir toutes les constructions. » - • ' * ^ Cette difficulte levee, on distribuera les construc¬ tions et les diverses series d’ateliers a Tendroit qui leur conviendra de preference. Nous compl^terons ces idees par deux remarques aussi courtes qu’importantes : e’est que le plan doit etre complet, sans quoi il lie remplirait qu’a demi le plan qu’on se propose, et offrirait autant d’inconve- nients que d’avantages; et, en second lieu, e’est qu'il importe de l’adopter sous peu, parce que des travaux pressants du jardinage et les constructions que nous — m — allons etre obliges d’elever devront, comme tout travail un peu important, se conformer a un ensemble qui sera determine par le plan general. Cheltenham , Juillet 1859. Le President , B. Mercadier. A la bonne heure! voila un langage qui nous con- vient. Nous entrons done enfin reellement dans la voie pratique, dans la realisation de la Communaute. Six mois seulement separent ce compte-rendu du pre¬ cedent. Que de points en different cependant. Remar- quons d’abord un phenomene : dans les mois de fevrier, mars et avril, la Colonie gagne en moyenne 137 dollars par semaine. A la fin avril la grande dissidence nous enleve 37 travailleurs, 22 hommes et 15 femmes et * * ■* / - ' 4 <■ I % malgre cette enorme perte en personnel, voila que la moyenne des gains de chaque semaine s’eleve mainte- nant a 193 dollars, soit 56 dollars ou pres de 300 fr. de plus par semaine, avec 37 travailleurs de moins! Ces chiffres sont plus eloquents que tout ce que nous pour- rions dire pour condamner a jamais le regime que nous avons heureusement vu finir. Le passage leplus important de ce compte-rendu, re- marquable d’ailleurs a tous egards, est sans contredit celui qui a rapport a favenir de la Societe. 9 Quandle fondateur d’Icarie ecrivait sa brochure : Si j’avais 500,000 dollars. II avait ses motifs pour le faire, et il lui etait peut etre beaucoup moins difficile de les avoir qu’on se fimagine, et on pourrait peut etre affir- mer qu’il les aurait trouves a emprunter, des 1852 ou 1853. S’il avait eu avec lui le personnel qu’il aurait — 185 — desire pour fonder Icarie. Mais ce personnel lui faisant completement defaut, il dut s’abstenir. Mais compter encore aujourd’hui sur ce qui etait possible par le cit. Cabet, ce serait de notre part unefolie, etnotreami Mercadier a cent fois raison quand il dit que nous devonS ne compter que sur nous-memes. Oui, cela est evident et tres heureux d’ailleurs; nous ne devons compter que sur nous-memes; parce que personne ne saurait s’in- teresser a notre entreprise si nousne montrons pas que nous avons les qualites necessaires pour la mener a bien et la faire prosperer, et si nous savons avoir ces qualites, nous n’avons besoin de‘personne; seul nous suffirons a tout. Mais lorsque je dis seul, tu com- prends je ne veux pas parler des Icariens de la Colonie seulement, mais que j’entends parler de tous les Ica¬ riens, du dehors comme du dedans. J’ai dit que cette circonstance est heureuse et je le repete; oui, il est heureux que nous soyons oblige de tout faire par nous- memes et par nous seul. De cette facon nous saurons i mieux ce que nous valons, nous ccymaitrons mieux notre force et la puissance que nous avons entre les mains. Cette puissance c’est le travail! c’est notre in- dustrie qui valent mieux que des millions. Nos freres Font enfin compris; cela sufllt pour nous rassurer sur leur avenir. Oui! freres, le travail voila notre puissance^ voila notre force; le travail, c’est Faffranchissement, c’est Findependance, c’est la liberte! c’estplus que tout cela encore, c’est le developpement progressif de toutes nos facultes intellectuelles et morales qui constitue le Progres ou la vie de FHumanite! nous sommes enfin sur le bon chemin. Nous n’avons plus qu’a marcher en avant pour arriver promptement a notre but. — 186 — Le cit. Mercadier pense que dans dix ans nous pour- rons avoir 500,000 dollars ou deux millions cinq cent mille francs, en les gagnant par notre travail. Mais moi j’aflirme que nous en aurons plus du double si nous nous montrons de vrais Icariens ; car si le concours des j hommes qui possedent la fortune nous fait defaut jus- qu’a ce jour, c’estque nous n’avons rien fait pour leur inspirer le desir de nous aider. Ne montrant aucune confiance en nous-memes, comment pourrions-nous attirer celle des autres? Oui! je le repete, si nous savons gagner 500,000 dollars dans dix ans, nous disposerons alors de plus du-double de cette somme, parce qu’il y a infiniment plus qu’on ne croit de personnes disposees a aider les travailleurs a s’affranchir, mais qui n’ont actuellement aucun moyen de le faire. Le President de la Communaute insiste sur le per- fectionnement des Icariens du dehors comme pour les membres de la Colonie et il cite, a ce sujet, dans son Compte-rendu une partie d’une lettreque je t’ai adres- see au mois de juillet dernier. J’aurai encore a revenir sur cette question qui est capitale aussi. Mais je suis heureux de pouvoir dire des a present que cette neces¬ sity de pratiquer, de temoigner par desactes de sa con¬ viction Icarienne, a ete generalement comprise par nos co-religionnaires du dehors. A mesure que nous rentrons davantage dans la voie purement Icarienne , l’unite de vues et de sentiments s’etablit et se fortifie parmi nous ; on comprend mieux qu’ayantle meme but nous avons les memes devoirs et les memes interets, et que les efforts necessaires doivent etre communs. — 187 Je ne puis,en te parlant de ce sujet, resister au desir de te faire connaitre une lettre que j’ai recue par le dernier courrier venant du Bresil: Rio de Janeiro, le 7 aout 1859. « Cher citoyen Beluze, » Nous venons de recevoir la deuxieme livraison des Lettres Icariennes que nous avons lues avec attention, parce que les nouvelles que ces brochures renferment sont toujours d’une haute importance pour les Icariens du dehors, surtout pour ceux qui ne recoivent pas la Revue Icarienne. y> Nous nous hatons de repondre a 1’appel que vous faites a tous les Icariens du dehors, pour aider a reparer la perte que la Societe a eprouvee par la derniere scis¬ sion qui a eclate dans son sein, et nous vous envoyons ci-jointe une traite surM. Scuba et comp.,de 1,187 fr. 50 c., dont 187 fr. 50 c. de la cotisation de cinquante personnes du deuxieme trimestre 1859, et 1,000 fr. pour mon compte sur TEmprunt Icarien ; la Societe pourra egalement utiliser les interets echus comme je l’ai deja dit dans ma premiere lettre a Cabet. 2 > Outre vos publications, nous recevons a peu pres regulierement la Revue Icarienne ; le n° 57 contient le resume general des divers evenements qui viennent de s’accomplir dans la Societe de Cheltenham, et dont nous etions deja avertis par votre lettre du 7 mai dernier; mais sans aucun avertissement nous aurions lu cet ar¬ ticle sans emotion et sans eprouver le moindre decou- ragement, car nous nous attendions a un changement quelconque apres l’expiration des deux annees conve- nues, et nous etions presqu’etonnes de voir tout a coup la Societe d’accord, apres de si chaleureuses discussions dans lesquelles on remarquait tant ^oppositions contre l’Engagement Icarien et les propositions du Fondateur d’Icarie. » Nous sommes loin de bhimer la sortie d’une partie des membres de la Societe de Cheltenham , ils avaient — 188 — le droit de se retirer, surtout apres le temps convenu; et, comme ce droit est garanti a tous, chacun peut le faire valoir aussitot que la vie commune ne lui con- vient plus. » Ceci est un point tres important dans la Commu- naute ; respecter les opinions , en laissant a chacun la liberte de se retirer quand bon lui semble , et faciliter la retraite, sont autant de garanties pour assurer la paix interieure- de la Societe, et pour eviter a Tavenir les hostilites contre elle, avant et apres la sortie. » La Societe Icarienne etant institute pour essayer et pratiquer une nouvelle organisation sociale, ne doit etre composee que des membres sincerement devoues et n’ayant d’autres vues que la realisation.de ce sys¬ teme ; c’est pour ces motifs que le Fondateur a exige que tous ceux qui desirent y entrer, en connaissent bien tous les principes et remplissent bien toutes les conditions d’admission; mais il n’a jamais pretendu que tous les hommes qui adoptent son systeme sau- raient joindre la fermete a la conviction, et il a propose une loi qui accorde a chacun le droit de se retirer. Cette loi a ete depuis perfectionnee par ceux qui marchent franchement sur la trace de Cabet. » D’apres ce qui precede, chacun est parfaitement libre de rejeter les principes Icariens apres les avoir volontairement adoptes ou pratiques pendant plus ou moins longtemps ; mais vouloir les changer nous parait une tentative insensee, inutile et impossible arealiser : insensee, parce que ceux qui ont d’autres idees peuvent les mettre en pratique en dehors de cette Societe ; inu¬ tile, parce que les principes Icariens ne sont nuisibles a personne; impossible a realiser, parce que pour arriver a une reforme serieuse il faudrait le concours de tous les partisans de ce systeme, chose qu’on ne pourra ja¬ mais obtenir; et quand meme la Societe de Cheltenham tout entiere declarerait cette doctrine impraticable, cela ne prouverait absolument rien contre le Communisme, ce serait seulement un acte de faiblesse de plus de la part des hommes d’aujourd’hui, et jamais les Icariens — 189 — du dehors ne donneraient leur adhesion a une pareille decision. » Ce que je viens de dire est assez prouve par les nombreuses adresses envoyees a la Societe de Chel¬ tenham. On y voit, en effet, que les membresdu dehors sont tous d’accord, et qu’ils veulent tous rapplication pure et simple du systeme de Cabet, tel qu’il est formule dans le Voyage en lcarie; et a chaque occasion ils ont proteste contre ceux qui ont voulu reformer les bases essentielles de la doctrine de Cabet. » II resulte de ce qui precede que la Societe Icarienne ne sera et ne pourra jamais etre dissoute ou reformee dans ses bases essentielles, et les reactions qui se ma- nifestent de temps en temps dans son sein, peuvent seulement retarder, mais jamais arreter sa marche pro¬ gressive. Une doctrine basee sur la raison, la liberte, la justice , la verite et sur les lois de la nature, une fois trouvee, adoptee et pratiquee par un certain nombre d’individus, ne peut plus etre detruite ; et je tire la preuve de ce que j’avance de dix annees d’experience. En effet, il n’y a point de malheur qui ne soit arrive pour entraver ou aneantir l’entreprise Icarienne : les trahisons et les persecutions , tant contre le Fondateur que contre ses disciples, n’ont pas manque de decoura- ger un grand nombre d’Icariens, et cependant malgre toutes ces miseres et le trop peu de moyens materiels, la Societe est restee debout et continue toujours a marcher en avant en conservant ses principes sacres. » Eh bien! lorsqu'un systeme d’organisation a pu resister a tant de revers, et etre pratique avec tant de mauvais elements et si peu de moyens, on a le droit d’esperer qu’il sortira victorieux de Fabime dans lequel on a voulu le plonger deja plusieurs fois, et que la reussite sera certaine aussitot qu’il se trouvera place dans une meilleure position. » Mais depuis le commencement, la Societe Ica¬ rienne renfermait des hommes d’une vertu et d’une fermete eprouvees et qui ont su maintenir les principes au profit de leurs co-religionnaires du dehors; les — 190 hommes de cette trempesont malheureusement encore trop rares aujourd’hui; on en trouve toujours assez pourfaire de la theorie, mais lorsqu’il s’agit d’y join- dre la pratique la difficulty augmente. Cependant l’ave- nir de la Societe en general se presente sous un meilleur aspect, les illusions d’autrefois sont completement tombees, et chacun sait que pour former un pays mo- dele , il ne suffit pas de theoriser, mais qu’il faut tra- vailler, et travailler beaucoup pour mettre en pratique ce que la theorie nous a enseigne. » Les Icariens du dehors doivent parfaitement com- prendre aussi que l’avenir d’Icarie depend en grande partie de leurs propres efforts, qu’ils doivent, avant tout, reformer leurs moeurs, donner le bon exemple et elever leurs enfants dans les principes de Cabet. En se conduisant de cette maniere , ils trouveront, sans de grands efforts, tout ce qu’il faut pour aider a monter l’edifice sacre de l’Humanite. II ne faut jamais perdre de vue non plus que nous devons une reconnaissance sincere a nos freres et soeurs de Cheltenham, pour avoir eu assez de fermete de rester a leur poste pour marcher vers le but que Cabet nous a trace a tous. Pour prouver qu’ils ne sont pas insensibles a tant de devouement, tous les Icariens du dehors adopteront avec enthou- siasme le mode de souscription deja propose par vous et par plusieurs d’entre eux, et que nous suivons depuis le l er janvier. » Les Icariens de Paris ont toujours beaucoup con- tribue a l’encouragement de la Societe et au maintien des principes de Cabet, vous devez les encourager a continuer leur mission et qu’ils en fassent autant au- pres de leurs freres du dehors, pour leur faire adopter la souscription en question, quisera le meilleur moyen pour faire prosperer et eonsolider promptement l’entre- prise commune. » Recevez, ainsi que la famille Cabet, I’assurance de nos amities et nos salutations les plus fraternelles, » Marc Flaig. » Nous sommes heureux de cette conformite de vue et de sentiments avec nos amis du Bresil. Je ne saurais • • » • • • rien ajouter ni rien retrancher a cette judicieuse et intelligente appreciation de notre entreprise commune, la Colonie Icarienne, et je recommande a ton atten- , r , _ > r •'* ■ r V tion et a celle de tous nos co-religionnaires les idees que renferme cette interessante lettre. Les dernieres nouvelles de Cheltenham eontinuent a etre satisfaisantes , malgre un grand nombre d’indis- positions occasionnees par les chaleurs qui, en Arne- rique comme ici, paraissent avoir ete exceptionnelle- ment fortes cette annee pendant le moisde juillet. Cette circonstance jointe a cette autre, que les mois de juillet et d’aout sont les mois de morte-saison, a fait baisser un peu la moyenne des gains pour les quatre semaines du3 au31 juillet. Cependant, cette moyenne est encore • • • > • de 180 dollars, pour les quatre semaines que com- prend le rapport mensuel de juillet. Dans le mois cor- respondant de 1858, la moyenne n’etait que de 150 dollars environ, avec trente-sept travailleurs de plusl La Societe vient d’admettre provisoirement un doc- teur-medecin avec sa famille, composee de sa femme et de deux enfants. C’est un Francais qui a beaucoup voyage et qui arrive actuellement du Bresil. De fortes etudes etune longue pratique variee, sous diverses lati¬ tudes des deux emispheres, en font un homme hors ligne et dont le coneours peut nous etre d’une grande utilite, s’il comprend bien et adopte sincerement notre doctrine. II a lui-meme un tres-beau role a remplir 192 — dans notre Societe en devenant l’organisateur de l’en- seignement scientifique. II aura, sans doute, de nom- breuses difficultes a vaincre; il lui faudra du tact et de la patience; esperons qu’il aura les qualites neces* saires pour reussir et le devouement indispensable a tout homme qui veut faire du bien a son sembiable. • Une des dernieres lettres du cit. Mercadier contient le passage suivant a l’adresse de tous nos co-religion- naires et de tous ceux qui s’interessent a notre entre- prise : » Notre jardinage va recevoir cet automne une im- » pulsion decisive. Tous nos amis ne devraient jamais y> oublier de nous envoyer de la graine et des arbres. Qu’on nous envoie en x masse des cerisiers, des pru- y> niers et des abricotiers, etc. En enveloppant les » racines dans de la mousse avec de la paille par dessus, y> les arbustes supportent tres bien le voyage. Ceuxque » notre ami Gillet nous a envoyes par le dernier » depart ont tous reussi. Ils n’avaient qu’un seul defaut, » c’est de n’etre pas assez nombreux. » T achez de nous en faire un envoi monstre au mois » de janvier prochain. Que tous nos amis nous en » envoient et qu’ils se preparent a en venir manger » les fruits. » ' ■’/ I '' T * • * ‘ f * ' .rv r ' f .f . * < ■ r . * • J. P. BELUZE. Paris. —Imp. Felix MaltcsleetCie, rue des Deux-Portes-Saint-Saureur, 22. LETTRESICARIENNES. , f . 'f • CINQUltME LETTRE. - 1 1. 1 ./ i XIV Mon cher ami, Par rna derniere lettre je t'ai mis au eourant des ame- liorations apportees dans la situation de notre colonie de Cheltenham , dans les trois derniers mois de I’exer- cice du l er semestre de l’annee 1859. Cette ameliora¬ tion s’est maintenue et perfectionnee dans les mois suivants, comme le constatent les Rapports mensuels publies dans le journal de la Colonie. Tu sais que ces Rapports mensuels sont une des consequences de la Gerance unique. Pendant les deux annees que nous avons pass£es a Saint-Loui^ft Chel¬ tenham, avec la Gerance multiple, on avait bien essaye \ d’introduire cesystemede publicity poi/c% mouvement A et les affaires de la Soci6te; mais on aiiKtefarv n ■* ■ — 194 — par l’impossibilite (Tobtenir de chacun des Gerants les documents necessaires pour confectionner ces Rapports. C’est maintenant un progres acquis; te nouvel art. 156 de notre Constitution prescrit que, du l er au 10 decha- que mois, le President de la Communaute presentera a I’Assemblee generate an compte sommaire des opera¬ tions du mois precedent.‘Non seulement ces Rapports sont communiques a l’Assemblee, on fait plus et mieux encore, on lespublie, desorteque toutle monde, dehors comme dedans la Colonie, amis comme ennemis, peu- vent connaitre notre situation. C’est une mesure bien bardie pour une Societe qui, comme la notre, commence ses operations sans capital et presque sans credit. Oui? c’est bien hardi; mais c’est plus habile encore. C’est de l’habilete, mais del’habilete vraie, de cellequi consiste a toujours agi*r et parler ouvertement, franchement, a jouer, comme on dit, carte sur table, parce qu’on ne craint rien et qu’on ne veut tromper personne, ni amis ni ennemis. Telle est notre nouvelle marche, et c’est d’elle que nous tirons notre force. Nous avons confiance en laVerite; nous la devons et nous voulons la dire a tout le monde. A nos ennemis, nous dirons combien leur hostility est injusteetinintelligente. A nos amis, nous leur dirons a 1’occasion, les qualites qui leur manquent pouratteindre le but qu’ils se proposent. En agissant ainsi, chacun pourra profiter des lecons qui ressortent de l’expe- rience. Depuis dix ans, notre entreprise a ete soumise a de rudes epreuves, et il est a croire que nous aurons encore a en traverser de nouvelles. Mais cette perspective ne nous effraie pas, parce que nous nous y attendons, et * . V — 195 — parce que c’est une des conditions attachees a toutesles entreprises humaines. Nous leverons d’autant plus faci- lement les nouveaux obstacles que nous rencontrerons, que nous y serons tous prepares, et que nous con- naitrons mieux nos forces et nos moyens pour les sur- monter. .. U Nous devons done considerer comme une garantie de progres cette sage prevoyance de la loi, qui oblige les Administrateurs de la Societe a lui rendre compte, de sa situation, chaque mois. Mais nous devons feliciter rAdministration de 1’interpretation large et tout a fait democratique qu’elle a donnee au sens de la loi; car, ainsi que je te le disais tout a l’heure, elle ne se contente pas de communiquer ses Rapports, a l’Assemblee gene- rale elle les communique aussi au public, en les pu- bliant dans le journal de la Colonie. Elle fait plus : les Rapports mensuels, parfaitement suffisants en temps ordinaire, ne lui ont pas paru repondre a tous les be- soins d’une situation difficile, telle que celle ou nous sommes encore au debut de notre nouvelle organisation, et chaque semaine l’Administration presente a la Societe un etat sommaire de sa situation; de sorte que chacun peut, pour ainsi dire, se rendre compte jour par jour des besoins comme des ressources de la Communaute. Cette connaissance sollicite necessairement tout le monde a s’occuper des affaires generales, appelle le eoncours de toutes les intelligences et.etablit la confiance sur des bases vraies, sures et durables. • • » • • i «* * Comme tu ne recois pas le journal de la Colonie, et « que je sais que tu seras bien aise ed connaitre la mar- che’ de celle-ci, y etant d’ailleurs interesse au double point de vue des dees et des interSts, comme Jcarrien et — 196 - comrne p ret cur, par les obligations que tu as prises a FEmprunt; je vais te donner ci-apres le resume des quatre Rapports mensuels de Juillet, Aout, Septembre et Octobre. RAPPORT MENSUEL. (Juillet 1859). « Ce rapport com'prend, du 3 au 31 juillet, 4 semaines et 23 journees de travail, non compris les 4 dimanches et la fete nationale du 4 juillet. Le nombre des travailleurs presents pendant ce temps a ete de 89, y compris les jeunes gens, les jeunes filles, les nourrices et les citoyens Corne, Hubert et John, Fouvrier charron, residant momentanement dans la Communaute ou devant se faire admettre. » Les 23 journees, multipliees par ce chiffre 89, don- nent un effectif de 2,047 journees pour le mois de Juillet. » 11 faut ajouter 37 journees, fournies par les nou- veaux arrives, les membres de la famille* Daumond; c’est done un total de 2,084 journees 50 (1). ft j, > ■ 4 .' * I f f 1 » Ces journees se divisent ainsi: • «. • . 0 ** S V _ . . ~ — , , __ ' • Presences. .. - . 1,642 40 Absences. 398 10 Inconnus. 44 00 Total. . . . 2,084 50 * , 1 / 1 ' f i • •* f f i , 1 r «• f f w , i f , » . ■j J 0 i 1' • i y i i . « X j. • 1 ■> j ( * ^ | * •. - „ -• * r 1 • _/ ^ (1) Pour comprendre ces fractions, tl faut savoir que le nombre 100 est pris pour unite dans le calcul des journees de travail : ainsi le chiffre 50 indique une demi-journee. J.-P. B. 197 — » Les 398,10 journees d’absence se divisent en journees de malades, de garde-malades, et de motifs divers. » II a ete dit, dans le dernier Rapport, que ees jour¬ nees inconnues sont celles dont l’emploi n’a pas etc constate sur les Rapports d’atelier, et dont 1’Adminis- tration n’a pu se rendre compte. Pendant le mois pre¬ cedent, ces journees se sont elevees au chiffre de 181,75; pendant le mois de juillet, elles s’elevent au chiffre 44. Ceresultat est assez satisfaisant; il constate une ame- lioration notable dans la confection des Rapports d’ate¬ lier, et nous fait esperer que bientot cette categorie de journees disparaitra completement de nos Rapports mensuels. - 4 . 4 • * • •* ^ )) Recapitulation des journees d’absence : Malades. 292 85 (larde-malades. 78 50 Motifs divers *%**..*.. . 26 75 Inconnus . *••«.••• • . 44 » Total.. . . 442 10 » Les journees de presence se divisent ainsi: Pour l’lntlrieur. 992 60 Pour l’exterieur. 649 80 Total. 1,642 40 » Ces journees ont ete fournies par les ateliers sui- vants: Boulangerie, Cambrage, Charretiers, Charpen- tiers, Confection, Cordonniers, Couture, Cuisine et Refectoire. Distribution, Fcoles, Ferblantiers, Forge, iterance, Imprimerie, Infirmerie, Jardinage, Lavoir, Lingerie, Macons, Menuisicrs, Mures (recolte des), — 198 — Nourrices, Peinture, Pharmacie, Proprete, Repassage, Tailleurs, Tonneliers, Travaux divers, Vacherie et Porcherie. » Void maintenant le gain et la depense de la Com- naute pendant le mois. GAIN. ^ (‘ I ... , i ‘ -^ *1*1 *»'. • - f 1 I , . . ► I i ', f . J I* •. -x S 7 f . ; Tailleurs. .. 82 10 ' Cordonniers. 77 21 Jardinage.219 35 Forgerons. 59 95 Tonneliers. 3 35 Menuisiers ... - . » >> Pharmacie. 1 30 Confection. 10 95 Divers. 265 3 0 Total.719 61 DISPENSES. Animaux.. 31 90 Nourriture. 299 60 Matieres premieres. 204 60 Ustensiles. 7 75 Outils. 3 70 Pharmacie .. 43 80 Vetements. 22 65 Ameublement. .. .. 1 80 Correspondance .. 3 90 Chauffage. 7 35 Eclairage \ 4 10 Divers. 17 35 Total. 639 59 L. ) .,Ytni .;m; .} 'fi ■ < in* #.)■** r ‘ II resulte des chitfres qui precedent que la produc¬ tion totale pendant le mois de Juillet n’a depasse la depense qne de 80 dollars ou 420 fr. Ce serait la un 199 - resultat tres minime, si ce devait etre une moyenne acquise; mais il faut consideren d une part (ju6 le mois de Juillet se trouve etre un mois-de morte saison pour letravail, et que d’un autrecdte il y a dans la depense, une somme de 204 dollars pour achat de matieres pre¬ mieres, qui n’est pas, a proprement parler, une depense mais une avance qui rentrera en caisse dans les mois r }» if 7 p ■ suivants. V'oici maintenant le Rapport du mois.d’Aout, encore un mois de morte saison : . ... C RAPPORT MENSUEL. (Aout 1859). . HI Oil'll) . • i • fe 1 )l'.i 1 ! 11)1 . obnurini! i • ti: » 4 semaines, du l er au 28 aout, et par consequent 24 journees de travail. * - » Nombre de travailleurs presents, 93, en y compre- nant tous les membres de la Communaute, excepte les enfants et les absents. » Nombre de journees, 2,232. » Elies se repartissent ainsi: ID, Presences. • Absences . Inconnus . « • • • 1 V • ■«••• « 1,500 05 612 95 119 » Total .......... 2,232 » • • « . • i • • * % • • • . b .#-'!-.-'.’ - I r • 4 *' I Mlf » Les journees d'absence se decomposent comme il suit: 2* 1 : . u-iat Malades.... 480 25 Garde-malades . 94 21 Motifs divers. . • . . . V lT' 38 50 Total.. 612 95 d Les 1500 05 de presence se divisent ainsi: Pour le dedans . ... 919 90 Pour le dehors • .. • . . 580 15 Total . . . . 1,500 05 Yoici maintenant la depense et le gain : GAIN. * J ' ♦ 4 40 . Tailleurs . . doll. 114 » Cordonniers. 04 Jardinage. 95 Forgerons . 20 Tonneliers. . . . . 26 D Menuisiers . . . . . 1 50 Pharmacie . 50 Confection ....*». 60 Divers . ... 160 15 Total . ... 651 • * 94 DEPENSES. | * > ♦ i (i , Animaux . 70 Nourriture . ... 268 94 Matieres premieres . ... 122 95- Ustensiles . 25 Outils . . . . . 6 95 Pharmacie . 70 Vetements .. . . . . . 46 55 Ameublement . , . . . 2 10 Correspondance. . . . . 3 90 Chauffage. / . . » » Eclairage. . . . . 3 70 Divers. ... 34 50 Total. .... 602 24 Gain.651 ' 94 Depenses. . . 602 24 Difference, doll. . . 49 70 — 201 — I AM ^A'Pr* ! » a/| r r . - jt Au mois (1’Aoiit, nous sommes au fort de la niorte saison. A pareille epoque des annees precedentes, la Societe faisait des dettes, que ses benefices pendant la bonne saison suffisaient a peine a couvrir, tandis que cette annee, il nous reste encore un excedant de bene¬ fices de 49 dollars ou 250 fr. Et nous avons encore a faire, sur les depenses, la meme observation surl’achat des matieres premieres, qu’au mois precedent. II v a encore une autre cause de la faiblesse sur la * production pendant ce mois.'C’est le commencement des fievres; maladie sans gravite le plus ordinairement, mais qui n’enleve pas moins un tres grand nombre de travailleurs aux ateliers. Cette annee a ete specialement mauvaise sous ce rapport. Les grandes chaleurs des mois de Juin et de Juillet, qui se sont fait sentir en Amerique commo en Europe, ontoccasionne une sorte d’ebranlement general de lasante’ publique, qui a pese- sur presque toutes les populations, dans les villes comme dans les campagnes; Cheltenham n’a pas fait exception a la regie. Nous n’avons aucune perte a deplorer pour cette cause, mais la production generate de la Societe I* * V t en a ete gravement affectee pendant les mois d’Aout et de Septembre. r t Jr ; :;'l ,V > .'-I .:■■ ■• RAPPORT MENSIJEL. (Septembre 1859). ;iS ■ i : ' • » 5 semaines, du 28 aout au 2 octobre 1859, et par consequent 30 journees de travail. ... » Nombre de travailleurs presents, 90, y compris tous les membres de la Communaute, excepte les enfants et les absents. — 202 » Nombre de journees 2700 et 2795 50 avec les jour¬ nees fournies par les nouveaux arrives. Ces 2795 50 journees sont ainsi reparties: Presences. . 2,080 95 Absences. 704 55 Inconnus. . 10 » ■ ■■ ■ ■ - — ■ ■ ■ -■■■■ * Total. 2,795 50 » Les journees d’absences se decomposed comme il suit: Malades. 566 30 Carde-malades. 88 25 Motifs divers. 50 » Total. 704 55 » Voici le nombre total des malades, avec les enfants, et le nombre de leurs journees expliquees: * • Malades. 566 30 Garde-malades. 88 25 Preposes aux malades. 107 50 Enfants malades.124 » Total. 885 05 • » Le mois dernier, le nombre total des malades a ete de 824 25 en 4 semaines; en consequence, au mois de septembre, ce nombre a diminue, puisque ce mois comprend 5 semaines. En Aout, la moyenne du nombre des malades, y compris les enfants, pendant une se- maine, s’est elevee a 206 06; en Septembre, cette meme moyenne est descendue au chiffre 177 21. » Les journees inconnues sont les suivantes: Wiske. 4 » _ S.' Loire .. 6 » » Total. 10 i> \ » 11 y a done une amelioration considerable dans Ja confection des Rapports. • • *. » Les 2080 95 joiirnees de presence se divisent ainsi : Interieur.1,212 30 Exterieur. .. 868 65 Total. 2,080 95 » Voici maintenant le gain et la depense du mois de Septembre, du 28 Aout au 2 Octobre. GAIN. Tailleurs. doll. 271 ■» 65 Cordonniers. 109 11 Jardinage.. 127 35 Forgerons . 235 75 Touneliers. .. # 22 40 Menuisiers.. 0 25 Pharmacie. 14 50 Confection. 24 30 Divers/. 207 58 Total. 1,012 89 DISPENSES. Animaux. 37 50 Nourriture. 301 67 Matieres premieres. 154 9! Ustensiles. 16 95 Outils... 7 90 Pharmacie. 17 20 Vetements. 17 57 Ameublement. » i> Correspondance.. 4 80 Cliauflfage. .. 18 20 Ec'airage. 15 55 Divers.\ 39 75 Total. 635 00 — 204 — Difference entre le gain et la depense : Gain.doll. 1,012 89 Depense. ..-. 635 » Reste, pour l’exces du gain sur la depense. . 377 89 * » •» • • • -1 • o o « > a J / ’ Nous voici revenu a Tepoque du travail, et bien que ce Rapport contienne 5 semaines contre 4 pour chacun des mois precedents, il est facile de voir que la produc¬ tion generate a repris une nouvelle activite, malgre la persistance des fievres, qui ne disparaissent ordinaire- ment que fin octobre. Aussi remarquons nous que la production de .T atelier des tailleurs, qui n’a ete que de 82 dollars en Juillet, et 114 en Aout, s’eleve tout a coup a 271 dollars en Septembre. La forge, qui ne produisait que 59 dollars en Juillet, produit 11*4 en Aout, et atteint le chiffre de 235 en Septembre. RAPPORT MENSUEL. . Octobre 1859., : « Quatre semaines du 2 octobre au 30 octobre 1859, et par consequent 24 journees de travail. » Nombre de travaillenrs presents, 90, y compris tous ]es membres de la Communaute, excepte les enfants et les absents. . • * • • ■ ; * Nombre de journees, 2352. ’ Ces 2352 journees sont ainsi reparties : Presence. 1,888 25 t «• . i » • • Absence. 447 75 Inconnues . . .. 16 » » ♦ 1 V A * Total. . • . . . 2.352 09 • O * * - 205 — j) Les journees d’absence se decomposent comme il suit: * • * • « / • ** ' * Malades. . ;. * 340 25 Gardes-malades. 47 » Motifs divers. 60 50 Total- .... 447 75 v • • * •• • If* ^ I #*••••#• » Les journees inconnues sont les suivantes : John. 1 » • • • * r » • • • Marcliand (P.) . . .. 14 » Grubert (J.) . . . 1 » Total.. .... 16 » » Les 2,888 25 journees de presence se drvisent ainsi: Interieur.• . . 1,124 85 Exterieur. 763 40 Total... . . . 1,888 25 |M r * - ' * > . . 1 )> Ces 763 journees exterieures ont produit : GAIN. r t>> f Tailleurs.doll. 281 05 • t 4 • Cordonniers. 79 48 Jardinage. 90 85 Forgerons.. . 190 55 Tonneliers. 16 50 , i Menuisiers. » 1 ■ 0 Pharmacie. 4 )> Confection. 10 60 Divers . . 206 65 Tolal. 879 68 m — DEPENSE. Animaux. ..doll. 86 70 Nourriture. 264 to Matieres premieres. 97 70 Ustensiles .. , 23 15 Outils. 4 » Pharmacie .. 17 85 Vetements. 17 24 Ameublement. f . , i » )» Correspondance .'. 2 60 Chauffage . 18 85 Eclairage.v 19 45 Divers. ......... 31 20 Total. 582 74 Le gain s’eleve a. J . doll. 879 68- l a depense a. 582 74 Difference. 296 94 * < ■'* 4. J f . 4 • ~ • ♦ ' • ,‘! J>i l i nl Tu le vois , nos Freres ne s endorment pas , et s’ils sollicitent notre concours pour fonder Icarie, ils savent precher d’exemple et payer de leur personne. Si nous les avons vus economiser quelques centaines de francs pendant les mois de morte saison, nous les voyons maintenant s elever a un chiffre tres satisfaisant, puisque les recettes laissent un excedant sur les depenses de 377 dollars ou 1,979 fr. pendant les cinq semaines com¬ prises dans le mois de Septembre et a 297 dollars on 1,559 fr. pour les quatre semaines d’Octobre. Avec de tels resultats, nous pouvons en toute conflance to , * • • • to ^ ■ engager nos co-religionnaires a souscrire a I’Emprunt, a confier leur argent a la Colonic. Si celle-ci le demande, ce n’est pas pour subvenir a ses besoins, c’est que, pour rendre le travail vraiment fructueux, pour que le tra- — 207 — vailleur jouisse de lous les fruits de son travail , il est indispensable, dans notre situation, qu’ii soitaide d’un capital suffisant. Fais comprendre cela a tes amis, et tu les verras mieux disposes a nouspreter leur concours. XV. Je vais maintenant t’entretenir du mouvement du personnel. Tu sais qu’en meme temps que la Societe adoptait ert principe le systeme de publicity que nous venons de voir fonctionner, elle adoptait aussi un systeme d’ad- mission et de retraite, combine de facon a favoriser celles-ci autant que possible, tandis qu’on entourait les admissions detoutes les precautions de nature a donner * a la fois des garanties a la Communaute et aux indi- vidus. Ce systeme tout nouveau, conseille par l’experience de nos huit premieres annees de pratique, est la sane- tion, par rapport au mondeexterieur, du principe de la liberteindividuelle, que nos contradicteurs veulentabso- lumentnous faire detruire, et que nousavons, nous, la pretention d’etablir et de sauvegarder au profit de tous, en ne donnant pour limite a la liberte de chacun que la liberte du prochain. Tel est le fondement du droit Ica- rien. Nous ne pouvons done pas avoir la pretention de retenir dans la Communaute les personnes qui ne s’y plaisent pas, et qui deviendraient inevitablement des mecontents en y restant. Deux raisons peuvent seules retenir parmi nous nos co-associes: le sentiment du devoir ou le devouement a leurs semblables, a THuma- — 208 — nite. Ou bien, la satisfaction et le bonheur que procure la vie commune. Quant a ceux qui ne trouvent aucune satisfaction, aucun bonheur dans cette vie fraternelle, ou pour qui les mots Devouement , Devoir , n’ont aucun empire sur leur esprit, ceux-la n’ont rien a faire parmi nous; ils y seraient malheureux et paralyseraient nos mouvements et nos efforts. Nous devons tout faire, dans notre int^ret comme dans le leur, pour favoriser leur retraite; c’est pourquoi nous avons adopte la resti¬ tution integrate des apports, et mOme, pour un avenir tres prochain, la repartition d’une partie des benefices realises par la Communaute. II ne faut done pas s’eton- ner si le mouvement du personnel presente constam- ment des retraites et des rentrees. C’est une des mani¬ festations de la vie de la Societe. Je sais que, quel- ques-uns de nos amis, et des meilleurs, se chagrinent et s’effraient des qu’on leur parle de retraite; mais c’est un tort, car, je le repete , c’est le mouvement, la vie de la Societe, et il faut absotument qu’ils s’habituent a la voir se mouvoir et vivre. Je vais done te parler de quelques retraites qui se sont effectuees, ou plutdt je vais simplement te faire connaitre la maniere dont les comptes des sortants ont ete regies; ces reglements ont aussi ete publies dans le journal de la Societe : Reg lenient du cit. Rousselet .• r r t % • * * • • r • r ' r * • + 4 < • * « Depuis le mois d’Aout, l’apport du cit. Rousselet a ete regie comme il suit entre le Directeur des finances et le cit. Lefebvre, mandataire et fonde de pouvoir du cit. Rousselet. — 209 I Dil au cit. Rousselet par la Societe de Saint-Louis, doll. 183 80 c. Ft « I II) ( 4 ?. r Paye comptant.doll. 24 00 »r v f - « f ' Demenagement. .. • 1 00 236 3/4 livres de laine, a 70 cent. ... 158 80 T , Total egal.doll. 183 80 Reglement du cit. Chaumond. Le 30 Septembre, le cit. Chaumond a 6te regie comme il suit: Du pour apport verse, doll. 102 85. Paye, echange. .. 1 85 Pour demenagement. 1 00 Paye comptant. 60 00 * * • • _ . ' . i. * * Un billet a six mois, 5 p. °/ 0 ..... . 40 00 _ i »■> >i j • • a Total esal. 102 85 > *{ f Reglement du cit. Wiske. . ‘‘X Z i * • r ’ 1 (a | ' 1 7 ( ' * ‘ » ’ ' * ( Le cit. Wiske, en se retirant, n’a recu aucune somme

Parce qu’il etait reste trois mois environ sans ren- dre compte, soit par maladie, soit par degout, soit en s’abstenant sans prevenir personne, soit par indolence, .sans rendre compte de Pemploi de son temps; — 210 - 4° Parce qu’il avait passe la mauvaise saison dans Id Societe, etque des que la reprise du travail est arrivee, et au moment ou la Societe avait besoin de tous les bras , if s’est eloigne sans s’inquieter de fembarras que sa sortie pouvait nous occasionner. Les trois raisons invoquees ci-dessus etablissent meme que le sortant est debiteur de la Societe. Nous le regar- dons comme tel. Nous n’emploierons, il est vrai, aucun moyen pour nous faire payer, mais si la voix de la rai¬ son etait assez puissante pour agir efficacement sur le cit. Wiske, nous ne croirions pas refuser de rentrer dans nos debourses. Reglement du cit. Marc hand. « Le 17 mai 1858, la Communaute Icarienne admet- tait les deux fils Marchand; ils devancaient leurs parents qui devaient venir les rejoindre. » Environ six mois apres, la Societe recevait la de- mande ou autorisation de partir des parents; cette de- mande portait: » Nous avons reflechi: nous ne pouvons pas etre )> d’une grande utilite a la Communaute en restant par- » ici, comme je le croyais. Nos dernieres reflexions, les » voici: nous desirons pouvoir faire partie de notre » grande famille et aller la rejoindre, quoique un peu » vieux; nous pouvons, je crois, tout de meme faire » quelque chose, si nous pouvions etre admis. Moi ? & j’ai 51 ans, et ma femme 52, sans profession ni fun » ni l’autre ; mais je crois que l’on peut toujours s’oc- » cuper, surtout dans la Communaute. Je crois que » nous avons toutes les connaissances voulues pour sa- » voir ce que nous entreprenons et pour rester fideles; » et notre petit avoir serait plus profitable a la Commu- » naute, laquelle est tout notre bonheur et toute notre » esperance. Nous voulons vous rejoindre, citoyennes » et citoyens, pour participer a la realisation de la Com- )> munaute Icarienne. Nous voudrions que f Assemblee » examine la demande en automation de partir de mon » frere Marchand Nicolas, qui a 55 ans, ainsi que de » ses deux enfants de 10 a 14 ans. » » Cette demande, confirmee et appuyee par les fils, fut accordee par l’Assemblee. » En consequence, les parents Marchand liquiderent leur avoir et prirent des obligations de l’Emprunt. » En les prenant, en partant pour Icarie, en y arrivant, ils declarerent que leurs intentions sont de passer leurs vieux jours dans la Communaute. » Trois ou quatre jours apres leur arrivee, ils parlent de meme, se disent tres satisfaits de la Communaute, declarent ne pas etre venus pour s’en aller, et font leur demande en admission provisoire; cette demande est afiichee. » Dix jours apres, le pere vient nous dire que son fils aine ne veut rester a aucun prix, qu’il a cede a ses desirs, qu’ils retirent leur demande et qu’ils quittent la Communaute. » Rien n’a pu les faire revenir de leur resolution de sortir,Hjui, chez le fils aine, etait irrevocable; rien, pas meme la faiblesse dont ils faisaient preuve, et qui leur reserve peut-etre de eruelles deceptions: pas meme la maniere, que nous ne qualifierons pas, d’apres laquelle ils se sont conduits a regard de la Societe, qu’ils ont prise pour un entrepot d’emigration. » Quoi qu’il en soit, celle-ci leur a communique le reglement suivant, qui a ete execute de point en point. )> Du moment qu’une ou plusieurs personnes se reti¬ rent, et surtout lorsqu’elles agissent d’une maniere par- ticulierement defavorable, puisque ces personnes ne s’occupent que d’elles et deleur interet, la Societe doit, de son cote, se contenter d’agir d’apres la loi, et, si elle est tenue de faire son devoir, elle n’est pas moins obligee de maintenir ses droits. Des que Ton se conduit a son egard comme on agit dans l’individualisme, on ne peut — 212 — f • , » » . - r pas trouver extraordinaire qu’elle agisse de meme a re¬ gard des autres. * < » Void, d’apres ces donnees, le reglement des parents ( et des fils Marchand : • ' * ' * X } / '% ' )ji » \ * Doit. Avoir. ^ / I ' f 4 . j M t i id f\ i gf Marchand fils aine a apporte.doll. 00 00 88 04 Paul Marchand. 00 00 88 04 Marchand pere et mere, verse en or. 00 00 27 70 Fourni aux deux fils Marchand: 1 casquette.doll. 0 80 1 pantalon.I 50 Fagon, 2 paletots.1 00 1/2 montage.2 50 Emmenagement et demenagement. 2 75 00 00 Dixieme du minimum d’apport, pour Paul. 6 00 00 00 35 jours entretien ou sans travail.. 10 50 00 00 Pour frais a revoir des effets confies au depart ... 10 00 00 00 Totaux de l’avoir et du doit. 35 00 203 78 L’avoir. 203 78 Le debet k deduire. . . 35 05 . Reste du, doll ... 168 73 :.‘ii k ■ »; I fi*!) >r f >(l 114 c * f t}. '"j h f i.'iti j ,\f> fvrr r Voyons maintenant ce qu’il leur revient. II leur est du comptant, argent verse : A quatre cinquiemes minimum.doll. 75 70 A reporter sur le comptant, entretien et bagages. 21 75 Reste du comptant. 53 95 II est du. 168 73 11 est du comptant. . •. 53 95 Reste du en billets.doll. 114 78 )> Cette somme, doll. 114 88, sera partag^e en deux moities, dont Tune doll. 57 39, sera payee par un billet a 6 mois a Paul Marchand, admis provisoirement; et — 213 — 1’autrc doll. 57 39, par un billet a 18 mois, a Leon Mar- chand, admis defmitivcment. » De cette maniere, le reglement Marcliand, auquel on doit doll. 203 78, se trouve ainsi fait: . pour frais divers . . Pour frais & revoir. . Comptant. 1 billet a 6 mois. . . I billet a 18 mois . 25 05 10 00 58 95 57 39 57 39 Total egal.doll. 203 78 * - ' ,) J Jl !. I >J > ' ij ■ i> l; .i : ; . > ' LI 7 I i IM I i» PllTj I1 >f » Relativement aux obligations, les parents Marcliand n’etant pas admis, meme provisoirement, leurs obliga¬ tions ne constituant pas d’apport, restent obligations, et lie sont pas remboursables en argent, autrement que toutes les autres obligations. Les obligations que le ci— toyen Marcliand a deposees lui seront remises fidelement ^ comme sa propriety. Elies lui seront remboursees aux termes de la loi sur l’Emprunt, comme toutes les autres obligations, et, cbaque annee, les interets lui seront fidelement payes. Cependant, si, avantle tirage, les pa¬ rents Marcliand ont besoin de quelque argent, et si la Societe peut faire quelque chose pour eux, elle le fera avec plaisir; mais lorsqu’il s’agit de s’engager formel- lement, elle ne peut et ne doit le faire que selon ses i moyens, ses droits et ses devoirs. Cheltenham, le 17 oclobre 1859. Mercadier. Je n’ai rien a dire sur ces retraites, puisqu’elles sont, comme je te le disais tout a l’lieure, 1 exercice de la liberte de cliacun. Personne, ni rien , ne les avait d)li«es a entrer dans la Societe; rien ne les obligeait — 214 — ifen sortir ; leur interet ou leur gout les ont seuls deter¬ mines a prendre le parti qu’ilsont choisi. Nous n’avons done ni a les rcgretler ni a les 'plaindre . Voici maintenant une retraite d’un autre genre, cede du eit. Corne dont les quelques lignes qui precedent sa lettre expliquent le caractere : ^ ^ * \ ► % i « % • « * *, • • BELLE CONDU1TE. » Generalement ont agit avec tant dinjustice et de violence a notre egard, que nous croyons devoir faire connaitre la maniere, convenablesous tousles rapports, dont les epoux Corne se sont conduits a regard de la Communaute. Le cit. Corne est venu, apres autorisation et en visiteur, vers le i0 juillet; au milieu de septembre, sa femme est venue le rejoindre; tous deux sont partis au milieu d’oetobre. Dans quels sentiments nous ont-ils quittes? La lettre suivante le dira. Pour notre part, nous les avons vus partir avec de penibles regrets, non de- pourvus de quelque esperance. Les personnes desinte- ressees qui ne veulent s’en rapporter ni aux paroles de nos ennemis, ni aux notres, susceptibles de partiality pourront, a la simple lecture de la lettre que nous repro- duisons litteralement, se faire de la Societe une idee vraie et precise. Voici cette courte lettre: « Chers citoyens, • A f J* , J » Le moment de vous quitter etant arrive, il est de » mon devoir de vous remercier du bon accueil que j’ai » trouve en arrivant dans la Societe, et de Famitie fra- » ternelle que j’ai recue de toussesmembres et en parti- » culier des personnes que j’ai le plus frequences. » Si des causes m’empechent de revenir jamais parmi t vous, j’en garderai du moins un bon souvenir; trois » mois passes avec vous, sont des plus heureux de ma » vie. La decence qui regne, et le bannissement des — 215 — » propos grossiers qui existent dans les ateliers de 1’in- » dividualisme, m’ont prouve une fois de plus que la » Communaute moralisait les homines; l’ardeur que » cliaque membre met a son travail: tout cela me fait. » espererun avenir prospere pour la Societe. » C’est a vous, citoyen President, que j’adresse tous » mes remerciements pour la Societe. » Je vous salue fraternellement, » J. CORNE. * • - * j * g * r * j cr . , ■ | , • . 4 . % • f » ' ' I * t t j i * % * k * , } h " * ‘ } ' • ') ; Nous aussi, nous regrettons que des considerations de famille ne permettent pas a notre frere Corne de Tes¬ ter dans la Communaute, et, comme nos freres de Cheltenham, nous conservons l’espoir de le voir revenir / parmi nous. Si la retraite de ceux qui nous quittent en renoncant a la mission d’affranchissement et de progres pour se precipiter de nouveau dans la lutte des interets indivi- duels nous laisse sans regret, il n’en est pas de meme pour ceux qui succombent au poste qu’ils s’etaient choisi parmi nous comme soldats de FHumanite. Notre I petite armee vient de perdre un heros! La citoyenne i Gruhert est decedee le 15 scptembre , laissant toute la i Colonie plongee dans la douleur, comme si chacun ve- nait de perdre une amie, une soeur ou une mere! Depuis quelques anneesla sante de la citoyenne Gru- bert s’affaiblissait graduellement; mais la diminution de ses forces physiques, loin de diminuer sa puissance morale, paraissait au contraire lui donner plus d’ener- gie. Tu te rappelles sans doute le charmant petit dis¬ cours qu’elle avait prononce au Cours Icariens sur le vrai Bonheur, que j’ai insere dans ma premiere lettre. — *216 — * a. —» Envoici un autre sur la Moralite, qui, comme le pre¬ mier, est empreint au plus haut degre de Tesprit et du sentiment Icarien : LA MORALITE. « Citoyennes et citoyens, t C’est sur la Moralite que je veux parler. Je com- y> mencerai par dire que le systeme Icarien est essen- » tiellement moral, parce qu’il est fonde sur la verite, » sur la justice et sur la raison : sur la verite parce » qu’il recommit que tous 3es hommes sont freres ; ; sur la justice, parce qu’il donne a tous les memes :» droits, sans aucun privilege pour personne; sur la » raison, parce que c’est elle qui commande et qui fait » que nous accomplissons tous nos devoirs. II est es- » sentiellement moral parce qu’il detruit l’opulence et » la misere, deux sources d’immoralite. Nous devons » done, nous Icariens, pour 6tre consequents avec nos » principes, nous appliquer a nous perfectionner dans » la pratique de cette vertu. Un acte immoral peut avoir » des consequences Men funestes, non seulement pour » la personne qui en est l’auteur, mais pour tous ceux » qui l’entourent. » La Moralite est amie de la verite, du grand jour, et, » par consequent, ennemie du mensonge, ennemie de » tout ce qui se cache. La Moralite doit se retrouver, 3 non seulement dans les actions, mais dans les pa- » roles, dans les gestes, dans le regard; la Moralite est 9 dans la religion du serment, dans la parole donnee; » la Moralite est liee a tout ce qu’il y a de vrai, de beau, v de grand sur la terre; la Moralite est une vertu qui » devrait regir le monde. Si la Moralite etait tou-> » jours parfaitement observee, l’ordre ne serait ja-. 217 — ? niais trouble, il n’y aurait plus de guerre, lapaix re- » gnerait sur la terre. 9 Je terminerai en disant que la Moralite est la sante )) de Fame et du corps. » Grubert mere. En lisant ces lignes, on sent que c’est le coeur qui les a dictees, et malgre soi, ont est entraine vers Fauteur par une attraction sympathique. Aussi sa perte a-t-elle affecte douloureusement tous les membres de la famille lcarienne. Un des membres de la colonie, le citoven Labbe, s’est charge d’exprimer les regrets de celle-ci, et Fa fait en termes qu’une affection vraie peut seule ins- pirer. Voici le discours du citoven Labbe qui a ete lu au Cours Icarien : ' . •»V | , A LA CITOYENNE GRUBERT. « Citoyennes et citoyens, l - » Encore emu du triste evenement qui nous a frappes dans la personne d’une de nossoeurs,je viens elever ma voix, au sein de cette solennelle assemblee, pour rendre hommage a cette soeur, qui, a plus d’un titre, a merite et nos regrets et notre souvenir... 9 L’histoire conserve religieusement la memoire des Theroigne, des Jeanne d’Arc, des Cornelie, modeles de vertu ou d’heroisme : que notre posterity conserve avec veneration celle de la citoyenne Grubert. » Je ne veux point couvrir du voile de Fencens ce dernier adieu a une soeur bien aimee, mais si je dis qu’elle fut courageuse, intrepide meme; si je dis qu’elle fut independante, calme, forte, juste, vraie, sincere; si 10 — 218 — je dis qu’elle fut tendre mere et excellente epouse, si je dis, enun mot, qu’elle fut lcarienne, n’aurai-je pas dit la verite?... Oh! oui, elle fut tout cela., et bien plus encore! Elle a ete enthousiaste, elle a toujours persevere , elle a eu plus que du devouement: 1’abne¬ gation l’a accompagnee jusqu’au tombeau ; car elle ne cessait de repeter, quelquesjours avant de rendre le der¬ nier soupir : « 0 mes enfants! pourvu que je meure en » Icarie! i saint et noble voeu qui, helas! s’est accompli trop tot..., qu’elle repose enpaix!... > Pieportons notre souvenir de trois ans en arriere ; nous verrons un rude soldat tomber, frappe a mort.... c’etait le mari de cette digne soeur, un frere, un compa- gnon d’infortune, estime de chacun, qui sut faire son devoir... La mort les avait separes; la mort les a reunis. Pleurons sur tous les deux; pleurons aussi sur tous nos freres qui ne sont plus; pleurons sur Cabet. Les larmes ne les ressusciteront pas, mais elles soulageront notre tristesse; car tous ces infortunes sont des victimes, ils avaient droit a plus de vie et de bonheur; mais, helas ! chacun le sait, a combattre pour l’humanite, on ne se fait pas vieux, surtout lorsque Von a sa mission a coeur! Que leur souvenir nous rende plus fermes, plus vrais, plus perseverants, plus intrepides; si nous faiblissions, si nous trabissions les esperances de tous nos co-reli- gionnaires, si la foi, silavigueur, si le courage venaient a nous manquer, si la discorde militait dans nos rangs, rappelons-nous, et pensons-y souvent, nous outragerions alors indignement leurs cendres. » Que leur exemple nous serve de guide et d’appui... Ils ont su bien mourir... Que notre amour pour le peuple, pour Icarie, pour l’Humanite, que notre vie en- tiere soient consacres a nous preparer une mort digne de la leur. » j i . -» » > Ces hommages rendus a la memoire d’une de nos soeurs qui fut digne, sous tous les rapports, du titre d’Icarienne, nous rappellent a la memoire un des projets — 219 — i du citoyen Cabet, qui voulait qu’Icarie eleve un monu¬ ment pour conserver la memoire de tous ses fondateurs, de toutes les citoyennes comme de tous les citoyens qui, fideles a leurs engagements, fideles surtout au veritable sentiment religieux de la Fraternite humaine. humbles soldats de l’avenir, mourraient au champ d’honneur pour frayer a leurs descendants la route du progres. Nous pensons que le moment est venu de reprendre ce projet, et nous appelons sur lui l'attention de nos freres de Cheltenham. Nous crovons qu’en attendant que la Societe puisse commencer l’cxecution d’un monument en pierre ou en bronze, elle peut des a present executer un monument ecrit compose d’un recueil qui contien- drait le recit de tous les actes de courage et de devoue- ment utiles a 1’Humanite et a la fondation d’Icarie, par lesquels ceux de ses membres, morts dans son sein. au- raient signale leur existence. Apres t’avoir signale le personnel que la Colonie a peidu, il est naturel que je te parle de celui qu’elle a gagne. Tu assu que plusieurs families s’etaient embar- quees au Havre le 21 juillet dernier, allant a Cheltenham, par New-York. Les personnes composant ce petit Depart etaientau nombre de onze. Void comment le journal de la Colonie rend compte du voyage, de l’arrivee et de 1’admission de ce Depart. * Ils se sont embarqu^s au Havre, le 21 iuillet • its sont arrives a New-York, le 9 septembre, apres ’ une traversee de quarante jours. Repartis de New-York le9 au soir, ils sont arrives a Saint-Louis le 13 au matin Le voyage du Havre a Saint-Louis a done dure cinquante- quatie jours. C est seulement un peu moins Ion" one par la Nouvelle-Orleans. Ea prenant un siarncr" et’m . -T passant par New-York, le voyage ne nous parait que de quatorze a seize jours. • Le journal de voyage a ete redige par la citoyenne Lavat; salongueur nenous permetpas de lereproduire ; maisnons l’analysons en donnant les presents details. )> La traversee a ete longue; nos amis ont eu souvent calme plat; peu de grosse mer. A part le mal de mer et un accident survenu au fils Lavat qui s’est fracture le liras sur ie navire, la sante a ete bonne. A New-York, les membres du depart ont ete legerement ecorches a un hotel, oil un fort mauvais repas leur a coute doll. L 40 par tete. De New-York a Saint-Louis, ils ont change plusieurs fois de bateaux et de wagons; aussi leurs malles etaient-elles dans un tres mauvais etat. Le chemin de fer leur a pris doll. 50 pour l’excedant des bagages : on accorde quatre-vingts livres a cliaque voyage ur. » Le Depart a ete oblige de vendre son reste de bis¬ cuits et une feuillette de vin qu’il apportait a la Colonie, parce que le transport aurait ete trop cher, et de les dormer a vil prix. II a ete oblige egalement de laisser une malle contenant de la vaisselle. » Le citoyen Bouyer, notre correspondant a New- York, s’est montre complaisant pour nos amis. » Ce depart, independamment de la citoyenne Mau¬ vais, qui rentrait dans la communaute a la suite d’un conge et en attendant son mari, est ainsi compose : Lavat (Jean), 40 ans, forgeron. — femme, 33 ans, couturiere. — (Louis), fils, 11 ans, — (Marius), fils, 8 ans, Buriat (Pierre), 45 ans. / peintre. — femme, 46 ans, culottiere. Vinsot (Henry), 35 ans, tailleur. — femme. 31 ans, tailleuse. Pelletier (Claude), 23 ans, peintre. Ricot (Armance), 26 ans, couturiere. — 221 — » Le citoyen Pelletier et mademoiselle Piicot sc soul maries apres leur arrivee, et avant leur admission pro- visoire. )> Les professions des membres da depart sont utiles. » Leur position materielle est satisfaisante: les trousseaux sont complets ; quant aux apports, ceux qui ne Font pas, ont ete autorises a venir. )> Sous le rappoVt moral et la conduite du voyage, qui a fait naitre quelques difiicultes, rien n’a paru cepen- dant d’une importance assez grave, pour empecher l’admission provisoire de tous les membres du depart de juillet. » Aussi, apres deux reunions de la commission d’ad- mission, cette admission provisoire a ete prononcee le 26 septembre, par Fassemblee generate. i> Le provisoire est done ouvert pour les nouveaux arrivants. Esperons qu’il leur sera tout a fait favorable, en ce sens, que la Communaute leur plaira, et qu’ils plairont a la Communaute. » 1 - • 11 k #* ^ , • • . * * Cheltenham, le 3 novcmbre 1859. Le passage par New-York a ete une experience qui n’a pas ete favorable a nos co-religionnaires. Nous n’engageons pas ceux qui les suivront a la renouveler. i Le voyage a ete presque aussi long que par la Nouvelle- Orleans^ plus couteux et plus fatigant; l’avantage reste certainement a cette derniere voie. Quant a la maniere dont les nouveaux membres envi¬ sage nt la situation de la colonie, void les extraits de deux lettres qui m’ontete communiquees, etqui peuvent nous renseigner a ce sujet. « Mon cher Bedouch, d Excusez-moi du retard que j’ai mis a vous ecrire. Cela provient de ce que je voulais attendre pour mieux voir fonctionner la Colonie et juger d’une maniere plus — 222 — vraie sur sa situation. Je ne vous donne aucun detail sur notre depart. Je vous envoie ci-inclus un fragment de l’avant-dernier numero de notre journal qui resume notre voyage et notre arrivee. » Je me bornerai done a vous dire que 1’accueil qui nous a ete fait par la Societe, a ete ce que nous atten- dions, e’est-a-dire cordial et fraternel. Les derniers evenements nous faisaient supposer que nous trouve- rions la Colonie dans un etat plus precaire qu’elle ne Test reellement. Et si nous avons ete surpris, e’est agreablement. Moralement, et materiellement, la Societe est beaucoup mieux que nous n’esperions, et nous vous ecrivons le coeur joyeux et satisfait. Malgre la preoccu¬ pation qui absorbe la Societe relativement au travail et a la production que Ton pousse activement et dans la mesure des forces du personnel valide, cela n’arrete pas les divertissements. Le premier dimanche apres notre arrivee, il y a eu un bal pour la feter. Ensuite, les divertissements d’hiver ont ete organises ainsi: bal, soiree-concert, theatre, alternativement chaque diman¬ che. Le 17 octobre, nous avons vu jouer deux jolies pieces, un drame et un vaudeville a mourir de rire, e’e- tait pour effacer la triste impression que le drame avait laissee sur le public. » Vous comprenez que je ne puis pas vous donner tous les details des divertissements, votre imagination y suppleera. » Je vous parlais tout a l’heure de la production, j’y reviens encore, car on ne saurait trop parler de cette grande question surlaquelle pivote toute notre affaire. Depuis la derniere dissidence, depuis surtout Torgani- sation de la Gerance unique, la Societe est lancee dans une voie nouvelle, quant a la production et au travail. Chaque semaine, la depense et le gain sont aflfiches dans le Refectoire, pour que chaque membre soit bien au courantde la situation. Tous les mois, un rapport du President resume les operations de la Societe. Un budget de gains etde depenses a ete fait depuis le l er mai, pour guider la Societe dans toutes ses operations. 11 parait — 223 — que jamais cela ne s’etait fait dans la Communaute; toujours les entraves des Gerants en emp£chaient l exe- cution. Aujourd’hui cela existe, et, grace a l’ordre et a l’economie, la Societe fait face a ses engagements et pourvoit a ses besoins les plus urgents. Aussitot notre arrivee, nous avons tous 6te occupes productivement: Lavat, a la forge; Vincot, aux tailleurs ; quant a nous, les peintres, il s’est trouve a propos qu’un millionnaire des environs, qui fait faire des travaux importants, etait venu quelques jours avant notre arrivee pour de- mander des peintres, Pelletier y est alle deux jours apres l’arrivee; moi, je suis reste quelques jours pour me remettre d’un choc quej’avais recu a la handle, pendant le trajet de New-York a Saint-Louis, sur le chemin de fer; ensuite j’ai commence les travaux, nous y sommes encore. D’autres citoyens de la Societe y ont fait aussi des travaux de charpente, couverture et fer- blanterie. A mesure que la Societe sera plus connue, et si nous contentons les clients, nousproduirons davantage pour la contree. » Notre nombre augmentera egalement, denouveaux soldats viendront grossir les rangs de notre petite ar- mee, ce qui nous permettra de developper nos industries ou d’en creer de nouvelles. Ici, j’ai une observation importante a faire a nos amis qui se preparent a venir. C’est que cbacun d’eux s'examine bien avant de partir, pour savoir s’ils sont capables de fonder Icarie, c’est-a- dire de supporter les consequences bonnes ou mauvaises quiresultent d’une colonisation et de la creation d’une societe nouvelle reposant sur la Fraternite, la Sociabi- lite, les egardsquechacun doit a autrui. Qu’ils prennent notre mission a coeur, qu’ils viennent pour produire et non pour vivre en parasites sur le compte de la Societe, il y en a trop eu jusqu’a present. En un mot, qu’ils re- dechissent bien, et, s’ils se sentent faibles ou irresolus, qu’ils restent, car les retraites font trop mauvais effet etl’opinion exterieure, qui n’examine pas si les sortants sont des laches ou des faibles, est plutut portee a accuser la Societe que les individus. Que les femmes surtout viennent bien d’elles-memes et non par force. Si un — 224 — Icarien amene sa femme malgre elle, il est sur qu'il se prepare d’ameres deceptions pour l’avenir, et que la re- traite dans un temps plus ou moins long est sa seule perspective. II vaut done mieux qu’il reste a faire de la propagande que d’etre a jamais perdu pour la cause, en faisant ainsi fausse route. Si je fais ces observations, e’est pour que chacun reflechisse bien avant de venir, car reellement, il y en a qui sont venus sans savoir ce qu’ils faisaient. » Vous savez deja la retraite Marchand, et vous avez du en etre bien etonne. C’est comme nous. Quand ils sont arrives, ils paraissaient enchantes; ils vantaient la Communaute et declaraient s’y plaire beaucoup, quand, quelques jours apres, ils annoncent leur retraite. Les parents paraissaient s’en aller a regret, et ils mettent leur retraite sur le compte du fils aine qui ne voulait rester a aucun prix. Et ce qui etonnait davantage le pere, e’est que leur fils les a engages dans ses lettres et jus- qu’au dernier moment, a venir, en leur disant du bien de la Communaute. » Je vous prie, mon cher Bedouch, d’etre aupres de tous les Icariens et Icariennes de nos connaissances, notre interprete pour leur faire part de nos sentiments fraternels. » Nous vous embrassons tous de coeur. BURLAT. Yoici le commencement de 1’autre lettre ecrite par le citoyen Lavat, a sa sceur. « Chere Elise, )> Tu dois nous trouver bien oublieux de ne pas f e- crire; j’ai voulu avant me rendre compte si ton carac- tere pouvait se convenir parmi nous; apres reflexion faite, je te dirai oui; comme j’avais compris la Colonie, je me figurais d’avoir plus de reforme a faire que je n’en fais, e’est-a-dire certaines privations, eh! bien, non, f — f>25 — j’ai trouve dans la Colonie plus de bien-etre qu’enr France, qaoique je n’etais pas malheureux: le travail est moins fort qu’a Marseille; pour la nourriture, elle est tres abondante, variee et confortable. » Pour les amusements, le dimanche, apres le cours, qui est obligatoire, on est libre d’aller ou bon vous sem- ble, et le soir Ton chante, ou Ton danse ou Ton joue la comedie, ou la musique, ou des poesies, Ton passe ses soirees bien agreablement. Fais en sorte d’apporter un morceau de musique pour danser la Varsovienne et aussi des comedies, des vers de toutes sortes. Si Ton s’amuse, il faut aussi bien travailler, c’est-a-dire selon ses forces; sur cet article, je n’ai pas besoin de pour- suivre, car je sais que tu es vaillante et incapable de vivre sur les bras d’autrui, tant que ta sante te le per- mettra, mais j’ai a te dire qu’il ne faut pas avoir de re¬ pugnance pour aucun travail. » Lavat. Yoici encore une autre appreciation de la situation de la Colonie. Cette appreciation a pour moi un certain poids, parce qu’elle vient de Fun des plus anciens Cor- respondants en France, et Fun des doyens de la Colo¬ nie, dont il a fait partiede 1848 a 1857. Leltre du cit . Coeffe. » Dans le courant d’Aout 1857, je sortis de la Com- munaute Icarienne comme en conge illimite. Les motifs sont d’abord : la mort du cit. Cabet, causee par les eve- nements de Nauvoo, qui m’avait demoralise et en quel- que sorte decourage ; ensuite, je vis le commencement d’une nouvelle division; quelques-uns s’occupaient a faire des projets d’amelioration, disait-on. Ces projets etaient affiches dans le Refectoire, chacun pouvait les lire et les discuter; en effet, cela donna lieu aux discus¬ sions, et, comme on n’est pas toujours d’accord, on de- venait indifferents les an^ envers lesautres. — 226 — )> On sait que chacun a son petit amour-propre, et par consequent on pouvait s’attendre a ce que les auteurs des projets les soutiendraient quand meme, lorsqu’il s’agirait de la discussion. » Ainsi, a cette epoque et dans cette situation, per- sonne ne pouvait savoir ce que deviendrait la Commu- naute. — On sait ce qui s’est passe. » Mais aujourd’hui que je vois la Societe homogene, que tous ses membres travaillent avec courage et acti¬ vity, parce qu’ils ont tous bien compris que la Commu- naute ne donne le bien-etre a ses membres que par la production, et que meme sans cela il n’yanulle Societe de possible; puis la resolution que la Societe a prise, d’inviter toutmembre qui ne se plairait plus a se retirer immediatement, ce quej’approuve fort: pour toutes ces raisons, je dois declarer que je rentre dans la Commu- naute, avec le meme devoument, la meme conflance que lorsque je suis parti de France, et plus encore, car le passe m’a donne quelque experience qui ne sera peut- etre pas sans utilite. )) COEFFE. )) 9 Nous venons encore d’apprendre que huit personnes sont arrivees a Cheltenham le 20 novembre, ce soht: les epoux Loiseau de Beaune, avec leur petit-fils age de 7 ans; Mesnard de Nantes, avec un enfant de 18 mois, Augier de Draguignan; Segondy de Toulouse, et de¬ moiselle Bernard de Paris. Le personnel de la Communaute se trouvc a peu pres au meme chiffre qu’a la fin de l’annee derniere. Si elle est encore moins nombreuse de quelques personnes, il est certain qu’elle est plus forte et plus puissante; parce que, comme le dit notrefrere Coeffe, elle est plus homo- gene. Et j’ajoute : parce qu’elle est plus active et plus Icarienne. — 227 — Nous croyons savoir que vingt-cinq a trente person- nes iront demander leur admission a la Communaute dans le courant du printemps prochain, et un pareil nombre vers la fin de Fete, de sorte que nos previsions peuvent nous taire croire que notre population s’aug- mentera d’une cinquantaine de personnes pendant Tan- nee 1860. Dans ce nombre il faut compter la famille de notre ami Marc Flaig,dont j’ai eu plusieurs fois deja Toccasion de t’entretenir; ce citoyen m’ecrit : « Yous vous rappelez sans doute que dans ma pre- )> miere lettre a Cabet, je disais que je desirerais etre » admis plus tard dans la Communaute avec ma famille; w mais que ma position mepermettait de realiser quel- » ques economies, et que dans Tinteret meme de la Co- » lonie, je pensais devoir rester encore ici pour lui en- o vover des secours de temps en temps... Je crois que )> le moment est venu de realiser notre projet... Nos » enfants grandissent et nous voudrions que les aines j finissent leur education Icarienne dans la Comma- » naute. En consequence, j’envoie ma demandeen ad- » mission par le meme courrier que cette lettre. » Dans la meme lettre notre ami M. Flaig dit encore : « Nous avons re^u les no s 62, 63 et 64 de la Revue. » Ils sont tres importants pour les Icariens du dehors, » surtout le n° 63 (1), parce qu’il renferme un resume » de tout ce que la Societe de Cheltenham se propose )> de faire a Tavenir. » Nous adherens completement a ces vu es etj ous » vovons avec la plus grande satisfactij y> enfin entree franchement dans la voi t Nous trouvons dans la meme feuil y> tule Pratique exterieure. Get articlel V (1) C’est le numero qui contient le dernier veproduit dans la quatrieme lettre. — 228 » forme a nos idees; et nous sommes convaincus qu’on j> pourrra arriver a un resultat heureux en suivant la » marche qui y est indiquee. Yoila pourtant les fonde- » mentsjetes qui permettentun succes certain, soiten » petit, soit en grand. Des qu’un certain nombre d’lca- » riens entreront dans cette voie, la reussite d’lcarie est » assuree pour toujours. » J’apprendrai avec plaisir l’arrivee a la coloniede la famille Flaig, parce que nous la croyons animee du ve¬ ritable sentiment Icarien. C’est dans de telles disposi¬ tions qu’il faut aller grossir les rangs des pionniers qui se consacrent a la fondation d’une Societe nouvelle. XVI. SOIREES ICARIENNES. Le cit. Buriat parle, dans la lettre a son ami Bedouch, des divertissements dans la Colonie, mais n’en donne aucun detail si ce n’est qu’il sont divises en trois es- peces : les bals, les soirees-concerls etle theatre . Tu es certainement eurieux de savoir comment est composee chacune de ces soirees. Je tacherai de te satisfaire, mais, pour aujourd’hui, tu devras te contenter du compte- rendu suivant : de la soiree-concert du 13 novembre. DIVERTISSEMENTS IGARIENS. UNE SOIREE A CHELTENHAM. cc Samedi 12, une affiche, indiquant le programme de la soiree, avait ete placardee en plusieurs endroits. — 229 — » Dimanche, un peu apres le souper, la salle, appre- tee et convenablement eclairee, etait ouverte au public icarien. Elle fut bientot comble; car le peuple icarien aime, ainsi que tout le monde, se delasser, pendant quelques heures, des fatigues, des peines d’une labo- rieuse semaine ; il se dit alors, et c’est bien le moment: « A demain les affaires serieuses! » » Lorsque toutle monde fut place, le cit. Droussent r membre de la commission des divertissements et com- missaire de la soiree, annonca l’ouverture de la soiree. » Alors la musique a fait entendre une marche moins nouvelle que jolie, mais qui a laisse a desirer sous le rapport de Fensemble. Cela vient de ce que notre musique actuelle est presque entierement compose d’e- leves musiciens. c< H. Chieard : 1’Enfant du riche et /’ enfant du pauvre , poesie. La jeune fille y a mis du naturel et de Fexpres- sion, seulement, nous avons cru remarquer quelques gestes restreints, ainsi qu’une diction trop breve. De larges gestes, une parole lente et accentuee conviennent a de tels morceaux. » Le cit. Yinsot : Laissez les roses aux rosiers. Jolie romance que ce cit. a bien chantde. » Anna Gluntz : L’Orpheline, romance. Cette jeune fille a une tres jolie voix qui, avec de la culture, peut devenir tres belle. )) Augustine Dodier : Naitre, croilre , vieillir , poesie, par J. Dejacque. Meme remarque que pour la citoyenne H. Chieard. > lei une petite suspension a lieu, moment de si¬ lence, pendant lequel chacun semble, s’attendre a quelque chose d'extraordinaire. En elfet, tout a coup — 230 — on voit apparaitre sur la scene une espece de grande perche, surmontee d’une figure a nez postiche : ajoutez a cela des joues aussi rouges qu’une pomme d’api, de grosses raies noires simulant les rides, plis T faux traits, etc., plus un bonnet blanc pose sur une affreuse tignace rouge et noire, un habit a queues de inorue, un pantalon, jadisgris, de gros sabots, unbalai en bruyeres, et vous aurez le signalement complet du grotesque personnage qui, a son entree excite les ris et les lazzis universels. C’est Louis Gillet, qui va chanter le Fulmi-Coton , sa voix est frequemment interrompue par des bouffees de rire. Tout allait pour le mieux, lorsque arrive a certain endroit, le chanteur reste sur ses dents. » II ne se deconcerte pas nonobstant, avoue naive- ment qu’il se trompe, recommence, continue et arrive au bout, ou fattend un tonnerre d’applaudissements* On ne siffle pas chez nous : les merles de theatre sont supprimes. • . j -j > Anna Thomassin : Le Ruisseau , elegie composee par un jeune Icarien. Meme remarque que pour M. H. Chicard. » La musique joue un pas redouble. — Suspension. » La reprise de la soiree est annoncee par un mor- ceau de musique. » Le cit. Sainton : Le chant des soldats, par P. Du¬ pont, il y a mis tant de force expressive qu’au refrain la Communaute entiere, dans un elan patriotique, a entonneles deux derniers vers. » Cette improvisation, animele chanteur a son tour; en sorte que fenthousiasme general va crescendo quand. on repete, le refrain pour la derniere fois. — f>31 — » La citoyenne Claucline Defay : Marguerite fermez lesyeux, romance. Cette citoyenne a chante pour la premiere fois. Sa voix a ete legerement voilee par Ferno- tion. Sous ce voile nous avons cru remarquer une voix * , $ juste et agreable. Nous savons, et de source certaine, qu’il en a coute un peu a cette citoyenne de paraitre en public; nous esperons cependant que ce debut servira d’antecedent; d’ailleurs, le premier pas fait, les autres sont peu de chose a faire. * La citoyenne Mercadier : Unroi de 92, poesie, bien belle et bien touchante; rendue plus belle et plus tou- chante encore par Fexpression que.cette citoyenne y a mise. » La cit. Yinsot : Balthazar , chanson. C’est Lazare assistant, a la porte, au repas du riche : embleme de fatal denuement, contraste frappant de richesse et de pauvrete. Cette citoyenne a bien chante. > La cit. Bira : Le petit Mousse blanc , romance. Cette citoyenne qui chante ordinairement tres bien, ne s’est pas egalee cette fois. Elle a fait seulement preuve de grande bonne volonte ; elle etait enrhumee. » La cit. Labbe : Le Contrebandier , romance que cette citoyenne a bien chantee. » La soiree s’est terminee par Le Chant du Depart lcarien ; chacun a Funisson. Plusieurs groupes etaient formes : d’un cote, les partants; de Fautre les restants; puis choeur de femmes et chceur dejeunes Giles. La Communaute entiere a chante le refrain. — C’etait un i spectacte solennel, touchant, il y avait quelque chose de male, de grandiose dans cette multitude de voix se confondant dans une seule: — la grande, la forte voix i ilu peuple ! C’est avec un redoublement d’enthousiasme qu’on a entonne pour la quatrieme fois : » Allons fonder notre patrie, » Soldats de la Fraternite; » Allons fonder en Icarie » Le bonheur de FHumanitG. « j> Aussi, la soiree terminee, chacun s’est retire le coeurjoyeux, l’ameradieuse, la conscience tranquille et par consequent dispose a reprendre le travail du lende- main avec une nouvelle force et une nouvelle ardeur* . . * c . ■ »x i. I Quelle difference avec les recreations de l’individua- lisme, qui ne sont, pour la plupart, que de grossieres comedies, de sales mascarades, d’ignobles, de degou- 4 tants, de degradants pele-mele! A en juger paries applaudissementsprolonges qui out suivi chaque morceau, nouscroyons etre la voix de Tas- sentiment public, en disant que cette soiree a laisse peu a desirer, tant sur Fensemble que sur les details et Y exe¬ cution. Les chants et declamations nous ont para choi- sis et tout a fait de circonstance : la plupart etaient tristes, car nous sommes dans un moment de deuil,l e Snovembre... Puisque ces divertissements plaisent, con- tinuons-les, ameliorons-les; que chacun s’y prete; qu’onmettede cote toute crainte, toute modestie super¬ flues. Ne sommes-nous pas en famille? Sovons heureux ensemble, participons tous, et chacun suivant ses moyens au contentement general. De telles reunions, de pareils passe-temps influeront d’unemaniere avantageuseet sur nos idees, et sur nos sentiments, et sur nos moeurs. Un peuple a besoin de divertissements : ils sont une partie — 233 de sa nourriture morale: ils lui sont utiles pour pros¬ pered comme la rosee du ciel est necessaire aux plantes pour croitre, fleurir, fructifier. Les grecs, peuple savant et vertueux jusqu’a la decadence de leur Republique, le comprenaient si bien, qu’ils faisaient des divertisse¬ ments une espece de religion. Or done, Icariens, tra- vaillons, mais amusons-nous aussi. On verra bien alors que nous ne sommes ni des moines, ni des misanthro¬ pes, mais des hommes qui aspirent a la paix, a la joie, aubonheur. Amusons-nous quechacun y mette du sien, sans se faire prier : plus on sera, plus Ton s’amusera. Tous pour chacun , chacun pourtous . » Tu connais ou tu peux connaitre les chants et les poe¬ sies qui out ete chantes ou declames dans cette soiree, a rexception toutefois de Felegie dite par la citoyenne Anna Thomassin. Ces vers sont les premiers essais poe- tiques d’un jeune citoyen de la Colonie, Charles Ray¬ naud. C’est un poete de 19 ans, eleve dans le sein de la Communaute, ou il est entre avec sa famille en 1853. Ces diverses circonstances te feront lire ses vers avec un double interet: LE RLISSEAU. I Houle petit ruisseau; Abandonne ton eau Au zephir qui la ride, Et la pousse rapide Entre les bords de fleurs, De gazon et de mousse; Houle ton onde douce. Fertile aux laboureurs. — 2Zk — Murmure doucement, Coule leg&rement A travers le feuillage, Enfant du vert bocage, Fol amant des reseaux; Lutin de la prairie; Coule... Et sorte la vie Du milieu de tes dots I Sur le roc escarpe Jaillis en liberte De cascade en cascade. Bondissante escapade Et nombreux petits sauts, — Du mont a la ravine, — * Sont la frequente mine Des folatres ruisseaux. Va-t-en, nymphe d’amour, Cotoyant tour a tour La timide violette, La tendre paquerette, Et le saule pleureur, Et la fi&re aubepine. Va... Chemine..., chemine Au gre de ta candeur... Suis des riants bosquets Les contours diapr&s. Va toujours... Marche encore!. A la prochaine aurore, Tes ondes atteindront La rive, helas! traitresse, Oil, doublant de vitesse, Tes eaux s’abimeront! - 235 — Mais ton onde toujours Pourtant suivra son cours. A ton onde sans vie, Dans le gouflre endormie, — Ainsi le veut le sort, — Un autre dot succede, Ta source est le remede A ta constante mort! t II De la terrestre vie, embleme ravissant, Ruisseau, tu nous redis mille fois en passant, En roulant des dots bleus ta cohorte legere, Des inflmes mortels Pexistence ephemere. Or, l’homme, ainsi que toi, n’est qu’un atome vain Emporte par les eaux de Paveugle destin; Inconstant et leger, amoureux et volage, Philosophe et po&te, il parcourt son voyage, Cotoyant les salons, plus souvent le pave, Tantot les noirs cachots, tantot la liberty, Humect ant chaque bord de sa chetive vie De plaisirs, de regrets et de misanthropie ; Car les dots de l’erreur, qui sans cesse le bercent* Endormant ses esprits, loin de lui les dispersent. Il aime, ainsi que toi, se perdre solitaire Dans les sombres forets au grand dome severe; Il aime murmurer sous leur ombrage frais, Couler ainsi ses jours sans en sentir le faix, Il aime tout cela : le ciel, Pair, Peau, Pespace! Le soleil nous jetant ses rayons h la face, L’etoile qui scintille au milieu de la nuit Et le tiede zephyr qui s’envole sans bruit! — 236 II aime tout cela... Et pourtant sa carriere, Pas plus que ton courant ne revient en arri&re! Comme toi, chaque jour, il va fatalement Se perdre, sans retour, dans le gouffre beant!... C’est ainsi que rien n’est, sur la terre, inutile : L’homme, les elements et l’insecte fragile, Tout arrive ici-bas, brille et puis disparait, De lui meme s’eteint, puis, du grand lout, renait! C. Raynaud. Comme tu le vois cetessai n’est pastropmalheureux, il peut donner de l’espoir et encourager l’auteur a tra- vailler avec une nouvelle ardeur. Nous lui predisons pour recompense de ses peines de beaux etde nombreux succes. XVII. Tout ce qui precede peut te donner une idee exacte de la situation de notre Colonie de Cheltenham. Il me reste a te parler de sa situation financiere. Tu te rappelle qu’au mois de juillet dernier, je t’ecri- vais que nous aurions besoin au commencement de l’an- nee 1860 de sommes assez considerables, soit pour payer 3’annuite de la propriete de Cheltenham, soit pour faire face aux autres besoins de la Societe. Le tableau suivant, des sommes a payer dans le courant de ladite annee que je viens de recevoir du President de la Communaute, te mettra encore mieux a meme d’en juger. — 237 SOMMES A PAYER DANS LE COERANT DE 1860. DATES DU PAIEMENT % NOMS DES CREANCIERS. SOMMES PAR UIOIS doll. c. doll. c. Janvier 25 Cuno, Mense et Mayer. . . . 50 n 50 » Fevrier 25 dito 50 » 50 » Mars 10 dito 50 »> « 15 Bouas . 42 » 1 A f\C\ « 15 Albert Hinzpeter. 50 » | 192 « « 25 Cuno, Mense et Mayer. . . . 50 Avril 15 Albert Hinzpeter. 50 » i ct 19 Marchand Paul. 58 79 ■ 158 79 « 25 Cuno, Mense et Mayer. . . . 50 1 Mai 1 Schuienburg et Boeckeler . . 719 44 ) « 15 Albert Hinzpeler. ..... 50 » } 809 54 « 25 Cuno, Mense et Mayer. . . . 40 10 Juin 1 Ritter. 707 16' \ « 15 Albert Hinzpeter. 50 » 807 16 « 25 Cuno, Mense et Mayer. . . 50 » Juillet 1 Meyer, Krug et Meister. . . 370 07 | « 15 Albert Hinzpeter...... 50 » | 511 87 « 31 Bernier. 91 80] Aout 15 Albert Hinzpeter. 50 » 50 » Septembre 30 Dienaide. 54 50 54 50 Octobre 3 Genet. 142 70 142 70 Novembrc 30 Bernier. 108 » ) « » Dieuaide. 50 84 ► 158 84 Decembre 1 Ritter. 737 70 737 70 « Propriete de Cheltenham. . . 3800 » 1 « Edemberg. 500 » « Glenny. 47 71 > 4492 46 « Schrick Julius. 144 75 • Total . . • 8015 56 t ■ * 8015 56 Quelques observations sont necessaires en ce qui re¬ garde les 3,800 dollars pour la propriety de Cheltenham. Cette somme represente le billet qui echoitau 3 terrier — 238 — 1861 et pourrait n’etre payequ’a cette date; mais il fau- dra en payer une grande partie en I860, pour degager tout a fait ranneal 861, pendant laquellela Coloniedoit ■entreprendre son agrandissement, conformement au pro¬ jet trace par son President a la fin de son Compte- rendu semestriel de juillet dernier. 11 faudra done donner un a-compte d’environ 2,500 dollars sur ce billet, pendant fannee 1860. Et de plus, solder le billet du 3 fevrier 1860, sur lequel il reste a % i payer trois cinquiemes, soit 1728 dollars. Ces trois cinquiemes doivent etre payes savoir: Un cinquieme ou 576 dollars en janvier 1860. Un cinquieme ou 576 dollars en fevrier 1860. Un cinquieme ou 576 dollars en Mars 1860. En ajoutant ces sommes a celles portees au tableau ci-avant, nous trouvons que nous avons a payer en jan¬ vier prochain 626 dollars; au mois de fevrier 626 dol¬ lars; au mois de mars 768 dollars; soit 2020 dollars \ pour les trois premiers mois de l’annee, ou 10,605 ftv Ces explications te feront comprendre pourquoi nous portons dans nos dettes a‘payer en 1860, le billet pour la propriety qui echoit en 1861. C’est que la partie qui sera laissee a la charge de 1861, egalera justement celle qu’il faudra payer de Janvier a Mars prochain, pour le t bidet de 1860. • * '■ Ainsi, mon cher ami, le moment est venu de faire parvenir a nos freres tout ce que nous pourrons. Vois tes amis, rappelle-leur les promesses qu’ils font deja faites, sollicite de nouveau tous nos co-religionnaires, tous ceux qui sont sympathiques a notre oeuvre d’eman* — 239 — cipation et de progres, fais-leur connaitre nos besoins et les moyens de nous etre utiles. Lasouscriptiona cinq centimes par jour, recoitcons- tamment de nouvelles adhesions, tout les Icariens y prendront une part de plus en plus active; et nous espe- rons qu’elle produira la plus grande partie de la somme dont nos freres ont besoin que nous leur fournissions Tannee prochaine. P. S. — Nous venons de recevoir une longue lettre du President de la Communaute, en date du 7 decern- • * bre. II nous annonce que la famille Sertier, les citoyen- nesDefay, Lacour, Aimee et Annette; les cit. Duhamel et Saussieux ont ete admis definitivement et proclames membres de la Communaut6 le 20 nobembre. Le 3 decembre, ont ete admis provisoirement: la famille Loiseau ; la citoyenne Bernard; les cit. Augier et Mesnard. Lie President confirme en touts points les details qui precedent, sur la situation financiere pour 1860. Parlant ensuite du personnel, il dit: « II nous faudra pour 1860 un personnel choisi, pour » que nous marchions vite, voici les professions dont » nous avons besoin : » Tailleurs (hommes ou femmes).. 12 » Cordonniers. . . . . 8 » Charrons.. 2 » Menuisiers. .. 3 » Tonneliers. \ . 2 : » Macons (pierre ou brique). ... 2 i) Ferblantler.^ . ...» . *_ . . 1 » Charpentiers. 2 » Forgeron. 1 » Jardiniers. 3 » Femmes environ. .*. 10 » Enfants tres peu. /- -Jt * Total. ... 46 personnes. » Toutes les personnes ayant ces professions, pourvu » qu’elles soient Icariennes, qu’elles adoptent notre » nouvelle marche d’union, d’ordre et de production, » peuvent venir sans apport, avec leur trousseau seule- * ment. Mais nous engageons toutes cedes qui n’ont » pas les professions ci-dessus a ajourner leur depart a » 1861 en continuant a nous aider par leur souscrip- » tion. En venant l’annee prochaine, sans avoir les pro- » fessions ci-dessus, au lieu de nous aider on nous en- » traverait. Que tous nos amis prennent cet avertisse- » ment en serieuse consideration : il est dans Finteret » de tous, aussi bien dans le leur que dans le notre. » Les charrons, menuisiers, charpentiers, tonneliers, » magons et ferblantiers sont particulierement neces- » saires, ainsi que les tailleurs et les cordonniers. Si » tout ce personnel nous vient soyez sur que nous mar- .» vite. > Le cit. Mercadier me parle ensuite du troisieme am niversaire de la mort du Fondateur d’Icarie, qui a ete % celebre le 20 novembre seulement, parce qu’on a at- tendu Farrivee du depart de septembre pour qu’ils y soient presents. II parait que la fete a ete tres belle. II m’annonce Fenvoi du compte-rendu de cette fftte ; je te le ^ommuniquerai bientot. Paris. —Imp. Felix Malteste et Cie,rue des Deux-Portes-Saiot-Saureur, 22. -1 LETTRESICARIENNES. SIXIKME LETTKE. XV! II Mon clier ami. J’etais bien sur que les details contenus dans ma lettre du rnois de decembre dernier t’auraient fait plai- sir; on est lieureux en effet, de pouvoir suivre pour ainsi dire pas a pas. jour par jour, les mouvements et la vie des personnes que 1’on aime; surtout quand ces • % personnes se sont consacrees au triomphe d’un grand principe social, et quand a leurs risques et perils, elles cherchent a le realiser pour en doter le genre humain. Et quoi qu’il advienne. c’est un honneur et un merite qu’on ne peut refuser aux Icariens. On peut n’etre pas de leur avis; on peut les trader de reveurs, d’utopistes et le reste; rnais ceux-la memes qui se croient autorises «a rirede ce qu’ils appellent leur chimere, sont forces d(^ 11 % — m — reconnaitre qu’ils meritent le respect detous, pour leur constanteet courageuse perseverance. Oui! cela est cer¬ tain, en continuant 1*oeuvre de la fondation d’Icarie au milieu des innombrables difficulty qu’il faut vaincre, - les Icariens donnent au monde la preuve d’un courage peu commun. Et ce courage, cette perseverance dans une entreprise aussi compliquee que celle de la creation d’une societe nouvelle, peuvent paraitre plus meritoire encore, si Ton fait attention quetous ceux qui v contri- buent sont de simples travailleurs, n’ayant d’autres forces morales que celle qu’ils puisent dans la convic¬ tion qu’ils luttent pour une idee vraie, d’autres ressour- ces que leur travail, d’autre appui quecelui qu’ils trou- vent en eux-memes : ayant contre eux tous les interets contraires, tous les prejuges, tous les vices des ancien- -nes societes. Ne trouvant aucun concours, ni chez les / savants, ni chez les ecrivains, nulle part enfin. IIs sont seuls, ils voient leur isolement et ne s’en effraient pas; ils ne se decouragent pas, parce qu’ils sentent qu’ils ont Ja force de se suffire a eux-memes, parce qu’ils ont le sentiment de leur mission, parce qu’ils sentent qu’ils portent en eux le germe d’une civilisation superieure. . Ils ont encore les pieds dans le vieux monde; ilsmar- client encore au milieu del’egoisme, ou les interets indi- vidualistes les sollicitent a jalouser, a hair leurs sem- hlables; mais deja par la tete et par le coeur, ils vi- vent dans un autre monde, oil la grande loi del’Huma- nite, la. Fraternite des hommes, apparait comme le symbole d’une vie nouvelle, dans laquelle vont entrer les societes pour se regenerer et pour former la sainte alliance que Beranger a chantee dans ces vers prophe- tiques : — 243 — Humanite, regne ! Voici ton age, Que nie en vain la voix des vieux 6chos, Deja les vents au bord le plus sauvage De ta pensee ont seme quelques mots. Paix au travail! Paix au sol qu’il feconde! Que par l’amour les homines soient unis: Plus pr6s des cieux qu’il replace le monde! Que Dieu nous dise : Enfants, je vous benis! \ . ^ * i • Les Icariens s’elancent avec enthousiasme vers ce monde nouveau qui a ete apercu par tous ceux qui sa- vent voir avec les yeux de l’esprit, parcequc la, il n’y a plus ni exploiteurs ni exploits, ni maitres ni servi- teurs parmi les hommes; mais seulement des freres et des egaux, soumis aux mernes devoirs, jouissant des memes droits; droits et devoirs resumes par ces mots: Travail, Iytude, Amour du prochain, correspondant a la devise de nos peres : Liberte , Ecjalite, Fraternite, et la realisant dans sa triple manifestation de la vie civile, intellectuelle et morale. Ne nous arrelons pas inutilement a nous plaindre de I’indifference qu’il y a pour nous, la ou nous devrions trouver sympathie et concours. Au temps oil Jesus ve— nait renouveler le monde, il trouvait deja des hommes qui avaient: des oreillespour ne pas entendre el des yeux pour ne point voir. Ne nous etonoons pas de retrouver leurs semblables autourde nous, et consolons-nous-en, en mettant en pratique ce proverbe americain: Aide-toi toi-meme. Oui mon ami, si les travailleurs veulent s'affranchir; s’ils veulent secouer le joug de leur double tyran : la naisere et 1 ignorance, ils doivent d’abord compter sur €ux-m6mes et rien que sur eux-memes. Cette situation n’a rien de desesperant pour eux, au contraire, c’est pour ainsi dire un enseignement de la Providence, pour leur apprendre que separes les uns des autres, ils n’ont rien a esperer, que leurs efforts individuels seront tou- jours impuissants et que la seule voie de leur salut est dans 1 'association, dans la solidarity et dans I ’amour fraternel. Que ces conditions de notre affranchissement soient toujours presentes a notre memoire, afin de nousy con- former, en nous unissant, de plus en plus entre nous de coeur et d’esprit; en nous identifiant toujours davantage avec nos freres d’Amerique, pour realiser avec eux l’ideal de 1’Humanite! Je continuerai a te communiquer tous les details qui me parviendront sur la marche de nos affaires, sur la vie sociale dans notre colonie, sur son organisation, ses travaux, etc. — Je vais d’abord te communiquer aujour- d'hui la suite des rapports mensuels de 1859. Je viens de recevoir celui du mois de novembre, qui comprend cinq semaines. Cemois, sans etre mauvais, paraitn’etre que mediocre comme resultat, cependant il laisse encore un excedant de recettes sur les depenses de 284 dollars 27 cents, ou 1,492 fr. 40 c. Je te ferai connaitre ensuite plusieurs documents qui te feront encore mieux connaitre le present et l’avenir de notre entreprise. ^ % . RAPPORT MENSUEL. (Novembre 1859.) r 1 1 ' . \ » Cinq semaines, du 30 octobre au 4 decembre 1859, et par consequent 30 journees de travail. I — Wo — » Nombre des travailleurs presents, 93, y compris tous les membres de la Communaute, excepte les enfants et les absents. Nombre de journees.. . . 2,790 00 Journees fournies par le depart. ... 42 40 * • r- Total de l’effectif. 2,832 40 X * ,> Ces 2,832 40 journees sont ainsi reparties: • - f Presence. . .. 2,491 60 Absence. 245 30 Inconnues. 95 50 Total. 2,832 ’40 » Les 2,491 60 journees de presence se divisent ainsi: Interieur.i ..... . 1,526 50 Exterieur. . 965 10 Total.2,491 60 » Les 965 10 journees exterieures ont produit: GAIN. > . Tail leu rs.doll. 422 56 Cordonniers. 153 22 Jardinage. 74 60 Forgerons. 232 55 Tonneliers. 10 15 Menuisiers. 0 60 Pharmacie. • . 4 . . 11 65 Confection. . . 5 00 Divers.'. . . . 146 59 -- Total. . .. 1,056 92 — 246 — DEPENSES. Animaux. . doll. 50 25 Nourriture. 361 67 Matieres premieres. . 218 62 Ustensiles. 27 15 Outils.. . 4 45 Pharmacie. 7 10 Vetements. 3 00 Ameublement. . . . » 0 Correspondance. . . 4 82 Chauffage. 28 55 Eclairage. i - 38 35 Divers . 28 63 . Total . 772 59 e gain s’eleve a . . . . 1,056 92 La depense a]. 772 59 Difference.. 284 33 » Bien que le mois de novembre ne soit pas precise- ment mauvais, principalement sous le rapport du gain, cependant, les depenses etant assez fortes, cela le rend mediocre seulement, surtout si Ton observe que ce mois est generalement le meilleur de l’annee. Cheltenham, 13 decembre 1859. ✓ » B. Mercadier. » • t • « « • .t* Voici maintenant 1’expose de la situation generate de la Colonie, et particulierement de sa situation pour l’annee 1860. Je te recommande de lire ce document avec le plus grand soin; j’aurai a tten reparler souvent pendant te cours de l’annee. 1 — 247 — SITUATION GENERALE OE LA GOMMUNAUTE. « % » SITUATION PARTICUjLIERE EN 1860. « J’ai cru de mon devoir d’exposer a la Societc noire veritable situation , non plus d’une maniere vague et indecise, mais determinee par des chiffres positifs. » Les membres de l’Administration et ceux de la Commission des comptes, auxquels je l’ai communi¬ que, ont adopte, sans exception etavec une vive satis¬ faction, cette marche et l’ensernble de Fexpose qui va suivre. » Et, en effet, savoir nettement et voir a fond sa position, pouvoir la saisir d’une main sure, etre capable de la maitriser d’une maniere irresistible, n’est- ce pas une chose dont les bienfaits sont nombreux et incalculables ? Yoyons un peu : » Actuellement, les Commissions qui eclairent FAd- ministration, et que celle-ci devrait toujours consulter, donnent leur avis, et accordent les distributions; jus- qu’ou s’etendra leur deliberation? sur quelle base feront-elles asseoir leur avis ? » llfaut de la production, du travail et de l’activite, il faut, en quelque sorte, un sixieme sens pour bien nous entendre dans tous les travaux, puisque notre personnel et notre materiel ne sont pas en rapport avec nos besoins. Ce sixieme sens, compose d’intelligence, decoeur etde bonne volonte, n’est-ce pas l’esprit de la situation qui nous le donnera ? » Lorsque chacun saura ce que l’on doit depenser en V — 248 — general, et pour chaque branche de rAdministration. il comprendra la necessite de l’economie, et les regies qu’elle exigera. » Nous devons nous efforcer de faire une grande propagande. Ces efforts sont-ils chose superflue, ou bien sont-ils indispensables et jusqu’ou doivent-ils s’elever? » L’ordre doit regner partout; est-ce upe verite ba- nale ? Nest-ce pas une imperieuse necessite, dont Tom bli pourrait amener de funestesconsequences? » Le principe de la Communaute est celui-ci : chacun consomme suivant ses facultes et chacun travaille sui- vant ses forces. Ce principe que nous sommes venus realiser, et qui est toute la Communaute , n’existe pas. encore dans son application complete. Encore il faut enaurer les privations, il faut encore travailler beau- coup et sou vent par devoir pi u tot que par gout. Jusqu'ou doit s’etendre ce devoir? Quelles genes doit-on sup¬ porter? Qui est-ce qui nous Tapprendra, si ce n’est notre position ? > Dans l’individualisme , une ou deux personnes savent facilement ce qu’elles gagnent, et elles produi- sent et depensent en consequence. )> La Communaute ne peut-elle pas arriver a un pa¬ red resultat? La situation , en faisant connaitre et ce que chaque branche doit consommer et ce que chaque branche doit produire, ne dira-t-elle pas a chaque mem- bre jusquou doivent alter et la part de ses efforts et la part de ses sacrifices ? )> Des Democrates, des Communistes, des Icariens, des hommes que les luttes et la perseverance ont pu¬ rifies et ont revetus d’une cuirasse invulnerable ; des hommes qu’une grande conviction anime et eleve ; ces > — 249 — hommes loin tie desirer s’illusionner sur leur avenir el sur leur present, doivent vouloir les connaitre a fond pour s’y conformer, pour les diriger, pour les gouverner. » Nous pensons aux soins et aux devoirs, a la pro¬ tection et aux egards que nous devons aux malades, aux enfants, aux vieillards ; mais, y penser ne suffit pas, et il faut etre a meme de bien les apprecier. » Le Voyage en Icarie , que nous relisons tous en¬ semble, ne respire-t-il point partout Fordre et la pre- voyance? » La Communaute ne determine-t-elle pas d’avance tous les besoins ? Ne sommes-nous pas venus pour rea- liser la theorie de ce livre? Qu’est-ce qui nous empeche d’avoir de Tordre, de la prevoyance et de tout connaitre ainsi d’avance ? o Que pensait, que disait Cabet, dont Fexperience et • - # le devouement nous sont si connus, au sujet de la ques¬ tion de Fordre dans la comptabilite? Nous devons nous rappeler la comparaison qu’il aimait a etablir entre Fouvrier ordonne et Fouvrier sans ordre ni conduite. Nous connaissonstous les efforts qu’il a faits aNauvoo, pour etablir une comptabilite simple mais generale. » Nos institutions, basees sur le Voyage en Icarie , et dues au Fondateur de notre doctrine, ne sont-elles jias semblablement remplies de la prevoyance et de Fordre qu’il faut mettre en tout? L’Assemblee ne doit- elle pas tout determiner et regler, tout d’une maniere generale? » Toute question soulevee, en fait de construction, de travaux, de vetements, d’admission, ne demande-t- elle pas, pour ^tre resolue convenablement etjuste- ir — 250 — ment, la notion de la position generate ? L’un voudra un refectoire, l’autre une industrie, celui-ci beaucoup d’ad- missions, un autre voudra marcher rapidement a la realisation du plan ; comment faire disparaitre ces de- sirs plus ou moins moderes, ces causes de tiraillements continued, si ce n’est par Fexpose de la situation, de la situation qui doit commander tout, etre notre souve- raine, et a laquelle nous devons tous nous soumettre comme a Fimperieuse necessity ? * Ne sommes-nous pas venus pour fonder Icarie ? » Devons-nous esperer de pouvoir recolter avant d’a- voir seme ? » L’institution de la Gerance unique a ete un pas vers la Simplification de FAdministration, et en meme temps, une suppression de l’arbitraire ; tout doit se faire d’apres l’Assemblee et selon Tavis des Commissions. L autorite n’appartient qu’a la situation. Des lors, quelle est cette situation ? )) Un grand obstacle a la propagande, c’est qu’au de¬ hors, on ne connait pas assez la verite de notre posi¬ tion? » Ainsi, pour cent bonnes raisons,, il faut savoir dans quelle situation nous nous trouvons. Je vais le dire; je le dirai sans aucune pretention d’arbitraire ni de fausse science. La position que j’exposerai sera ia veritable. Elle constitue un ensemble; qu’on ne la juge pas d’aprcs une seule partie, et qu’on attende que je Faie exposee entierement pour la saisir et l’appre- cier. y> Ce qui domine aujourd’hui notre position generate, c’est la situation particuliere de Fannee 1860. C’est elle que nous allons exposer, c’est si*r elle que nous ferons i — 251 — pivoter toutes les appreciations dont nous accompagne- rons ce travail. , r,. •«,»». ' » La position de 1860 se determine par son budget. » Ainsi quelles seront nos depenses, et quelles seront nos recettes, en 1860? ' ; v , DEPENSES DE L’ANNEE 1860. » Ces depenses sont de cinq especes r > Nos dettes, * Des pertes probables ; o Quelques interets; » Apports a rembourser; * Nos depenses indispensables. » Nous allons dire un mot de chacune de ces de¬ penses : # lo Belies. — Elies se composent de la part de la propriete payable en 1860, de nos effets a payer et de quelques autres dettes non encore reglees. Ces dettes forment un total de doll. 8,705 56. Nous allons les de¬ tainer dans le tableau suivant : PROPRIETE. Dans l’annee 1860, doll. 4290 00 EFFETS A PAYER. Janvier. 25, C. Fevrier. 25, c. Mars. 10, c. 7> 15, B. 9 15, AH. » 25, C. Avril. 15, A • tl* « • # • « 9 19, M. P. 25, r • © • 0 • • • • * A reporter ..... doll. 50 00 50 00 50 00 50 00 50 00^ 42 00 / * 50 00^ 192 00 50 00 J — 252 — 4 Report. . . . . (loll. 450 79 450 79 4290 OO . Mai. 1, s . .... 719 44 \ D 15, A, H. . .... 50 00 v 809 54 • 1) 25, C. • • . . . . 40 10 i Jilin. 1, R .... 707 16 \ 0 15, A. H. . .... 50 00 ^ 807 16 » 25, C .... 50 00 ) " Juillet. 1, M. K. . .... 370 07 ) a- » 15, A. H. . .... 50 00 [ 51i 87 u 31, B .... 91 80 j Aout. 15, A. H. . .... 50 00 50 00 • •- Septembre. 30, D .... 54 50 54 50 Octobre. 3. G .... 142 70 142 70 Novembre. 30, D ) » 30, B • • • . . . 108 00 > 158 84 Decern b re. 1, R .... 737 70 737 70 3723 10 DIVERS • '• t CREDITEURS. Date incertaine. E. . • 1 T) G. . . 47 71 > 692 46 D J. s. Totaux egaux. . . „ doll. 8705 56 8705 56 8705 56 » Nous remarquerons que les divers crediteurs et ineme certains effets a payer ne sont pas regies defini- tivement; mais excepte pour un seill, il n’ya pas de se- rieuses difficultes. ’ » Le tableau ci-dessus est complet, a la condition qu’onpourra payer, d’ici au l e r janvier, les dettes sui- vantes : ’ M. K.doll. 20 oo D.. 500 00 Q. 12 75 1. 13 85 B. ........ 12 15 A. H. 50 00 A reporter .... 608 75 Report . . . doll. 608 78 F. 38 C. 50 00 T ......... . 42 00 1. 80 00 Total.781 11 / — . 253 — 4 ™ 4 # d Si ces doll. 781.11 ne sont payes qu’en partie a la-* fin de 1859, la difference devra etre rapportee sur Van- nee 1860 ou 1861 ; mais comme cette difference sera mineure dans tous les cas, nous n’en prenons pas note. » Dans quelles conditions ces dettes se sont-elles produites, et d’ou proviennent-elles ? Je ferai une re- ponse sommaire a cette question. Nos dettes, en gene¬ ral, proviennent de rempruntque nous avons ete obli¬ ges de faire a Nauvoo, des depenses extraordinaires occasionnees par notre installation a Cheltenham, des frais de Bureau de Paris qui ne pcut pas encore se suf- Jlre a lui-meme, de la perte considerable que nous a eausee Findustrie de la filature , du desordre apporte dans nos affaires en general, de Finsuffisance de notre production ; car, il est bien difficile de reunir un cer¬ tain nombre de travailleurs sur un meme point, en les faisant tous produire dans leur specialise, surtoutlors- qu’on est prive du capital necessaire. » Le montant et le terme de toutes ces dettes n’ont pas ete determines arbitrairement par personne. Ilssont, tous le resultat d’ententes, souvent longues et penibles, des creanciers et de FAdministration. On a fait beau- coup ; on n’a pu faire mieux. » Ce chiffre, assez eleve, pent paraitre trop conside¬ rable a quelques-uns. Ils en auront une idee plus juste et moins effrayante, en remarquant que, de mai a oc- tobre 1858, c’est-a-dire en six mois, on a paye en ar¬ gent ejt non pas seulement regie, doll. 3243. 55, ce qui fait 6,487.10 en un an , c’est-a-dire la somme a payer en 1860, moins doll. 2,218. 46. > Afin d’avoir une idee complete de nos dettes. i voyons ce qu’il nous restera devoir en 1861, a part les termes de la propriety ? Du Apres decembre 1860 : C. ......... ... .... 100 00 L. 40 00 M. 200 00 M. 1. 61 69 Total. 401 69 % » 2° Penes probables . — II pourra s’en rencontrer, d’apres Fobservation que nous avons faite pour certains debiteurs. II y en aura peu. Nous les supposons de doll. 120 dans toute Fannee. 3o Interets divers . — Independamment des interets Allen , lesquels sont compris dans Feffet a payer de doll. 4,290 00, il y aura peu en 1860, parce que toutes nos dettes sont reglees avecles interets , je les porte a doll. 120 dans toute Fannee. / » 4* Apports a rembourser. — Le rapport entre les difficultes de notre situation en 1860 et les qualites pos- sedees par ceux qui vont Faflfronter sera tel, que nous subirons inevitablement quelques retraites , que j’es- time a doll. 720.00, pecuniairement parlant. 5° Nospropres depevses . —Elies seront, en 1860, li peu pres les memes que de mai a octobre 1859. II sera done facile de les determiner d’apres les six mois en question. Le tableau suivant represente les depenses moyen- nes d’un mois en 1860 , comparees aux depenses movennes d’un mois des* six derniers mois, dans toutes V / I les branches de (’Administration. CHAPITRES. 1 MOIS EN 1860. 1 HOIS EN 1859* Animaux.. 40 60 48 34 Nourriture. 246 81 289 47 Matieres premieres . . 222 73 162 53 Ustensiles. 12 99 13 54 Outils. 6 49 4 35 Pharmacie. 19 48 24 34 Vetements. 30 31 29 49 Ameublement .... t 6 54 0 65 Correspondance . . . 4 33 3 93 Chauffage. 21 65 10 91 ficlairase. 17 32 9 25 Divers . 51 96 31 89 Totaux. 681 21 628 69 > II importe de bien remarquerque ce tableau men- suel, d’apres lequel les depenses d’un mois s’elevent en 1860 a 681 doll. 21 c. ne comprend reellement que les depenses indispensables ou ordinaires de la So¬ ciety t Le tableau represente la depense mensuelle; pour avoir la depense de la semaine, il faudrait diviser par i. 33, nombre de semaines que comprend un mois, et pour avoir la depense de 1’annee, il faudrait multiplier par 12. Recettes en 1860. « Nous aurons, en 1860, six moyens de revenu: cc Nouvelle dette; « Effets a recevoir; « Apports a Saint-Louis; « Recettes de Paris; a Notre production. 1 ° Dette nouvelle. — On peut etre oblige d’en con- tracter quelques-unes; mais peu; soit 600 doll. . 2° Effets a rtcevoir. — En 1860, ils seront de doll. 240. 3° Apports a Saint-Louis . — Les departs de France et des personnes venant de divers pays, apporteront environ doll. 560. 4° Recettes de Paris . — Soit doll. 4,000. 5° Effets a Paris. — Soit doll. 300. 6° Notre production . — Connaissant toutes les de- penses et toutes les recettes, hormis notre production, , il est facile de determiner celle-ci. Elle doit s’elever, en moyenne, a doll. 232, 10 par semaine, dans le courant de 1860. « De Mai a Decembre 1859, elle va s’elever a environ doll. 200.00 par semaine , ce ne serait done qu’une somme d’environ doll. 32.00 qu’il faudrait produire en plus en 1860, ce qui n’a rien d’excessif ni d’impos- sible. « Ce qui fait connaitre la production reelle d’une se- maine, e’est l’exces du gain sur la depense; en 1860, ii doit etre de doll. 76 26 par semaine. En 1859, il a du etre de doll. 59.08 : Difference doll. 17.18 en plus. Ce n’est done pas, nous le repetons, irrealisable. ' a Mais, comment obtenir cette production? D’abord, en maintenant tous les ateliers actuels, parce qu’ils sont necessaires pour l’usage de la Communaute, et qu’il faut toujours les conserver; ensuite , parce que, en les maintenant, ils suffisent pour atteindre au cbiffre exige ; et enfin parce que, s’il ialiait en organiser d’au- tres, du moins des ateliers importants,cela derangerait i 1a. production courante, tout en necessitant des frais assez forts relativement a notre situation. » Yoici un tableau qui represente la moyenne de la production par semaine, et atelier par atelier, avec une — 257 — comparaison avec la moyenne (Tune semaine de mai a octobre 1859; cette moyenne est calculee d’apres la moyenne precedente, d’apres les renforts probables que recevront les ateliers, et d’apres les autres circonstances dans lesquelles ils vont se trouvcr. ATELIERS. SEMAINE EN I860. SEMAINE EN 1859 f Tailleurs. . . . • 00 47 86 Forgerons . . . . 50 00 32 83 Jardinage . . . . 00 29 02 Cordonniers . . . . 33 00 21 85 Tonneliers. . . . 00 4 21 Menui^ers. . . . 00 0 87 Pharmacie. . . . 50 . 0 94 Confection. . . . . 6 00 4 27 Constructions. . . 00 0 00 Divers . « i 60 50 69 Totaux. 232 10 192 54 d Maintenant, void le resume, chapitre par chapi- tre, et par annee, par mois et par semaine, de toutes les depenses et recettes de 1860 ; ce qui constitue le budget de 1860. BUDGET DE 1860. Mois. Semaine . 625 46 167 42 10 00 2 32 10 00 2 32 60 00 13 82 774 78 155 84 1480 24 341 72 Cha pitres. Annie. DEPENSES. Dettes.; doll. 8705 46 Pertes probables. 120 00 Inlerets divers. 120 00 Apporls a rembourser . . 720 00 Depenses de la Societe. • . 8097 36 . Tolau* ...... 17762 82 — 258 — RECETTES. Dette nouvelle. 600 00 50 00 11 55 Apports a Saint-Louis . . 560 00 46 66 10 77 Recettes A Paris. 4000 00 333 33 76 90 Effets a Paris. 300 00 25 00 5 78 Effets 5 recevoir. 240 00 20 00 4 60 Notre production .... 12062 82 1005 25 232 12 Totaux. 17762 82 1480 24 341 72 » Telle est la position vraie, positive, certaine, tie 1860. Nous ne saurions la voir autrement. Elle est done pour nous notre maitre, notre souveraine 2 notre regie. . . , . » Nous ne devons pas nous illusionner en esperant ce que j’appelle une bonne fortune. Comptons sur nous. » Prevoyons plutot une mauvaise fortune, un incen- die, par exemple, et faisons ce qu’il faut pour la pre- venir. » Mais, dira-t-on, voila une annee de plus de gene et de sacrifices; apres cette ann£e, n’y en aura-t-il pas une autre, et puis une autre ? Nous repondons que nos depenses necessaires seront assez elevees pour que nos privations soient bien suppor.tablesy et que d’ailleurs Ja chose est necessaire. Si elle etait facultative, on pourrait Pecarter ; mais, si elle estforcee, on doit faccepter et la maitriser. De plus, cette situation est loin d’etre un systeme; car, des 1861, nous serons mieux a faise, et chaque annee suivante, nous le serons de plus en plus. » Voyons plutot par quelques chiffres. Suivant ce que nous avons dit plus haut, nous devrons en 1861. avec la propriete, doll. 500, e’est-a-dire, doll. 4000 de moins qu'en 1860. D’un autre cote, nous pouvons — 259 — compter sur doll. 1000 en plus pour le gain et doll. 1000 en plus, pour la propagande. Ce qui fait un total de doll. 6,000 dont nous pourrons disposer en 1861. Que ne peut une Societe dont tous les niembres tra- vaillent avec une somme de doll. 6,000 ? Notez bien que la propriety n’etant payable qu’en 1862, nous pour¬ rons disposer d’une grande partie dans la premiere moitie de 1861. En 1862, la dettediminuera encore, la production augmentera de plus en plus, ainsi que la Propagande. Ainsi, on peut se faire une idee d$ notre avenir , et voir par des chiffres qui ne sont pas etablis surdes donnees incertaines, que notre "situation tendue n’est pas une necessity, n’est pas forcee, n’est pas sys~ tematique. » Dans la Communaute, nous ne le nions pas. on a toujours endure certaines privations, cette circonstance pourrait faire croire qu’il en sera toujours ainsi. Ce se- rait une erreur. La situation critique dont nous parlons, etait due aux divisions et aux tiraillements politiques qui portaient prejudice au travail. Dans cet etat de cho- ses, on ignorait en outre ce qu’il fallait faire pour en sortir. On ne se rendait pas assez compte. On ne con- naissait pas la marche a suivre. Maintenant, le regne des discussions est passe; la production et le travail sont nos plus cheres occupations. Nous avons trace une » • . marche, suivons-la , et nous arriverons a un bon resul- tat. » Dans notre compte-rendu de juillet dernier, pre- voyant Favenir, nous avons dit qu’il nous faudrait qua- i . tre ans pour payer toutes nos dettes et bien organiser la production , de sorte que, dans quatre ans nouspour- t — 260 — rions prendre une extensiou serieuse. On voit que nous ne nous sommes pas trompes. En 1861, au printemps, les dettes seront payees , en 1863 , vers le milieu de l’annee, c’e§t-a-dire au bout de quatre ans; la produc¬ tion pourra etre bien organisee et considerable. » Ceci bien connu, on voit clair dans le present et l’avenir; tous les problemesde notre situation peuvent ■ aisement se resoudre. Prenons quelquesexemples. % » Nousavons fixe un chiffre pour les depenses; veut- on l’augmenter? Yeut-on des depenses plus elevees? c Qu’on trouve d’abord d’autres moyens de production. Si Ton ne le peut pas, qu’on accepte les depenses telles quelles. » Yeut-on acheter une ferine en 1860 ? Le pourra-t- on ? Oui, si celui qui la veut, trouve dans notre position d’autres moyens de production. Non, dans le cas con- Iraire. II faut remettre. » Veut-on creer quelque industrie considerable en 1860? Le pourra-t-on? Oui, avec une production plus grande; non, sans cela. f. » Pourra-t-on, suivant ce que Ton desire vivement, faire en 1860 des constructions? Pourra-t-on fairememe des constructions modeles? Pourra-t-on fairememe des constructions importantes? Meme reponse que plus haut: oui, dans ce cas ; non, dans Tautre cas. » Quel personnel pourrons-nous faire venir en 1860? De 30 a 40 personnes. S’il en vient davantage, ou les logerons-nous ? » Voila pour le nombre. Quant aux professions, les suivantes, composant la meilleure liste, devraient etre reunies le plus possible : Tailleurs hommes et femmes.10 Cordonniers.*. 6 Charron. 1 Menuisiers. 3 Tonneliers. . .. 2 Ferblantier. 1 Charpentiers. 2 Forgerons. 1 Jardiniers. 2 Citoyennes en plus , environ. 12 Enfants, Ires peu. » . Total. ..40 Avec ces professions, Fapporl n’est pas nece ssaire mais il importe d’avoir le trousseau et les frais de voyage. Tres peu d’outils; les bons et pas volumi- neux. » Cette position avec ses inconvenients et ses avan- tages, est necessaire; il faut Faccepter. Mais cela ne suffit pas. 11 faut en avoir tout Fensemble et la com- prendre dans toutes ses consequences. Les void : » Economie : j » Certaines qualites morales ; » Production ; » Ordre; » Secours contre Fincendie ; » Propagande. » Nous allons dire un mot, en passant brievement, sur toutes ces consequences de notre position : f » I® Economie. —Nos depenses nepeuvent s’elever qu’au chiffre determine de notre production. Moins nous produirons, moins nous pourrons depenser. Il faut que, pour les choses principales, comme Finfirmerie et la nourriture en general, il y ait ce qu’il faut; pour les choses (Tune urgcnce moins grande, elles supportent les consequences du defaut de production. La position 6tant, connue , Peconomie devrait venir de soi et de tout le monde. Si des mesures deviennent necessaires, et, si PAssemblee doit etre appelee a les fixer, il faudra y arriver. Dois-je developper cette idee banale que Tfico- nomie, en tout temps et dans tout commencement, est la source du bien-etre et de 1’aisance? Dois-je citer l’exemple de la Colonie de Bishop-Hill , qui, riche rela- tivement, se prive pendant une annee de prendre le cafe, parce que la recolte avait ete inferieure a ses pre¬ visions. )> 2° Les qualites denotre situation sont la patience, la perseverance, le courage. Nous devons etre soutenus ^t par Pidee de notre mission, et par Pavenir beau de promesses, qu’il appartient a nous de realiser. » Une observation a cet egard : en reflechissant sur les evenements d'lcarie, on est frappe d’une chose, c’est que la dissidence et la division_ont toujours eclate au moment ou notre marche allait prendre une tournure avantageuse. A-t-on oublie Nauvoo, en 1856, et Chel¬ tenham dernierement? Cela prouve qu’on a manque de perseverance. Ayons-en un peu plus. Continuons a faire comme tous ceux qui ont toujours persevere, et nous realiserons pour nous cette verite : a qui sait perseverer, i Pavenir appartient. t i • » 3o Production . — Maintenir les ateliers existants, en detachant 1’atelier de construction de Patelier des divers, les renforcer un peu, les organiser de mieux en mieux; tel doit etre, selon nous, le programme de la production. Aux raisons donnees plus haut, nous ajou- terons que , si le gain de ces ateliers ne peut jamais etre considerable, il est sur neanmoins. » L’Administration fera connaitre specialement a ebaque directeur d’atelier les efforts que Tatelier doit jfaire pour la production en 1860 ; le Directeur soit seal, soit avec 1’Administration, s’entendra avec tout • 1 atelier. La moyenne de chaque atelier devra 6tre rea- lisee a tout prix, a moins d’une impossibilite. Notre production etant generalement basee sur nos rapports avec le voisinage, il sera necessaire de repandre une nouvelle circulaire des le debut de l’annee prochaine. Nous nous contentons de rappelerque chacun est oblige de travailler pendant un certain nombre d’heures, mais i surtout d’avoir l’intelligence de la position particuliere de son atelier et du concours qu’on peut y apporter, afin de tircr parti de tous les avantages et de remedier a tous les inconvenients. » 4° Ordre’ — Que les rapports soient exactement, faits et soient complets, conformement a la loi; » Que les livres d’ateliers soient tenus ; Que les inventaires soient faits au jour voulu ; » Que les ateliers soient definis, et dans leur objet., et dans leur personnel; I ' j> Que la liste soit toujours au refectoire; » Que la comptabilite generate soit toujours au cou- rant et toujours surveillee ; » Qu’elle soit completee par les comptes mensuels du bureau de Paris; » Que le livre des apports en argent et en nature soit bien tenu; » Que les comptes soient regulierement, souvent et simplement rendus a la Societe. — 264 — I » Voila Ie programme de I’ordre. Si nousen voulons, executons ce programme. Si nous ne I’executons pas, n’allons pas dire que nous voulons l’ordre. % ' • ( » Nous aurions une infinite de raisons pour appuyer ee programme. Nous dirons seulement ici et pour tout resumer, que rAdministration, en Icarie, c’est tout le monde, c’est le gerant des finances, c’est le teneur de livres, c’est le directeur de tout atelier, c’est le membre qui seul, forme un atelier, c’est chaque membre d’ate- lier. La comptabilite embrasse tout, et, si une seule per- sonne omet de faire connaitre les seules operations d’un atelier, la comptabilite en souffre. Voulons-nous une bonne Administration ? Sovons tous de bons adminis- trateurs. » 5° Secours contre I’incendie . — Ce que nous avons a dire de plus juste ici, c’est que tout le monde sent l’urgence de les organiser au plus vite. » 6° Propagande. — Void en quelques mots, son programme. » II faut lui donner une impulsion decisive. » 11 faut faire une circulaire pour nos echanges; » Une autre circulaire plus developpee, pour les lea¬ dens en general, pour reveiller la foi des anciens, pour allumer la foi des nouveaux proselytes. Le Bureau de Paris, par ce reveil et ce developpement de la propagande, par les commissions de France en Amerique et reciproquement, par l’envoi de dons utiles, doit parvenir a se suffire lui-meme. » II va falloir adopter les deux propositions concer- nant le Bureau de Paris. » L’elan donne en 1860, nous le soutiendrons en 1861 par de nouvelles mesures, dignes de la mission que nous avons a remplir. — 265 — » Citovennes et Citovens, voila notre situation. Telles 50 lit les lecons du passe. Tel est notre present, tel est notre avenir. II est incontestable que si nous avons les qualites qu’on a exigees de nous, que nous avons dit avoir, en venant en lcarie, cette position bien examinee, sans illusion comme sans frayeur, cette position est belle, elle est heureuse. » Quoi qu’il en soit, elle est telle. > Mon devoir etait de la faire eonnaitre a la Societe; je l’ai fait. » Le devoir de chacun est de s’v conformer dans la mesure de ses attributions; que chacun fasse son devoir. » (Expose a l’Assemblee generate, dans sa seance du 3 decembre 1859.) Le President de la Communaute , B. Mercadier. Get expose de la situation de la Colonie a, parait-il, produit un enthousiasme general dans la Communaute. La lettre suivante, quej’ai recue d’un de ses membres, te donnera une idee de Tesprit qui anime en ce moment nos freres de Cheltenham. Cheltenham, 21 decembre 1859. » Mon cher Beluze , > Ah ! si tous les Icariens avaient pu entendre le cit. Mercadier dimanche au Cours, je vous ass plus froids, les homines les plus inse seraient sentis transports d’enthousi Tesperance en nos principes se seraien leur cceur et, comme nous tous, il — 266 Crete resolution de marcher tete baissee vers la realisa¬ tion d’Icarie. Dimanche dernier, le cit. Mercadier a traite la question de la production pour Tan prochain, au point de vue moral et materiel, mais il l’a faitavec tant de chaleur, avec lant d’energie, qu’on remarquait en lui , dans tout son etre, FHomme qu’une foi ine- hranlable anime; pret a sacrifier et a tout supporter dans l’interet de la Communaute, et ce qui vous trans¬ pose davantage; c’est que ses paroles marchent d’ac- cord avec sa conduite. Cornme je vous Tai dit, il redou¬ ble de plus en plus d’activite et de courage ; on le voit donner la main partout et a tout, enfin l’esprit du vene¬ rable Cabet s’est incarne en lui : aidons-le, aidons-le. » Il n’est pas possible que des hommes comme Mercadier puissent jamais changer. » Cette autre let!re a ete envoyce a quelques-uns de nos amis pour leur exposer, a un autre point de vue, la situation generate de notre entreprise et pour leur de- montrer la necessite de Y union entre les Icariens du dehors et les Icariens de la Colonie. Et la necessite de la part des premiers de donner aux seconds un concours actif pour fonder Icarie. 11 fautbien, en effet, que chacun sache qu’Icarie ne peut naitre que de nos efforts communs. LETTRE A GORILLA ET A SON FRERE MAXIMILIEN. Cheltenham, decembre 1859. » Bien chere Sceur et cber Frere, » On vons a ecrit plusieurs fois, soit de Cheltenham, soit de Paris. Dans le desir d’obtenir de vous des re¬ ponses de plus en plus nombreuses et precises, nous — 267 — \ vous ecrivons encore. La longue et derniere lettre aCo- rilla , qu’une de nos sceurs lui a envoyee de la Colonie, n’a pas recu de reponse assez satisfaisante. Quant a son frere Maximilien, notre ami Beluze lui a ecrit souvent de Paris; il est bon qu’il parte pour lui quelques lettres du sein de la Societe. d Est-il besoin de developper longuement la necessity ou nous sommes de nous donner souvent et complete- ment de nos nouvelles? Des amis, des hommes de pro- gres, des Icariens, des Colons, des Fondateurs d’une gigantesque entreprise, ne doivent-ils pas sympathiser, fraterniser, s’encourager, se surveiller, adoucir leurs peines mutuelles? Quelle douleur est comparable a eelle qu’eprouve une mere qui ne recoit pas de lettres de ses enfants, absents depuis longtemps et bien eloi- gnes I L’abandon et l’indifference ne sont-ils pas les $ — fruits amers d’un cceur sec, lache etingrat?Quand nous savons que vous vous souvenez un peu de nous, nous noussentons plus heureux. La reconaissance et l’atten- tion ne sont-elles pas les plus douces recompenses de ceux qui savent sesacrifier? Ah! chere soeur et cher frere. ecrivons-nous, ecrivons-nous souvent et longuement; tandis que le froid mortel de Tegoisme et de Tinsuppor- table indifference glace les hommes et les societes de % • l’individualisme, elevons-nous par rechange de nobles sentiments et de laborieuses et chaudes idees, a la hau¬ teur que les temps et notre situation nous indiquent d’une voix et d’un geste irresistibles. » En outre, il y a dans notre position actuelle, un motif de plus pour nous faire communiquer. Cette posi¬ tion particuliere est un changement complet. Depuis sa fondation, la Colonie a vegete, parce que ses elements 268 — etaient peu favorabies ou contraires a son but. Mainte- nant, elle va naitre, pousser de profondes ratines, grandir. C’est une transformation, c’est une resurrection; c’est Lazare, appele par la voix de la verite, sortant du tombeau, rejetant bien loin son linceul, ets’ecriant qu’il veut vivre. » En quelques mots, nous vous indiquerons et vous comprendrez la nature de cette transformation. Elle date de nos evenements derniers qui, malheureux dans un sens, ont eu un bon cote et un bon resultat. Avant cette epoque, la Communaute s’etait livree a des dis¬ cussions sans fin qui I’empechaient d’entrevoir et de suivre une marche bien arretee ; sans compter que la production souffrait enormement de cet etat dechoses. Apres la derniere crise, les discussions ont ete mises de cote, et le regne de la production a ete inaugure. Avec la production, l’aisance et lebien-etre, le contentement, Fesperance, la certitude du succes. )> Les comptes-rendus de la Societe vous tiendront, tons les six mois et tous les ans, au courant de notre marche generale. Nous vous y renvoyons, en vous les recommandant. Pour aujourd’hui, nous allons vous faire connaitre quelquCs faits particuliers, qui vous feront voir si nous suivons reellement une bonne voie. » Au mois de mai, apres la derniere dissidence, la situation financiere etait assez tendue et nous avions beaucoup de dettes a payer. Nous avons mis de Fordre dans cette serie de dettes, en les distribuant par annees et par mois. Jusqu’ici, nous avons fait face a tout. Le chiffre paye a la fin d’octobre s’est eleve a doll. 3,243.55. Nous avons obtenu ce resultat tout en produisant de quoi fournir a toutes nos depenses indispensables. La dette a payer pour l’annee prochaine est determinee : nous la paierons. Apres 1860, nous devrons peu et nous • • produirons plus ; alors nous pourrons prendre un essor assure, un elan decisif; alors la Communaute entrera. dans une periode de succes certain , et de plus en plus rapide. » Le depart, petit en nombre il est vrai, venu en avril dernier, vient de se faire admettre dePmitivement, an jour de l’anniversaire de la mort de Cabet. Tous ses membres se sont fait admettre, excepte un seul qu’on a ajourne parce qu’il n’a pu perdre encore l’usage du tabac. Ces admissions et cet ajournement prouventa la fois, et la resolution de la Colonie de rester dans la voie indiquee par son fondateur, et les bons effets de la marche quenous suivons. > Deux autres departs, celui de septembre et celui de juillet derniers sont arrives etsesont fait admettre pro- visoirement. Un seul membre a demande son ajourne¬ ment, par le motif qu’il ne connait pas encore assez nos lois et nos habitudes ; notre avis est qu’on le tolere tant qu’il se conduira loyalement et en travailleur se- rieux. Les autres membres de ces deux departs ont Lair de se plaire et de comprendre Icarie et sa position. » Cestrois departs, et lespersonnes qui sont entrees chez nous isolement, ont eleve le chiffre des membres de la Commenaute a un nombre egal a peu pres au chilfre du personnel avant la derniere dissidence. Ce fait, qui ne manque pas de signification, fait voir qu’il faut peu s’inquieter des retraites qui s’operent, Les causes qui les font naitre sont infmies. II y en aura tou- jours plus ou moins. Elies constituent l’exercice de la Liberte individuelle; que chacun soit done libre, de — 270 — res ter s’il prend a cceur notre mission, ou de se retirer si celle-ci n’est plus de son gout. Nous vous apprenons ici, si vousne le savezdeja, les retraites d’une famille dont les deux fils avaient precede les parents de plus d’une annee; d’un jeune homme qui est alle rejoindre sa mere, et d’un celibataire. Telles sont les retraites les plus recentes. Leurs motifs ? Nous pouvons vous expri¬ mer les plus connus : Les parents en question ont de¬ clare etre venus pour leur fils et non pour la Commu- naute, et les fils, ainsi que fautre jeune homme, s’en- nuyaient . Habitues a tout ridiculiser, quand ils ont eu tari la source de leur esprit, l’ennui s’en est suivi. S’ennuyer en Icarie, lorsque Ton a devant soi 1’Avenir, le Travail, les Divertissements, le Cours Icarien, l’As- semblee , et que chacun peut et doit y prendre part ? Leur coeur et leur intelligence etaient done a sec? Le comprenez-vous, chers amis ? Quant au celibataire, il a trouve que les citoyennes etaient en Icarie trop suscep- tibles et trop reservees. Quel prejudice la retraite de tels Communistes peut-elle nous causer? Il seraita de- sirer que ceux qui viennent soient plus resolus et plus pratiques; mais, leur imperfection admise, e’est un grand bonheur qu’ils se separent’ d’une entreprise qui demande le deployment de belles et solides qualites. » L’anniversaire de la mort de Cabet a ete celebre dans le courant de novembre. Jamais fete n’a ete plus belle en Icarie. Le banquet a ete admirable. Chers ami , qu’elle est eloquente la reunion nombreuse qui a lieu sous l’oeil vivifiant dela Fraternite! Cette fete a montre que, si nous nous occupons de la production et de l’aisance, nous ne laissons de cote ni l’intelligence, ni le sentiment que ces solennites developpent et purifient. X — 271 — » Nous ne vous parlerons pas longuement du Cours icarien , dont les lettrcs de notre ami Beluze vous font connaitre la situation; en ce moment, ou il y a peu de travaux exceptionnels et peu de maladies, le Cours reu¬ nit presque tous les membres de la Famille. Cette cir- constance le rend plus imposant et plus agreable. Lorsque tout le monde, soit du dehors, soit de la Colo- nie, y prendra une part plus grande il produira de meilleurs resultats. En attendant, chaque associe y vient tour a tour faire des lectures, y lire le \rai Christia - nisme et le Voyage en lcarie , sans compter les sujets que chacun peut y traiter. o En lcarie, dans notre position, les enfants restent avec leurs parents jusqu’a l’age de deux ans; ensuite, ils couchent cliez eux, et vont a la petite ecole le jour; vers l’uge de cinq ans' ils entrent a la grande ecole. En ‘ 4 O ce moment Fecole des jeunes fllles n’existe pas; les deux ou trois jeunes filles que nous avons assistenta la plupart des lecons de Fecole des garcons. Tous les dimanches, au Cours Icarien, on lit un rapport sur la situation de Fecole, nos enfants laissent certainement beaucoup a desirer; mais notre ecole, telle qu’elle est, presente deja quelques avantages incontestables. y> Nous vous dirons peu de chose des divertissements; ils prennent cet hiver une grande extension, et ils ins- pirent un attrait de plus en plus vif. Nous avons des ehceurs, des chants, de la musique, Theatre, Bal, Soi¬ ree. Tous les dimanches, nous avons quelque divertisse¬ ment; chaque dimanche Fespece varie. Notre journal raconte chacune de nos soirees. Un fait important, c'est que nous commencons a creer nos divertissements : deja, nous avons de la Musique Icarienne , des chants 272 Icariens, des pieces Icariennes; c’est encore peu sans doute, mais cela viendra, et, dans notre position, le resultat obtenu est deja sensible. » Quant a notre position materielle, le vetement est la question la plus embarrassante, et celle qui laisse sans doute le plus a desirer. Le grand obstacle est la gene. Si elle disparaissait ce serait bien vite amelior Telle est notre position. Pour un homme faible et irresolu , il est certain qu’il ne se plaira pas parmi nous. L’homme serieux et qui sait ce qu’il vient faire en Icarie, se sentira heureux; il trouvera la situation materielle meilleure qu’il ne l’attendait. Son devoue- ment sera au-dessus de la situation. Celle-ci est un me¬ lange de choses bonnes et de choses imparfaites. Celui qui n’est pas facile trouve a redire a tout. Quelqu’un de serieux, et qui se penetre bien de la necessity est satisfait de tout. L’aspect des choses change suivant le point de vue qu’on choisit pour les juger. C’est ce qui vous explique pourquoi tel se retire, et tel autre reste et cherit de plus en plus la Communaute. Ceci doit vous montrer combien pen d’importance ont les retraites. line personne qui se retire , cela veut dire qu’une per- sonne ne se plait pas; mais cette personne serait-elle votre meilleur ami, votre parent, cela ne veut pas dire que vous et que dix, vingt, cent autres, ne se plairaient pas. » Yoila done, chere Corilla et cher Maximilien, voila done cette Communaute que ses ennemis , et ils sont nombreux, jugent avec tant de legerete ; certains, vous le savez bien , la disent, morte. Il est vrai, elle a bien souffert, et il est vrai que ses adversaires ont tout fait et tout dit pour la tuer; mais elle est loin d’avoir rendu 12 ^ 274 — le dernier soupir. Elle est forte; elle est vivace. Ses membres sont moins nombreux, ils sont plus r^solus que jamais. Les crises qui la traversent la purifient. Comme le phoenix, elle renait de ses cendres. C’est le bataiHon sacre, qui ne se rend jamais. C’est qu’une foi vive, energique l’anime; c’est qua travers les revolu¬ tions, les deceptions, les insultes, l’indifference, les ruines, elle marche, elle marche encore, elle marche toujours, soutenue par l’idee qu’elle remplit une mis¬ sion utile a l’Humanite. » Chers coreligionnaires, vous et vos amis ne devriez jamais oublier que parmi ceux qui sont encore ici h leur poste, il y en a plus d’un qui ont jure , et ce ser- ment est aussi sacre qu’il est secret, de ne jamais abandonner le drapeau de la fondation d’Icarie. Plus d’un a fait a Icarie le don de son dernier soupir. Com- bien d’hommes de cette trempe faut-il pour assurer le succes d’une entreprise! Ne vous etonnez plus si main- tenant la Societe est debout, si aujourd’hui plus que jamais elle concoit les plus belles esperances. )) L’avenir est a nous. Tous nos actes le disent. Une autre fois, nous vous parlerons du plan general de la propriete, qui vient d’etre adopte; aujourd’hui, nous nous contenterons de le mentionner, pour vous faire voir que, puisque nous nous occupons de ce que nous ferons dans 5, 8, dix ans, nous n’avons guere l’intention de mourir comme Societe.! « Mais, chers et nobles amis, il ne faut pas s’endor- mir. Ce n’est qu’a force de pratiquer que nous nous eleverons a la hauteur de la situation. Pratique en ame¬ lioration, pratique pour 1’ordre, pratique pour l’econo- — 275 — mie, pratique dans la production, pratique dans la pro- pagande; il en faut partout. Faisons peu de bruit: agissons. » Le devoir de pratiquer incombe aux membres de la Colonie; Fetendue de ce devoir a ete donnee. Quelle est la mesure de la pratique exterieure? C’est ce que nous allons vous faire connaitre, et c’est par la que nous terminerons cette lettre. » Nous vous rappelons, chers amis, plutot par pure forme que par crainte que vous Fauriez oubliee, que % vous devez, en ce qui regarde la pratique generate, vous perfectionner, cesser 1’usage du tabac et des liqueurs fortes, vous moraliser, vous instruire, correspondre avec la Colonie et avec tous nos amis du dehors, faire des adresses, traiter dessujets dansvos reunions defamille pour le Cours Icarien, et faire generalement tout ce qui peut rendre la propagande fructueuse. » Nous vous parlerons en particulier de FEmprunt, du personnel qu’il nous faudrait en 1860, denotre bu¬ reau d’affaires et du journal. » II faut, pour que nous fassions face a tout, Fannee prochaine, il faut que nous recevions, ni plus ni moins, doll. 4,000 (20,000 francs) de FEmprunt. En outre, il faudra penser aux frais et aux remboursements du bu¬ reau, soit doll. 2,000 environ. C’est done un total dc doll. 6,000 (30,000 francs) que FEmprunt doit rappor- ter en 1860. C’est necessaire, indispensable. 11 le faut. Rappelez-vous que les obligations de FEmprunt rappor- tent 5 0/0 et qu’elles sont garanties par une delegation surla propriete de Cheltenham. Si nous rappelons cette derniere circonstance, c’est que nous approuvons et comprenons qu’un ouvrier qui a fait quelques econo- 276 — mies a la sueur de son front ne peut ni ne doit les expo¬ ser sans se rendre compte de ce qu’il fait. » Chers amis, il nous arrive souvent de nous deman- der ce que vous et vos amis vont faire pour Icarie. Pour repondre a cette question, nous nous souvenons de la conduite de nos co-religionnaires en 1856, pendant les luttes de Nauvoo, pendant notre retraite a Saint-Louis, apres la mort de Cabet, et en 59 al’epoque de nos eve- nements derniers et depuis; nous nous souvenons que cette conduite a toujours ete en rapport avec la situa¬ tion. Nous en concluons, par analogie, qu’elle sera de meirie en rapport avec la situation generate, et avec la situation particuliere a 1860. » En terminant, en vous demandant des adresses col¬ lectives ou des lettres particulieres, en vous promettant de vous ecrire de temps en temps, nous vous assurons que ce n’est pas en amis seulement que nous vous en- voyons cette lettre; nous vous l’envoyons au nom du devoir, au nom de la grandeur de notre mission, au nom de Fardente foi qui doit animer des reformateurs et des soldats de l’humanite. » L’amitie peut unir deux ou quelques individus : Fidee et le sentiment de la Fraternite ont seuls assez de chaleur et assez de force pour unir une foule nombreuse. tous les membres d’une association, tous les hommes 43ii general. » Cela dit, nous vous embrassons sincerement. » Les membres de la Commission duCours Jcarien. Citoyenne ANNETTE LACOUR, Citoyens J. CLEDES, J. LOISEAU. — 277 — • Void une autre letrre qui a ete adressee a une de nos sceurs de Paris. Cette lettre fait connaitre quelques raesures adoptees en vue de faire face aux exigences de la situation de l’annee courante. A LA CITOYENNE M**" Cheltenham, le 18 decembre 1859. Chere Citoyenne, m * % )> Quoique n’ayant pas rhonneur de vous connaitre personnellement, je prends la liberte de vous envoyer cette lettre pour vous communiquer la nouvelle marche dans laquelle vient d’entrer la Communaute et les idees que cette marche me suggere. Les Icariens du dehors et ceux de la Colonie doivent se resserrer chaque jour davantage au moyen des doux liens de la solidarity et de la Fraternite. II faut quils s’identifient de plus en plus les uns avec les autres, que leurs idees soient les memes, que leurs aspirations concordent vers une marche unique, vers un meme but; il faut enfin que leurs positions reciproques soient bien comprises des deux cotes, afm que ni les uns ni les autres ne commet- tent de facheux quiproquos et ne se laissent aller a des illusions trop ephemeres. » Tel est le but de cette lettre, tel est le motif qui nous Ta dictee. » Vous savez deja que la Commission du Cours Ica- rien vient d'adresser a tous nos coreligionnaires une circulaire : Leltre a Gorilla ct a Maximilien; dans le but de leur faire connaitre d’une maniere precise la situation de. la Societe en general et particulierement sa situation materielle et fmanciere pour 1’annee 1860. Cette lettre, dont vous avez sans doute pris connais- sance, les renseigne positivement sur les charges que la Colonie aura a supporter pendant cette annee ; sur les ressources dont elle pourra disposer, et sur ce qu’elle attend du concoursdes Icariens de France et des autres pays. • : ; a i y> Si la situation est claire et nette, elle est aussi grave et serieuse. Les chiffres sont la, rigoureux, fatals! II faut y repondre rigoureusement, fatalement. II faut que personne ne s’endorme et que cette situation soit constamment presente a tous les esprits. Dernierement TAdministration a expose cette situation a l’Assemblee ginerale, dans toute sa verite. Ensuite, apres avoir etabli la part que les membres de la Colonie doivent fournir a la production, elle a remis a chaque Direc- teur d’atelier une note dans laquelle elle leur demande, outre la production interieure, une moyenne invariable pour la production exterieure de chaque semaine. Hier, dimanche, les citoyennes etaient convoquees apres le diner, et les citoyens apres le souper, pour repondre a cette demande et pour organiser les ateliers pour l’an- . nee prochaine. » J’ai assiste a ces deux reunions, eh bien ! je puis le dire hautement, depuis plus de deux ans que je suis dans la Communaute; je n’ai pas vu des assemblies aussi dignes, aussi graves, aussi remarquables. Oh! oui, de telles reunionshonorentle Peuple et la Democratic! > Ce n'est plus le parlementarisme effrene, ou les passions politiques dechainees avec violence, font quel- quefois pencher le citoyen paisiblevers le regime abso- lutiste. C'est la ce qu'on appelle la vraie Democratic. Toutes nos Assemblies devraient ressembler a ces conseils de famille, ou chaque frere assis au coin du feu, vient donner son avis, apporter sa part de lu- miere, en discutant paisiblement les moyens d’arriver a dominer la situation. » Dans la riunion des citoyennes, elles se sont orga¬ nises de maniere a faire face a tous leurs travaux exti- rieurs et intirieurs. Elies ont organise les ateliers de tailleuses, de confectionneuses, de couturieres, du la- voir, de lingerie, de repassage, de raccommodage et d’infirmerie. Tout cela s’est fait avec un entrain, un enthousiasme admirable. Mais le fait le plus important de ces deux reunions, c’est l’adoption des deux innova¬ tions suivantes: — 279 — d Jusqu’ici les nourrices etaient chargees du raccom- lodage de Ieur linge, du lavage de celui de leurs en- ants, ainsi que des soins a donner a ceux-ci. Cette rganisation portait en elle un mal profond, en ce sens tue les nourrices, absorbees par ces travaux, ne pro- luisaient absolument rien autre chose, et que, travail- ant chacune de leur cote, elles ne realisaient pas la neme economic de temps et de matieres premieres; :omme si tous leurs travaux avaient ete executes en lommun, dans les ateliers de la Communaute. Ainsi, jour elles, les peines etaient plus grandes tout en pro- luisant moins, et cette situation particuliere les rendait iouvent l’objet de beaucoup de critiques des plus re- 'rettables. II a done ete decide , dans cette reunion , jue le linge des nourrices serait lave et raccommode Ians les ateliers et qu’elles seraient occupees dans les . iteliers de confection pour le dehors, dans les moments ju’elles ne seraient pas occupees par leurs enfants. » L’autre mesure adoptee est la suppression du raccommodage quand meme, lepre devorante, qui jus- au’a present" a ete pour la Societe une cause de ruine et de desasrements. Une des erreurs de la Communaute ie Nauvoo"a son debut, e’etait l’idee qu’elle devait se passer du monde exterieur et tout fabriquer elle-mfime. Aussi on passait un temps tres long a confectionner des objets que le commerce aurait pu nous procurer a bas prix. Vivant au milieu de l’individualisme, au contact duquel il etait impossible d’echapper, la Societe depe- rissait, faute de tirer parti de ses industries, dont elle aurait pu echanger les produits avec le commerce exte¬ rieur qui aurait "fait circuler dans ses veines la prospe- rite et la vie. En arrivant a Saint-Louis, la nouvelle dearie fut obligee par la necessity de demander a l’indi— vidualisme Ie"travail et la vie. Elle organiSa done ses ateliers et fit face a ses depenses; mais elle ne le fit que pour ses ateliers d’hommes. Le plus grand nombre des citoyennes etaient occupees au raccommodage du linge, qui, a force de devenir mauvais, absorbait un temps considerable pour l’entretenir. Le gain journalier de la Societe suffisaita fairc face aux besoms les plus urgents, de sorte que le vfitement restait toujours en dernier lieu et ne se remplacait que diflicilement. Enfin, ce mal etait devenu si grand, que forcement, il a fallu y trou- ver un remede. Mais, s’est-on dit enfin : si au lieu d employer un si grand nombre de citoyennes au rac- commodage on Ies occupait a la confection exterieure ne pourrait-on pas avec leur gain acheter des etoffes et confectionner de bons vehement neufsf n’y aurait-il pas un plus grand avantage ? lEvidemment oui! aussi s’est- on arrete a ce dernier parti. Quelques citovennes, tres peu, resteront au raccommodage, le plus grand nombre seront employees pour le dehors et leur gain sera des¬ tine a l’achat d’etoffes. » Mais, me direz-vous, comment se fait-il qu’unmoyen si simple, si vrai n’ait pas ete employe plus tot? C’est vrai; cemoyen est bien simple, et cependant toutes les Administrations precedentes ont echoue devant cette difficulty et devant celle dont j’ai parle precedemment relativement aux nourrices. » Si une foule d’abus se sont introduits dans la So- ciete et sy sont perpetues quand m6me, je ne peux 1 attribuer qu a 1 incapacitc de la Gerance multiple a son manque d’unite et d’initiative. Le cit. Cabet avait bien juge le mal en 1855 et son engagement du 13 oc— tobre renferme les bases de la prosperite et du succes d Icai ie. L abolition du tabac et des liqueurs fortes, la creation du Gours Icarien amenent forcement la reforme morale et le perfectionnement indefmi du Peuple Ica¬ rien; la Gerance unique, en creant Tunite dans TAd- mimstration, est plus puissante pour faire cesser les tiraillements; elle organise et fait marcher les affaires a\ec plus de celerite et de promptitude. Chaque jour voit disparaitre les vieux abus et la vieille routine; chaque jour, la Societe se metamorphose et entre dans une marc he de plus en plus ferine et hardie. Notre situa¬ tion morale est excellente, il y a de l’entrain, de Ten- thousiasme, la \olonte de reussir; c est ce qui vous explique 1 unanime resolution des deux reunions d’hier pour accepter la situation avec joie et avec la confianee — 281 \ de la terrasser. Oui, Icariens, la Colonie fera son de¬ voir, elle se sent pleine de courage et de resolution; elle compte sur vous pour raider par votre concours gene- reuxet perseverant. » Et maintenant, transportons-nous en 1861. Voyez quel belhorizon s’etenddevant nous! Nos dettessecouees, nous n’avons plus que les annuites de notre propriety a solder. Nous developpons nos industries, nous etendons notre territoire par de bonnes acquisitions, nous creons a Saint-Louis un debouche pour la vente de nos mar- chandises, nous nous affranchissons des patrons et de leurs exigences; avec de 1’ordre, de l’economie , notre prosperity augmente de plus en plus, l’aisance etlebien- etre se font sentir et repandent la joie et la bonne hu- meur. Nous construisons assez de maisons pour rece- voir des departs nombreux et frequents. Notre nombre s’accroit avec notre puissance. Enfin quelle influence n’aurons-nous pas sur les destinees de la Democratic! Ah ! citoyenne , je vous le dis avec.une profonde con¬ viction, une fois au-dessus de nos affaires, rien ne nous sera impossible; la Communaute sera comme le flocon de neige, qui, detache du sommet de la montagne 7 roule, grossit et envahit la plaine. Encore un peu d’ef- forts, de patience et de bonne volonte, la situation de 1860 est tendue, mais elle n’est pas decourageante; il ne faut pour la surmonter que de la resolution et de l’enthousiasme. Et nous en avons! )> II n’y a point d’obstacles pour celui quiveut! Joseph Loiseau fils. Ces lettres et fexpose de la situation sont autant de documents qui peuvent contribuer a te donner une con- naissance exacte de notre situation morale et materielle a Cheltenham. J’aurais voulu y joindre un compte-rendu sur les divertissements, mais la place va me manquer, ce sera pour ma prochaine lettre. — 282 — ; ; ; ' xix. x ' Ainsi que je te l’annoncais a la fin dema precedente lettre, un groupe de families Icariennes, compose de 26 personnes, s’est embarque au Havre le 15 janvier, allanf a Cheltenham par la Xouvelle-Orleans; depuis, trois au- tres personnes se sont encore embarquees isolement, n’ayant pas pu partir avec les premiers. L’arrivee de ces families an sein de notre Colonie, va augmenter d’une facon assez notable son personnel, et enrichira ses ate¬ liers de quelques bons travailleurs. Bien que la compo¬ sition de ce depart ne soit pas tout a fait telle que nos amis de Cheltenham le desiraient, sous le rapport des professions, il y en a cependant un assez bon nombre de celles qui sont demandees. Comme la Colonie ne pourra recevoir en 1860 quede quarante a cinquante personnes. il est tres important qu’il ne parte plus que cedes qui ont les professions de¬ mandees; toutes les autres feront bien d’ajourner jus- qu’en janvier 1861, aussi bien dans leur interet que dans celui de la Colonie. L’arrivee d’un plus grand nom¬ bre, surtout de personnes n’ayant pas les professions indiquees a la page 261, causerait une gene generate sous le rapport du logement, et occasionnerait un me- contentement prejudiciable a resprit d’union et de fra- ternite, si necessaires au progres moral et materiel de la Colonie. C’est aux Jcariens qui se preparent a partir, a mon- trer l’intelligence et le devouement qui peuvent empe- cher cette complication. L’expose de la situation pour 1860, doit etre constamment sous les yeux de chaque Icarien, etil doit regler sa conduite sur les exigences de / — 283 — ette situation, soit pour partir, soit pour ajourner son lepart, soit pour les avances, les souscriptions ou les irets en especes a faire a la Colonie. Chacun de nous doit penser que la part qui revient iiux Icariens du dehors, sur les charges de cette situa- ion, s’eleve a 4,290 doll., soit 22,525 fr. 50 c., somme i payer pour Tannuite de la propriete de Cheltenham* C’est environ deux mille a deux mille cinq cents francs )ar mois que le bureau de Paris devra recevoir, pour ‘aire face aux remboursements qui pourront etre neces- $aires et pour envoyer les traite a la Colonie. Comment ferons-nous face a ces besoins? Nous y ferons face; d’abord, en adoptant eten prati— quant generalcment la souscription a 1 emprunt, a cinq centimes par jour, et en faisant chacun notre possible pour augmenter chaque jour le nombre des souscrip- teurs, en nous adressant autour de nous, a tous les hommes que nous connaissons symphatiques aux idees de progres et d amelioration du sort des travailleurs, et tous ceux qui veulent sincerement leur affranchissement I par le travail. Notre oeuvre est essentiellement humanitaire, nous clierchons le bonheur dans le progres sous toutes ses formes, et pour tous les etres qui composent la famille humaine ou le genre humain, par consequent, nous ne devons pas nous borner a solliciter le concours des Ica¬ riens seulement, nous devons nous adresser a tous les hommes de bonne volonte; parce que tous sont interes- ses, comme nous, a la realisation de notre ideal social, LA FRATERNITE. Permets-moi, mon cher Eugene, d’insister sur ce point, car je suis convaincu qu’un tres grand nombre de personnes, hommes et femmes, ne nous aident pas 7 ; — 284 ne font pas attention a l’oeuvre que nous poursuivons. uniquement parce qu’elles ne nous connaissent pas. IF importe done de nous faire connaitre, et pour cela il faut sortir de notre cercle pour l’etendre afin d’obtenir leur concours, en montrant le but vers lequel nous mar- chons. Acet effet, il faut absolument mettre de cdte cette ti- midite sans raison, qui nous empSche, pour ainsi dire, de vivre avec nos semblables. ' u J Cherchons au contraire, a entrer de plus en plus en communion d’idees et de sentiments avec eux, en leur rappelant sans cesse que nous sommes freres, que la nature nous soumet aux mgmes besoins, nous donne une commune origine, et nous impose la meme fin. La souscription a cinq centimes, doit etre notre pre¬ miere et principale ressource, et tu comprends qu’elle produira d’autant plus, qu’il y aura un plus grand nom- bre de souscripteurs. Ainsi, si nous pouvions atteindre promptement le chiffre de 1,500 souscripteurs, ce nombre nous produi- rait 27,000 fr. par an, soit 2,250 fr. par mois, e’est it peu pres la somme qu’il nous faut. Et ce chiffre de : 1,500 souscripteurs, n’est pas impossible it atteindre promptement, si on fait attention que les femmes et les enfants peuvent souscrire, ou qu’on peut souscrire en leur nom. Generalement, les sommes souscrites de cette fa?on. sont imputables sur l’emprunt, et le souscripteur rece- vra un titre provisoire de vingt francs des qu’il aura verse cinq francs, ou bien des bons de un ou de cinq francs qui serontensuiteechangescontre une obligation. Mais si quelques-uns de tes souscripteurs desiraient pouvoir retirer la somme versee, avant les delais fixes — 285 — >our le remboursement de l’emprunt, on pourra leur de- ivrer des recus en compte-courant,quiserontrembour- ables dans un temps rapproche et sur la demande du treteur. On delivrera de tels recus pour les sommes de •inq francs et au-dessus. On paiera les interets de ces lommes a raison de 5 °/o. En second lieu, nous ferons face aux exigences-de ’annee 1860, et surtout aux besoins des premiers mois, m prenant en dehors de la souscription, une ou plu— deurs obligations de 20 ou de 100 fr. enlespayant tout de suite ou en donnant seulement un fort a-compte quo nous completerons le plus tot possible. Ici encore, ceux qui preferent preter en compte-courant, pourront le faire aux conditions expliquees plus liaut. Ce qui importe, tu le comprendras, c’est de ne pas perdre de temps, pour ne pas laisser dans 1 embarras, nos freres de Cheltenham qui comptent sur nous. Je suis done convaincu que tu vas faire tout ce qui tc sera possible, soit par toi-meme, soit avec tes amis'. Nous y comptons et nous attendons. CE QUE PEUT LA PRATIQUE D’UNE SOLIDARITY FRATERNELLE. Au mois de septembre dernier, quelques Icariennes se reunirent, pour aviser au moyen de faciliter a 1 une d’elles, restee veuve avec quatre enfants, la possibilite d’aller rejoindre la Colonie Icarienne a Cheltenham. Cette famille n’etait pas absolument sans ressource, il ne lui manquait que quelques centaines de francs pouf completer la somme qu’il lui fallait; neanmoins, quel— — 286 - . • s ' V,^ • . i AVIS A CEUX QUI REQOIVENT LES LETTRES ICARIENNES. Nous avons envoye le releve de compte a chacun de nos abonnes qui doivent les livraisons qu'ils ont recues. Nous prions ceux qui ne nous ont pas encore envoye le montant de leur note, de vouloir bien le faire le plus tdt possible, et au plus tard avant la fin de fevrier. Tous ceux .qui n’auraient pas solde a cette date, seront consi- deres comme insolvables et ne recevront plus les livrai¬ sons suivantes. LETTRES ICAR1ENNES. i \) i J r IflOlf j) J )uj ‘iu SEPTIEME LETTRE. 1 ' ! *!* XXI Mon cher ami. Les modifications que nous avons apportees dans Lorganisation du Bureau k Paris, ont un peu retarde ma lettre; les nouvelles que j’ai a te donnern’en seront que plus completes. Je commencerai cette lettre comme les prece dentes, par la reproduction des comptes-rendus mensuels de la Colonie. Le compte-rendu de decembre termine l’annee 1859; je n’en donne que le resultat en chiffres, les de¬ tails etant presque sans interet maintenant. » Tu trouveras dans les rapports de janvier etfevrier 1860, deux innovations qui nous ont paru necessaires pour rendre les rapports plus intelligibles a nos lec- teurs ; nous continuerons, comme pour les rapports anterieurs a porter tous les comptes des operations; la Colonie en dollars et cents, parce que le.dollar est l’unite monetaire des Etats-Unis et qu’il y a quelqua- , vantage pour la plupart de nos lecteurs a s’habituer a v \ ^13 — 290 — calculer de cette facon. Mais bien qu’on sache genera- lement que nous comptons le dollar a 5 francs 25 cen¬ times (taux ordinaire du change entre New-York et Pa¬ ris ), nous avons cru devoir mettre au-dessous des to- taux en dollars et cents , les totanx en francs et centimes . Chacun peut ainsi se rendre compte au premier coup d’oeil del’ensemble des operations dela Colonie. i Nous ajoutons, en outre, au compte mensuel de la Colonie le compte mensuel du bureau de Paris, de sorte cfiie tous les Icariens puissent connaitre en meme temps 1’ensemble de nos operations en France et en Amerique. BUDGET DE DECEMBRE 1859. * DEFENSES. Chapitres. reel. * ff f * fictif • Effete a payer. . . . » 387 15 Autres dettes anciennes . 764 50 457 43 Pertes . » 12 Interets divers. . . . . 40 72 16 66 Apports a rembourser » ' j )) • • • • • w 25 » Depenses de la Societe . 673 37 497 25 Totaux en dollars. . 1520 59 1395 49 D° en francs . 7983 10 7326 32 RECETTES. Apports & Saint-Louis. . » h 34 17 Dette nouvelle. . . . . 98 57 41 67 Laine (provision) . . . . » » 43 33 : Profits . 15 77 ; 12 w Effels a recevoir . . . . . . . . 719 44 325 82 Recu de Paris .... . . ... » » 175 » Effets a Paris .... . 47 » 10 • *■ i» • Notre production. . . . . . . 846 64 753 50 Totaux en dollars . . . . . 1727 42 1395 49 1)9 en francs ...... 9068 95 7326 32 Le President , B. MERCADIER • * — 291 — Voici maintenant le budget de 1860 contenant les previsions des recettes et des depenses de Fannee avec le gain que doit produire chaque atelier. 11 sera facile de suivre le mouvement financier de l’ficole icarienne, en comparant le resultat de chaque mois aux previsions de son budget. BUDGET DE 1860. DEPENSES. 1 annee. ! mois. 1 semaine. Malieres premieres.. . . . 3374 40 281 20 64 90 Provisions generates. . . . 3298 32 274 86 65 48 Vetement. 363 72 30 31 7 » Outils. 77 88 6 49 1 49 Ustensiles. 155 88 12 99 3 » Ameublement. 7 68 » 64 n 14 Correspondance. 51 96 * 4 33 1 )> i Animaux. 144 » 12 » 2 75 Divers. . 51 96 12 08 Totaux en dollars. . 8097 36 674 78 155 84 D° en francs. . * • » . 42511 14 3542 60 1 1* S A 818 16 GAINS. . j .i t ui>... % . 1 annee. 1 mois. 1 semaine. Tailleurs et confection. . . 3429 30 285 78 66 r » Forgerons . . 2598 60 216 55 50 Jardinage . ...... . 1819 20 151 60 35 » Cordonniers. . • • m 0 . 1714 65 • • * 9 r 142 89 33 Tonneliers. . 208 55 17 38 4 )> . T Menuisiers . 208 55 17 38 4 )) Pharmacie . 129 80 10 82 2 50 Construction . . 1662 72 138 56 32 • Divers ........ 292 45 24 29 # « • * 0 5 62 Totaux en dollars. . 12062 82 1005 25 233 13 D° en francs . . 63329 80 * 5277 56 1218 63 Le tableau ci-apres presente les depenses et les re¬ cettes de tout le budget. 292 — RESUME GENERAL. DEPENSES. Chapitres- annee. mois semaine. Deltes a payer. 725 46 167 42 Pertes probables .... 120 » 10 » 2 32 In terets divers. 120 • 10 » 2 32 Apports a rembourser. . 720 » 60 » * 13 82 Depenses de la Societe. . . 8097 36 674 78 155 84 Tolaux en doll . . . 17762 82 1480 24 341 72 D° cn francs. . 93354 80 7771 26 1794 03 RECETTES. Dette nouvelle. 600 » " 50 » 11 25 Apports a Saint-Louis . . 560 » 46 66 ' 10 77 Recettes de Paris .... 333 33 76 90 EfFets a Paris. 300 » 25 r 5 78 Effets a recevoir .... 240 »' 20 p . 4 60 Notre production. . . . . 12062 82 ' 1005 25 232 12 Tolaux en doll . . . 17762 82 1480 24 341 72 en francs . . 93354 80 7771 26 1794 08 RAPPORT MENSUEL. Janvier 1860. » Le rapport de janvier, du l er aa 29, comprend 4 semaines, ou 24 journees de travail. Travailleurs presents. Nombre de journees.. Ces 2,400 journees sont reparlies comrae il suit: Presence. 2,169 50 ) Absence. 230 50 j to,al egal ‘ ' Les 230 50 journees d’absence se partagent ainsi: Malades. 170 50 \ Gardes-nialades . . . 38 00 > total egal. . . Motifs divers .... 22 00) y • * • . f . . •' I * f . - 100 2,400 , ♦ ^i An . 2,400 00 . . 230 50 » INous n’avons a constater aucune journee inconnue; taut mieux. i 293 — \ :» Les 2169 50 journees de presence se divisent en journees pour l’interieur et pour hexterieur. Interieur. 1614 80 ) Exteiieur . . . . . . 554 60 total ^ sal ' ‘ * 2,169 50 » En hiver, les travaux pour le dehors sont mils pour certains ateliers, comme le jardinage, les peintres, ina- cons, etc. D’un autre cote les tailleurs out travaille, en grande partie, ce mois, pour la Communaute. C’est ce qui expliquc le petit nombrc de journees pour l’exte- rieur. Resume du Gain ct des Defenses. gain. Tailleurs et confection Forgerons. Jardiniers . Cordonniers. Tonneliers. Menuisiers. Pharmacie. Construction .... Divers . Total en doll . . Total en francs . Matieres premieres . Provisions generales . Vetements .... Outils. Ustensiles. «' ' * Ameublement.... Correspondance . . . Animaux. ..... Divers. ...... Total en doll.. . Total en francs . doll DEPENDS. Reel. * Budget. 174 45 285 78 121 85 216 55 19 15 151 60 126 7! 142 89 13 65 17 38 0 90 17 38 7 50 10 82 14 51 138 56 58 Cl 24 29 536 73 1005 2817 83 5277 56 302 72 281 20 315 23 274 86 183 37 33 31 1 25 6 49 16 10 12 99 0 00 0 64 4 44 4 33 0 00 12 00 52 94 51 96 876 05 674 78 4599 26 3542 59 Ce mois, les depenses ont depasse les recettes du chiffre conside¬ rable de.doll. 339 30 L’exces moyen d’un mois de 4 semaines doit elre en recettes, d’apres le budget, de. 305 12 Par consequent, nous sommes cn retard, pendant jan- vier, de. 644 42 En francs, de.. 3383 20 )> Ce chiffre considerable ne doit nous effrayer nulle- ment, d’abord parce que le mois de janvier est un des plus mauvais ; tous les ans le gain de ce mois a ete in- ferieur aux depenses. En outre, il a ete achete beaucoup de matieres premieres, de provisions et de vetements, et tout cela se trouvera en moins aux depenses et en plus aux recettes, les mois suivants. II importe de ne. juger nos travaux et nos produits que d’apres un laps de temps assez long, une annee, ou tout au moins six mois. Yoici maintenant les recettes et les depenses de jan¬ vier comparees aux recettes et aux depenses prevues par le budget de 1860. DEPENSES. Reel. Budget. Dettes a payer. ... 626 00 725 46 Pertes probables. ... o 00 10 00 Interets divers. ... 7 16 10 00 Apports a rembourser. . . . . . . . 0 00 60 00 Depenses de la Societe , . . . . . .' 876 05 674 78 Tolaux en doll. 1509 21 1480 24 Totaux en francs . ,. . .. . . . 7923 35 7771 26 — 295 — RECETTES. Delte nouvelle . . .- o 00 50 00 Apports a Saint-Louis'. . . 0 00 46 66 Recettes de Paris,*. * . . . . . . . . 400 00 333 33 Effets a Paris. . . o 00 25 00 Effets a recevoir . . . 124 40 20 00 Notre production.* .*. * . . . 536 4 0 1005 25 Totaux en dollars' . . . 1061 151 1480 24 Totaux erf francs . . . . . 5571 04 7771 26 11 y a entre les depenses et lcs recettes du budget un deficit de doll. 508 06, ou fr. 2667 32. Cet etat de cho- ses s’explique par la double circonstance que bencaisse etait assez important au commencement du mois, et que quelques-runes. des depenses ont ete faites a credit, comme une facture de for°:e et baehat de vetements. Ces'depenses a credit ne figurent pas au chapitre des dettes nouvelles, parce qu’elles doivent etre soldees * . » • • dans le courant d§ l’annee 1860. i ■ * • 4 ' ■ SITUATION FIN'ANCIERE DU BUREAU DE PARIS. • * • • # >Jous faisons observer que toutes les operations ci- apres, sont representees par francs et centimes. Compte de Caisse de janvier 1860. RECETTES, • i • f i! 1 { Emprunt sur obligations par divers.F. 593 » Comptes courants de Bedouch .jeune. 50 » — de Hilaire.160 » * • • • • — de Sarot. 200 » • • • • — de Billard.100 » ' • • • * — de Beluze. 199 69 * • »*•••' de Legras.50 » A reporter. . . 1352 69 — 296 — Report. 1352 6£ — de Vaudelin (Gaspard).100 » — de Fourlier . . . . 300 i> — de Ducret. 10 » Correspondence ; rembourse par divers. 7 20 Bibliotlieque. 46 19 • • * i Frais generaux de Guillemin. 20 » — de Fortel. 10 » — de Lehoux. 10 » — de Guyot . ’. 10 » Par divers debiteurs. ... 433 95 Total.. 2,300 03 DISPENSES, Emprunt; pay£ frais et interets a divers.124 » Comptes Courants rembourse a Hilaire . i . . . 80 r> — a Rambaud .... 752 45 — a Rivoire.115 » — a Guyot.150 » — a M. Dinkelden. . . 300 » — a Ducret. 600 » — a dlle Lavat .... 100 » — a Burger.310 » — a Morisseau .... 60 » — a Fourtier . . . . 30 * — paye pour Perrin. 24 60 — — Soussieux .... 9 45 v * » , • t j r * - * * — — Barbot. 9 25 * * # Commission : acbat de graines pour mad. Feuillet. 52 85- — sokle facture Carimay pour Lefevre. . 235 » — paye port d’arbres donnes parGillet. 8 50 — paye voyage enfants StofFel. 500 » — paye commission a Beluze. 34 60 Bibliotlieque : paye reliure de 6 volumes .... 5 » Souscription : rembourse a Laforgues. 50 » — — a Rambaud. 20 » A reporter. 3570 70 — 297 — Report. . . . Anciens creanciers : paye a Grandjean. — payea Baron. Correspon^ance : leltres de Saint-Louis ..... — idem. affranchissements. . . Achat et afTranchissementde 30 numerosde la Presse Frais generaux remis a M. Beluze. Pour voyage au Havre. — aux dames Cabet. Divers : paye pour compte. 3570 70 25 » 100 » 16 20 14 40 8 » 300 » 40 » 250 » 52 87 Total. 4277 17 RESUME. Recedes.. 2,300 03 Eu eaisse an 31 decembre. 1,977 14 " Total. 4,277 17 Depense a deduire ...... 4,277 17 Reste en eaisse au 31 Janvier. . 00000 00 RAPPORT MENSUEL . 1 Fevrier I860. . . « Le rapport du 29 janvier au 26 fevrier eomprend 4 semaines ou 24 journees de travail. t Travailleurs presents. 100 Nombre de journees. . . .. 2400 Ces 2,400 journees sont reparties comme il suit: M. ♦ v * • • • • « • • i / • * J Presence . ..2161 25) Absence. 238 25 j to,al <* al 2400 1 ■ V ' «• • «.«.»• ♦ Les 238 75 journees d’absence se partagentainsi; t Malades.. 135 25\ Carde-malades. 39 J ^ 2 j 8 75 Motifs divers. 58 50 i - • Inconnues . . .. 6 »/ *1 . f* • » Les 6 journees inconnues appartiennent a la ci- toyenne Pelletier. i — 298 Les 2161. 25 journees de presence se divisent en journees pour Finterieur et pour l’exterieur. *• o * ■* <* • * * Interieur . • i367 70 1 total 2,161 25 Exterieur . * * . 793 55) % * • * • \ « On le voit, le nombre des journees pour le dehors commence a nugmenter: • «• _ «■ « » i ; ' i ( 1 * Resum6 du Gain T- * ' et des Depenses. — GXIN. 4 Reel. Budget. Tailleurs et confection. . . doll. 171 95 doll. 285 78 Forgerons. . . . 216 55 Jardiniers e . . 30 95 151 60 • Cordonniers . 142 89 Tonneliers . . . . *.*. • 24 30 17 38 Menuisiers . 17 38 Pharmacie . . . 11 75 10 82 Construction . 138 56 Divers . 24 29 Total en doll. . . . . . 461 72 1005 25 Total en franes . . • . . 2424 03 5277 46 * DEPENSES. « * • Matiercs premieres .... . . 244 28 <#• * * 281 20 Provisions generates. . . . . . 255 22 » * 274 86 Vetements. 0 60 •30 31 Outils. \ . 1 30 ' • 6 49 Ustensiles.. . *. . 15 15 * 4 12 99 Amcublcment. 0 09 0 64 Correspondance. . , 2 50 2 33 • Animaux. 92 00 * • • • -r- ^ 12 80 Divers. 40 05 51 96 Total des depenses en doll. . . 651 10 4 4 674 78 Total en francs .... . . 3438 28 3542 60 \ — 299 ~ La depense etant de doll. 651 10 Le gain etant de doll. 461 72 • _ , __ I/exces de la depense est de. 189 38 I/exces d’un mois (4 sem.) devant etre de 305 12 % Le retard en fevrier est de. 494 50 • •••••* x On etait en retard, au 29 janvier de. . 644 42 Total en retard au 26 fevrier doll. . . . 1138 92 Total en francs. 5979 33 « Cette situation ne doit pas etonner, quoiqiCelle soit relativement mauvaise; nous disons relativement, parce que le mois de fevrier est toujours mauvais, a cause de la saison qui, pendant ce mois, est morte pour tous les ateliers; nous pensons qu’en Mars, les affaires commenceront d’allerun peu mieux, pour aller a peu pres bien en Avrilet en Mai. Budget de Fevrier. DEPEXSES. 9 9 » Prevues. Reclles. r Dettes a payer. 725 46 62 75 Pertes probables.. 10 00 0 00 Interets divers a payer. 10 09 1 82 Apports a rembourser. 60 00 237 50 Depenses de la Societe ..... 674 78 651 10 < Totaux en' doll; . p . . . 1480 24 953 17 < Totaux en francs .... 7771 26 5004 14 t RECETTES. Dette nouveile a contracter . . 50 00 0 00 Apports a ^aint-Louis. ..... 46 66 0 00 Recette de Paris. . .. 332 33 150 00 Effets a encaisser a Paris. . . . 25 00 0 00 \ Eflets a recevoir a*Cheltenham. . 20 00 0 00 •4 « l i Notre prcductio.i. 1005 25 461 72 -v ^ (. Tolaux en doll. ..... 1480 24 611 72 Totaux en francs. . . . # 7771 26 3211 53 — 300 En comparant les depenses et les recettes du budget, celles-ci etant inferieures aux depenses de doll. 341. 45 ou fr. 1,792. 61 c. On est porte a faire les memes obser¬ vations qu’au mois precedent. « Le chapitre apports a rembourser se detaille ainsi: Labenne . ... *. *. 5 . . 10 » \ Daumond.. 120 » >doll. 237 50 Ricaut. 107 50 J i I • t X •' * L» . J > I I J t ill Ilf tb - * l n « La famille Daumond a recu, en se retirant, la somme de doll. 120, suivant convention. Son apportest plus eleve; mais son arrangement definitif ne figure pas ici, parce que le citoyen Daumont, qui avait ac¬ cepts un reglement contradictoire, n’en a plus voulu, des qu’il a eu touche les doll. 120. Ce reglement defi— nitif figurera au mois dans lequel il se realisera. REGLEMENT RICMJLT. Diverses fournitures. Relenue du sixieme Demenagement. . . Paye comptant . . . Un billet a six mois. 9 65 6 » 1 » 30 » 60 85 Total egal a son apport, doll. . . 107 50 COMPTE DE CAISSE DU BUREAU DE PARIS, RECETTES. —FEVRIER 1860 Emprunt: par divers, sans obligations . fr. 1427 20 Comptes-courants : recu de Lecoutour. 50 j» — » de Marigny. 40 » — » de Adam.,. 25 i / de Barbot . 130 » — # de Finot ....... 100 » — » de Foucher, . ‘. . •*. . 700 » — » de Blanche. . 60 » Bibliotheque : a de divers . 90 85 Debiteurs divers a la somme de . . . . . 414 45 Total . fr 3037 50 DEPEXSES. f ‘ i .»I ' 9l Ol 1 1 ' Vf \ Jj>| , Jj*4 Emprunt : paye interets a divers. 204 05 Comptes courants : paye pour Barbot. 2 80 Correspondance : paye ports de lettres de Saint-Louis . 6 40 — » aflfranchissement pour d° . . 16 » — Achat et aflfranchissement dejournaux 8 » Souscription : remboursement a Girard par divers . . 15 » — » a Bocquillon. 120 » — » a Letellier. 30 » Traitcs: mes numeros 6t ct 62 de doll. 150 cliaque, fr. 1575* » Frais generaux : remis a mesdames Cabet. 250 » — » M. Beluze. 300 j> — Port de l’envoi Foucher. 1 10 Divers : paye la somme de. 161 43 Total.fr. 2689 78 RESUME. . Recettes.fr. 3037 50 Depenses a deduire. • 2680 78 Reste en caisse. 547 72 XVII. Nous venons de voir dans le compte-rendu de fevricr, ies rcglements de compte des families Labenne, Dau- mont et du cit. Ricot, qui se sont retires comme c’etait leur droit. La famille Labenne s’est retiree en conge illimite , pour pourvoir aux besoins de leurs vieux pa¬ rents restesen France, et qui leur ont ecrit qu’ils avaient besoin de secours. La conduite des epoux Labenne, dans cctte circonstance, est ce qu’on pouvait attendre * de vrais Icariens, et, de part et d'autre, on s’est separe avec l’esperance de se revoir de nouveau reunis. Au 302 — reste, la famille Labenne ne cesse pas de faire partie de la famille Icarienne ; elle s’en eloigne seulement momeutanement. LaColonie a regrette, et nous regret- tons tous, qu’elle n’ait pas encore ete en etat de faire * * pour les vieux parents du cit. Labenne, ce qu’il va faire lui-meme dans rindividualisme, ce qui aura lieu des que la Societe sera sortie des embarras financiers qui pesent actuellement sur elle. Nous voudrions faire les memes eloges de tous ceux qui se sont retires au printemps , et les regretter tous comme nous regrettons la famille Labenne : malheureu- sement, quelques-uns se sont conduits de facon a nous epargner ces regrets, pour ne nous laisser que ceux de les avoir eus pour associes.En outre des families nominees ci-dessus, se sont encore retirees les families Droussant, Pelletier ; les enfants Grubert et les citoyens Laurent e t Barritz. La perte que ces retraites ont fait eprouver en per¬ sonnel a la Colonie, a ete plus que compensee par le depart de janvier dernier, qui arrivait a Cheltenham au moment oil ceux que nous venons de nommer s’en allaient. f Les dispositions des membres de ce depart etaient telles, en arrivant a Cheltenham, que nous les avionsvues a leur depart de France. Ils ont cru devoir exprimer leurs sentiments a leurs futurs associes, ce qu’ils ont fait par la lettre ci-apres : ■ -oj mrft* / ' ^ , *' I i ^ • i y yw 1 X if , Citoyennes et Citoyens, « Animes par l’amour des principes Icariens, nous venons unir nos efforts aux votres, pour travailler sans relachea construire fedifice social qui doit un jour regen erer rhumanite tout entiere. —• 303 — » Nous sommes tous partis en parfaite connaissance do cause, sachant bien que le bien-etrc ne s’acquiert pas sans beaucoup de peine; par consequent, comme tous les travaux a faire, dans la Communaute, sont honorables, nous n’aurons de repugnance pour aucun. » En partant de France, nous avons promis a nos freres, d’etre fermes a notre poste.... nous le serons; nous voulons etre juges d’apres nos actes. » Honneur a vous, hommes perseverants, vous avez prouve et nous prouverons desormais ensemble qu’Icarie fait la felicite des hommes vertueux. » • Ont signe, les membres du depart: Rambaud et femme, Morisseau et femme, Guillemin et femme, Clotilde Lecoutour, Louise Plee, filise Lavat, Sablier et fils, Perrin, Guyot, Chapu, Ducret, Rivoire, Rurger, Fortel, Dinkelden, Lehoux. Les retraites dont nous avons parle plus haut ont de¬ termine les nouveaux arrives dans la Colonie, qui ne sont encore admis que provisoirement, a envoyer a leurs amis, restes en France, l’adresse suivante : « » . i * * *« j 4 j > j : * i j • * f % ADRESSE ‘ DES ICARIENS ADMIS PROVISOIREMENT A LA COLONIE DE Cheltenham, a leurs co-religionnaires du dehors. Citoyennes et Citoyens, c Depuis le commencement de cette annee, plusieurs membres de la Colonie viennent de nous quitter. Ces nouvelles dissidences, quoique peu nombreuses, nous ont peniblement affectes. Nous avions cru qu’apres la grande dissidence de fannee derniere, et la marche nouvelle de la Societe, elles ne devaient plus guere se produire. » Mais, apres un examen attentif des faits, nous avons ete pleinement rassures a cet egard, et notre adresse a pour but de vous faire part de nos observa¬ tions. » Deux ou trois membres, parmi les sortants, ont ete vivement regrettes; mais ceux-la ont du nous quit¬ ter pour des raisons toutes personnelles et independan- tes de leur volonte. Quant aux autres, le motif de leur retraite est absolument le memo que celui des dissiden- ces precedentes. Quelle est cette cause? Pour nous, la voici. C’est d’abord parce que les difficultes, insepara¬ bles de toute fondation, les ont decourages, etce refroi- dissement leur a fait perdre la foi en notre systeme. Mais, il est certain pour nous, que cela n’aurait pas eu lieu si, en venant ici ils avaient mieux compris la pen- see du Fondateur et la grandeur de Foeuvre qu’ils se proposaient. » Car, il faut bien le dire, beaucoup etaient venus croyant jouir, apres quelques jours d’efforts, de tout le bien-etre decritdans le Voyage en learie; ils nes’etaient pas rendu compte que, pour fonder Icarie, il faut d’a-‘ Lord commencer par etre Icarien; c’est-a-dire probe, honnete, laborieux, mais surtoutbon et fraternel, quit¬ ter les mauvaises habitudes contractees dans la vieille societe, en s’attachant a purifier son coeur et a develop- per son intelligence. S’ils avaient compris cela, nous en sommes certains, ils seraient restes, parce qu’ils auraient vu que la seulement se trouve le bien-etre que tout le monde desire. > Ainsi, les dissidences sont le fruit du decourage- ment produit chez ceux qui n’ont pas compris nos prin- cipes. N’est-il pas evident que, pour celui qui comprend nos principes, fimportance de sa mission, toutes les petites contrarietes qu’occasionnent les changements d’habitudes, Feloignement de la famille et de la patrie, le climat nouveau auquel il faut s’habituer, certaines fantaisies dont il faut se passer dans une epoque de fondation, n’est-il pas evident, disons-nous, que la gran¬ deur et la bonte de l’ceuvre que l’on se propose, font oublier ou supporter tout cela; surtout si l’on reflechit - 305 — que la vie materielle, ainsi que vous avez pule voir dans la premiere lettre a Gorilla et a Maximilien, est meilleure, en somme, que celle duplus grand nombre des ouvriers de France. » Cependant, si, jusqu’a aujourd’hui un assez grand nombre a manque de coeur, nous n’avons pu nous em- pecher d’un sentiment d’admiration pour ceux qui, depuis bien des annees, sont ici a lutter contre le mau- vais vouloir et les entraves que les pretcndus Icariens, devenus dissidents, ne cessaient de leur apporter; ils ont eu a vaincre aussi bien des obstacles d’autre nature, et sont pourtant restes fermes a leur poste avec Tabne- gation, le devouement et la perseverance les plus exem- plaires. Ces actes nous naraissent d’autant plus beaux, qu’ils semblent ignores de ceux memes qui en sont les auteurs. De si nobles exemples, croyez-le-bien, ne se- ront pas perdus, si jamais l’occasion de les imiter se presente. » Aujourd’hui, le temps des plus rudes epreuves est passe, Tidee du Fondateur, mieux comprise, produit une salutaire influence; chaque membre, mieux pene- tre de ses devoirs, s’applique a les bien remplir, soit pour ce qui est de la pratique de la fraternite envers les autres, soit pour l’execution des lois et reglements, pour l’ordre et le travail; tous ont compris qu’il faut non seulement produire, mais se moraliser, et que, sans le retour aux moeurs simples et naturelles, il nous sera impossible de rien fonder. )> Al’exterieur, la propagandemarche avec une grande rapidite: cbaque jour, des adresses qui nous arrivent, soit d’Europe, soit d’Amerique, nous montrent que nous avons partout des co-religionnaires dcvoues et in- telligents. ^ » Un autre fait, qui prouve le progres de nos idees, c’est que les femmes, qui, generalement, y etaient peu sympathiques, y deviennent de jour en jour plus de- vouees; c’est que l’ceuvreleur apparait sous son vrai jour, qu’elles en comprennent toute la valeur; elles voient — 306 que ce n’est pas seulement une association pour se pro¬ curer plus de bien-etre materiel, mais que c’est surtout pour fonder une nouvelle societe, ou regneront de bon¬ nes moeurs et d’ou seront bannis les abus, les vices qui rongent aujourd’hui la vieille societe. Courage done, ■freres et soeurs, comptez sur nous, nous vous promet- tons de faire tous nos efforts pour rester a la hauteur de notre mission. Yeuillez nous garder toujours votre con- cours sympathique. Tachez de vous penetrerde plus en plus de notre doctrine; travaillez sans relache a la pro- pagande; que quelques departs de vrais Icariens nous arrivent, et bientot vous verrez notre oeuvre prendre un developpement qu’une aussi noble cause ne peut man- quer d’obtenir. Nous avons a notre aide la force des ehoses qui la rend de nos jours necessaire. Ontsigne: Augier, Burla et femme, Burger, citoyenne Bernard, Chaput, Ducret, Guillemin et femme, Guyot, Fortel, Hubert, Lavat et femme etsoeur, Lehoux, Loiseau pere et mere, Lecoutour Clothilde, Mesnard, Morisseau et femme, Plee Zelina, Perrin, Bivoire, Bambaudet femme, Vinsot et femme. Dinkelden et Castillon n’ont pas signe, parce qu'ils sont trop jeunes. Le citoyen Sabiier pere a declare ne vouloir rien signer, tant qu’il ne serait qu’admis provi- soirement. Son fils etait absent. Au commencement de cette annee, les jeunes filles Icariennent de Paris, ecrivirent a Ieurs soeurs de la Co- lonie, une lettre collective , pour leur [exprimer leurs sentiments fraternels et leur devouement a la cause icarienne. Les jeunes filles de la Colonie leur ont re- pondu par l’adresse suivante : — 307 — ADRESSE . DES JEIJNES FILLES DF. CHELTENHAM. A LEURS SOEERS DE PARIS. » Cheres soeurs et amies, » C’est avec un \if plaisir que nous avons re^u votre lettre, et nous croyons que c’est avec le meme senti¬ ment que yous recevrez la notre. 0 • » Cheres amies, quand serons-nous toutes ensemble? quand pourrons-nous, sans nous ecrire, nous commu- niquer nos pensees? Yous le savez, il est impossible de bien depeindre ce qu’on ressent. En attendant ce jour fortune, nous allons yous dire ce que nous ressentons en ce moment. » Le cit. Cabet a sacrifie sa Yie a notre bonheur; il a fonde une patrie qui nous assure que la femme sera plus heureuse, et cela est vrai: car nous, qui sommes ici a la pratique, au moment meme de sa plus grande gene, nous sommes deja plus heureuses, sous tous les rapports, que dans findiYidualisme, et principalement souscelui du traYail; car le travail c’est la Yie, le pain de la femme comme de l’homme; c’est ce qui les sti- mule et les pousse en avant f Quelle est la creature qui peut vivre sans travailler, a moins d’y etre contrainte par le vice de l’organisation sociale? Dans l’individua- lisrne, il y a des pauvres et des riches, des grands et des petits, des maitres et des esclaYes, et c’est justement pour abolir tout cela que nous fondons Icarie, afin que tous les humains soient egaux entre eux. C’est pour qu’il n’y ait plus de riches ni de pauvres, de grands ni de petits, et c’est aussi pour qu’il n’y ait plus d’orphelins sans appui, mais qui trouveront, au contraire, des pa¬ rents, des amis dans ceux qui les entourent, qui n'au- ront plus a souffrir de la faim, du froid, de l’horrible mi sere! » Pour realiser tout cela, il nous faut travailler avec ardeur, en prenant pour 'guide le Vrai Christianisme et le Voyage en Icarie qui sont les oeuvres de celui qui 308 nous a montre la route et dont nous devons suivre a jamais l’exemple. Bref, pour nous, la situation se resume en trois mots : nous sommes heureuses . Mais pour dire un mot de la propagande, nous pouvons vous donner ici un moyen infaillible (Ten faire une bonne, quelque situa¬ tion qui se presente , le voici : il faut travailler , s’ins- truire , se divertir. Comprenez bien, meditez bien ces trois mots : ils sont la de de voute de la propagande icarienne. Partant de la, vous obtiendrez un but satisfqi- sant; c’est immanquable. Pratiquez la reforme, d’abord sur vous , ensuite sur les autres; le reste viendra comme par enchantement. » Maintenant, parlons divertissements ; c’est notre faible, a nous. Eh, grand Dieu , la vie est si courte ! pourquoi ne Templolerait-on pas un peu au bonheur ? Ah! sile vieux monde n’etait pas si ignorant, siegoi'ste, comme on verrait ce faible cote devenir la principale des choses pour tous. > Nos soirees, nos jeux, nos bals, notre theatre lais- sent encore beaucoupa desirer; mais nous y trouvons, pour notre part, unejoie inexprimable, parce qu’ils res- pirent un air de decence, de fusion, de confraternite impossible a decrire. Ce melange de vieillards et de petits enfants, de citoyens et de citoyennes, de jeunes lilies; tous polis, animes d’un zele sympathique, d’un entrain depouille de fard, tout cela parle parfois si elo- quemment dans nos divertissements, que I on ne pent s’empecher de s’ecrier : c 0 prodige de la volonte! non seulement tu peux transporter les montagnes, mais en¬ core du plus malheureux des peuples (moralement par- lant) faire le plus heureux ! » » Que pourrions-nous vous dire de plus pour le mo¬ ment ? » Nous esperons que bientot vous serez au milieu de nous, pour partager nos travaux, nos plaisirs, nos fetes et nos jeux. • /r ’ » Adieu done, cheres soeurs, nous ne pourrons nous 309 — lasserde vousappeler a nous ; nous serons si heureuses lejour ou Tonnousapprendra que nossoeursde France viennent pour fraterniser avec nous ! » Cheres soeurs, pensez souvent a nous et a lcarie; ecrivez-nous quelquefois. » Recevez nos baisers fraternels et les amities de tous les leadens. Zelina Plee; Aimee Lacour ; A. Thomassins; Claire Defay; Annette Lacour; Clotilde Lecoutour; H. Chicard; A. Dodier; A. Gluntz; J. Bernard; E. Lavat. En dehors deces manifestations collectives des mem- bres de la Colonie, j’ai cherche dans les correspon- dances particulieres les opinions individuelles sur la situation etla marche de la Colonie; on m’a communi¬ que plusieurs lettres que je reproduis textuellement ou dont j’extrais les principaux passages que tu liras cer- tainement avecinteret. Lesvoici par ordre de date : r [[ ■ ,*) V< ; *,fn i 1 ( 1 11 ; • vi 1 • ML / • ' ' i Cheltenham, le l^r novembre 1859. Mon cher Belvet et ami, » Je n’ai pas voulii vous ecrire avant de tout voir, de tout.apprecier; je ne m’etendrai que sur certains de¬ tails du voyage, qui, apres reflexion faite, sont tous les memes, tantpour les riches que pour les pauvres, e’est- a-dire que l'on a plus ou moins de desagrements; car l’on est prive de beaucoup de petites douceurs que l’on % a chez soi; tout cela occasionne du mecontentement, de I’ennui et meme du decouragement. Croyez-en mon experience, le voyage estune grande ecole. • * i » J’ai trouve la propriety plus jolie que je ne l’avais cru, et les proprietaires aussi heureux que peuvent le — 310 - desirer des honnetes gens, il ne nous manque rien du necessaire et meme , nous avons plus, nous avons l’a- greable, nous avons toutes les distractions honnetes et morales que Ton peut trouver en France, et, tout en ameliorant notre sort, nous servons une sainte cause, quoique nous ne sovons pas parfaits, nous avons la vo- lonte de nous perfectionner, ici ce n’est que de la bonne volonte qu’il nous faut, nous sommes libres, per- sonne ne nous commande, il n'y a done que la con¬ science et le souvenir du passe qui nous guident; quelle difference d’existence entre celle passee et celle pre¬ sente ! avec quel courage Ton travaille, en pensant que e’est pour soi. Combien je connais de bourgeois ou ne¬ gotiants aises, qui seraient cent fois plus heureux et tranquilles parmi nous, si ce n’etait l’app&t des riches- ses qui les aveugle, au point de les priver du neces¬ saire, ce sont des homicides qui se tuent pour acca- parer une fortune dont ilsne profiteront jamais, car ils sont insatiables et ils mourront avant d’arriver a leur but, ou ils n en profiteront qu’en souffrant. Au moins, nous, ce n’est pasainsi, nous travaillons suivant nos forces, sans souci du lendemain, nous recoltons chaque jour, et notre vieillesse s’eteint entouree de soins et de calme. Quand je dis : nous vivons sans souci, je veux dire de la misere; n’allez pas croire que nous sommes des idiots, des hommes sans intelligence ; au contraire, elle se developpe plus ici qmailleurs ; e’est a nous tous de gerer nos affaires, et ce n’est pas une petite chose: puis il faut penser aux amusements. Je ne puis vous dire sans rire qu’un pied dans la tombe, jeme permets de danser ; je vais apprendre l’anglais, la musique ins- trumentale, et ma femme la musique vocale, pour chan- - 311 - ter dans nos soirees et au theatre, car elle va etre ac- trice. » Je travaille de moil etat, ma femme est blanchis- seuse, cela doit vous etonner, vu qu’elle paraissait si delicate, le voyage l’a changee, elle se porte bien, quoiqu’elle ait eu beaucoup a souffrir le long du voyage de la part des personnes qui etaient avec nous, et puis elle etait habituee a etre choyee ; je suis bien content d’elle, elle accomplit bien la mission qu’elle s’est im- posee; elle fait voir que quand i’on veut, l’onpeut; puisque ma femme se convient ici, je ne doute pas que beaucoup s’y plaisent. w Cher ami, nous nous sommes souvent entretenus du President et de sa famille que nous desirions con- naitre, lorsque le hasard me servit a point dans le chemin de fer, en allant a Paris, je me trouvai pres d’un voyageur dont les colis etaient marques M. Merca- dier pere ; cela piqua ma curiosite et j’engageai la con¬ versation sans me faire connaitre; le voyageur ne se doutant pas a quUil parlait, put causer tout a 1’aise; apres m’avoir conte toutes les affaires de sa famille (j’oubliais de vous dire que ce n’etait pas le pere de de notre President, mais son cousin et instituteur); il finit par me dire que son cousin etait un brave homme, tres instruit, aimant a rendre des services. Puisque je me rendais en Amerique, si j’avais besoin de lui, il se ferait un plaisir de nous etre utile; quoiqu’etant un homme de talent, il avait des fausses idees que jamais il ne realiserait le projet de faire disparaitre l’argent; en un mot, le plus grand tort qu’il avait, c’est qu’il a ete desinteresse au point d’avoir refuse en mariage une de¬ moiselle tres riche dont la grosse dot aurait fait le bon- — 312 — heur de sa famille, avec qui il est brouille; mais, du resle, la Societe dont il etait le chef, etait composee de braves, honnetes et vertueux travailleurs qui voulaient vivre de leurs labeurs. . d Voila les ennemis du principe; tout en voulant nous abaisser ils nous elevent. J : admire un homme tel que le cit. Mercadier, notre President, qui, apres avoir quitte une belle position, est venu parmi nous se sacri- fier, car c’est sur lui que reposent toutes les charges, et bien souvent, il est comme notre venere pere Cabet, lorsque nous dormons, il veille ! ce sont la des hommes rares dont nous devrions nous efforcer d’adoucir les far- deaux, ennous rendant dignes du nom que nous por- tons. '> ‘ '( ab Femme Lay at. Lav at. Cheltenham, le 27 avril 1860. « Cher ami Girard, . f . t‘ m 1 . r» Ka Lin » ar» y> Je ne vous ai pas ecrit aussitot arrive parce que je voulais pouvoir me rendre compte de la colonie pour vous en parler. C’est bien mieux que je ne pensais, a mon point de vue. Je n'ai jamais eteaussi heureux ainsi que ma femme, elle s’est trouvee toute surprise en voyant tout les bienfaits auxquels elle etait loin de s’attendre. j> Le principe je le vois plus que jamais realisable avec les hommes qui aiment le travail, nous marcherons de plus en plus vers un bien etre assure; vous me direz, pourquoi les retraites? parce que rhomme sortant de l’in- dividualisme il retourne dans la vieille societe et c’est son imperfection qui le fait agir ainsi, il n’y a que les hommes devoues pour le bien etre de l’humanite qui restent a leur poste.'. » G.. apres avoir quitte la societe, s’etait etablia ‘Saint-Louis avec un associe, mais il n’a pas pu faire ses affaires; sans avertir son associe il demenagea et il etait sur le bateau a vapeur quand l’aulre le fit arreterpour lui faire rendre compte de finfraction qu’il lui faisait. > Favard et Prudent ont quitte Nauvoo; ils sont a Saint-Louis en train de tirer le diable par la queue, il n’en reste pas beaucoup maintenant: ca marche tout a sa dissolution. » Deux mots sur notre voyage: tout a bien ete autant sur le vaisseau que sur le Mississipi. L'on se fait des idees toutes a son desavantage tandisque ee n ? est. rien, pour mon compte, j’aime autant voyager sur le navire que sur le chemin de fer et quand j’ai quitte le notre, il me semblait qu’il me manquait quelquechose. Arrives ala Nouvelle-Orleans nousy avons reste deux jours et nous nous sommes embarques sur le bateau a vapeur ou nous avons passe six jours; aucun de nous n’a trouve le temps long, il y a de quoi se dis- traire en regardant les bords du fleuve qui sont at- trayants. Enfin nous voila arrives a Saint-Louis tous en bonne sante, nous avons envoye un des notres pour les avertir de notre arrivee: de suite les wagons de la colonie nous sont venus chercher; arrives a la grande famille nous avons ete recus avec beaucoup de fraternite, il n’y a que celui qui est present qui peut s’en faire une idee/ pour le logement on est a son aise; on.est bien noun/; pour les amusements: un dimanche c’est theatre,/le dimanche suivantbal; apres divertissements divers/ Je me trouve bien a mon aise, je n’ai plus d’ennuis, je fais mon travail selon raa force et les jours se passent qheje me trouve tout etonne d’etre arrive au dimanche. i Nous allons tous tresbien. Ma femme, les demoi¬ selles Lacour Aimee, Lacour Annette, Claudine Defaix. vous font bien des compliments; je leur ai demande .si ellesse plaisaientbien; elles sont tout a fait satisfaites de leur position, le seul bonheur qu’elles envient serait de posseder leurs parents etamis pres d’elles. Le cjtov en Ducoin vous envoie bien le bonjour ainsi amis. Vous pouvez engager tous les vrais Icariens a.venir, — m — ils n’aurontjamais a s’en repentir, mais ceux qui pensent' se faire unpieda terre etseretirerapres,il vautbeaucoup mieux qu’ils ne viennent pas. )> Fiien cle plus qui merite votre attention. 1 ■ ; * Votre tout devoue ami, « Guillemin. r t Cp ■ • {; f j f P *i * » • * P v ( f 0 I f f *1 ff (T If O /1 J |)‘ |(T f 1 1 i J]'*) 11. « femme Guillemin. 1 • J i) Vous nous donnerez des nouvelles aussitot cfue possible. »' • : ' P p '• K « i I I U i J * I V | f 1 M J l f 1,1 f » Cornme l’espace me manque, je serai href. — Mal- gre les quelques retraites de ce printemps, la Societe marclie tqujours pleine de resolution. Les elements du passe sont brises par notre marche, tandisqu’elle remplit d’ardeur et de foi les homines qui veulcnt fonder la Communaute en acceptant les genes de la fondation. Mais les jouisseurs, les impatients, ceux qui veulent pro¬ filer immediatement des avantages materials de la Com- mimaute sans s’inquieter de creer une base solide pour le iendemain, desertant leur poste, tie sont pas regrettes par nous. Le depart des 26 est solide ils deploient une tnergie remarquable. Nous cueillons les fruits d’un bom sjsteme de propagande qui eonsiste apratiquer nos prin- cipes en France et a reformer sesmoeurs avant de venir. Pour moi Icarie dale du l e r mai 1859, elle se regenere, die salt ou elleva. Courage et en avant. Maximilien Ser- tier est pres de moi au bureau. J’en suis tres content. cc A vous tous de coeur, » Jh. Loiseau. » . . ■ ' . . j , * p j a .. < 1 t w 1 * ' " 'If Ii k | f/i ft t.ftl * y fi Cheltenham, 14 mai 1860. Mon cber Bedou'ch, « Je ne chercberai’point a m’excuser du long retard que j’ai mis a vous ecrire, je vous en ai fait connaitre — 315 — les motifs dans mes precedentes lettres a divers. Aussi j’aborde de suite le but de la presente qui est de vous dire deux mots de notre fete de dimanche. Tout joyeux encore de cette belle journee, j’ai hate de faire partager mon allegresse a tous nos bons amis. Samedi 12 au soir a Fassemblee ont eu lieu les ad¬ missions definitives de Vinsot, Bnrla, Lavat, Loiseau pere, Josephine Bernard et Augier. Ce renfort de citoyens actifs a deja contribue a repandre parmi nous la bonne humeur. Le lendemain a 4 heures du matin, le reveil sonnait sur la place Icarienne, a 6 heures la Golonie prenait un frugal repas et a 7 heures notre caravane se mettait en route, les voitures en tete, pour le cime- tiere Riddle qui se trouve a 5 ou 6 milles de Cheltenham. A 8 heures 1/2, nous etions tous reunis autour de la tomhe de notre illustre maitre, ou nous avaient prece¬ des nos amis Maurice et Ducoin de Saint-Louis. Un mo- deste rosier surmonte d’une couronne d’epine distingue ce tombe.au au milieu des autres; a quelque distance de la, des petits poteaux marques du niveau egalitaire et de quelques initiates, indiquent la derniere demeure des Icariens morts pour la Communaute et Fhumanite. Chacun de nous avait la un pere, une mere, des freres et des soeurs ou des enfants cheris. Chacun trouvait la un souvenir douloureux et d’amers regrets. Lorsque toute la Colonie fut reunie autour de la tombe de notre fondateur, le cit. Augier fit ressortirpar quel¬ ques paroles bien senties l’ingratitude et Fignominie de Fopposition et la belle conduite de la minorite. La ci- toyenne Lavat dit ensuite une sorte d’invocation aux mimes du martyr, enfin le cit. Mercadier a clos la cere- monie par un discours dans lequel il a developpe la conduite et le devouement de Cabet, son abnegation et ses malheurs. II nous montra l’individualisme en proie aux passions ego'istes et materielles, la democratic com¬ promise et dupee par les parleurs et les ambitieux, si¬ tuation terrible qui nous impose a nous Icariens, hom¬ ines pratiques, Fobligation de perseverer et de continuer — 316 — une oeuvre qui doit etre un jour le refuge et le salut des idees de progres. Apres ces discours, 1’assemblee, sous l’impression de ce qui venait d’avoir lieu, se dispersa dans le cimetiere a traversles cypres et les tombes, reflechissant peut-6tre au neant de [’existence humaine, et a la folie de ceux qui pour des jouissances si courtes et si frivoles, per- dent le sentiment de leurs droits, de leur dignite et de leur honneur. )> Un quart d’heure apres. nous etions tous en route pour Cheltenham. A moitie chemin, les wagons qui avaient pris le devant, s’arreterent sous un couvert de feuillages et attendirent le reste des pietons. Apres quel- ques instants de repos, la societe se remit en marcheet a 11 heures nous etions tous rendus a la Colonie ou une collation nous attendait. » A 3 heures, la musique ouvre le banquet, notre refectoire, decore par lessoins du citoyen Sertier, com- missaire de la fete, presente un riant aspect. Aux quatre angles de la saile s’elevent quatre bosquets de verdure. A une extremite se trouve le portrait de Cabet entoure de guirlandes de fleurs. Au-dessus on lit: 12 mai 1856. Les trois cheminees du refectoire sont ornees par des vases de fleurs. De distance en distance sont placardees les inscriptions suivantes : Ne fais pas a aulrui ce que lu ne vouclrais pas quon te fit! — Aimons-nous les nns el les autres , si nous rontons reussir! — Egalite! — etc., etc. L'entree du refectoire est egalement ornee de feuilla¬ ges formant la voute d’un berceau. Le printemps nous avait fourni un large tribut de ses richesses. La splen- dide et feconde nature etalait parmi nous tous ses tre- sors, fleurs, mousses et feuillages; autour de nous les oiseaux font retentir les bois d’un melodieux concert. Ah! mon ami, ce spectacle valait bien dans sa simpli- cite, la grande mise en scene des fetes parisiennes! • Celles-ci ne laissent au fond des coeurs que des senti¬ ments d’orgueil et d'ambition, d’amour du luxe et des — 317 richesses, celui-la eleve Tame et y depose lcs germes de ramour fraternel et des vertus sociales. — Le banquet a ete court, plusieurs personnes prononcerent des toasts; la musique a fait entendre plusieurs airs varies* Chacun attendait la soiree avec impatience. A 6 h. 1/2 la salle etait prete. Le theatre etait eleve. On a com¬ mence par quelques chants: Romances, poesies et ehansonnettes comiques. La deuxieme partie de la soi¬ ree a ete remplie* par: La Joie fait pair, de M me E. de Girardin, charmante comedie. petiHaute d’esprit et remplie de bons enseignements. Nous avons termine par un dialogue comique mele de couplets, intitule: Les deux Comperes normands . Cette petite piece jouee par Rambaud et moi, avec les costumes et le patois du pays, a fait assez rire Fauditoire. Notre salle etait moitie trop petite. Unc affluence assez considerable d’Americains du voisinage et des personnes de Saint-Louis s’etaient portee au milieu de nous. Et quoique tres peu comprissent le francais, ils etaient tous enthousiasmes. Nous etions bien genes, inais it faut les tolerer, car nous devons, par nos rela¬ tions amicales avec le voisinage, etablir solidement notre reputation, et assurer notre avenir. Nous com- menQons a etre bien connus, et plus nous irons, plus nous acquerrons de la renommee. Mes embrassements fraternels a tous nos freres et sceurs. Joseph Loiseau. Clieltenliam, lo 20 mai 18G0. « Ami Joseph Gaud, » Votre indulgence saura m’excuser du long silence dans lequel je suis reste. » Mon bon Joseph, je voudrais vous rendre temoin d’une semaineen lcarie, la vous verriez un peuple vrai- ment nouveau, autant par ses moeurs que par ses insti¬ tutions ; chez lui vous ne trouveriez pas de tromperies, — 318 — pas de desseins caches, pas d’ambition, pas de supersti¬ tions, pas d’orgaeil, pas de vanites, pas de fourberie, pas de luxe, pas de paroles qui touchent a la pudeur, la vous diriez: c’est une societe modcle,unpeuple libre et sage tout a la fois, ou la jeune fille et le vieillard sont respectes, ou les agrements: danses, concerts, jeux 5 soirees chantantes, soirees comiques,' musique, etc., sont en rapport avec le principe que nous professons. Tout le monde prend part aux agrements, y apporte se& qualites; si onn’en possede pasassez ontravaille a en ac- querir d’autres, car c’est le moyen d’obtenir 1’estime de la societe : aussi voit-on chacun en particulier s’efforcer d’obtenir cette marque honorable par une conduite irreprochable. i La vertu est si bien etablie en Icarie que celui qui y arrive est surpris des manieres simples, mais polies, que chaque membre a pour son semblable. Je crois cependant utile de vous donner quelques renseignements a ce sujet. J’ai la certitude que je vous inspire assez de confiance pour que mes avis puissent vous servir a fixer vos idees etvous guider dans votre appreciation sur l’etat de la situation morale et mate- rielle de la Communaute. » Je vous dirai tout de suite que nous nous y trou- vons assez bien, la situation morale est aussi satis- faisante que notre imperfection nous le permet; il y a bien quelques petites contrarietes, quelques petits desagrements qui se produisent, soit par la difference de nos caracteres, par nos vieilles habitudes, par le manque d’education ou par nos petites genes; mais tout cela n’est presque rien et ce n’est pas ce qui pent empecher la reussite de la Communaute. Je suis con- vaincu, par toutes les experiences de hausse et de baisse ou j’ai passe a diverses epoques dans la Com¬ munaute, que tous ces petits tiraillements disparaitront des que nous serons plus nombreux, plus prosperes et surtout plus instruits sur notre doctrine de fraternite. D’ailleurs il ne faut pas Foublier pour le moment, s’il y a ici quelques petits defauts, il y a aussi de precieuses qualites et surtout beaucoup de bonne volonte pour remediera cemal, c’est-a-dire pour nous perfectionner. Nous avons notre Cours Icarien oil chacun peut venir puiser une instruction mutuelle et epancher une reciprocite de sentiments fraternels entre nous et nos — 323 — amis du dehors, c’est le vrai moyen, en le generalisant, de cimenter Turnon qui doit exister entre tous les Icariens. Nous avons nos promenades d’ete et nos amusements divers; pour Thiver, nos bals, nos soirees en famille, notre theatre on nos amis rivalisent de zele et de bonne volonte, on pourrait meme dire de talent, ear je vous assure qu'ils ne jouent pas mal. )> Voila a peu pres ce que j’ai a vous dire pour le cdte moral, il en est a peu pres de meme pour le cote mate¬ riel, un peu de bien, un pen de mal. Nous avons une propriete achetee aux conditions que vous devez savoir; elle est tres belle et bien situee a deux petites lieues de Saint-Louis; les environs sont tres plaisants; nous sommes entoures de bois, de fermes et de mines de charbon de terre, ce qui nous est d’une grande utilitc pour notre chauffage; je ne vous fais pas le plan detaille de notre propriete, Tadministration vous l’a fait connaitre mieux que je ne pourrais le faire; je vous dirais seulement que nous avons, tant en ateliers qiTen maison d’habitation tout ce qui nous est necessaire et an dela. On est en train de construire une grande ecurie pour nos bestiaux; nous avons en ce moment cinq che- vaux, six vaches et quelques genisses, il nous manque encore quelques vaches. Nos maisons sont tres plai- santes, chaque menage a une chambre a deux croisees assez grande et tres propre;pour ameublemenl, on a une couchette, un porte-manteau; pour les effets, des rayons, un poele en fonte et nos malles pour serrer le linge et nous servir de canape. La meme chose est affectee a deux celibataires; pour le vetement, tout le monde est assez bien vetu, mais il serait bon que nous avons un habillement uniforme. Pour la nourriture, — 324 — elle est abondante et same, mais elle n’est pas assez variee, soit par le manque de certaines choses, ou que nous n’avons pas des personnes speciales pour la pre¬ paration des mets, nous sommes obliges de prendre' ceux que Ton peut, selon que l’interet du travail l’exige; nous aurons a y apporter des ameliorations, car cela a ete souvent un sujet de retraite; que voulez-vous? on a de certaines habitudes, quand on a vecu un peu en sourmet, et il est difficile de s’accommoder de la table commune; mais vous pouvez bien penser que ceux quf se retirent pour ce seul motif n’ont pas une forte con¬ viction icarienne, il vaut mieux pour eux et pour nous qu’ils aillent ailleurs contenter leurs gouts que de nous etre un sujet d’embarras. N’allez pas croire cependant que Ton soit tout a fait mal, tous les repas se prennent au refectoire, excepte les citoyennes qui prennent leur dejeuner chez elle au cafe au lait; pour dejeuner, nous avons la soupe, un plat de legumes ou de viande, a midi* un plat de viande et un de legumes, souvent un dessert, et le soir, la soupe et un plat de legumes, quelquefois le plat de legumes est change par autres choses diver- ses; pour boisson, du cafe le matin et de beau a midi, et le soir, nous avons aussi generalement du bon pain; eertes, ce n’est pas eomme nous le desirions, mais combien d’ouvriers et de cultivateurs en France s’en trouveraient bien! Nous avons une cuisine speciale pour les malades, parce que, a defaut d’avoir une inflr- merie, ils sont soignes chez eux. A propos de malades, il faut que je vous parle de l’etat sanitaire du pays; generalement on s*y porte bien; en biver comme en ete, Fair est continuellement vif et pur; il y fait un peu plus chaud et un peu plus froid qu’en France dans « - 335 — ]es deux saisons; il n’y a presque pas de printemps, et la saison d’automne est longue et belle; mais cela n’empeche pas que nous ayons quelques fievres comme a Nauvoo oil il y avait la fievre et la dyssenterie; mais. ici nous n’avons pas fagrement d’avoir cette derniere. Nous pensons que cette fievre diminuera d’autant que la contree se defrichera. Cette annee, nous n’en avons pas eu parce que le temps est sec; V annee derniere que le printemps avait ete pluvieux, nous en avons eu pas xnal; aussi les dissidents ont profite de cela pour dis— creditor notre position. Nous esperons que cette annee, ils en seront pour leurs frais. Ces fievres ne sont pas dangereuses, mais elles font soufrir et derangent le tra¬ vail. 11 y a des personnes qui les ont fortes et d’autres faibles, selonla sante et les precautions que V on prend; moi je ne les ai jamais eues, ma femme les a eues trois fois par intervalle de deux, quatre ethuit jours. » Par les details que je vous donne, vous pouvez voir a peu pres quelle est notre situation. Nos ressources, comme vous le savez, sont notre travail pour le dehors, soit pour des patrons de Saint-Louis, ou par des travaux que nous entreprenons dans les environs, par notre forge et charronnage et jardinage qui prennent tons les jours de nouvelles extensions. Pour ce qui est de Ja comptabilite, vous pouvez consulter finventaire de decembre dernier, le compte-rendu semestriel de fevrier " et les deux lettres a Gorilla qui exposent la situation financiere plus exactementque je ne pourrais le faire, et vous rendre compte par vous-meme des recettes et depenses de la dette courante et de la valeur de la Colonie. En resume, sans etre en paradis, notre situa¬ tion est assez satisfaisante, et, quoique nous ayons fait — m — heaueoup, il nous reste encore beaucoup a faire. Nous avons l’espoir que, si nous sommes bien secondes, si tous les Icariens nous pretent bien leur concours, nous fmirons par asseoir notre Icarie sur ses veritables bases; mais pour cela, ii faut entrer de plus en plus dans la voie ou Tesprit du Fondateur veut que nous soyons pour realiser son oeuvre qui est contenue dans ces trois mots Justice, Travail, Amour, sources de progres, de prosperity de bonheur pour ceux qui sau- ront comprendre, pratiquer et perseverer. II ne faut plus de ces elements ultra-politiques qui puissent prendre pour despote et ambitieux 1’esprit d’un homme .qui a donne cinquante annees de sa vie au service de Thumanite, ni de ces autres petits reformateurs qui, sous pretexte de progres, viendraient avec leur petite science en pocbe arreter le travail et nous embarrasser; cesont la les deux principals sources du mal qui oat toujours divise et failli perdre la Communaute. Desor- mais il nous faut des Icariens pour fonder Icarie, tout Icarie, rien qu’Icarie. Que ceux qui veulent autre chose s’en aillent les pratiquer ailleurs et nous laissent tran- quilles; nous ne voulons pas faire Fessai de deux sys- temes a la fois, nous ferons des voeux pour leur reussite. Si le fondateur et vertueux maitre avait eu des le com¬ mencement des disciples au lieu d’avoir des adversaires, Icarie serait grande et prospere et ne serait pas a recommencer. » Pour nous, mon cher Sarot, quoique nous avons supporte les peines de toute sorte, les privations, les tracasseries, les petites miseres, les divisions, les ingra¬ titudes et la desertion de quelques amis, nous restons toujours convaincus que le systeme de la Communaute ~ 327 — est realisable et possible, et qu’il est toujours vrai que le fondateur d’Icarie a montre aux hommes le seul moyen de les rendre veritablement heureux. En atten¬ dant le plaisir de vous voir, nous sommes assez bien portants; je suis un pen retabli de ma petite maladie ; ma femme se joint a moi pour vous adresser nos sin- ceres amities, sans oublier tous nos amis. * Salarniek. » * . > • ^ J* 1 Cheltenham, le 12 juin 1860. \ , ' r - • j ( • - . *1* .* : *, j., f > . ([ *., \ \ * / * r Mes chers amis. s (( En quittant Paris, j’ai promis de vous ecrire, sij’ai tant tarde, e’est que j’ai voulu envisager la Commu- naute sous tous ses points; si je vous avais ecrit en arrivant, je vous aura is dit que la Communaute etait ravissante; aujourd’hui je vous dis qu’elle est belle. » Pour les amusements, j’eprouve ici beaucoup plus de plaisir que je ne pensais. Le dimanche, quand il y a bal, je prends bien ma part et voudrais que la soiree durat plus longtemps. 3,Ion frere a tenu sa parole, il m’avait promis, il y a six ans, qu’il me ferait danser en Icarie, il s’en est acquitte a mon grand contente- ment. Quand il y a theatre, vous ne pouvez vous figu- rer comme e’est beau; car en vous disant que mon frere et ma belle-soeur jouent, e’est vous dire que tout le monde participe au plaisir comme au travail. » Le jour que l’on a joue la piece des Eons Enfants , on s’est tant amuse qu’il etait presqu’impossible de s’empecher de rire; personne ne pouvait s’en defendre; la piece etait si belie comme morale, bien jouee et avec beaucoup d’entrain. — 3f>8 » Quand j’etais en France, j’ai etc bien souvent au theatre; j’ai vu de plus belles pieces, mais je n’ai jamais goute le bonheur que je ressens ici ; car malgre quelques petites privations, si nous savions bien comprendre, c’est presque le Voyage en lcarie. » Dans la semaine, nous n’allons jamais an travail avant huit heures du matin. Qu’avons-nous a faire avant? seulement notre petit menage et notre toilette, notre dejeuner est tout pret et nous l’avons quand nous le desirons. Voila notre tracas avant le dejeuner et notre depart pour l’atelier. Tous les lundis on donne le linge au lavoir, et on le retrouve le samedi lave, re- passe , racommode. Voyez si une femme en France, qu’elle ait des enfants ou qu’elle n’en ait pas , peut etre aussi heureuse que nous! Eh bien! malgre tout cela, on trouve encore le moyen de se plaindre, et beaucoup de femmes ont decourage leurs maris. Cela vient de ce que nous ne eomprcnous pas assez le prin- cipe de la Fraternite. » Je vous repeterai toujours d’engager nos soeurs a etudier le principe de fraternite, base de tout le principe icarien, et ne dites plus ce que j’ai entendu dire en France : elle n’est pas bien icarienne, mais elle se fera la-bas. Moi je vous repete que si elle n’est qu’un peu icarienne en partant de France, elle pourra cesser de l’etre, c’est a craindre; c’est pour cela qu’il faut bien leur faire comprendre avant de partir et leur faire eprouver quelques petits desagrements ou privations, cela fait qu’en arrivant ici, elles seront courageuses, eiles supporteront plus facilement les privations avec devouement et non par force. » Je ne desespere pas sur les progres que les femmes- — 329 — pourront faire, les hommes en ont bien fait parmi eux, car on n’entend jamais de gros mots, pas un jurement; on peut aller n’importe ou et n’importe a quelle heure, avec eux on n’a jamais a rougir, car tous, le plus petit jusqu’au plus grand, nous portent le plus grand respect. » Mais le devoir d’une icarienne est d’etre toujours modeste, ainsi je vous ai depeint la communaute sous tous les points de vue que je l’ai envisagee: aussi, je pense que vous serez coinme moi, que vous trouverez, beaucoup plus de perfections que de defauts, aussi je peuxvous dire que je suis tres heureuse. )> Vous m’avez demande des fleurs d’lcarie et j’ai promis de vous en envoyer sitot que je serais arrivee, je m’acquitte envers vous, je vous envoie une pensee pour chacun, elles sont de nos jardins, des feuilles de rosiers et de roses; elles vous seront d’autant plus pre- cieuses que je les ai cueillies sur la tombe du citoyen Cabet. )> Je vousdirai que j’apprendsa lire et a ecrire, parce qu’en Icarie on peut tout ce qu’on veut; je commence a faire quelques progres, car c’est moi qui signerai ma lettre. Bien des choses au citoyen B. Adressez aux ci- toyennes Cabet et Favard mes sentiments affectueux, et ne m’oubliez pas aupres de nos amis et amies de Paris. » Je vous embrasse de tout mon cceur et je desire que vous veniez bientot nous rejoindre. Je n‘ai pas ete ma- • ade jusqu’a ce moment, le climat ne me parait pas con- traire a ma sante ; j’esperc que celacontinuera. » Tout a vous d’amitie fraternelle. Le citoyen Yincot me charge de ses amities; il recoit a l’instant la lettre que vous lui adressez, je n’ai pas encore pu en prendre connaissance. Dans ma premiere, jevous ecrirai d’apres ce qu’elle dit. — 330 — » Dans votre reponse. veuillez me donner des nou- relies de Thomin, dans le cas oil il ne serait pas a Paris. . » Mes amities fraternelles a toutes. / r » E. Lavat. » • V * I r * 1 A De toutes ces nouvelles, de toutes ces lettres collec¬ tives et privees, il ressort une chose tout a fait conso- lante ; c’est que le petit nombre d’Icariens qui sont restes fideles a leur mission, loin d’etre decourages par les obstacles et par les retraites de ceux qui n’ont plus ni force ni courage pour continuer, sont plus ardents, plus decides qu’ils ne Font jamais ete. Nous noiis ren- dons bien compte de cet enthousiasme, qui n’a rien d’aveugle et d’irreflechi: car il est au contraire soutenu par la perspective d’un succes prochain ; ils apercoivent le but, ils sont prets d’y toucher, et leur ardeur se trouve surexcitee au lieu d’etre abattue par les obs¬ tacles qui les en separent encore. Le concours des Icariens du dehors • l’arrivee pro- chaine de nouveaux membres, tout doit contribuer et contribuera, en effet, a soutenir I’enthousiasme de nos T T * • soeurs et de nos freres de Cheltenham. La cause qu’ils servent n’est pas leur cause seulement, c’est la notre aussi; c’est celle de tous les travailleurs, de la demo¬ cratic, du progres, de l’humanite entiere. Nous ne sau- • -* rions done rester spectateurs inactifs de leur lutte ; n'ou- blions jamais, nous tous qui nous disons Icariens, que nous sommes nccessairement solidaires de leurs succes comme de leurs revers. Rejouissons-nous de cette soli- darite; car si nous souffrons depuis quatre ans des malheurs successifs qui nous ont frappes, nous parta- gerons bientot la satisfaction de voir nos communs ef¬ forts couronnee de succes. i — 331 f r j ■ f ' > Si nos scours et nos freres de Cheltenham donnent des prenves de Jeur courage et de leur denouement, ils peuventetre assures queleur exemplen’est pas inutile : voici quelques lettres que j’ai recues de nos co-reli- gionnaires de differents pays, qui prouvent qu’on com- prend generalement la necessite du devouement. La premiere m’est ecrite du departement des Bom ches-du-Rhone, par deux souscripteurs a l’emprunt. ~r>g ° b .irornofn f >I moq di .lit) Jgo i n * i v - - i r r ’ i ■ o • .tn'iciofuroufT! orquosona ojjmj aouna j > Cher ami Beluze, .auon Rph'HilO*) ,, i Ilf t-M I XXIII 1 VI tS lW II HU 0? hi r ) — 332 — recevrez vers le 10 du mois prochain. A cette epoque, nous vous indiquerons ceux qui auront paye pour Fan- nee ou pour le semestre. » A ce sujet, verifiez vos anciehs comptes, et donnez nous les noms des personnes qui seraient redevables dans notre ville, nous tacherons de les faire solder, s’il est possible. ’ . i , | » V... et moi, nous adoptonsce qui est dit ci-dessus.. R.... dit qu’il continuera les brochures, mais sa position ne lui permet pas de s’engager. G.... nous dit etre re- solu a entrer dans cette voie. Quant a G. ...r., le pret a cinq centimes lui semble trop minime, et cependant il est, dit il, pour le moment, dans Fimpossibilite de sa- crifier autre chose que Fabonnement. » Envovez-nous nos petits comptes que nous les acquittions. * )> Recevez nos salutations, etc. ♦ 1 % r ' a * % f T«r -0/0^1 Cher co-relidonnaire et ami, • « * • • . » 2 > Je vous prie de m’excuser si j’ai ete si longtemps sans vous repondre, je voulais vous envoyer de bonnes nouvelles, et voila le sujet de mon retard, j’ai vu des amis, je les ai engages a envoyer quelque chose a la Societe Icarienne, j’en ai trouve un qui m’a dit qu’il pourrait prendre une obligation de cent francs d’ici quelque temps, et moi je vous envoie cinq francs en timbres-poste pour m’eviter un voyage en ville pour — 333 — l’abonnement aes brochures de l’annee I860, et d’ici quelque temps j’espere vous euvoyer 55 ou 60 francs, avec mon recu de 300 francs, pour completer cinq obli¬ gations de cent francs. > Comptez, eher co-religionnaire, que je ferai aller les affaires aussi viteque je pourrai. » Recevez, en attendant, ^assurance de mes senti¬ ments fraternels. » R. » •j: l,i ; i 1 JCj *.'• ') : i <'' Voici la troisieme lettre, elle m’est adressee par un j - ancien Icarien qui avait suspendu ses relations avez nous pendant ces dernieres annees; il sent aujourd’hui la necessite de reprendre sa place dans nos rangs. Nous Ten felicitous; il sera le bienvenu. LJ 1 J 1 ' r J1 *. i) 1»’ * J J I & il i t# I / Cher citoyen Reluze, a Je viens faire reponse a votre lettr^ datee du 11 juin, dans laquelle vous demandez que chaque Icarien vous fasse connaitre ses intentions aux conditions qu’elle renferme, en meme temps que vous demandez a ceux qui se sont tenus a recart du mouvement Icarien depuis les evenements causes par la mort du citoyen Cabet; s’ils s’en separent completement ou s’ils desirent rentrer dans les rangs de ceux qui sont constamment restes a leur poste. « Je vous dirai d’abord que les motifs qui m’ont fait tenir a l ecart, apres la mort du citoyen Cabet, ne sont pas tout a fait la cause de cette perte regrettable en elle- meme, car ma conviction etait qirlcarie pourrait survi- vre a son fondateur, mais seulement il ne m’etait ja- — 33 4 mais venu a la pensee qu’elle eut pu venir dans les con¬ ditions ou elle s’est trouvee, et je vous assure que j J ai €raint un moment que les intrepides soldats qui soute- naient la lutte avec un courage aussi heroique, ne fus- sent culbutes dans leur retraite, entrainant avec eux la perte totale de la* Colonie, bien que cela ne m’aurait pourtant pas donne la preuve que la Communaute Ica- rienne ne soit pas praticable, car je crois fermement qu’elle est parfaitement possible avec des hommes de bonne volonte, et qu’elle est le seul moyen d’affranchir 1’homme de 1’esclavage du proletariat, en faisant dispa- raitre la misere, et en assurant le bonheur de la femme et des enfants; ce qui constitue le bonheur de l’huma- nite. C’est done la situation exceptionnelle de la Colo- nie a ce moment, et l’opposition de mes parents, qui m’avaient determine a me retirer un peu du mouvement Icarien; mais, en voyant les constants efforts de ces hommes intrepides surmontant tous les obstacles qui s’opposaient a leur marche, pour retirer l’oeuvre du fon- dateur d’lcarie de la-position critique ou l’avait placee l’opposition de Nauvoo, en voyant tous les jours tant d’actes d’abnegation et de devouement de la part des Icariens du dehors, il ne m’est plus possible de rester plus longtemps simple spectateur, je vous declare done c{ue je desire prendre une part active, quoique dans des limites assez resireintes, il estvrai, mais en faisant tous les efforts qu’il me sera possible. J’avais deja remis au mois de mai dernier, entre les mains de notre ami D.. 5 fr. pour la souscription a 0,05 cent, par jour, aujourd’hui je m’engage a souscrire pour 0,10 cent, dont je lui remettrai prochainement lemontant du pre¬ mier semestre, en meme temps que le prix de I’abonne- — 335 ment aux brochures, pour lesquelles vous pouvez me compter au nombrc des abonnes; je lui avais remis en meme temps le montant de l’arriere des brochures que j’avais recues, qui vous a ete remis par l’intermediaire de la citoyenne Barbot; vous me pardonnerez, je l’es- pere, la negligence que j’avais eue de ne pas vous avoir fait plutot cet envoi, retenu par une fausse timidite, je n’osais pas vous ecrire, bien que cela fut une coupabte negligence de ma part. » J’espere que vers le mois de septembre ou octobre au plus tard, je pourrai disposer d’une somme de 50 et ‘peut-etre meme 100 fr. que je vous enverrai, sitot qu’elle sera a ma disposition. » Quant a la souscription annuelle pour faire partir des Icariens utiles a la Golonie, je lui donne mon adhe¬ sion, car il estbeaucoup debons Icariens qui pourraient etrc d’une grande utilite a la Colonie, et qui, sans cela ne parviendraient peut-etre jamais a realiser bavoir ne- cessaire pour entreprendre ce voyage. * Becevez, cher citoyen, l’assurance de mes senti¬ ments fraternels. ) L... # X.)) Yoila le fruit de la perseverance de nos amis de Chel¬ tenham et de ceux qui, au dehors, sont courageuse- ment restes amis de coeur et d’interet avec la Colonie. Leur exemple determine le retour du cit. X.... et en amenera bien d’autres. DEPART PROCHAIN. Plueieurs families m’ont annonce leur prochain de¬ part pour la Colonie; quelques-unes seraient deja par- \'f- x f-.iT»j*i — ,> Tf.*j V 4 — 336 ties en passant par New-Nork, mais ceux qui y sont passes au mois de juillet 1859, recommandent de ne plus prendre cette route, qui est beaucoup plus cou- teuse et plus fatigante que par la Nouvelle-Orleans. C’est done par cette derniere ville que nos amis ont rintention de passer, en s’embarquant des que la saison le permettra, c’est a dire, des que les navires allant a cette destination peuvent prendre des passagers. II pa- rait que les partants seront de 20 a 25. Je t’en repar- lerai dans ma prochaine lettre, si je suis mieux ren- seigne. En attendant, recois pour tes amis et pour toi mes bien fraternelles salutations. , { c, ain ; ,» a J - »l * i v Paris. — Imp. Felix IVUlteste et Cie, rue des Deux-Portes-St-Sauveur, 22. LETTRESICAR1ENNES. < (Ml HUITIEME LETTRE. i * * % « * ' W » , . XXIV Mon cher co-religionnaire et ami. Depuis ma derniere lettre je n’ai pas recude compte- rendu mensuel de la colonie, je me trouve done dans la necessity de renvoyer a une autre lettre pour te faire connaitre la suite des operations de la Societe. Je sais seulement qu’elles ont ete assez favorables pendant les •mois de Mars, Avril, Mai et Juin; et que le commence¬ ment de la morte-saison en Juillet a ete moins mauvais que Tan dernier. La cause du retard que nous eprouvons dans la publi¬ cation des comptes-rendus mensuels se trouve dans la necessity ou s’esttrouvee la Colonie de suspendre provi- soirement la publication de son journal la Bevue ica- rienne , parce que son utilite ne repondait pas aux sacri¬ fices qu’il imposait a la Societe, a cause du petit nombre d’abonnes qui payaient. Cependantje te prie deremar- quer que ce n’est qu’une suspension provisoire de publications, et non une cessation ; car la Colonie a toujours besoin d’un journal, ne serait-ce que pourses 15 * * — 338 — propres membres et pour la publication de ses actes officiels. Si je n’ai pas de rapports mensuels a te faire connai- tre, j’ai, en revanche, une piece beaucoup plus impor- tante; c’est Fexpose de la situation dc la Societe pour 1861. Rien de plus interessant en effet, pour tous les membres de la famille icarienne, que de savoir ce que la Societe pourra faire pendant le conrant de l’annee dont quelques mois seulement nous separent encore. C’est ce que nous allons trouver esquisse a grands traits, dans le discours du president de la Communaute, au cours ica- rien du 24 Juin dernier qu’on va lire. DISCOURS DU PRESIDENT DE LA COMMUNAUTE. s' - * * * » i »' • * • . f*- / '-*-r / I • 't VC ECOIVOMIE. _ • * r I r ^ r )> Personne n’oublie quel est le but de notre mission, quelle doit etre un jour la Communaute ; Icarie doit etre grande , elle rendra le travail aise, elle augmentera la production, elle assurera a ses membres, en m£me ternps que la liberte de sentiment et l’instruction, un certain bien-etre materiel. Nous savons quelles sont les t causes de ce bien-etre et que VEconomie dont nous allons nous occuper aujourd’hui, en est une des principales. ) » Nous aurions tort de nous faire une fausse idee de FEconomie en nous imaginant qu’elle a la meme signi¬ fication que les 7 mots gene el privation. L’Economie peut commander les genes momentanement, mais elle les repousse comme systeme ; elle a meme pour but de les eearter pour toujours. L’Economie est le rapport a etablir, dans une famille et dans une societe, entre la production et la consommation. Pour Icarie, elle sera v * — 339 — de meme le rapport entre ce que nous saurons gagner et ce que nous serons obliges de depenser en tenant compte de toutes les circonstances dans lesquelles nous nous trouverons, et en ayant bien soin de ne pas engager Favenir. De cette maniere, si FEconomie pent nous pres¬ erve quelques privations et nous recommander la pru¬ dence et la perseverance, elle nous assure la seule-chose desirable : le bien-etre et la prosperity , de plus en plus considerables, et en les faisant reposer sur nos qualites etsur notre travail. Or, que peut-on desirer de plus? » L’individu paie ordinairement bien cher de mecon- naitre les lois de FEconomie. On entend souvent dire qu’un tel gagne beaucoup, et il se trouve qu’a la tin de l’annee il n’a aucun profit. Sans doute il sillusionne sur son gain, qui n’est que momentane, et sur sa depense qu’il dirige suivant ses caprices plutot que suivant ses forces et ses besoins reels. En un mot, c’est qu'il n’a pas d 'economie. 11 marche a laventure, sans s’assurer du lendemain, et a plus forte raison sans songer a Favenir, a sa famille, a sa vieillesse, a ses jours de ma- ladie. En croyant vivre sans soucis, il se reserve peut- etre, ainsi qu’a sa famille, de tristes jours de deuil. Des larmes ameres, des regrets et des remords, compense- ront cruellement plus tard cette vie facile et sans inquie¬ tude qu : il essaie de pratiquer a tout prix. Or, ce que nous disons d’un individu, nous pouvons l’appliquer a toute Societe; nous pouvons l’appliquer a la Communaute, et surtout a la Communaute naissante. y> Telles sont et l’idee et l’application mie. On le voit, elle est necessaire. Nous/ tenant Fexaminer au point de vue pn Communaute. — 340 — » Nous ne dirons rien de Nauvoo, ni de St.-Louis, liide Cheltenham avant la derniere dissidence. Apres celle-ci, nous avons adopte un systeme encore imparfait d’economie. C’est ce systeme qu’il s’agit de continuer en Fameliorant. 11 a eu d’immenses avantages, et le plus grand est, sans contredit, de nous avoir permis de nous tirer d’affaire, en combinant nos recettes et notre depense, y compris nos dettes et nos autres obligations, de manierea faire face a tout. t> Je ne reviendrai pas sur le systeme economique de cette annee; il est en pleine execution, et ce qui s’est deja fait demontre que le plan trace s’execute a peu pres completement. En ayant la une raison de plus de nous rejouir de la marche suivie, je passe a la situation economique de Tannec 1861. » La question est interessante : qu’est-ce que nous gagnerons en 1861 ? Que faudra-t-il depenser? Quelles seront les chances contraires ou favorables? C’est ce que je vais examiner, en prenant pour point de depart la situation de 1860; j’exposerai principalement les grandes idees sur lesquelles il importe d’asseoir la situation de 1881, et je terminerai en donnant quelques chiffres approximatifs du budget de Eannee dont je vais m’oceiiper. » to fl importera en 1861 de maintenir les ateliers qui fonctionnent cette annee. Peut-etre pourra-t-on accepter quelque nouvelle industrie, que les circons- tances nous suggereront, mais il faudra qu’elle soit de nature a ne pas entrainer beaucoup de depenses. Si tious maintenons nos industries, il sera necessaire de les ameliorer et deles developper, il faudra sans doute y introduire certaines innovations. 11 sera neces- i — 341 saire surtout de mieux procurer Jes matieres premieres, et ce point, nous le signalons comme capital. » Une chose que chaque atelier devrait executer est celle-ci: les ateliers existants, convaincus qu’ils sont la pour toujours, devraient se penetrer du but qu’ils se proposent, qui est d’etre utiles a la fondation, a Fexis- tence, a la prosperity de la Communaute, en s’organi- sant de rnaniere a gagner beaucoup, a travailler vitc, et a ne pas perdre un seul instant dans Fannee. Arriver a confectionner en grand, a faire de la confection, a tra¬ vailler en confection, tel est, sans contredit, Favenir des societes et de la Communaute en particulier. L ate- » lier qui y arrivera, autant que la situation et la nature de son travail le lui permettront, verra disparaitre du * •. * • sein de la Communaute toutes les plaintes et tous les tiraillements que son travail, autrement execute faisait naitre auparavant. » 2<>La Communaute devant rendre le travail de plus en plus attrayant et facile, il importera d’examiner en les combinant ces trois questions : » Doit-on diminuer les heures de travail , et, par exemple, doit-on les porter a 10 h. 1/2 au lieu de 11 heures? Doit-on continuer a faire les legumes comme par le passe , ou organiser un atelier , soit fixe , soil mobile? » Y a-t-il moyen et est-il temps de supprimer la corvee de la cuisine? » 3° L’utilite d’une ferine est vivement sentie parmi nous; mais en tenant compte du premier paiement a effectuer, des instruments et des animaux necessaires pour commencer laferme, on voit qu’il faut une grande quantite d’argent, qu'en 1861 il nous sera impossible 1 — 342 — de realiser. Quant a louer une ferme c’est une mauvaise speculation. Mais en 1862, nous serons en etat d’ache- ter un terrain et nous le ferons alors dans de bonnes conditions. Ajournons done encore, d’autant plus que les bras nous feraient defaut, que le peu de terrain que nous avons, employe au jardinage, sera productifet demandera assez de bras. » 4° En 1861, il va falloir s’occuper du point jusqu’ici trop neglige, le Commerce. Nos principes, disons-le, abolissent le commerce. En saisissant bien 1’idee de cette phrase v , nous resterons convaincus que, par nous, le commerce n’est pas aboli en ce qu'il a d’utile. Nous bous proposons d’abolir la fraude, la perte de temps, I’avarice et l’entassement des marchandises, e’est-a-dire les abus et les inconvenients du commerce. Mais le commerce, considere comme echange desproduits, doit etre encourage et pratique par nous. Sa connaissance et sa pratique peuvent memo etre d’un grand secours pour la Societe? Jusqu’ici on l’a trop neglige dans la Commu- naute, et cela a ete un mal, et un mal considerable. II taut commencer a le reparer, en nous mettant au cou- rant des principaux produits, que nous consommons, et des pays qui pourront nous les procurer. II faut connai- tre les denrees et les matieres premieres fournies par les marches de New-York, d’Angleterre, de France, de • Paris, de Rio-Janeiro, de Buenos-Ayres, etc. *, leur prix, les moyens et les prix de transport, non que cette con¬ naissance nous soit d’une grande utilite en 1861, mais plus tard, en 1862, 63, etc., lorsque la Communaute * -■ sera plus grande, toutes ces notions nous seront d’une plus grande utilite, nous seront meme indispensables pour procurer a Icarie le bien-etre et la prosperite desi- rabies. En 1861, nous'devons done commencer a nous familiariser avec la langue et les habitudes commer- i dales. * * ' ' Dans ce but, nous allons sous peu, et peut-£tre avant 1861, nous allons adresser une circulaire a tons nos correspondants. ; « 5° 11 est une circonstance qui gene beaucoup l’admi- jiistration et qui rejaillitsur tous les membres, c’estque « • l’-argent gagne par la Societe ne s’arrete jamais dans la * • caisse, et qu’il n’y entre que pour en ressortir afin d’a- cheter des matieres premieres, des provisions ou pour effectuer des paiements. Lorsqiril se presente un achat ouune depense imprevue, souvent e’est impossible. II en resulte une soulYrance. Pour eviter ce desagrement, non pour toutes choses et dans tous les cas, mais jusqu’a une certaine limite, il sera prudent d’etablir en 1861, une petite reserve pour faire face a ces cas imprevus. Cette reserve ne serait-t-elle que de 200 doll., de bons resultats pourront en decouler. » 6°En ce moment, eten 1861 encore, la Propagande sera aTordre du jour. La difficulty pour le moment de cette question delicate, se trouve en ceci: il s’agit d’or- ganiser la Propagande de maniere qu’elle soit moins improductive et qu’elle participe, du moins en partic, aux depenses qu’elle occasionne. Ce devoir qui incombe a la Propagande, et que nous lui avons rappele, a ren¬ contre des esprits et des coeurs troubles, et qui, au lieu de mettre de suite en pratique un moyen possible , ont examine, propose plusieurs moyens non encore en usage. Cette situation dependant de certaines circons- tances est un fait incontestable, qui doit nous faire voir que la question de la propagande demande du temps — 344 — pour etre examinee et resolue. Notre devoir est de com- prendre cet etat de choses, de bien fenvisager et de faccepter. Laissons done a la Propagande le temps de s’organiser; laissons-lui aussi les moyens pour cela. Nousdevions lui demander en 1861, 1000 doll. deplus r e’est-a-dire 5,000 doll.; demandons-lui en 1,000 de moins, e’est-a-dire 3,000 seulement, et laissons-lui 2,000 doll, pour faciliter certains departs, en nieme temps qu’elle organisera le moyen de diminuer les de- penses. Agir delasorte ce sera certainement fortifier la Propagande. » Ce qui lui fera beaucoup de bien aussi ce sera d’en- voyer tous les ans quelqu’un en France, qui y sejour- nerait quelques mois et qui reviendrait avec un depart. Les defenses de ce voyage seraient peu considerables, et le bien qui en resulterait serait grand. Notre opinion est que, des 1861, on commence ainsi a envoyer un membre de la Societe a Paris. Plus tard, il faudra en envoyer ailleurs qifen France; nousdevons, en un mot, organiser notre mission. » 7° La Societe devant realiser un bien-etre de plus en plus grand, quel sera celui amene en 1861? Yoici notre opinion. » Yetement : Depenser 300 doll, de plus, e’est-a-dire 600, a savoir : 400 en janvier et 200 en aout, etacheter surtout du linge, de maniere a donner au raccommo- dage, sinon le dernier coup, du moins un rude coup. » Logement: Donner des chaises et des tables, et peut-etre des armoires, ainsi que des lits en fer. » Nourriture: Etablir une cuisine au charbon, comme on en avait parle a fautomne dernier. Tacher d’etablir des fourneaux, de maniere a servir des plats plus petits* mais en plus grand nombre. Avoir continuellement une bonne boisson pour les ateliers. Nc pouvant pas encore instituer des repas particulars, que nos repas publics soient un peu mieux soignes. Commencer a faire certaines choses qui, sans couter beaucoup, font plaisir a chacun, comme confitures; conserves, patisseries, etc., de maniere a bien utiliser notre economie. > Divertissements : Faudra-t-il, en 1861, faire quel- que chose de plus pour le theatre? Faudra-t-il renouveler nos instruments de musique ? Ce sera a voir. » 8° Nous favons dit en plusieurs endroits, les ele¬ ments d’une grande colonie sont: une ou plusieurs fermes, une Colonie lointaine, des constructions mo- deles, un refectoire, une briqueterie, une brasserie, une ecole, un hotel des etrangers, les bains avec,une infir- merie et une maison de sante, de grands magasins, une maison a Saint-Louis, et la distribution de feau par la vapeur. Qu’est-ce que nous pourrons etablir en 1861 ? Examinons cette question sans nous illusionner, en combinantnos movens et ce que chacune de ces grandes entreprises coutera. II nous semble que les seules choses a etablir de ce programme seront la distribution des eaux et une construction pres la forge, sur le bord du chemin de fer, laquelle servira a des magasins et, en attendant, a des logements pour loger les nouveaux ar- rivants. Nous ajouteronsque, si quelqu’un voit le moyen d’allerplus vite et de faire plus en 1861, nous accepte- rons ce moyen avec toute fardeur possible. » Telssont, citoyennes et citoyens, les traits de la si¬ tuation en 1861. Nous avions declare, dans notre situa¬ tion de 1860, qu’en 1861, nous pourrions disposer de 6000 doll. Nous l’avons dit et nous le maintenons. Nous — 346 — sommes d’avis que nous consacrions 2000 doll, a l’a- grandissement de la Propagande. Quant aux 4000 doll, restant, void selon ce qui a £te dit, leur emploi en 1861 : Matieres premieres/ en plus.. 500 00 Provisions generales, en plus. 300 00 Vetements, en plus. 300 00 Constructions. 2100 00 Eau a la vapeur. 600 00 Avance. 200 00 Total egal. . . . doll. 4000 00 » Qu’on remarque un moment les avantages de 1’en¬ semble de cet expose en ce qu’il permet a tous les ate¬ liers qui ne seront pas occupes momentanement au dehors de travailler tres productivement pour la Com- munaute. En effet, on aura a faire, comme nous Tavons vu : bains a reparer, une grande construction, une nouvelle cuisine et un fourneau a charbon, de la pierre a extraire pour la cave de la construction, desbardeaux a faire, des chaises, des tables, des lits en fer, peut-etre des armoires, replacer la machine a vapeur et poser les conduits d’eau, et, en outre, on aura a finir la route, a reparer le pont, a embellir Tentree, a deplacer T atelier- des menuisiers, etc. II faut qu’on remarque que tous ces travaux sont utiles, sont indispensables. » Tel me semble devoir etre le plan a suivre en 1861. Cependant ce sont mes opinions personnelles seule— ment. II est vrai que j’ai tache de tout juger et d’orga- niser au point de vue denotre position. Mais, j’aurai pu me tromper. Aussi, il est bon que Tassemblee se pro¬ nonce sur cette situation. C’est pour qu’elle le fasse en connaissance de cause que je l’expose a Tavance. Au mois de septembrc ou d’octobre, je provoquerai des explications a cetegard. Ensuite, une fois que l* Assem¬ ble aura adopte une marche geilerale, chacun devra s’y soumettre. II ne sera plus question de discuter; on n’aura plus qu’une chose a faire : marcher et travailler. . ^ A ry rr < • a • #>§«<; r • i , T 7 fill f » Q1 ' •> 1 J [ ( . i ' . (Expose au cours da 24 juin 1860.) j •• > 11 * j u * ■■ ■ w .' : ' » B. Mercadier. » . ' t n ,. r ,, T • , 15 ‘ * ft s* * 1 y t k > ♦ ,»’k * !■* • k -4 1 /• 1 1 f** 1 * 1 . * f 4 1 4 1 v w ’ • ± ' firi* c iiO'A'n 1 La premiere et la plus forte impression que laisse la lecture de cet expose de la situation generate de la Societe est tout a fait satisfaisante. On voit que la So- eiete progresse et marche resolument vers sa destinee, c’est-a-dire vers son but. Ainsi le programme trace a la fin de 1859 pour Pexercice 1860 serait ponctuellement execute a la fin de cette annee, si les ressources que la Colonie attendait des Icariens du dehors se realisaient completement. Mais il est a craindre qu’une certaine partie de ces ressources ne puisse etre fournie et ne laisse un deficit dans le budget de P annee. “ On se rappelle que les recettes venant du dehors etaient portees, au budget de 1860, pour 4.000 dollars. Jusqu’au 15 septembre, nous n’avons pu envoyer que 2,155 dollars, dont 1980 doll, en traites, et 175 doll, en commissions, que nous avons payes ici pour compte de la Colonie. II nous reste done 1945 doll, a envoyer d’ici au 30 novembre prochain, pour completer les 4000 doll, que la Colonie nous a demandes pour 1860(1). . i! fS 1 1 i ^; *. I / V > r It ; t Ji . ’ * \ ; f (1) Nous disons d’ici au 30 novembre, parcc que, pour le bureau de Paris, l’exercice de l’annee commence au le r decembrc et Unit au 30 « novembre, pour que l’invenlaire puisse arriver a Cheltenham au l« r janvier. - 348 Pourrons-nous, en deux mois, envoyer cette somme de pres de 2000 dollars? Cela parait difficile, si nous ne devons compter que sur les ressources ordinaires de la souscription a l’emprunt. Je dis que que cela est diffi¬ cile. mais non que cela est impossible; car nos res¬ sources ont cela de facheux, c’est qu’elles sont incer- taines. . . /' a ; La colonie peut, h bien peu de chose pres , determi¬ ner surement ses propres ressources patce qu’elle a un personnel connu qui produira un travail qui peut etre determine a 1’avance. Mais il n’en est pas ainsi de la propagande, ou des Icariens du dehors, dont le nombre meme approximatif reste inconnu et dont la cooperation reste facultative et soumise a toutes les chances qui peuvent, dans l’individualisme , influer sur la volonte et sur les facultes de chacun. C’est cette incertitude qui nous a tant fait insister pour que les Icariens prennent, autant que possible, un moyen uniforme de souscrip¬ tion a l’emprunt, qui serait une somme fixe par jour ou par semaine. Un grand nombre de nos coreligion- naires se sont deja rallies a cette idee, mais nous sommes forces d’avouer qu il n’y a pas encore tout cet ensemble et cette unite que nous avions, j’ose le dire, le droit d’esperer de nos coreligionnaires. Un trop grand nombre se tiennent a l’ecart et attendent le succes pour venir a. notre aide; d’autres ont souscrit, mais ne paient pas assez regulierement le montant de leur souscription. Nous ne desesperons pas cependant de voir cette unite necessairc se former peu a peu. Nous savons qu’il faut du temps pour que chaque chose se produise reguliere¬ ment , et nous avons la patience que donne la certitude du succes. Nous regrettons vivement Tindifference qui — 349 — # peut le retarder, mais nous ne voulons cependant en accuser personne. Chacun de nos coreligionnaires a un ami pour le conseiller, un juge pour le juger, sa con¬ science , c’est a cette amie que nous le renvoyons pour qu’il lui demande ce qu’il doit faire pour le triomphe de* l’idee dont depend le Bonheur de l’humanite : C’est a ce juge qu’ii doit demander s’il a accompli son devoir en- vers ses freres et envers lui-meme. Notre mission se borne, a indiquer a nos freres le moyen de remplir leur devoir d'lcarien, a eux d’en determiner l’etendue, et Timportance morale qu’ils v attachent: C’est dans de semblables questions que le libre arbilre, que la liberty individnelle doit se manifester, chacun etant appele a s’estimer a sa propre valeur. Notre societe suit son cours et son developpement regulier a Cheltenham ; il en sera de meme pour toute la famille icarienne disseminee au dehors ; a mesure que l’Unite se formera davantage dans le sein de la Co- lonie, elle se formera egalement au dehors, et nous arri- verons bien certainement a cette complete communion d’idees et d’actions qui constitue la puissance d’uno ecole. Mais nous n’y arriverons qu‘a l’aide d’une puis- sance de volonte qui nous determine tous a agir dans le meme sens. Ce serait une grave erreur de croire que les choses necessaires arrivent d’elles-memes. La Doc¬ trine de la Fraiernite humaine existe sans doute inde- pendamment de la volonte des hommes ; mais ce n’est que par leur volonte qu’elle peut passer en fait dans la pratique et servir de base a leur organisation sociale et a toutes leurs institutions. Qu’on ne s’etonne done point des efforts que nous sornmes obliges de faire pour organiser une societe qui — 350 realise les vceux cle la nature, et qui fasse entrer dans la . pratique de la vie sociale, les preceptes qui out servi de base aux grands legislateurs des peuples. Depuis que l’Humanite se connait, elle a proelame, par Forgane de ses principaux interpretes , le Dogme de FUnite et de la Fraternite humaine. Et cependant les soeietes qui cou- vrent notre globe paraissent loin , pour la plupart, de Favoir realise dans leurs institutions. Serait-ce done qu’il est impossible de realiser un ordre de ehoses pour lequel l’homme a ete cree ? Une telle proposition serait non moins absurde que d’afilrmer qu’il est impossible de faire rouler une boule , cela se dit cependant, mais cela ne prouve que la faiblesse de l’esprit humain et les egarements dont il est susceptible. L'entreprise lcarienne, tant calomniee depuis son debut, dont cent fois deja on a annonce la ruine, sub- siste cependant, se developpe et grandit, grace aux efforts perseverants d’un petit nombre d’hommes de- voues, dont rien n’a pu faire faiblir le courage, et qui sont toujours prets pour de nouveaux sacrifices. Mais, plus ils sont devoues, plus nous devons rechercher les moyens d’alleger les charges qui pesent sur eux. Et s’il ne nous est pas possible de leur fournir la samme qu’ils nous avaient demandee, a Faide de nos ressources ordinaires, il faudra la leur fournir a Faide de ressources extraordinaires dont nous allons parler. Avant, je veux dire pourquoi nous nous sommes trouves dans Fimpos- sibilite de fournir toute la somme demandee par la Colonie. Nous avons deja dit que la souscription a Femprunt icarien ne s’etait pas organisee aussi promptement qu’il eut ete desirable, mais il y a une autre circonstance y — 351 — non moins decisive, c’est que les meinbres cles deux departs qui se sont effectues dans l’annee, n’avaient pas d’apport ou l’avaient verse depuis longtemps. De telle sorte que nous n’avons rien regu d’eux , et que nous avons, au contraire, ete dans la necessite de rembour- ser, tant aux partants qu’a d’autres personnes, une somme de 6,500 francs environ, soit 1,200 dollars. Oil eomprend que si nous avions envoyc cette somme a Cheltenham la position de la Colonie s’en serait trouvee ^ensiblement am^lioree; mais c’est une des consequen¬ ces de notre situation apres les evenements de Nauvoo. Chacun alors est venu au secours de la Colonie, et les obligations qu’elle a contractees pesent sur sa situation presente d’une maniere assez sensible, sans que nous puissionsle regretter, puisque c’est grace a ces avances que nous avons pu, en quelques annees, reconstituer la Colonie. i.-‘ voit, par les donnees generates presentees a la Societe par son President, qu’elle est disposee a tenir compte de cet etat de choses, en reduisant a 3,000 dol¬ lars le chiffre du concours qu’elle demandera,. en 1861, aux Icariens du dehors. i\ous croyons que ce chiffre sera facilement atteint, grace au developpement de notre propaganda. Nous entrerons alors dans une situa¬ tion normale qui nous permettra de ne plus anticiper •sur les ressources de l’avenir. En attendant, comme nous nous trouvons encore dans une situation excep- tionnelle, il faut, pour y faire face, presenter des moyens exceptionnels et, pour ainsi dire, de salut pu¬ blic. En consequence, nous proposons a nos co-reli- gionnaires une so u sc rip ti on extraordinaire pour couvrir - 352 — ie deficit que nous auronsdans la somme afournir a la Colonie en 1860. SOUSCRIPTION EXTRAORDINAIRE. Dernierement nous proposions a nos co-religionnai- res de faire tous les ans, au mois d’octobre et de novembre, une souscription dont le produit servirait aux frais de voyage d’icariens meritants et utiles, qui n’au- raient pas la possibility de pourvoir eux-memes a ces depenses. L’unanime approbation qui a accueilli cette proposition, nous a prouvc combien elle etait sympa- thique a tout le monde. Cependant nous proposons d’en ajourner Y execution a l’annee prochaine pour ne pas diviser nos efforts et nos ressources , afin de les con- centrer au contraire dans la souscription extraordinaire que nous proposons. On sait que depuis longtemps, nous cherchons a supprimer toutes les souscriptions autres que celle de Femprunt, sur lequel nous tendons de plus en plus a concentrer toutes les ressources financieres de l’ecole icarienne. Nous pourrions done nous burner a solliciter nos amis a faire de nouveaux efforts pour souscrire a Femprunt; mais le mode de remboursement a des epoqueseloignees et indeterminees est un obstacle pour ceux qui out besoin de rentrer dans leurs fonds a une epoque determinee et plus rapprochee. Nous voulons leur offrir cet avantage. En consequence, nous ouvrirons une souscription, a titre de compte courant, remboursa- ble a un an de la date du versement, avec interet i a 5 p. o/ 0 . Cette souscription sera ouverte, a partir du l er octo- bre jusqu’au 30 novembre. Toutes les sommes qai se- ront pretees devront done etre remboursees du l er oc- tobreau 30 novembre 1861. 11 est bien entendu que cette souscription extraodi— naire ne doit, en aucune facon, modifier la souscription a 5 centimes, ni empecher les autres souscriptions a l’emprunt; que nos co-religionnaires comprennent bien que nous leur demandons ici des ressources extraordi- naires pour un temps determine seulement. Les souscriptions en compte courant, seront recues depuis la somme de 5 francs, dont il sera delivre un recu. «* mm • « • | ' CONSEILS AUX PARTANTS. , « . t , *» Dans le commencement de Femigration icarienne, en 1848, les admissions se faisaient en France par une commission d’lcariens choisie a cet effet. L’Administra- tion de la Societe organisait elle-meme les departs, en n’y admettant que ceux qui avaient ete recus membres de la Societe. Depuis 1848, les admissions dans la Societe ou dans la Colonie ne sont plus faites qu’en Amerique , et les departs se sont effectues aux risques et perils des par— tants, sans intervention de la part de FAdministration de la Colonie. Cependant, dans le but d’etre utile aux partants et de leur eviterles peines etles desagrements qu’on eprouve toujours quand on s’occupe d’une chose pour la premiere fois, le Bureau de Paris s’etait employe plus ou moins activement des departs qui s’effectuerent de1852 a 1855. Au commencement de 1856, M. le Ministre de Finte- rieur, jugeant que le decret imperial sur la police de — 354 — remigration nous etait applicable, nous fit defense d’in- tervenir dans ^organisation des departs d’emigrants, avant d’avoir obtenu Fautorisation et fourni le caution- nement de 15 a 50,000 francs exige par le decret, pour toute personne exercant le commerce ou la profession de recruter et de transporter des emigrants. Comme nous ne voulions entreprendre ni le recrutement, ni le transport d’emigrants, et que notre intervention dans l’organisation des departs des Icariens etait tout ami- cale et toute desinteressee, nous nous abstinmes de sol- liciter une automation et de verser un cautionnement, et nous cessames de nous occuper des departs de nos co-religionaires, qui durent se tirer d’affaire de leur * mieux. Cette situation n’a pas ete sans inconvenient pour nous; car, nos co-religionnaires ignorant a la fois, et le decret sur Immigration et la defense qui nous avait ete faite, s’etonnaient de notre passivite en presence de leurs embarras, et quelques-uns se sont plaints tout haut de notre manque de fraternite et de devouement, d’autres ont eu a part eux la meme pensee qu’un sen¬ timent plus affectueux les a empeches d’exprimer. , Quoi qu’il en soit, nous sommes toujours dans la meme situation, c’est-a-dire dans Fimpossibilite de nous occuper de Forganisation du depart de ceux qui veulent se rendre a la Colonie Icarienne. Nous devons nous borner a leur donner les avis et les conseils que nous dicte Fexperience acquise par ceux qui les ont devances, et nous croyons qu’en lisant attentivement et en sui- vant aussi rigoureusement que possible ces conseils, ils effectueront leur voyage sans trop de difiiculte et aussi economiquement que possible. D’abord, avant tout, celui qui veut aller a la Colonie 355 — lcarienne pour s’y faire admettre doit bien connaitre la Doctrine lcarienne, et doit l’avoir etudiee en lisant les ouvrages du cit. Cabet, principalement le Voyage en Icarie et le Vrui Christianisine , dont il lui est utile \ d’avoir et d’emporter un exemplaire. <*■ (i 11 doit bien connaitre aussi les lois et les reglements de la Colonie auxquels il sera tenu de se soumettre uhe fois admis. 11 devra surtout bien connaitre le but de la ♦j 1 »- J 1 •* JJ v * -* f rT w • Colonie et les qualites que chaque citoyen on citovenne doit avoir pour concourir utilement a sa fondation. A ceteffet, il devra lire avpc soin le Compte-rendu de 1855, par le cit. Cabet, et bien reflechir sur cliacune [ - des conditions d’admission qui v sont developpees, puis les autres brochures qui contiennent les lois et les re- glements en vigueur dans la Colonie. Nous ne saurions trop insister sur ce point; car, c’est pour ceux qui par- tent une question d’interet et de probite. D’interfit, f ' i l 1 I f * I | Pi U ’ll ' y I y i / 1 * , 1 4 | | U J Ci || parce qu’ils vont depenser leur temps et leur argent dans un voyage fatigant, qu’iis ne doivent raisonnable- r K ment entreprendre qu’avec une resolution bien arretee liV-iil f Pi i j [J M J. j qui ne peut etre que la consequence d’une conviction formee par Tetude ; de probite, parce que celui ou celle t t < j* * « . » f i . •' i qui part pour la Colonie sans avoir les qualites neces- saires pour y vivre, nous cause un prejudice a la fois moral et materiel, a nous qui ne lui avons fait aucun tort, et qui ne lui demandons que de ne pas venir avec nous s’il ne partage pas nos idees et notre maniere de voir. ; •: j ■ ; i Ces preleminaires bien etablis, une fois que l’lcarien 4 consulte sa conscience pour s’assurer qu’il est apte a concourir en personne a la fondation d’lcarie, il doit: z 1° donner avisau correspondant de la colonie a Paris / — 356 — de rintention qu’il a de partir et de l’epoque a iaquelle il pense le faire, et en dormant les noms, prenoms, ages et professions de tons les membres de la famille avec Iaquelle il doit partir. 2<> Se preparer autant que possible de trois a quatre mois avant 1’epoque du depart, pour realiser la somme necessaire pour le voyage, 280 a 300 f. par personae, plus, 300 fr. pour l’apport a verser a la colonie, si on n’en a pas ete dispense par une automation de TAssemblee generate conformement a l’article 7 de la loi sur les preleminaires de l’admission. Pour regler, liquider, vendre et realiser toutes ses affaires, en prenant si on en a besoin l’avis du corres- pondant de la colonie a Paris ; acheter et preparer son trousseau, sesmalles etc., reunir lestitres etles papiers de famille dont onpourra avoir besoin par la suite. 3° Si on se trouve plusieurs Icariens dans la meme ville, devant partir a la meme epoque, il est tres important de se voir souvent afin de se bien connaitre et de commencer a s’habituer a la vie sociale et com¬ mune. 4<> Vingt a trente jours avant le depart du pays qu’on habite, il faut se munir d’un passe-port pour la Nouvelle- Orleans, ou simplement pour les Etats-Unis, sans desi¬ gnation de ville. Pour obtenir un tel passe-port, il faut a un ouvrier travaillant pour un patron : son livret signe par le patron pour lequel il travaille, et vise par le Commissaire de Police ou par le Maire : ou a defaut de livret, un certificat du patron constatant qu’on est libere de tout engagement avec lui; ce certificat doit etre vise comme — 357 — . . . ' * » * 1 I i le livret. Si celui qui demande un passe-port est celiba- taire, il doit produire son certificat de liberation du service militaire; s’il est marie, son contrat de mariage et les actes de naissance de ses enfants. Le mari, la femme et les enfants doivent etre portes sur le meme passe-port. Ceux qui amenent avec eux des mineurs autres que leurs enfants doivent avoir une autorisation des parents ou du tuteur. Ces autorisations doivent etre ecrites sur papier timbre et legalisees par le Maire de la commune ou resident les parents ou le tuteur. Le mineur ainsi autorise sera porte sur le meme passe-port que celui qui Temmene. Muni de toutes les pieces qui son! necessaires, on ira accompagne de deux temoins patentes, ? chez le Commis- saire de police ou a la mairie dc son pays pour se faire delivrer un certificat sur lequel sera delivre le passe-port a la Prefecture du departement. > . ) , • PLACE. — VIVRES. 5° C'est aussi le moment de penser a louer sa place sur le navire. II faut, pour cela, vous adresser aun agent d’emigra- tion a Paris ou au Havre, ou mieux dans ces deux villes a la fois, afln de vous assurer ou vous pourrez avoir les meilleures conditions. . On peut louer sa place en se reservant de s’approvi- sionner soi-meme des vivres necessaires pour la tra- versee , ou bien faire marche en meme temps pour la place sur le navire et pour les vivres. Nous croyons qu’il vaut mieux faire marche pour la place et les vi¬ vres tout a la fois. Si on n'y a pas d’avantages sous le % rapport de 1’economie, on aura moins d’embarras et d’ennui que si on est oblige de chercher ailleurs les provisions (1). .. tr • r . ' r . , r • ^ ^ l $ ' *1 (' r • i ' j-, s | ' .» ^ ‘ BAGAGE. — EXPEDITION. • r , « ' - -• 1 r c n <*•* n > 1 Tk ' r 6° Dans le meme temps, il faut s’informer a la gare du cliemin de fer ou au roulage, combien on demande de temps pour transporter les bagages au Havre par petite vitesse. On se guidera.ensuite sur le temps de- f . i w\ 1 *|* q V■ * 'r t f ’ 7 rpi py f i i*i mande pour exp£dier les bagages de facon qu’ils soient rendus bureau restant au Havre, trois ou quatre jours avant celui qui est fixe pour le depart du navire. Si on a lou6 sa place sur le navire, on adressera son bagage directement a Parmateur. II faut expedier par cette voie la plus forte partie de son bagage , de facon a ne conserver avec soi que les trente kilog. que les Compagnies des chemins de fer accordent a chaque voyageur. Si on neglige cette pre¬ caution, on depensera beaucoup d’argentpour le trans¬ port des bagages a grande vitesse. : . • > :j( ^ ; u 7° Le choix des malles et Pemballage des effets (1) Void la nature et la quantite de vivres que doit embarquer chaque emigrant de dix ans et au-dessus, allant a la Nouvelle-Orl6ans; les enfants de un a dix ans n’ont que demi-provisions. Les enfants au-des- sous d*un an ne paient ni vivres ni place. Biscuits. Pommes de terre Farine. Riz. Legumes secs . , Viande fumee . . Beurre. Sucre . . Y . . Cafe. Sel. Vinaigre . . . 36 livres. 88 » 12 » 8 » 8 » 17 » 3 31/2 » 21/2 * 2 » 2 litres. — 359 — sont deux clioses ires importances et qui meritent tous les soins : les malles doivent etre de forme plate; cons- truites solidement; mais en bois blanc ou en sapin pour qu’elles soient legeres. Elies doivent avoir un me¬ tre a un metre dix cent, de long sur cinquante a cin- quante-cinq centimetres de large, et trente-cinq a trente- huit centimetres de haut. II faut avoir soin de bien arranger ses effets dans ses malles et surtout de les bien emplir, pour que tout reste en place et ne se deteriore pas pendant un voyage de deux mois. II faut avoir soin de ne pas faire de mal¬ les qui soient trop pesantes, parce qu’elles sont dans ce cas, beaucoup plus cxposees a etre brisees, etant plus difficiles a manier pour les chargements et decbarge- ments. Par exemple; une caisse de la dimension que nous venons de donner qui serait remplie de linge, serait trop lourde, il faut assort!r son trousseau de facon a ce que les malles se trouvent toutes a peu pres du meme poids. 8° 11 est tres essentiel en faisant chaque malle de prendre note de ce qu’on y renferme, de laisser dans chaque malle, le double de la note des objeis qu’elle contient et d’en conserver une dans son portefeuille.' Cette note sert pour la verification du trousseau en arrivant a la colonie, et pour trouver soi-meme les objets dont on peut avoir besoin, sans etre oblige de rechercher dans plusieurs malles ; mais elle sert surtout dans le cas ou une malle se trouve egaree, pour la reclamer et prouver la propriety des objets qui sont dedans. 9° Les malles faites, avant de les expedier, il faut avoir soin de les attacher fortement aux deux bouts, avec une bonne corde, qu’on passera aussi dans le sens — 360 - dela longueur, si on prend cette precaution on evitera, en cas d’accident que les objets sortentdela malle et se perdent. 10° II est indispensable de regler toutes ses affaires, La commission des vivres et de la cuisine aura — 371 pour mission : \o la surveillance et les soins necessai- res pour la conservation des vivres de toutes natures; 2<> de preparer les aliments pour chaque repas confor- mement aux dispositions qui auront ete arretees en commun; 3° Forganisation des repas. La suveillance des.vivres est tres essentielle si on veut les conserver Lons pendant toute la traversee, et pour cela les soins qu’pn aurait pris de les embarquer de bonne qualite lie sufliraient pas si on les abandonnait a eux-memes une fois sur le navire. L’emmagasinage ou le placement a Lord, demande une grande attention; tous les objets qui sont secs, tels que les biscuits, le riz, les haricots, etc., doivent etre places dans un endroit sec et isole des provisions qui contiennent une certaine liumidite, telles que: les pommes de terre, oignons, carottes, etc., parce que, Fhumidite qui se degage de ces derniers, provoqueraic la moisissure qui gaterait promptement les premiers. Les legumes frais; choux, carottes etc., se consomment assez promptement, parce qu’on ne pourrait les con- server, mais les pommes de terre et les oignons se conservent mieux si on en a soin. Pour cela, apres la premiere quinzaine du voyage, il faut les visiter deux fois par semaine pour oter les germes qui se develop- pent des qu’on arrive dans les regions chaudes, et pour en retirer les gates qu’il pourrait y avoir dans les sacs. Le bceuf sale et les jambons qui composent les pro¬ visions de viande doivent aussi etre visites souvent, chaque fois qu’on en prend pour faire cuire, il faut tout voir pour consommer d’ conserver moins bien. • \ J1 y a, a bord dc chaque navi — 372 — de fairecuire les aliments des passagers, mais pour les emigrants, ils doivent preparer eux-memes les vivres qu’ils veulent eonsommer pour cbaque repas, et les por¬ ter au cuisinier dans une marmite ou casserole, avec tout rassaisonnement voulu, le r61e du cuisinier se bor- nant exclusivement alacuisson. On fera meme bien (le s’entendre avec lui pour se charger de ce soin, on s’en trouvera bien, s’il y consent. Dans tous les cas, it faudra toujours eplucherles legumes, preparer les vian- des, assaisonner , etc. Tout cela doit etre fait a temps pour que les repas se fassent toujours aux memes heu- res, autant que ce sera possible toutefois, car le temps ne permet pas la meme regularity qua terre. Le service des repas doit etre organise avec tout le soin possible , pour que chacun puisse manger avec toute la commodity que comporte la situation. Pour tout ce qui regarde le boire et le manger, la proprete doit etre consideree comme la chose essentielle, on prendra done a cet egard toutes les dispositions pour satisfaire tout le monde. Le lavage et l’entretien de la vaisselle de table et de cuisine doit etre l’objet d’un soin particulier. 28° La Commission chargee de la surveillance, etc., n’aura pas des fonc-tions moins importantes a remplir. La premiere et la plus importante, ce sera la proprete a laquelle il faut apporter les soins les plus minutieux. Qu’on ne Foublie pas, e’est, surtout abord d’un navire, pendant une longue traversee , une question de sante aussi bien morale que physique. On devra convenir d'une heure a laquelle tout le monde devra etre leve, les malades exceptes; tousles lits faits et le balayage termine. Apres chaque repas, le — 573 — * * * balayage sera recommence, et on ne laissera jamais sejourner aucune ordure, epluchures de legumes ou autres. Une fois que les premieres indispositions occasionnees par le mal de mer seront passees, on devra organiser l’instruction et les divertissements. L’instruction ne pourra etre autre chose que la lecture en commun des ouvrages contenant la doctrine icarienne, et Texameri. des conditions d'admission dans la colonie. Comme le but du voyage est de se vouer a la fondation d’Icarie, il importe que chacun examine bien et la doctrine et les reglements qu on va accepter et jurer d’observer en entrant dans la colonie. La lecture en commun de ces reglements que chacun pourra commenter a haute voix sera d!une grande utilite a tous. Les amusements ne peuvent guere etre que des chants, des fables ou des morceaux de poesies recites, par des * enfants ou des grandes personnes. D’ailleurs, chacun pourra proposer les divertissements en rapport avec la situation etavec les idees qui animent les partants. La surveillance a rapport: auxbagages pour que rien ne s’egare ; aux grandes personnes pour que la conve- nance, l’ordre et la Fraternite soient observers entre tous ; aux enfants pour qu’il ne leur arrive aucun acci¬ dent. II faut avoir soin qu’aucun enfant ne s’eloigne de la place occupee par les Icariens ou ne monte sur le pont sans etre accompagne et surveille par une grande personne. i ’ tf t * i • ». f , * , r . ' j SOIXS AUX MALADES. v ddiio i obi.* ’filin’ ■ rna’atc. ilm ’rj'jop »d > * *^i * •’ 11 . 29o II faut en charger les personnes qui sont les plus aptes a donner ces soins ; mais chacun doit s’y preter au besoin. § RAPPORTS A\EC LES ETRANGERS. 30° Les rapports avec les autres passagers doivent etre aussi restreints que possible. D’abord les Icariens se trouvant reunis pour faire le voyage ensemble, tor¬ ment deja entre eux une veritable famille ou ils peuvent trouver une ample satisfaction aux sentiments affec- tueux dont ils sont doues. Ils sont deja unis par les memes idees, les memes esperances, les memes interets; ils doivent tout faire pour que l’amitie et l’amour fra- ternel viennent resserrer les liens qui les unissent. C’est alors seulement qu’ils formeront une veritable famille de freres et qu’ils commenceront a gouter le vrai bonheur qui consiste a aimer et a se sentir aime. Si ceux qui voyagent ensembles sont vraiment animes de cet esprit icarien, ils sentiront que c’est dans les moments difficiles, comme pendant un long voyage en mer qne doit surtout se concentrer l’affection mutuelle de vrais amis; ils s’aimeront davantage parce qu’ils supportent encommun les memes privations, les memes genes, les memes ennuis. Aucun d’eux ne pensera a se lier avec des etrangers, qui n’ont ni les memes idees ni les memes sentiments que lui, dont il ne eonnait ni la moralite ni le caractere. Cependant, l’lcarien ne doit pas se montrar a bord du navire, moins bienveillant pour ceux qui ne partagent pas ses idees, que partout ailleurs; il doit se rappeler en toute circonstance que tout homme est son frere en humanite et toujours agir conformement a cette double maxime: Ne fats pas a autrui ce que tu ne voudrais — 375 - pas qiCil tefit : fais aux autres ce que lu voudrais quit te fissent. Si on observe ces maximes envers les passagers qui se trouvent sur le navire, on sera bienvcillant, fraternel avec eux : on leur rendra tous les services dont ils pourront avoir besoin; inais on ne les admettra pas au sein de la famille Icarienne; parce qu’on ne les connait pas, et que n’ayant pas les memes idees que nous, ils i ne peuvent avoir du plaisir a nous frequenter, mais seu- lenient un interet qui peut nous etre contraire. Par les memes raisons, on n ira pas les frequenter chez eux, parce qu’il faudrait pour cela abandonner nos soeurs ct nos freres qui, pendant ce temps peuvent avoir besoin de nous. t Les relations avec les gens de l’equipage, lesofficiers et le capitainedoivent se regler d’apres les memes prin~ cipes. v ' '«V • v i ■ «• , •**,.? j '• ,» ' i. i ' ARK11EE EX AMEP.IQUE. PRECAUTIONS ESSEN TIELLES. 31° En entrant dans le golfe du Mexique, il faut ta- cher d’obfenir du gardien de la cale ou du capitaine, qu’il laisse retirer de la rale tout ce qui s’y trouve, et placer dans l’entrepont, de manie-re que les agents de la douane qui se presentent quelquefois des l’entree. dans le Mississipi, puissent tout visiter sans qu’on soit oblige d’attendre ou d’allera la douane. Cette precau¬ tion est de la derniereimportance; faute de la prendre, on peut etre retenu plusieurs jours a la Nouvelle-Or- leans, ce qui occasionne des frais oudes inconvenient^ ^ . I 4 * , ' , enormes. V \ — 376 — II ne faut point emporter de marchandises neuves pour etre vendues, parce que cela cause trop d’embar- ras. — Si, par liasard, on en emporte, il faut les decla’ rer a la douane, et preparer la somme necessaire pour payer les droits, autrement on s’exposerait a etre decou- vert, saisi, condamne a Famende, retarde, entrave, en compromettant toute la Societe, et en l’exposant a de tres grands inconvenients. S’il y a des objels destines a la consommation de la Societe, il ne faut pas les mettre ensemble dans une meme caisse , parce que la douane pourrait pretendre qu’ils sont destines au commerce, et qu’ils doivent payer le droit. 11 faut les dissembler dans les malles de ceux qui doivent certainement venir a Cheltenham, en pre- nant la note de ce qu’on remet a chacun. v ■ % , En arrivant a la Nouvelle-Orleans, il v a un droit de 7 fr. 50 c. par personne a payer a l’hospice ; mais cette somme doit etre payee par le capitaine sur le prix qu’il a recu pour le passage; les passagers n’ont rien a payer ni pour cela, ni pour autre chose. Les Icariens feront bien de ne pas quitter le navire. Tous les voyageurs ont le droit d’y coucher trois nuits. Mais le Directeur du depart ira de suite a la poste res- tante prendre les lettres qui lui auront ete adressees, soit de Paris , soit de Cheltenham, dans lesquelles il pourra trouverdes avisou des recommandations utiles. On devra s’occuper ensuite, immediatement, de trouver un bateau a vapeur en partance pour Saint-Louis, pour v prendre passage. Puis, on ecrira a Cheltenham et a Paris, pour annoncer Farrivee et le jour du depart pour Saint-Louis. — 377 — VOYAGE SUR LE MISSISSIPI. 32° ll faut bien faire les conventions avec le capitaine a la Nouvelle-Orleans, pour le prix des places a 1’entre- pont, pour le prix des bagages. II faut tacher de ne rien payer ou de traiter pour les bagages en masse, sans les peser, pour une somme totale de. S’il ne veut pas, il faut faire peser tors de Tembarquement, pour que le pesage ne retarde pas ensuite, et ne fasse pas de dif- ficultes; payer de suite et s’en faire donner un recu. 11 faut obtenir surtout que le bateau vienne se placer a cote du navire, pour que le bagage puisse etre trans- borde : c’est-a-dirc transports directement du navire sur le bateau, sans etre d’abord debarque sur terre, afm d'eviter beaucoup de frais. Si on manque de vivres, on peut prendre a la Nou¬ velle-Orleans ceux dont on a besoin, surtout du pain frais et de la viande fraiche, en conservant d’ailleurs tout ce qui reste. La meme organisation , le meme ordre qui ont pre- side au voyage sur mer, continueront a etre observes sur le Mississipi. On redoublera de surveillance pour les bagages, tant a la Nouvelle-Orleans que sur le Mis¬ sissipi, car les volsy sont tres frequents. En arrivant a Saint-Louis , on trouvera un membre de la Colonie qui conduira le depart a Cheltenham. A la Nouvelle-Orleans et a Saint-Louis , on rencontre assez souvent d’anciens membres de la Colonie, devenus dissidents, etquise donnent la mission de nuire, autant qu’il est en eux de le faire, a la cause qu’ils ont deser- tee/ Contrer leurs 'inensonges et leurs calomnies nous n’avons qu’une chose a repondre : c’est qu’on ne s’en I — 378 — rapporte ni a eux, ni a nous; mais qu’on ait le courage (le voir par soi-m6me, et de ne point se laisser arreter par la peur qu’ils cherchent a faire naitre dans les esprits. Notre tciche est terminee, et nous croyons que ceux de nos co-religionnaires qui voudraient suivre nos con- seils et qui le feraient avec intelligence s’eix trouveraient bien; nous croyons qu'ils pourront eviterla plus grande somme des embarras que cdmporte un tel voyage; mais nous leur repetons encore; le moyen le plus efficace pour se garantir de tous les maux , c’est la pratique de la FRATERNITE, C’EST L’aMOUR DU PROCHAIN. TROUSSEAU. Aujourd’hui, nous publions le trousseau. Nous ne le ferons preceder que d’une seule remarque: c’est que, pour faciliter les departs, on a diminue plusieurs des articles de I’ancien trousseau. Le nouveau est moindre. ce n’est pas dire, par la, que les partants ne doivent pas avoir un bon trousseau, un trousseau dont tous les objets doivent durer au moins une annee; mais il n’en est pas moins vrai que les articles du trousseau ont ete un peu diminues. On doit voir dans cette diminution du trousseau, la continuation du systeme qui conduit la colonie a faciliter, de plus en plus, aux bons Icariens leur entree dans la Colonie. TROUSSEAU LEGAL POUR LA COMMUNAUTE ICARIENNE DE CHELTENHAM. Couches Langes . nourrisson (jusqu’a 2 ans.) Linge. Piquets. Chemises-brassieres Chemises . . . . a 4 4 379 — * Vetements. Brassieres. Jupons de couleur. do blancs. Robes ou blouses. Fichus. . *. Bavettes. Tabliers de couleur . . . . d° blancs. Manteau ou pelisse. Paires de bas de laine .... do coton. Bonnets ou beguins. Capuclies d’ete. Gants ou mitaines. 4 4 2 6 4 6 4 2 1 4 4 4 2 1 Chaussure. Paire de chaussons. Paire de souliers. Literie. Paillasses. Paires de draps. Oreiller. Taies d’oreiller. Couverture 1} 2 couvertures Edredon 1 ( ou Moustiquaire. Rideau de lit. Toilette et sante. Brosse a cheveux. Eponges. t » 2 2 1 1 2 t 1 1 2 GARgoN. — petite ecole (de 2 a 6 ans.) Linge. Chemises.6 Mouchoirs.6 Yetc merit Calegons . . ..3 Pantaions d’ete. 3 d°. hiver.2 Paletots d’ete.3 d° d’hiver.2 Cravates.3 Manteau a capuchon .... 1 Paires bas de laine.3 d° coton .4 Mouffles ou gants. ..... 1 Coiffure . Casquette d’hiver.2 Chapeau de paille.2 Chaussure. | c . 1 i ( . Paires de souliers.2 Paires de sabots. t do de chaussons . . 1 < . Literie. Matelas. . . Paillasse. Oreiller. Taies d’oreiller. ...... Paires de draps de lit. . . . Courerture1j « , Edredon lj ou 1 ““'enures Moustiquaire. .. t 1 1 2 2 t Toilette et sante. m * 1 ft ^i .. /• jr.i! Eponge. 1 Brosse a cheveux.f Peigne fin.1 Demeloir.1 fille. —petite ecole (de 2 a 6 ans.) Linge . Chemises.6 Mouchoirs. ..6 Vetement. Pantalons. ..4 Jupons couleur.4 a* blancs . ..2 Robes d’hiver . ..3 • • r ► • • do d’ele.3 Tabliers de couleur.3 d° blancs. 1 Fichus.. . 4 Manteau a capuchon .... 1 Paires de bas de laine .... 3 Paires bas de coton.4 Paire de gants .. t \ i — 380 — Coiffure. Capuches d’ete.2 d° d’hiver.1 Chapeau de paille.1 Chaussure. Paires brodequins de cuir. . 2 Paire sabots. ....... 1 d° chaussons .... 1 Lit eric. Matelas.1 Paillasse.1 GARMON. — GRANDE E Linge. Chemises. ;.6 Mouchoirs.. 6 Serviettes ou essuie-mains . . 6 Vetement. Calegons.3 Pantalons d’hiver.2 Pantalons dete .3 Gilets de coton. 3 Paletots d’hiver ...... 2 d* d’ete.. . . . . . . . 3 Cravates . . ..4 Paires de bas de laine .... 3 do de coton.4 Paire de Mouffles ou gants . . 1 Ceinture en cuir ...... 1 Coiffure. Chapeau de feutre.1 d° de paille.1 Casquette ..1 . . Chaussure. Paires de souliers.2 Paires de sabots.1 do Chaussons.1 Oreiller. 1 Taies d’oreiller.2 Paires de draps de lit. ... 2 Edredon l [ ou 2 overtures Moustiquaire. i Toilette et sante. Eponge./ Brosse a cheveux.1 Peigne fin.1 Demeloir.1 ( de 6 a 16 ans. ) Literie Matelas.I Paillasse ... . 1 Couverturei > „ . Edredon l) ou couveriures. Moustiquaire.1 Paires de draps de lit. . . . 2 Oreiller.1 Taies d’oreiller.3 Toilette et sante. Eponge. 1 Brosse a habits.1 do a chaussures. . . 3 d° a cheveux. ... 1 d° a dents ..... 1 Peigne fin.1 Demeloir.. . 1 Divers . Pour ecrire. Cuvette.1 Pot a eau.1 Vase de nuit.t Glace.I fille. — grande ecole ( de 6 a 16 ans.) Linge. Chemises . ... . 8 Mouchoirs.. 8 Serviettes ou essuie-mains . . 6 Yetement. Pantajons .4 Jupons blancs . •d° • d’hiver. Robes d’hiver. d® d’ete. Tabliers.. Gilets coton. Cols unis . . .. ✓ t **♦< cc ^ w Paires de bas de laine .... 3 d<> de colon.6 Manteau. . . . !.I Garits ou mitaines..1 Coiffure. "Capuches d’ele.2 Gap. deliver ou bonnet laine. 1 Bonnets de nuit.6 Chap«u de paille.1 Chaussure. Brodequins en cuir ..... 2 Souliers d’ete.2 Pantoufles de voyage.1 Sabots.1 Chaussons.1 Liter ie. Matelas.1 Paillasse.1 Moustiquaire.1 Paires de draps de lits. ... 2 Oreiller..^ . . I Taies d’oreiller.3 Toilette et sante . Eponge... . 1 Brosses a habits.1 d° chaussures. . . * 3 d° cheveux. < . . . 1 d° dents.1 Peigne fin.1 D^meloir. 1 Divers. Glace. . ..1 Cuvette.1 Vase de nuit.1 Pot-a-eau.1 Ciseaux et ustensiles de couture. CIT0YE1Y Linye. Chemises calicot.2 d° toile ou coton .... 6 d° laine.3 Mouchoirs de poche.12 Serviettes ou essuie-mains . . 6 Yetement. Gilets de flanelle. d° coton pour ccux qui en portent .... Calecons. Chausseites laine. d° coton. Pantalon habille, ete, .... d° hiver. d« travail ete ... . do hiver. Gilets divers. Vetement leger ete, habille, . d° travail. do hiver, habille .... d° travail dont 1 veste chaude Cravates. Brosse a habits. Moufles ou gants. 3 2 3 3 6 1 1 3 2 4 1 2 1 2 4 1 1 Coiffure Chapeau de feutre . . d° de paille . . . Coiffures de travail . . d° de nuit. . . . Chaussure . Bottes fortes, a larges et hautes tiges. Chaussures facultalives pour s’habiller. ..... . Paire de sabots. d° chaussons .... do pour la chambrc . Brosses pour chaussures. . Liter ie. Paillasse. Matelas . . ... Traversin. Oreiller. Taies d’oreiller.* Paires de draps de lit . . . Couvertures2i 0 . Edvedon , j°u 3 couvertures Moustiquaire. 1 1 3 3 2 2 1 1 1 3 1 1 1 1 3 2 t 382 — Toilette et sante. Peignes. ......... 2 Brosse a cheveux ...... 1 Brosse & dents..• 1 Cuvette.1 Pot-a-eau.1 Rasoir et coir. 1 Lunettes pour ceux qui en • portent ... o Glaee. * ’ * Divers. Vase de nuit.^ Rideau porte -manteau. ... Tout ce qu’il faut pour ecrire. CITOYENNE Linge. Chemises.12 Mouchoirs. 12 Serviettes. 6 Torchons. 6 Vetement. Caraco ouate.. i Camisoles ou caracos .... 6 Calegons ou pantalons.... 4 Paires de has de laine. ... 4 d° coton. 8 Jupons blancs.4 d° couleurs.4 Robes d’hiver.3 Robes d’ete.3 Manteau, chale d’hiver ou pa¬ letot . 1 Cilets de flanelle , pour celles qui en portent. 3 Cilets de coton.3 Tabliers.* . . . 4 Pointes et ticlius ( facultatifs ). Cols. 6 Paires de manches.4 Corsets pour celles qui en por¬ tent. 2 Brosse a habits. 1 Cants. ’*.... 1 Coiffure. Coiffures de nuit. 6 Fanchons ou bonnets noirs . . 2 Capuches d’ete. ..*... 2 Cap. d’hiver ou bonnet laine . 1 Bonnets de jour tres simples pour celles qui en portent. . 6 Chapeau de paille. 1 Chaussure . Souliers-brodequins. 1 Chaussons claques. 1 j Chaussure legere (habillee). . 1 Bottines d’ete. f Pan ton ties voyage..t Sabots. i Chaussons pour sabofs. . * ! 1 Brosses pour chaussures ... 3 Lilerie. Paillasse.. 1 Matelas. i Paires de draps de lit . . . . 2 Couvertures 2 ) 0 Edredon j |ou 3 couveit. . Traversin. \ Oreiller.| Taies d’oreiller. 3 Moustiquaire. .. 1 Toilette et sante. Peignes fins ..2 Demeloirs.. 2 Peignes a chignon.2 Brosse a dents. 1 Brosse a ongles. 1 Glace. 1 Cuvette ..i Pot-a-eau. 1 Lunettes , pour celles qui en Divers. Rideau porte-manteau. ... 1 d° pour deux croisees. . . 2 Clyso-pompe ou seringue. . . 1 Vase de nuit. 1 Parapluie. 1 Ustensiles pour coudre. Tout ce qu’il faut pour ecrire. 1 — 383 — OBSERVATIONS. » * ' 1 A 1° Le matelas doit etre de 25 livres pour une per- sonne, 1 metre 92 de longueur sur sur 0 metre 80 cen timetres de largeur; de 35 livres pour un menage, \ metre 92 de long sur \ metre 22 de large; de 18 livres pour la graude ecole, 1 metre 63 de long sur 0 metre 70 de large ; de 10 livres pour la petite ecole, 1 metre 23 de long sur 0 metre 63 de large. 2° Les families sont prevenues que tous leurs mem- bres celibataires et enfants doivent avoir leur literie separee. 3° La Moustiquaire etant un objet particulier au cli- mat on fera bien de Tacheter en Amerique. Elle coute environ 1 dollar ou 5 francs. 4° 11 faut apporter generalement des vetements et des chaussures larges. Point de clous aux semelles. Les vetements dits d’ete doivent etre en toile, coutil et indienne; les laines douces sont trop chaudes comme vetement d’ete. 5° Les citovennes sont priees d’apporter le moins possible de robes de mousseline dont Tentretien est trop couteux dans notre situation actuelle. 6° La capuche etant une mode du pays, il est prefe¬ rable d’apporter l’etoffe pourlafaire confectiormer dans la colonie. 11 faut, pour Pete, 1 metre 30 de Jaconas ou d’indienne, et, pour Timer, la meme quantite en Orleans noir ou tout autre lainage. 7° Le trousseau n’exige pas des gilets de Handle pour les citovennes; cependant nous ferons observer que le climat les rend presque indisperisables. 8° Le trousseau ne porte point de caban, mais ceux qui en out ou qui voudront en acheler pourront en apporter. 9° Se munir de la petite batterie de cuisine, tel que: bouillote, casserole, gobelets, cuillers, fourchettes, couteau, etc., etc., et de quelquesustensilesde menage — 384 — utiles et peu volumineux, tels que : chandelier, lampe, mouchettes, porte-mouchettes, etc. 10° Les vases de nuit, en zinc ou en fer battu, achetes pour la traversee, ne sont plus en etat arrivant dans la colonie; on devra se munir, en entrant, d’un vase en faience. llo Ce trousseau forme le maximum pour la colonie et le minimum pour les arrivants. II est bien entendu que les personnes qui auront une plus grande quantite d’objets pourront les apporter et les conserver. Leur trousseau sera reduit au minimum legal , conformement a la loi sur la Commission du detruit, e’est-a-dire qu’aucun article excedant le minimum ne leur sera remplace en cas de detruit par suite d’usure. 12° Pour completer les trousseaux des membres de la colonie, conformement au maximum ci-dessus, la Communaute operera, d’apres ses ressources, determi- nees par sa situation financiere. DISPOSITIONS FINALES 1° II est bien entendu que le trousseau doit etre complet et en bon etat en arrivant a la colonie. 2° Tout article de trousseau fourni aux arrivants, pen¬ dant l’annee qui suivra leur entree dans la Commu¬ naute sera deduit sur leur apport. 3° En cas de retraite, le membre sortant ne pourra rien enlever des meubles ou ustensiles de menage que Tui aura fournis la Societe. Adopte par TAssemblee generate dans sa seance du 9 join 1860, a Funanimite par les citoyennes, les jennes gens et les admis provisoirement consultes, et a I’una- nimite par les citoyens, moins 1 voix, le cit. Guillard qui vote non y parce qiFil trouve ce trousseau trop minime. Le President de la Communaute. B. Mekcadier. Paris. — Imp. Felix Malteste et Cie, rue des Deux-Portes-St-Sauyeur, 22. NEUVIEME LETTRE. ■ % XXV Cher co-religionnaire et ami, Je voulais te donner, dans cette lettre, les comptes* rendus des mois de Mars, Avril, Mai et Juin, mais cela me prendrait trop de place sans beaucoup d’avantages; puisque j’ai recu le compte-rendu du premier semestre 1860, j’aimemieux me borner a te donner celui-ci avec quelques developpements qui me paraissent necessaires. Je pense meme, qu’en ce qui concerne l’exterieur de la Golonie, nous devrons nous borner a favenir a faire connaitre le compte-rendu semestriel et I’inventaire. Ces deux documents , embrassant chacun une periode de six mois, sont de nature a donner une idee plus exace de la marche de notre Societe, que ne le sont les comptes mensuels. Ces derniers, en efTet, varient trop quant au resultat de la production. Les mois de morte- saison se soldent toujours necessairement en deficit sur les previsions du Budget dont fequilibre se trouve re- tabli par fexcedant des mois de la bonne saison. 17 — 386 — Un semestre renferme a pcu pres la moitie des mois desavantageux et la moitie des mois avantageux de Tan- nee , de sorte qu’il peut donner une idee a peu pres complete du mouvement de production pour Tannee en- tiere. On aura ainsi une idee plus exacte de notre affaire, surtout pour ceux qui ne la suivent pas depuis lon£- temps. Void le Compte-rendu du premier semestre 1860. Tu trouveras mes observations a la suite. COMPTE - RENDU. Premier Semestre 1860. » Ce compte-rendu ne contiendra que ce qui est reellement essentiel et posit!f. II s’arrete an l er juillet. MOUVEMENT DU PERSONNEL. » La Societe comprenait, au l cr janvier dernier , 130 personnes , a savoir : 50 citovens, 37 citoyennes, 4 jeune gens, 18 eleves a la grande ecole, 7 a la salle d/asile, 8 nourrissons, 2 non admis, 1 pensionnaire. 1 ouvrier salarie et 4 absents ; » Du l er janvier au l er juillet 1860, le mouvement du personnel a ete le suivant: » Naissances, 2 : Armance Droussent et Eusenie / w Fagris. » Admissions provisoires, 20 : les cit. Huber, Sablier pere et fils, Perrin et son garcon, Guyot, Chaput, Du- cret et fille, Rivoire, Burger : les jeunes gens Castillon, Fortel et Dinkelden; les families Rambaud (5 person¬ nes); Morisseau (3personnes); Guillemin(3 personnes); — 387 - et les citoyennes Elise Lavat, Louise Plee et Clotilde Lecoutour. Admissions definitives, 12 : les epoux Vin. sot et Buriat; les families Loiseau pere (3 personnes) et Lavat (4 personnes; la citoyenne Bernard (Josephine); les eit. Roux et Augier ; » Deces, 1 : la citoyenne Cledes. » Sortis a la suite d’un conge, 6 : les epoux Labenne et la famille Briere (4 personnes); retraites, 16 : la fa- mille Daumon (5 personnes); les epoux Droussent (3 personnes); les citoyennes Deglise mere et Mauvais ; les citoyens Ricault, Barrioz, Laurent et Deglise fils, et les jeunes gens Pierre et Joanny Grubcrt. > En consequence, la Societe se compose aujour- d’hui ler juillet 1860 de 148 personnes, ain3i reparties: Citoyens. 57 Citoyennes. t . 26 Jeunes gens. 7 Jeunes filles. 14 Elevcs (donl 5 filles). 20 Asile (dont 6 filles). 9 Nourrissons (dont 3 filles). 6 Absents. 10 t • • . * ‘ Total. 148 » Enjanvier 1860, la Societe comprenait 136 per¬ sonnes : augmentation pendant Ie semestre: 12 per¬ sonnes. RAPPORT SEMESTRIEL. 26 semaines. udc sem. Journees faites par chaque travailleur. ... 156 6 Travailleurs presents, en moyenne. 102 1/2 Journees faites. 15.990 612 Presence. 13.962 537 \bsences. 2.028 7,8 — 388 — * F.es journees de presence se divisent: 26 scmaines. ana sew. Journees pour l’interieur.. . 7.722 285 Journees pour l’exterieur. 6.240 240 » Les journees d’absence sont reparties : Malades. 1.003 38 Gardes-malades. 261 10 Motifs divers. 558 50 21 Inconnues. 205 50 7 » Le mouvement du personnel constate 148 presents, ie nombre des travailleurs etant en moyenne de 102 1/2 reste 45 1/2 ne travaillant pas, dont 10 absents. » Ainsi le nombre de personnes ne produisant pas. s’eleve a pres d’un -tiers, c’est-a-dire que sur trois per¬ sonnes, deux produisent et une. ne produit pas. Le rapport constate encore des journees inconnues : ce sont les journees de ceux qui ne remettent pas de rapports. )> Les journees de maladies et de gardes malades sont moindres qu’au dernier compte-rendu ; cela vient de ce que la saison des fievres n’est pas encore venue. En appliquant les journees de presence et d’absence a toute la cornmunaute, on obtient le resultat suivant : C.liaque travailleur de la Cornmunaute a travaille 5 jours 24 par se- maine (1), ci.. . 5 24 Kt a perdu pour les motifs ci-apres : Inconnues. » 07\ Malades. »38/ Gardes-malades. » 10 t Divers motifs. » 21: Total des journees . . 6 » (1) Pour bien comprendre ce calcul, il faut savoir que la journee a ete prise pour une unite composee de 100 parties. Ainsi, quand cn dit que chaque travailleur a travaille 5 jours 24 par semaine, c’est comme si — 389 — ' )> Les journees exterieures sont presque aussi noin- breuses que les interieures; cela prouve qu’on a execute autant que possible le plan trace a la fin de 1859, qui est de travailler particulierement pour le dehors, pour payer toutes nos deties. . V * . r . • I I , GAIN ET DEPENSES DU SEMESTRE. f * - • . • * . ( ' J r "< ’ 1 Cain 9 C mois. 1 semaine. l'r£v. du Tailleurs et confection. . . 1 .642 95 63 19 66 » Forgerons . 983 04 37 81 50 Jardiniers. • 424 67 16 33 35 f » Cordonniers. 594 32 22 85 33 » Tonneliers.. . • • 83 10 3 20 * 4 » Menuisiers. 45 45 1 76 4 » ■ . • * j * • Pharmacie. 49 » 1 88 2 50 Construction. . 1 • • .442 22 * P* OO 46 32 » M, ‘ * Divers . 651 69 25 06 o 62 Totaux en dollars. . 5 .916 44 227 54 232 12 Totauxenfr. . . • ■ i 31. 061 31 1.194 58 1.218 63 • • . . . » * • DEPENSES. r Matieres premieres. . . . . 1 .796 91 69 11 64 90 Provisions genera les. . . . 1 .962 30 75 47 63 48 Vetement . 212 17 8 16 : 7 )> Outils . • 12 50 • » 48 1 49 Ustensiles . 60 60 2 33 • 3 » Ameublement . • • a » » » n 14 Correspondance . 24 94 n 96 1 » Animaux . 92 » 3 54 2 75 Divers . - « .. * • • 249 40 9 59 12 08 Totaux en dollars. . 4 .410 82 169 64 155 84 Totauxenfr. . . 23 .156 80 890 60 818 16 Ton disait qu’ils ont travaille 5 jours et 24 pentiemes de journee, soil a peu pres 5 jours 1/4. De meme pour les 38 perdus par maladie, ce sont 38 centiemes de journee, soil 3 heurcs 48 minutes en moyenne par semaine. -390 — • » d Nous avon's mis a cote des totaux, deux colonnes l une pour la moyenne reelle etl’autre pour la moyenne d’une semaine prise du budget de 1860, pour que chaque atelier voie ce qu'il a fait, et ce qui lui reste a faire dans le cours du second semestre. » II importe de remarquer quele cliapitre Construc¬ tion, comprend les cbarpentiers, les menuisiers, les macons, les plafonneurs, les peintres, etc. En 1861, il sera peut-etre plus convenable de separer, dans nos comptes, tous ces divers corps d'etat. En retard au 1 juillet 1860. » Le gain moyen d’une semaine a ete de doll. 227,54 au lieu de 232,12; perte doll. 4,58; la depense s’est elevee a doll. 169,64 au lieu de doll. 154,84; nouvelie perte doll. 13,80; soiten retard doll. 18,38 par semaine on doll. 477,88 pour tout le semestre. )> Le resultat obtenu est satisfaisant, surtout si nous tenons compte de la situation generate des affaires, qui sont plus mauvaises qu’apres la crisede 1857. )> Void le gain et la depense de chaque mois du semestre. Gains. Depenscs. Janvier. .. . 536 73 876 07 Fevrier. 461 72 651 60 Mars. 941 29 • 759 95 Avril. 1.693 02 838 92 Mai. 1.265 19 723 22 Juin. 1.018 49 561 08 Totaux en doll. 5.916 44 4.410 84 Totaux en francs. . . . 31.061 31 23.156 90 » Ce tableau nous apprend que les deux mois de Janvier et de fevrier sont au-dessous de la moyenne, les — 391 / deux mois de mars et juin arrivent environ a ia moyenne et que les deux mois d’avril et mai la depas- sent, » Comparaison des depenses et du gain des deux premiers semestres 1859 et 1860, GAIN. Ateliers. cn I860. en 1859. Tailleurs et confection . . doll. 1642 95 doll. 1572 75 Forgerons. 640 60 Jardiniers. . . 424 67 235 27 Cordonniers. 552 03 Tonneliers. 83 10 231 87 Menuisiers. 150 91 Pharmacie. 49 00 50 55 Construction. . . 2093 91 640 59 Divers . » » Total en doll . . . . 5.916 44- 4.074 57 Tolaux en francs . . 31.061 31 21.391 49 DEPENSES. Matieres premieres . . . . . 1.79l 6 9t 1.433 85 Provisions generates. . . . . 1.96230 2.115 61 Vetements. 212 17 72 35 Outils. 12 50 122 74 Ustensiles. 60 60 39 50 Ameublement. T* 3 60 Correspondance. 24 94 32 82 Animaux. 92 00 » » Divers. 249 40 172 70 Total des depenses en doll. . 4.410 82 3.993 17 Totaux en francs. . 23.156 80 20.964 14 * Ainsi en 1859, le gain a eu un exces de doll. 81,40, en 1860, cet exces est de 1505,62; difference en faveur de 1860 doll. 1424,22. d Ces chiffres n’ont besoin d’aucun commentaire. — 392 — BUDCET DU lerSEMESTRE 1860. CHAPITRES. DEPENSES. Reel. Budget. Deltes a payer. , 3 .473 72 4 . .352 76 Pertes probables. 500 » 60 » Interets divers. 26 68 * 60 > Apports a rembourser. . . 622 39 360 Depenses de la Societe < . . 410 82 4 .048 68 Tolaux en doll. . . . . . . . 9. 033 61 8. ,881 44 Totaux en francs. . . .... 47 .426 45 46 .627 56 RECETTES. Dette nouvelle . • • • • 267 59 300 » Apports a Saint-Louis. . 202 35 279 96 Pxecettes a Paris. . . . . . . . 1. 500 » 1. ♦ 999 98 ElTWs a Paris . 103 12 150 f> Eflets a recevoir .... 231 40 120 n Notre gain ....... . . . . 5. 916 44 6, .031 50 4 Totaux en dollars . .... 8 .220 90 8 .881 44 Totaux en francs. . . ... 43 .159 72 46 .627 56 > Dans chaque rapport mensuel, nous avons rendu compte des divers details du budget. Nous ferons remar- quer seulement qu’il nous aurait fallu payer doll. 879 de dettes de plus; que les pertes probables ont ete occasionnees par l'affaire Edimberg; que les apports a rembourser, ont depasse la moyenne de doll. 222,39; que Paris est reste en retard de doll. 546,86; quant a notre gain et a notre depense, nous en avons parle plus haut; nous ajouterons que, malgre tout, le budget semestriel est assez satisfaisant. SITUATION EN 1861. • / ' • \ 1 2 f < * " * i *’ , i • * i ; 'lyf f r, » 11 y a quelques semaines, nous avons expose a pi'o- 393 - . pos d’economie, la situation de 1861. Nous aliens en offrir le resume ci-apres: » Selon nous et sauf la decision de l’Assemblee, il faudra en 1861 : * , • « » 1° Maintenir les ateliers existauls, sauf a les fournir mieux de matieres premieres, soit en plus, doll. 500 » n 2° Examiner les questions de la durec de la jour- nee de travail, de la corvee de la cuisine et des legumes. » 3° Ajourner l’achat d’une ferme jusqu’en 1862. » 4°‘Commencer a s’occuper du commerce. » 5° Fonder notre eaisse de prevoyance. 200 » • 4 • • • • » 6° Demander moins a la propagande pour qu elle puisse s'organiser relativement au bureau. 2.000 » , «i. ,«(• ••• » Envoyer quelqu’un en France. 150 » » 7° Entrer dans la voie d’un bien-etre raisonnable en consacrant au vetement en plus. 250 » d A la nourriture d° . 300 » . » 8° Elever une construction qui servira a des ate¬ liers et en attendant a des logements . ........ 2.000 » » 9° Etablir la distribution des eaux avec la machine * t , ( rt v ; , a vapeur... 600 » , «' • . --:- 0 Total en dollars. . . . 6.000 » • • •* • . • • • Total en francs .... 31.500 » ' . • ... i • i » Nous constatons que la distribution des eaux est 0 plus qu’a moitie etablie, la machine fonctionne et l’eau monte en haut et va au jardin. II y a deja une depense de doll. 400 de faite, depense qui est anticipee sur l’exer- cice de 1861. Restent encore l’atelier et les reservoirs qu’il faudra etablir avec une depense de doll. 200 environ. » Lorsque FAssemblee aura a examiner cet ensemble, il faudra dire un mot aussi de la question des apports a rembourser en 1861, relativement a ceux venus sans - 394 — apport parmi nous. Quelle somme la communaute pourra-t-elle donner dans ce cas ? Telle sera la question. PRATIQUE EXTERIEURE. • A • Voici d’abord la recette et la depense de chacundes comptes du bureau du premier decembre 1859 jusqu’a la fin de mai 1860. L’unite monetaire est le franc. Recettes. Dcpense$. Comptes courants . 6.749 38 4.591 03 Correspondance . 20 40 225 90 Traites. » » 7.875 » Souscription. '.. . . » n 777 50 Anciens creanciers. 35 » 3.127 a Frais generaux. 90 i> 3.341 10 Em p runt. 10.094 95 515 15 Revue . 95 10 » a Bibliotheqne. .299 11 41 05 Commissions . 20 » 1.230 95 Mobilier . » a 23 a Brochures .* ... 1.405 10 1.052 24 Voyage en Icarie. .♦. 121 05 17 » Vrai Christianisme . 58 50 22 10 Histoire . 65 20 » » Popnlaire . 1 95 » 9 Totaux. . . . Fr. 19.055 70 22.829 02 En caisse au l er decembre 1859. . . 4.012 15 Total. . .. 23.067 89 Recettes .... 23.067 89 Depenses. . . . 22.839 02 Reste fr 228 87 en caisse au 1 er juillet 1860. — 395 — Depenses du Bureau du premier semestre 1800. Correspondance. 207 50 ) Frais generaux.3.251 10 >3. 481 60 Mobiiier. 23 » ) A deduire : Bibliotlieque a produit. 299 11 \ Commissions. 65 » ( Brochures, net. 352 86 f Librairic, net. 207 50 ) . Reste depense nette fr. 2.557 13 En 1859, cetle depense a ete de fr. 7,781 70, on pour un semestre de. 3. 890 85 Depenses premier semestre 1860 . 2.557 13 Difference en faveur de 1860. 1.333 72 » Ainsi pour le premier semestre I860,, le bureau de Paris a depense moins de doll. 200 que 1’annee passee, ce qui ferait plus de doll. dOO en moins pour une annee. I, NOUVEAUX DEPARTS. » Notre correspondant et les Icariens du dehors s’accordent a dire que les nouveaux Icariens out de meilleures qualites qu’il y a dix ans, en ce sens qu'ils sent moins illusionnes, plus pratiques, et qu’ils com- prennent mieux le but philosophique de notre mission. Les derniers arrives parmi nous ont redige une adresse ■ » dans laquelle ils s’expriment dans ce sens. Nous voulons croire qu’il en est ainsi; nous sommes heureux de cette- situation meilleure des esprits, qui nous permeltra de fa ire prosperer plus vite la Communaute ; seulement nous nous reservons de juger les derniers arrives a leurs actions, ce qu’ils doivent desirer puisqja^lTi disenf plus pratiques. Chaque semestre, n< — 396 — connaitre si tous perse verent, ou, au contraire, si quelques-uns ont prouve par leurs actes qu’il n’etaient pas a la hauteur; mais nous le repetons, nous voulons eroire et nous esperons que, suivant la loi du progres, Icarie reunira sous son drapeau des elements de meil- leurs en meilleurs. .• • . • ■ j } •* • - * »• ■' DE LA PROPAGANDE. ) - . ’ ,f . . * II nous est impossible de ne pas parler de la pro- pagande. Depuis la deuxieme lettre a Corilla et a Maxi- milieu, cette question soulevee a fond, a fait naltre quelques difficultes. Disons-le, la passion s’en est quel- que peu melee. Nous ne refuterons pas ici toutes les erreurs qu’elle peutlui avoir dictees. Nous continueron s a demontrer, en marchant, en attachant de plus en plus une grande estime aux Icariens pratiques, que nous voulons la propagande, que nous ne sommes pas ingrats envers le fondateur d’lcarie^au sujetde sa veuve et de sa fille, et que, si nous voulons la propagande, nous la voulons sericuse, positive, grande, considerable, mais avant tout vraie; nous voulons avoir affaire a des hommes et non a des enfants. Nous recevrons avec plaisir tous les discours et toutes les adresses, a titre (Faction de propagande; mais, nous prefererons tou- jours ceux qui agissent plus directement, soit par des secours pecuniaires en rapport avec les moyens, soit en venant parmi nous, exercer leurs professions utiles, et en participant aux desagrements inherents a la fon- dation d’Icarie. Nous allons emettre ci-apres notre opi¬ nion sur l’organisation du bureau de Paris et de la propagande, en demandant aux Icariens du dehors de Fexaminer avant qu’elle soit soumis.e a FAssemblfe pour 397 - £tre traduite en loi; et, comme tout a etc dit a cet egard. nous serons brefs. • « » " PROJET DE LOI. » 1 ° La veuve et la fille du citoven Cabet recevront une allocation de fr, 3,600 par an, soit : Par rente viagere provenant de la souscription fr. 1.229)^ Par les Ieariens.2. 371 v (Ces derniers payables d’avance chaque mois). » La survivante recevra 2,100 fr. par an. Madame veuve Cabel, par rente viagere, fr . . . 784i 0|0 , par les Ieariens.1.316\~ i . i • Madame veuve Favard, par rente viagere. 445| 9 mn par les Ieariens. 1.655^' » 2° Les frais du bureau ; loyer, imposition, assu¬ rance , chauffage , eclairage, blancbissage, frais di¬ vers, etc., sont fixes a la somme de fr. 1,049. » 3° Le bureau aura un employe principal lequel recevra fr. 2,000 et qui restera seul, ou qui paiera un autre employe comme il fentendra; le bureau devra faire toutes les affaires concernant la propagande et la colonie, ainsi que les affaires concernant les membres de la colonie. II devra aussi se prater a toutes les affaires que la colonie fera an dehors ; s’il a des affaires particu- lieres, il devra les subordonner a celles de la colonie et celles-la devront etre completement independantes de celles-ci. i> 4° Le bureau et la colonic seront abounds a un journal de Paris, depense de fr. 96 par an. » 5° Il est alloue une somme de fr. 484 pour subve- nir aux.frais de la correspondance entre le bureau et it fAdministration de la colonie. » 6° Quant au journal et aux brochures, la colonie 398 publiera le journal a ses frais, et le bureau publiera les brochures aux frais et suivant les moyens que la propa~ gande lui fournira. > 7° Les depenses comprises dans les six premiers articles, s’elevant actuellement a une somme de 6,000 fr., la colonie et le bureau en prendront chacun la moitie a sa charge, soit fr. 3,000. > Cependant la colonie donnera si c’est necessaire une subvention de fr. 1,500 en 1861 et de 800 en 1862 au bureau. > 8° Les ressources de la propagande sontlessui- vantes : » 1° Dons; ceux qui en nature seront estimes d’apres leur valeur relative dans la colonie. j 2° Bibliotheque , eomprenant les ouvrages du citoyen Cabet. » 3° Frais g^neraux : conserves tels qu’ils sont. » 4° Affaires commerciales et autres, auxquelles il faudra donner une serieuse attention. » 5° L’abonnement aux brochures ou au bureau, lequel donnera aux abonnes le droit d’envoyer leslettres a la colonie a la double condition d’en payer le port et de les faire partir par le paquet general. » 9° Quant a des depenses extraordinaires, commc les missions necessitees par la propagande, elles seront determinees par les ressources financieres. » 10° Dans le cas ou un evenement contraire, inva¬ sion ou persecution, ou tout autre, arreterait la marche reguliere des ressources de nos co-religionnaires, la colonie viendra a leur secours. » 11° Les presentes dispositions seront en vigueur des le premier decembre 1860. - 399 — » Jusqu’a cette epoque, le bureau de Paris fonction- nera comme par le passe. » Cependant, si le cit. Beluze et les dames Cabet peuvent realiser l’economie de 1,000 fr. dont ils ont parle, ils les utiliseront soit a faire venir de bons cl utiles Icariens, soit a envoyer quelqu’un en mission, soit a nous envoyer un visiteur a Cheltenham, soit a nous acbeter une machine utile, une machine a laver, par exemple, soit a completer les recettes du budget que le Bureau doit envoyer a la Colonie, soit de toute autre maniere qu’il leur plaira. » 12° Relativement a la partie morale de la propa- gande, marche generale, redaction des brochures, elle doit reposer sur les ressources financieres ; ce faisant, le Bureau de Paris continuera a avoir la direction mo¬ rale de la propagande, a la condition d’envoyer , au milieu de chaque annee, un projet sur la marche a sui- vre, l’annee suivante a l’Assemblee generale, projet que celle-ci adoptera dans ses dispositions essentielles. BUDGET Dl! BUREAU EN 1861. * ' • i Void le budget de I’annee prochaine d’apres les bases etablies plus haut: DEPEXSES. Pension des dames Cabet. 3600 » Frais de bureau. 1049 » Traitements. 2000 » Un journal. 96 » Correspondance. 484 » Brochures en 1861. 2500 » Missions en 1861 . 500 » Total fr 10229 i — 400 KECETTES. Rente dcs dames Cabet, fr. . . .•.1229 Contribution de la Colonic en 1861.4500 Dons .. 80 Frais generaux. 120 Bibliotheque. 400 Affaires eommerciales. 600 Abonnement au bureau. 3300 Total egal. 10229 » Nous avons la conviction que tous les chapitres de ce budget sont acceptables et realisables.' Cependant, nous ne l’admettons que comme un projet, qu’on 1’exa¬ mine. » Le Budget de 1862 sera facile a determiner, lors- qu’on sera arrive au milieu de l’annee 1861. » La Colonie paiera de cette maniere, pour la propa- gande, en 1861, fr. 4,500 et 5,700 environ, en comp- tant les doll. 150 de depenses pour renvoi d’un mem- bre de la Colonie a Paris : en 1862, elle depensera fr. 3,800. Et des 1863, elle ne depensera que 3,000 fr. en ne tenant compte que des depenses regulieres. S0USCRIFT10N EN FAVEUR DE BONS ET UTILES ICARIENS. ♦ • » Notre mandataire a propose dans une de ses der- nieres brochures, d’instituer en permanence une sous- cription de ce genre, en la presentant comme devant subvenir aux frais de la propagande. La presque totalite des lettres particulieres et collectives que nous avons recues a ce sujet, ont approuve cette souscription 7 comme un des moyens de rendre moins onereuse la propagande* Nous sommes convaincus, nous, que ce rnoyen ne remplira pas le but propose ; c’est-a-dire que les personnes qui viendront dans la Colonie, au moyen de cette souscription, ne pareront pas aux frais de la propagande. En prenant l’exemple de la brochure du cit. Beluze, nous avons determine par des chiffres que les cinq personnes en question ne gagneront pas doll. 400, mais seulement doll. 76 08. Nous avons un exem- pie plus recent a faire connaitre. Deux desmembres du dernier depart ont travaille a Saint-Louis, pendant neuf semaines, chacun, soit 102 jours pour les deux. Us ont gagne doll. 71 10 et depense au dehors de la Commu- naute doll. 31 30, reste pour gain net doll. 39 80, ou 37 cents par jour. II est vrai que les affaires vont mal, mais il n’est pas moins vrai que, dans la situation des choses, les nouveaux arrives ne peuvent pas atteindre le chiffre en question. Par consequent ce moyen ne fera pas diminuer les frais de la propagande. Nous ne pou- vons pas accepter une telle souscription dans ce but. Mais pour toute autre fin, nous sommes loin de la re- pousser. Ainsi si notre mandataire et les Icariens croient qu’une souscription de cette nature fera du bien, et qu’elle est praticable, qu’elle donnera de l’impulsion il la propagande, reunira beaucoup d’avantages, ne nuira pas a l’emprunt, qu’ils l’etablissent, qu’ils la maintien- nent, qu’ils la mettent promptement en usage; seule¬ ment, ce que nous tenons a constater, Tillusion que nous voulons enlever, c’est qu’une souscription de ce genre ne fera pas disparaitre les charges de la propa¬ gande. Ceci bien entendu, et pourvu que la souscrip- tion soit utile a la propagande, nous la verrons s’etablir avec plaisir. — 402 — BUDGETS PARTICULIERS. ‘ I » On a dit aussi : « C’est trop cher de s’abonner aux brochures; en nous demandant cetabonnement, on voit bien que vous ne connaissez pas la situation materielle de l’ouvrier en France. » Nous repondrons simplement deux mots : nous connaissons la situation materielle de l’ouvrier franeais, tant des villes que des campagnes. Nous, membre de la colonie il n’y a pas si longtemps que nous avons quitte la France, pour avoir oublie les difficultes de cette situation ; c’est precisement parce que nous la connais¬ sons que nous vous avons propose un pareil abon¬ nement. » Vous dites que pour y arriver, vous etes oblige de prendre sur le necessaire, soit; et nous? Est-ce que dans notre situation de 1860, nous n’avons pas dit que nous ferions face a tout en nous privant meme du necessaire? Ne nous avez-vous pas approuves? Ne le faisons-nous pas? Ne voudriez-vous pas faire ce que nous faisons ? » Mais, a parler juste, nous ne demandons pas le sacrifice du necessaire, du moins generalement. Que necessite fabonnement en question? vingt sous, quinze sous, dix sous par mois. Or, nous affirmons qu’il n’y a pas un seul ouvrier en France, qui sans toucher, au necessaire, mais en etant econome, en sacrifiant tabac, cabaret et toute depense inutile, ne puisse disposer de dix ou quinze sous par mois; nous Faffirmons, jusqu'a • preuve du contraire, et nous ne cederons la dessus que lorsque Ton nous presentera dans un budget particulier les recettes et les depenses de toute l’annee, en faisant — 403 — figurer dans un chapitre special, les depenses pour tabac, pour marchand de vin et toutes les depenses non 4 indispensables. Nous avons la conviction de trouver a. economiser plus de dix sous par mois. Ici, c’est un verb table defi que nous portons. ■ > D’ailleurs, nous recommandons a tous les ouvriers, les budgets particuliers de leur menage. D’immenses avantages emresulteront, et les plus grands seront pour euxj INVENTAIRE DU PREMIER JANVIER 1860 . » Les inventaires de la societe faisant connaitre sa veritable situation, il importe de les relever avec un soin de plus en pins grand. » L’inventaire dernier a ete negatif, c’est-a-dire que la societe a ete en perte en 1859. La brochure qui a reproduit notre compte-rendu en France, ne contenant que la partie relative a la colonie, n’a pas pu donner l’inventaire exact et complet. Nous comblons ici cette lacune. Vctif de la Colonie an 1 rr janvicr 1860 . . doll. 47.862 92 Actif du Bureau de Paris... 15.655 17 Total.doll. 63.518 09 Passif de la Colonie. 29 312 16L n Passif du Bureau. 21.274 33r u,i) Reste aclif net.doll. 12.931 60 Restc actif en francs. 67.890 90 Actif net en 1859. . . . . 13.696 23 Actif net en 1860. 12.931 60 Perte en 1859. . . doll. 764 63 Perte en francs.4.014 00 » Fn tel resultat n’a rien de decourageant, lorsqu’on ^imagine les entrav.es'e't les diflicultes qui nous sont suscitees par nos dettes et le manque de capital neces- saire. Cependant, tous nos amis du dehors doivent prendre ce resultat en serieuse consideration. II est certain que la cause Icarienne, colonie et propagande, doit prosperer aussi sous le rapport materiel, et que si chaque annee. l’inventaire se balancait negativement, icarie serait perdue. Nous disons cela en passant, mais en y insistant avec force pour que tous nos amis compren- uent pourquoi nous avons tant insiste sur le concours actif que la propagande doit realiser. » II ne s’agit pas de se renvoyer la balle; il s’agit 4 • ■* •% » * to ? demie. , • • * Quoi qu’il en soit, il importe, comme nous bavons deja dit, de mettre a la confection de nos inventaires un soin de plus en plus grand. » Celui de la colonie pourra etre dresse tres minu- tieusement. ,. • » Quant a celui -de Paris, disons un mot de quelques comptes. • . .. » Creanciers de Nauvoo. Nous avons averti notre correspondant qu’S partir du premier decembre 1860, — M5 — tous les creanciers ancicns sur Nauvoo qui n’auraient pas echange leurs creances contre des obligations, no seraient plus regardes comrae creanciers et leurs crean¬ ces seraient nulles. Nous repetons qu’il en sera fait ainsi. » Bibliotheque. Sera estimee ainsi: on prendra moitie de Testimation ordinaire telle qu’elle a ete faite les autres annees, ajoutee a r estimation d’apres le produit ou la • • % , vente de la Bibliotheque, en supposant qu’elle rapporte 15 pour cent. De sorte que, et rien n’est plus juste, la Bibliotheque vaudra d’autant plus qu’elle produira da- vantage. » Librairie. Je comprends dans ce compte les Bro¬ chures qui sont comprises, au reste, dans la Biblio¬ theque, et qui ne valent rien ou presque'rien, quelques mois apresleur apparition. » Creances mauvaises et douteuses. Elies serofit esti- mees suivant lear juste valeur. QUELQUES COMPTES PARTICULIERS. . ' * - ' . * • ■ • ’ _ . - - i J, Notre compte-rendu de janvier 1859 rendait compte des affaires particulieres de certains membres del a Communaute. Depuisles feuilles d’admission ont con¬ state la situation particuliere de quelques autres mem¬ bres. Nous rendrons compte dans nos compte-rendus des changements parvenus dans ces affaires et particu- lierement de leur solution. Voici celles terminees jus- qu’a ce jour: » Bira : II lui re.vient fr. 1,311 35. » Guillard : la somnie recue par lui s’eleve a fr. 653 07 cent. — 406 — » Quernori , Roy et Mercadier : la succession Quer- nori a valu une somme nette de fr. 7,091 88. * Ducret et Plee : On a touche pour eux fr. 1,618. » Toutes ces affaires sont terminees, ces sommes ont ete touchees par le Bureau de Paris, et sont rentrees dans ia Colonie, soit directement, soit employees au\ charges du Bureau. » La vente desbiens du cit. Raynaud, commencee a Nauvoo, a ete aussi terminee il y a deja quelque temps. Pratique! Production! Perseverance !! » On le voit, une marche a ete tracee par l ; x\dmi- nistration depuis la dissidence derniere. Cette marche lui semble avoir ete et etre la meilleure et la seule bonne. Nous y sommes entres avec conviction. Plus nous allons et plus nous sommes persuades qu’elle est excellente. Nous avons persevere et nous persevererons dans cette voie. Ceux des membres du dehors qui ont vu dans la deuxieme lettre a Gorilla autre chose que la consequence de notre nouvelle marche, reviendront bientot de leur erreur, s’ils n’en sont pas deja revenus. Oui, nous le crions bien haut, en finissant : en ce mo¬ ment, tout est dans la pratique, en ce moment, la pra¬ tique doit signifier production; et nous devons placer # - * ^ ii cote d’elle la Perseverance! Juillet 1860 . Le President : MERCADIER. I ' ill Le mouvement du personnel a ete assez important pendant la duree du semestre : 16 relraites, 6 conges, 29 admissions provisoires , tel est l’ensemble de ce — 407 — mouvement. En somme. la population de la Colonie s’est augmentee de 12 personnes. Nous avons deja parle des retraites dans une lettre precedente, nous n’y reviendrions pas si nous ne trou- vions quelqu’utilite a signaler les motifs de quelques- unes d’entre elles. On nous a ecrit , en effct, que, parmi ceux qui se sont retires, il y en a plusieurs qui ont donne pour motif les progres Irop lents que fait la Colonie. Quoi! ces motifs sont-ils bien serieux? Est-ce bien se- rieusement que des travailleurs quittent la Commu- naute parce que son progres materiel n’est pas assez rapide? Nous en doutons encore bien qu’on nous l'af- firme de la maniere la plus positive, nous persistons a croire que ce n’est qu’un pretexte invente pour dissimu- ler le vrai motif de leur retraite, et que, n’ayant pas de bonne raison a donner, ils en ont donne une mauvaise pour se tirer d’embarras. Comment admettre , en effet, comme une cause rai- sonnable de retraite pour les membres de la Colonie, la lenteur de sa prosperity? Une telle raison est conve- nable dans la bouclie d'un speculateur qui entre dans une Societe avec un gros capital dont il espere recevoir degros dividendes ; mais de la part d’un Icarien qui est alle dans la Colonie pour la fonder, qui y est entre dans un interet humanitaire, comme soldat du progres et de Vhumanite, ce serait absurde. D’ailleurs, le pretexte exisfe-t-il reellement; le progres de notre Societe est-il au-dessous de ce qu’il pourrait etre, et avons-nous lieu de considerer nos espyrances comme trompees? Non certes, nous soutenons ,.au contraire, que sa marche a ete tout ce qu’elle pouvait etre, et nous aflirmons qu’eri tenant compte de son point de depart d’il y a quatre — 408 - ans, des divers evenements qui se sont succede dans son sein et dans le monde exterieur pendant cette pe- riode de quatre annees, que son developpement et sa prosperite ont depasse tout ce qu’il etait raisonnable d'esperer. Qu’on se soit fait des illusions au dehors de la Colonie, cela se concoit; sa position n’a pas toujours ete bien connue du monde exterieur, puisqu’il n’y a que dix-huit mois qu’on a iriaugure le systeme de publicite que nous pratiquons aujourd’hui et qui permet a tout le monde de voir clair dans nos affaires et d’apprecier notre situation ; mais les membres de la Colonie n’ont pu, eux, se faire illusion, ils connaissaient trop bien les einbarras de la Societe et ils ont assiste a tous les eve¬ nements qui l’ont agitee depuis la mort de son fonda- teur. * • Pour nous, nous le declarons hauteroent; si la pros¬ perite d’Icarie n’a pas ete ee que nous desirions, elle a ete tout et plus que nous n’esperions. * Quand nous examinons son inventaire au l er janvier 1860 nous nous souvenons qu'au l«r janvier 1857, l’ac- tif de la societe etait zero, et que son passif etait deja considerable. La societe etait a son debut, elle venait de perdre son chef, le venerable Cabet etait couche dans la tombe depuis quelques semaines. Elle etait disseminee dans la ville de St.-Louis, • ses. membres entasse.s dans trois maisons eloignees de un kilometre Pune de Pautre , louees a un prix exborbitant, couchant sur un matelas par terre faute de lit, plusieurs menages entasses dans line seule piece, les enfants logeant et couchant avec leurs parents faute de place pour les loger separement. La Societe d^pourvue de tout materiel, manquant memo de vaisselle et de batterie de cuisine; depourvue des instruments de travail les plus indispensables, et sur- tout d’argent. Telle etait la situation materieile de notre Societe au ter janvier 1857, La situation morale n’etait guere plus florissante, Pinquietude etait dans tous les cocurs, le decouragement dans beaucoup : Pegoi'sme triompha chez quelques-uns qui abandonnerent leurs freres pour se sauver du naufrage qu’ils crovaient prochain. : La discorde pouvait avoir beau jeu au milieu d'une famille ainsi reduite, et si cruellement eprouvee, elle ne manqua pas de venir s’y installer, et pour peindre en quelques mots cette situation, il nous suffira de rap- peler qu’au printemps de 1857, Tun des gerants faisaij annonccr dans un journal de St-Louis : que les demo- crates fran^ais, reunis a St-Louis, allaient former une Association sur les bases des idees de Lamennais pour 9 alter coloniser dans l Etat du Kansas. Pendant deux anneesentieres, le rneme homme travailla en effet. a faire abandonner par la Colonie la doctrine Icarienne, pour lui faire adopter une autre forme dissociation qu’il attribuait a Lamennais pour se donner une autorite, mais qui etait, en realite, un galimatias de son propre cru. Pour favoriser ses projets, il s’opposa autant qu’il put a l’acquisition de Cheltenham, a I’etablissement du Cours Icarien, de la Gerance unique, a la publica¬ tion des comptes-rendus de la Societe; a tout ce qui devait donner la vie et l’activite a la Colonie. Il pensa un moment reussir; quand une protestation energique des Icariens de Paris, decida la majorite a mettre fin a cette intrigue, et for^a ii la retraite l’intrigant et ses 18 complices. Celle male resolution sauva Jcarie. mais elle perdit un tiers de son personnel; exeita an plus haul point, contre elle. toutes les passions des deserteurs, anciens et nouveaux. Et c’est an mois de mars 1859 que ces derniers faits s’accomplissaient. Eh bien ! quelle est done aujourd’hui la situation de la Colonie. • : I Les lettres de divers membrjes de la Societe que nous avons inserees dans notre septierne livraison, la l re lettre a Gorilla, etc., sont autantde documents ou nous pouvons puiser nos renseignements, or. de toutes ces pieces, il resulteque: cliaque menage est loge dans une grande chambre aeree et eclairee par deux grandes fenetres; que les celibataires out une chambre sembla- ble pour deux avec cbacun leur lit: que les services de la cuisine et du refectoire sont bien et convenablement organises; que la petite ecole recoit tons les enfants de 2 a 5 ans; que les jeunes filles et les ieunes garcons de de 5 a 15 ans, sont eleves dans deux ecoles separees; qne les trois repas se prennent en commun dans un vaste refectoire, sauf pour les citoyennes qui font leur repas du matin avec du cafe au lait qu’elles prennent chez elles avant d’aller au travail. La Societe possede maintenant une magnifique pro¬ priety a quelques minutes de Saint-Louis, on elle est chez elle; sur laquelleelle a eleve deja une dizaine de constructions pour logements, ateliers, magasins, etc. Elle a des chevaux, des vaehes, des pores, de la volaille; elle a organise des ateliers de Tailleurs. de Cordonniers, de Menuisiers, de Charpentiers, de Peintres, de Macons, de Forgerons, de Lingerie, de Confection , de Blanchis- sage, et de Repassage. Elle a defriche et cultive en jardin — 411 - potager une grande partie de la propriety (sept a liuit hectares). Elle a pourvu les ateliers d’outils et d’ins- truments de toute sorte; elie a achete et installe une machine a vapeur de douzc chevaux, etc., etc. Voici pour le cote materiel. Pour le cote moral, elle a rempli ses engagements de 1856, en constituant la gerance unique, en organisantle travail et la production, en inslituant le Cours Icarien. Elle a regagne par des admissions successives le per¬ sonnel que lui avaient fait perdre, et sa situation criti¬ que en 1857, et ses dechirements interieurs. Tous les services sont organises et n’ont plus qu’a se developper a mesure que le personnel et les resources financiers augmenteront. Telle est aujourd’liui la situa¬ tion de la Colonie Icarienne. Et on voudrait que nous croyions a la sincerity de ceux qui disent qu’ils se retirent, parce qu’ils n’ont pas toi en son avenir; que son developpement n'est pas assez rapide! Non, nous n’y croyons pas, ce que nous croyons, c’est qu’ils ont succombe a la tentation des instincts egoistes, mal eteints dans leur cceur, et que hi perspective d'un travail bien retribue a ralluinee en fai - sant briber a leurs yeux les decevantes promesses de la fortune. Pour courir apres ce chimerique avenir, ils abandonnent leurs freres, ils desertent leur drapeau, ils renoncent a toute vie morale pour se jeter a corps perdu dans la lutte des interets; ils n’hesitent pas a condamner leurs enfants a cette vie d’incertitude et de tempete qu’hier ils consideraient comme uu supplice permanent! Aucune consideration lie les arrete plus, des qu’ils se sont enivres avec la pensee les malheureux ! ce sont des fous bien a quele temps se chargera de guerir. — un — Nous crovons avoir suffisamment demontre que les progres de la societe ont ete aussi complets et aussi rapides, dans ces quatre dernieres annees, qu’il etait raisonnable de l’esperer 1 . Mais quand bien meme le con- traire existerait, le moyen d’activer sa marche ne serait certainement pas de l’abandonner, et nous disons plus, si ses progres n’ont pas ete plus rapides encore, ce sont principalement les retraites qui en ont ete la cause; mais quand nous comparons la situation presente a celle que nous avons enumeree plus haut, nous eprou- vons, rnalgre tout, une vive satisfaction. Est-ce a dire que tout est termine, qu’il n’y a plus aucun effort afaire? non certes, nos amis doivent s’ar- mer de courage et perseverer avec energie dans la voie de production qu’ils ont inauguree an printemps de l'annee59; ils doivent en meme temps etre modeste dans leur ambition, se contenter de peu et compter sur leur perseverance : le bien-etre etla fortune ne sont pas i’ceuvre d’un jour, pas plus pour les soeietes que pour les individus. Si les Icariens de Cheltenham manquent encore de quelques-unes des choses que procure l’ai- sance, ils peuvent s’en consoler en jetant un regard sur la position de ceux de leurs freres qu’ils ont laisses en Europe; ceux-la non plus ne jouissent pas de toutes les commodites de la vie, et nous en connaissons plus d*un qui se sont abandonnes au desespoir, qui ont renonce a aller en Icarie, par l’impossibilite ou ils se sont vus de pouvoir jamais economiser les 300 fr. necessaires pour leur voyage; nous connaissons des travailleurs, ranges, economes, qui depuis vingt ans. trente ans, if ont pu faire autre chose que de vivre au jour le jour ; amassant quelques sous pendant les mois de bonne saison, pour pouvoir vivre pendant les mois de chomage, I — 413 — accomplissant, pour ainsi dire, un travail d’ecureuil. marchant toujours et arrivant invariablement an memo point: preuve evidente de Timpuissance desefforts indi- viduels, pour assurer l’independance et l’avenir des tra- vailleurs. i Que nos freres de la Colonie le saclient bien, la per- i severance est une condition indispensable pour s’assurer le fruit de tous leurs efforts, de tous leurs sacrifices. Que nos freres du dehors eessent do desesperer de 1’avenir, qu’ils reprennent confiance en eux-memes, et qu’ils aient foi en la solidarity, ceque chacun d’eux est impuissant a realiser seul, les efforts de plusieurs reu- uis, l’accompliront facilernent; ils n’ont besoin que de mettre en pratique cette devise : Chacun pour tous. TOUS POUR CHACUN. Le nombre des travailleurs dans la Colonie est a peu pres de deux sur trois personnes. Cette rnoyenne me parait plus elevee que partout ailleurs. Cela ne suppose qu'un enfant par menage en rnoyenne. Bien que la charge qui en resulte soit necessairement considerable pour une colonie naissante. elle n’est pas au-dessus des forces de la Cornmunaule. ii *; ' } I %' f i . t , • ' • ' t i* » ' . ; V ■ A 4 \ f \ Le tableau du gain et de la depense nous apprend (pie le gain aete inferieur aux previsions du budget de 1860 de doll. 119 08 pour le premier semestre , ce qui doit etre attribue a la langueur des affaires qui se fait sentir aussi bien en Amerique qu’en Europe, quokpie avec un peu moins d’intensite peut-etre. Neanmoins, le tableau comparatif des gains pour le premier semestre - m — de 1859 et le premier semestre de I860, nous prouve assez le pas immense que la Golonie a fait dans la voie de la production. Ainsi, tandis que le total du gain n’etait que de doll. 4,074.57 en 1859, il s’eleve a 5,916.44 en 1860, soit 1,841.87 en plus pour cette annee, ou 9,669 fr. 82 c. D’un autre cote les depenses du semestre excedent les previsions du budget de doll. 477.88, ce qu’il faut attri- buer sans doute au rencherissement des vivreset autres approvisionnements. Le tableau comparatif des depen¬ ses du l er semestre de 1859-60, nous apprend que les depenses qui n’avaient ete que de doll. 3,993,17 en 1859, se sont elevees a 4,410 82 en 1860, soit 8,417 88 en plus pour cette annee que pour 1859. Mais re qu’il importe de remarquer, c’est le rcsultat net des deux semestres : en 1859, le gain avait excede la depense de doll. 81.40 ou 427 fr. 75. En 1860, l’ex- cedant sur la depense est de doll. 1,505,62 ou 7,904 fr. 50, nous dirons avec le cit Mercadier que ces chiffres n’ont pas besoin de eommentaires, c’est une reporise qui nous semble suffisamment concluante a ceux qui desesperent du progres de la Golonie. C’est aussi l’occa- sion de rappeler a nos co-religionnaires du dehors, que quand nous insistons aupres d’eux, pour les engager a aider la Golonie par leur souscription, nous ne leur demandons pas pour que la Colonie puissevivre; les chiffres qui precedent prouvent surabondamment que la Golonie peut se suffire a elle-meme. Ce que nous leur demandons, e’est d’aider la Colonie a former un capital qui lui permette de realiser des benefices plus conside¬ rables, afin de hater son developpement dans l’interetde tous. Nous ne cesserons de le repeter, si nous voulons — U1S — serieusement, si nous voulons qu’elle exerce one legi¬ time influence sur les destinees clu peuple, il Taut y tra- vailler activement et ne pas nous contenter de fa ire des voeux steriles. Avec un capital peu considerable, lea- rie peut devenir, en quelques annees, une Societe puis- sante, par ses relations et ses affaires, et voir augmen- ter son personnel dans une proportion tres considera¬ ble. Que nos co-religionnaires y pensent., et qu’ils so persuadent bien que, si au lieu de disseniiner leurs ressources, ils veulent les concentrer sur un menie point, ils trouveront toutce quiest necessaire au deve- ioppement dont. nous parlous pour la Colonie. Aide- TOI, LE CIEL T* AIDER A ! ' T ' ' ' .. • ‘. ' * •! , ■ ■. ' c - : 'l i/V '. I fit» Le tableau du gain de chaque inois du sernestre, de- niontre que la Colonie est soumise aux alternatives de bonne et de morle saison, absolument comme le sont les travailleurs dans l’individualisme. La difference est si grande entre les gains des mois de bonne saison et eeux de la mauvaise, que dans le mois de fevrier, par exemple, il n’est que du quart environ de ce qu’il est au • • . . raoisd’avril, et qu’iln'atteint pas lamoitiedela moyenne de tous les mois reunis. Tout le monde cdmprend que <-’est la un mat tres considerable. Eh bien! le mal dis- paraitra des que la Colonie pourra disposer d’un capita! qui lui permettra d’entreprendre des travaux pour son prop re compte, et d’organiser d’autres industries qui produiraient dans les moments ou ceux qu’elle a en ce moment se trouvent necessairement en souffrance, et occuperaient les travailleurs qui ne seraient pas neces- - 416 — saires dans ces ateliers. 11 n’est pas besoin de demon- trer cela, pour que chacun le comprenne, ce sont les ehoses les plus elementaires. Travaillons done sans relache a la formation de ce capital si necessaire. IV. Pour notre compte, nous avons fait et nous ferons toujours ce qui dependra de nous pour accelerer le pro- gres de notre entreprise. Tu as vu dans nos lettres anterieures, les reductions que nous nous sommes effor- ees de faire sur les depenses du Bureau de Paris. La reduction que les citoyennes Cabetet le citoyen Beluze ont faite sur leurs traitements, produira une diminu¬ tion d’environ 1,000 fr. dans les depenses des six der- tiiers rnois de 1860. Le citoyen Mercadier dit que nous en ferons l’usage que nous jugerons le plus utile. Nous I’emploierons au plus presse, c’est-a-dire a augmenter la somme que les Icariens du dehors doivent fournir pour aider la Colonie a faire des paiements. V. i \ ^ . N La Colonie a rintention de regler d’une maniere deii- nitive la situation du Bureau de Paris; a cet elfet, l’Ad- ministration propose un projet de loi que nous livrons a Fappreciation de tous les Icariens. Nous les engageons a I’examiner attentivement et a envoyer leur opinion a la Colonie. Chacun pent exprimer ses sentiments a ce sujet par lettre particuliere, ou collectivement par lettres collectives, apres en avoir confere en commun. Ce pro¬ jet de loi doit etre considere comme un appel fait a la famille Icarienne : pour avoir son opinion sur cette question, nous engageons en consequence a y repondre le plus tot possible. Nous n’insisterons pas sur la neces¬ sity de le faire franchement et nettement, nous avons § ' assez de confiance dans l’independance de nos co-reli- gionnaires pour le croire inutile. On pourra adresser les lettrcs, en les affranchissant, a M. Mercadier, Post-office Box n° 3602, a Saint-Louis de Missouri, fitats-Unisd’Amerique, oubien aM. Beluze, rue Baillet, n° 3, a Paris, en envoyant 80 centimes en timbres-poste pour raffranchissement. Chacun coniprend que linventaire du Bureau n’est qu’une formule de comptabilite, et que le Bureau n’a reellement ni actif ni passif. C’est-a-dire que, dans 1’etat des choscs, son actif comme son passif appartien- nent a la Oolonie. VII. Chacun apprecie l’immense avantage que donne a une societe, Tetablissement d’un budget, ou les recettes et les depenses sont determinees d’avance, en prevision des ressources et des besoins de la Societe. Ce ivest qu’en 1859 que la Colonie Icarienne a pu etablir le sien; celui que LAdministration avait dresse pour 1860, nous a servi a nous guider au milieu des embarras que pre- sentait notre situation, il est probable que sans cette precaution, nous nous serions trouves aux prises avec des dangers tres graves qu’il nous a etc permis d’eviter. Grace a cette innovation dans l’organisation de la Colonic, il nous sera toujours permis de prejuger par avance de la marche de nos affaires, et par suite de.diri- ger en consequence nos operations. A l’avenir, la publi¬ cation du budget sera attendue chaque annee avec une grande impatience, puisque par lui on connaitra les entreprises que la societe se proposera de faire. Cependant, les avantages que la societe recueillera de' la formation de son budget annuel, n’est pas le seul bien que nous en esperons, nous en attendons un bien plus grand encore, et plus general. En effet, s’il est sur qu’une societe a un tres grand avantage a determiner a Tavance ses recettes et ses depenses, il n’est pas moins certain que chaque individu ou chaque famille y trou- verait des avantages non moins grands, et ce qui nous entraine a fonder de si grandes esperances sur cette institution, e’est que nous esperons que les Icariens du dehors en prendront l’habitude, et que dans quelques annees, tous nos co-religionnaires auront leur budget particulier, sur lequel ils regleront leur conduite pen¬ dant tout le cours de I’annee. Nous les convions tous a le faire, et nous leur garan- tissons qu’ils s’en trouveront bien. Nous les engageons a ne pas s’arreter devant cette pensee: quecela ne s’est jamais fait; que cela irajoutera rien a leur gain, etc., toutes raisons que la paresse ne manque pas de suggerer chaque fois que la raison propose de faire une chose utile qui doit couter quelque peine. Sans doute cela ne s’est jamais fait ou du moins bien rarement; mais il i 1 . • \ . y a bien d’autres choses qui ne se sont pas encore faites et que nous voudrions voir faire, commencons done par celles qui sont a notre portee et qui ne nous coutant — 419 — qu’un peu de peine, peuvent nous etre d’une grande utilite. Ce n’estpas d’ailleurs d’une difficulte insurmon- table, comine on va le voir: II n’est pas bien difficile pour un ouvrier, par exem- ple, de calculer la probability de son gain pendant l’an- nee, qu’il soit a la journee ou aux pieces, il peut toujours savoir approximativement ce qu’il gagnera par jour, par semaine, par mois et par annee. 11 faut commence!* par la et prendre une moyenne, plutot au-dessous qu’au dessus du probable, afin de laisser une certaine marge aux eventualites defavorables. Si on est marie on fait necessairement entrer le produit du travail de la femme dans les elements des reeettes du budget. Une fois que vous avez votre chiffre de recette, vous etablissez le chiffre des depenses en commencant par l’indispensable, et dans l’ordre suivant : Nourriture; n * Loyer; Blanchissage; Entretien, en detaillant chaque partie : v elements, linge, chaussures; Chauffage; Eclairage; Icarie. Nous portons Icarie dans le budget comme chose ne- cessaire, parce que, pour toutlcarien, la souscription ii 5 centimes doit etre consideree, en effet, comme une ne- cessite. • i * • • Nous aurons occasion de revenir sur cette question qui doit etre consideree comme une mesure d’ordre et d’economie. — 420 — VIII. Nos Freres de Cheltenham n’ont pas cru d’abord que la souscription en faveur des Icariens utiles et meri- tants, puisse etre uue operation utile ; ils nel ’admettent meme pas aujourd’hui, commepouvant alleger les char¬ ges du Bureau de Paris. Cependent il pense qu’il est bon d’en essayer pour voir ce que Fexperience produira. Pour nous, notre sentiment n’a pas change a cet egard. Nouscroyons qu’elle sera eminememment utile a Icarie et que, si elle ne fait pas disparaitre d’une maniere di- recte les charges de la propagande, elle contribuera d’une maniere tres active au developpement de la Colo- nie, soit en kii fournissant des travailleurs utiles qui augmenteront la production, fortifieront les industries deja organiseesou en organiseront denouvelles, etc., et c’est le point essentiel. Je me preoccupe peu, a vrai dire, que les recettes et les depenses de la propagande se balancent exactement, et que les avantages se pro- duisent d’une faconplutot que d’une autre. Ce qui m’in- teresse et me preoccupe avant tout, c’est le developpe¬ ment de la Colonie. Eh bien! j’ai la conviction que la souscription dont nous venous de parler est Tune des operations qui peuvent le pluscontribuer a son develop¬ pement et a sa prosperity. Nos amis de Cheltenham di- sent bien : c Que ceux qui sont devoues a Icarie vien- nent travailler avec nous a sa fondation ! » Cela est tres bien et tres juste , mais pour aller travailler a Chelte- nham a la fondation d’Icarie, il faut avoir l’argent ne- cessaire pour faire le voyage. Eh bien! nous connais- sons beaucoup d’Icariens tres desireux d’aller a la Co- m — lonie, qui y seraient tres utiles, tant a cause de leur Industrie que par les bonnes qualites dont ils donne- raient l’exemple; mais qui sont et seront probablement toujours dans 1’impossibilite de s’y rendre, a cause des frais de voyage pour eux et leur famille. Nous connais- sons meme beaucoup de jcunes gens qui sont dans le memecas. Nous savons bien que, pour ces derniers, on nous dira : mais, s’ils sont lcariens, ils travailleront et auront bientot economise de quoifaire leur voyage. Cela est vrai, et il devra bien en etre ainsi pour la plupart; mais il leur faudra un an, deux ans meme, pour avoir la somme necessaire, et pendant ce temps, que d’eve- nemcntsqui peuventvenir compliquer leur situation et retarder encore leur depart! Combien de jeunes lilies aussi qui sont douees des meilleures qualites, et que la meme question empeche de parlir? Que de 1‘ois n’avons-nous pas vu de bons, d’excellents lcariens, prets a partir, annoncant leur depart pour dans six mois, troismois meme., et a qui un evenement fortuit. une maladie, un manque d’ouvrage de quelques semai- nes seulement, enlevc une partie del’epargneet les force d’ajourner encore, faute d’une centaine de francs, de moins meme. Que le meme accident se renouvelle, le decouragement arrive, on croit a Timpossibilite d’at- teindre le but, et on cesse de faire des efforts dans ce sens; tandis qu’une main fraternelle tendue en temps opportun, les eut sauves, en assurant leur concours a I’ceuvre humanitaire. Que d’exemples nous pourrions citer a bappui de ce que nous venons de dire! Aussi, croyons-nous qu’il est sage, qu’il est moral d’inaugu- rer parmi nous une solidarity plus efficace, et nous af- firmons que roeuvre que nous avons proposee est erni- — h 22 — neimnent iearienne, etnous sornmcs heureux de voir qu’elle a recu dans la Colonie comme au dehors une approbation unanime. Nous aurions voulu qu’elle fut mise en pratique des cette annee, cependant; les besoms de la colonie nous ayant obliges a ouvrir une souscription pour un emprunt extraordinaire, nous avons cru devoir Fajour- ner a Fannee prochaine. IX. Nous rapppelons encore a tous nos co-religionnaires, ce que nous leur disions dans notre derniere lettre au sujet de la souscription extraordinaire remboursablc dans un an. Et nous leur repetons ce que nous leur disions plus haut: ce n’est pas pour vivre que la Colo¬ nie abesoin de votre concours, puisqu’elle a gagne pres de huit mille francs de plus qu’elle n’a depense dans un seul seraestre; si elle vous fait appel c’est pour se debarrasser des anciennes dettes qui encbainent son credit et retardent son developpement. C’est done pour agrandir Icarie que votre concours est necessaire, et si nous vous conjurons de faire les plus grands efforts, c’est dans votre interet a tous. C’est le 29 de ce mois que nous eomptons faire a la ('oionie un envoi de fonds qui devra leur parvenir avant la fin de decembre, que tous ceux qui ont quelques sommes a nous faire parvenir veuillent bien nous les adresser avant cette date. : : '• .a./. S - * * - 423 — Nous avons la satisfaction d’annoncer a nos amis et aux families qui y sont interessees, que nos co-religionnai- res qui se sont embarques au Havre le 16 aout dernier, sur le navire le Bemberg, sont arrives a la Nouvelle- Orleans le 9 octobre, tons en bonnne sante. Ils nous out aiinonce leur arrivee par une lettre du 10 et ils se preparaient a partir le lendemain pour St-Louis. ils ont du arriver a Cheltenham du 18 au 20. Le premier eourrier nous apprendra sans doute qu’ils y sont ins- talles. C’est un nouveau renfort d’une vingtaine de person - nes que la Colonie vient de recevoir, et comme tous les membres de ce depart exercent des professions utiles; que la plus grande partie sont des Icariens eprouves: nous avons la plus grande confiance que leurs concours sera tres utile a Icarie. Nous aimons a croire que tous seront a la hauteur de la mission qu’ils ont volontaire- ment acceptee. Plus nous irons en avant, plus nous aurons de chances de probability, que les nouveaux venus dans la Colonie auront les qualites esssentielles pour faire de bons Icariens, parce que cbaque jour la lumiere se fait davantage sur noire entreprise, et que cbaque partant en comprendra inieux le but et la (>ortee. On a deja remarque que les Icariens qui composaient les departs precedents, etaient mieux prepares a la vie commune; qu’ils avaient plus generalement les quali¬ tes icariennes que par !e passe. Cela tient surtout a ce (|ue la propagande Icarienne a sensiblement change de i caractere depuis dix ans ; qu’elle est devenue plus pra¬ tique si je puis m’exprimer ainsi. Cette question de la propagande est tout a fait capitale a nosyeux; aussi nous nous proposons d’y revenir : dans nos prochaines lettres, nous examinerons le caractere de la propa¬ gande Icarienne, son but et son influence sur la societe. XI. Biographie de M. Cabet. Nous allons enlin commencer la publication de cet important travail, que des circonstances independantes de notre volonte nous avaient forces d’ajourner. Nous ne negligerons rien pour que cette oeuvre soit aussi complete que possible, et nous tacherons quelle soit digne du caractere de lhomme dont nous nous propo¬ sons de raconter la vie. Notre ami, M. H. Carle, a bien voulu se charger du ravail litteraire de cette oeuvre. Sa precieuse collabora¬ tion nous assure une perfection dans la forme , une hauteur de vue dans l’appreciation des faits et des idees, qui ne manqueront pas d’ajouter encore de la valeur et de l’attrait aux choses que nous avons a raconter. Pour faire connaitre M. Cabet, nous aurons souventa entrer dans le domaine de l’histoire contemporaine a iaquelle son nom a ete mele pendant une periode de trente ans , et qui a souleve dans le meme temps, les coleresles plus violentes, les sympathies et les devoue- ments les plus absolus. Nous aurons a ecarter le voile qui cache encore la verite sur bien des evenements, et nous — 425 — le ferons sans hesiter, afin de rendre aux fails leur veritable caractere. * Nous nous atta^herons surtout a bien preciser le sens et la portee des oeuvres de ce philosophe eminent, si mal connu encore aujourd’hui. Maintenant que les passions soulevees autour de son 110 m, ont eu le temps de se calmer, il est temps d’examiner avec sang-froid sa doc¬ trine et sa vie. Ma prochaine lettre, qui commencera le deuxieme volume des Letires Icariennes , contiendra les deux pre¬ miers chapitres de la vie de M. Cabet. ' . f , f til S J ) I 4 H It * I I i ■» ' • J I XII. A NOS ABONNES. 9 4 t » ‘ i i *1 < I » J % ' , 4 .v ( < t "■ * ’t v, *• r *‘ • • * ‘1 , i ■ ' * , 1 • y vf 9 Cette lettre est la derniere du premier volume des des Lettres Icariennes. II nous reste encore une cin- quantaine d’exemplaires de chaque livraison que nous cederons au prix de 3 fr. 50 c. a ceux de nos abonnes qui desireraient se les procurer. Nous engageons tous ceux qui veulent recevoir la Biographie cle M. Cabei a nous envoyer leur abonne- ment le plus tot possible. Notre premier tirage se fera a un nombre limite , etant obliges de timbrer a cause du mode de publication par livraison. Nous ne pourrons plus completer l’ouvrage, une fois que les premieres livraisons seront. epuisees, et nous ne ferons un second tirage que quand la publication sera completement. achevee. Nous pensons que l’ouvrage complet comprendra dix ou douze livraisons de deux feuilles, de quarante-huit — lx 26 — -pages, qu’on recevra franco . par laposte, au prix dc* 55 centimes par livraison. Dans tous les cas, nous nous engageons a dormer l’ouvrage comylet an prix de 6 francs, que tout abonne, aura la faculte de payer en deux fois. Tout abonne qui paiera 5 fr. a'la fois, et d’avance, recevra egalement pour cette somme l’ouvrage complet:quel que soit le nombre de livraisons, nous comptons faire paraitre une livraison toutes les quatre a cinq semaines. Pour les abonnes actueis , ils pourront eom prendre dans rabonnement pour le deuxieme volume qui eon- tiendra la Biographic , ce qui leur reste d'argent verse ; apres le paiement de cette neuvieme livraison. Chaque abonne peut se rendre compte de ce qui peut rester a 1’avoir de son compte, en calculant le nombre de livrai¬ sons qu’il a recues a raison de 55 centimes l’une. Comme nous nous proposons de publier la premiere livraison du 15 au 20 decembre prochain, nous enga¬ geons tous ceux qui voudront la recevoir, a nous adres- ser leur abonnement, avantle 15 duditmois, en un man- dat sur la poste. XIII. Un de nos co-religionnaires du departement des Rouches-du-Rhone nous communique^ une idee que nous croyons devoir transmettre a nos amis pour qu’ils en fassent leur profit. < Une idee que je ne vous avais pas communiquee » parce que je croyais moi-meme la mettre en pratique > dans finteret de fecolc Icarienne; ne pouvant le faire * cette annee, je me contente de vous Y exposer. / > Chaeun de nous a un ire re. une soeur, des amisaqui, » quelquefois, on doit quelque obligation, l’epoque de b la nouvelle annee arrive, on se creuse la tete pour j) rechercher quel sera U cadeau de l’amitie ou de » la reconnaissance, et le plus souvent on se trouve » embarrasse : pourquoi ne saisirions-nous pas cette » occasion pour repandre les oeuvres de notre maitre? » surtout le Voyage en Icarie et le Vrai ChristianismeX » II me semble que de semblables dons seraient a la fois > intructifs et agreables. » Une des vieilles calonmies dirigees contrc les Icariens, c’est de dire que les Communistes sont des paresseux; il est bon de faire connaitre le veritable sentiment des Icariens sur cette question, c’est a cetitre que nous re- produisons la piece suivante, eomposee pour le Cour? Icarien par Tun de nos Freres de la Colonie : - • ... - * « . > i LE TRAVAIL. *. I , A Quels bruits frappent J’oreille ?... D’ou viennent ces echos repercutes de Tun a l’autre pole, d’un bout de la terre a Fautre, sur tous les points de Funivers; remplis- sant Fair, montant dans l’espaee, egaux comme un concert, puissants nomme un chant solennel, sonores comme un cri d’allegresse ? C’est la voix du travail. L’abeille qui butine, la fourmiqui engrange, Foiseau qui couve et cbante, le boeuf qui trace le sillon, I’homme qui laboure, seme, moissonne, martelle, coud, batit, etc., etc., tout jusqu’a la terre qui tourne, le solei* qui brille, l’etoile qui scintille, jusqu’au zephir qui murmure; tout se meut, tout fonctionne, tout travaille. — '428 * Toutes ces individualites, confondues dans une loi supreme et commune de production, chacune d’elles dans les limites de son domaine, de sa constitution, de ses forces, de ses moyens ; contribue a former ce que Fon appelle le mouvement, la vie : leurs occuppations journalieres sont une affirmation quotidienne de leur organisme; elles sont une eloquente priere a la nature. « Quiconque ne travaille pas, ne doit pas manger, » a dit St.-Paid, Tun des plus grands docteurs de la civili¬ sation chretienne, car le parasite est indigne de vivre; i Fayant point de but dans la creation, ne se proposant aucun effet, il est une cause inutile, absolument com¬ parable a la roue d’un char qui ne tournerait pas; le parasite est indigne d’aspirer Fair que la nature fait pour ceux dont les poumons, comprimes par les posi¬ tions difficiles du travail, ont besoin d’etre dilates; indigne de consommer le ble qu’elle fait germer pour ceux dont l’estomac, creuse par la fatigue, a besoin de reparations. Parasite, egoiste, improducteur, descends done au tombeau ou reforme-toi, fais-toi homme, foule aux pieds tes prejuges, saisis un outil quelconque, et v.a meler ta voix a cede de ces milliers de travailleurs qui, de Faurore au crepuscule, modulent des hymnes varies sur un motif du travail. Le mepris du travail, mepris enfante dans les siecles de tenebres, d’ignorance, et qu’on aurait du laisser au seuil du notre, existe de nos jours ; e’est un malheur, une cause evidente de terribles abus; cependant, il y a progres, et, s’il est des hommes assez niais pour se croire deshonores par ce qu’il y a de plus honorable, il en est d’autres qui pensent, le contraire , heureux et Tiers de s’intituier ouvriers! Fiers , ils ont raison de — 429 — I’etre, car c’est un noble orgueil, car ce titre est lies plus glorieux ; celui-la ne s’eflace point... II ne s’effacera ja¬ mais ; ce qu’il transinettra a la posterity ce ne sera pas un brillant ecusson, mais le genie et la force, l’adresse et la patience, les metiers et les arts, la reforme et le progres, Y amour enfln, de ce qu’on doit aimer comme une mere, comme la genereuse nonrrice qui vous tend ses riches mamelles : i’amour du travail ! Jeter quelques fleurs a ce puissant athlete, combattant chaque jour, dans l’arene de la pauvrete. Celebrer sur sa lyre le courage, l’energique vertu de ces etres dont la sublime intelligence comprend le voeu de leur na¬ ture, que Ton devrait plutot admirer et imiter que me- priser, telle est I’idee, le sentiment du poete; tel est le but qu’il se propose, sans se flatter de l’atteindre com- pletement; sa bonne volonte comblera les lacunes : il • . ' JL > 9 | se dit done, comme tant d/autres : « On le pent. —je Fessaie, un plus savant le fasse. » . % LE TRAVAIL. I Voyez ce travailleur courbe sur le sillon ; Sa main tient noblement une utile charrue, Et la sueur, Compagne du labeur, - Couvre son front; Supreme Embleme D’auguste ind^pendonce et d’humblc (lignite, — 430 Qui brillent dans les yeux de ces fils de la rue, Qui savent de leurs mains, tresser la liberte. Sur faride rocber, vuyez-vous ce mineur Entamer faiblement la pierre belas ! si dure !... Rude metier * f 1 1 .* Pour le pauvre ouvrier; Mais dans son cceur , Gandide Reside L'amour, le grand amour du sublime travail I C’est qu’il le reconnait comme un don de nature Et non comme fardeau ni comme epouvantail. * * f ' .i ’ r / f I * 1 ' i *c i I t 1 Entrez dans ces maisons, asile du produit, Contemplez du travail fintelligente armee, Grands bataillons Aflubles de haillons; La le temps fuit Sans cesse Et laisse Loin, derriere ses pas, l’indolence au pied bol. Voyez cette coborte, en vigueur cuirassee, Ge sont des travailleurs.... courbez-vous aussitot! A II Levant elle a genoux ; saluez cette masse; C’est elle qui fait vivre et ressuscite tout, Intrepide Yulcain, jamais rien ne la lasse, On entend retentir son enclume partout. C'est elle qui construit vos palais somptueux Qui laboure vos pres, grands, ce petit monde; — 431 — Elle Yous cree enfin les inoyens d’etre heureux, Et vous la regardez comme line chose immonde? All! pourquoi, s’il vous plait ? — Est-ce done que sa main Est epaisse et calleuse, et large, et forte, et dure? Vous ne savez done pas que vous mourriez de fairn Sans cet outil grossier ? — honorable parure ! , III % Le travail... gloire a lui! respect au travailleur! Le travail ennoblit, il eleve le cceur, C’est un don du passe, e’est une antique dette Ou’ici has tout mortel assume sur sa tete. De la production c’est le vaste creuset, Il sel l de base aux arts, par lui tout crolt, tout nail. A son puissant contact, l’homme acquiert de l’audace, Il afTronte les mers, il commande a Fespace, Aux divers elements; il s’en va jusqu’aux cieux, De la creation ravir le moule aux Dieux. Le flot impetueux s’arrete lorsqu’il crie : « Halte ! » Et Fonde recule, et murmure, et se plie. Aux nuages plombes, il ravit les eclairs; Sur Fade des zephirs, il traverse les airs. L’homme par le travail est maitre de la terre, Tl se rit du Destin, il brave sa colere. Le travailleur est l’homme independant toujours Faisant, de l’atelier, ses plus chores amours, Qui comprend cette loi, — puissante et naturelle, — « Protiuire est acquerir une vie eternellc, » G’est etre intelligent et progresser sans fm, » G’est etre homme, en un mot, c’est s’assurer du pain !* i J^i je pouvais ici, dans un profond delire, Travail, pour te chanter, faire vibrer ma lyre, Je voudrais te couvrir de chants harmonieux, Encenser ton chemin d’aromes precieux; Je voudrais recouvrir tes epaules viriles De la robe d’hermine aux grandioses styles, Car je te reconnais, je te reconnais, toi, Seul, oui, des nations le veritable roi! Mais il faut pour cela des muses plus austeres, lnstruites pres de toi, males, et non legeres; La mienne, jeune encore, amoureuse et sans frein, A dire tes beautes perdrait son court latin, Et la pauvrette, helas! peut-etre dans la nue, Involontairement se trouverait perdue; Mais si je ne sais pas te brillamment chanter Je puis, 6 doux echange, — humblement te hanter. C. RAYNAUD. Paris. — Imp. Felix Malteste et Cie, rue des Dcnx-Portes-St-Sauveur, 22- V'ih^- UNIVERSITY OF ILLINOIS-URBAN A 3 0112 038207475